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Revue spirite — Journal d'études psychologiques — 1859 > Novembre
Novembre
Doit-on publier tout ce que disent les Esprits ?
Cette question nous est adressée par un de nos correspondants, et nous y répondons par la question suivante : Serait-il bon de publier tout ce que disent et pensent les hommes ? Quiconque possède une notion tant soit peu profonde du Spiritisme, sait que le monde invisible est composé de tous ceux qui ont laissé sur la terre leur enveloppe visible ; mais en dépouillant l'homme charnel, ils n'ont pas tous pour cela revêtu la tunique des anges. Il y en a donc de tous les degrés de savoir et d'ignorance, de moralité et d'immoralité ; voilà ce qu'il ne faut pas perdre de vue. N'oublions pas que, parmi les Esprits, il y a, comme sur la terre, des êtres légers, étourdis et moqueurs ; de faux savants, vains et orgueilleux d'un savoir incomplet ; des hypocrites, des méchants, et, ce qui nous paraîtrait inexplicable si nous ne connaissions en quelque sorte la physiologie de ce monde, il y en a de sensuels, de vils, de crapuleux, qui se traînent dans la fange. A côté de cela, vous avez, toujours comme sur la terre, des êtres bons, humains, bienveillants, éclairés, sublimes de vertus ; mais comme notre monde n'est ni au premier, ni au dernier rang, quoiqu'il soit plus voisin du dernier que du premier, il en résulte que le monde des Esprits renferme des êtres plus avancés intellectuellement et moralement que nos hommes les plus éclairés, et d'autres qui sont encore au-dessous des hommes les plus inférieurs. Dès lors que ces êtres ont un moyen patent de se communiquer aux hommes, d'exprimer leurs pensées par des signes intelligibles, leurs communications doivent être le reflet de leurs sentiments, de leurs qualités ou de leurs vices ; elles seront légères, triviales, grossières, ordurières même, savantes, sages ou sublimes, selon leur caractère et leur élévation. Ils se révèlent eux-mêmes par leur langage ; de là la nécessité de ne point accepter aveuglément tout ce qui vient du monde occulte, et de le soumettre à un contrôle sévère. Avec les communications de certains Esprits, on pourrait, comme avec les discours de certains hommes, faire un recueil très peu édifiant. Nous avons sous les yeux un petit ouvrage anglais, publié en Amérique, qui en est la preuve, et dont on peut dire que la mère n'en recommandera pas la lecture à sa fille ; c'est pourquoi nous ne le recommandons pas à nos lecteurs. Il y a des gens qui trouvent cela drôle, amusant ; qu'ils en fassent leurs délices dans l'intimité, soit, mais qu'ils le gardent pour eux. Ce que nous concevons encore moins, c'est qu'on se vante d'obtenir soi-même des communications malséantes ; c'est toujours un indice de sympathies dont il n'y a pas lieu de tirer vanité, surtout quand ces communications sont spontanées et persistantes, comme cela arrive à certaines personnes. Cela ne préjuge sans doute rien sur leur moralité actuelle ; car nous en connaissons qui sont affligées de ce genre d'obsession, auquel leur caractère ne peut nullement se prêter ; cependant cet effet doit avoir une cause, comme tous les effets ; si on ne la trouve pas dans l'existence présente, il faut bien la chercher dans un état antérieur ; si elle n'est en nous, elle est hors de nous, mais nous y sommes toujours pour quelque chose, ne serait-ce que par faiblesse de caractère. La cause connue, il dépend de nous de la faire cesser.
A côté de ces communications franchement mauvaises et qui choquent toute oreille un peu délicate, il y en a qui sont simplement triviales ou ridicules ; y a-t-il de l'inconvénient à les publier ? Si elles sont données pour ce qu'elles valent, il n'y a que demi-mal ; si elles sont données comme étude du genre, avec les précautions oratoires, les commentaires et les correctifs nécessaires, elles peuvent même être instructives, en ce qu'elles font connaître le monde Spirite sous toutes ses faces ; avec de la prudence et des ménagements, on peut tout dire ; mais le mal est de donner comme sérieuses des choses qui choquent le bon sens, la raison ou les convenances ; le danger, dans ce cas, est plus grand qu'on ne pense. D'abord ces publications ont pour inconvénient d'induire en erreur les personnes qui ne sont pas à même d'approfondir et de discerner le vrai du faux, surtout dans une question aussi nouvelle que le Spiritisme ; secondement, ce sont des armes fournies aux adversaires, qui ne manquent pas d'en tirer des arguments contre la haute moralité de l'enseignement Spirite ; car, encore une fois, le mal est de donner sérieusement des choses notoirement absurdes. Quelques-uns même peuvent voir une profanation dans le rôle ridicule que l'on prête à certains personnages justement vénérés, et auxquels on fait tenir un langage indigne d'eux. Ceux qui ont étudié à fond la science Spirite, savent à quoi s'en tenir à cet égard ; ils savent que les Esprits moqueurs ne se font pas faute de se parer de noms respectables ; mais ils savent aussi que ces Esprits n'abusent que ceux qui veulent bien se laisser abuser, et qui ne savent pas, ou ne veulent pas déjouer leurs ruses par les moyens de contrôle que nous connaissons. Le public, qui ne sait pas cela, ne voit qu'une chose : une absurdité gravement offerte à l'admiration, et il se dit : Si tous les Spirites sont comme cela, ils n'ont pas volé l'épithète dont on les gratifie. Ce jugement est inconsidéré, sans aucun doute ; vous les accusez avec raison de légèreté, et vous leur dites : Etudiez la chose, et ne voyez pas qu'un seul côté de la médaille ; mais il y a tant de gens qui jugent a priori, et sans se donner la peine de tourner le feuillet, surtout quand la bonne volonté n'y est pas, qu'il faut éviter ce qui peut leur donner trop de prise ; car si à la mauvaise volonté se joint la malveillance, ce qui est très ordinaire, ils sont enchantés de trouver à mordre.
Plus tard, quand le Spiritisme sera vulgarisé, plus connu, et compris des masses, ces publications n'auront pas plus d'influence que n'en aurait aujourd'hui un livre renfermant des hérésies scientifiques. Jusque-là on ne saurait y mettre trop de circonspection, car il en est qui peuvent nuire essentiellement à la cause qu'elles veulent défendre, bien plus même que les grossières attaques et les injures de certains adversaires : quelques-unes seraient faites dans ce but qu'elles ne réussiraient pas mieux. Le tort de certains auteurs est d'écrire sur un sujet avant de l'avoir suffisamment approfondi, et par là de donner lieu à une critique fondée. Ils se plaignent du jugement téméraire de leurs antagonistes : ils ne font pas attention qu'ils montrent souvent eux-mêmes le défaut de la cuirasse. Au reste, malgré toutes les précautions, il serait présomptueux de se croire à l'abri de toute critique : d'abord parce qu'il est impossible de contenter tout le monde ; en second lieu, parce qu'il y a des gens qui rient de tout, même des choses les plus sérieuses, les uns par état, les autres par caractère. Ils rient bien de la religion ; il n'est pas étonnant qu'ils rient des Esprits, qu'ils ne connaissent pas. Si encore leurs plaisanteries étaient spirituelles, il y aurait compensation ; malheureusement elles ne brillent en général ni par la finesse, ni par le bon goût, ni par l'urbanité et encore moins par la logique. Faisons donc pour le mieux ; en mettant de notre côté la raison et les convenances, nous y mettrons aussi les rieurs.
Ces considérations seront facilement comprises de tout le monde ; mais il en est une non moins essentielle qui tient à la nature même des communications Spirites et que nous ne devons pas omettre : les Esprits vont où ils trouvent de la sympathie et où ils savent être écoutés. Les communications grossières et inconvenantes, ou simplement fausses, absurdes et ridicules, ne peuvent émaner que d'Esprits inférieurs : le simple bon sens l'indique. Ces Esprits font ce que font les hommes qui se voient écoutés avec complaisance : ils s'attachent à ceux qui admirent leurs sottises, et souvent s'en emparent et les dominent au point de les fasciner et de les subjuguer. L'importance que l'on accorde à leurs communications, par la publicité, les attire, les excite et les encourage. Le seul, le véritable moyen de les éloigner, c'est de leur prouver qu'on n'est pas leur dupe, en rejetant impitoyablement, comme apocryphe et suspect, tout ce qui n'est pas rationnel, tout ce qui dément la supériorité que s'attribue l'Esprit qui se manifeste et le nom dont il s'affuble : alors quand il voit qu'il perd son temps, il se retire.
Nous croyons avoir suffisamment répondu à la question de notre correspondant sur la convenance et l'opportunité de certaines publications Spirites. Publier sans examen, ou sans correctif, tout ce qui vient de cette source serait faire preuve, selon nous, de peu de discernement. Telle est du moins notre opinion personnelle, que nous livrons à l'appréciation de ceux qui, étant désintéressés dans la question, peuvent juger avec impartialité, en mettant de côté toute considération individuelle. Nous avons, comme tout le monde, le droit de dire notre façon de penser sur la science qui fait l'objet de nos études, et de la traiter à notre manière, sans prétendre imposer nos idées à qui que ce soit, ni les donner comme des lois. Ceux qui partagent notre manière de voir, c'est qu'ils croient, comme nous, être dans le vrai ; l'avenir montrera qui a tort ou raison.
Cette question nous est adressée par un de nos correspondants, et nous y répondons par la question suivante : Serait-il bon de publier tout ce que disent et pensent les hommes ? Quiconque possède une notion tant soit peu profonde du Spiritisme, sait que le monde invisible est composé de tous ceux qui ont laissé sur la terre leur enveloppe visible ; mais en dépouillant l'homme charnel, ils n'ont pas tous pour cela revêtu la tunique des anges. Il y en a donc de tous les degrés de savoir et d'ignorance, de moralité et d'immoralité ; voilà ce qu'il ne faut pas perdre de vue. N'oublions pas que, parmi les Esprits, il y a, comme sur la terre, des êtres légers, étourdis et moqueurs ; de faux savants, vains et orgueilleux d'un savoir incomplet ; des hypocrites, des méchants, et, ce qui nous paraîtrait inexplicable si nous ne connaissions en quelque sorte la physiologie de ce monde, il y en a de sensuels, de vils, de crapuleux, qui se traînent dans la fange. A côté de cela, vous avez, toujours comme sur la terre, des êtres bons, humains, bienveillants, éclairés, sublimes de vertus ; mais comme notre monde n'est ni au premier, ni au dernier rang, quoiqu'il soit plus voisin du dernier que du premier, il en résulte que le monde des Esprits renferme des êtres plus avancés intellectuellement et moralement que nos hommes les plus éclairés, et d'autres qui sont encore au-dessous des hommes les plus inférieurs. Dès lors que ces êtres ont un moyen patent de se communiquer aux hommes, d'exprimer leurs pensées par des signes intelligibles, leurs communications doivent être le reflet de leurs sentiments, de leurs qualités ou de leurs vices ; elles seront légères, triviales, grossières, ordurières même, savantes, sages ou sublimes, selon leur caractère et leur élévation. Ils se révèlent eux-mêmes par leur langage ; de là la nécessité de ne point accepter aveuglément tout ce qui vient du monde occulte, et de le soumettre à un contrôle sévère. Avec les communications de certains Esprits, on pourrait, comme avec les discours de certains hommes, faire un recueil très peu édifiant. Nous avons sous les yeux un petit ouvrage anglais, publié en Amérique, qui en est la preuve, et dont on peut dire que la mère n'en recommandera pas la lecture à sa fille ; c'est pourquoi nous ne le recommandons pas à nos lecteurs. Il y a des gens qui trouvent cela drôle, amusant ; qu'ils en fassent leurs délices dans l'intimité, soit, mais qu'ils le gardent pour eux. Ce que nous concevons encore moins, c'est qu'on se vante d'obtenir soi-même des communications malséantes ; c'est toujours un indice de sympathies dont il n'y a pas lieu de tirer vanité, surtout quand ces communications sont spontanées et persistantes, comme cela arrive à certaines personnes. Cela ne préjuge sans doute rien sur leur moralité actuelle ; car nous en connaissons qui sont affligées de ce genre d'obsession, auquel leur caractère ne peut nullement se prêter ; cependant cet effet doit avoir une cause, comme tous les effets ; si on ne la trouve pas dans l'existence présente, il faut bien la chercher dans un état antérieur ; si elle n'est en nous, elle est hors de nous, mais nous y sommes toujours pour quelque chose, ne serait-ce que par faiblesse de caractère. La cause connue, il dépend de nous de la faire cesser.
A côté de ces communications franchement mauvaises et qui choquent toute oreille un peu délicate, il y en a qui sont simplement triviales ou ridicules ; y a-t-il de l'inconvénient à les publier ? Si elles sont données pour ce qu'elles valent, il n'y a que demi-mal ; si elles sont données comme étude du genre, avec les précautions oratoires, les commentaires et les correctifs nécessaires, elles peuvent même être instructives, en ce qu'elles font connaître le monde Spirite sous toutes ses faces ; avec de la prudence et des ménagements, on peut tout dire ; mais le mal est de donner comme sérieuses des choses qui choquent le bon sens, la raison ou les convenances ; le danger, dans ce cas, est plus grand qu'on ne pense. D'abord ces publications ont pour inconvénient d'induire en erreur les personnes qui ne sont pas à même d'approfondir et de discerner le vrai du faux, surtout dans une question aussi nouvelle que le Spiritisme ; secondement, ce sont des armes fournies aux adversaires, qui ne manquent pas d'en tirer des arguments contre la haute moralité de l'enseignement Spirite ; car, encore une fois, le mal est de donner sérieusement des choses notoirement absurdes. Quelques-uns même peuvent voir une profanation dans le rôle ridicule que l'on prête à certains personnages justement vénérés, et auxquels on fait tenir un langage indigne d'eux. Ceux qui ont étudié à fond la science Spirite, savent à quoi s'en tenir à cet égard ; ils savent que les Esprits moqueurs ne se font pas faute de se parer de noms respectables ; mais ils savent aussi que ces Esprits n'abusent que ceux qui veulent bien se laisser abuser, et qui ne savent pas, ou ne veulent pas déjouer leurs ruses par les moyens de contrôle que nous connaissons. Le public, qui ne sait pas cela, ne voit qu'une chose : une absurdité gravement offerte à l'admiration, et il se dit : Si tous les Spirites sont comme cela, ils n'ont pas volé l'épithète dont on les gratifie. Ce jugement est inconsidéré, sans aucun doute ; vous les accusez avec raison de légèreté, et vous leur dites : Etudiez la chose, et ne voyez pas qu'un seul côté de la médaille ; mais il y a tant de gens qui jugent a priori, et sans se donner la peine de tourner le feuillet, surtout quand la bonne volonté n'y est pas, qu'il faut éviter ce qui peut leur donner trop de prise ; car si à la mauvaise volonté se joint la malveillance, ce qui est très ordinaire, ils sont enchantés de trouver à mordre.
Plus tard, quand le Spiritisme sera vulgarisé, plus connu, et compris des masses, ces publications n'auront pas plus d'influence que n'en aurait aujourd'hui un livre renfermant des hérésies scientifiques. Jusque-là on ne saurait y mettre trop de circonspection, car il en est qui peuvent nuire essentiellement à la cause qu'elles veulent défendre, bien plus même que les grossières attaques et les injures de certains adversaires : quelques-unes seraient faites dans ce but qu'elles ne réussiraient pas mieux. Le tort de certains auteurs est d'écrire sur un sujet avant de l'avoir suffisamment approfondi, et par là de donner lieu à une critique fondée. Ils se plaignent du jugement téméraire de leurs antagonistes : ils ne font pas attention qu'ils montrent souvent eux-mêmes le défaut de la cuirasse. Au reste, malgré toutes les précautions, il serait présomptueux de se croire à l'abri de toute critique : d'abord parce qu'il est impossible de contenter tout le monde ; en second lieu, parce qu'il y a des gens qui rient de tout, même des choses les plus sérieuses, les uns par état, les autres par caractère. Ils rient bien de la religion ; il n'est pas étonnant qu'ils rient des Esprits, qu'ils ne connaissent pas. Si encore leurs plaisanteries étaient spirituelles, il y aurait compensation ; malheureusement elles ne brillent en général ni par la finesse, ni par le bon goût, ni par l'urbanité et encore moins par la logique. Faisons donc pour le mieux ; en mettant de notre côté la raison et les convenances, nous y mettrons aussi les rieurs.
Ces considérations seront facilement comprises de tout le monde ; mais il en est une non moins essentielle qui tient à la nature même des communications Spirites et que nous ne devons pas omettre : les Esprits vont où ils trouvent de la sympathie et où ils savent être écoutés. Les communications grossières et inconvenantes, ou simplement fausses, absurdes et ridicules, ne peuvent émaner que d'Esprits inférieurs : le simple bon sens l'indique. Ces Esprits font ce que font les hommes qui se voient écoutés avec complaisance : ils s'attachent à ceux qui admirent leurs sottises, et souvent s'en emparent et les dominent au point de les fasciner et de les subjuguer. L'importance que l'on accorde à leurs communications, par la publicité, les attire, les excite et les encourage. Le seul, le véritable moyen de les éloigner, c'est de leur prouver qu'on n'est pas leur dupe, en rejetant impitoyablement, comme apocryphe et suspect, tout ce qui n'est pas rationnel, tout ce qui dément la supériorité que s'attribue l'Esprit qui se manifeste et le nom dont il s'affuble : alors quand il voit qu'il perd son temps, il se retire.
Nous croyons avoir suffisamment répondu à la question de notre correspondant sur la convenance et l'opportunité de certaines publications Spirites. Publier sans examen, ou sans correctif, tout ce qui vient de cette source serait faire preuve, selon nous, de peu de discernement. Telle est du moins notre opinion personnelle, que nous livrons à l'appréciation de ceux qui, étant désintéressés dans la question, peuvent juger avec impartialité, en mettant de côté toute considération individuelle. Nous avons, comme tout le monde, le droit de dire notre façon de penser sur la science qui fait l'objet de nos études, et de la traiter à notre manière, sans prétendre imposer nos idées à qui que ce soit, ni les donner comme des lois. Ceux qui partagent notre manière de voir, c'est qu'ils croient, comme nous, être dans le vrai ; l'avenir montrera qui a tort ou raison.
Les médiums sans le savoir
Dans la séance de la société du 16 septembre 1859, il a été lu divers fragments d'un poème de M. de Porry, de Marseille, intitulé Uranie. Ainsi qu'on l'a fait observer, ce poème abonde en idées Spirites qui semblent avoir été puisées à la source même du Livre des Esprits, et pourtant, il est avéré qu'à l'époque où l'auteur l'écrivit il n'avait aucune connaissance de la doctrine Spirite. Nos lecteurs nous sauront gré de leur en donner quelques échantillons. Ils se rappellent sans doute ce qui a été dit au sujet de la manière dont M. de Porry a écrit son poème, manière qui semble accuser en lui une sorte de médiumnité involontaire. (Voir le numéro du mois d'octobre 1859, page 270). Il est constant, du reste, que les Esprits qui nous entourent, qui exercent sur nous et à notre insu une influence incessante, profitent des dispositions qu'ils rencontrent dans certains individus, pour en faire les instruments des idées qu'ils veulent exprimer et porter à la connaissance des hommes ; ces individus sont donc de véritables médiums sans le savoir, et n'ont pas besoin pour cela d'être doués de la médiumnité mécanique. Tous les hommes de génie, poètes, peintres, musiciens sont dans ce cas ; assurément leur propre Esprit peut produire par lui-même, s'il est assez avancé pour cela, mais beaucoup d'idées peuvent aussi leur venir d'une source étrangère ; et ne semblent-ils pas y faire appel en demandant l'inspiration ? or, qu'est-ce que l'inspiration, sinon une idée suggérée ? Ce que l'on tire de son propre fonds n'est pas inspiré : on le possède, et l'on n'a pas besoin de le recevoir. Si l'homme de génie tirait tout de lui-même, pourquoi donc les idées lui feraient-elles défaut au moment où il les cherche ? Ne serait-il pas maître de puiser dans son cerveau, comme celui qui a de l'argent puise dans sa bourse ? S'il n'y trouve rien à un moment donné, c'est qu'il n'y a rien. Pourquoi donc au moment où il y songe le moins les idées jaillissent-elles comme d'elles-mêmes ? Les physiologistes pourraient-ils nous rendre compte de ce phénomène ? Ont-ils jamais cherché à le résoudre ? Ils disent : Le cerveau produit aujourd'hui, il ne produira pas demain ; mais pourquoi ne produira-t-il pas demain ? Ils en sont réduits à dire que c'est parce qu'il a produit la veille. Selon la doctrine Spirite, le cerveau peut toujours produire ce qui est en lui, voilà pourquoi l'homme le plus inepte trouve toujours quelque chose à dire, fût-ce même une sottise ; mais les idées dont nous ne sommes pas les maîtres ne sont pas les nôtres ; elles nous sont suggérées ; quand l'inspiration ne vient pas, c'est que l'inspirateur n'est pas là, où qu'il ne juge pas à propos de se communiquer. Il nous semble que cette explication en vaut bien une autre. On pourrait objecter que le cerveau ne produisant pas, il ne devrait pas se fatiguer. Ce serait là une erreur ; le cerveau n'en est pas moins le canal par où passent les idées étrangères, l'instrument qui exécute. Le chanteur ne se fatigue-t-il pas les organes de la voix, quoique la musique ne soit pas de lui ? Pourquoi donc le cerveau ne se fatiguerait-il pas à exprimer des idées qu'il est chargé de transmettre, quoiqu'il ne les ait pas produites ? C'est sans doute pour lui donner le repos nécessaire à l'acquisition de nouvelles forces que l'inspirateur lui impose des temps d'arrêt.
On peut encore objecter que ce système ôte au producteur son mérite personnel, puisqu'on attribue ses idées à une source étrangère. A cela nous répondons que si les choses se passent ainsi, nous ne savons qu'y faire et que nous ne voyons pas la grande nécessité de se parer des plumes du paon ; mais cette objection n'est pas sérieuse, parce que d'abord nous n'avons pas dit que l'homme de génie ne puisait rien dans son propre fonds ; en second lieu que les idées qui lui sont suggérées se confondent avec les siennes propres, rien ne les distingue, et qu'ainsi il n'est pas blâmable de se les attribuer, à moins que les ayant reçues à titre de communication Spirite avérée, il ne voulût s'en donner la gloire, ce que les Esprits pourraient bien lui faire acheter par quelques déceptions. Nous dirons enfin que si des Esprits suggèrent à un homme de grandes idées, de ces idées qui caractérisent le génie, c'est qu'ils le jugent capable de les comprendre, de les élaborer, et de les transmettre ; ils ne prendraient pas un imbécile pour leur interprète ; on peut donc toujours s'honorer de recevoir une grande et belle mission, si surtout l'orgueil ne la détourne pas de son but louable, et n'en fait pas perdre le mérite.
Que les pensées suivantes soient celles de l'Esprit personnel de M. de Porry, ou qu'elles lui aient été suggérées par voie médianimique indirecte, il n'en a pas moins le mérite du poète ; car si l'idée première lui a été donnée, l'honneur de l'avoir élaborée ne saurait lui être contestée.
URANIE
On peut encore objecter que ce système ôte au producteur son mérite personnel, puisqu'on attribue ses idées à une source étrangère. A cela nous répondons que si les choses se passent ainsi, nous ne savons qu'y faire et que nous ne voyons pas la grande nécessité de se parer des plumes du paon ; mais cette objection n'est pas sérieuse, parce que d'abord nous n'avons pas dit que l'homme de génie ne puisait rien dans son propre fonds ; en second lieu que les idées qui lui sont suggérées se confondent avec les siennes propres, rien ne les distingue, et qu'ainsi il n'est pas blâmable de se les attribuer, à moins que les ayant reçues à titre de communication Spirite avérée, il ne voulût s'en donner la gloire, ce que les Esprits pourraient bien lui faire acheter par quelques déceptions. Nous dirons enfin que si des Esprits suggèrent à un homme de grandes idées, de ces idées qui caractérisent le génie, c'est qu'ils le jugent capable de les comprendre, de les élaborer, et de les transmettre ; ils ne prendraient pas un imbécile pour leur interprète ; on peut donc toujours s'honorer de recevoir une grande et belle mission, si surtout l'orgueil ne la détourne pas de son but louable, et n'en fait pas perdre le mérite.
Que les pensées suivantes soient celles de l'Esprit personnel de M. de Porry, ou qu'elles lui aient été suggérées par voie médianimique indirecte, il n'en a pas moins le mérite du poète ; car si l'idée première lui a été donnée, l'honneur de l'avoir élaborée ne saurait lui être contestée.
URANIE
Fragments d’un poème de M. de Porry de Marseille
Ouvrez-vous à mes cris, voiles du sanctuaire !
Que le méchant frémisse et que le bon s'éclaire !
Un jour divin m'inonde, et mon sein agité
A flots étincelants darde la vérité !
Et vous, graves penseurs dont les travaux célèbres
Promettent la lumière et donnent les ténèbres,
Qui de songes menteurs et de prestiges vains
Bercez incessamment les malheureux humains,
Conciles de savants, que tant d'orgueil enflamme,
Vous serez confondus par la voix d'une femme !
Ce Dieu, que vous voulez de l'univers bannir,
Ou que vous prétendez follement définir,
Dont vos systèmes vains veulent sonder l'essence,
Malgré vous, se révèle à votre conscience ;
Et tel qui, se livrant à de subtils débats,
L'osa nier tout haut, le proclame tout bas !
Tout par sa volonté naît et se renouvelle :
C'est la Base suprême et la Vie éternelle ;
Tout repose sur lui : la matière et l'esprit ;
Qu'il retire son souffle... et l'univers périt !
L'athée a dit un jour : « Dieu n'est qu'une chimère,
Et, fille du hasard, la vie est éphémère,
Le monde, où l'homme faible en naissant fut jeté,
Est régi par les lois de la nécessité.
Quand le trépas éteint et nos sens et notre âme,
L'abîme du néant de nouveau nous réclame ;
La nature, immuable en son cours éternel,
Recueille nos débris dans son sein maternel.
Usons des courts instants que ses faveurs nous donnent ;
Que nos fronts radieux de roses se couronnent ;
Le plaisir seul est Dieu : dans nos bruyants festins,
Défions le courroux des mobiles destins ! »
Mais quand ta conscience, intime vengeresse,
Insensé ! te reproche une coupable ivresse,
L'indigent repoussé par un geste inhumain,
Ou le crime impuni dont tu souillas ta main,
Est-ce du sein obscur de l'aveugle matière
Que jaillit dans ton coeur l'importune lumière
Qui, ramenant toujours tes forfaits sous tes yeux,
T'épouvante et te rend à toi-même odieux ?
Alors, du souverain que ton audace nie
Tu sens passer sur toi la puissance infinie ;
Il te presse, il t'assiège, et, malgré tes efforts,
Se révèle à ton coeur par le cri du remords !...
Evitant les humains, brisé d'inquiétude,
Tu cherches des forêts la noire solitude ;
Et tu crois, parcourant leurs sauvages détours,
Echapper à ce Dieu qui te poursuit toujours !
Sur sa proie en lambeaux le tigre heureux sommeille :
L'homme, couvert de sang, dans les ténèbres veille ;
Son oeil est ébloui d'une affreuse lueur ;
Son corps tremble inondé d'une froide sueur ;
Un bruit sourd et sinistre à son oreille tonne ;
De spectres menaçants l'escorte l'environne ;
Et sa voix, qui formule un redoutable aveu,
S'écrie avec terreur : Grâce, grâce, ô mon Dieu !
Oui, le remords, bourreau de tout être qui pense,
Nous révèle avec Dieu notre immortelle essence ;
Et souvent la vertu, d'un noble repentir
Transforme un vil coupable en glorieux martyr ;
Des brutes séparant l'humaine créature,
Le remords est la flamme où notre âme s'épure ;
Et par son aiguillon l'être régénéré,
Sur l'échelle du bien avance d'un degré.
Oui, la vérité brille, et du superbe athée
Par ses rayons vengeurs l'audace est réfutée.
Le panthéisme vient exposer à son tour
De son fol argument le captieux détour :
« O mortels fascinés par un songe risible,
Où le trouverez-vous, ce Grand-Etre invisible ?
Il est devant vos yeux, cet éternel Grand-Tout ;
Tout forme son essence, en lui tout se résout ;
Dieu luit dans le soleil, verdit dans le feuillage,
Rugit dans le volcan et tonne dans l'orage,
Fleurit dans nos jardins, murmure dans les eaux,
Soupire mollement par la voix des oiseaux,
Et colore des airs les tissus diaphanes ;
C'est lui qui nous anime et qui meut nos organes ;
C'est lui qui pense en nous ; tous les êtres divers
Sont lui-même ; en un mot, ce Dieu, c'est l'univers. »
Quoi ! Dieu se manifeste à lui-même contraire !
Il est brebis et loup, tourterelle et vipère !
Il devient tour à tour pierre, plante, animal ;
Sa nature combine et le bien et le mal,
Parcourt tous les degrés de la brute à l'archange !
Eternelle antithèse, il est lumière et fange !
Il est vaillant et lâche, il est petit et grand,
Véridique et menteur, immortel et mourant !...
Il est en même temps oppresseur et victime,
Cultive la vertu, se roule dans le crime ;
Il est en même temps Lamettrie et Platon,
Socrate et Mélitus, Marc-Aurèle et Néron ;
Serviteur de la gloire et de l'ignominie !...
Lui-même tour à tour il s'affirme et se nie !
Contre sa propre essence il aiguise le fer,
Se voue au paradis, se condamne à l'enfer,
Invoque le néant ; et pour comble d'outrage,
Sa voix raille et maudit son magnifique ouvrage !...
Oh ! non, mille fois non, ce dogme monstrueux
N'a jamais pu germer dans un coeur vertueux.
Plongé dans ses remords où le crime s'expie,
Le téméraire auteur de la doctrine impie,
Dans le sein des plaisirs, se sentit effrayer
Par l'image d'un Dieu qu'il ne pouvait nier ;
Et pour s'en affranchir, blasphème du blasphème !...
Il l'unit à ce monde, il l'unit à lui-même.
L'athée au moins, pressé d'un pareil embarras,
Osant nier son Dieu, ne le dégrade pas.
.........................
Dieu, que la race humaine a recherché sans cesse,
Dieu, qui veut qu'on l'adore et non qu'on le connaisse,
Est des êtres divers le principe et la fin :
Mais, pour monter vers lui, quel est donc le chemin ?
Ce n'est point la Science, éphémère mirage
Qui fascine nos yeux de sa brillante image,
Et qui, trompant toujours un impuissant désir,
Disparaît sons la main qui pense le saisir.
Savants, vous entassez décombres sur décombres
Et vos systèmes vains passent comme des ombres ! -
Ce Dieu, que sans périr nul être ne peut voir,
Dont l'essence renferme un terrible pouvoir,
Mais qui pour ses enfants nourrit un amour tendre,
A moins de l'égaler, tu ne peux le comprendre !
Ah ! pour s'unir à lui, pour le rejoindre un jour,
L'âme doit emprunter les ailes de l'Amour.
Jetons au vent l'orgueil et les cendres du doute ;
Dieu lui-même aux croyants aplanira la route :
Son amour infini n'a jamais écarté
L'âme qui le recherche avec sincérité,
Et qui, foulant aux pieds richesse et jouissance,
Aspire à se confondre avec sa pure essence.
Mais ce Dieu, qui chérit le coeur humble et pieux,
Qui bannit de son sein le despote orgueilleux,
Qui se voile au savant, qui s'abandonne au sage,
Comme un amant jaloux ne souffre aucun partage ;
Et, pour lui plaire, il faut aux prestiges mondains
Opposer constamment d'inflexibles dédains.
Heureux donc ses enfants qui, dans la solitude,
Du bon, du vrai, du beau, font leur unique étude !
Heureux donc l'homme juste absorbé tout entier
Dans la triple lueur de ce divin foyer !
Au milieu des chagrins dont le cortège abonde
Sur le cercle borné de notre pauvre monde,
Pareil à l'oasis qui fleurit au désert,
Le trésor de la Foi pour son âme est ouvert ;
Et Dieu, sans se montrer, dans son coeur s'insinue,
Et lui verse une joie au vulgaire inconnue.
Alors, de son destin le sage est satisfait ;
D'un calme inaltérable il garde le bienfait ;
D'un voile constellé lorsque la nuit l'entoure,
Sur sa couche paisible il s'endort, et savoure,
Dans les songes brillants dont s'enivre son coeur,
Un céleste avant-goût du suprême bonheur.
Ton âme que du vrai l'ardente soif altère,
De la Création veut sonder le mystère ?...
Comme un peintre a d'abord conçu dans son cerveau
Le chef-d'oeuvre enchanteur qu'enfante son pinceau,
L'Eternel tire tout de sa propre nature,
Mais ne se confond pas avec sa créature
Qui, de l'intelligence ayant reçu le feu,
Est libre de faillir ou de monter vers Dieu.
Oeuvre de sa Pensée, oeuvre de sa parole,
Chaque création de son sein part... et vole,
Dans un cercle tracé par d'inflexibles lois,
Accomplir le destin dont elle a fait le choix.
Comme l'artiste, Dieu pense avant de produire.
Comme lui, ce qu'il crée, il pourrait le détruire ;
Or, source intarissable et des êtres divers
Et des globes semés dans l'immense Univers,
Dieu, la Force sains frein, de sa Vie éternelle,
A ses créations transmet une étincelle.
Le livre ou le tableau par l'artiste inventé,
Produit inerte, gît dans l'immobilité ;
Mais le Verbe jailli de sa Toute-Puissance,
S'en détache et se meut dans sa propre existence ;
Sans cesse il se transforme et jamais ne périt ;
De l'inerte métal s'élevant à l'esprit,
Le Verbe créateur dans la plante sommeille,
Rêve dans l'animal, et dans l'homme s'éveille ;
De degrés en degrés descendant et montant,
De la Création l'assemblage éclatant,
Sur les flots de l'éther forme une chaîne immense
Que l'archange finit, que la pierre commence.
Obéissant aux lois qui règlent son milieu,
Chaque élément s'approche ou s'éloigne de Dieu ;
Soit qu'au bien il se voue ou qu'au mal il succombe,
Chaque être intelligent à son gré monte ou tombe.
Or, si l'homme habitant l'atmosphère du mal,
S'abaisse par le crime au rang de l'animal,
En ange l'homme pur se transforme, - et cet ange
De degrés en degrés peut devenir archange.
Sur son trône brillant cet archange monté,
Est libre de garder sa personnalité,
Ou de se fondre au sein de la Toute-Puissance
Qui peut s'assimiler une parfaite essence.
Ainsi plus d'un archange, au céleste séjour,
A Dieu s'est réuni par un excès d'amour ;
Mais d'autres, jalousant sa gloire souveraine,
Fascinés par l'orgueil, ce père de la haine,
Ont voulu du Très-Haut discuter les arrêts,
Et plonger dans la nuit qui cache ses secrets ;
Ce Dieu dont un regard les aurait mis en poudre,
Les noircit des carreaux de sa brûlante foudre.
Depuis, défigurés, dans l'univers errants,
Suivis par les assauts des remords dévorants,
Ces anges qu'égara leur audace funeste,
N'osent plus se montrer sur le parvis céleste ;
Et la honte, aiguisant son aiguillon amer,
Livre leur coeur rebelle aux tourments de l'enfer,
Tandis que l'homme pur dont l'épreuve s'achève,
De triomphe en triomphe au paradis s'élève.
Tous ces mondes divers dans l'infini semés,
Qui blessent tes regards de leurs traits enflammés,
Que roule de l'éther la vague universelle,
Ainsi que les Esprits, sont groupés en échelles.
De globes variés ces lumineux faisceaux
Sont de vastes séjours, de célestes vaisseaux
Où voguent dans l'espace, à d'énormes distances,
Des Esprits gradués les cohortes immenses.
Il est des mondes purs et des mondes affreux :
Sans entraves régnant sur les globes heureux,
Trois principes divins, honneur, amour, justice,
De l'ordre social cimentent l'édifice ;
Et, sans cesse chéris de tous leurs habitants,
De leur félicité sont les gages constants.
D'autres globes, livrés à d'insolents vertiges,
Des anges réprouvés ont suivi les vestiges :
Ces mondes, artisans de leur propre malheur,
Ont à la loi de Dieu substitué la leur ;
Et, sur leur sol où gronde une horrible tourmente,
De leurs hôtes impurs la foule se lamente.
Notre globe novice, en ses pas incertains,
Flotta jusqu'à nos jours entre ces deux destins.
Outrageant la morale, outrageant la nature,
Quand un globe du crime a comblé la mesure ;
Que ses hôtes, plongés dans leurs plaisirs bruyants,
Ont fermé leur oreille aux discours des voyants ;
Que du Verbe divin la plus légère trace
Dans ce monde aveuglé se dissipe et s'efface,
Alors du Tout-Puissant le courroux déchaîné
Descend sur le rebelle à périr condamné :
Les archanges vengeurs de leurs ailes puissantes
Battent la terre impie... et ses mers bondissantes,
D'une immense hauteur dépassant leurs niveaux,
Sur le sol nettoyé précipitent leurs eaux ;
Des volcans souterrains la flamme éclate, gronde,
Disperse dans l'éther les débris de ce monde ;
Et l'Etre-Souverain dont la vengeance a lui,
Brise ce globe impur qui ne croit plus en lui !
Notre terre chétive est un séjour d'épreuve
Où le juste souffrant, de ses larmes s'abreuve,
Larmes qui, par degrés purifiant son coeur,
Préparent son chemin vers un monde meilleur.
Et ce n'est pas en vain, quand le sommeil nous plonge
Dans les riants transports de l'ivresse d'un songe,
Que d'un rapide élan nous sommes emportés
Dans un astre nouveau rayonnant de clartés ;
Que nous croyons errer sous de vastes bocages
Sans cesse parcourus par un peuple de sages ;
Que nous voyons ce globe éclairé de soleils
Aux rayons tour à tour blancs, azurés, vermeils,
Qui, croisant dans les airs leurs teintes mariées,
Colorent ces beaux champs de lueurs variées !...
Si ton coeur ici-bas se maintient vertueux,
Tu les traverseras, ces globes luxueux
Que la paix réjouit, qu'habite la sagesse,
Où règne du bonheur l'éternelle largesse.
Oui, ton âme les voit, ces radieux séjours
Que les faveurs du ciel embellissent toujours,
Où l'esprit s'épurant monte de grade en grade,
Lorsque le pervers suit un chemin rétrograde,
Et du règne du mal parcourant les anneaux,
Descend de cercle en cercle aux gouffres infernaux.
Miroir où l'univers reflète son image,
Ces destins différents, notre âme les présage.
L'âme, ce vif ressort qui domine les sens,
A ses moindres désirs soudain obéissant, -
Qui, comme un feu captif dans un vase d'argile,
Consume en ses transports son vêtement fragile ; -
L'âme, qui du passé garde le souvenir
Et sait lire parfois dans l'obscur avenir,
N'est point du feu vital l'éphémère étincelle :
Toi-même, tu le sens, ton âme est immortelle.
Dans les champs de l'espace et de l'éternité,
Gardant sa permanence et son identité,
Non, l'âme ne meurt point, mais change son domaine,
Et d'asile en asile à jamais se promène.
Notre âme, s'isolant du monde extérieur,
Parfois peut conquérir un sens supérieur ;
Et, dans l'enivrement du sommeil magnétique,
S'armer d'un nouvel oeil et du don prophétique ;
Affranchie un instant des terrestres liens,
Sans obstacle parcourt les champs aériens ;
Et, d'un agile bond, dans l'infini lancée,
Voit à travers les corps et lit dans la pensée.
Que le méchant frémisse et que le bon s'éclaire !
Un jour divin m'inonde, et mon sein agité
A flots étincelants darde la vérité !
Et vous, graves penseurs dont les travaux célèbres
Promettent la lumière et donnent les ténèbres,
Qui de songes menteurs et de prestiges vains
Bercez incessamment les malheureux humains,
Conciles de savants, que tant d'orgueil enflamme,
Vous serez confondus par la voix d'une femme !
Ce Dieu, que vous voulez de l'univers bannir,
Ou que vous prétendez follement définir,
Dont vos systèmes vains veulent sonder l'essence,
Malgré vous, se révèle à votre conscience ;
Et tel qui, se livrant à de subtils débats,
L'osa nier tout haut, le proclame tout bas !
Tout par sa volonté naît et se renouvelle :
C'est la Base suprême et la Vie éternelle ;
Tout repose sur lui : la matière et l'esprit ;
Qu'il retire son souffle... et l'univers périt !
L'athée a dit un jour : « Dieu n'est qu'une chimère,
Et, fille du hasard, la vie est éphémère,
Le monde, où l'homme faible en naissant fut jeté,
Est régi par les lois de la nécessité.
Quand le trépas éteint et nos sens et notre âme,
L'abîme du néant de nouveau nous réclame ;
La nature, immuable en son cours éternel,
Recueille nos débris dans son sein maternel.
Usons des courts instants que ses faveurs nous donnent ;
Que nos fronts radieux de roses se couronnent ;
Le plaisir seul est Dieu : dans nos bruyants festins,
Défions le courroux des mobiles destins ! »
Mais quand ta conscience, intime vengeresse,
Insensé ! te reproche une coupable ivresse,
L'indigent repoussé par un geste inhumain,
Ou le crime impuni dont tu souillas ta main,
Est-ce du sein obscur de l'aveugle matière
Que jaillit dans ton coeur l'importune lumière
Qui, ramenant toujours tes forfaits sous tes yeux,
T'épouvante et te rend à toi-même odieux ?
Alors, du souverain que ton audace nie
Tu sens passer sur toi la puissance infinie ;
Il te presse, il t'assiège, et, malgré tes efforts,
Se révèle à ton coeur par le cri du remords !...
Evitant les humains, brisé d'inquiétude,
Tu cherches des forêts la noire solitude ;
Et tu crois, parcourant leurs sauvages détours,
Echapper à ce Dieu qui te poursuit toujours !
Sur sa proie en lambeaux le tigre heureux sommeille :
L'homme, couvert de sang, dans les ténèbres veille ;
Son oeil est ébloui d'une affreuse lueur ;
Son corps tremble inondé d'une froide sueur ;
Un bruit sourd et sinistre à son oreille tonne ;
De spectres menaçants l'escorte l'environne ;
Et sa voix, qui formule un redoutable aveu,
S'écrie avec terreur : Grâce, grâce, ô mon Dieu !
Oui, le remords, bourreau de tout être qui pense,
Nous révèle avec Dieu notre immortelle essence ;
Et souvent la vertu, d'un noble repentir
Transforme un vil coupable en glorieux martyr ;
Des brutes séparant l'humaine créature,
Le remords est la flamme où notre âme s'épure ;
Et par son aiguillon l'être régénéré,
Sur l'échelle du bien avance d'un degré.
Oui, la vérité brille, et du superbe athée
Par ses rayons vengeurs l'audace est réfutée.
Le panthéisme vient exposer à son tour
De son fol argument le captieux détour :
« O mortels fascinés par un songe risible,
Où le trouverez-vous, ce Grand-Etre invisible ?
Il est devant vos yeux, cet éternel Grand-Tout ;
Tout forme son essence, en lui tout se résout ;
Dieu luit dans le soleil, verdit dans le feuillage,
Rugit dans le volcan et tonne dans l'orage,
Fleurit dans nos jardins, murmure dans les eaux,
Soupire mollement par la voix des oiseaux,
Et colore des airs les tissus diaphanes ;
C'est lui qui nous anime et qui meut nos organes ;
C'est lui qui pense en nous ; tous les êtres divers
Sont lui-même ; en un mot, ce Dieu, c'est l'univers. »
Quoi ! Dieu se manifeste à lui-même contraire !
Il est brebis et loup, tourterelle et vipère !
Il devient tour à tour pierre, plante, animal ;
Sa nature combine et le bien et le mal,
Parcourt tous les degrés de la brute à l'archange !
Eternelle antithèse, il est lumière et fange !
Il est vaillant et lâche, il est petit et grand,
Véridique et menteur, immortel et mourant !...
Il est en même temps oppresseur et victime,
Cultive la vertu, se roule dans le crime ;
Il est en même temps Lamettrie et Platon,
Socrate et Mélitus, Marc-Aurèle et Néron ;
Serviteur de la gloire et de l'ignominie !...
Lui-même tour à tour il s'affirme et se nie !
Contre sa propre essence il aiguise le fer,
Se voue au paradis, se condamne à l'enfer,
Invoque le néant ; et pour comble d'outrage,
Sa voix raille et maudit son magnifique ouvrage !...
Oh ! non, mille fois non, ce dogme monstrueux
N'a jamais pu germer dans un coeur vertueux.
Plongé dans ses remords où le crime s'expie,
Le téméraire auteur de la doctrine impie,
Dans le sein des plaisirs, se sentit effrayer
Par l'image d'un Dieu qu'il ne pouvait nier ;
Et pour s'en affranchir, blasphème du blasphème !...
Il l'unit à ce monde, il l'unit à lui-même.
L'athée au moins, pressé d'un pareil embarras,
Osant nier son Dieu, ne le dégrade pas.
.........................
Dieu, que la race humaine a recherché sans cesse,
Dieu, qui veut qu'on l'adore et non qu'on le connaisse,
Est des êtres divers le principe et la fin :
Mais, pour monter vers lui, quel est donc le chemin ?
Ce n'est point la Science, éphémère mirage
Qui fascine nos yeux de sa brillante image,
Et qui, trompant toujours un impuissant désir,
Disparaît sons la main qui pense le saisir.
Savants, vous entassez décombres sur décombres
Et vos systèmes vains passent comme des ombres ! -
Ce Dieu, que sans périr nul être ne peut voir,
Dont l'essence renferme un terrible pouvoir,
Mais qui pour ses enfants nourrit un amour tendre,
A moins de l'égaler, tu ne peux le comprendre !
Ah ! pour s'unir à lui, pour le rejoindre un jour,
L'âme doit emprunter les ailes de l'Amour.
Jetons au vent l'orgueil et les cendres du doute ;
Dieu lui-même aux croyants aplanira la route :
Son amour infini n'a jamais écarté
L'âme qui le recherche avec sincérité,
Et qui, foulant aux pieds richesse et jouissance,
Aspire à se confondre avec sa pure essence.
Mais ce Dieu, qui chérit le coeur humble et pieux,
Qui bannit de son sein le despote orgueilleux,
Qui se voile au savant, qui s'abandonne au sage,
Comme un amant jaloux ne souffre aucun partage ;
Et, pour lui plaire, il faut aux prestiges mondains
Opposer constamment d'inflexibles dédains.
Heureux donc ses enfants qui, dans la solitude,
Du bon, du vrai, du beau, font leur unique étude !
Heureux donc l'homme juste absorbé tout entier
Dans la triple lueur de ce divin foyer !
Au milieu des chagrins dont le cortège abonde
Sur le cercle borné de notre pauvre monde,
Pareil à l'oasis qui fleurit au désert,
Le trésor de la Foi pour son âme est ouvert ;
Et Dieu, sans se montrer, dans son coeur s'insinue,
Et lui verse une joie au vulgaire inconnue.
Alors, de son destin le sage est satisfait ;
D'un calme inaltérable il garde le bienfait ;
D'un voile constellé lorsque la nuit l'entoure,
Sur sa couche paisible il s'endort, et savoure,
Dans les songes brillants dont s'enivre son coeur,
Un céleste avant-goût du suprême bonheur.
Ton âme que du vrai l'ardente soif altère,
De la Création veut sonder le mystère ?...
Comme un peintre a d'abord conçu dans son cerveau
Le chef-d'oeuvre enchanteur qu'enfante son pinceau,
L'Eternel tire tout de sa propre nature,
Mais ne se confond pas avec sa créature
Qui, de l'intelligence ayant reçu le feu,
Est libre de faillir ou de monter vers Dieu.
Oeuvre de sa Pensée, oeuvre de sa parole,
Chaque création de son sein part... et vole,
Dans un cercle tracé par d'inflexibles lois,
Accomplir le destin dont elle a fait le choix.
Comme l'artiste, Dieu pense avant de produire.
Comme lui, ce qu'il crée, il pourrait le détruire ;
Or, source intarissable et des êtres divers
Et des globes semés dans l'immense Univers,
Dieu, la Force sains frein, de sa Vie éternelle,
A ses créations transmet une étincelle.
Le livre ou le tableau par l'artiste inventé,
Produit inerte, gît dans l'immobilité ;
Mais le Verbe jailli de sa Toute-Puissance,
S'en détache et se meut dans sa propre existence ;
Sans cesse il se transforme et jamais ne périt ;
De l'inerte métal s'élevant à l'esprit,
Le Verbe créateur dans la plante sommeille,
Rêve dans l'animal, et dans l'homme s'éveille ;
De degrés en degrés descendant et montant,
De la Création l'assemblage éclatant,
Sur les flots de l'éther forme une chaîne immense
Que l'archange finit, que la pierre commence.
Obéissant aux lois qui règlent son milieu,
Chaque élément s'approche ou s'éloigne de Dieu ;
Soit qu'au bien il se voue ou qu'au mal il succombe,
Chaque être intelligent à son gré monte ou tombe.
Or, si l'homme habitant l'atmosphère du mal,
S'abaisse par le crime au rang de l'animal,
En ange l'homme pur se transforme, - et cet ange
De degrés en degrés peut devenir archange.
Sur son trône brillant cet archange monté,
Est libre de garder sa personnalité,
Ou de se fondre au sein de la Toute-Puissance
Qui peut s'assimiler une parfaite essence.
Ainsi plus d'un archange, au céleste séjour,
A Dieu s'est réuni par un excès d'amour ;
Mais d'autres, jalousant sa gloire souveraine,
Fascinés par l'orgueil, ce père de la haine,
Ont voulu du Très-Haut discuter les arrêts,
Et plonger dans la nuit qui cache ses secrets ;
Ce Dieu dont un regard les aurait mis en poudre,
Les noircit des carreaux de sa brûlante foudre.
Depuis, défigurés, dans l'univers errants,
Suivis par les assauts des remords dévorants,
Ces anges qu'égara leur audace funeste,
N'osent plus se montrer sur le parvis céleste ;
Et la honte, aiguisant son aiguillon amer,
Livre leur coeur rebelle aux tourments de l'enfer,
Tandis que l'homme pur dont l'épreuve s'achève,
De triomphe en triomphe au paradis s'élève.
Tous ces mondes divers dans l'infini semés,
Qui blessent tes regards de leurs traits enflammés,
Que roule de l'éther la vague universelle,
Ainsi que les Esprits, sont groupés en échelles.
De globes variés ces lumineux faisceaux
Sont de vastes séjours, de célestes vaisseaux
Où voguent dans l'espace, à d'énormes distances,
Des Esprits gradués les cohortes immenses.
Il est des mondes purs et des mondes affreux :
Sans entraves régnant sur les globes heureux,
Trois principes divins, honneur, amour, justice,
De l'ordre social cimentent l'édifice ;
Et, sans cesse chéris de tous leurs habitants,
De leur félicité sont les gages constants.
D'autres globes, livrés à d'insolents vertiges,
Des anges réprouvés ont suivi les vestiges :
Ces mondes, artisans de leur propre malheur,
Ont à la loi de Dieu substitué la leur ;
Et, sur leur sol où gronde une horrible tourmente,
De leurs hôtes impurs la foule se lamente.
Notre globe novice, en ses pas incertains,
Flotta jusqu'à nos jours entre ces deux destins.
Outrageant la morale, outrageant la nature,
Quand un globe du crime a comblé la mesure ;
Que ses hôtes, plongés dans leurs plaisirs bruyants,
Ont fermé leur oreille aux discours des voyants ;
Que du Verbe divin la plus légère trace
Dans ce monde aveuglé se dissipe et s'efface,
Alors du Tout-Puissant le courroux déchaîné
Descend sur le rebelle à périr condamné :
Les archanges vengeurs de leurs ailes puissantes
Battent la terre impie... et ses mers bondissantes,
D'une immense hauteur dépassant leurs niveaux,
Sur le sol nettoyé précipitent leurs eaux ;
Des volcans souterrains la flamme éclate, gronde,
Disperse dans l'éther les débris de ce monde ;
Et l'Etre-Souverain dont la vengeance a lui,
Brise ce globe impur qui ne croit plus en lui !
Notre terre chétive est un séjour d'épreuve
Où le juste souffrant, de ses larmes s'abreuve,
Larmes qui, par degrés purifiant son coeur,
Préparent son chemin vers un monde meilleur.
Et ce n'est pas en vain, quand le sommeil nous plonge
Dans les riants transports de l'ivresse d'un songe,
Que d'un rapide élan nous sommes emportés
Dans un astre nouveau rayonnant de clartés ;
Que nous croyons errer sous de vastes bocages
Sans cesse parcourus par un peuple de sages ;
Que nous voyons ce globe éclairé de soleils
Aux rayons tour à tour blancs, azurés, vermeils,
Qui, croisant dans les airs leurs teintes mariées,
Colorent ces beaux champs de lueurs variées !...
Si ton coeur ici-bas se maintient vertueux,
Tu les traverseras, ces globes luxueux
Que la paix réjouit, qu'habite la sagesse,
Où règne du bonheur l'éternelle largesse.
Oui, ton âme les voit, ces radieux séjours
Que les faveurs du ciel embellissent toujours,
Où l'esprit s'épurant monte de grade en grade,
Lorsque le pervers suit un chemin rétrograde,
Et du règne du mal parcourant les anneaux,
Descend de cercle en cercle aux gouffres infernaux.
Miroir où l'univers reflète son image,
Ces destins différents, notre âme les présage.
L'âme, ce vif ressort qui domine les sens,
A ses moindres désirs soudain obéissant, -
Qui, comme un feu captif dans un vase d'argile,
Consume en ses transports son vêtement fragile ; -
L'âme, qui du passé garde le souvenir
Et sait lire parfois dans l'obscur avenir,
N'est point du feu vital l'éphémère étincelle :
Toi-même, tu le sens, ton âme est immortelle.
Dans les champs de l'espace et de l'éternité,
Gardant sa permanence et son identité,
Non, l'âme ne meurt point, mais change son domaine,
Et d'asile en asile à jamais se promène.
Notre âme, s'isolant du monde extérieur,
Parfois peut conquérir un sens supérieur ;
Et, dans l'enivrement du sommeil magnétique,
S'armer d'un nouvel oeil et du don prophétique ;
Affranchie un instant des terrestres liens,
Sans obstacle parcourt les champs aériens ;
Et, d'un agile bond, dans l'infini lancée,
Voit à travers les corps et lit dans la pensée.
Swedenborg
Swedenborg est un de ces personnages plus connus de nom que de fait, du moins pour le vulgaire ; ses ouvrages très volumineux, et en général très abstraits, ne sont guère lus que par les érudits : aussi la plupart de ceux qui en parlent seraient-ils fort embarrassés de dire ce qu'il était. Pour les uns, c'est un grand homme, objet d'une profonde vénération, sans savoir pourquoi ; pour les autres, c'est un charlatan, un visionnaire, un thaumaturge. Comme tous les hommes qui professent des idées qui ne sont pas celles de tout le monde, quand ces idées surtout froissent certainspréjugés, il a eu, et il a encore ses contradicteurs. Si ces derniers se fussent bornés à le réfuter, ils étaient dans leur droit ; mais l'esprit de parti ne respecte rien, et les plus nobles qualités ne trouvent pas grâce devant lui : Swedenborg ne pouvait faire exception. Sa doctrine laisse, sans doute, beaucoup à désirer : lui-même aujourd'hui est loin de l'approuver en tout point. Mais toute réfutable qu'elle soit, il n'en restera pas moins comme l'un des hommes les plus éminents de son siècle. Les documents suivants sont tirés de l'intéressante notice communiquée par Mme P... à la Société parisienne des études Spirites.
Emmanuel Swedenborg est né à Stockholm, en 1688, et mort à Londres, en 1772, à l'âge de 84 ans. Son père, Joeper Swedenborg, évêque de Skava, était remarquable par son mérite et par son savoir ; mais son fils le surpassa de beaucoup : il excella dans toutes les sciences, et surtout dans la théologie, la mécanique, la physique et la métallurgie. Sa prudence, sa sagesse, sa modestie et sa simplicité lui valurent la haute réputation dont il jouit encore aujourd'hui. Les rois l'appelèrent dans leurs conseils. En 1716, Charles XII le nomma assesseur au Collège métallique de Stockholm ; la reine Ulrique l'anoblit, et il occupa les places les plus honorables avec distinction jusqu'en 1743, époque où il eut sa première révélation Spirite.
Il était alors âgé de 55 ans et donna sa démission, ne voulant plus s'occuper que de son apostolat et de l'établissement de la doctrine de la Jérusalem nouvelle. Voici comment il raconte lui-même sa première révélation :
« J'étais à Londres où je dînais fort tard, à mon auberge ordinaire, et où je m'étais réservé une chambre pour avoir la liberté d'y méditer à mon aise. Je m'étais senti pressé par la faim, et je mangeais de bon appétit. Sur la fin du repas, je m'aperçus qu'une espèce de brouillard se répandait sur mes yeux, et je vis le plancher de ma chambre couvert de reptiles hideux, tels que serpents, crapauds, chenilles et autres ; je fus saisi, d'autant plus que les ténèbres augmentèrent, mais elles se dissipèrent bientôt ; alors je vis clairement un homme au milieu d'une lumière vive et rayonnante, assis dans un coin de la chambre ; les reptiles avaient disparu avec les ténèbres. J'étais seul : jugez de la frayeur qui s'empara de moi, quand je lui entendis prononcer distinctement, mais avec un son de voix bien capable d'imprimer la terreur : « Ne mange pas tant ! » A ces mots, ma vue s'obscurcit, mais elle se rétablit peu à peu, et je me vis seul dans ma chambre. Encore un peu effrayé de tout ce que j'avais vu, je me rendis en hâte à mon logis, sans rien dire à personne de ce qui m'était arrivé. Là, je me laissai aller à mes réflexions, et je ne conçus pas que ce fût l'effet du hasard ou de quelque cause physique.
« La nuit suivante, le même homme, rayonnant de lumière, se présenta encore devant moi et me dit : « Je suis Dieu, le Seigneur, créateur et rédempteur : je t'ai choisi pour expliquer aux hommes le sens intérieur et spirituel de l'Ecriture Sainte ; je te dicterai ce que tu dois écrire. »
« Pour cette fois, je ne fus point du tout effrayé, et la lumière, quoique très vive et resplendissante dont il était environné, ne fit aucune impression douloureuse sur mes yeux ; il était vêtu de pourpre, et la vision dura un bon quart d'heure. Cette même nuit, les yeux de mon homme intérieur furent ouverts et disposés pour voir dans le ciel, dans le monde des Esprits et dans les enfers, et je trouvai partout plusieurs personnes de ma connaissance, les unes mortes depuis longtemps, les autres depuis peu. Dès ce jour-là, je renonçai à toutes les occupations mondaines pour ne plus travailler que sur les choses spirituelles, pour me conformer à l'ordre que j'en avais reçu. Il m'arriva souvent, dans la suite, d'avoir les yeux de mon Esprit ouverts, et de voir en plein jour ce qui se passait dans l'autre monde, de parler aux Anges et aux Esprits comme je parle aux hommes. »
Un des points fondamentaux de la doctrine de Swedenborg repose sur ce qu'il appelle les correspondances. Selon lui, le monde spirituel et le monde naturel étant liés entre eux comme l'intérieur à l'extérieur, il en résulte que les choses spirituelles et les choses naturelles font un, par influx, et qu'il y a entre elles correspondance. Voilà le principe ; mais que doit-on entendre par cette correspondance et cet influx : c'est le difficile à saisir.
La terre, dit Swedenborg, correspond à l'homme. Les diverses productions qui servent à la nourriture des hommes correspondent à divers genres de biens et de vérités, savoir : les aliments solides à des genres de biens, et les aliments liquides à des genres de vérités. La maison correspond à la volonté et à l'entendement, qui constituent le mental humain. Les aliments correspondent aux vérités ou aux faussetés, selon la substance, la couleur et la forme qu'ils présentent. Les animaux correspondent aux affections ; ceux qui sont utiles et doux, aux affections bonnes ; et ceux qui sont nuisibles et méchants, aux affections mauvaises ; les oiseaux doux et beaux, aux vérités intellectuelles ; ceux qui sont méchants et laids, aux faussetés ; les poissons, aux sciences qui tirent leur origine des choses sensuelles ; et les insectes nuisibles, aux faussetés qui proviennent des sens. Les arbres et les arbustes correspondent à divers genres de connaissances ; les herbes et le gazon, à diverses vérités scientifiques. L'or correspond au bien céleste ; l'argent, au vrai spirituel ; l'airain, au bien naturel, etc., etc. Ainsi, depuis les derniers degrés de la création jusqu'au soleil céleste et spirituel, tout se tient, tout s'enchaîne par l'influx qui produit la correspondance.
Le second point de sa doctrine est celui-ci : Il n'y a qu'un seul Dieu et une seule personne, qui est Jésus-Christ.
L'homme, créé libre, selon Swedenborg, abusa de sa liberté et de sa raison. Il tomba ; mais sa chute avait été prévue par Dieu ; elle devait être suivie de sa réhabilitation ; car Dieu, qui est l'amour même, ne pouvait pas le laisser dans l'état où sa chute l'avait plongé. Or, comment opérer cette réhabilitation ? Le replacer dans l'état primitif, c'eût été lui enlever le libre arbitre, et par là l'anéantir. Ce fut en se conformant aux lois de son ordre éternel qu'il procéda à la réhabilitation du genre humain. Vient ensuite une théorie très diffuse des trois soleils franchis par Jéhovah, pour se rapprocher de nous et prouver qu'il est l'homme même.
Swedenborg divise le monde des Esprits en trois lieux différents : ciels, intermédiaires et enfers, sans toutefois leur assigner de places. « Après la mort, dit-il, on entre dans le monde des Esprits ; les saints se dirigent volontairement vers l'un des trois ciels, et les pécheurs vers l'un des trois enfers, d'où ils ne sortiront jamais. » Cette doctrine désespérante annihile la miséricorde de Dieu ; car il lui refuse le pouvoir de pardonner aux pécheurs surpris par une mort violente ou accidentelle.
Tout en rendant justice au mérite personnel de Swedenborg, comme savant et comme homme de bien, nous ne pouvons nous constituer les défenseurs de doctrines que condamne le plus vulgaire bon sens. Ce qui en ressort le plus clairement, d'après ce que nous connaissons maintenant des phénomènes Spirites, c'est l'existence d'un monde invisible, et la possibilité de communiquer avec lui. Swedenborg a joui d'une faculté qui a paru surnaturelle de son temps ; c'est pourquoi des admirateurs fanatiques l'ont regardé comme un être exceptionnel ; dans des temps plus reculés, on lui eût élevé des autels ; ceux qui n'y ont pas cru l'ont traité, les uns de cerveau exalté, les autres de charlatan. Pour nous, c'était un médium voyant et un écrivain intuitif, comme il y en a des milliers ; faculté qui rentre dans la condition des phénomènes naturels.
Il a eu un tort, très pardonnable, vu son inexpérience des choses du monde occulte, c'était d'accepter trop aveuglément tout ce qui lui était dicté, sans le soumettre au contrôle sévère de la raison. S'il en eût mûrement pesé le pour et le contre, il y eût reconnu des principes inconciliables avec une logique tant soit peu rigoureuse. Aujourd'hui, il ne serait probablement pas tombé dans la même faute ; car il aurait eu les moyens de juger et d'apprécier la valeur des communications d'outre-tombe ; il aurait su que c'est un champ où toutes les herbes ne sont pas bonnes à cueillir, et qu'entre les unes et les autres le bon sens, qui ne nous a pas été donné pour rien, doit savoir faire un choix. La qualité que s'est attribuée l'Esprit qui s'est manifesté à lui suffisait pour le mettre sur ses gardes, surtout en considérant la trivialité de son début. Ce qu'il n'a pas fait lui-même, c'est à nous de le faire maintenant, en ne prenant dans ses écrits que ce qu'il y a de rationnel ; ses erreurs mêmes doivent être un enseignement pour les médiums trop crédules que certains Esprits cherchent à fasciner en flattant leur vanité ou leurs préjugés par un langage pompeux ou de trompeuses apparences.
L'anecdote suivante prouve le peu de bonne foi des adversaires de Swedenborg, qui cherchaient toutes les occasions de le dénigrer. La reine Louise-Ulrique, connaissant les facultés dont il était doué, l'avait un jour chargé de savoir de l'Esprit de son frère, le prince de Prusse, pourquoi, quelque temps avant sa mort, il n'avait pas répondu à une lettre qu'elle lui avait envoyée pour lui demander des conseils. Swedenborg, au bout de vingt-quatre heures, avait rapporté à la reine, en audience secrète, la réponse du prince, conçue de telle sorte que la reine, pleinement persuadée que personne, excepté elle et son frère défunt, ne connaissait le contenu de cette lettre, fut saisie de la plus profonde stupéfaction, et reconnut le pouvoir miraculeux du grand homme. Voici l'explication que donne de ce fait un de ses antagonistes, le chevalier Beylon, lecteur de la reine :
« On regardait la reine comme l'un des principaux auteurs de la tentative de révolution qui eut lieu en Suède en 1756, et qui coûta la vie au comte Barhé et au maréchal Horn. Peu s'en fallut que le parti des chapeaux qui triomphait alors ne la rendît responsable du sang versé. Dans cette situation critique, elle écrivit à son frère, le prince de Prusse, pour lui demander conseil et assistance. La reine ne reçut pas de réponse, et comme le prince mourut bientôt après, elle n'apprit jamais la cause de son silence ; c'est pourquoi elle chargea Swedenborg d'interroger l'Esprit du prince à ce sujet. Justement, à l'arrivée du message de la reine, les sénateurs, comtes T... et H... étaient présents. Ce dernier, qui avait intercepté la lettre, savait aussi bien que son complice, le comte T..., pourquoi cette missive était restée sans réponse, et tous deux résolurent de profiter de cette circonstance pour faire parvenir à la reine leurs avis sur beaucoup de choses. Ils allèrent donc de nuit trouver le visionnaire et lui dictèrent la réponse. Swedenborg, à défaut d'inspiration, saisissant celle-ci avec empressement, courut, le lendemain, chez la reine, et là, dans le silence de son cabinet, il lui dit : que l'Esprit du prince lui était apparu et l'avait chargé de lui annoncer son mécontentement, et de l'assurer que s'il n'avait pas répondu à sa lettre, c'est qu'il avait désapprouvé sa conduite, que sa politique imprudente et son ambition étaient cause du sang répandu, qu'elle était coupable devant Dieu, et qu'elle aurait à expier. Il la faisait prier de ne plus se mêler des affaires de l'état, etc., etc. La reine, convaincue par cette révélation, crut à Swedenborg et embrassa sa défense avec ardeur.
Cette anecdote a donné lieu à une polémique soutenue entre les disciples de Swedenborg et ses détracteurs. Un ecclésiastique suédois, nommé Malthésius, qui est devenu fou, avait publié que Swedenborg, dont il était ouvertement l'ennemi, s'était rétracté avant de mourir. Le bruit s'en étant répandu en Hollande, vers l'automne de 1785, Robert Hindmarck fit une enquête à ce sujet, et démontra toute la fausseté de la calomnie inventée par Malthésius.
L'histoire de la vie de Swedenborg prouve que la vue spirituelle dont il était doué ne nuisit en rien, chez lui, à l'exercice de ses facultés naturelles. Son éloge, prononcé après sa mort devant l'Académie des Sciences de Stockholm, par l'académicien Landel, montre combien fut vaste son érudition, et l'on voit, par ses discours prononcés à la diète de 1761, la part qu'il prenait à la direction des affaires publiques de son pays.
La doctrine de Swedenborg fit de nombreux prosélytes à Londres, en Hollande, et même à Paris, où elle donna naissance à la Société dont nous avons parlé dans notre Numéro du mois d'octobre, à celle des Martinistes, des Théosophes, etc. Si elle ne fut pas acceptée par tous dans toutes ses conséquences, elle eut toujours pour résultat de propager la croyance à la possibilité de communiquer avec les êtres d'outre-tombe, croyance fort ancienne, comme on le sait, mais jusqu'à ce jour cachée au vulgaire par les pratiques mystérieuses dont elle était entourée. Le mérite incontestable de Swedenborg, son profond savoir, sa haute réputation de sagesse ont été d'un grand poids dans la propagation de ces idées qui se popularisent de plus en plus aujourd'hui, par cela même qu'elles croissent au grand jour, et que loin de chercher l'ombre du mystère, elles font appel à la raison. Malgré ses erreurs de système, Swedenborg n'en est pas moins une de ces grandes figures dont le souvenir restera attaché à l'histoire du Spiritisme, dont il fut un des premiers et des plus zélés promoteurs.
(Société, 23 septembre 1859.)Il était alors âgé de 55 ans et donna sa démission, ne voulant plus s'occuper que de son apostolat et de l'établissement de la doctrine de la Jérusalem nouvelle. Voici comment il raconte lui-même sa première révélation :
« J'étais à Londres où je dînais fort tard, à mon auberge ordinaire, et où je m'étais réservé une chambre pour avoir la liberté d'y méditer à mon aise. Je m'étais senti pressé par la faim, et je mangeais de bon appétit. Sur la fin du repas, je m'aperçus qu'une espèce de brouillard se répandait sur mes yeux, et je vis le plancher de ma chambre couvert de reptiles hideux, tels que serpents, crapauds, chenilles et autres ; je fus saisi, d'autant plus que les ténèbres augmentèrent, mais elles se dissipèrent bientôt ; alors je vis clairement un homme au milieu d'une lumière vive et rayonnante, assis dans un coin de la chambre ; les reptiles avaient disparu avec les ténèbres. J'étais seul : jugez de la frayeur qui s'empara de moi, quand je lui entendis prononcer distinctement, mais avec un son de voix bien capable d'imprimer la terreur : « Ne mange pas tant ! » A ces mots, ma vue s'obscurcit, mais elle se rétablit peu à peu, et je me vis seul dans ma chambre. Encore un peu effrayé de tout ce que j'avais vu, je me rendis en hâte à mon logis, sans rien dire à personne de ce qui m'était arrivé. Là, je me laissai aller à mes réflexions, et je ne conçus pas que ce fût l'effet du hasard ou de quelque cause physique.
« La nuit suivante, le même homme, rayonnant de lumière, se présenta encore devant moi et me dit : « Je suis Dieu, le Seigneur, créateur et rédempteur : je t'ai choisi pour expliquer aux hommes le sens intérieur et spirituel de l'Ecriture Sainte ; je te dicterai ce que tu dois écrire. »
« Pour cette fois, je ne fus point du tout effrayé, et la lumière, quoique très vive et resplendissante dont il était environné, ne fit aucune impression douloureuse sur mes yeux ; il était vêtu de pourpre, et la vision dura un bon quart d'heure. Cette même nuit, les yeux de mon homme intérieur furent ouverts et disposés pour voir dans le ciel, dans le monde des Esprits et dans les enfers, et je trouvai partout plusieurs personnes de ma connaissance, les unes mortes depuis longtemps, les autres depuis peu. Dès ce jour-là, je renonçai à toutes les occupations mondaines pour ne plus travailler que sur les choses spirituelles, pour me conformer à l'ordre que j'en avais reçu. Il m'arriva souvent, dans la suite, d'avoir les yeux de mon Esprit ouverts, et de voir en plein jour ce qui se passait dans l'autre monde, de parler aux Anges et aux Esprits comme je parle aux hommes. »
Un des points fondamentaux de la doctrine de Swedenborg repose sur ce qu'il appelle les correspondances. Selon lui, le monde spirituel et le monde naturel étant liés entre eux comme l'intérieur à l'extérieur, il en résulte que les choses spirituelles et les choses naturelles font un, par influx, et qu'il y a entre elles correspondance. Voilà le principe ; mais que doit-on entendre par cette correspondance et cet influx : c'est le difficile à saisir.
La terre, dit Swedenborg, correspond à l'homme. Les diverses productions qui servent à la nourriture des hommes correspondent à divers genres de biens et de vérités, savoir : les aliments solides à des genres de biens, et les aliments liquides à des genres de vérités. La maison correspond à la volonté et à l'entendement, qui constituent le mental humain. Les aliments correspondent aux vérités ou aux faussetés, selon la substance, la couleur et la forme qu'ils présentent. Les animaux correspondent aux affections ; ceux qui sont utiles et doux, aux affections bonnes ; et ceux qui sont nuisibles et méchants, aux affections mauvaises ; les oiseaux doux et beaux, aux vérités intellectuelles ; ceux qui sont méchants et laids, aux faussetés ; les poissons, aux sciences qui tirent leur origine des choses sensuelles ; et les insectes nuisibles, aux faussetés qui proviennent des sens. Les arbres et les arbustes correspondent à divers genres de connaissances ; les herbes et le gazon, à diverses vérités scientifiques. L'or correspond au bien céleste ; l'argent, au vrai spirituel ; l'airain, au bien naturel, etc., etc. Ainsi, depuis les derniers degrés de la création jusqu'au soleil céleste et spirituel, tout se tient, tout s'enchaîne par l'influx qui produit la correspondance.
Le second point de sa doctrine est celui-ci : Il n'y a qu'un seul Dieu et une seule personne, qui est Jésus-Christ.
L'homme, créé libre, selon Swedenborg, abusa de sa liberté et de sa raison. Il tomba ; mais sa chute avait été prévue par Dieu ; elle devait être suivie de sa réhabilitation ; car Dieu, qui est l'amour même, ne pouvait pas le laisser dans l'état où sa chute l'avait plongé. Or, comment opérer cette réhabilitation ? Le replacer dans l'état primitif, c'eût été lui enlever le libre arbitre, et par là l'anéantir. Ce fut en se conformant aux lois de son ordre éternel qu'il procéda à la réhabilitation du genre humain. Vient ensuite une théorie très diffuse des trois soleils franchis par Jéhovah, pour se rapprocher de nous et prouver qu'il est l'homme même.
Swedenborg divise le monde des Esprits en trois lieux différents : ciels, intermédiaires et enfers, sans toutefois leur assigner de places. « Après la mort, dit-il, on entre dans le monde des Esprits ; les saints se dirigent volontairement vers l'un des trois ciels, et les pécheurs vers l'un des trois enfers, d'où ils ne sortiront jamais. » Cette doctrine désespérante annihile la miséricorde de Dieu ; car il lui refuse le pouvoir de pardonner aux pécheurs surpris par une mort violente ou accidentelle.
Tout en rendant justice au mérite personnel de Swedenborg, comme savant et comme homme de bien, nous ne pouvons nous constituer les défenseurs de doctrines que condamne le plus vulgaire bon sens. Ce qui en ressort le plus clairement, d'après ce que nous connaissons maintenant des phénomènes Spirites, c'est l'existence d'un monde invisible, et la possibilité de communiquer avec lui. Swedenborg a joui d'une faculté qui a paru surnaturelle de son temps ; c'est pourquoi des admirateurs fanatiques l'ont regardé comme un être exceptionnel ; dans des temps plus reculés, on lui eût élevé des autels ; ceux qui n'y ont pas cru l'ont traité, les uns de cerveau exalté, les autres de charlatan. Pour nous, c'était un médium voyant et un écrivain intuitif, comme il y en a des milliers ; faculté qui rentre dans la condition des phénomènes naturels.
Il a eu un tort, très pardonnable, vu son inexpérience des choses du monde occulte, c'était d'accepter trop aveuglément tout ce qui lui était dicté, sans le soumettre au contrôle sévère de la raison. S'il en eût mûrement pesé le pour et le contre, il y eût reconnu des principes inconciliables avec une logique tant soit peu rigoureuse. Aujourd'hui, il ne serait probablement pas tombé dans la même faute ; car il aurait eu les moyens de juger et d'apprécier la valeur des communications d'outre-tombe ; il aurait su que c'est un champ où toutes les herbes ne sont pas bonnes à cueillir, et qu'entre les unes et les autres le bon sens, qui ne nous a pas été donné pour rien, doit savoir faire un choix. La qualité que s'est attribuée l'Esprit qui s'est manifesté à lui suffisait pour le mettre sur ses gardes, surtout en considérant la trivialité de son début. Ce qu'il n'a pas fait lui-même, c'est à nous de le faire maintenant, en ne prenant dans ses écrits que ce qu'il y a de rationnel ; ses erreurs mêmes doivent être un enseignement pour les médiums trop crédules que certains Esprits cherchent à fasciner en flattant leur vanité ou leurs préjugés par un langage pompeux ou de trompeuses apparences.
L'anecdote suivante prouve le peu de bonne foi des adversaires de Swedenborg, qui cherchaient toutes les occasions de le dénigrer. La reine Louise-Ulrique, connaissant les facultés dont il était doué, l'avait un jour chargé de savoir de l'Esprit de son frère, le prince de Prusse, pourquoi, quelque temps avant sa mort, il n'avait pas répondu à une lettre qu'elle lui avait envoyée pour lui demander des conseils. Swedenborg, au bout de vingt-quatre heures, avait rapporté à la reine, en audience secrète, la réponse du prince, conçue de telle sorte que la reine, pleinement persuadée que personne, excepté elle et son frère défunt, ne connaissait le contenu de cette lettre, fut saisie de la plus profonde stupéfaction, et reconnut le pouvoir miraculeux du grand homme. Voici l'explication que donne de ce fait un de ses antagonistes, le chevalier Beylon, lecteur de la reine :
« On regardait la reine comme l'un des principaux auteurs de la tentative de révolution qui eut lieu en Suède en 1756, et qui coûta la vie au comte Barhé et au maréchal Horn. Peu s'en fallut que le parti des chapeaux qui triomphait alors ne la rendît responsable du sang versé. Dans cette situation critique, elle écrivit à son frère, le prince de Prusse, pour lui demander conseil et assistance. La reine ne reçut pas de réponse, et comme le prince mourut bientôt après, elle n'apprit jamais la cause de son silence ; c'est pourquoi elle chargea Swedenborg d'interroger l'Esprit du prince à ce sujet. Justement, à l'arrivée du message de la reine, les sénateurs, comtes T... et H... étaient présents. Ce dernier, qui avait intercepté la lettre, savait aussi bien que son complice, le comte T..., pourquoi cette missive était restée sans réponse, et tous deux résolurent de profiter de cette circonstance pour faire parvenir à la reine leurs avis sur beaucoup de choses. Ils allèrent donc de nuit trouver le visionnaire et lui dictèrent la réponse. Swedenborg, à défaut d'inspiration, saisissant celle-ci avec empressement, courut, le lendemain, chez la reine, et là, dans le silence de son cabinet, il lui dit : que l'Esprit du prince lui était apparu et l'avait chargé de lui annoncer son mécontentement, et de l'assurer que s'il n'avait pas répondu à sa lettre, c'est qu'il avait désapprouvé sa conduite, que sa politique imprudente et son ambition étaient cause du sang répandu, qu'elle était coupable devant Dieu, et qu'elle aurait à expier. Il la faisait prier de ne plus se mêler des affaires de l'état, etc., etc. La reine, convaincue par cette révélation, crut à Swedenborg et embrassa sa défense avec ardeur.
Cette anecdote a donné lieu à une polémique soutenue entre les disciples de Swedenborg et ses détracteurs. Un ecclésiastique suédois, nommé Malthésius, qui est devenu fou, avait publié que Swedenborg, dont il était ouvertement l'ennemi, s'était rétracté avant de mourir. Le bruit s'en étant répandu en Hollande, vers l'automne de 1785, Robert Hindmarck fit une enquête à ce sujet, et démontra toute la fausseté de la calomnie inventée par Malthésius.
L'histoire de la vie de Swedenborg prouve que la vue spirituelle dont il était doué ne nuisit en rien, chez lui, à l'exercice de ses facultés naturelles. Son éloge, prononcé après sa mort devant l'Académie des Sciences de Stockholm, par l'académicien Landel, montre combien fut vaste son érudition, et l'on voit, par ses discours prononcés à la diète de 1761, la part qu'il prenait à la direction des affaires publiques de son pays.
La doctrine de Swedenborg fit de nombreux prosélytes à Londres, en Hollande, et même à Paris, où elle donna naissance à la Société dont nous avons parlé dans notre Numéro du mois d'octobre, à celle des Martinistes, des Théosophes, etc. Si elle ne fut pas acceptée par tous dans toutes ses conséquences, elle eut toujours pour résultat de propager la croyance à la possibilité de communiquer avec les êtres d'outre-tombe, croyance fort ancienne, comme on le sait, mais jusqu'à ce jour cachée au vulgaire par les pratiques mystérieuses dont elle était entourée. Le mérite incontestable de Swedenborg, son profond savoir, sa haute réputation de sagesse ont été d'un grand poids dans la propagation de ces idées qui se popularisent de plus en plus aujourd'hui, par cela même qu'elles croissent au grand jour, et que loin de chercher l'ombre du mystère, elles font appel à la raison. Malgré ses erreurs de système, Swedenborg n'en est pas moins une de ces grandes figures dont le souvenir restera attaché à l'histoire du Spiritisme, dont il fut un des premiers et des plus zélés promoteurs.
Communication de Swedenborg promise dans la séance du 16 septembre.
Mes bons amis et fidèles croyants, j'ai désiré venir parmi vous pour
vous encourager dans la voie que vous suivez avec tant de courage,
relativement à la question Spirite. Votre zèle est apprécié de notre
monde des Esprits : poursuivez, mais ne vous dissimulez pas que des
obstacles vous entraveront encore quelque temps ; les détracteurs ne
vous manqueront pas plus qu'ils ne m'ont fait défaut. J'ai prêché le
Spiritisme, il y a un siècle, et j'ai eu des ennemis de tout genre ;
j'ai eu aussi de fervents adeptes : cela a soutenu mon courage. Ma
morale Spirite et ma doctrine ne sont pas sans avoir de grandes erreurs
que je reconnais aujourd'hui. Ainsi les peines ne sont pas éternelles ;
je le vois : Dieu est trop juste et trop bon pour punir éternellement la
créature qui n'a pas assez de force pour résister à ses passions. Ce
que je disais également du monde des Anges, où l'on prêche dans des
temples, n'était qu'une illusion de mes sens : j'ai cru le voir ;
j'étais de bonne foi, et je l'ai dit ; mais je me suis trompé. Vous
êtes, vous, dans un meilleur chemin, car vous êtes plus éclairés qu'on
ne l'était à mon époque. Continuez, mais soyez prudents pour que vos
ennemis n'aient pas des armes trop fortes contre vous. Vous voyez le
terrain que vous gagnez chaque jour ; courage donc ! car l'avenir vous
est assuré. Ce qui vous donne de la force, c'est que vous parlez au nom
de la raison. Avez-vous des questions à m'adresser ? je vous répondrai.
SWEDENBORG.
1. C'est à Londres, en 1745, que vous avez eu votre première révélation ; l'aviez-vous désirée ? Vous occupiez-vous déjà de questions théologiques ? - R. Je m'en occupais ; mais je n'avais nullement désiré cette révélation : elle est venue spontanément.
2. Quel était cet Esprit qui vous est apparu, et qui vous a dit être Dieu lui-même ? Etait-ce réellement Dieu ? - R. Non ; j'ai cru à ce qu'il m'a dit, parce que j'ai vu en lui un être surhumain, et j'en étais flatté.
3. Pourquoi a-t-il pris le nom de Dieu ? - R. Pour être mieux obéi.
4. Dieu peut-il se manifester directement aux hommes ? - R. Il le pourrait certainement, mais il ne le fait plus.
5. Il l'a donc fait dans un temps ? - Oui, dans les premiers âges de la terre.
6. Cet Esprit vous ayant fait écrire des choses que vous reconnaissez aujourd'hui comme erronées, l'a-t-il fait dans une bonne ou dans une mauvaise intention ? - R. Ce n'était pas dans une mauvaise intention ; il s'est trompé lui-même, parce qu'il n'était pas assez éclairé ; je vois aussi que les illusions de mon propre Esprit ou de mon intelligence l'influençaient malgré lui. Cependant, au milieu de quelques erreurs de système, il est facile de reconnaître de grandes vérités.
7. Le principe de votre doctrine repose sur les correspondances. Croyez-vous toujours à ces rapports que vous trouviez entre chaque chose du monde matériel et chaque chose du monde moral ? - R. Non ; c'est une fiction.
8. Qu'entendez-vous par ces mots : Dieu est l'homme même ? - R. Dieu n'est pas l'homme, mais c'est l'homme qui est une image de Dieu.
9. Veuillez, je vous prie, développer votre pensée. - R. Je dis que l'homme est l'image de Dieu, en ce que l'intelligence, le génie qu'il reçoit quelquefois du ciel est une émanation de la toute-puissance divine : il représente Dieu sur la terre par le pouvoir qu'il exerce sur toute la nature, et par les grandes vertus qu'il est en son pouvoir d'acquérir.
10. Devons-nous considérer l'homme comme une partie de Dieu ? - R. Non, l'homme n'est pas une partie de la Divinité : ce n'est que son image.
11. Pourriez-vous nous dire de quelle manière vous receviez des communications de la part des Esprits, et si vous avez écrit ce qui vous a été révélé à la manière de nos médiums ou par inspiration ? - R. Quand j'étais dans le silence et le recueillement, mon Esprit était comme ravi, en extase, et je voyais clairement une image devant moi qui me parlait et me dictait ce que je devais écrire ; mon imagination s'y mêlait aussi quelquefois.
12. Que devons-nous penser du fait rapporté par le chevalier Beylon, au sujet de la révélation que vous avez faite à la reine Louise-Ulrique ? - R. Cette révélation est vraie. Beylon l'a dénaturée.
13. Quelle est votre opinion sur la doctrine Spirite, telle qu'elle est aujourd'hui ? - R. Je vous ai dit que vous êtes dans une voie plus sûre que la mienne, attendu que vos lumières, en général, sont plus étendues ; moi, j'avais à lutter contre plus d'ignorance, et surtout contre la superstition.
SWEDENBORG.
1. C'est à Londres, en 1745, que vous avez eu votre première révélation ; l'aviez-vous désirée ? Vous occupiez-vous déjà de questions théologiques ? - R. Je m'en occupais ; mais je n'avais nullement désiré cette révélation : elle est venue spontanément.
2. Quel était cet Esprit qui vous est apparu, et qui vous a dit être Dieu lui-même ? Etait-ce réellement Dieu ? - R. Non ; j'ai cru à ce qu'il m'a dit, parce que j'ai vu en lui un être surhumain, et j'en étais flatté.
3. Pourquoi a-t-il pris le nom de Dieu ? - R. Pour être mieux obéi.
4. Dieu peut-il se manifester directement aux hommes ? - R. Il le pourrait certainement, mais il ne le fait plus.
5. Il l'a donc fait dans un temps ? - Oui, dans les premiers âges de la terre.
6. Cet Esprit vous ayant fait écrire des choses que vous reconnaissez aujourd'hui comme erronées, l'a-t-il fait dans une bonne ou dans une mauvaise intention ? - R. Ce n'était pas dans une mauvaise intention ; il s'est trompé lui-même, parce qu'il n'était pas assez éclairé ; je vois aussi que les illusions de mon propre Esprit ou de mon intelligence l'influençaient malgré lui. Cependant, au milieu de quelques erreurs de système, il est facile de reconnaître de grandes vérités.
7. Le principe de votre doctrine repose sur les correspondances. Croyez-vous toujours à ces rapports que vous trouviez entre chaque chose du monde matériel et chaque chose du monde moral ? - R. Non ; c'est une fiction.
8. Qu'entendez-vous par ces mots : Dieu est l'homme même ? - R. Dieu n'est pas l'homme, mais c'est l'homme qui est une image de Dieu.
9. Veuillez, je vous prie, développer votre pensée. - R. Je dis que l'homme est l'image de Dieu, en ce que l'intelligence, le génie qu'il reçoit quelquefois du ciel est une émanation de la toute-puissance divine : il représente Dieu sur la terre par le pouvoir qu'il exerce sur toute la nature, et par les grandes vertus qu'il est en son pouvoir d'acquérir.
10. Devons-nous considérer l'homme comme une partie de Dieu ? - R. Non, l'homme n'est pas une partie de la Divinité : ce n'est que son image.
11. Pourriez-vous nous dire de quelle manière vous receviez des communications de la part des Esprits, et si vous avez écrit ce qui vous a été révélé à la manière de nos médiums ou par inspiration ? - R. Quand j'étais dans le silence et le recueillement, mon Esprit était comme ravi, en extase, et je voyais clairement une image devant moi qui me parlait et me dictait ce que je devais écrire ; mon imagination s'y mêlait aussi quelquefois.
12. Que devons-nous penser du fait rapporté par le chevalier Beylon, au sujet de la révélation que vous avez faite à la reine Louise-Ulrique ? - R. Cette révélation est vraie. Beylon l'a dénaturée.
13. Quelle est votre opinion sur la doctrine Spirite, telle qu'elle est aujourd'hui ? - R. Je vous ai dit que vous êtes dans une voie plus sûre que la mienne, attendu que vos lumières, en général, sont plus étendues ; moi, j'avais à lutter contre plus d'ignorance, et surtout contre la superstition.
L'Ame errante
Dans un volume intitulé : les Six Nouvelles[1], par Maxime Ducamp, se trouve une touchante histoire que nous recommandons à nos lecteurs. C'est une âme errante qui raconte ses propres aventures.
Nous n'avons pas l'honneur de connaître M. Maxime Ducamp que nous n'avons jamais vu ; nous ne savons, par conséquent, s'il a puisé ses renseignements dans sa propre imagination, ou dans des études Spirites ; mais, quoi qu'il en soit, il ne pouvait être plus heureusement inspiré. On peut en juger par le fragment ci-après. Nous ne parlerons pas du cadre fantastique dans lequel la nouvelle est enchâssée ; c'est un accessoire sans importance et de pure forme.
« Je suis une âme errante, une âme en peine ; je vogue à travers les espaces en attendant un corps ; je vais sur les ailes du vent, dans l'azur du ciel, dans le chant des oiseaux, dans les pâles clartés de la lune ; je suis une âme errante.....................................
« Depuis l'instant où Dieu nous a séparés de lui, nous avons vécu sur terre bien des fois, montant de génération en génération, abandonnant sans regret les corps qui nous sont confiés, et continuant l'oeuvre de notre propre perfectionnement à travers les existences que nous subissons.
« Lorsque nous quittons cet hôte incommode qui nous sert si mal ; lorsqu'il est allé féconder et renouveler la terre dont il est sorti ; lorsque, en liberté, nous ouvrons enfin nos ailes, Dieu nous donne alors de connaître notre but. Nous voyons nos existences précédentes, nous jugeons des progrès que nous avons faits depuis les siècles, nous comprenons les punitions et les récompenses qui nous ont atteints par les joies et les douleurs de notre vie, nous voyons notre intelligence croître de naissance en naissance, et nous aspirons vers l'état suprême par lequel nous quitterons cette patrie inférieure pour gagner les planètes rayonnantes où les passions sont plus élevées, l'amour moins ambitieux, le bonheur plus tenace, les organes plus développés, les sens plus nombreux, et dont le séjour est réservé aux mondes qui, par leurs vertus, ont approché plus que nous de la béatitude.
« Lorsque Dieu nous renvoie dans des corps qui doivent vivre par nous leur misérable vie, nous perdons toute conscience de ce qui a précédé ces naissances nouvelles ; le moi, qui s'était réveillé, s'est rendormi ; il ne persiste plus, et de nos existences passées, il ne reste que de vagues réminiscences qui causent en nous les sympathies, les antipathies, et aussi parfois les idées innées.
« Je ne parlerai point de toutes les créatures qui ont vécu de mon souffle ; mais ma vie dernière a subi un malheur si grand, que de celle-là seule je dirai l'histoire. »
Il serait difficile de mieux définir le principe et le but de la réincarnation, la progression des êtres, la pluralité des mondes et l'avenir qui nous attend. Voici maintenant, en deux mots, l'histoire de cette âme : Un jeune homme aimait une jeune personne et en était aimé ; mais des obstacles s'opposaient à leur union. Il demande à Dieu de permettre à son âme de se dégager de son corps pendant le sommeil, afin qu'elle puisse aller voir sa bien-aimée. Cette faveur lui est accordée. Toutes les nuits donc son âme s'envole et laisse son corps dans un état complet d'inertie, d'où il ne sort que lorsque l'âme revient en prendre possession. Pendant ce temps, il va visiter celle qu'il aime ; il la voit sans qu'elle s'en doute ; il veut lui parler, mais elle ne l'entend pas ; il épie ses moindres mouvements, surprend sa pensée ; il est heureux de ses joies, triste de ses douleurs. Rien de plus gracieux et de plus délicat que le tableau de ces scènes entre la jeune fille et l'âme invisible. Mais, ô faiblesse de l'être incarné ! un jour, ou pour mieux dire une nuit, il s'oublie ; trois jours se passent sans qu'il songe à son corps qui ne peut vivre sans son âme. Tout à coup il pense à sa mère qui l'attend, et qui doit être inquiète d'un sommeil aussi long. Il accourt donc ; mais il était trop tard ; son corps avait cessé de vivre. Il assiste à ses funérailles, puis console sa mère. Sa fiancée, au désespoir, ne veut entendre parler d'aucune autre union ; pourtant, vaincue par les sollicitations de sa propre mère, elle cède après une longue résistance. L'âme errante lui pardonne une infidélité qui n'est pas dans sa pensée ; mais pour recevoir ses caresses et ne la plus quitter, elle demande à être incarnée dans l'enfant qui doit naître.
Si l'auteur n'est pas convaincu des idées Spirites, il faut convenir qu'il joue bien son rôle.
[1]A la Librairie Nouvelle, boulevard des Italiens.
Nous n'avons pas l'honneur de connaître M. Maxime Ducamp que nous n'avons jamais vu ; nous ne savons, par conséquent, s'il a puisé ses renseignements dans sa propre imagination, ou dans des études Spirites ; mais, quoi qu'il en soit, il ne pouvait être plus heureusement inspiré. On peut en juger par le fragment ci-après. Nous ne parlerons pas du cadre fantastique dans lequel la nouvelle est enchâssée ; c'est un accessoire sans importance et de pure forme.
« Je suis une âme errante, une âme en peine ; je vogue à travers les espaces en attendant un corps ; je vais sur les ailes du vent, dans l'azur du ciel, dans le chant des oiseaux, dans les pâles clartés de la lune ; je suis une âme errante.....................................
« Depuis l'instant où Dieu nous a séparés de lui, nous avons vécu sur terre bien des fois, montant de génération en génération, abandonnant sans regret les corps qui nous sont confiés, et continuant l'oeuvre de notre propre perfectionnement à travers les existences que nous subissons.
« Lorsque nous quittons cet hôte incommode qui nous sert si mal ; lorsqu'il est allé féconder et renouveler la terre dont il est sorti ; lorsque, en liberté, nous ouvrons enfin nos ailes, Dieu nous donne alors de connaître notre but. Nous voyons nos existences précédentes, nous jugeons des progrès que nous avons faits depuis les siècles, nous comprenons les punitions et les récompenses qui nous ont atteints par les joies et les douleurs de notre vie, nous voyons notre intelligence croître de naissance en naissance, et nous aspirons vers l'état suprême par lequel nous quitterons cette patrie inférieure pour gagner les planètes rayonnantes où les passions sont plus élevées, l'amour moins ambitieux, le bonheur plus tenace, les organes plus développés, les sens plus nombreux, et dont le séjour est réservé aux mondes qui, par leurs vertus, ont approché plus que nous de la béatitude.
« Lorsque Dieu nous renvoie dans des corps qui doivent vivre par nous leur misérable vie, nous perdons toute conscience de ce qui a précédé ces naissances nouvelles ; le moi, qui s'était réveillé, s'est rendormi ; il ne persiste plus, et de nos existences passées, il ne reste que de vagues réminiscences qui causent en nous les sympathies, les antipathies, et aussi parfois les idées innées.
« Je ne parlerai point de toutes les créatures qui ont vécu de mon souffle ; mais ma vie dernière a subi un malheur si grand, que de celle-là seule je dirai l'histoire. »
Il serait difficile de mieux définir le principe et le but de la réincarnation, la progression des êtres, la pluralité des mondes et l'avenir qui nous attend. Voici maintenant, en deux mots, l'histoire de cette âme : Un jeune homme aimait une jeune personne et en était aimé ; mais des obstacles s'opposaient à leur union. Il demande à Dieu de permettre à son âme de se dégager de son corps pendant le sommeil, afin qu'elle puisse aller voir sa bien-aimée. Cette faveur lui est accordée. Toutes les nuits donc son âme s'envole et laisse son corps dans un état complet d'inertie, d'où il ne sort que lorsque l'âme revient en prendre possession. Pendant ce temps, il va visiter celle qu'il aime ; il la voit sans qu'elle s'en doute ; il veut lui parler, mais elle ne l'entend pas ; il épie ses moindres mouvements, surprend sa pensée ; il est heureux de ses joies, triste de ses douleurs. Rien de plus gracieux et de plus délicat que le tableau de ces scènes entre la jeune fille et l'âme invisible. Mais, ô faiblesse de l'être incarné ! un jour, ou pour mieux dire une nuit, il s'oublie ; trois jours se passent sans qu'il songe à son corps qui ne peut vivre sans son âme. Tout à coup il pense à sa mère qui l'attend, et qui doit être inquiète d'un sommeil aussi long. Il accourt donc ; mais il était trop tard ; son corps avait cessé de vivre. Il assiste à ses funérailles, puis console sa mère. Sa fiancée, au désespoir, ne veut entendre parler d'aucune autre union ; pourtant, vaincue par les sollicitations de sa propre mère, elle cède après une longue résistance. L'âme errante lui pardonne une infidélité qui n'est pas dans sa pensée ; mais pour recevoir ses caresses et ne la plus quitter, elle demande à être incarnée dans l'enfant qui doit naître.
Si l'auteur n'est pas convaincu des idées Spirites, il faut convenir qu'il joue bien son rôle.
[1]A la Librairie Nouvelle, boulevard des Italiens.
L'Esprit et le Juré
Un de nos correspondants, homme d'un grand savoir et pourvu de titres scientifiques officiels, ce qui ne l'empêche pas d'avoir la faiblesse de croire que nous avons une âme, que cette âme survit au corps, qu'après la mort elle erre dans l'espace, et peut encore se communiquer aux vivants, d'autant mieux qu'il est lui-même très bon médium, et a de nombreux entretiens avec les êtres d'outre-tombe, nous adresse la lettre suivante :
« Monsieur,
« Vous jugerez peut-être à propos de donner place au fait suivant dans votre intéressante revue.
« J'étais juré il y a quelque temps ; la Cour d'assises avait à juger un jeune homme à peine sorti de l'adolescence, accusé d'un meurtre accompli sur la personne d'une femme âgée avec d'horribles circonstances. L'accusé avouait et racontait les détails du crime avec une impassibilité et un cynisme qui faisaient frémir l'assemblée.
« Cependant, il était facile de prévoir que, vu son âge, son défaut absolu d'éducation et les excitations qu'il avait reçues dans sa famille, on solliciterait pour lui des circonstances atténuantes, d'autant plus qu'il rejetait la colère qui l'avait fait agir sur une provocation par injures.
« Je voulus consulter la victime sur le degré de sa culpabilité. Je l'appelai, séance tenante, par une évocation mentale ; elle me fit connaître qu'elle était présente, et je lui abandonnai ma main. Voici la conversation que nous eûmes, moi mentalement, elle par écrit :
« D. Que pensez-vous de votre meurtrier ? - R. Ce n'est pas moi qui l'accuserai.
« D. Pourquoi ? - R. Parce qu'il a été poussé au crime par un homme qui m'a fait la cour il y a cinquante ans, et qui, n'ayant rien obtenu de moi, a juré qu'il s'en vengerait. Il a conservé dans la mort son désir de vengeance ; il a profité des dispositions de l'accusé pour lui inspirer l'envie de me tuer.
« D. Comment le savez-vous ? - Parce qu'il me l'a dit lui-même quand je suis arrivée dans le monde que j'habite aujourd'hui.
« D. Je conçois votre réserve devant cette excitation que votre meurtrier n'a pas repoussée comme il le devait et le pouvait ; mais ne pensez-vous pas que l'inspiration criminelle, à laquelle il a si volontiers obéi, n'eût pas eu sur lui la même puissance, s'il n'eût pas nourri et entretenu depuis longtemps des sentiments d'envie, de haine et de vengeance contre vous et votre famille ? - R. Assurément ; sans cela il eût été plus capable de résister ; c'est pourquoi j'ai dit que celui qui a voulu se venger a profité des dispositions de ce jeune homme ; vous pensez bien qu'il ne se serait pas adressé à quelqu'un qui aurait eu la volonté de résister.
« D. Jouit-il de sa vengeance ? - Non, car il voit qu'elle lui coûtera cher, et qu'en outre, au lieu de me faire du mal, il m'a rendu service en me faisant entrer plus tôt dans le monde des Esprits où je suis plus heureuse ; c'est donc une mauvaise action sans profit pour lui.
« Des circonstances atténuantes furent admises par le jury sur les motifs que j'ai indiqués plus haut, et la peine de mort fut écartée.
« Sur ce que je viens de raconter, il y a à faire une observation morale d'une haute importance. Il faut en conclure, en effet, que l'homme doit surveiller jusqu'à ses moindres pensées mauvaises, jusqu'à ses mauvais sentiments, en apparence les plus fugitifs, car ils ont la propriété d'attirer vers lui les Esprits méchants et corrompus, et de l'offrir faible et désarmé à leurs coupables inspirations : c'est une porte qu'il ouvre au mal, sans en comprendre le danger. C'est donc avec une profonde connaissance de l'homme et du monde spirituel que J. C. a dit : « Quiconque aura regardé une femme avec un mauvais désir, a déjà commis l'adultère dans son coeur. » (S. Mat., ch. V, v. 28.)
« J'ai l'honneur, etc.
SIMON M... »
« Monsieur,
« Vous jugerez peut-être à propos de donner place au fait suivant dans votre intéressante revue.
« J'étais juré il y a quelque temps ; la Cour d'assises avait à juger un jeune homme à peine sorti de l'adolescence, accusé d'un meurtre accompli sur la personne d'une femme âgée avec d'horribles circonstances. L'accusé avouait et racontait les détails du crime avec une impassibilité et un cynisme qui faisaient frémir l'assemblée.
« Cependant, il était facile de prévoir que, vu son âge, son défaut absolu d'éducation et les excitations qu'il avait reçues dans sa famille, on solliciterait pour lui des circonstances atténuantes, d'autant plus qu'il rejetait la colère qui l'avait fait agir sur une provocation par injures.
« Je voulus consulter la victime sur le degré de sa culpabilité. Je l'appelai, séance tenante, par une évocation mentale ; elle me fit connaître qu'elle était présente, et je lui abandonnai ma main. Voici la conversation que nous eûmes, moi mentalement, elle par écrit :
« D. Que pensez-vous de votre meurtrier ? - R. Ce n'est pas moi qui l'accuserai.
« D. Pourquoi ? - R. Parce qu'il a été poussé au crime par un homme qui m'a fait la cour il y a cinquante ans, et qui, n'ayant rien obtenu de moi, a juré qu'il s'en vengerait. Il a conservé dans la mort son désir de vengeance ; il a profité des dispositions de l'accusé pour lui inspirer l'envie de me tuer.
« D. Comment le savez-vous ? - Parce qu'il me l'a dit lui-même quand je suis arrivée dans le monde que j'habite aujourd'hui.
« D. Je conçois votre réserve devant cette excitation que votre meurtrier n'a pas repoussée comme il le devait et le pouvait ; mais ne pensez-vous pas que l'inspiration criminelle, à laquelle il a si volontiers obéi, n'eût pas eu sur lui la même puissance, s'il n'eût pas nourri et entretenu depuis longtemps des sentiments d'envie, de haine et de vengeance contre vous et votre famille ? - R. Assurément ; sans cela il eût été plus capable de résister ; c'est pourquoi j'ai dit que celui qui a voulu se venger a profité des dispositions de ce jeune homme ; vous pensez bien qu'il ne se serait pas adressé à quelqu'un qui aurait eu la volonté de résister.
« D. Jouit-il de sa vengeance ? - Non, car il voit qu'elle lui coûtera cher, et qu'en outre, au lieu de me faire du mal, il m'a rendu service en me faisant entrer plus tôt dans le monde des Esprits où je suis plus heureuse ; c'est donc une mauvaise action sans profit pour lui.
« Des circonstances atténuantes furent admises par le jury sur les motifs que j'ai indiqués plus haut, et la peine de mort fut écartée.
« Sur ce que je viens de raconter, il y a à faire une observation morale d'une haute importance. Il faut en conclure, en effet, que l'homme doit surveiller jusqu'à ses moindres pensées mauvaises, jusqu'à ses mauvais sentiments, en apparence les plus fugitifs, car ils ont la propriété d'attirer vers lui les Esprits méchants et corrompus, et de l'offrir faible et désarmé à leurs coupables inspirations : c'est une porte qu'il ouvre au mal, sans en comprendre le danger. C'est donc avec une profonde connaissance de l'homme et du monde spirituel que J. C. a dit : « Quiconque aura regardé une femme avec un mauvais désir, a déjà commis l'adultère dans son coeur. » (S. Mat., ch. V, v. 28.)
« J'ai l'honneur, etc.
SIMON M... »
Avertissements d'outre-tombe
L'officier de Crimée L'Indépendance belge, qu'on n'accusera pas d'un excès de bienveillance à l'égard des croyances Spirites, a rapporté le fait suivant, que plusieurs autres journaux ont répété, et que nous reproduisons à notre tour sous toutes réserves, n'ayant pas eu occasion d'en constater la réalité.
« Soit que notre imagination invente et peuple un monde des âmes à côté et au-dessus de nous, soit que le monde dans lequel nous sommes, nous vivons et nous nous mouvons, existe réellement, il est hors de doute, pour moi du moins, que d'inexplicables accidents se produisent qui provoquent la science et défient la raison.
« Dans la guerre de Crimée, pendant une de ces nuits tristes et lentes qui prêtaient merveilleusement à la mélancolie, au cauchemar, à toutes les nostalgies du ciel et de la terre, un jeune officier se lève tout à coup, sort de sa tente, va chercher un de ses camarades et lui dit :
- Je viens de recevoir la visite de ma cousine, de Mlle de T...
- Tu rêves.
- Non. Elle est entrée, pâle, souriant et effleurant à peine le sol trop dur, trop grossier pour ses pieds délicats. Elle m'a regardé, après que sa voix douce m'a brusquement réveillé et elle m'a dit : « Tu tardes bien ! prends garde ! quelquefois on meurt de la guerre sans aller à la guerre ! » J'ai voulu lui parler, me soulever, courir à elle ; elle s'est reculée ! Et mettant un doigt sur sa lèvre : « Silence ! m'a-t-elle dit, aie du courage et de la patience, nous nous reverrons. » Ah ! mon ami, elle était bien pâle, je suis certain qu'elle est malade, qu'elle m'appelle.
- Tu dors tout éveillé, tu es fou, repartit l'ami.
- C'est possible, mais alors qu'est-ce donc que ce mouvement de mon coeur qui l'évoque et qui me la fait voir ?
« Les deux jeunes gens causèrent, et à l'aurore l'ami reconduisait vers sa tente l'officier visionnaire, quand celui-ci tressaillit tout à coup.
- La voilà, mon ami ; la voilà, dit-il, elle est devant ma tente... Elle me fait signe que je manque de foi et de confiance.
« L'ami, bien entendu, ne voyait rien. Il fit de son mieux pour rassurer son camarade. Le jour parut, et avec le jour des occupations assez sérieuses pour qu'il ne fût plus question des fantômes de la nuit. Mais par une précaution fort raisonnable, le lendemain une lettre partait pour la France demandant instamment des nouvelles de Mlle de T... Quelques jours après, on répondait que Mlle de T... était assez sérieusement malade, et que si le jeune officier pouvait obtenir un congé, on pensait que sa vue aurait le meilleur effet.
« Demander un congé au moment des plus rudes fatigues, à la veille peut-être d'un assaut décisif, et faire valoir des craintes sentimentales, il ne fallait pas trop y songer. Toutefois, je crois me rappeler que le congé fut demandé et obtenu, et que le jeune officier allait partir pour la France, quand il eut encore une vision. Celle-là était épouvantable. Mlle de T... vint, pâle et muette, glisser une nuit sous sa tente, et lui montra le long vêtement blanc qu'elle traînait. Le jeune officier ne douta pas un seul instant que sa fiancée ne fût morte ; il étendit la main, prit un de ses pistolets et se fit sauter la cervelle.
« En effet, la même nuit, à la même heure, Mlle de T... avait rendu le dernier soupir.
« Cette vision était-elle le résultat du magnétisme ? Je n'en sais rien. Etait-ce de la folie ? Je le veux bien. Mais c'était quelque chose qui échappe aux railleries des ignorants, et aux railleries plus malséantes encore des savants.
« Quant à l'authenticité de ce fait, je la garantis. Interrogez les officiers qui ont passé ce long hiver en Crimée, et il en est peu qui ne vous racontent des phénomènes de pressentiment, de vision, de mirage de la patrie et des parents, analogues à ce que je viens de vous dire.
« Qu'en faut-il conclure ? rien. Si ce n'est que je finis mon courrier d'une façon bien lugubre, et que je sais peut-être le moyen d'endormir sans savoir magnétiser.
« THECEL. »
Ainsi que nous l'avons dit en commençant, nous n'avons pu constater l'authenticité du fait ; mais ce que nous pouvons garantir, c'est sa possibilité. Les exemples avérés, anciens et récents, d'avertissements d'outre-tombe sont si nombreux, que celui-ci n'a rien de plus extraordinaire que ceux dont tant de personnes dignes de foi ont été témoins. Ils ont pu paraître surnaturels en d'autres temps ; mais aujourd'hui que la cause en est connue, et psychologiquement expliquée, grâce à la théorie Spirite, ils n'ont rien qui s'écarte des lois de la nature. Nous n'y ajouterons qu'une seule remarque, c'est que, si cet officier eût connu le Spiritisme, il aurait su que le moyen de rejoindre sa fiancée n'était pas de se tuer, car cette action peut l'en éloigner pour un temps bien plus long que celui qu'il eût passé sur la terre. Le Spiritisme lui aurait dit en outre qu'une mort glorieuse, sur le champ de bataille, lui eût été plus profitable que celle qu'il s'est donnée volontairement par un acte de faiblesse.
Voici un autre fait d'avertissement d'outre-tombe rapporté par la Gazette d'Arad (Hongrie), du mois de novembre 1858.
« Deux frères israélites, de Gyek (Hongrie), étaient allés à Grosswardein, conduire, dans un pensionnat, leurs deux filles âgées de 14 ans. Pendant la nuit qui suivit leur départ, une autre fille de l'un d'eux, âgée de 10 ans, et qui était restée à la maison, se réveille en sursaut, et raconte en pleurant à sa mère qu'elle a vu en rêve son père et son oncle entourés de plusieurs paysans qui voulaient leur faire du mal.
« D'abord la mère ne tint aucun compte de ses paroles ; mais voyant qu'elle ne peut parvenir à calmer son enfant, elle la mène chez le maire du lieu ; celle-ci lui raconte de nouveau son rêve, en ajoutant qu'elle avait reconnu deux de ses voisins parmi les paysans, et que l'événement s'était passé sur la lisière d'une forêt.
« Le maire envoie immédiatement au domicile des deux paysans, qui étaient en effet absents ; puis, afin de s'assurer de la vérité, il expédie dans la direction indiquée d'autres émissaires, qui trouvent cinq cadavres sur les confins d'un bois. C'étaient les deux pères avec les deux filles et le cocher qui les avait conduits ; les cadavres avaient été jetés sur un brasier pour les rendre méconnaissables. Aussitôt la gendarmerie commença des perquisitions ; elle arrêta les deux paysans désignés au moment où ils cherchaient à changer plusieurs billets de banque tachés de sang. Une fois en prison, ils avouèrent leur crime, en disant qu'ils reconnaissaient le doigt de Dieu dans la prompte découverte de leur crime. »
« Soit que notre imagination invente et peuple un monde des âmes à côté et au-dessus de nous, soit que le monde dans lequel nous sommes, nous vivons et nous nous mouvons, existe réellement, il est hors de doute, pour moi du moins, que d'inexplicables accidents se produisent qui provoquent la science et défient la raison.
« Dans la guerre de Crimée, pendant une de ces nuits tristes et lentes qui prêtaient merveilleusement à la mélancolie, au cauchemar, à toutes les nostalgies du ciel et de la terre, un jeune officier se lève tout à coup, sort de sa tente, va chercher un de ses camarades et lui dit :
- Je viens de recevoir la visite de ma cousine, de Mlle de T...
- Tu rêves.
- Non. Elle est entrée, pâle, souriant et effleurant à peine le sol trop dur, trop grossier pour ses pieds délicats. Elle m'a regardé, après que sa voix douce m'a brusquement réveillé et elle m'a dit : « Tu tardes bien ! prends garde ! quelquefois on meurt de la guerre sans aller à la guerre ! » J'ai voulu lui parler, me soulever, courir à elle ; elle s'est reculée ! Et mettant un doigt sur sa lèvre : « Silence ! m'a-t-elle dit, aie du courage et de la patience, nous nous reverrons. » Ah ! mon ami, elle était bien pâle, je suis certain qu'elle est malade, qu'elle m'appelle.
- Tu dors tout éveillé, tu es fou, repartit l'ami.
- C'est possible, mais alors qu'est-ce donc que ce mouvement de mon coeur qui l'évoque et qui me la fait voir ?
« Les deux jeunes gens causèrent, et à l'aurore l'ami reconduisait vers sa tente l'officier visionnaire, quand celui-ci tressaillit tout à coup.
- La voilà, mon ami ; la voilà, dit-il, elle est devant ma tente... Elle me fait signe que je manque de foi et de confiance.
« L'ami, bien entendu, ne voyait rien. Il fit de son mieux pour rassurer son camarade. Le jour parut, et avec le jour des occupations assez sérieuses pour qu'il ne fût plus question des fantômes de la nuit. Mais par une précaution fort raisonnable, le lendemain une lettre partait pour la France demandant instamment des nouvelles de Mlle de T... Quelques jours après, on répondait que Mlle de T... était assez sérieusement malade, et que si le jeune officier pouvait obtenir un congé, on pensait que sa vue aurait le meilleur effet.
« Demander un congé au moment des plus rudes fatigues, à la veille peut-être d'un assaut décisif, et faire valoir des craintes sentimentales, il ne fallait pas trop y songer. Toutefois, je crois me rappeler que le congé fut demandé et obtenu, et que le jeune officier allait partir pour la France, quand il eut encore une vision. Celle-là était épouvantable. Mlle de T... vint, pâle et muette, glisser une nuit sous sa tente, et lui montra le long vêtement blanc qu'elle traînait. Le jeune officier ne douta pas un seul instant que sa fiancée ne fût morte ; il étendit la main, prit un de ses pistolets et se fit sauter la cervelle.
« En effet, la même nuit, à la même heure, Mlle de T... avait rendu le dernier soupir.
« Cette vision était-elle le résultat du magnétisme ? Je n'en sais rien. Etait-ce de la folie ? Je le veux bien. Mais c'était quelque chose qui échappe aux railleries des ignorants, et aux railleries plus malséantes encore des savants.
« Quant à l'authenticité de ce fait, je la garantis. Interrogez les officiers qui ont passé ce long hiver en Crimée, et il en est peu qui ne vous racontent des phénomènes de pressentiment, de vision, de mirage de la patrie et des parents, analogues à ce que je viens de vous dire.
« Qu'en faut-il conclure ? rien. Si ce n'est que je finis mon courrier d'une façon bien lugubre, et que je sais peut-être le moyen d'endormir sans savoir magnétiser.
« THECEL. »
Ainsi que nous l'avons dit en commençant, nous n'avons pu constater l'authenticité du fait ; mais ce que nous pouvons garantir, c'est sa possibilité. Les exemples avérés, anciens et récents, d'avertissements d'outre-tombe sont si nombreux, que celui-ci n'a rien de plus extraordinaire que ceux dont tant de personnes dignes de foi ont été témoins. Ils ont pu paraître surnaturels en d'autres temps ; mais aujourd'hui que la cause en est connue, et psychologiquement expliquée, grâce à la théorie Spirite, ils n'ont rien qui s'écarte des lois de la nature. Nous n'y ajouterons qu'une seule remarque, c'est que, si cet officier eût connu le Spiritisme, il aurait su que le moyen de rejoindre sa fiancée n'était pas de se tuer, car cette action peut l'en éloigner pour un temps bien plus long que celui qu'il eût passé sur la terre. Le Spiritisme lui aurait dit en outre qu'une mort glorieuse, sur le champ de bataille, lui eût été plus profitable que celle qu'il s'est donnée volontairement par un acte de faiblesse.
Voici un autre fait d'avertissement d'outre-tombe rapporté par la Gazette d'Arad (Hongrie), du mois de novembre 1858.
« Deux frères israélites, de Gyek (Hongrie), étaient allés à Grosswardein, conduire, dans un pensionnat, leurs deux filles âgées de 14 ans. Pendant la nuit qui suivit leur départ, une autre fille de l'un d'eux, âgée de 10 ans, et qui était restée à la maison, se réveille en sursaut, et raconte en pleurant à sa mère qu'elle a vu en rêve son père et son oncle entourés de plusieurs paysans qui voulaient leur faire du mal.
« D'abord la mère ne tint aucun compte de ses paroles ; mais voyant qu'elle ne peut parvenir à calmer son enfant, elle la mène chez le maire du lieu ; celle-ci lui raconte de nouveau son rêve, en ajoutant qu'elle avait reconnu deux de ses voisins parmi les paysans, et que l'événement s'était passé sur la lisière d'une forêt.
« Le maire envoie immédiatement au domicile des deux paysans, qui étaient en effet absents ; puis, afin de s'assurer de la vérité, il expédie dans la direction indiquée d'autres émissaires, qui trouvent cinq cadavres sur les confins d'un bois. C'étaient les deux pères avec les deux filles et le cocher qui les avait conduits ; les cadavres avaient été jetés sur un brasier pour les rendre méconnaissables. Aussitôt la gendarmerie commença des perquisitions ; elle arrêta les deux paysans désignés au moment où ils cherchaient à changer plusieurs billets de banque tachés de sang. Une fois en prison, ils avouèrent leur crime, en disant qu'ils reconnaissaient le doigt de Dieu dans la prompte découverte de leur crime. »
Les Convulsionnaires de Saint-Médard
(Société, 15 juillet 1859.)
Notice. François Pâris, fameux diacre de Paris, mort en 1727 à l'âge de 37 ans, était fils aîné d'un conseiller au parlement ; il devait naturellement succéder à sa charge, mais il aima mieux embrasser l'état ecclésiastique. Après la mort de son père il abandonna ses biens à son frère. Il fit pendant quelque temps des catéchismes à la paroisse de Saint-Côme, se chargea de la conduite des clercs et leur fit des conférences. Le cardinal de Noailles, à la cause duquel il était attaché, voulut le faire nommer curé de cette paroisse, mais un obstacle imprévu s'y opposa. L'abbé Pâris se consacra alors entièrement à la retraite. Après avoir essayé de diverses solitudes, il se confina dans une maison du faubourg Saint-Marcel ; là il se livra sans réserve à la prière, aux pratiques les plus rigoureuses de la pénitence et au travail des mains : il faisait des bas au métier pour les pauvres, qu'il regardait comme ses frères ; il mourut dans cet asile. L'abbé Pâris avait adhéré à l'appel de la bulle Unigenitus, interjeté par les quatre évêques ; il avait renouvelé son appel en 1720. Ainsi il a dû être peint diversement par les partis opposés. Avant de faire des bas, il avait enfanté des livres assez médiocres. On a de lui des explications sur l'épître de saint Paul aux Romains, sur celle aux Galates, une analyse de l'épître aux Hébreux que peu de personnes lisent. Son frère lui ayant fait ériger un tombeau dans le petit cimetière de Saint-Médard, les pauvres que le pieux diacre avait secourus, quelques riches qu'il avait édifiés, plusieurs femmes qu'il avait instruites, allèrent y faire leurs prières ; il y eut des guérisons qui parurent merveilleuses, des convulsions qu'on trouva dangereuses et ridicules. La cour fut enfin obligée de faire cesser ce spectacle en ordonnant la clôture du cimetière, le 27 janvier 1732. Alors les mêmes enthousiastes allèrent faire leurs convulsions dans des maisons particulières. Le tombeau du diacre Pâris fut, dans l'esprit de bien des gens, le tombeau du jansénisme ; mais quelques autres personnes y crurent voir le doigt de Dieu, et ne furent que plus attachées à un parti qui produisait de telles merveilles. On a différentes vies de ce diacre dont on n'aurait peut-être jamais parlé, si on n'avait voulu en faire un thaumaturge.
Parmi les phénomènes étranges que présentaient les Convulsionnaires de Saint-Médard, on cite :
La faculté de résister à des coups si terribles qu'il semblait que leur corps dût en être broyé ;
Celle de parler des langues ignorées ou oubliées par eux ;
Un déplacement extraordinaire de l'intelligence ; les plus ignorants d'entre eux improvisaient des discours sur la grâce, les maux de l'Eglise, la fin du monde, etc.
La faculté de lire dans la pensée ;
Mis en rapport avec les malades, ils éprouvaient les douleurs aux mêmes endroits que ceux qui les consultaient ; rien n'était plus fréquent que de les entendre prédire eux-mêmes les différents phénomènes anormaux qui devaient survenir dans le cours de leurs maladies.
L'insensibilité physique produite par l'extase donna lieu à des scènes atroces. La folie alla jusqu'à crucifier véritablement de malheureuses victimes, à leur faire subir dans tous ses détails la Passion du Christ, et ces victimes, le fait est attesté par les témoignages les plus authentiques, sollicitaient les terribles tortures désignées chez les Convulsionnaires sous le nom de grand secours.
La guérison des malades s'opérait, soit par le simple attouchement de la pierre tumulaire, soit par la poussière qui se trouvait alentour et que l'on prenait dans quelque boisson, ou qu'on appliquait sur des ulcères. Ces guérisons, qui furent très nombreuses, sont attestées par mille témoins, et plusieurs de ces témoins, hommes de science, incrédules au fond, ont enregistré les faits sans savoir à quoi les attribuer.
(PAULINE ROLAND.)
1. Evocation du diacre Pâris. - R. Je suis à vous.
2. Quel est votre état actuel comme Esprit ? - R. Errant et heureux.
3. Avez-vous eu d'autres existences corporelles depuis celle que nous vous connaissons ? - R. Non ; je suis constamment occupé à faire du bien aux hommes.
4. Quelle fut la cause des phénomènes étranges qui se passèrent chez les visiteurs de votre tombeau ? - R. Intrigue et magnétisme.
Remarque. Parmi les facultés dont étaient doués les Convulsionnaires, on en reconnaîtra sans peine dont le somnambulisme et le magnétisme offrent de nombreux exemples ; telles sont entre autres : l'insensibilité physique, la connaissance de la pensée, la transmission sympathique des douleurs, etc. On ne peut donc douter que ces crisiaques ne fussent dans une sorte d'état de somnambulisme éveillé, provoqué par l'influence qu'ils exerçaient les uns sur les autres à leur insu. Ils étaient à la fois magnétiseurs et magnétisés.
5. Par quelle cause toute une population fut-elle douée subitement de ces facultés étranges ? - R. Elles se communiquent très facilement dans certains cas, et vous n'êtes pas assez étrangers aux facultés des Esprits pour ne pas comprendre qu'ils y prirent une grande part, par sympathie pour ceux qui les provoquaient.
6. Y prîtes-vous, comme Esprit, une part directe. - R. Pas la moindre.
7. D'autres Esprits y concoururent-ils ? - R. Beaucoup.
8. De quelle nature étaient-ils en général ? - R. Peu élevée.
9. Pourquoi ces guérisons et tous ces phénomènes cessèrent-ils quand l'autorité s'y opposa en faisant fermer le cimetière ? L'autorité avait donc plus de puissance que les Esprits ? - R. Dieu voulut faire cesser la chose parce qu'elle dégénéra en abus et en scandale ; il lui fallait un moyen, il employa l'autorité des hommes.
10. Puisque vous n'étiez pour rien dans ces guérisons, pourquoi choisissait-on plutôt votre tombeau que celui d'un autre ? - R. Croyez-vous qu'on m'ait consulté ? On a choisi mon tombeau par calcul : mes opinions religieuses d'abord, et le peu de bien que j'avais cherché à faire ont été exploités.
Notice. François Pâris, fameux diacre de Paris, mort en 1727 à l'âge de 37 ans, était fils aîné d'un conseiller au parlement ; il devait naturellement succéder à sa charge, mais il aima mieux embrasser l'état ecclésiastique. Après la mort de son père il abandonna ses biens à son frère. Il fit pendant quelque temps des catéchismes à la paroisse de Saint-Côme, se chargea de la conduite des clercs et leur fit des conférences. Le cardinal de Noailles, à la cause duquel il était attaché, voulut le faire nommer curé de cette paroisse, mais un obstacle imprévu s'y opposa. L'abbé Pâris se consacra alors entièrement à la retraite. Après avoir essayé de diverses solitudes, il se confina dans une maison du faubourg Saint-Marcel ; là il se livra sans réserve à la prière, aux pratiques les plus rigoureuses de la pénitence et au travail des mains : il faisait des bas au métier pour les pauvres, qu'il regardait comme ses frères ; il mourut dans cet asile. L'abbé Pâris avait adhéré à l'appel de la bulle Unigenitus, interjeté par les quatre évêques ; il avait renouvelé son appel en 1720. Ainsi il a dû être peint diversement par les partis opposés. Avant de faire des bas, il avait enfanté des livres assez médiocres. On a de lui des explications sur l'épître de saint Paul aux Romains, sur celle aux Galates, une analyse de l'épître aux Hébreux que peu de personnes lisent. Son frère lui ayant fait ériger un tombeau dans le petit cimetière de Saint-Médard, les pauvres que le pieux diacre avait secourus, quelques riches qu'il avait édifiés, plusieurs femmes qu'il avait instruites, allèrent y faire leurs prières ; il y eut des guérisons qui parurent merveilleuses, des convulsions qu'on trouva dangereuses et ridicules. La cour fut enfin obligée de faire cesser ce spectacle en ordonnant la clôture du cimetière, le 27 janvier 1732. Alors les mêmes enthousiastes allèrent faire leurs convulsions dans des maisons particulières. Le tombeau du diacre Pâris fut, dans l'esprit de bien des gens, le tombeau du jansénisme ; mais quelques autres personnes y crurent voir le doigt de Dieu, et ne furent que plus attachées à un parti qui produisait de telles merveilles. On a différentes vies de ce diacre dont on n'aurait peut-être jamais parlé, si on n'avait voulu en faire un thaumaturge.
Parmi les phénomènes étranges que présentaient les Convulsionnaires de Saint-Médard, on cite :
La faculté de résister à des coups si terribles qu'il semblait que leur corps dût en être broyé ;
Celle de parler des langues ignorées ou oubliées par eux ;
Un déplacement extraordinaire de l'intelligence ; les plus ignorants d'entre eux improvisaient des discours sur la grâce, les maux de l'Eglise, la fin du monde, etc.
La faculté de lire dans la pensée ;
Mis en rapport avec les malades, ils éprouvaient les douleurs aux mêmes endroits que ceux qui les consultaient ; rien n'était plus fréquent que de les entendre prédire eux-mêmes les différents phénomènes anormaux qui devaient survenir dans le cours de leurs maladies.
L'insensibilité physique produite par l'extase donna lieu à des scènes atroces. La folie alla jusqu'à crucifier véritablement de malheureuses victimes, à leur faire subir dans tous ses détails la Passion du Christ, et ces victimes, le fait est attesté par les témoignages les plus authentiques, sollicitaient les terribles tortures désignées chez les Convulsionnaires sous le nom de grand secours.
La guérison des malades s'opérait, soit par le simple attouchement de la pierre tumulaire, soit par la poussière qui se trouvait alentour et que l'on prenait dans quelque boisson, ou qu'on appliquait sur des ulcères. Ces guérisons, qui furent très nombreuses, sont attestées par mille témoins, et plusieurs de ces témoins, hommes de science, incrédules au fond, ont enregistré les faits sans savoir à quoi les attribuer.
(PAULINE ROLAND.)
1. Evocation du diacre Pâris. - R. Je suis à vous.
2. Quel est votre état actuel comme Esprit ? - R. Errant et heureux.
3. Avez-vous eu d'autres existences corporelles depuis celle que nous vous connaissons ? - R. Non ; je suis constamment occupé à faire du bien aux hommes.
4. Quelle fut la cause des phénomènes étranges qui se passèrent chez les visiteurs de votre tombeau ? - R. Intrigue et magnétisme.
Remarque. Parmi les facultés dont étaient doués les Convulsionnaires, on en reconnaîtra sans peine dont le somnambulisme et le magnétisme offrent de nombreux exemples ; telles sont entre autres : l'insensibilité physique, la connaissance de la pensée, la transmission sympathique des douleurs, etc. On ne peut donc douter que ces crisiaques ne fussent dans une sorte d'état de somnambulisme éveillé, provoqué par l'influence qu'ils exerçaient les uns sur les autres à leur insu. Ils étaient à la fois magnétiseurs et magnétisés.
5. Par quelle cause toute une population fut-elle douée subitement de ces facultés étranges ? - R. Elles se communiquent très facilement dans certains cas, et vous n'êtes pas assez étrangers aux facultés des Esprits pour ne pas comprendre qu'ils y prirent une grande part, par sympathie pour ceux qui les provoquaient.
6. Y prîtes-vous, comme Esprit, une part directe. - R. Pas la moindre.
7. D'autres Esprits y concoururent-ils ? - R. Beaucoup.
8. De quelle nature étaient-ils en général ? - R. Peu élevée.
9. Pourquoi ces guérisons et tous ces phénomènes cessèrent-ils quand l'autorité s'y opposa en faisant fermer le cimetière ? L'autorité avait donc plus de puissance que les Esprits ? - R. Dieu voulut faire cesser la chose parce qu'elle dégénéra en abus et en scandale ; il lui fallait un moyen, il employa l'autorité des hommes.
10. Puisque vous n'étiez pour rien dans ces guérisons, pourquoi choisissait-on plutôt votre tombeau que celui d'un autre ? - R. Croyez-vous qu'on m'ait consulté ? On a choisi mon tombeau par calcul : mes opinions religieuses d'abord, et le peu de bien que j'avais cherché à faire ont été exploités.
Observation à propos du mot Miracle
M. Mathieu, que nous avons cité dans notre article du mois d'octobre sur les miracles, nous adresse la réclamation suivante à laquelle nous nous empressons de faire droit.
« Monsieur,
Si je n'ai pas l'avantage d'être d'accord avec vous sur tous les points, je le suis du moins sur celui qui vous a donné occasion de parler de moi dans le dernier numéro de votre journal. Ainsi je goûte parfaitement votre observation relativement au mot miracle. Si je m'en suis servi dans mon opuscule, c'est en ayant soin de dire en même temps (page 4) : « Etant convenu que ce mot miracle exprime un fait qui se produit en dehors des lois connues de la nature ; un fait qui échappe à toute explication humaine, à toute interprétation scientifique. » Je croyais indiquer suffisamment par là que je ne donnais à ce mot miracle qu'une valeur relative et de convention ; il paraît, puisque vous avez pris la peine de me combattre, que me suis trompé.
« Je compte, dans tous les cas, sur votre impartialité, Monsieur, pour que ces quelques lignes, que j'ai l'honneur de vous adresser, trouvent place dans votre prochain numéro. Je ne suis pas fâché que vos lecteurs sachent que je n'ai pas voulu donner au mot en question le sens que vous lui reprochez, et qu'il y a eu maladresse de ma part, ou malentendu de la vôtre, peut-être un peu de l'un et un peu de l'autre.
« Agréez, etc. « MATHIEU. »
Nous étions parfaitement convaincu, ainsi que nous l'avons dit dans notre article, du sens dans lequel M. Mathieu a employé le mot miracle ; aussi notre critique ne portait nullement sur son opinion, mais sur l'emploi du mot, même dans son acception la plus rationnelle. Il y a tant de gens qui ne voient que la surface des choses, sans se donner la peine d'aller au fond, ce qui ne les empêche pas de juger comme s'ils les connaissaient, qu'un tel titre donné à un fait Spirite pourrait être pris à la lettre, de bonne foi par quelques-uns, avec malveillance par le plus grand nombre. Notre observation, sous ce rapport, est d'autant plus fondée, que nous nous rappelons avoir lu quelque part dans un journal dont le nom nous échappe, un article où ceux qui jouissent de la faculté de provoquer les phénomènes Spirites étaient qualifiés, par dérision, de faiseurs de miracles, et cela à propos d'un adepte trop zélé, qui lui-même s'était fait fort d'en produire. C'est ici le cas de rappeler que : rien n'est plus dangereux qu'un imprudent ami. Nos adversaires sont assez ardents à nous prêter des ridicules, sans que nous leur en fournissions le prétexte.
« Monsieur,
Si je n'ai pas l'avantage d'être d'accord avec vous sur tous les points, je le suis du moins sur celui qui vous a donné occasion de parler de moi dans le dernier numéro de votre journal. Ainsi je goûte parfaitement votre observation relativement au mot miracle. Si je m'en suis servi dans mon opuscule, c'est en ayant soin de dire en même temps (page 4) : « Etant convenu que ce mot miracle exprime un fait qui se produit en dehors des lois connues de la nature ; un fait qui échappe à toute explication humaine, à toute interprétation scientifique. » Je croyais indiquer suffisamment par là que je ne donnais à ce mot miracle qu'une valeur relative et de convention ; il paraît, puisque vous avez pris la peine de me combattre, que me suis trompé.
« Je compte, dans tous les cas, sur votre impartialité, Monsieur, pour que ces quelques lignes, que j'ai l'honneur de vous adresser, trouvent place dans votre prochain numéro. Je ne suis pas fâché que vos lecteurs sachent que je n'ai pas voulu donner au mot en question le sens que vous lui reprochez, et qu'il y a eu maladresse de ma part, ou malentendu de la vôtre, peut-être un peu de l'un et un peu de l'autre.
« Agréez, etc. « MATHIEU. »
Nous étions parfaitement convaincu, ainsi que nous l'avons dit dans notre article, du sens dans lequel M. Mathieu a employé le mot miracle ; aussi notre critique ne portait nullement sur son opinion, mais sur l'emploi du mot, même dans son acception la plus rationnelle. Il y a tant de gens qui ne voient que la surface des choses, sans se donner la peine d'aller au fond, ce qui ne les empêche pas de juger comme s'ils les connaissaient, qu'un tel titre donné à un fait Spirite pourrait être pris à la lettre, de bonne foi par quelques-uns, avec malveillance par le plus grand nombre. Notre observation, sous ce rapport, est d'autant plus fondée, que nous nous rappelons avoir lu quelque part dans un journal dont le nom nous échappe, un article où ceux qui jouissent de la faculté de provoquer les phénomènes Spirites étaient qualifiés, par dérision, de faiseurs de miracles, et cela à propos d'un adepte trop zélé, qui lui-même s'était fait fort d'en produire. C'est ici le cas de rappeler que : rien n'est plus dangereux qu'un imprudent ami. Nos adversaires sont assez ardents à nous prêter des ridicules, sans que nous leur en fournissions le prétexte.
Avis
L'abondance des matières ne nous ayant pas permis d'insérer dans ce numéro le Bulletin de la Société Parisienne des Etudes Spirites, nous le donnerons avec celui du mois de décembre, dans un Supplément, ainsi que plusieurs autres communications que le défaut d'espace nous a fait ajourner.
Allan Kardec
Allan Kardec