REVUE SPIRITE JOURNAL D'ETUDES PSYCHOLOGIQUES - 1864

Allan Kardec

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Août

Dans la Revue spirite des mois de décembre 1862, janvier, février, mars et mai 1863, nous avons donné un compte rendu circonstancié et une appréciation de l'épidémie démoniaque de Morzines (Haute-Savoie), et démontré l'insuffisance des moyens employés pour la combattre. Quoique le mal n'ait jamais complètement cessé, il y avait eu une sorte de temps d'arrêt. Plusieurs journaux, ainsi que notre correspondance particulière, signalent la réapparition du fléau avec une nouvelle intensité. Le Magnétiseur, journal du magnétisme animal, publié à Genève par M. Lafontaine, dans son numéro du 15 mai 1864, en donne le récit détaillé ci-après :

« L'épidémie démoniaque qui règne depuis 1857 dans le bourg de Morzines et les hameaux voisins, situés au milieu des montagnes de la Haute-Savoie, n'a pas encore cessé ses ravages. Le gouvernement français, depuis que la Savoie lui appartient, s'en est ému. Il a envoyé sur les lieux des hommes spéciaux, intelligents et capables, inspecteurs des maisons d'aliénés, etc., pour étudier la nature et observer la marche de cette maladie. Ils ont pris quelques mesures, ils ont essayé du déplacement, et ont fait transporter ces filles malades à Chambéry, à Annecy, à Evian, à Thonon, etc. ; mais les résultats de ces tentatives n'ont point été satisfaisants ; malgré les traitements médicaux qu'on a jugé convenable d'y joindre, les guérisons ont été peu nombreuses ; et lorsque les malheureuses filles sont revenues au pays, elles sont retombées dans le même état de souffrance. Après avoir atteint d'abord les enfants, les jeunes filles, cette épidémie s'est étendue aux mères de famille et aux femmes âgées. Peu d'hommes en ont ressenti l'influence ; cependant, il en est un auquel elle a coûté la vie ; ce malheureux s'était glissé dans un espace étroit, entre un poêle et un mur, dont il prétendait ne pouvoir sortir ; il est resté là pendant un mois, sans vouloir prendre aucune nourriture ; il y est mort d'épuisement et d'inanition, victime de son imagination frappée.

Les envoyés du gouvernement français ont fait des rapports, dans l'un desquels M. Constant, entre autres, déclarait que le petit nombre de guérisons accomplies chez cette population étaient dues au magnétisme employé par moi, à Genève, sur les filles et sur les femmes qu'on m'avait amenées en 1858 et 1859.

Nos lecteurs savent que ce fléau, attribué par les bons paysans de Morzines, et, ce qui est plus fâcheux, par leurs conducteurs spirituels, à la puissance du démon, se manifeste chez ceux qu'il saisit par des convulsions violentes accompagnées de cris, de maux d'estomac et des faits de la plus étonnante gymnastique, sans parler des jurements et autres procédés scandaleux dont les malades se rendent coupables sitôt qu'on les contraint à entrer dans une église.

Nous sommes parvenus à guérir plusieurs de ces malades, qui n'ont subi aucune autre attaque tant qu'ils ont habité loin des influences fâcheuses de la contagion et des esprits frappés de leur pays ; mais à Morzines le mal horrible n'a pas cessé de faire des ravages parmi cette malheureuse population, et le nombre de ses victimes est au contraire allé croissant ; en vain a-t-on prodigué les prières et les exorcismes, en vain a-t-on transporté les malades dans les hôpitaux de différentes villes éloignées, le fléau, qui s'attache en général aux jeunes filles dont l'imagination est plus vive, s'est acharné sur sa proie, et les seules guérisons que l'on ait pu constater sont celles que nous avons opérées et dont nous avons rendu compte dans notre journal.

Enfin, à bout de moyens, on a voulu tenter un grand coup ; Mgr Maguin, évêque d'Annecy, fit annoncer dernièrement qu'il se rendrait à Morzines, tant pour confirmer ceux des habitants qui n'avaient pas encore reçu ce sacrement, que pour aviser aux moyens de vaincre la terrible maladie. Les bonnes gens du village espéraient merveilles de cette visite.

Elle a eu lieu samedi 30 avril et dimanche 1er mai, et voici les circonstances qui l'ont signalée.

Samedi, vers quatre heures, le prélat s'est approché du village. Il était à cheval, accompagné d'un grand nombre d'ecclésiastiques. On avait cherché à réunir les malades dans l'église ; on en avait contraint quelques-unes à s'y rendre. « Dès que l'évêque eut mis le pied sur les terres de Morzines, dit un témoin oculaire, les possédées, sentant qu'il s'approchait, furent saisies des convulsions les plus violentes ; et en particulier, celles qui étaient renfermées dans l'église poussèrent des cris et des hurlements qui n'avaient rien d'humain. Toutes les jeunes filles qui, à diverses époques, avaient été atteintes de la maladie, en subirent le retour, et l'on en vit plusieurs, qui depuis cinq ans n'en avaient reçu aucune atteinte, tomber en proie au paroxysme le plus effrayant de ces horribles crises. » L'évêque lui-même pâlit à l'ouïe des hurlements qui accueillirent son arrivée ; néanmoins il continua à s'avancer vers l'église, malgré les vociférations de quelques malades, qui avaient échappé aux mains de leurs gardiens pour s'élancer au-devant de lui et l'injurier. Il mit pied à terre à la porte du temple et y pénétra avec dignité. Mais à peine y fut-il entré, que le désordre redoubla ; ce fut alors une scène véritablement infernale.

Les possédées, au nombre d'environ soixante et dix, avec un seul jeune homme, juraient, rugissaient, bondissaient en tous sens ; cela dura plusieurs heures, et lorsque le Prélat voulut procéder à la confirmation, leur fureur redoubla, s'il est possible ; on dut les traîner près de l'autel ; sept, huit hommes durent plusieurs fois réunir leurs efforts pour vaincre la résistance de quelques-unes ; les gendarmes leur prêtèrent main-forte. L'évêque devait partir à quatre heures ; à sept heures du soir il était encore dans l'église, où l'on ne pouvait venir à bout de lui amener trois malades ; on parvint à en traîner deux, haletantes, l'écume à la bouche, le blasphème aux lèvres, jusqu'aux pieds du prélat. La dernière résista à tous les efforts ; l'évêque, brisé de fatigue et d'émotion, dut renoncer à lui imposer les mains ; il sortit de l'église, tremblant, bouleversé, les jambes couvertes de contusions reçues des possédées tandis qu'elles se démenaient sous sa bénédiction.

Il quitta le village en laissant aux habitants de bonnes paroles, mais sans leur cacher l'impression profonde de stupeur qu'il avait éprouvée en présence d'un mal qu'il ne pouvait se représenter aussi grand. ‑ Il termina en avouant « qu'il ne s'était pas trouvé assez fort pour conjurer la plaie qu'il était venu guérir, et en promettant de revenir au plus tôt muni de pouvoirs plus étendus. »

Nous ne faisons aujourd'hui aucune réflexion ; nous nous bornons à relater ces faits déplorables. Peut-être dirons-nous dans le prochain numéro tout ce qu'ils ont provoqué de pénible en nous. »

Ch. Lafontaine.



Voici le récit succinct que le Courrier des Alpes a donné de ces faits, et que plusieurs journaux ont reproduit sans commentaires :

« On s'entretient beaucoup à Annecy d'un incident aussi douloureux qu'inattendu, qui a signalé la tournée de Mgr Maguin, notre digne prélat. Chacun connaît la triste et singulière maladie qui afflige depuis bien des années la commune de Morzines, et à laquelle on ne sait trop quel nom donner ; la science s'y perd. Certain public a caractérisé cette maladie, qui pèse principalement sur les femmes, en appelant ceux qui en sont atteints : les possédés ; beaucoup d'habitants de la commune sont, en effet, dans la persuasion qu'un sort a été jeté sur cette localité.

On se rappelle aussi que, en 1862, un certain nombre de personnes frappées de cette étrange maladie, qui produit tous les effets de la folie furieuse sans en avoir le caractère, furent disséminées dans divers hôpitaux, sur divers points de la France, et en revinrent parfaitement guéries. Cette année, la maladie a gagné d'autres personnes et a pris, depuis quelque temps, des proportions effrayantes.

C'est dans ces circonstances que Mgr Maguin, n'écoutant que sa charité, a fait sa tournée pastorale à Morzines, et c'est au moment où il administrait le sacrement de confirmation qu'une crise s'est tout à coup emparée d'un certain nombre de ces malheureux qui assistaient à la cérémonie ou en faisaient partie. Un affreux scandale a eu lieu alors dans l'église. Les détails de cette scène sont trop affligeants pour être relatés.

Je me bornerai à dire que l'administration supérieure s'est émue de cette triste affaire, et qu'un détachement de trente hommes d'infanterie a déjà été envoyé sur les lieux ; je tiens aussi de bonne source que ce détachement sera doublé et commandé par un officier supérieur chargé d'instructions étendues. Il va sans dire que d'autres mesures seront prises, telles, par exemple, que l'envoi de médecins spéciaux chargés d'étudier la maladie ; la force armée aura pour mission de protéger les personnes. »

La science s'y perd est un aveu d'impuissance ; alors que feront les médecins ? N'en a-t-on pas déjà envoyé de très capables ? On va, dit-on, en envoyer de spéciaux ; mais comment établir leur spécialité dans une affection dont on ne connaît pas la nature, et où la science se perd ? On conçoit la spécialité des oculistes pour les affections de la vue, des toxicologistes dans les cas d'empoisonnement ; mais ici, dans quelle catégorie les prendra-t-on ? Parmi les aliénistes ? Très bien, s'il est démontré que c'est une affection mentale ; mais les aliénistes eux-mêmes ont échoué ; ils ne sont d'accord ni sur la cause ni sur le traitement ; or, puisque la science s'y perd, ce qui est d'une grande vérité, les aliénistes ne sont pas plus spéciaux que les chirurgiens. Il est vrai qu'on va leur adjoindre la force armée ; mais on a déjà employé ce moyen sans succès ; nous doutons fort qu'il réussisse mieux cette fois.

Si donc la science échoue, c'est qu'elle n'est pas dans le vrai. A cela quoi d'étonnant ? Tout révèle une cause morale, et l'on envoie des hommes qui ne croient qu'à la matière ; ils cherchent dans la matière et n'y trouvent rien ; cela prouve surabondamment qu'ils ne cherchent pas où il faut. Si l'on veut des médecins plus spéciaux, qu'on les prenne parmi les spiritualistes et non parmi les matérialistes ; ceux-là au moins pourront comprendre qu'il peut y avoir quelque chose en dehors de l'organisme.

La religion n'a pas été plus heureuse ; elle a usé ses munitions contre les diables sans pouvoir les mettre à la raison ; donc, c'est que les diables sont les plus forts, ou que ce ne sont pas des diables. Ses échecs constants, en pareils cas, prouvent de deux choses l'une, ou qu'elle n'est pas dans le vrai, ou qu'elle est vaincue par ses ennemis.

Le plus clair de tout ceci, c'est que rien de ce qu'on a employé n'a réussi, et l'on ne réussira pas mieux tant qu'on s'obstinera à ne pas chercher la véritable cause où elle est. Une étude attentive des symptômes démontre avec la dernière évidence qu'elle est dans l'action du monde invisible sur le monde visible, action qui est la source de plus d'affections qu'on ne pense, et contre lesquelles la science échoue par la raison qu'elle s'attaque à l'effet et non à la cause. En un mot, c'est ce que le Spiritisme désigne sous le nom d'obsession portée au plus haut degré, c'est-à-dire de subjugation et de possession. Les crises sont des effets consécutifs ; la cause est l'être obsesseur ; c'est donc sur cet être qu'il faut agir, comme dans les convulsions occasionnées par les vers, on agit sur les vers.

Système absurde, dira-t-on ; absurde, pour ceux qui n'admettent rien en dehors du monde tangible, mais très positif pour ceux qui ont constaté l'existence du monde spirituel, et la présence d'êtres invisibles autour de nous ; système, d'ailleurs, basé sur l'expérience et l'observation, et non sur une théorie préconçue. L'action d'un être invisible malfaisant a été constatée dans une foule de cas isolés ayant une complète analogie avec les faits de Morzines, d'où il est logique de conclure que la cause est la même, puisque les effets sont semblables ; la différence n'est que dans le nombre. Tous les symptômes, sans exception, observés sur les malades de cette localité, l'ont été dans les cas particuliers dont nous parlons ; or, puisqu'on a délivré des malades atteints du même mal, sans exorcisme, sans médicaments et sans gendarmes, ce qui se fait ailleurs pourrait se faire à Morzines.

S'il en est ainsi, dira-t-on, pourquoi les moyens spirituels employés par l'Église sont-ils inefficaces ? En voici la raison.

L'Église croit aux démons, c'est-à-dire à une catégorie d'êtres d'une nature perverse et voués au mal pour l'éternité, par conséquent imperfectibles. Avec cette idée elle ne cherche point à les améliorer. Le Spiritisme, au contraire, a reconnu que le monde invisible est composé des âmes ou Esprits des hommes qui ont vécu sur la terre, et qui, après leur mort, peuplent l'espace ; dans le nombre il y en a de bons et de mauvais, comme parmi les hommes ; de ceux qui se sont complu à faire le mal pendant leur vie, beaucoup s'y complaisent encore après leur mort ; mais, par cela même qu'ils appartiennent à l'humanité, ils sont soumis à la loi du progrès et peuvent s'améliorer. Ce ne sont donc pas des démons dans le sens de l'Église, mais des Esprits imparfaits.

Leur action sur les hommes s'exerce à la fois sur le physique et sur le moral ; de là une foule d'affections qui n'ont point leur siège dans l'organisme, de folies apparentes qui sont réfractaires à toute médication. C'est une nouvelle branche de la pathologie, que l'on peut désigner sous le nom de pathologie spirituelle. L'expérience apprend à distinguer les cas de cette catégorie, de ceux qui appartiennent à la pathologie organique.

Nous n'entreprendrons point de décrire le traitement des affections de ce genre, parce qu'il a déjà été indiqué ailleurs ; nous nous bornerons à rappeler qu'il consiste dans une triple action : l'action fluidique qui dégage le périsprit du malade de l'étreinte de celui du mauvais Esprit, l'ascendant exercé sur ce dernier par l'autorité que donne sur lui la supériorité morale, et l'influence moralisatrice des conseils qu'on lui donne. La première n'est que l'accessoire des deux autres ; seule elle est insuffisante, parce que si l'on parvient momentanément à éloigner l'Esprit, rien ne l'empêche de revenir à la charge. C'est à le faire renoncer volontairement à ses mauvais desseins qu'il faut s'attacher en le moralisant. C'est une véritable éducation à faire qui exige du tact, de la patience, du dévouement, et par-dessus tout une foi sincère. L'expérience prouve, par les résultats obtenus, la puissance de ce moyen ; mais elle démontre aussi que, dans certains cas, le concours simultané de plusieurs personnes unies d'intention, est nécessaire.

Or, que fait l'Eglise en pareille circonstance ? Convaincue qu'elle a affaire à des démons incorrigibles, elle ne s'occupe nullement de leur amélioration ; elle croit les effrayer et les éloigner par les signes, les formules et les appareils de l'exorcisme, ce dont ils se rient, et ils n'en sont que plus excités à redoubler de malice, ainsi que cela s'est vu toutes les fois qu'on a tenté d'exorciser les lieux où se produisaient des tapages et des perturbations. C'est un fait acquis à l'expérience que les signes et actes extérieurs n'ont sur eux aucun empire, tandis qu'on en a vu, parmi les plus endurcis et les plus pervers, céder à une pression morale et revenir à de bons sentiments. On a alors la double satisfaction de délivrer un obsédé et de ramener à Dieu une âme égarée.

On demandera peut-être pourquoi les Spirites, puisqu'ils sont convaincus de la cause du mal et des moyens de la combattre, ne se sont pas rendus à Morzines pour y opérer leurs miracles ? D'abord, les Spirites ne font point de miracles ; l'action curative qu'on peut exercer en pareil cas n'a rien de merveilleux ni de surnaturel ; elle repose sur une loi de nature : celle des rapports du monde visible et du monde invisible, loi qui, en rendant raison de certains phénomènes incompris faute de la connaître, vient reculer les bornes du merveilleux, au lieu de les étendre. En second lieu, il faudrait se demander si leur concours eût été accepté ; s'ils n'eussent pas rencontré une opposition systématique ; si, loin d'être secondés, ils n'eussent pas été entravés par ceux mêmes qui ont échoué ; s'ils n'eussent pas été livrés aux insultes et aux mauvais traitements d'une population surexcitée par le fanatisme, accusés de sorcellerie auprès des malades eux-mêmes, et d'agir au nom du diable, ainsi qu'on en a vu des échantillons dans certaines localités. Dans les cas individuels et isolés, ceux qui se dévouent au soulagement des affligés sont généralement secondés par les familles et l'entourage, souvent par les malades eux-mêmes, sur le moral desquels il faut agir par de bonnes et encourageantes paroles, qu'il faut exciter à la prière. De pareilles cures ne s'obtiennent point instantanément ; ceux qui les entreprennent ont besoin du calme et d'un profond recueillement ; dans les circonstances actuelles, ces conditions seraient-elles possibles à Morzines ? C'est plus que douteux. Lorsque le moment sera venu d'arrêter le mal, Dieu y pourvoira.

Au reste, les faits de Morzines et leur prolongation ont leur raison d'être, de même que les manifestations du genre de celles de Poitiers ; ils se multiplieront soit isolément, soit collectivement, afin de convaincre d'impuissance les moyens employés jusqu'à ce jour pour y mettre un terme, et de forcer l'incrédulité à reconnaître enfin l'existence d'une puissance extra-humaine.

Pour tous les cas d'obsession, de possession et de manifestations désagréables quelconques, nous appelons l'attention sur ce qui est dit à ce sujet dans le Livre des Médiums, chap. de l'obsession ; sur les articles de la Revue relatifs à Morzines et rappelés ci-dessus ; sur nos articles des mois de février, mars et juin 1864, relatifs à la jeune obsédée de Marmande ; enfin sur les nos 325 à 335 de l'Imitation de l'Evangile. On y trouvera les instructions nécessaires pour se guider dans les circonstances analogues.

Plusieurs de nos abonnés nous ont témoigné le regret de n'avoir pas trouvé, dans notre Imitation de l'Évangile selon le Spiritisme, une prière spéciale du matin et du soir pour l'usage habituel.


Nous ferons remarquer que les prières contenues dans cet ouvrage ne constituent point un formulaire qui, pour être complet, aurait dû en renfermer un bien plus grand nombre. Elles font partie des communications données par les Esprits ; nous les avons jointes au chapitre consacré à l'examen de la prière, comme nous avons ajouté à chacun des autres chapitres les communications qui pouvaient s'y rapporter. En omettant à dessein celles du matin et du soir, nous avons voulu éviter de donner à notre ouvrage un caractère liturgique ; c'est pourquoi nous nous sommes borné à celles qui ont un rapport plus direct avec le Spiritisme, chacun pouvant trouver les autres dans celles de son culte particulier. Néanmoins, pour obtempérer au désir qui nous est exprimé, nous donnons ci-après celle qui nous semble le mieux répondre au but qu'on se propose. Nous la ferons toutefois précéder de quelques observations pour en mieux faire comprendre la portée.


Dans l'Imitation, n° 274, nous avons fait ressortir la nécessité des prières intelligibles. Celui qui prie sans comprendre ce qu'il dit s'habitue à attacher plus de valeur aux mots qu'aux pensées ; pour lui ce sont les mots qui sont efficaces, alors même que le cœur n'y est pour rien ; aussi beaucoup se croient quittes quand ils ont récité quelques paroles qui les dispensent de se réformer. C'est se faire une étrange idée de la Divinité de croire qu'elle se paye de mots plutôt que des actes qui attestent une amélioration morale.


Voici du reste, sur ce sujet, l'opinion de saint Paul :


« Si je n'entends pas ce que signifient les paroles, je serai barbare à celui à qui je parle, et celui qui me parle me sera barbare. ‑ Si je prie dans une langue que je n'entends pas, mon cœur prie, mais mon intelligence est sans fruit. ‑ Si vous ne louez Dieu que du cœur, comment un homme du nombre de ceux qui n'entendent que leur propre langue, répondra-t-il Amen, à la fin de votre action de grâce, puisqu'il n'entend pas ce que vous dites ? ‑ Ce n'est pas que votre action de grâce ne soit bonne, mais les autres n'en sont pas édifiés. » (S. Paul, Ire Ép. aux Corinthiens, ch. XIV, v. 11, 14, 16, 17.)


Il est impossible de condamner d'une manière plus formelle et plus logique l'usage des prières inintelligibles. On peut s'étonner qu'il soit si peu tenu compte de l'autorité de saint Paul sur ce point, alors qu'elle est si souvent invoquée sur d'autres. On pourrait en dire autant de la plupart des écrivains sacrés regardés comme les lumières de l'Église, et dont tous les préceptes sont loin d'être mis en pratique.


Une condition essentielle de la prière est donc, selon saint Paul, d'être intelligible, afin qu'elle puisse parler à notre esprit ; pour cela il ne suffit pas qu'elle soit dite en une langue comprise de celui qui prie ; il est des prières en langue vulgaire qui ne disent pas beaucoup plus à la pensée que si elles étaient en langue étrangère, et qui, par cela même, ne vont pas au cœur ; les rares idées qu'elles renferment sont souvent étouffées sous la surabondance des mots et le mysticisme du langage.


La principale qualité de la prière est d'être claire, simple et concise, sans phraséologie inutile, ni luxe d'épithètes qui ne sont que des parures de clinquant ; chaque mot doit avoir sa portée, réveiller une pensée, remuer une fibre ; en un mot, elle doit faire réfléchir ; à cette seule condition la prière peut atteindre son but, autrement, ce n'est que du bruit. Aussi voyez avec quel air de distraction et quelle volubilité elles sont dites la plupart du temps ; on voit les lèvres qui remuent, mais, à l'expression de la physionomie, au son même de la voix, on reconnaît un acte machinal, purement extérieur, auquel l'âme reste indifférente.


Le plus parfait modèle de concision en fait de prière est, sans contredit, l'Oraison dominicale, véritable chef-d'œuvre de sublimité dans sa simplicité ; sous la forme la plus restreinte elle résume tous les devoirs de l'homme envers Dieu, envers lui-même et envers le prochain. Cependant, en raison de sa brièveté même, le sens profond renfermé dans les quelques mots dont elle se compose échappe à la plupart ; les commentaires qui ont été donnés à ce sujet ne sont pas toujours présents à la mémoire, ou même sont inconnus du plus grand nombre ; c'est pourquoi on la dit généralement sans diriger sa pensée sur les applications de chacune de ses parties. On la dit comme une formule dont l'efficacité est proportionnée au nombre de fois qu'elle est répétée ; or, c'est presque toujours un des nombres cabalistiques trois, sept ou neuf, tirés de l'antique croyance à la vertu des nombres, et en usage dans les opérations de la magie. Pensez ou ne pensez pas à ce que vous dites, mais répétez la prière tant de fois, cela suffit. Alors que le Spiritisme repousse expressément toute efficacité attribuée aux paroles, aux signes et aux formules, l'Église est mal venue de l'accuser de ressusciter les vieilles croyances superstitieuses.


Toutes les religions anciennes et païennes ont eu leur langue sacrée, langue mystérieuse, intelligible pour les seuls initiés, mais dont le sens véritable était caché au vulgaire qui la respectait d'autant plus qu'il ne la comprenait pas. Cela pouvait être accepté à l'époque de l'enfance intellectuelle des masses ; mais aujourd'hui qu'elles sont émancipées spirituellement, les langues mystiques n'ont plus de raison d'être et sont un anachronisme ; on veut voir aussi clair dans les choses de la religion que dans celles de la vie civile ; on ne demande pas mieux de croire et de prier, mais on veut savoir pourquoi l'on croit et ce que l'on demande en priant.


Le latin, d'un usage habituel aux premiers temps du christianisme, est demeuré pour l'Église la langue sacrée, et c'est par un reste du vieux prestige attaché à ces langues, que la plupart de ceux qui ne le savent pas disent l'Oraison dominicale plutôt dans cette langue que dans la leur ; on dirait qu'ils y attachent d'autant plus de vertu qu'ils la comprennent moins. Telle n'a certainement pas été l'intention de Jésus quand il l'a dictée, et telle n'a pas été non plus la pensée de saint Paul quand il dit : « Si je prie dans une langue que je n'entends pas, mon intelligence est sans fruit. » Encore si, à défaut d'intelligence, le cœur priait toujours, il n'y aurait que demi-mal ; malheureusement, c'est que trop souvent le cœur ne prie pas plus que l'esprit. Si le cœur priait réellement, on ne verrait pas tant de gens, parmi ceux qui prient beaucoup, en profiter si peu, n'être ni plus bienveillants, ni plus charitables, ni moins médisants envers leur prochain.


Cette réserve faite, nous dirons que la meilleure prière du matin et du soir est, sans contredit, l'Oraison dominicale dite avec intelligence, du cœur et non des lèvres. Mais pour suppléer au vague que sa concision laisse dans la pensée, nous y avons ajouté, d'après le conseil et avec l'assistance des bons Esprits, un développement à chaque proposition.


Selon les circonstances et le temps disponible, on peut donc dire l'Oraison dominicale simple ou avec les commentaires. On peut aussi y joindre quelques-unes des prières contenues dans l'Imitation de l'Évangile, prises parmi celles qui n'ont pas un but spécial, comme par exemple : la prière aux anges gardiens et aux Esprits protecteurs, n° 293 ; celle pour éloigner les mauvais Esprits, n° 297 ; pour les personnes que l'on a affectionnées, n° 358 ; poux les âmes souffrantes qui demandent des prières, n° 360, etc. Il est entendu que c'est sans préjudice des prières spéciales du culte auquel on appartient par conviction, et auquel le Spiritisme ne commande point de renoncer.


À ceux qui nous demandent une ligne de conduite à suivre en ce qui concerne les prières quotidiennes, nous conseillons de s'en faire soi-même un recueil approprié aux circonstances où l'on se trouve, pour soi, pour autrui ou pour ceux qui ont quitté la terre ; de les étendre ou de les restreindre selon l'opportunité.


Une fois par semaine, le dimanche, par exemple, on peut y consacrer un temps plus long et les dire toutes, soit en particulier, soit en commun, s'il y a lieu ; y ajouter la lecture de quelques passages de l'Imitation de l'Évangile, et celle de quelques bonnes instructions dictées par les Esprits. Ceci est plus spécialement à l'adresse des personnes qui sont repoussées par l'Église pour cause de Spiritisme, et qui n'en sentent que mieux le besoin de s'unir à Dieu par la pensée.


Mais, ce cas excepté, rien ne s'oppose à ce que ceux qui se font un devoir d'assister, aux jours consacrés, aux cérémonies de leur culte, d'y dire en même temps quelques-unes des prières en rapport avec leurs croyances spirites ; cela ne peut que contribuer à élever leur âme à Dieu par l'union de la pensée et des paroles. Le Spiritisme est une foi intime ; il est dans le cœur et non dans les actes extérieurs ; il n'en prescrit aucun qui soit de nature à scandaliser ceux qui ne partagent pas cette croyance ; il recommande, au contraire, de s'en abstenir par esprit de charité et de tolérance.


En considération et comme application des idées qui précèdent, nous donnons ci-après l'Oraison dominicale développée. Si quelques personnes trouvaient qu'ici n'était pas la place d'un document de cette nature, nous leur rappellerions que notre Revue n'est pas seulement un recueil de faits, et que son cadre embrasse tout ce qui peut aider au développement moral. Il fut un temps où les faits de manifestations avaient seuls le privilège d'intéresser les lecteurs ; mais aujourd'hui que le but sérieux et moralisateur du Spiritisme est compris et apprécié, la plupart des adeptes y cherchent plutôt ce qui touche le cœur que ce qui plaît à l'esprit ; c'est donc à ceux-là que nous nous adressons en cette circonstance. Par cette publication, nous savons être agréable à un grand nombre, sinon à tous. Cela seul nous eût décidé, si d'autres considérations, sur lesquelles nous devons garder le silence, ne nous eussent déterminé à le faire à ce moment plutôt qu'à un autre.


Oraison dominicale développée


I. Notre Père, qui êtes aux cieux, que votre nom soit sanctifié !

Nous croyons en vous, Seigneur, parce que tout révèle votre puissance et votre bonté. L'harmonie de l'univers témoigne d'une sagesse, d'une prudence et d'une prévoyance qui surpassent toutes les facultés humaines ; le nom d'un être souverainement grand et sage est inscrit dans toutes les œuvres de la création, depuis le brin d'herbe et le plus petit insecte jusqu'aux astres qui se meuvent dans l'espace ; partout nous voyons la preuve d'une sollicitude paternelle ; c'est pourquoi est aveugle celui qui ne vous reconnaît pas dans vos œuvres, orgueilleux celui qui ne vous glorifie pas, et ingrat celui qui ne vous rend pas des actions de grâce.

II. Que votre règne arrive !

Seigneur, vous avez donné aux hommes des lois pleines de sagesse et qui feraient leur bonheur s'ils les observaient. Avec ces lois, ils feraient régner entre eux la paix et la justice ; ils s'entraideraient mutuellement, au lieu de se nuire comme ils le font ; le fort soutiendrait le faible au lieu de l'écraser ; ils éviteraient les maux qu'engendrent les abus et les excès de tous genres. Toutes les misères d'ici-bas viennent de la violation de vos lois, car il n'est pas une seule infraction qui n'ait ses conséquences fatales.

Vous avez donné à la brute l'instinct qui lui trace la limite du nécessaire, et elle s'y conforme machinalement ; mais à l'homme, outre cet instinct, vous avez donné l'intelligence et la raison ; vous lui avez aussi donné la liberté d'observer ou d'enfreindre celles de vos lois qui le concernent personnellement, c'est-à-dire de choisir entre le bien et le mal, afin qu'il ait le mérite et la responsabilité de ses actions.

Nul ne peut prétexter l'ignorance de vos lois, car, dans votre prévoyance paternelle, vous avez voulu qu'elles fussent gravées dans la conscience de chacun, sans distinction de culte ni de nations ; ceux qui les violent, c'est qu'ils vous méconnaissent.

Un jour viendra où, selon votre promesse, tous les pratiqueront ; alors l'incrédulité aura disparu ; tous vous reconnaîtront pour le souverain Maître de toutes choses, et le règne de vos lois sera votre règne sur la terre.

Daignez, Seigneur, hâter son avènement, en donnant aux hommes la lumière nécessaire pour les conduire sur le chemin de la vérité.

III. Que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel !

Si la soumission est un devoir du fils à l'égard du père, de l'inférieur envers son supérieur, combien ne doit pas être plus grande celle de la créature à l'égard de son Créateur ! Faire votre volonté, Seigneur, c'est observer vos lois et se soumettre sans murmure à vos décrets divins ; l'homme s'y soumettra quand il comprendra que vous êtes la source de toute sagesse, et que sans vous il ne peut rien ; alors il fera votre volonté sur la terre comme les élus dans le ciel.

IV. Donnez-nous notre pain de chaque jour.

Donnez-nous la nourriture pour l'entretien des forces du corps ; donnez-nous aussi la nourriture spirituelle pour le développement de notre Esprit.

La brute trouve sa pâture, mais l'homme la doit à sa propre activité et aux ressources de son intelligence, parce que vous l'avez créé libre.

Vous lui avez dit : « Tu tireras ta nourriture de la terre à la sueur de ton front. » Par là, vous lui avez fait une obligation du travail, afin qu'il exerçât son intelligence par la recherche des moyens de pourvoir à ses besoins et à son bien-être, les uns par le travail matériel les autres par le travail intellectuel ; sans le travail, il resterait stationnaire et ne pourrait aspirer à la félicité des Esprits supérieurs.

Vous secondez l'homme de bonne volonté qui se confie à vous pour le nécessaire, mais non celui qui se complaît dans l'oisiveté et voudrait tout obtenir sans peine, ni celui qui cherche le superflu.

Combien en est-il qui succombent par leur propre faute, par leur incurie, leur imprévoyance ou leur ambition, et pour n'avoir pas voulu se contenter de ce que vous leur aviez donné ! Ceux-là sont les artisans de leur propre infortune et n'ont pas le droit de se plaindre, car ils sont punis par où ils ont péché. Mais ceux-là mêmes, vous ne les abandonnez pas, parce que vous êtes infiniment miséricordieux ; vous leur tendez une main secourable dès que, comme l'enfant prodigue, ils reviennent sincèrement à vous.

Avant de nous plaindre de notre sort, demandons-nous s'il n'est pas notre ouvrage ; à chaque malheur qui nous arrive, demandons-nous s'il n'eût pas dépendu de nous de l'éviter ; mais disons aussi que Dieu nous a donné l'intelligence pour nous tirer du bourbier, et qu'il dépend de nous d'en faire usage.

Puisque la loi du travail est la condition de l'homme sur la terre, donnez-nous le courage et la force de l'accomplir ; donnez-nous aussi la prudence, la prévoyance et la modération, afin de n'en pas perdre le fruit.

Donnez-nous donc, Seigneur, notre pain de chaque jour, c'est-à-dire les moyens d'acquérir, par le travail, les choses nécessaires à la vie, car nul n'a droit de réclamer le superflu.

Si le travail nous est impossible, nous nous confions en votre divine Providence.

S'il entre dans vos desseins de nous éprouver par les plus dures privations, malgré nos efforts, nous les acceptons comme une juste expiation des fautes que nous avons pu commettre dans cette vie ou dans une vie précédente, car vous êtes juste ; nous savons qu'il n'y a point de peines imméritées, et que vous ne châtiez jamais sans cause.

Préservez-nous, ô mon Dieu, de concevoir de l'envie contre ceux qui possèdent ce que nous n'avons pas, ni même contre ceux qui ont le superflu, alors que nous manquons du nécessaire. Pardonnez-leur s'ils oublient la loi de charité et d'amour du prochain que vous leur avez enseignée.

Ecartez aussi de notre esprit la pensée de nier votre justice, en voyant la prospérité du méchant et le malheur qui accable parfois l'homme de bien. Nous savons maintenant, grâce aux nouvelles lumières qu'il vous a plu de nous donner, que votre justice reçoit toujours son accomplissement et ne fait défaut à personne ; que la prospérité matérielle du méchant est éphémère comme son existence corporelle, et qu'elle aura de terribles retours, tandis que la joie réservée à celui qui souffre avec résignation sera éternelle.

V. Remettez-nous nos dettes, comme nous les remettons à ceux qui nous doivent. – Pardonnez-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés.

Chacune de nos infractions à vos lois, Seigneur, est une offense envers vous, et une dette contractée qu'il nous faudra tôt ou tard acquitter. Nous en sollicitons la remise de votre infinie miséricorde, sous la promesse de faire nos efforts pour n'en pas contracter de nouvelles.

Vous nous avez fait une loi expresse de la charité ; mais la charité ne consiste pas seulement à assister son semblable dans le besoin ; elle est aussi dans l'oubli et le pardon des offenses. De quel droit réclamerions-nous votre indulgence, si nous en manquons nous-mêmes à l'égard de ceux dont nous avons à nous plaindre ?

Donnez-nous, ô mon Dieu ! la force d'étouffer dans notre âme tout ressentiment, toute haine et toute rancune ; faites que la mort ne nous surprenne pas avec un désir de vengeance dans le cœur. S'il vous plaît de nous retirer aujourd'hui même d'ici-bas, faites que nous puissions nous présenter à vous purs de toute animosité, à l'exemple du Christ, dont les dernières paroles furent pour ses bourreaux.

Les persécutions que nous font endurer les méchants font partie de nos épreuves terrestres ; nous devons les accepter sans murmure, comme toutes les autres épreuves, et ne pas maudire ceux qui, par leurs méchancetés, nous frayent le chemin du bonheur éternel, car vous nous avez dit, par la bouche de Jésus : « Bienheureux ceux qui souffrent pour la justice ! » Bénissons donc la main qui nous frappe et nous humilie, car les meurtrissures du corps fortifient notre âme, et nous serons relevés de notre humilité.

Béni soit votre nom, Seigneur, de nous avoir appris que notre sort n'est point irrévocablement fixé après la mort ; que nous trouverons dans d'autres existences les moyens de racheter et de réparer nos fautes passées, d'accomplir dans une nouvelle vie ce que nous ne pouvons faire en celle-ci pour notre avancement.

Par là s'expliquent enfin toutes les anomalies apparentes de la vie ; c'est la lumière jetée sur notre passé et notre avenir, le signe éclatant de votre souveraine justice et de votre bonté infinie.

VI. Ne nous abandonnez point à la tentation, mais délivrez-nous du mal.

Donnez-nous, Seigneur, la force de résister aux suggestions des mauvais Esprits qui tenteraient de nous détourner de la voie du bien en nous inspirant de mauvaises pensées.

Mais nous sommes nous-mêmes des Esprits imparfaits, incarnés sur cette terre pour expier et nous améliorer. La cause première du mal est en nous, et les mauvais Esprits ne font que profiter de nos penchants vicieux, dans lesquels ils nous entretiennent, pour nous tenter.

Chaque imperfection est une porte ouverte à leur influence, tandis qu'ils sont impuissants et renoncent à toute tentative contre les êtres parfaits. Tout ce que nous pourrions faire pour les écarter est inutile, si nous ne leur opposons une volonté inébranlable dans le bien, et un renoncement absolu au mal. C'est donc contre nous-mêmes qu'il faut diriger nos efforts, et alors les mauvais Esprits s'éloigneront naturellement, car c'est le mal qui les attire, tandis que le bien les repousse.

Seigneur, soutenez-nous dans notre faiblesse ; inspirez-nous, par la voix de nos anges gardiens et des bons Esprits, la volonté de nous corriger de nos imperfections, afin de fermer aux Esprits impurs l'accès de notre âme.

Le mal n'est point votre ouvrage, Seigneur, car la source de tout bien ne peut rien engendrer de mauvais ; c'est nous-mêmes qui le créons en enfreignant vos lois, et par le mauvais usage que nous faisons de la liberté que vous nous avez donnée. Quand les hommes observeront vos lois, le mal disparaîtra de la terre comme il a déjà disparu dans les mondes plus avancés.

Le mal n'est une nécessité fatale pour personne, et il ne paraît irrésistible qu'à ceux qui s'y abandonnent avec complaisance. Si nous avons la volonté de le faire, nous pouvons avoir aussi celle de faire le bien ; c'est pourquoi, ô mon Dieu, nous demandons votre assistance et celle des bons Esprits pour résister à la tentation.

VII. Ainsi soit-il.

Plaise à vous, Seigneur, que nos désirs s'accomplissent ! Mais nous nous inclinons devant votre sagesse infinie. Sur toutes les choses qu'il ne nous est pas donné de comprendre, qu'il soit fait selon votre sainte volonté, et non selon la nôtre, car vous ne voulez que notre bien, et vous savez mieux que nous ce qui nous est utile.

Nous vous adressons cette prière, ô mon Dieu ! pour nous-mêmes, pour toutes les âmes souffrantes, incarnées ou désincarnées, pour nos amis et nos ennemis, pour tous ceux qui réclament notre assistance.

Nous appelons sur tous votre miséricorde et votre bénédiction.

Nota. On peut formuler ici ce dont on remercie Dieu, et ce que l'on demande pour soi-même ou pour autrui.


Destruction des Aborigènes du Mexique

On nous écrit de Bordeaux :

« En lisant, dans le Civilisateur de Lamartine, les lettres de Christophe Colomb sur l'état du Mexique au moment de la découverte, le passage suivant a particulièrement appelé notre attention :

La nature, dit Colomb, y est si prodigue, que la propriété n'y a pas créé le sentiment de l'avarice ou de la cupidité. Ces hommes paraissent vivre dans un âge d'or, heureux et tranquilles au milieu de jardins ouverts et sans bornes, qui ne sont ni entourés de fossés, ni divisés par des palissades, ni défendus par des murs. Ils agissent loyalement l'un envers l'autre, sans lois, sans livres, sans juges. Ils regardent comme un méchant homme celui qui prend plaisir à faire du mal à un autre. Cette horreur des bons contre les méchants paraît être toute leur législation.

Leur religion n'est que le sentiment d'infériorité, de reconnaissance et d'amour envers l'Être invisible qui leur avait prodigué la vie et la félicité.

Il n'y a point, dans l'univers, une meilleure nation et un meilleur pays ; ils aiment leurs voisins comme eux-mêmes ; ils ont toujours un langage doux et gracieux, et le sourire de la tendresse sur les lèvres. Ils sont nus, il est vrai, mais vêtus de leur candeur et de leur innocence. »

D'après ce tableau, ces peuples étaient infiniment supérieurs, non seulement à leurs envahisseurs, mais ils le seraient encore aujourd'hui en les comparant à ceux des pays les plus civilisés. Les Espagnols n'ont rien pris de leurs vertus et leur ont communiqué leurs vices ; en échange de leur bon accueil, ils ne leur ont apporté que l'esclavage et la mort ; ces malheureux ont été, en grande partie, exterminés, et le peu qu'il en reste s'est perverti au contact des conquérants.

« Devant ces résultats, on se demande :

Où est le progrès, et quel bien moral l'humanité a recueilli de tant de sang répandu ? Ne valait-il pas mieux que la vieille Europe ignorât le Nouveau Monde, si heureux avant cette découverte ?

A cette question, mon guide spirituel répond :

Nous te répondrions avec plaisir si ton esprit était en état de traiter en ce moment un sujet sérieux, nécessitant quelques développements spirito-philosophiques. Adresse-toi à Kardec ; cet ordre d'idées a déjà été débattu, mais on y reviendra d'une manière plus lucide que tu ne pourrais le faire, parce que tu as toujours l'esprit tendu et l'oreille au guet ; c'est une conséquence de ta position actuelle, il faut t'y soumettre. »

Il ressort de ceci une première instruction, c'est qu'il ne suffit pas d'être médium, même formé et développé, pour obtenir à volonté des communications sur le premier sujet venu. Celui-ci a fait ses preuves, mais, à ce moment, son propre Esprit, fortement et péniblement préoccupé d'autres choses, ne pouvait avoir le calme nécessaire. C'est ainsi que mille circonstances peuvent s'opposer à l'exercice de la faculté médianimique ; la faculté n'en subsiste pas moins, mais elle n'est rien sans le concours des Esprits, qui le donnent ou le refusent selon qu'ils le jugent à propos, et cela très souvent dans l'intérêt même du médium.

Quant à la question principale, voici la réponse obtenue dans la Société de Paris :



(8 juillet 1864. ‑ Médium, M. d'Ambel.)

« Sous les apparences d'une certaine bonté naturelle et avec des mœurs plutôt douces que vertueuses, les Incas vivaient nonchalamment, sans progresser ni s'élever. La lutte manquait à ces races primitives, et si les batailles sanglantes ne les décimaient pas ; si une ambition individuelle n'y exerçait pas une pression souveraine pour lancer ces peuplades à des conquêtes, elles n'en étaient pas moins atteintes d'un virus dangereux qui conduisait leur race à l'extinction. Il fallait retremper les sources vitales de ces Incas abâtardis dont les Astecs représentaient la décadence fatale qui devait frapper tous ces peuples. A ces causes toutes physiologiques, si nous joignons les causes morales, nous remarquons que le niveau des sciences et des arts y était également resté dans une enfance prolongée. Il y avait donc utilité pour ces pays paisibles d'être mis au niveau des races occidentales. Aujourd'hui on croit la race disparue, parce qu'elle s'est fondue avec la famille des conquérants espagnols. De cette race croisée a surgi une nation jeune et vivace qui, par un élan vigoureux, ne tardera pas à atteindre les peuples du vieux continent. De tant de sang versé que reste-t-il, demande-t-on de Bordeaux ? D'abord, le sang versé n'a pas été aussi considérable qu'on pourrait le croire. Devant les armes à feu et devant les quelques soldats de Pizarre, toute la contrée envahie se soumit comme devant des demi-dieux sortis des eaux. C'est presque un épisode de la mythologie antique, et cette race indienne est, sous plus d'un rapport, semblable à celles qui défendaient la Toison d'or. »

A cette judicieuse explication, nous ajouterons quelques réflexions.

Au point de vue anthropologique, l'extinction des races est un fait positif ; au point de vue de la philosophie, c'est encore un problème ; au point de vue de la religion, le fait est inconciliable avec la justice de Dieu, si l'on admet pour l'homme une seule existence corporelle décidant de son avenir pour l'éternité. En effet, les races qui s'éteignent sont toujours des races inférieures à celles qui succèdent ; peuvent-elles avoir dans la vie future une position identique à celle des races plus perfectionnées ? Le simple bon sens repousse cette idée, autrement le travail que nous faisons pour nous améliorer serait inutile, et autant eût valu pour nous rester sauvages. La non-préexistence de l'âme implique forcément, pour chaque race, la création de nouvelles âmes plus parfaites à leur sortie des mains du Créateur, hypothèse inconciliable avec le principe de toute justice. Si l'on admet, au contraire, un même point de départ pour toutes et une succession d'existences progressives, tout s'explique.

Dans l'extinction des races, on ne tient généralement compte que de l'être matériel qui seul est détruit, tandis qu'on oublie l'être spirituel qui est indestructible et ne fait que changer de vêtement, parce que le premier n'était plus en rapport avec son développement moral et intellectuel. Supposons toute la race nègre détruite, il n'y aura de détruit que le vêtement noir ; mais l'Esprit, qui vit toujours, revêtira d'abord un corps intermédiaire entre le noir et le blanc, et plus tard un corps blanc. C'est ainsi que l'être placé au dernier degré de l'humanité atteindra, dans un temps donné, la somme des perfections compatibles avec l'état de notre globe.

Il ne faut donc pas perdre de vue que l'extinction des races n'atteint que le corps et n'affecte en rien l'Esprit ; celui-ci, loin d'en souffrir, y gagne un instrument plus perfectionné, pourvu de cordes cérébrales répondant à un plus grand nombre de facultés. L'Esprit d'un sauvage, incarné dans le corps d'un savant européen, n'en serait pas plus savant, il ne saurait que faire de son instrument, dont les cordes inactives s'atrophieraient ; l'Esprit d'un savant, incarné dans le corps d'un sauvage, y serait comme un grand pianiste devant un piano manquant de la plupart des cordes. Cette thèse a été développée dans un article de la Revue du mois d'avril 1862, sur la perfectibilité de la race nègre.

La race blanche caucasique est, sans contredit, celle qui occupe le premier rang sur la terre ; mais a-t-elle atteint l'apogée de la perfection ? Toutes les facultés de l'âme y sont-elles représentées ? Qui oserait le dire ? Supposons donc que les Esprits de cette race progressant continuellement, finissent par s'y trouver à l'étroit, la race disparaîtra pour faire place à une race d'une organisation plus richement pourvue ; ainsi le veut la loi du progrès. Déjà, dans la race blanche elle-même, ne voit-on pas des nuances bien tranchées comme développement moral et intellectuel ? On peut être certain que les plus avancés absorberont les autres.

La disparition des races s'opère de deux manières : chez les unes, par l'extinction naturelle, suite des conditions climatériques et de l'abâtardissement, lorsqu'elles restent isolées ; chez les autres, par les conquêtes et la dispersion qui amènent les croisements. On sait que de la race nègre et de la race blanche est sortie une race intermédiaire de beaucoup supérieure à la première, et qui est comme un échelon pour les Esprits de celle-ci. Puis, la fusion du sang amène l'alliance des Esprits dont les plus avancés aident au progrès des autres. Qui peut prévoir, sous ce rapport, les conséquences de la dernière guerre de la Chine ? les modifications que vont produire, dans ce pays si longtemps stationnaire, les nouveaux éléments physiologiques et psychologiques qui y sont apportés ? Dans quelques siècles, il ne sera peut-être pas plus reconnaissable que ne l'est le Mexique d'aujourd'hui comparé à celui du temps de Colomb.

Quant aux indigènes du Mexique, nous dirons, comme Eraste, qu'il y avait chez eux des mœurs plutôt douces que vertueuses, et nous ajouterons qu'on a sans doute un peu trop poétisé leur prétendu âge d'or. L'histoire de la conquête nous apprend qu'ils se faisaient entre eux la guerre, ce qui n'annonce pas un grand respect pour les droits de ses voisins. Leur âge d'or était celui de l'enfance ; ils sont aujourd'hui dans la fougue de la jeunesse ; plus tard, ils atteindront l'âge viril. S'ils n'ont pas encore la vertu des sages, ils ont acquis l'intelligence qui les y conduira, quand ils seront mûris par l'expérience ; mais il faut des siècles pour l'éducation des peuples ; elle ne s'opère que par la transformation de leurs éléments constitutifs. La France serait-elle ce qu'elle est aujourd'hui sans la conquête des Romains ? Et les Barbares se seraient-ils civilisés, s'ils n'avaient envahi la Gaule ? La sagesse gauloise et la civilisation romaine unies à la vigueur des peuples du Nord ont fait le peuple français actuel.

Sans doute il est pénible de penser que le progrès a parfois besoin de la destruction ; mais il faut bien détruire les vieilles masures pour les remplacer par des maisons neuves, plus belles et plus commodes. Il faut d'ailleurs tenir compte de l'état arriéré du globe, où l'humanité n'en est encore qu'au progrès matériel et intellectuel ; quand elle sera entrée dans la période du progrès moral et spirituel, les besoins moraux l'emporteront sur les besoins matériels ; les hommes se gouverneront selon la justice et n'auront plus à revendiquer leur place par la force ; alors la guerre et la destruction n'auront plus leur raison d'être ; jusque-là, la lutte est une conséquence de leur infériorité morale.

L'homme, vivant plus matériellement que spirituellement, n'envisage les choses qu'au point de vue actuel et matériel, et par conséquent borné. Jusqu'à présent, il a ignoré que le rôle capital est à l'Esprit ; il a vu les effets, mais n'a pas connu la cause, c'est pour cela qu'il s'est si longtemps fourvoyé dans les sciences, dans ses institutions et dans ses religions. Le Spiritisme, en lui apprenant la participation de l'élément spirituel dans toutes les choses du monde, élargit son horizon et change le cours de ses idées ; il ouvre l'ère du progrès moral.

Réponse du rédacteur de La Vérité à la réclamation de M. l'abbé Barricand

Cher monsieur Allan Kardec,

Seriez-vous assez bon pour insérer les quelques lignes suivantes dans le plus prochain numéro de votre Revue ?

J'ai été fort surpris, en ouvrant votre dernier numéro (juillet 1864), d'y rencontrer une lettre signée Barricand, dans laquelle ce théologien me prend à partie au sujet du compte rendu que j'ai publié sur un de ses cours anti-spirites. (La Vérité du 10 avril 1864.)

Les observations très judicieuses dont vous faites suivre cette inqualifiable et trop tardive protestation, m'auraient certainement dispensé d'y répondre moi-même, si je n'avais craint qu'aux yeux de quelques-uns mon silence ne passât pour une défaite ou une faute. Je déclare hautement que ma conscience ne saurait s'associer au reproche grave qui m'est fait d'avoir travesti, falsifié le cours dont il s'agit ; je l'affirme devant Dieu : Si je n'ai point toujours reproduit les mêmes phrases, les mêmes mots prononcés par mon contradicteur, je reste convaincu d'en avoir donné le véritable sens.

Après cela, que la haute intelligence de M. l'abbé Barricand juge la mienne trop infime ou trop lourde pour avoir pu saisir le thème vrai de son discours, à travers les sentiers sinueux, mais fleuris, où il l'a promené ; que M. l'abbé Barricand tire de cette prémisse l'induction qu'en pareille occurrence il ne m'est plus permis ni d'affirmer, ni d'infirmer ; c'est, ma foi, bien possible ! Dans ce cas, et pour être fidèle à mes principes de tolérance, je consentirais presque à me gourmander pour avoir défendu la Vérité et les autres journaux spirites contre des accusations illusoires, écloses dans mon cerveau en délire ; à me frapper la poitrine pour avoir compris qu'au lieu de sonner le glas funèbre sur nos têtes, on se contentait, paraît-il, de nous tâter le pouls.

Ainsi s'apaisera, je l'espère, l'ire de M. le doyen de la Faculté de théologie ; ainsi seront réhabilités aux yeux du monde et sa personne et son enseignement.

Agréez, etc.

E. Edoux,

Directeur de la Vérité.



Julienne-Marie, la pauvresse

Dans la commune de la Villatte, près de Nozai (Loire-Inférieure), était une pauvre femme nommée Julienne-Marie, vieille, infirme, et qui vivait de la charité publique. Un jour, elle tomba dans un étang, d'où elle fut retirée par un habitant du pays, M. Aubert, qui lui donnait habituellement des secours. Transportée à son domicile, elle mourut peu de temps après des suites de l'accident. L'opinion générale fut qu'elle avait voulu se suicider. Le jour même de son décès, M. Aubert, qui est Spirite et médium, ressentit sur toute sa personne comme le frôlement de quelqu'un qui serait auprès de lui, sans toutefois s'en expliquer la cause ; lorsqu'il apprit la mort de Jeanne-Marie, la pensée lui vint que peut-être son Esprit était venu le visiter.

D'après l'avis d'un de ses amis, M. Cheminant, membre de la Société spirite de Paris, à qui il avait rendu compte de ce qui s'était passé, il fit l'évocation de cette femme, dans le but de lui être utile ; mais, préalablement, il demanda conseil à ses guides protecteurs, dont il reçut la réponse suivante :

« Tu le peux, et cela lui fera plaisir, quoique le service que tu te proposes de lui rendre lui soit inutile ; elle est heureuse et toute dévouée à ceux qui lui ont été compatissants. Tu es un de ses bons amis ; elle ne te quitte guère et s'entretient souvent avec toi à ton insu. Tôt ou tard les services rendus sont récompensés, si ce n'est par l'obligé, c'est par ceux qui s'intéressent à lui, avant sa mort comme après ; quand l'Esprit n'a pas eu le temps de se reconnaître, ce sont d'autres Esprits sympathiques qui témoignent en son nom toute sa reconnaissance. Voilà ce qui t'explique ce que tu as éprouvé le jour de son décès. Maintenant c'est elle qui t'aide dans le bien que tu veux faire. Rappelle-toi ce que Jésus a dit : « Celui qui a été abaissé sera élevé » ; tu auras la mesure des services qu'elle peut te rendre, si toutefois tu ne lui demandes assistance que pour être utile à ton prochain. »

Evocation.

Bonne Julienne-Marie, vous êtes heureuse, c'est tout ce que je voulais savoir ; cela ne m'empêchera pas de penser souvent à vous, et de ne jamais vous oublier dans mes prières. ‑ Rép. Aie confiance en Dieu ; inspire à tes malades une foi sincère, et tu réussiras presque toujours. Ne t'occupe jamais de la récompense qui en adviendra, elle sera au delà de ton attente. Dieu sait toujours récompenser comme il le mérite celui qui se dévoue au soulagement de ses semblables, et apporte dans ses actions un désintéressement complet ; sans cela tout n'est qu'illusion et chimère ; il faut la foi avant tout, autrement, rien. Rappelle-toi cette maxime, et tu seras étonné des résultats que tu obtiendras. Les deux malades que tu as guéris en sont la preuve ; dans les circonstances où ils se trouvaient, avec les simples remèdes tu aurais échoué.

Quand tu demanderas à Dieu de permettre aux bons Esprits de déverser soir toi leur fluide bienfaisant, si cette demande ne te fait pas ressentir un tressaillement involontaire, c'est que ta prière n'est pas assez fervente pour être écoutée ; elle ne l'est que dans les conditions que je te signale. C'est ce que tu as éprouvé quand tu as dit du fond du cœur : « Dieu tout-puissant, Dieu miséricordieux, Dieu de bonté sans limite, exaucez ma prière, et permettez aux bons Esprits de m'assister dans la guérison de… ; ayez pitié de lui, mon Dieu, et rendez-lui la santé ; sans vous, je ne puis rien. Que votre volonté soit faite. »

Tu as bien fait de ne pas dédaigner les humbles ; la voix de celui qui a souffert et supporté avec résignation les misères de ce monde est toujours écoutée ; et, comme tu le vois, un service rendu reçoit toujours sa récompense.

Maintenant, un mot sur moi, et cela te confirmera ce qui a été dit ci-dessus.

Le Spiritisme t'explique mon langage comme Esprit ; je n'ai pas besoin d'entrer dans des détails à ce sujet. Je crois aussi inutile de te faire part de mon existence précédente. La position que tu m'as connue sur cette terre doit te faire comprendre et apprécier mes autres existences, qui n'ont pas toujours été sans reproches. Vouée à une vie de misère, infirme et ne pouvant travailler, j'ai mendié toute ma vie. Je n'ai point thésaurisé ; sur mes vieux jours, mes petites économies se bornaient à une centaine de francs, que je réservais pour quand mes jambes ne pourraient plus me porter. Dieu a jugé mon épreuve et mon expiation suffisantes, et y a mis un terme en me délivrant sans souffrance de la vie terrestre ; car je ne suis point morte suicidée comme on l'a cru d'abord. Je suis tombée foudroyée sur le bord de l'étang, au moment où j'adressais ma dernière prière à Dieu ; la pente du terrain est la cause de la présence de mon corps dans l'eau. Je n'ai pas souffert ; je suis heureuse d'avoir pu accomplir ma mission sans entraves et avec résignation. Je me suis rendue utile, dans la mesure de mes forces et de mes moyens, et j'ai évité de faire du tort à mon prochain. Aujourd'hui j'en reçois la récompense, et j'en rends grâce à Dieu, notre divin Maître, qui, dans le châtiment qu'il inflige, en adoucit l'amertume en nous faisant oublier, pendant la vie, nos anciennes existences, et met sur notre chemin des âmes charitables, pour nous aider à supporter le fardeau de nos fautes passées.

Persévère aussi, toi, et comme moi tu en seras récompensé.

Je te remercie de tes bonnes prières et du service que tu m'as rendu. Je ne l'oublierai jamais. Un jour nous nous reverrons, et bien des choses te seront expliquées ; pour le moment, ce serait superflu. Sache seulement que je te suis toute dévouée, souvent près de toi, et toujours quand tu auras besoin de moi pour soulager celui qui souffre.

La pauvre bonne femme Julienne-Marie.

L'Esprit de Julienne-Marie ayant été évoqué à la Société de Paris, le 10 juin 1864 (médium, madame Patet), dicta la communication ci-après :

Merci d'avoir bien voulu m'admettre dans votre milieu, cher président ; vous avez bien senti que mes existences antérieures étaient plus élevées comme position sociale, et, si je suis revenue subir cette épreuve de la pauvreté, c'était pour me punir d'un vain orgueil qui me faisait repousser ce qui était pauvre et misérable. Alors j'ai subi cette loi juste du talion, qui m'a rendue la plus affreuse pauvresse de cette contrée ; et, comme pour me prouver la bonté de Dieu, je n'étais pas repoussée de tous ; c'était toute ma crainte ; aussi ai-je supporté mon épreuve sans murmurer, pressentant une vie meilleure d'où je ne devais plus revenir sur cette terre d'exil et de calamité. Quel bonheur, le jour où notre âme, jeune encore, peut rentrer dans la vie spirituelle pour revoir les êtres aimés ! car, moi aussi, j'ai aimé et suis heureuse d'avoir retrouvé ceux qui m'ont précédée. Merci à ce bon Aubert, il m'a ouvert la porte de la reconnaissance ; sans sa médianimité, je n'eusse pu le remercier, lui prouver que mon âme n'oublie pas les heureuses influences de son bon cœur, et lui recommander de propager sa divine croyance. Il est appelé à ramener des âmes égarées ; qu'il se persuade bien de mon appui. Oui, je puis lui rendre au centuple ce qu'il m'a fait, en l'instruisant dans la voie que vous suivez. Remerciez le Seigneur d'avoir permis que les Esprits puissent vous donner des instructions pour encourager le pauvre dans ses peines et arrêter le riche dans son orgueil. Sachez comprendre la honte qu'il y a à repousser un malheureux ; que je vous serve d'exemple, afin d'éviter de venir comme moi expier vos fautes par ces douloureuses positions sociales qui vous placent si bas et font de vous le rebut de la société.

Julienne-Marie.



Remarque. Ce fait est plein d'enseignements pour quiconque méditera les paroles de cet Esprit dans ces deux communications ; tous les grands principes du Spiritisme s'y trouvent réunis. Dès la première, l'Esprit montre sa supériorité par son langage ; comme une fée bienfaisante, il vient protéger celui qui ne l'a pas rebuté sous les haillons de la misère. C'est une application de ces maximes de l'Évangile : « Les grands seront abaissés et les petits seront élevés ; bienheureux les humbles ; bienheureux les affligés, car ils seront consolés ; ne méprisez pas les petits, car celui qui est petit en ce monde peut être plus grand que vous ne croyez. » Que ceux qui nient la réincarnation comme contraire à la justice de Dieu, expliquent la position de cette femme vouée au malheur dès sa naissance par ses infirmités, autrement que par une vie antérieure !

Cette communication ayant été transmise à M. Aubert, il obtint de son côté celle qui suit, et qui en est la confirmation.

D. Bonne Julienne-Marie, puisque vous voulez bien m'aider de vos bons avis afin de me faire progresser dans la voie de notre divine doctrine, veuillez vous communiquer à moi ; je ferai tous mes efforts pour mettre à profit vos enseignements. ‑ R. Souviens-toi de la recommandation que je vais te faire, et ne t'en éloigne jamais. Sois toujours charitable dans la mesure de tes moyens ; tu comprends assez la charité telle qu'on doit la pratiquer dans toutes les positions de la vie terrestre. Je n'ai donc pas besoin de venir te donner un enseignement à ce sujet ; tu seras toi-même le meilleur juge, en suivant, toutefois, la voix de ta conscience qui ne te trompera jamais quand tu l'écouteras sincèrement.

Ne t'abuse point sur les missions que vous avez à accomplir sur la Terre ; petits et grands ont la leur ; la mienne a été bien pénible, mais je méritais une semblable punition, pour mes existences précédentes, comme je suis venue m'en confesser au bon président de la Société mère de Paris, à laquelle vous vous rallierez tous un jour. Ce jour n'est pas aussi éloigné que tu penses ; le Spiritisme marche à pas de géant, malgré tout ce que l'on fait pour l'entraver. Marchez donc tous sans crainte, fervents adeptes de la doctrine, et vos efforts seront couronnés de succès. Peu vous importe ce que l'on dira de vous ; mettez-vous au-dessus d'une critique dérisoire qui retombera sur les adversaires du Spiritisme.

Les orgueilleux ! ils se croient forts et pensent facilement vous abattre ; vous, mes bons amis, soyez tranquilles, et ne craignez pas de vous mesurer avec eux ; ils sont plus faciles à vaincre que vous ne croyez ; beaucoup d'entre eux ont peur, et redoutent que la vérité ne vienne enfin leur éblouir les yeux ; attendez, et ils viendront à leur tour aider au couronnement de l'édifice.

Julienne-Marie.



Notices bibliographiques .

Pendant longtemps nous avons été seul sur la brèche pour soutenir la lutte engagée contre le Spiritisme, mais voici que des champions ont surgi de divers côtés et sont entrés hardiment dans la lice, comme pour donner un démenti à ceux qui prétendent que le Spiritisme s'en va. D'abord la Vérité à Lyon ; puis à Bordeaux : la Ruche, le Sauveur, la Lumière ; en Belgique : la Revue Spirite d'Anvers ; à Turin : les Annales du Spiritisme en Italie. Nous sommes heureux de dire que tous ont bravement tenu le drapeau, et prouvé à nos adversaires qu'ils trouveraient avec qui compter. Si nous donnons de justes éloges à la fermeté dont ces journaux ont fait preuve, à leurs réfutations pleines de logique, nous devons surtout les louer de ne s'être point écartés de la modération, qui est le caractère essentiel du Spiritisme, en même temps que la preuve de la véritable force ; de n'avoir pas suivi nos antagonistes sur le terrain de la personnalité et de l'injure, signe incontestable de faiblesse, car on n'en arrive à cette extrémité que lorsqu'on est à bout de bonnes raisons. Celui qui a par devers lui des arguments sérieux les fait valoir ; il n'y supplée pas, ou se garde de les affaiblir par un langage indigne d'une bonne cause.

A Paris, un nouveau venu se présente sous le titre sans prétention de l'Avenir, Moniteur du Spiritisme. La plupart de nos lecteurs le connaissent déjà, ainsi que son rédacteur en chef, M. d'Ambel, et ont pu le juger à ses premières armes ; la meilleure réclame est de prouver ce qu'on peut faire ; c'est ensuite le grand jury de l'opinion qui prononce le verdict ; or, nous ne doutons point qu'il ne lui soit favorable, à en juger par l'accueil sympathique qu'il a reçu à son apparition.

A lui donc aussi nos sympathies personnelles, acquises d'avance à toutes les publications de nature à servir valablement la cause du Spiritisme ; car nous ne pourrions consciencieusement appuyer ni encourager celles qui, par la forme ou par le fond, volontairement ou par imprudence, lui seraient plutôt nuisibles qu'utiles, en égarant l'opinion sur le véritable caractère de la doctrine, ou en prêtant le flanc aux attaques et aux critiques fondées de nos ennemis. En pareil cas, l'intention ne peut être réputée pour le fait.

Ecrites à des ecclésiastiques par madame J. B., avec cette épigraphe de circonstance, et qui est le signe caractéristique de notre époque :

J'ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pourriez les porter maintenant. ‑ Quand cet Esprit de vérité sera venu, il vous enseignera toute vérité ; car il ne parlera pas de lui-même, mais il dira tout ce qu'il aura entendu, et il vous annoncera les choses à venir. ‑ Et lorsqu'il sera venu, il convaincra le monde touchant le péché, touchant la justice, et touchant le jugement. (S. Jean, ch. XVI, v. 8, 12, 13.)

Les réflexions que nous avons faites ci-dessus, à propos de l'Avenir, ne s'appliquent pas seulement aux feuilles périodiques, mais aux publications de toute nature, volumes ou brochures, dont le nombre se multiplie sans cesse, et dont les auteurs sont également des champions qui prennent part à la lutte, et apportent leur pierre à l'édifice. Salut fraternel de bienvenue à tous ces défenseurs, hommes et femmes, qui, secouant le joug des vieux préjugés, arborent le drapeau sans arrière-pensée personnelle, sans autre intérêt que celui du bien général, et font retentir le cri libérateur et émancipateur de l'humanité : Hors la charité point de salut ! A peine ce cri fut-il prononcé pour la première fois, que chacun comprit qu'il renfermait toute une révolution morale depuis longtemps pressentie et désirée, et qu'il trouva des échos sympathiques dans les cinq parties du monde. Il fut salué comme l'aurore d'un avenir heureux, et, en quelques mois, il devint le mot de ralliement de tous les Spirites sincères ; c'est qu'après une si longue et si cruelle lutte contre l'égoïsme, il faisait enfin entrevoir le règne de la fraternité.

La brochure que nous annonçons ici est due à une dame, membre de la Société spirite de Paris, excellent médium, chef d'un groupe particulier admirablement dirigé et à qui on ne pourrait reprocher qu'un excès de modestie, s'il pouvait y avoir excès dans le bien. Si elle n'a signé son écrit que par des initiales, c'est qu'elle a pensé qu'un nom inconnu n'est point une recommandation, et qu'elle ne tient nullement à se poser comme écrivain ; mais elle n'en a pas moins le courage de son opinion, dont elle ne fait mystère à personne.

Madame J. B. est sincèrement catholique, mais catholique très éclairée, ce qui veut tout dire ; sa brochure est écrite à ce point de vue, et, par cela même, s'adresse principalement aux ecclésiastiques. Il est impossible de réfuter avec plus de talent, d'élégance dans la forme, de modération et de logique, les arguments qu'une foi exclusive et aveugle oppose aux idées nouvelles. Nous recommandons cet intéressant travail à nos lecteurs ; ils peuvent sans crainte le propager parmi les personnes d'une susceptibilité trop ombrageuse à l'endroit de l'orthodoxie, et le donner en réponse aux attaques dirigées contre le Spiritisme au point de vue religieux.

Sous ce titre, M. Aug. Bez, de Bordeaux, vient de publier le récit des manifestations de Jean Hillaire, médium remarquable dont les facultés rappellent, sous plusieurs rapports, celles de M. Home, et même les dépassent à certains égards.

M. Home est un homme du monde, aux manières douces et pleines d'urbanité, qui ne s'est révélé qu'à la plus haute aristocratie. Jean Hillaire est un simple cultivateur de la Charente-Inférieure, peu lettré, et vivant de son travail ; ses plus grandes excursions ont été, paraît-il, de Sonnac, son village, à Saint-Jean-d'Angély et à Bordeaux ; mais Dieu, dans la répartition de ses dons, ne tient pas compte des positions sociales ; il veut que la lumière se fasse à tous les degrés de l'échelle, c'est pourquoi il les accorde au plus petit comme au plus grand.

La critique et l'odieuse calomnie n'ont pas épargné M. Home ; sans égard pour les hauts personnages qui l'ont honoré de leur estime, qui l'ont reçu et le reçoivent encore dans leur intimité à titre de commensal et d'ami, la railleuse incrédulité, qui ne respecte rien, s'est plu à le bafouer, à le présenter comme un vil charlatan, un habile escamoteur, en un mot, comme un saltimbanque de bonne compagnie ; elle n'a même pas été arrêtée par la pensée que de telles attaques atteignaient l'honorabilité des personnes les plus respectables, accusées, par cela même, de compérage avec un prétendu faiseur de dupes. Nous avons dit à son sujet qu'il suffit de l'avoir vu pour juger qu'il serait le plus maladroit charlatan, car il n'en a ni les allures tranchantes, ni la faconde, qui ne s'accorderaient pas avec sa timidité habituelle. Qui d'ailleurs pourrait dire qu'il ait jamais mis un prix à ses manifestations ? Le motif qui le conduisait dernièrement à Rome, d'où il a été expulsé, pour s'y perfectionner dans l'art de la sculpture et s'en faire une ressource, est le démenti le plus formel donné à ses détracteurs ; mais qu'importe ! ils ont dit que c'est un charlatan, et ils n'en veulent pas démordre.

Ceux qui connaissent Hillaire ont pu se convaincre également qu'il serait un charlatan encore plus maladroit. Nous ne saurions trop le répéter : le mobile du charlatanisme est toujours l'intérêt ; où il n'y a rien à gagner, le charlatanisme est sans but ; où il y a à perdre, ce serait une stupidité. Or, quel profit matériel Hillaire a-t-il tiré de ses facultés ? Beaucoup de fatigues, une grande perte de temps, des ennuis, des persécutions, des calomnies. Ce qu'il y a gagné, et ce qui pour lui n'a pas de prix, c'est une foi vive qu'il n'avait pas, en Dieu, en sa bonté, en l'immortalité de l'âme et en la protection des bons Esprits ; ce n'est pas précisément là le fruit que cherche le charlatanisme. Mais il sait aussi que cette protection ne s'obtient qu'en s'améliorant ; c'est ce qu'il s'efforce de faire, et ce n'est pas non plus ce qui touche les charlatans. C'est aussi ce qui lui fait supporter avec patience les vicissitudes et les privations.

Une garantie de sincérité, en pareil cas, est donc dans le désintéressement absolu ; avant d'accuser un homme de charlatanisme, il faut se demander quel profit il trouve à faire des dupes, car les charlatans ne sont pas assez sots pour ne rien gagner, et encore moins pour perdre au lieu de gagner. Aussi les médiums ont-ils une réponse péremptoire à faire aux détracteurs, en leur disant : Combien m'a-t-on payé pour faire ce que je fais ? Une garantie non moins grande, et de nature à faire une vive impression, c'est la réforme de soi-même. Une conviction profonde peut seule porter un homme à se vaincre, à se débarrasser de ce qu'il y a de mauvais en lui, et à résister aux pernicieux entraînements. Ce n'est plus alors seulement la faculté qu'on admire, c'est la personne qu'on respecte et qui impose à la raillerie.

Les manifestations qu'obtient Hillaire sont pour lui une chose sainte ; il les considère comme une faveur de Dieu. Les sentiments qu'elles lui inspirent sont résumés dans les paroles suivantes, extraites du livre de M. Bez :

« Le bruit de ces nouveaux phénomènes se répandit de toutes parts avec la rapidité de l'éclair. Tous ceux qui, jusque-là, n'avaient pas encore assisté à des manifestations spirites furent dévorés de l'envie de voir. Plus que jamais Hillaire fut harcelé de demandes, d'invitations de toutes sortes. Des offres d'argent lui furent faites par plusieurs personnes, afin de le décider à donner des séances chez elles ; mais Hillaire a toujours eu la conviction profonde que ses facultés ne lui sont données que dans un but de charité, afin d'amener la foi dans l'âme des incrédules et de les arracher ainsi au matérialisme qui les ronge sans pitié et les plonge dans l'égoïsme et la débauche. Depuis que Dieu lui a fait la grâce de se servir de lui pour éclairer ses compatriotes, depuis que des manifestations d'un ordre si élevé se sont produites par son intermédiaire, le simple médium de Sonnac a considéré sa médianimité comme un pur sacerdoce, et il est persuadé que, du jour où il accepterait la moindre rétribution, ses facultés lui seraient retirées, ou seraient livrées comme jouet aux Esprits mauvais ou légers, qui ne s'en serviraient que pour faire le mal ou mystifier tous ceux qui auraient encore l'imprudence de s'adresser à lui. Et pourtant, la position pécuniaire de cet humble instrument est dans un état très précaire. Sans fortune, il faut qu'il gagne son pain à la sueur de son visage, et souvent la grande fatigue qu'il éprouve quand se produisent quelques manifestations importantes, nuit beaucoup aux forces qui lui sont nécessaires pour manier la pioche et la bêche, ces deux instruments qu'il lui faut sans cesse avoir entre les mains »

Dans les moments de détresse qui, comme pour Job, avaient pour but d'éprouver sa foi et sa résignation, Hillaire a trouvé asile et assistance chez des amis reconnaissants qui lui devaient leur consolation par le Spiritisme. Est-ce là ce qu'on peut appeler mettre un prix aux manifestations des Esprits ? Non certes ; c'est un secours que Dieu lui a envoyé, qu'il pouvait et devait même accepter sans scrupule ; sa conscience peut être en repos, car il n'a point trafiqué des dons qu'il a reçus gratuitement ; il n'a point vendu les consolations aux affligés ni la foi qu'il donnait aux incrédules. Quant à ceux qui lui sont venus en aide, ils ont rempli un devoir de fraternité dont ils seront récompensés.

Les facultés d'Hillaire sont très multiples ; il est médium voyant de premier ordre, auditif, parlant, extatique, et de plus écrivain. Il a obtenu de l'écriture directe et des apports très remarquables. Plusieurs fois il a été soulevé et a franchi l'espace sans toucher le sol, ce qui n'est pas plus surnaturel que de voir s'enlever une table. Toutes les communications et toutes les manifestations qu'il obtient attestent l'assistance de très bons Esprits, et ont toujours lieu en pleine lumière. Il entre souvent et spontanément dans le sommeil somnambulique, et c'est presque toujours dans cet état que se produisent les phénomènes les plus extraordinaires.

L'ouvrage de M. Bez est écrit avec simplicité et sans exaltation. Non seulement l'auteur dit ce qu'il a vu, mais il cite les nombreux témoins oculaires dont la plupart se sont trouvés personnellement intéressés dans les manifestations ; ceux-ci n'eussent pas manqué de protester contre les inexactitudes, si surtout il leur eût fait jouer un rôle contraire à ce qui s'est passé ; l'auteur, justement estimé et considéré à Bordeaux, ne se serait pas exposé à recevoir de pareils démentis. Au langage on reconnaît consciencieux qui se ferait un scrupule d'altérer sciemment la vérité. Du reste, il n'est pas un seul de ces phénomènes dont la possibilité ne soit démontrée par les explications qui se trouvent dans le Livre des Médiums.

Cet ouvrage diffère de celui de M. Home, en ce que, au lieu d'être un simple recueil de faits parfois trop souvent répétés, sans déductions ni conclusions, il renferme sur presque tous ceux qui sont rapportés, des appréciations morales et des considérations philosophiques qui en font un livre à la fois intéressant et instructif, et où l'on reconnaît le Spirite, non seulement convaincu, mais éclairé.

Quant à Hillaire, en le félicitant de son dévouement, nous l'engageons à ne jamais perdre de vue que ce qui fait le principal mérite d'un médium, ce n'est pas la transcendance de ses facultés, qui peuvent lui être retirées d'un moment à l'autre, mais le bon usage qu'il en fait ; de cet usage dépend la continuation de l'assistance des bons Esprits, car il y a une grande différence entre un médium bien doué et celui qui est bien assisté. Le premier n'excite que la curiosité ; le second, touché lui-même au cœur, réagit moralement sur les autres en raison de ses qualités personnelles. Nous souhaitons, autant dans son propre intérêt que dans celui de la cause, que les éloges d'amis souvent plus enthousiastes que prudents ne lui ôtent rien de sa simplicité et de sa modestie, et ne le fassent pas tomber dans le piège de l'orgueil qui a déjà perdu tant de médiums.



Etude où l'on expose les conditions d'habitabilité des terres célestes, discutées au point de vue de l'astronomie, de la physiologie et de la philosophie naturelle, par Camille Flammarion, attaché à l'Observatoire de Paris. Un très fort volume in-12, avec planches astronomiques. Prix : 4 francs. ‑ Edition de bibliothèque, in-8, 7 francs. ‑ Librairie académique de Didier et Ce, 35, quai des Augustins.

Le défaut d'espace nous oblige à renvoyer au prochain numéro le compte rendu de cet important ouvrage. Pour les conditions des ouvrages ci-dessus, voir ci-après, à la liste des Ouvrages divers sur le Spiritisme.


Par exception, et par suite de circonstances particulières, les vacances de la Société spirite de Paris commenceront cette année le 1er août. La Société reprendra ses séances le premier vendredi d'octobre.


Allan Kardec.


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