REVUE SPIRITE JOURNAL D'ETUDES PSYCHOLOGIQUES - 1869

Allan Kardec

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Janvier

A nos correspondants

Décision du Cercle de la morale spirite de Toulouse, à propos du projet de constitution

A l'occasion du projet de constitution que nous avons publié dans le dernier numéro de la Revue, nous avons reçu de nombreuses lettres de félicitations et des témoignages de sympathie dont nous avons été profondément touchés. Dans l'impossibilité de répondre à chacun en particulier, nous prions nos honorables correspondants de vouloir bien agréer les remerciements collectifs que nous leur adressons par la voie de la Revue.

Nous sommes heureux, surtout, de voir que le but et la portée de ce projet ont été compris, et que nos intentions n'ont pas été méconnues ; chacun y a vu la réalisation de ce que l'on désirait depuis longtemps : une garantie de stabilité pour l'avenir, ainsi que les premiers jalons d'un lien entre les spirites, lien qui leur a manqué jusqu'à ce jour, appuyés sur une organisation qui, prévoyant les difficultés éventuelles, assure l'unité des principes, sans immobiliser la doctrine.

De toutes les adhésions que nous avons reçues, nous n'en citerons qu'une seule, parce qu'elle est l'expression d'une pensée collective, et que la source d'où elle émane lui donne en quelque sorte un caractère officiel ; c'est la décision du conseil du Cercle de la morale spirite de Toulouse, régulièrement et légalement constitué. Nous la publions comme témoignage de notre gratitude à l'égard des membres du Cercle, mus en cette circonstance par un élan spontané de dévouement à la cause, et en outre pour répondre au vœu qui nous en a été exprimé.

Extrait des procès-verbaux du conseil d'administration du Cercle de la morale spirite de Toulouse.

Sur l'exposé fait par son président, de la constitution transitoire donnée au Spiritisme par son fondateur, et définie par les préliminaires publiés dans le numéro du 1er décembre courant, de la Revue spirite, le conseil vote à l'unanimité des remerciements à M. Allan Kardec, comme expression de sa profonde reconnaissance pour cette nouvelle preuve de son dévouement à la doctrine dont il est le fondateur, et fait des vœux pour la réalisation de ce sublime projet qu'il considère comme le digne couronnement de l'œuvre du maître ; de même qu'il voit dans l'institution du comité central la tête de l'édifice appelée à diriger à perpétuité les bienfaits du Spiritisme dans l'humanité tout entière ;

Considérant qu'il est du devoir de tout adepte sincère de concourir, dans la mesure de ses ressources, à la création du capital nécessaire à cette constitution, et désirant faciliter à chaque membre du Cercle de la morale spirite le moyen d'y contribuer, décide :

Qu'une souscription restera ouverte au secrétariat du Cercle jusqu'au 15 mars prochain, et que la somme réalisée à cette époque sera adressée à M. Allan Kardec pour être versée à la caisse générale du Spiritisme.

Collationné et certifié conforme à la minute par nous, secrétaire soussigné,

Chêne, secrétaire adjoint.



Statistique du Spiritisme

Un dénombrement exact des spirites serait chose impossible, comme nous l'avons déjà dit, par une raison très simple, c'est que le spiritisme n'est ni une association, ni une congrégation ; ses adhérents ne sont inscrits sur aucun registre officiel. Il est bien reconnu qu'on n'en saurait évaluer le chiffre par le nombre et l'importance des sociétés, fréquentées seulement par une infime minorité. Le Spiritisme est une opinion qui n'exige aucune profession de foi, et peut s'étendre à tout ou partie des principes de la doctrine. Il suffit de sympathiser avec l'idée pour être spirite ; or, cette qualité n'étant conférée par aucun acte matériel, et n'impliquant que des obligations morales, il n'existe aucune base fixe pour déterminer le nombre des adeptes avec précision. On ne peut l'estimer que d'une manière approximative par les relations et par le plus ou moins de facilité avec laquelle l'idée se propage. Ce nombre augmente chaque jour dans une proportion considérable : c'est un fait positif reconnu par les adversaires eux-mêmes ; l'opposition diminue, preuve évidente que l'idée rencontre de plus nombreuses sympathies.

On comprend, d'ailleurs, que ce n'est que par l'ensemble, et non sur l'état des localités considérées isolément, qu'on peut baser une appréciation ; il y a, dans chaque localité, des éléments plus ou moins favorables en raison de l'état particulier des esprits et aussi des résistances plus ou moins influentes qui s'y exercent ; mais cet état est variable, car telle localité qui s'était montrée réfractaire pendant plusieurs années, devient tout à coup un foyer. Lorsque les éléments d'appréciation auront acquis plus de précision, il sera possible de faire une carte teintée, sous le rapport de la diffusion des idées spirites, comme on en a fait pour l'instruction. En attendant, on peut affirmer, sans exagération, qu'en somme le nombre des adeptes a centuplé depuis dix ans, malgré les manœuvres employées pour étouffer l'idée, et contrairement aux prévisions de tous ceux qui s'étaient flattés de l'avoir enterrée. Ceci est un fait acquis, et dont il faut bien que les antagonistes prennent leur parti.

Nous ne parlons ici que de ceux qui acceptent le Spiritisme en connaissance de cause, après l'avoir étudié, et non de ceux, bien plus nombreux encore, chez lesquels ces idées sont à l'état d'intuition, et auxquels il ne manque que de pouvoir définir leurs croyances avec plus de précision et d'y donner un nom pour être spirites avoués. C'est un fait bien avéré que l'on constate chaque jour, depuis quelque temps surtout, que les idées spirites semblent innées chez une foule d'individus qui n'ont jamais entendu parler du Spiritisme ; on ne peut dire qu'ils aient subi une influence quelconque, ni suivi l'impulsion d'une coterie. Que les adversaires expliquent, s'ils le peuvent, ces pensées qui naissent en dehors et à côté du Spiritisme ! Ce ne serait certainement pas un système préconçu dans le cerveau d'un homme qui aurait pu produire un tel résultat ; il n'y a pas de preuve plus évidente que ces idées sont dans la nature, ni de meilleure garantie de leur vulgarisation dans l'avenir et de leur perpétuité. A ce point de vue on peut dire que les trois quarts au moins de la population de tous les pays possèdent le germe des croyances spirites, puisqu'on les trouve chez ceux-mêmes qui y font de l'opposition. L'opposition, chez la plupart, vient de l'idée fausse qu'ils se font du Spiritisme ; ne le connaissant, en général, que par les ridicules tableaux qu'en a faits la critique malveillante ou intéressée à le décrier, ils récusent avec raison la qualité de spirite. Certes, si le Spiritisme ressemblait aux peintures grotesques qu'on en a faites, s'il se composait des croyances et des pratiques absurdes qu'on s'est plu à lui prêter, nous serions le premier à répudier le titre de spirite. Quand donc ces mêmes personnes sauront que la doctrine n'est autre que la coordination et le développement de leurs propres aspirations et de leurs pensées intimes, elles l'accepteront ; ce sont incontestablement des spirites futurs, mais, en attendant, nous ne les comprenons pas dans nos évaluations.

Si une statistique numérique est impossible, il en est une autre, plus instructive peut-être, et pour laquelle il existe des éléments que nous fournissent nos relations et notre correspondance ; c'est la proportion relative des Spirites suivant les professions, les positions sociales, les nationalités, les croyances religieuses, etc., en tenant compte de cette circonstance que certaines professions, comme les officiers ministériels, par exemple, sont en nombre limité, tandis que d'autres, comme les industriels et les rentiers, sont en nombre indéfini. Toute proportion gardée, on peut voir quelles sont les catégories où le Spiritisme a trouvé, jusqu'à ce jour, le plus d'adhérents. Dans quelques-unes, la proportion a pu être établie à tant pour cent avec assez de précision, sans toutefois prétendre qu'elle le soit avec une rigueur mathématique ; les autres catégories ont simplement été classées en raison du nombre d'adeptes qu'elles ont fourni, en commençant par celles qui en comptent le plus, ce dont la correspondance et les listes d'abonnés à la Revue peuvent donner les éléments. Le tableau ci-après est le résultat du relevé de plus de dix mille observations.

Nous constatons le fait, sans chercher ni discuter la cause de cette différence, ce qui pourrait, néanmoins, faire le sujet d'une étude intéressante.


Proportion relative des spirites



I. Sous le rapport des nationalités. Il n'existe, pour ainsi dire, aucun pays civilisé d'Europe et d'Amérique où il n'y ait des spirites. Celui où ils sont le plus nombreux, ce sont les États-Unis de l'Amérique du Nord. Leur nombre y est évalué, par les uns, à quatre millions, ce qui est déjà beaucoup, et par d'autres à dix millions. Ce dernier chiffre est évidemment exagéré, car il comprendrait plus du tiers de la population, ce qui n'est pas probable. En Europe, le chiffre peut être évalué à un million, dans lequel la France figure pour environ six cent mille. On peut estimer le nombre des spirites du monde entier de six à sept millions. Quand il ne serait que de moitié, l'histoire n'offre aucun exemple d'une doctrine qui, en moins de quinze ans, ait réuni un pareil nombre d'adeptes disséminés sur toute la surface du globe. Si l'on y comprenait les spirites inconscients, c'est-à-dire ceux qui ne le sont que par intuition, et deviendront plus tard spirites de fait, en France seulement, on pourrait en compter plusieurs millions.

Au point de vue de la diffusion des idées spirites, et de la facilité avec laquelle elles sont acceptées, les principaux États de l'Europe peuvent être classés ainsi qu'il suit :

1° France. – 2° Italie. – 3° Espagne. – 4° Russie. – 5° Allemagne. – 6° Belgique. – 7° Angleterre. – 8° Suède et Danemark. – 9° Grèce. – 10° Suisse.

II. Sous le rapport du sexe ; sur 100 : hommes, 70 ; – femmes, 30.

III. Sous le rapport de l'âge ; de 30 à 70 ans, maximum ; – de 20 à 30, nombre moyen ; – de 70 à 80, minimum.

IV. Sous le rapport de l'instruction. Le degré d'instruction est très facile à apprécier par la correspondance ; sur 100 : instruction soignée, 30 ; – simples lettrés, 30 ; – instruction supérieure, 20 ; – demi-lettrés, 10 ; – illettrés, 6 ; – savants officiels, 4.

V. Sous le rapport des idées religieuses ; sur 100 : catholiques romains, libres penseurs, non attachés au dogme, 50 ; – catholiques grecs, 15 ; – juifs, 10 ; protestants libéraux, 10 ; catholiques attachés aux dogmes, 10 ; – protestants orthodoxes, 3 ; – musulmans, 2.

VI. Sous le rapport de la fortune ; sur 100 : médiocrité, 60 ; – fortunes moyennes, 20 ; – indigence, 15 ; – grandes fortunes, 5.

VII. Sous le rapport de l'état moral, abstraction faite de la fortune ; sur 100 : affligés, 60 ; – sans inquiétude, 30 ; – heureux du monde, 10 ; – sensualistes, 0.

VIII. Sous le rapport du rang social. Sans pouvoir établir aucune proportion dans cette catégorie, il est de notoriété que le Spiritisme compte parmi ses adhérents : plusieurs souverain et princes régnants ; des membres de familles souveraines, et un grand nombre de personnages titrés.

En général, c'est dans les classes moyennes que le Spiritisme compte le plus d'adeptes ; en Russie, c'est à peu près exclusivement dans la noblesse et la haute aristocratie ; c'est en France qu'il s'est propagé le plus dans la petite bourgeoisie et la classe ouvrière.

IX. État militaire ; selon le grade : 1° lieutenants et sous-lieutenants ; – 2° sous-officiers ; – 3° capitaines ; – 4° colonels ; – 5° médecins et chirurgiens ; – 6° généraux ; – 7° gardes municipaux ; – 8° soldats de la garde ; – 9° soldats de la ligne.

Remarque. Les lieutenants et sous-lieutenants spirites sont presque tous en activité de service ; parmi les capitaines, il y en a environ la moitié en activité, et l'autre moitié en retraite ; les colonels, médecins, chirurgiens et généraux en retraite sont en majorité.

X. Marine : 1° marine militaire ; – 2° marine marchande.

XI. Profession libérales et fonctions diverses. Nous les avons groupées en dix catégories, classées selon la proportion des adhérents qu'elles ont fournis au Spiritisme.

1°Médecins homéopathes. – Magnétistes[1].

2°Ingénieurs. – Instituteurs ; maîtres et maîtresses de pension. – Professeurs libres.

3°Consuls. – Prêtres catholiques.

4°Petits employés. – Musiciens. – Artistes lyriques. – Artistes dramatiques.

5°Huissiers. – Commissaires de police.

6°Médecins allopathes. – Hommes de lettres. – Étudiants.

7°Magistrats. – Hauts fonctionnaires. – Professeurs officiels et des lycées. – Pasteurs protestants.

8°Journalistes. – Artistes peintres. – Architectes. – Chirurgiens.

9°Notaires. – Avocats. – Avoués. – Agents d'affaires.

10°Agents de change. – Banquiers.

XII. Professions industrielles, manuelles et commerciales, également groupées en dix catégories.

1°Tailleurs d'habits. – Couturières.

2°Mécaniciens. – Employés des chemins de fer.

3°Ouvriers tisseurs. – Petits marchands – Concierges.

4°Pharmaciens. – Photographes. – Horlogers. – Voyageurs de commerce.

5°Cultivateurs. – Cordonniers.

6°Boulangers. – Bouchers. - Charcutiers.

7°Menuisiers. – Ouvriers typographes.

8°Grands industriels et chefs d'établissement.

9°Libraires. – Imprimeurs.

10°Peintres en bâtiments. – Maçons. – Serruriers. – Épiciers. – Domestiques.



De ce relevé, résultent les conséquences suivantes :

1° Qu'il y a des spirites à tous les degrés de l'échelle sociale ;

2° Qu'il y a plus d'hommes que de femmes spirites. Il est certain que, dans les familles divisées par leur croyance touchant le Spiritisme, il y a plus de maris contrecarrés par l'opposition de leurs femmes que de femmes par celle de leurs maris. Il n'est pas moins constant que, dans toutes les réunions spirites, les hommes sont en majorité.

C'est donc à tort que la critique a prétendu que la doctrine s'est principalement recrutée parmi les femmes à cause de leur penchant au merveilleux. C'est précisément, au contraire, ce penchant au merveilleux et au mysticisme qui les rend, en général, plus réfractaires que les hommes ; cette prédisposition leur fait accepter plus facilement la foi aveugle qui dispense de tout examen, tandis que le Spiritisme, n'admettant que la foi raisonnée, exige la réflexion et la déduction philosophique pour être bien compris, ce à quoi l'éducation étroite donnée aux femmes, les rend moins aptes que les hommes. Celles qui secouent le joug imposé à leur raison et à leur développement intellectuel, tombent souvent dans un excès contraire ; elles deviennent ce qu'elles appellent des femmes fortes, et sont d'une incrédulité plus tenace ;

3° Que la grande majorité des spirites se trouve parmi les gens éclairés et non parmi les ignorants. Partout le Spiritisme s'est propagé du haut en bas de l'échelle sociale, et nulle part il ne s'est développé en premier lieu dans les rangs inférieurs ;

4° Que l'affliction et le malheur prédisposent aux croyances spirites, par suite des consolations qu'elles procurent. C'est la raison pour laquelle, dans la plupart des catégories, la proportion des spirites est en raison de l'infériorité hiérarchique, parce que c'est là qu'il y a le plus de besoins et de souffrances, tandis que les titulaires des positions supérieures appartiennent, en général, à la classe des satisfaits ; il faut en excepter l'état militaire où les simples soldats figurent en dernier ;

5° Que le Spiritisme trouve un plus facile accès parmi les incrédules en matières religieuses que parmi ceux qui ont une foi arrêtée ;

6° Enfin, qu'après les fanatiques, les plus réfractaires aux idées spirites sont les sensualistes et les gens dont toutes les pensées sont concentrées sur les possessions et les jouissances matérielles, à quelque classe qu'ils appartiennent, ce qui est indépendant du degré d'instruction.

En résumé, le Spiritisme est accueilli comme un bienfait par ceux qu'il aide à supporter le fardeau de la vie, et il est repoussé ou dédaigné par ceux qu'il gênerait dans la jouissance de la vie. En partant de ce principe, on s'explique aisément le rang qu'occupent, dans ce tableau, certaines catégories d'individus, malgré les lumières qui sont une condition de leur position sociale. Par le caractère, les goûts, les habitudes, le genre de vie des personnes, on peut juger d'avance de leur aptitude à s'assimiler les idées Spirites. Chez quelques-uns, la résistance est une question d'amour-propre, qui suit presque toujours le degré du savoir ; quand ce savoir leur a fait conquérir une certaine position sociale qui les met en évidence, ils ne veulent pas convenir qu'ils ont pu se tromper et que d'autres peuvent avoir vu plus juste. Offrir des preuves à certaines gens, c'est leur offrir ce qu'ils redoutent le plus ; et de peur d'en rencontrer, ils se bouchent les yeux et les oreilles, préférant nier à priori et s'abriter derrière leur infaillibilité, dont ils sont bien convaincus, quoi qu'ils en disent.

On s'explique moins facilement la cause du rang qu'occupent, dans cette classification, certaines professions industrielles. On se demande, par exemple, pourquoi les tailleurs y occupent le premier rang, tandis que la librairie et l'imprimerie, professions bien plus intellectuelles, sont presque au dernier. C'est un fait constaté depuis longtemps et dont nous ne nous sommes pas encore rendu compte.

Si, dans le relevé ci-dessus, au lieu de ne comprendre que les spirites de fait, on eût considéré les spirites inconscients, ceux en qui ces idées sont à l'état d'intuition et qui font du Spiritisme sans le savoir, plusieurs catégories auraient certainement été classées différemment ; les littérateurs, par exemple, les poètes, les artistes, en un mot, tous les hommes d'imagination et d'inspiration, les croyants de tous les cultes seraient, sans nul doute, au premier rang. Certains peuples, chez lesquels les croyances spirites sont en quelque sorte innées, occuperaient aussi une autre place. C'est pourquoi cette classification ne saurait être absolue, et se modifiera avec le temps.

Les médecins homéopathes sont en tête des professions libérales, parce qu'en effet, c'est celle qui, proportion gardée, compte dans ses rangs le plus grand nombre d'adhérents au Spiritisme ; sur cent médecins spirites, il y a au moins quatre-vingts homéopathes. Cela tient à ce que le principe même de leur médication les conduit au spiritualisme ; aussi les matérialistes sont-ils très rares parmi eux, si même il y en a, tandis qu'ils sont nombreux chez les allopathes. Mieux que ces derniers ils ont compris le Spiritisme, parce qu'ils ont trouvé dans les propriétés physiologiques du périsprit, uni au principe matériel et au principe spirituel, la raison d'être de leur système. Par le même motif, les spirites ont pu, mieux que d'autres, se rendre compte des effets de ce mode de traitement. Sans être exclusifs à l'endroit de l'homéopathie, et sans rejeter l'allopathie, ils en ont compris la rationalité, et l'ont soutenue contre des attaques injustes. Les homéopathes, trouvant de nouveaux défenseurs dans les spirites, n'ont pas eu la maladresse de leur jeter la pierre.

Si les magnétistes figurent au premier rang, toutefois après les homéopathes, malgré l'opposition persistante et souvent acerbe de quelques-uns, c'est que les opposants ne forme qu'une très petite minorité auprès de la masse de ceux qui sont, on peut le dire, spirites d'intuition. Le magnétisme et le Spiritisme sont, en effet, deux sciences jumelles, qui se complètent et s'expliquent l'une par l'autre, et dont celle des deux qui ne veut pas s'immobiliser, ne peut arriver à son complément sans s'appuyer sur sa congénère ; isolées l'une de l'autre, elles s'arrêtent dans une impasse ; elles sont réciproquement comme la physique et la chimie, l'anatomie et la physiologie. La plupart des magnétistes comprennent tellement par intuition le rapport intime qui doit exister entre les deux choses, qu'ils se prévalent généralement de leurs connaissances en magnétisme, comme moyen d'introduction auprès des spirites.

De tout temps, les magnétistes ont été divisés en deux camps : les spiritualistes et les fluidistes ; ces derniers, de beaucoup les moins nombreux, faisant tout au moins abstraction du principe spirituel, lorsqu'ils ne le nient pas absolument, rapportent tout à l'action du fluide matériel ; ils sont, par conséquent, en opposition de principe avec les spirites. Or, il est à remarquer que, si tous les magnétistes ne sont pas spirites, tous les spirites, sans exception, admettent le magnétisme. En toutes circonstances, ils s'en sont faits les défenseurs et les soutiens. Ils ont donc dû s'étonner de trouver des adversaires plus ou moins malveillants dans ceux-mêmes dont ils venaient renforcer les rangs ; qui, après avoir été, pendant plus d'un demi-siècle en butte aux attaques, aux railleries et aux persécutions de toutes sortes, jettent, à leur tour, la pierre, les sarcasmes et souvent l'injure aux auxiliaires qui leur arrivent, et commencent à peser dans la balance par leur nombre.

Du reste, comme nous l'avons dit, cette opposition est loin d'être générale, bien au contraire ; on peut affirmer, sans s'écarter de la vérité, qu'elle n'est pas dans la proportion de plus de 2 à 3 p. cent sur la totalité des magnétistes ; elle est beaucoup moindre encore parmi ceux de la province et de l'étranger que de Paris.





[1] Le mot magnétiseur réveille une idée d'action : celui de magnétiste une idée d'adhésion. Le magnétiseur est celui qui exerce par profession ou autrement ; on peut être magnétiste sans être magnétiseur, on dira : un magnétiseur expérimenté, et un magnétiste convaincu.



Du Spiritisme au point de vue catholique

Extrait du Journal le Voyageur de commerce, du 22 novembre 1868[1].

Quelques pages sincères sur le Spiritisme, écrites par un homme de bonne foi, ne sauraient être inutiles à cette époque, et il est peut-être temps que la justice et la lumière se fassent sur une question qui, bien que comptant aujourd'hui dans le monde intelligent des adeptes nombreux, n'en est pas moins reléguée dans le domaine de l'absurde et de l'impossible par des esprits légers, imprudents et peu soucieux du démenti que l'avenir peut leur donner.

Il serait curieux d'interroger aujourd'hui ces prétendus savants qui, du haut de leur orgueil et de leur ignorance, décrétaient, naguère encore, avec un dédain superbe, la folie de ces hommes géants qui cherchaient à la vapeur et à l'électricité des applications nouvelles. La mort leur a heureusement épargné ces humiliations.

Pour poser nettement notre situation, nous ferons au lecteur une profession de foi de quelques lignes :

Spirite, Avatar, Paul d'Apremont nous prouvent incontestablement le talent de Théophile Gautier, ce poète que le merveilleux a toujours attiré ; ces livres charmants sont de pure imagination et l'on aurait tort d'y chercher autre chose ; M. Home était un prestidigitateur habile ; les frères Davenport des banquistes maladroits.

Tous ceux qui ont voulu faire du Spiritisme une affaire de spéculation ressortent, à notre avis, de la police correctionnelle ou de la cour d'assises et voici pourquoi : Si le Spiritisme n'existe pas, ce sont des imposteurs passibles de la pénalité infligée à l'abus de confiance ; s'il existe, au contraire, c'est à la condition d'être la chose sacrée par excellence, la plus majestueuse manifestation de la divinité. Si l'on admettait que l'homme passant par-dessus le tombeau pouvait de plein pied pénétrer dans l'autre vie, correspondre avec les morts et avoir ainsi la seule preuve irrécusable, - parce qu'elle serait matérielle, - de l'immortalité de l'âme, ne serait-ce pas un sacrilège que de livrer à des bateleurs le droit de profaner le plus saint des mystères, et de violer sous la protection des magistrats le secret éternel des tombes ? Le bon sens, la morale, la sécurité même des citoyens exigent impérieusement que ces nouveaux voleurs soient chassés du temple, et que nos théâtres et nos places publiques soient fermés à ces faux prophètes qui jettent dans les esprits faibles une terreur dont la folie a trop souvent été la suite.

Ceci posé, entrons dans le cœur même de la question.

A voir les écoles modernes qui font tumulte autour de certains principes fondamentaux et de certitudes acquises, il est facile de comprendre que le siècle de doute et de découragement où nous vivons est pris de vertige et de cécité.

Parmi tous ces dogmes, celui qui a été le plus agité est, sans contredit, celui de l'immortalité de l'âme.

C'est qu'en effet tout est là : c'est la question par excellence, c'est l'homme tout entier, c'est son présent, c'est son avenir ; c'est la sanction de la vie, c'est l'espérance de la mort ; c'est à elle que viennent se rattacher tous les grands principes de l'existence de Dieu, de l'âme, de la religion révélée.

Cette vérité admise, ce n'est plus la vie qui doit nous inquiéter, mais le terme de la vie ; les plaisirs s'effacent pour laisser la place au devoir ; le corps n'est plus rien, l'âme est toute ; l'homme disparaît et Dieu seul flamboie dans son éternelle immensité.

Donc le grand mot de la vie, le seul, c'est la mort ou plutôt notre transformation. Étant appelés à passer sur la terre comme des fantômes, c'est vers cet horizon qui s'entrouvre de l'autre côté que nous devons porter nos regards ; voyageurs de quelques jours, c'est au départ qu'il convient de nous renseigner sur le but de notre pèlerinage, de demander à la vie le secret de l'éternité, de poser les jalons de notre chemin, et, passagers de la mort à la vie, de tenir d'une main assurée le fil qui traverse l'abîme.

Pascal a dit : « L'immortalité de l'âme est une chose qui nous importe si fort et qui nous touche si profondément, qu'il faut avoir perdu tout sentiment pour être dans l'indifférence de savoir ce qui en est. Toutes nos actions, toutes nos pensées doivent prendre des routes si différentes, selon qu'il y aura des biens éternels à espérer ou non, qu'il est impossible de faire une démarche avec sens et jugement qu'en se réglant par la vue de ce plan qui doit être notre premier objet. »

A toutes les époques, l'homme a eu pour patrimoine commun la notion de l'immortalité de l'âme, et a cherché à appuyer sur des preuves cette idée consolatrice ; il a cru la trouver dans les usages, dans les mœurs des différents peuples, dans les récits des historiens, dans les chants des poètes ; étant antérieure à tout prêtre, à tout législateur, à tout écrivain, n'étant sortie d'aucune secte, d'aucune école, et existant chez les peuples barbares comme chez les nations civilisées, d'où viendrait-elle, si ce n'est de Dieu qui est la vérité ?

Hélas ! ces preuves que la crainte du néant s'est créées ne sont par le fait que les espérances d'un avenir bâti sur une grève incertaine, sur un sable mouvant ; et les déductions de la logique la plus serrée n'arriveront jamais à la hauteur d'une démonstration mathématique.

Cette preuve matérielle, irrécusable, juste comme un principe divin et comme une addition tout à la fois, se trouve tout entière dans le Spiritisme et ne saurait se trouver ailleurs. En le considérant à ce point de vue élevé, comme une ancre de miséricorde, comme la planche suprême de salut, on se rend un compte facile du nombre des adeptes que ce nouvel autel tout catholique, a groupés autour de ses degrés ; car il ne faut pas s'y tromper, c'est là et non ailleurs qu'il faut chercher l'origine du succès que ces nouvelles doctrines ont enfanté près d'hommes qui brillent au premier rang de l'éloquence sacrée ou profane, et dont les noms ont une notoriété méritée dans les sciences et dans les lettres.

Qu'est-ce donc que le Spiritisme ?


Le Spiritisme, dans sa définition la plus large, est la faculté, que possèdent certains individus, d'entrer en relation, au moyen d'un intermédiaire ou médium, qui n'est qu'un instrument entre leurs mains, avec l'Esprit de personnes mortes et habitant un autre monde. Ce système, qui s'appuie, disent les croyants, sur un grand nombre de témoignages, offre une singulière séduction, moins encore par ses résultats que par ses promesses.

Dans cet ordre d'idées, le surnaturel n'est plus une limite, la mort n'est plus une barrière, le corps n'est plus un obstacle à l'âme, qui s'en débarrasse après la vie, comme, pendant la vie, elle s'en débarrasse momentanément dans le rêve. Dans la mort, l'Esprit est libre ; s'il est pur, il s'élève dans des sphères qui nous sont inconnues ; s'il est impur, il erre autour de la terre, se met en communication avec l'homme, qu'il trahit, qu'il trompe et qu'il corrompt. Les spirites ne croient pas aux bons Esprits ; le clergé, se conformant au texte de la Bible, ne croit également qu'aux mauvais, et les retrouve dans ce passage : « Prenez garde, car le démon rôde autour de vous et vous guette comme un lion cherchant sa proie, quœrens quem devoret. »

Ainsi, le Spiritisme n'est pas une découverte moderne. Jésus chassait les démons du corps des possédés, et Diodore de Sicile parle des revenants ; les dieux lares des Romains, leurs Esprits familiers, qu'étaient-ils donc ?

Mais alors pourquoi repousser de parti pris et sans examen un système, dangereux certainement au point de vue de la raison humaine, mais plein d'espérances et de consolations ? La brucine sagement administrée est un de nos remèdes les plus puissants ; parce qu'elle est un poison violent entre les mains des inhabiles, est-ce une raison pour la proscrire du Codex ?

M. Baguenault de Puchesse, un philosophe et un chrétien, au livre duquel j'ai fait de nombreux emprunts, parce que ses idées sont les miennes, dit, dans son beau livre de l'Immortalité, à propos du Spiritisme : « Ses pratiques inaugurent un système complet qui comprend le présent et l'avenir, qui trace les destinées de l'homme, lui ouvre les portes de l'autre vie, et l'introduit dans le monde surnaturel. L'âme survit au corps, puisqu'elle apparaît et se montre après la dissolution des éléments qui le composent. Le principe spirituel se dégage, persiste et, par ses actes, affirme son existence. Dès lors le matérialisme est condamné par les faits ; la vie d'outre-tombe devient un fait certain et comme palpable ; le surnaturel s'impose ainsi à la science et, en se soumettant à son examen, ne lui permet plus de le repousser théoriquement et de le déclarer, en principe, impossible. »

Le livre qui parle ainsi du Spiritisme est dédié à l'une des lumières de l'Église, à l'un des maîtres de l'Académie française, à une illustration des lettres contemporaines, qui répondit :

« Un beau livre, sur un grand sujet, publié par le président de notre Académie de Sainte-Croix, sera un honneur pour vous et pour notre Académie tout entière. Vous ne pouviez guère choisir une question plus haute ni plus importante à étudier à l'heure présente… Permettez-moi donc, monsieur et bien cher ami, de vous offrir, pour le beau livre que vous dédiez à notre Académie et pour le bon exemple que vous nous donnez toutes mes félicitations et tous mes remerciements, avec l'hommage de mon religieux et profond dévouement.

Félix, évêque d'Orléans.

Orléans, le 28 mars 1864. »

L'article est signé Robert de Salles.



L'auteur ne connaît évidemment le Spiritisme que d'une manière incomplète, comme le prouvent certains passages de son article ; cependant, il le considère comme une chose très sérieuse, et à quelques exceptions près, les spirites ne peuvent qu'applaudir à l'ensemble de ses réflexions. Il est surtout dans l'erreur quand il dit que les spirites ne croient pas aux bons Esprits, et aussi dans la définition qu'il donne comme la plus large expression du Spiritisme ; c'est, dit-il, la faculté que possèdent certains individus, d'entrer en relation avec l'Esprit de personnes mortes.

La médiumnité, ou faculté de communiquer avec les Esprits, ne constitue pas le fonds du Spiritisme, sans cela, pour être spirite, il faudrait être médium ; ce n'est là qu'un accessoire, un moyen d'observation, et non la science qui est tout entière dans la doctrine philosophique. Le Spiritisme n'est pas plus inféodé dans les médiums que l'astronomie ne l'est dans une lunette ; et la preuve en est, c'est qu'on peut faire du spiritisme sans médium, comme on a fait de l'astronomie longtemps avant d'avoir des télescopes. La différence consiste en ce que, dans le premier cas, on fait de la science théorique, tandis que la médiumnité est l'instrument qui permet d'asseoir la théorie sur l'expérience. Si le Spiritisme était circonscrit dans la faculté médianimique, son importance serait singulièrement amoindrie et, pour beaucoup de gens, se réduirait à des faits plus ou moins curieux.

En lisant cet article, on se demande si l'auteur croit ou non au Spiritisme ; car il ne le pose, en quelque sorte, que comme une hypothèse, mais comme une hypothèse digne de la plus sérieuse attention. Si c'est une vérité, dit-il, c'est une chose sacrée par excellence, qui ne doit être traitée qu'avec respect, et dont l'exploitation ne saurait être flétrie et poursuivie avec trop de sévérité.

Ce n'est pas la première fois que cette idée est émise, même par les adversaires du Spiritisme, et il est à remarquer que c'est toujours le côté par lequel la critique a cru mettre la doctrine en défaut, en s'attaquant aux abus du trafic lorsqu'elle en a trouvé l'occasion ; c'est qu'elle sent que ce serait le côté vulnérable, et par lequel elle pourrait l'accuser de charlatanisme ; voilà pourquoi la malveillance s'acharne à l'accoler aux charlatans, diseurs de bonne aventure et autres industriels de même espèce, espérant par ce moyen donner le change et lui enlever le caractère de dignité et de gravité qui fait sa force. La levée de boucliers contre les Davenport, qui avaient cru pouvoir impunément mettre les Esprits en parade sur des tréteaux, a rendu un immense service ; dans son ignorance du véritable caractère du Spiritisme, la critique d'alors a cru le frapper à mort, tandis qu'elle n'a discrédité que les abus contre lesquels tous les spirites sincères ont toujours protesté.

Quelle que soit la croyance de l'auteur, et malgré les erreurs contenues dans son article, nous devons nous féliciter d'y voir la question traitée avec la gravité que comporte le sujet. La presse en a rarement entendu parler dans un sens aussi sérieux, mais il y a commencement à tout.


[1] Le Voyageur de commerce paraît tous les dimanches. - Bureaux : 3, faubourg Saint-Honoré. Prix : 22 fr. par an ; 12 fr. pour six mois ; 6 fr. 50 pour trois mois. De ce que le journal a publié l'article qu'on va lire, qui est l'expression de la pensée de l'auteur, nous n'en préjugeons rien sur ses sympathies pour le Spiritisme, car nous ne le connaissons que par ce numéro qu'on a bien voulu nous remettre.



Procès des empoisonneuses de Marseille


Le nom du Spiritisme s'est trouvé incidemment mêlé à cette déplorable affaire ; un des accusés, l'herboriste Joye, a dit qu'il s'en était occupé, et qu'il interrogeait les Esprits ; cela prouve-t-il qu'il fût spirite, et peut-on en inférer quelque chose contre la doctrine ? Sans doute ceux qui veulent la décrier ne manqueront pas d'y chercher un prétexte d'accusation ; mais si les diatribes de la malveillance ont été jusqu'à ce jour sans résultat, c'est qu'elles ont toujours porté à faux, et il en sera de même ici. Pour savoir si le Spiritisme encourt une responsabilité quelconque en cette circonstance, le moyen est bien simple : c'est de s'enquérir de bonne foi, non chez les adversaires, mais à la source même, de ce qu'il prescrit et de ce qu'il condamne ; il n'a rien de secret ; ses enseignements sont au grand jour et chacun peut les contrôler. Si donc les livres de la doctrine ne renferment que des instructions de nature à porter au bien ; s'ils condamnent d'une manière explicite et formelle tous les actes de cet homme, les pratiques auxquelles il s'est livré, le rôle ignoble et ridicule qu'il attribue aux Esprits, c'est qu'il n'y a pas puisé ses inspirations ; il n'est pas un homme impartial qui n'en convienne et ne déclare le Spiritisme hors de cause.

Le Spiritisme ne reconnaît pour ses adeptes que ceux qui mettent en pratique ses enseignements, c'est-à-dire qui travaillent à leur propre amélioration morale, parce que c'est le signe caractéristique du vrai spirite. Il n'est pas plus responsable des actes de ceux à qui il plaît de se dire spirites que la vraie science ne l'est du charlatanisme des escamoteurs qui s'intitulent professeurs de physique, ni la saine religion des abus commis en son nom.

L'accusation dit, à propos de Joye : « On a trouvé chez lui un registre qui donne une idée de son caractère et de ses occupations. Chaque page aurait été écrite, selon lui, sous la dictée des Esprits, et il est tout plein de soupirs ardents vers Jésus-Christ. A chaque feuillet il est question de Dieu, et les saints sont invoqués. A côté, pour ainsi dire, sont des écritures qui peuvent donner une idée des opérations habituelles de l'herboriste :

« Pour espiritisme, 4 fr. 25. - Malades, 6 fr. - Cartes, 2 fr. - Maléfices, 10 fr. - Exorcismes, 4 fr. - Baguette divinatoire, 10 fr. - Maléfices pour tirage au sort, 60 fr. » Et bien d'autres désignations, parmi lesquelles on rencontre des maléfices à satiété, et qui se terminent par cette mention : « J'ai fait en janvier 226 fr. Les autres mois ont été moins fructueux. »

A-t-on jamais vu dans les ouvrages de la doctrine spirite l'apologie de pareilles pratiques, ni quoi que ce soit de nature à les provoquer ? N'y voit-on pas, au contraire, qu'elle répudie toute solidarité avec la magie, la sorcellerie, les diableries, les tireurs de cartes, devins, diseurs de bonne aventure, et tous ceux qui font métier de commercer avec les Esprits, en prétendant les avoir à leurs ordres à tant la séance ?

Si Joye avait été spirite, il aurait d'abord regardé comme une profanation de faire intervenir les Esprits en semblables circonstances ; il aurait su, en outre : que les Esprits ne sont aux ordres de personne et ne viennent ni sur commande, ni par l'influence d'aucun signe cabalistique ; que les Esprits sont les âmes des hommes qui ont vécu sur la terre ou dans d'autres mondes, nos parents, nos amis, nos contemporains ou nos ancêtres ; qu'ils ont été hommes comme nous, et qu'après notre mort nous serons Esprits comme eux ; que les gnomes, lutins, farfadets, démons sont des créations de pure fantaisie et n'existent que dans l'imagination ; que les Esprits sont libres, plus libres que lorsqu'ils étaient incarnés, et que prétendre les soumettre à nos caprices et à notre volonté, les faire agir et parler à notre guise pour notre amusement ou notre intérêt, est une idée chimérique ; qu'ils viennent quand ils veulent, de la manière qu'ils veulent, et à qui cela leur convient ; que le but providentiel des communications avec les Esprits est notre instruction et notre amélioration morale, et non de nous aider dans les choses matérielles de la vie que nous pouvons faire ou trouver nous-mêmes, et encore moins de servir la cupidité ; enfin qu'en raison de leur nature même et du respect que l'on doit aux âmes de ceux qui ont vécu, il est aussi irrationnel qu'immoral de tenir bureau ouvert de consultations ou d'exhibitions des Esprits. Ignorer ces choses, c'est ignorer l'a b c d du Spiritisme ; et lorsque la critique le confond avec la cartomancie, la chiromancie, les exorcismes, les pratiques de la sorcellerie, maléfices, envoûtements, etc., elle prouve qu'elle n'en sait pas le premier mot ; or, nier ou condamner une doctrine que l'on ne connaît pas, c'est manquer à la logique la plus élémentaire ; lui prêter ou lui faire dire précisément le contraire de ce qu'elle dit, c'est de la calomnie ou de la partialité.

Puisque Joye mêlait à ses procédés le nom de Dieu, de Jésus et l'invocation des saints, il pouvait tout aussi bien y mêler le nom du Spiritisme, ce qui ne prouve pas plus contre la doctrine, que son simulacre de dévotion ne prouve contre la saine religion. Il n'était donc pas plus spirite, parce qu'il interrogeait soi-disant les Esprits, que les femmes Lamberte et Dye n'étaient vraiment pieuses, parce qu'elles allaient faire brûler des cierges, à la Bonne-Mère, Notre-Dame-de-la-Garde, pour la réussite de leurs empoisonnements. D'ailleurs, s'il eût été spirite, il ne lui serait même pas venu à la pensée de faire servir à la perpétration du mal, une doctrine dont la première loi est l'amour du prochain, et qui a pour devise : Hors la charité, point de salut. Si l'on imputait au Spiritisme l'incitation à de pareils actes, on pourrait, au même titre, en faire tomber la responsabilité sur la religion.

Voici, à ce sujet, quelques réflexions de l'Opinion nationale, du 8 décembre :

« Le Monde accuse le Siècle, les mauvais journaux, les mauvaises réunions, les mauvais livres, de complicité dans l'affaire des empoisonneuses de Marseille.

« Nous avons lu, avec une curiosité douloureuse, les débats de cette étrange affaire ; mais nous n'avons vu nulle part que le sorcier Joye ou la sorcière Lamberte aient été abonnés au Siècle, à l'Avenir ou à l'Opinion. On a trouvé un seul journal chez Joye : c'était un numéro du Diable, journal de l'enfer. Les veuves qui figurent dans cet aimable procès, sont bien loin d'être des libres penseuses. Elles font brûler des cierges à la bonne Vierge, pour obtenir de Notre-Dame la grâce d'empoisonner tranquillement leurs maris. On trouve dans l'affaire tout le vieil attirail du moyen âge : os de mort recueillis au cimetière, emmasquement, qui n'est autre que l'envoûtement du temps de la reine Margot. Toutes ces dames ont été élevées, non dans les écoles Élisa Lemonnier, mais chez les bonnes sœurs. Ajoutez aux superstitions catholiques, les superstitions modernes, spiritisme et charlatanismes. C'est l'absurde qui a conduit ces femmes au crime. C'est ainsi qu'en Espagne, près des bouches de l'Èbre, on voit, dans la montagne, une chapelle élevée à Notre-Dame des voleurs.

« Semez la superstition, vous récolterez le crime. C'est pour cela que nous demandons qu'on sème la science. « Éclairez cette tête du peuple, a dit Victor Hugo, vous n'aurez plus besoin de la couper. » - J. Labbé.

L'argument, tiré de ce que les accusés n'étaient pas abonnés à certains journaux, manque de justesse, car on sait qu'il n'est pas nécessaire d'être abonné à un journal pour le lire, surtout dans cette classe d'individus. L'Opinion nationale aurait donc pu se trouver entre les mains de quelques-uns d'entre eux, sans qu'on fût en droit de n'en tirer aucune conséquence contre ce journal. Qu'aurait-elle dit si Joye eût prétendu s'être inspiré des doctrines de cette feuille ? Elle aurait répondu : Lisez-la, et voyez si vous y trouvez un seul mot propre à surexciter les mauvaises passions. Le prêtre Verger avait certainement chez lui l'Évangile ; bien plus : par état il devait l'étudier ; peut-on dire que ce soit l'Évangile qui l'a poussé à l'assassinat de l'archevêque de Paris ? Est-ce l'Évangile qui a armé le bras de Ravaillac et de Jacques Clément ? qui a allumé les bûchers de l'Inquisition ? Et cependant c'est au nom de l'Évangile que tous ces crimes ont été commis.

L'auteur de l'article dit : « Semez la superstition, et vous récolterez le crime ; » il a raison, mais où il a tort c'est de confondre l'abus d'une chose avec la chose même ; si on voulait supprimer tout ce dont on peut abuser, on ne voit pas trop ce qui échapperait à la proscription, sans en excepter la presse. Certains réformateurs modernes ressemblent aux hommes qui voudraient couper un bon arbre, parce qu'il donne quelques fruits véreux.

Il ajoute : « C'est pour cela que nous demandons qu'on sème la science. » Il a encore raison, car la science est un élément de progrès, mais suffit-elle pour la moralisation complète ? Ne voit-on pas des hommes mettre leur savoir au service de leurs mauvaises passions ? Lapommeraie n'était-il pas un homme instruit, un médecin patenté, jouissant d'un certain crédit, et, de plus, un homme du monde ? Il en était de même de Castaing et de tant d'autres. On peut donc abuser de la science ; en faut-il conclure que la science est une mauvaise chose ? Et de ce qu'un médecin a failli, la faute doit-elle rejaillir sur tout le corps médical ? Pourquoi donc imputer au Spiritisme celle d'un homme à qui il a plu de se dire spirite, et qui ne l'était pas ? La première chose, avant de porter un jugement quelconque, était de s'enquérir s'il avait pu trouver dans la doctrine spirite des maximes de nature à justifier ses actes. Pourquoi la science médicale n'est-elle pas solidaire du crime de Lapommeraie ? Parce que ce dernier n'a pu puiser dans les principes de cette science l'incitation au crime ; il a employé pour le mal les ressources qu'elle fournit pour le bien ; et pourtant il était plus médecin que Joye n'était spirite. C'est le cas d'appliquer le proverbe : « Quand on veut tuer son chien, on dit qu'il est enragé. »

L'instruction est indispensable, personne ne le conteste ; mais, sans la moralisation, ce n'est qu'un instrument, trop souvent improductif pour celui qui ne sait pas en régler l'usage en vue du bien. Instruire les masses sans les moraliser, c'est mettre entre leurs mains un outil sans leur apprendre à s'en servir, car la moralisation qui s'adresse au cœur ne suit pas nécessairement l'instruction qui ne s'adresse qu'à l'intelligence ; l'expérience est là pour le prouver. Mais comment moraliser les masses ? C'est ce dont on s'est le moins occupé, et ce ne sera certainement pas en les nourrissant de l'idée qu'il n'y a ni Dieu, ni âme, ni espérance, car tous les sophismes du monde ne démontreront pas que l'homme qui croit que tout, pour lui, commence et finit avec son corps, a de plus puissantes raisons de se contraindre pour s'améliorer, que celui qui comprend la solidarité qui existe entre le passé, le présent et l'avenir. C'est cependant cette croyance au néantisme qu'une certaine école de soi-disant réformateurs prétend imposer à l'humanité comme l'élément par excellence du progrès moral.

L'auteur, en citant Victor Hugo, oublie, ou mieux ne se doute pas, que ce dernier a ouvertement affirmé en maintes occasions sa croyance aux principes fondamentaux du Spiritisme ; il est vrai que ce n'est pas du Spiritisme à la façon de Joye ; mais quand on ne sait pas, on peut confondre.

Quelque regrettable que soit l'abus qui a été fait du nom du Spiritisme dans cette affaire, aucun spirite ne s'est ému des suites qui pourraient en résulter pour la doctrine ; c'est qu'en effet, sa morale étant inattaquable, elle n'en peut subir aucune atteinte ; l'expérience prouve, au contraire, qu'il n'y a pas une seule des circonstances qui ont fait retentir le nom du Spiritisme qui n'ait tourné à son profit par un accroissement dans le nombre des adeptes, parce que l'examen que le retentissement provoque ne peut être qu'à son avantage. Il est à remarquer, néanmoins, qu'en cette affaire, à bien peu d'exceptions près, la presse s'est abstenue de tout commentaire à l'endroit du Spiritisme ; il y a quelques années elle en eût défrayé ses colonnes pendant deux mois, et n'aurait pas manqué de présenter Joye comme un des grands prêtres de la doctrine. On a pu remarquer également que, ni le président de la Cour, ni le procureur général dans son réquisitoire, ne se sont appesantis sur cette circonstance et n'en ont tiré aucune induction. L'avocat seul de Joye a fait son office de défenseur comme il a pu.




Le Spiritisme partout

Lamartine


Aux oscillations du ciel et du vaisseau,

Aux gigantesques flots qui roulent sur nos têtes,

On sent que l'homme aussi double un cap des tempêtes,

Et passe sous la foudre et sous l'obscurité,

Le tropique orageux d'une autre humanité !

Le Siècle, du 20 mai dernier, citait ces vers à propos d'un article sur la crise commerciale. Qu'ont-ils de Spirite ? dira-t-on ; il n'y est question ni d'âmes, ni d'Esprits. On pourrait avec plus de raison demander quel rapport ils ont avec le fond de l'article dans lequel ils étaient encadrés, et traitant du taux des marchandises. Ils touchent bien plus directement au Spiritisme, car c'est, sous une autre forme, la pensée exprimée par les Esprits sur l'avenir qui se prépare ; c'est, dans un langage à la fois sublime et concis, l'annonce des convulsions que l'humanité aura à subir pour sa régénération, et que les Esprits nous font, de tous côtés, pressentir comme imminentes. Tout se résume dans cette pensée profonde : une autre humanité, image de l'humanité transformée, du monde moral nouveau remplaçant le vieux monde qui s'écroule. Les préliminaires de ce remaniement se font déjà sentir, c'est pourquoi les Esprits nous répètent sur tous les tons que les temps sont arrivés. M. Lamartine a fait là une véritable prophétie dont nous commençons à voir la réalisation.



Etienne de Jouy (de l'Académie Française)


On lit ce qui suit dans le tome xvi des œuvres complètes de M. de Jouy, intitulé : Mélanges, page 99 ; c'est un dialogue entre madame de Staël, morte, et M. le duc de Broglie vivant.

M. de Broglie. Que vois-je ! se peut-il ?

Mme de Staël. Mon cher Victor, ne vous alarmez pas, et, sans m'interroger sur un prodige dont aucun être vivant ne saurait pénétrer la cause, jouissez un moment avec moi du bonheur que nous procure à tous deux cette nocturne apparition. Il est, vous le voyez, des liens que la mort même ne saurait briser ; le doux accord des sentiments, des vues, des opinions, forme la chaîne qui rattache la vie périssable à la vie immortelle, et qui empêche que ce qui fut longtemps uni soit à jamais séparé.

M. de Broglie. Je pourrais, je crois, expliquer cette heureuse sympathie par la concordance intellectuelle.

Mme de Staël. N'expliquons rien, je vous prie, je n'ai plus de temps à perdre. Ces relations d'amour qui survivent aux organes matériels ne me laissent point étrangère aux sentiments des objets de mes plus tendres affections. Mes enfants vivent ; ils honorent et chérissent ma mémoire, je le sais ; mais c'est là que se bornent mes rapports présents avec la terre ; la nuit de la tombe enveloppe tout le reste.

Dans le même tome, page 83 et suivantes, est un autre dialogue, où sont mis en scène divers personnages historiques, révélant leur existence et le rôle qu'ils ont joué dans des vies successives.

Le correspondant, qui nous adresse cette note, ajoute :

« Je crois, comme vous, que le meilleur moyen d'amener à la doctrine que nous prêchons, bon nombre de récalcitrants, c'est de leur faire voir que ce qu'ils regardent compte un ogre prêt à les dévorer, ou comme une ridicule bouffonnerie, n'est autre chose que ce qui est éclos, par la seule méditation sur les destinées de l'homme, dans le cerveau des penseurs sérieux de tous les âges. »

M. de Jouy écrivait au commencement de ce siècle. Ses œuvres complètes ont été publiées en 1823, en vingt-sept volumes in-8°, chez Didot.



Silvio Pellico


Extrait de Mes Prisons, par Silvio Pellico, ch. XIV et XVI.

« Un état pareil était une vraie maladie ; je ne sais si je ne dois pas dire une sorte de somnambulisme. Il me semblait qu'il y avait en moi deux hommes : l'un qui voulait continuellement écrire, et l'autre qui voulait faire autre chose…

Pendant ces nuits horribles, mon imagination s'exaltait quelquefois à tel point que, tout éveillé, il me semblait entendre dans ma prison, tantôt des gémissements, tantôt des rires étouffés. Depuis mon enfance, je n'avais jamais cru aux sorciers ni aux Esprits, et maintenant ces rires et ces gémissements m'épouvantaient ; je ne savais comment me les expliquer ; j'étais forcé de douter si je n'étais pas le jouet de quelque puissance inconnue et malfaisante.

Plusieurs fois je pris la lumière en tremblant, et je regardai si personne n'était caché sous mon lit pour se jouer de moi. Quand j'étais à ma table, tantôt il me semblait que quelqu'un me tirait par mon habit, tantôt que l'on poussait un livre qui tombait à terre ; tantôt aussi je croyais qu'une personne, derrière moi, soufflait ma lumière pour qu'elle s'éteignît. Me levant alors précipitamment, je regardai autour de moi ; je me promenais avec défiance et me demandais à moi-même si j'étais fou ou dans mon bon sens, car, au milieu de tout ce que j'éprouvais, je ne savais plus distinguer la réalité de l'illusion, et je m'écriais avec angoisse : Deus meus, Deus meus, ut quid dereliquisti me ?

Une fois m'étant mis au lit avant l'aurore, je crus être parfaitement sûr d'avoir placé mon mouchoir sous mon traversin. Après un moment d'assoupissement, je m'éveillai comme de coutume, et il me sembla qu'on m'étranglait. Je sentis mon cou étroitement enveloppé. Chose étrange ! Il était enveloppé avec mon mouchoir, fortement attaché par plusieurs nœuds ! J'aurais juré n'avoir pas fait ces nœuds, n'avoir pas touché mon mouchoir depuis que je l'avais mis sous mon traversin. Il fallait que je l'eusse fait en rêvant ou dans un accès de délire, sans en avoir gardé aucune souvenance ; mais je ne pouvais le croire, et, depuis ce moment, je craignais chaque nuit d'être étranglé. »

Si quelques-uns de ces faits peuvent être attribués à une imagination surexcitée par la souffrance, il en est d'autres qui semblent véritablement provoqués par des agents invisibles, et il ne faut pas oublier que Silvio Pellico n'était pas crédule à cet endroit ; cette cause ne pouvait lui venir à la pensée, et, dans l'impossibilité de se l'expliquer, ce qui se passait autour de lui le remplissait de terreur. Aujourd'hui que son Esprit est dégagé du voile de la matière, il se rend compte, non-seulement de ces faits, mais des différentes péripéties de sa vie ; il reconnaît juste ce qui, auparavant, lui paraissait injuste. Il en a donné l'explication dans la communication suivante sollicitée à cet effet.



Société de Paris, 18 octobre 1867.

Qu'il est grand et puissant ce Dieu que les humains rapetissent sans cesse en voulant le définir, et combien les mesquines passions que nous lui prêtons pour le comprendre sont une preuve de notre faiblesse et de notre peu d'avancement ! Un Dieu vengeur ! un Dieu juge ! un Dieu bourreau ! Non ; tout cela n'existe que dans l'imagination humaine, incapable de comprendre l'infini. Quelle folle témérité que de vouloir définir Dieu ! Il est l'incompréhensible et l'indéfinissable, et nous ne pouvons que nous incliner sous sa main puissante, sans chercher à comprendre et à analyser sa nature. Les faits sont là pour nous prouver qu'il existe ! Étudions ces faits et, par leur moyen, remontons de cause en cause aussi loin que nous pourrons aller ; mais ne nous attaquons à la cause des causes que lorsque nous possèderons entièrement les causes secondes, et lorsque nous en comprendrons tous les effets !…

Oui, les lois de l'Éternel sont immuables ! Elles frappent aujourd'hui le coupable, comme elles l'ont toujours frappé, selon la nature des fautes commises et proportionnellement à ces fautes. Elles frappent d'une manière inexorable, et sont suivies de conséquences morales, non fatales, mais inévitables. La peine du talion est un fait, et le mot de l'ancienne loi : « Œil pour œil, dent pour dent, » s'accomplit dans toute sa rigueur. Non-seulement l'orgueilleux est humilié, mais il est frappé dans son orgueil de la même manière dont il a frappé les autres. Le juge inique se voit condamner injustement ; le despote devient opprimé !

Oui, j'ai gouverné les hommes ; je les ai fait plier sous un joug de fer ; je les ai frappés dans leurs affections et leur liberté ; et plus tard, à mon tour, j'ai dû plier sous l'oppresseur, j'ai été privé de mes affections et de ma liberté !

Mais comment l'oppresseur de la veille peut-il devenir le républicain du lendemain ? La chose est des plus simples, et l'observation des faits qui ont lieu sous vos yeux devrait vous en donner la clef. Ne voyez-vous pas, dans le cours d'une seule existence, une même personnalité, tour à tour dominante et dominée ? et n'arrive-t-il pas que, si elle gouverne despotiquement dans le premier cas, elle est, dans le second, une de celles qui luttent le plus énergiquement contre le despotisme ?

La même chose a lieu d'une existence à l'autre. Ce n'est certes pas là une règle sans exception ; mais généralement ceux qui sont en apparence les libéraux les plus forcenés, ont été jadis les plus ardents partisans du pouvoir, et cela se comprend, car il est logique que ceux qui ont été longuement habitués à régner sans conteste et à satisfaire sans entraves leurs moindres caprices, soient ceux qui souffrent davantage de l'oppression, et les plus ardents à en secouer le joug.

Le despotisme et ses excès, par une conséquence admirable des lois de Dieu, entraînent nécessairement chez ceux qui l'exercent un amour immodéré de la liberté, et ces deux excès s'usant l'un par l'autre, amènent inévitablement le calme et la modération.

Telles sont, à propos du désir que vous avez exprimé, les explications que je crois utile de vous donner. Je serai heureux si elles sont de nature à vous satisfaire.

Silvio Pellico.





Variétés

L'avare de la rue du Four


La Petite Presse du 19 novembre 1868, reproduisait le fait suivant d'après le journal le Droit :

« Dans un misérable galetas de la rue du Four-Saint-Germain, vivait pauvrement un individu d'un certain âge, nommé P… Il ne recevait personne ; il préparait lui-même ses repas, beaucoup plus exigus que ceux d'un anachorète. Couvert de vêtements sordides, il couchait sur un grabat plus sordide encore. D'une maigreur extrême, il paraissait desséché par les privations de tout genre, et on le croyait généralement en proie au plus profond dénuement.

Cependant, une odeur fétide avait commencé à se répandre dans la maison. Elle augmenta d'intensité et finit par gagner l'établissement d'un petit traiteur, situé au rez-de-chaussée, au point que les consommateurs s'en plaignirent.

On rechercha alors avec soin la cause de ces miasmes, et on finit par découvrir qu'ils provenaient du logement occupé par le sieur P…

Cette découverte fit songer que cet homme n'avait pas été vu depuis longtemps, et, dans la crainte qu'il ne lui fût arrivé quelque malheur, on se hâta d'avertir le commissaire de police du quartier.

Immédiatement, ce magistrat se rendit sur les lieux et fit ouvrir la porte par un serrurier ; mais, dès qu'on voulut entrer dans la chambre, on faillit être suffoqué et il fallut se retirer promptement. Ce ne fut qu'après avoir laissé pendant quelque temps s'introduire dans ce réduit l'air extérieur qu'on put y pénétrer et procéder, avec les précautions convenables, aux constatations.

Un triste spectacle s'offrit au commissaire et au médecin qui l'accompagnait. Sur le lit était étendu le corps du sieur P… dans un état de putréfaction complète ; il était couvert de mouches charbonneuses, et des milliers de vers rongeaient les chairs, qui se détachaient par lambeaux.

Cet état de décomposition n'a pas permis de reconnaître d'une manière certaine la cause de la mort, remontant à une époque éloignée, mais l'absence de toute trace de violence fait penser qu'elle doit être attribuée à une cause naturelle, telle qu'une apoplexie ou une congestion cérébrale. On a d'ailleurs trouvé dans un meuble une somme d'environ 35,000 francs, tant en numéraire qu'en actions, obligations industrielles et valeurs diverses.

A la suite des formalités ordinaires, on s'est hâté d'enlever ces débris humains et de désinfecter le local. L'argent et les valeurs ont été placés sous scellés. »

Cet homme ayant été évoqué à la Société de Paris, a donné la communication suivante :

(Société de Paris, 20 novembre 1868. Méd., M. Rul.)

Vous me demandez pourquoi je me suis laissé mourir de faim, étant en possession d'un trésor. 35,000 francs, c'est une fortune, en effet ! Hélas ! messieurs, vous êtes trop instruits de ce qui se passe autour de vous, pour ne pas comprendre que je subissais des épreuves, et ma fin vous dit assez que j'y ai failli. En effet, dans une précédente existence, j'avais lutté avec énergie contre la pauvreté que je n'avais domptée que par des prodiges d'activité, d'énergie et de persévérance. Vingt fois, je fus sur le point de me voir privé du fruit de mon rude labeur. Aussi, ne fus-je pas tendre pour les pauvres que j'éconduisais lorsqu'ils se présentaient chez moi. Je réservais tout ce que je gagnais pour ma famille, ma femme et mes enfants.

Je me choisis pour épreuve, dans cette nouvelle existence, d'être sobre, modéré dans mes goûts, et de partager ma fortune avec les pauvres, mes frères déshérités.

Ai-je tenu parole ? Vous voyez le contraire ; car j'ai bien été sobre, tempérant, plus que tempérant ; mais je n'ai pas été charitable.

Ma fin malheureuse n'a été que le commencement de mes souffrances, plus dures, plus pénibles en ce moment, où je vois avec les yeux de l'Esprit. Aussi n'aurais-je pas eu le courage de me présenter devant vous, si l'on ne m'avait assuré que vous êtes bons, compatissants au malheur, et je viens vous demander de prier pour moi. Allégez mes souffrances, vous qui connaissez les moyens de rendre les souffrances moins poignantes ; priez pour votre frère qui souffre et qui désire revenir souffrir beaucoup plus encore !

Pitié, mon Dieu ! Pitié pour l'être faible qui a failli ; et vous, messieurs, compassion à votre frère, qui se recommande à vos prières.

L'avare de la rue du Four.


Suicide par obsession


On lit dans le Droit :

« Le sieur Jean-Baptiste Sadoux, fabricant de canots à Joinville-Le-Pont, aperçut hier un jeune homme qui, après avoir erré pendant quelque temps sur le pont, était monté sur le parapet et se précipitait dans la Marne. Aussitôt il se porta à son secours, et, au bout de sept minutes, il le ramena. Mais déjà l'asphyxie était complète, et toutes les tentatives faites pour ranimer cet infortuné demeurèrent infructueuses.

Une lettre trouvée sur lui l'a fait reconnaître pour le sieur Paul D…, âgé de vingt-deux ans, demeurant rue Sedaine, à Paris. Cette lettre, adressée par le suicidé à son père, était extrêmement touchante. Il lui demandait pardon de l'abandonner et lui disait que depuis deux ans il était dominé par une idée terrible, par une irrésistible envie de se détruire. Il lui semblait, ajoutait-il, entendre hors de la vie une voix qui l'appelait sans relâche, et, malgré tous ses efforts, il ne pouvait s'empêcher d'aller vers elle. On a également trouvé dans une poche de paletot une corde neuve à laquelle avait été fait un nœud coulant. Le corps, à la suite de l'examen médico-légal, a été remis à la famille. »

L'obsession est ici bien évidente, et ce qui ne l'est pas moins, c'est que le Spiritisme y est complètement étranger, nouvelle preuve que ce mal n'est pas inhérent à la croyance. Mais si le Spiritisme n'est pour rien dans le fait, lui seul peut en donner l'explication. Voici l'instruction donnée à ce sujet par un de nos Esprits habitués, et de laquelle il ressort que, malgré l'entraînement auquel ce jeune homme a cédé pour son malheur, il n'a point succombé à la fatalité ; il avait son libre arbitre, et, avec plus de volonté, il aurait pu résister. S'il avait été Spirite, il aurait compris que la voix qui le sollicitait ne pouvait être que celle d'un mauvais Esprit, et les suites terribles d'un instant de faiblesse.

(Paris, groupe Desliens, 20 décembre 1868, Médium, M. Nivard.)

La voix disait : Viens ! Viens ! mais elle eût été inefficace, cette voix du tentateur, si l'action directe de l'Esprit ne s'était fait sentir. Le pauvre suicidé était appelé et il était poussé. Pourquoi ? Son passé était la cause de la situation douloureuse où il se trouvait ; il tenait à la vie et redoutait la mort ; mais, dans cet appel incessant qu'il entendait, il a trouvé, dirai-je la force ? non ; il a puisé la faiblesse qui l'a perdu. Il a surmonté ses craintes, parce qu'il s'attendait à la fin à trouver de l'autre côté de la vie le repos que ce côté-ci lui refusait. Il a été trompé : le repos n'est point venu. Les ténèbres l'entourent, sa conscience lui reproche son acte de faiblesse, et l'Esprit qui l'a entraîné ricane autour de lui, il le crible d'un persiflage constant. L'aveugle ne le voit point, mais il entend la voix qui lui répète : Viens ! viens ! et puis qui se moque de ses tortures.

La cause de ce fait d'obsession est dans le passé, comme je viens de le dire ; l'obsesseur a été poussé lui-même au suicide par celui qu'il vient de faire tomber dans l'abîme. C'était sa femme dans l'existence précédente, et elle avait considérablement souffert de la débauche et des brutalités de son mari. Trop faible pour accepter la situation qui lui était faite, avec résignation et courage, elle demanda à la mort un refuge contre ses maux. Elle s'est vengée depuis ; vous savez comment. Mais cependant l'acte de ce malheureux n'était pas fatal ; il avait accepté les risques de la tentation ; elle était nécessaire à son avancement, car, seule, elle pouvait faire disparaître la tache qui avait sali son existence précédente. Il en avait accepté les risques avec l'espoir d'être le plus fort, il s'était trompé : il a succombé. Il recommencera plus tard ; résistera-t-il ? Cela dépendra de lui.

Priez Dieu pour lui, afin qu'il lui donne le calme et la résignation dont il a tant besoin, le courage et la force pour qu'il ne faillisse pas dans les épreuves qu'il aura à subir plus tard.

Louis Nivard.





Dissertations spirites

Les Arts et le Spiritisme

(Paris, groupe Desliens, 25 novembre 1868, médium M. Desliens.)

Fut-il jamais un temps où il y eut plus de poètes, plus de peintres, de sculpteurs, de littérateurs, d'artistes en tous genres ? Fut-il jamais un temps où poésie, peinture, sculpture, art quel qu'il soit, ait été accueilli avec plus de dédain ? Tout est dans le marasme ! et rien, si ce n'est ce qui a trait directement à la furia positiviste du siècle, n'a actuellement chance d'être favorablement apprécié.

Il y a, sans doute, encore quelques amis du beau, du grand, du vrai ; mais, à côté, combien de profanateurs, soit parmi les exécutants, soit parmi les amateurs ! Il n'y a plus de peintres ; il n'y a que des faiseurs ! Ce n'est point la gloire que l'on poursuit ! elle vient à pas trop lents pour notre génération de gens pressés. Voir la renommée et l'auréole du talent, couronner une existence sur son déclin, qu'est cela ? Une chimère, bonne tout au plus pour les artistes du temps passé ! On avait le temps de vivre alors ; aujourd'hui on a à peine celui de jouir ! Il faut donc arriver, et promptement, à la fortune ; il faut se faire un nom par un faire original, par l'intrigue, par tous les moyens plus ou moins avouables dont la civilisation comble les peuples qui touchent à un progrès immense en avant ou à une décadence sans rémission.

Qu'importe si la célébrité conquise disparaît avec autant de rapidité que l'existence de l'éphémère ! Qu'importe la brièveté de l'éclat !… C'est une éternité si ce temps a suffi pour acquérir la fortune, la clef des jouissances et du dolce far niente !

C'est la lutte courageuse avec l'épreuve qui fait le talent ; la lutte avec la fortune l'énerve et le tue !

Tout tombe, tout périclite, parce qu'il n'y a plus de croyance !

Pensez-vous que le peintre croie en lui-même ? Oui, il y arrive parfois ; mais, en général, il ne croit qu'à l'aveuglement, qu'à la fougue du public, et il en profite jusqu'à ce qu'un nouveau caprice vienne transporter ailleurs le torrent de faveurs qui pénétraient chez lui !

Comment faire des tableaux religieux ou mythologiques qui frappent et émeuvent, lorsque les croyances dans les idées qu'ils représentent ont disparu ?

On a du talent, on sculpte le marbre, on lui donne la forme humaine ; mais c'est toujours une pierre froide et insensible : il n'y a point de vie ! De belles formes, mais non l'étincelle qui crée l'immortalité !

Les maîtres de l'antiquité ont fait des dieux, parce qu'ils croyaient à ces dieux. Nos sculpteurs actuels, qui n'y croient pas, font à peine des hommes. Mais vienne la foi, fût-elle illogique et sans un but sérieux, elle enfantera des chefs-d'œuvre, et, si la raison les guide, il n'y aura point de limites qu'elle ne puisse atteindre ! Des champs immenses, complètement inexplorés, s'ouvrent devant la jeunesse actuelle, devant tous ceux qu'un puissant sentiment de conviction pousse dans une voie quelle qu'elle soit. Littérature, architecture, peinture, histoire, tout recevra de l'aiguillon spirite le nouveau baptême de feu nécessaire pour rendre l'énergie et la vitalité à la société expirante ; car il aura mis au cœur de tous ceux qui l'accepteront, un ardent amour de l'humanité et une foi inébranlable dans sa destinée.

Un artiste, Ducornet.


La musique spirite

(Paris, groupe Desliens, 9 décembre 1868 ; médium, M. Desliens.)

Récemment, au siège de la Société spirite de Paris, le Président m'a fait l'honneur de me demander mon opinion sur l'état actuel de la musique et sur les modifications que pourrait y apporter l'influence des croyances spirites. Si je ne me suis pas rendu de suite à ce bienveillant et sympathique appel, croyez bien, messieurs, qu'une cause majeure a seule motivé mon abstention.

Les musiciens, hélas ! sont des hommes comme les autres, plus hommes peut-être, et, à ce titre, ils sont faillibles et peccables. Je n'ai pas été exempt de faiblesses, et si Dieu m'a fait la vie longue afin de me donner le temps de me repentir, l'enivrement du succès, la complaisance des amis, les flatteries des courtisans m'en ont souvent enlevé le moyen. Un maestro, c'est une puissance, en ce monde où le plaisir joue un si grand rôle. Celui dont l'art consiste à séduire l'oreille, à attendrir le cœur, voit bien des pièges se créer sous ses pas, et il y tombe, le malheureux ! Il s'enivre de l'enivrement des autres ; les applaudissements lui bouchent les oreilles, et il va droit à l'abîme sans chercher un point d'appui pour résister à l'entraînement.

Cependant, malgré mes erreurs, j'avais foi en Dieu ; je croyais à l'âme qui vibrait en moi, et, dégagé de sa cage sonore, elle s'est vite reconnue au milieu des harmonies de la création et a confondu sa prière avec celles qui s'élèvent de la nature à l'infini, de la créature à l'être incréé !…

Je suis heureux du sentiment qui a provoqué ma venue parmi les spirites, car c'est la sympathie qui l'a dicté, et, si la curiosité m'a tout d'abord attiré, c'est à ma reconnaissance que vous devrez mon appréciation de la question qui m'a été posée. J'étais là, prêt à parler, croyant tout savoir, lorsque mon orgueil en tombant m'a dévoilé mon ignorance. Je restai muet et j'écoutai ; je revins, je m'instruisis, et, lorsqu'aux paroles de vérité émises par vos instructeurs se joignirent la réflexion et la méditation, je me dis : Le grand maestro Rossini, le créateur de tant de chefs-d'œuvre selon les hommes, n'a fait, hélas ! qu'égrener quelques-unes des perles les moins parfaites de l'écrin musical créé par le maître des maestri. Rossini a assemblé des notes, composé des mélodies, goûté à la coupe qui contient toutes les harmonies ; il a dérobé quelques étincelles au feu sacré ; mais, ce feu sacré, ni lui ni d'autres ne l'ont créé ! - Nous n'inventons pas : nous copions au grand livre de la nature et la foule applaudit quand nous n'avons pas trop déformé la partition.

Une dissertation sur la musique céleste !… Qui pourrait s'en charger ? Quel Esprit surhumain pourrait faire vibrer la matière à l'unisson de cet art enchanteur ? Quel cerveau humain, quel Esprit incarné pourrait en saisir les nuances variées à l'infini ?… Qui possède à ce point le sentiment de l'harmonie ?… Non, l'homme n'est pas fait pour de pareilles conditions !… Plus tard !… bien plus tard !…

En attendant, je viendrai, bientôt peut-être, satisfaire à votre désir et vous donner mon appréciation sur l'état actuel de la musique, et vous dire les transformations, les progrès que le Spiritisme pourra y introduire. - Aujourd'hui il est trop tôt encore. Le sujet est vaste, je l'ai déjà étudié, mais il me déborde encore ; quand j'en serai maître, si toutefois la chose est possible, ou mieux quand je l'aurai entrevu autant que l'état de mon esprit me le permettra, je vous satisferai ; mais encore un peu de temps. Si un musicien peut seul bien parler de la musique de l'avenir, il doit le faire en maître, et Rossini ne veut point parler en écolier.

Rossini.

Obsessions simulées



Cette communication nous a été donnée à propos d'une dame qui devait venir demander des conseils pour une obsession, et au sujet de laquelle nous avions cru devoir préalablement prendre l'avis des Esprits.

« La pitié pour ceux qui souffrent ne doit pas exclure la prudence, et ce pourrait être une imprudence d'établir des relations avec tous ceux qui se présentent à vous, sous l'empire d'une obsession réelle ou feinte. C'est encore une épreuve par où le Spiritisme devra passer, et qui lui servira à se débarrasser de tous ceux qui, par leur nature, embarrasseraient sa voie. On a bafoué, ridiculisé les spirites ; on a voulu effrayer ceux que la curiosité attirait vers vous, en vous plaçant sous un patronage satanique. Tout cela n'a point réussi ; avant de se rendre on veut démasquer une dernière batterie qui, comme toutes les autres, tournera à votre avantage. Ne pouvant plus vous accuser de contribuer à l'accroissement de l'aliénation mentale, on vous enverra de véritables obsédés, devant lesquels on espère que vous échouerez, et des obsédés simulés qu'il vous serait naturellement impossible de guérir d'un mal imaginaire. Tout cela n'arrêtera en rien vos progrès, mais à la condition d'agir avec prudence, et d'engager ceux qui s'occupent des traitements obsessionnels à consulter leurs guides, non-seulement sur la nature du mal, mais sur la réalité des obsessions qu'ils pourront avoir à combattre. Ceci est important, et je profite de l'idée qui vous a été suggérée de demander à l'avance un conseil, pour vous recommander d'en user toujours ainsi à l'avenir.

« Quant à cette dame, elle est sincère et réellement souffrante, mais il n'y a rien à faire actuellement pour elle, si ce n'est de l'engager à demander, par la prière, le calme et la résignation pour supporter courageusement son épreuve. Ce ne sont point des instructions des Esprits qu'il lui faut ; il serait même prudent de l'éloigner de toute idée de correspondance avec eux, et de l'engager à s'en remettre entièrement aux soins de la médecine officielle. »

Docteur Demeure.



Remarque. - Ce n'est pas seulement contre les obsessions simulées qu'il est prudent de se tenir en garde, mais contre les demandes de communications de toutes natures, évocations, conseils de santé, etc., qui pourraient être des pièges tendus à la bonne foi, et dont la malveillance pourrait se servir. Il convient donc de n'accéder aux demandes de cette nature qu'en connaissance de cause, et à l'égard des personnes connues ou dûment recommandées. Les adversaires du Spiritisme voient avec peine les développements qu'il prend contrairement à leurs prévisions, et ils épient ou provoquent les occasions de le prendre en défaut, soit pour l'accuser, soit pour le tourner en ridicule. En pareil cas, il vaut mieux pécher par excès de circonspection que par imprévoyance.

Allan Kardec



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