LA GENÈSE, LES MIRACLES ET LES PRÉDICTIONS SELON LE SPIRITISME

Allan Kardec

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LES MIRACLES



CHAPITRE XIII - Caractères des Miracles



LES MIRACLES DANS LE SENS THEOLOGIQUE

1.- Dans son acception étymologique, le mot miracle (de mirari, admirer) signifie : admirable, chose extraordinaire, surprenante. L'Académie définit ce mot : Un acte de la puissance divine contraire aux lois connues de la nature.

Dans son acception usuelle, ce mot a perdu, comme tant d'autres, sa signification primitive. De générale qu'elle était, elle s'est restreinte à un ordre particulier de faits. Dans la pensée des masses, un miracle implique l'idée d'un fait extra-naturel ; dans le sens théologique, c'est une dérogation aux lois de la nature, par laquelle Dieu manifeste sa puissance. Telle est en effet son acception vulgaire, devenue le sens propre, et ce n'est que par comparaison et par métaphore qu'on l'applique aux circonstances ordinaires de la vie.

Un des caractères du miracle proprement dit, c'est d'être inexplicable, par cela même qu'il s'accomplit en dehors des lois naturelles ; et c'est tellement là l'idée qu'on y attache, que si un fait miraculeux vient à trouver son explication, on dit que ce n'est plus un miracle, quelque surprenant qu'il soit. Ce qui fait, pour l'Eglise, le mérite des miracles, c'est précisément leur origine surnaturelle, et l'impossibilité de les expliquer ; elle est si bien fixée sur ce point que toute assimilation des miracles aux phénomènes de la nature est taxée d'hérésie, d'attentat contre la foi ; qu'elle a excommunié et même brûlé des gens pour n'avoir pas voulu croire à certains miracles.

Un autre caractère du miracle, c'est d'être insolite, isolé et exceptionnel ; du moment qu'un phénomène se reproduit, soit spontanément, soit par un acte de la volonté, c'est qu'il est soumis à une loi, et dès lors, que cette loi soit connue ou non, ce ne peut être un miracle.

2.- La science fait tous les jours des miracles aux yeux des ignorants. Qu'un homme réellement mort soit rappelé à la vie par une intervention divine, c'est là un véritable miracle, parce que c'est un fait contraire aux lois de la nature. Mais si cet homme n'a que les apparences de la mort, s'il y a encore en lui un reste de vitalité latente, et que la science, ou une action magnétique, parvienne à le ranimer, pour les gens éclairés c'est un phénomène naturel, mais aux yeux du vulgaire ignorant, le fait passera pour miraculeux. Qu'au milieu de certaines campagnes un physicien lance un cerf-volant électrique et fasse tomber la foudre sur un arbre, ce nouveau Prométhée sera certainement regardé comme armé d'une puissance diabolique ; mais Josué arrêtant le mouvement du soleil, ou plutôt de la terre, en admettant le fait, voilà le véritable miracle, car il n'existe aucun magnétiseur doué d'une assez grande puissance pour opérer un tel prodige.

Les siècles d'ignorance ont été féconds en miracles, parce que tout ce dont la cause était inconnue passait pour surnaturel. A mesure que la science a révélé de nouvelles lois, le cercle du merveilleux s'est restreint ; mais comme elle n'avait pas exploré tout le champ de la nature, il restait encore une assez large part au merveilleux.

3.- Le merveilleux, expulsé du domaine de la matérialité par la science, s'est retranché dans celui de la spiritualité, qui a été son dernier refuge. Le Spiritisme, en démontrant que l'élément spirituel est une des forces vives de la nature, force incessamment agissante concurremment avec la force matérielle, fait rentrer les phénomènes qui en ressortent dans le cercle des effets naturels, parce que, comme les autres, ils sont soumis à des lois. Si le merveilleux est expulsé de la spiritualité, il n'a plus de raison d'être, et c'est alors seulement qu'on pourra dire que le temps des miracles est passé. (Chap. I, n° 18.)




LE SPIRITISME NE FAIT PAS DE MIRACLES

Le Spiritisme vient donc, à son tour, faire ce que chaque science a fait à son avènement : révéler de nouvelles lois, et expliquer, par conséquent, les phénomènes qui sont du ressort de ces lois.

Ces phénomènes, il est vrai, se rattachent à l'existence des Esprits et à leur intervention dans le monde matériel ; or c'est là, dit-on, qu'est le surnaturel. Mais alors il faudrait prouver que les Esprits et leurs manifestations sont contraires aux lois de la nature ; que ce n'est pas et ne peut être là une de ces lois.

L'Esprit n'est autre que l'âme qui survit au corps ; c'est l'être principal puisqu'il ne meurt pas, tandis que le corps n'est qu'un accessoire qui se détruit. Son existence est donc tout aussi naturelle après que pendant l'incarnation ; elle est soumise aux lois qui régissent le principe spirituel, comme le corps est soumis à celles qui régissent le principe matériel ; mais comme ces deux principes ont une affinité nécessaire, qu'ils réagissent incessamment l'un sur l'autre, que de leur action simultanée résultent le mouvement et l'harmonie de l'ensemble, il s'ensuit que la spiritualité et la matérialité sont les deux parties d'un même tout, aussi naturelles l'une que l'autre, et que la première n'est pas une exception, une anomalie dans l'ordre des choses.

5.- Pendant son incarnation, l'Esprit agit sur la matière par l'intermédiaire de son corps fluidique ou périsprit ; il en est de même en dehors de l'incarnation. Il fait, comme Esprit et dans la mesure de ses capacités, ce qu'il faisait comme homme ; seulement, comme il n'a plus son corps charnel pour instrument, il se sert, lorsque cela est nécessaire, des organes matériels d'un incarné qui devient ce qu'on appelle médium. Il fait comme celui qui, ne pouvant écrire lui-même, emprunte la main d'un secrétaire ; ou qui, ne sachant pas une langue, se sert d'un interprète. Un secrétaire, un interprète sont les médiums d'un incarné, comme le médium est le secrétaire ou l'interprète d'un Esprit.

6.- Le milieu dans lequel agissent les Esprits, et les moyens d'exécution, n'étant plus les mêmes que dans l'état d'incarnation, les effets sont différents. Ces effets ne paraissent surnaturels que parce qu'ils sont produits à l'aide d'agents qui ne sont pas ceux dont nous nous servons ; mais dès l'instant que ces agents sont dans la nature, et que les faits de manifestations s'accomplissent en vertu de certaines lois, il n'y a rien de surnaturel ni de merveilleux. Avant de connaître les propriétés de l'électricité, les phénomènes électriques passaient pour des prodiges aux yeux de certaines gens ; dès que la cause fut connue, le merveilleux disparut. Il en est de même des phénomènes spirites, qui ne sortent pas plus de l'ordre des lois naturelles que les phénomènes électriques, acoustiques, lumineux et autres, qui ont été la source d'une foule de croyances superstitieuses.

7.- Pourtant, dira-t-on, vous admettez qu'un Esprit peut enlever une table et la maintenir dans l'espace sans point d'appui ; n'est-ce pas une dérogation à la loi de gravité ? - Oui, à la loi connue ; mais connaît-on toutes les lois ? Avant qu'on eût expérimenté la force ascensionnelle de certains gaz, qui eût dit qu'une lourde machine portant plusieurs hommes peut triompher de la force d'attraction ? Aux yeux du vulgaire, cela ne devait-il pas paraître merveilleux, diabolique ? Celui qui eût proposé, il y a un siècle, de transmettre une dépêche à cinq cents lieues, et d'en recevoir la réponse en quelques minutes, aurait passé pour un fou ; s'il l'eût fait, on aurait cru qu'il avait le diable à ses ordres, car alors le diable seul était capable d'aller aussi vite ; cependant aujourd'hui la chose est non seulement reconnue possible, mais elle paraît toute naturelle. Pourquoi donc un fluide inconnu n'aurait-il pas la propriété, dans des circonstances données, de contrebalancer l'effet de la pesanteur, comme l'hydrogène contrebalance le poids du ballon ? C'est, en effet, ce qui a lieu dans le cas dont il s'agit. (Livre des Médiums, ch. IV.)

8.- Les phénomènes spirites, étant dans la nature, se sont produits dans tous les temps ; mais précisément parce que leur étude ne pouvait se faire par les moyens matériels dont dispose la science vulgaire, ils sont restés plus longtemps que d'autres dans le domaine du surnaturel, d'où le Spiritisme les fait sortir aujourd'hui.

Le surnaturel, basé sur des apparences inexpliquées, laisse un libre cours à l'imagination, qui, errant dans l'inconnu, enfante alors les croyances superstitieuses, Une explication rationnelle fondée sur les lois de la nature, ramenant l'homme sur le terrain de la réalité, pose un point d'arrêt aux écarts de l'imagination, et détruit les superstitions. Loin d'étendre le domaine du surnaturel, le Spiritisme le restreint jusque dans ses dernières limites et lui ôte son dernier refuge. S'il fait croire à la possibilité de certains faits, il empêche de croire à beaucoup d'autres, parce qu'il démontre, dans le cercle de la spiritualité, comme la science dans le cercle de la matérialité, ce qui est possible et ce qui ne l'est pas. Toutefois, comme il n'a pas la prétention d'avoir le dernier mot sur toutes choses, même sur celles qui sont de sa compétence, il ne se pose point en régulateur absolu du possible, et fait la part des connaissances que réserve l'avenir.

9.- Les phénomènes spirites consistent dans les différents modes de manifestation de l'âme ou Esprit, soit pendant l'incarnation, soit à l'état d'erraticité. C'est par ses manifestations que l'âme révèle son existence, sa survivance et son individualité ; on la juge par ses effets ; la cause étant naturelle, l'effet l'est également. Ce sont ces effets qui font l'objet spécial des recherches et de l'étude du Spiritisme, afin d'arriver à la connaissance aussi complète que possible de la nature et des attributs de l'âme, ainsi que des lois qui régissent le principe spirituel.

10.- Pour ceux qui dénient l'existence du principe spirituel indépendant, et par suite celle de l'âme individuelle et survivante, toute la nature est dans la matière tangible ; tous les phénomènes qui se rattachent à la spiritualité sont, à leurs yeux, surnaturels, et par conséquent chimériques ; n'admettant pas la cause, ils ne peuvent admettre l'effet ; et lorsque les effets sont patents, ils les attribuent à l'imagination, à l'illusion, à l'hallucination, et refusent de les approfondir ; de là, chez eux, une opinion préconçue qui les rend impropres à juger sainement du Spiritisme, parce qu'ils partent du principe de la négation de tout ce qui n'est pas matériel.

11.- De ce que le Spiritisme admet les effets qui sont la conséquence de l'existence de l'âme, il ne s'ensuit pas qu'il accepte tous les effets qualifiés de merveilleux, et qu'il entende les justifier et les accréditer ; qu'il se fasse le champion de tous les rêveurs, de toutes les utopies, de toutes les excentricités systématiques, de toutes les légendes miraculeuses ; il faudrait bien peu le connaître pour penser ainsi. Ses adversaires croient lui opposer un argument sans réplique, quand, après avoir fait d'érudites recherches sur les convulsionnaires de Saint-Médard, les camisards des Cévennes ou les religieuses de Loudun, ils sont arrivés à y découvrir des faits patents de supercherie que personne ne conteste ; mais ces histoires sont-elles l'évangile du Spiritisme ? Ses partisans ont-ils nié que le charlatanisme ait exploité certains faits à son profit ; que l'imagination en ait créé ; que le fanatisme en ait exagéré beaucoup ? Il n'est pas plus solidaire des extravagances qu'on peut commettre en son nom, que la vraie science ne l'est des abus de l'ignorance, ni la vraie religion des excès du fanatisme. Beaucoup de critiques ne jugent le Spiritisme que sur les contes de fées et les légendes populaires qui en sont les fictions ; autant vaudrait juger l'histoire sur les romans historiques ou les tragédies.

12.- Les phénomènes spirites sont le plus souvent spontanés, et se produisent sans aucune idée préconçue chez les personnes qui y songent le moins ; dans certaines circonstances, il en est qui peuvent être provoqués par les agents désignés sous le nom de médiums ; dans le premier cas, le médium est inconscient de ce qui se produit par son intermédiaire ; dans le second, il agit en connaissance de cause : de là la distinction des médiums conscients et des médiums inconscients. Ces derniers sont les plus nombreux et se trouvent souvent parmi les incrédules les plus obstinés, qui font ainsi du Spiritisme sans le savoir et sans le vouloir. Les phénomènes spontanés ont, par cela même, une importance capitale, car on ne peut suspecter la bonne foi de ceux qui les obtiennent. Il en est ici comme du somnambulisme, qui, chez certains individus, est naturel et involontaire, et chez d'autres, provoqué par l'action magnétique[1].

Mais que ces phénomènes soient ou non le résultat d'un acte de la volonté, la cause première est exactement la même et ne s'écarte en rien des lois naturelles. Les médiums ne produisent donc absolument rien de surnaturel ; par conséquent, ils ne font aucun miracle ; les guérisons instantanées elles-mêmes ne sont pas plus miraculeuses que les autres effets, car elles sont dues à l'action d'un agent fluidique faisant l'office d'agent thérapeutique, dont les propriétés ne sont pas moins naturelles pour avoir été inconnues jusqu'à ce jour. L'épithète de thaumaturges, donnée à certains médiums par la critique ignorante des principes du Spiritisme, est donc tout à fait impropre. La qualification de miracles donnée, par comparaison, à ces sortes de phénomènes, ne peut qu'induire en erreur sur leur véritable caractère.




[1]Livre des Médiums, chap. V. - Revue spirite ; exemples : décembre 1865, page 370 ; - août 1865, page 231.
13.- L'intervention d'intelligences occultes dans les phénomènes spirites ne rend pas ceux-ci plus miraculeux que tous les autres phénomènes qui sont dus à des agents invisibles, parce que ces êtres occultes qui peuplent les espaces sont une des puissances de la nature, puissance dont l'action est incessante sur le monde matériel, aussi bien que sur le monde moral.

Le Spiritisme, en nous éclairant sur cette puissance, nous donne la clef d'une foule de choses inexpliquées, et inexplicables par tout autre moyen, et qui ont pu, dans des temps reculés, passer pour des prodiges ; il révèle, de même que le magnétisme, une loi, sinon inconnue, du moins mal comprise ; ou, pour mieux dire, on connaissait les effets, car ils se sont produits de tout temps, mais on ne connaissait pas la loi, et c'est l'ignorance de cette loi qui a engendré la superstition. Cette loi connue, le merveilleux disparaît et les phénomènes rentrent dans l'ordre des choses naturelles. Voilà pourquoi les Spirites ne font pas plus de miracles en faisant tourner une table ou écrire les trépassés, que le médecin en faisant revivre un moribond, ou le physicien en faisant tomber la foudre. Celui qui prétendrait, à l'aide de cette science, faire des miracles, serait ou un ignorant de la chose, ou un faiseur de dupes.

14.- Puisque le Spiritisme répudie toute prétention aux choses miraculeuses, en dehors de lui y a-t-il des miracles dans l'acception usuelle du mot ?

Disons d'abord que parmi les faits réputés miraculeux qui se sont passés avant l'avènement du Spiritisme, et qui se passent encore de nos jours, la plupart, sinon tous, trouvent leur explication dans les lois nouvelles qu'il est venu révéler ; ces faits rentrent donc, quoique sous un autre nom, dans l'ordre des phénomènes spirites, et comme tels n'ont rien de surnaturel. Il est bien entendu qu'il ne s'agit ici que des faits authentiques, et non de ceux qui, sous le nom de miracles, sont le produit d'une indigne jonglerie en vue d'exploiter la crédulité ; non plus que de certains faits légendaires qui peuvent avoir eu, dans l'origine, un fond de vérité, mais que la superstition a amplifiés jusqu'à l'absurde. C'est sur ces faits que le Spiritisme vient jeter la lumière, en donnant les moyens de faire la part de l'erreur et de la vérité.





DIEU FAIT-IL DES MIRACLES ?

15.- Quant aux miracles proprement dits, rien n'étant impossible à Dieu, il peut en faire sans doute ; en a-t-il fait ? en d'autres termes : déroge-t-il aux lois qu'il a établies ? Il n'appartient pas à l'homme de préjuger les actes de la Divinité et de les subordonner à la faiblesse de son entendement ; cependant nous avons pour critérium de notre jugement, à l'égard des choses divines, les attributs mêmes de Dieu. A la souveraine puissance il joint la souveraine sagesse, d'où il faut conclure qu'il ne fait rien d'inutile.

Pourquoi donc ferait-il des miracles ? Pour attester sa puissance, dit-on ; mais la puissance de Dieu ne se manifeste-t-elle pas d'une manière bien autrement saisissante par l'ensemble grandiose des oeuvres de la création, par la sagesse prévoyante qui préside à ses parties les plus infimes comme aux plus grandes, et par l'harmonie des lois qui régissent l'univers, que par quelques petites et puériles dérogations que savent imiter tous les faiseurs de tours ? Que dirait-on d'un savant mécanicien qui, pour prouver son habileté, détraquerait l'horloge qu'il a construite, chef-d'oeuvre de science, afin de montrer qu'il peut défaire ce qu'il a fait ? Son savoir ne ressort-il pas, au contraire, de la régularité et de la précision du mouvement ?

La question des miracles proprement dits n'est donc pas du ressort du Spiritisme ; mais, s'appuyant sur ce raisonnement : que Dieu ne fait rien d'inutile, il émet cette opinion que : Les miracles n'étant pas nécessaires à la glorification de Dieu, rien, dans l'univers, ne s'écarte des lois générales. Dieu ne fait pas de miracles, parce que ses lois étant parfaites, il n'a pas besoin d'y déroger. S'il est des faits que nous ne comprenons pas, c'est qu'il nous manque encore les connaissances nécessaires.

16.- En admettant que Dieu ait pu, pour des raisons que nous ne pouvons apprécier, déroger accidentellement aux lois qu'il a établies, ces lois ne seraient plus immuables ; mais au moins est-il rationnel de penser que lui seul a ce pouvoir ; on ne saurait admettre, sans lui dénier la toute-puissance, qu'il soit donné à l'Esprit du mal de défaire l'oeuvre de Dieu, en faisant de son côté des prodiges à séduire même les élus, ce qui impliquerait l'idée d'une puissance égale à la sienne ; c'est pourtant ce que l'on enseigne. Si Satan a le pouvoir d'interrompre le cours des lois naturelles, qui sont l'oeuvre divine, sans la permission de Dieu, il est plus puissant que Dieu : donc Dieu n'a pas la toute-puissance ; si Dieu lui délègue ce pouvoir, comme on le prétend, pour induire plus facilement les hommes au mal, Dieu n'a pas la souveraine bonté. Dans l'un et l'autre cas, c'est la négation d'un des attributs sans lesquels Dieu ne serait pas Dieu.

Aussi l'Eglise distingue-t-elle les bons miracles qui viennent de Dieu, des mauvais miracles qui viennent de Satan : mais comment en faire la différence ? Qu'un miracle soit satanique ou divin, ce n'en est pas moins une dérogation aux lois qui émanent de Dieu seul ; si un individu est guéri soi-disant miraculeusement, que ce soit par le fait de Dieu ou de Satan, il n'en est pas moins guéri. Il faut avoir une bien pauvre idée de l'intelligence humaine pour espérer que de pareilles doctrines puissent être acceptées de nos jours.

La possibilité de certains faits réputés miraculeux étant reconnue, il en faut conclure que, quelle que soit la source qu'on leur attribue, ce sont des effets naturels dont Esprits ou incarnés peuvent user, comme de tout, comme de leur propre intelligence et de leurs connaissances scientifiques, pour le bien ou pour le mal, selon leur bonté ou leur perversité. Un être pervers, mettant à profit son savoir, peut donc faire des choses qui passent pour des prodiges aux yeux des ignorants ; mais quand ces effets ont pour résultat un bien quelconque, il serait illogique de leur attribuer une origine diabolique.

17.- Mais, dit-on, la religion s'appuie sur des faits qui ne sont ni expliqués ni explicables. Inexpliqués, peut-être ; inexplicables, c'est une autre question. Sait-on les découvertes et les connaissances que nous réserve l'avenir ? Sans parler du miracle de la Création, le plus grand de tous sans contredit, et qui est aujourd'hui rentré dans le domaine de la loi universelle, ne voit-on pas déjà, sous l'empire du magnétisme, du somnambulisme, du Spiritisme, se reproduire les extases, les visions, les apparitions, la vue à distance, les guérisons instantanées, les suspensions, les communications orales et autres avec les êtres du monde invisible, phénomènes connus de temps immémorial, considérés jadis comme merveilleux, et démontrés aujourd'hui appartenir à l'ordre des choses naturelles, d'après la loi constitutive des êtres ? Les livres sacrés sont pleins de faits de ce genre qualifiés de surnaturels ; mais, comme on en trouve d'analogues et de plus merveilleux encore dans toutes les religions païennes de l'antiquité, si la vérité d'une religion dépendait du nombre et de la nature de ces faits, on ne sait trop celle qui l'emporterait.




LE SURNATUREL ET LES RELIGIONS

18.- Prétendre que le surnaturel est le fondement nécessaire de toute religion, qu'il est la clef de voûte de l'édifice chrétien, c'est soutenir une thèse dangereuse ; si l'on fait reposer les vérités du christianisme sur la base unique du merveilleux, c'est lui donner un appui fragile dont les pierres se détachent chaque jour. Cette thèse, dont d'éminents théologiens se sont faits les défenseurs, conduit droit à cette conclusion que, dans un temps donné, il n'y aura plus de religion possible, pas même la religion chrétienne, si ce qui est regardé comme surnaturel est démontré naturel ; car on aura beau entasser les arguments, on ne parviendra pas à maintenir la croyance qu'un fait est miraculeux, quand il est prouvé qu'il ne l'est pas ; or, la preuve qu'un fait n'est pas une exception dans les lois naturelles, c'est lorsqu'il peut être expliqué par ces mêmes lois, et que, pouvant se reproduire par l'entremise d'un individu quelconque, il cesse d'être le privilège des saints. Ce n'est pas le surnaturel qui est nécessaire aux religions, mais bien le principe spirituel, que l'on confond à tort avec le merveilleux, et sans lequel il n'y a pas de religion possible.

Le Spiritisme considère la religion chrétienne d'un point plus élevé ; il lui donne une base plus solide que les miracles, ce sont les lois immuables de Dieu, qui régissent le principe spirituel comme le principe matériel ; cette base défie le temps et la science, car le temps et la science viendront la sanctionner.

Dieu n'en est pas moins digne de notre admiration, de notre reconnaissance, de notre respect, pour n'avoir pas dérogé à ses lois, grandes surtout par leur immuabilité. Il n'est pas besoin du surnaturel pour rendre à Dieu le culte qui lui est dû ; la nature n'est-elle pas assez imposante par elle-même, qu'il faille encore y ajouter pour prouver la puissance suprême ? La religion trouvera d'autant moins d'incrédules, qu'elle sera de tout point sanctionnée par la raison. Le christianisme n'a rien à perdre à cette sanction ; il ne peut, au contraire, qu'y gagner. Si quelque chose a pu lui nuire dans l'opinion de certaines gens, c'est précisément l'abus du merveilleux et du surnaturel.

19.- Si l'on prend le mot miracle dans son acception étymologique, dans le sens de chose admirable, nous avons sans cesse des miracles sous les yeux ; nous les aspirons dans l'air et nous les foulons sous nos pas, car tout est miracle dans la nature.

Veut-on donner au peuple, aux ignorants, aux pauvres d'esprit une idée de la puissance de Dieu ? Il fait la leur montrer dans la sagesse infinie qui préside à tout, dans l'admirable organisme de tout ce qui vit, dans la fructification des plantes, dans l'appropriation de toutes les parties de chaque être à ses besoins, selon le milieu où il est appelé à vivre ; il faut leur montrer l'action de Dieu dans le brin d'herbe, dans la fleur qui s'épanouit, dans le soleil qui vivifie tout ; il faut leur montrer sa bonté dans sa sollicitude pour toutes les créatures, si infimes qu'elles soient, sa prévoyance dans la raison d'être de chaque chose, dont aucune n'est inutile, dans le bien qui sort toujours d'un mal apparent et momentané. Faites-leur comprendre surtout que le mal réel est l'ouvrage de l'homme, et non celui de Dieu ; ne cherchez pas à les épouvanter par le tableau des flammes éternelles, auxquelles ils finissent par ne plus croire et qui leur font douter de la bonté, de Dieu ; mais encouragez-les par la certitude de pouvoir se racheter un jour et réparer le mal qu'ils ont pu faire ; montrez-leur les découvertes de la science comme la révélation des lois divines, et non comme l'oeuvre de Satan ; apprenez-leur, enfin, à lire dans le livre de la nature sans cesse ouvert devant eux ; dans ce livre inépuisable où la sagesse et la bonté du Créateur sont inscrites à chaque page ; alors ils comprendront qu'un Etre si grand, s'occupant de tout, veillant à tout, prévoyant tout, doit être souverainement puissant. Le laboureur le verra en traçant son sillon, et l'infortuné le bénira dans ses afflictions, car il se dira : Si je suis malheureux, c'est par ma faute. Alors les hommes seront vraiment religieux, rationnellement religieux surtout, bien mieux que s'ils croient à des pierres qui suent le sang, ou à des statues qui clignent des yeux et versent des larmes.





CHAPITRE XIV - Les Fluides



I - NATURE ET PROPRIETES DES FLUIDES.



Eléments fluidiques

1.- La science a donné la clef des miracles qui ressortent plus particulièrement de l'élément matériel, soit en les expliquant, soit en en démontrant l'impossibilité, par les lois qui régissent la matière ; mais les phénomènes où l'élément spirituel a une part prépondérante, ne pouvant être expliqués par les seules lois de la nature, échappent aux investigations de la science : c'est pourquoi ils ont, plus que les autres, les caractères apparents du merveilleux. C'est donc dans les lois qui régissent la vie spirituelle qu'on peut trouver la clef des miracles de cette catégorie.

2.- Le fluide cosmique universel est, ainsi que cela a été démontré, la matière élémentaire primitive, dont les modifications et transformations constituent l'innombrable variété des corps de la nature (Chap. X). En tant que principe élémentaire universel, il offre deux états distincts : celui d'éthérisation ou d'impondérabilité, que l'on peut considérer comme l'état normal primitif, et celui de matérialisation ou de pondérabilité, qui n'est en quelque sorte que consécutif. Le point intermédiaire est celui de la transformation du fluide en matière tangible ; mais, là encore, il n'y a pas de transition brusque, car on peut considérer nos fluides impondérables comme un terme moyen entre les deux états (Chap. IV, n° 10 et suiv.).

Chacun de ces deux états donne nécessairement lieu à des phénomènes spéciaux : au second appartiennent ceux du monde visible, et au premier ceux du monde invisible. Les uns, appelés phénomènes matériels, sont du ressort de la science proprement dite ; les autres, qualifiés de phénomènes spirituels ou psychiques, parce qu'ils se lient plus spécialement à l'existence des Esprits, sont dans les attributions du Spiritisme ; mais, comme la vie spirituelle et la vie corporelle sont en contact incessant, les phénomènes de ces deux ordres se présentent souvent simultanément. L'homme, à l'état d'incarnation, ne peut avoir la perception que des phénomènes psychiques qui se lient à la vie corporelle ; ceux qui sont du domaine exclusif de la vie spirituelle échappent aux sens matériels, et ne peuvent être perçus qu'à l'état d'Esprits[1].


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[1] La dénomination de phénomène psychique rend plus exactement la pensée que celle de phénomène spirituel, attendu que ces phénomènes reposent sur les propriétés et les attributs de l'âme, ou mieux des fluides périspritaux qui sont inséparables de l'âme. Cette qualification les rattache plus intimement à l'ordre des faits naturels régis par des lois ; on peut donc les admettre comme effets psychiques, sans les admettre à titre de miracles.

3.- A l'état d'éthérisation, le fluide cosmique n'est pas uniforme ; sans cesser d'être éthéré, il subit des modifications aussi variées dans leur genre, et plus nombreuses peut-être qu'à l'état de matière tangible. Ces modifications constituent des fluides distincts qui, bien que procédant du même principe, sont doués de propriétés spéciales, et donnent lieu aux phénomènes particuliers du monde invisible.

Tout étant relatif, ces fluides ont pour les Esprits, qui sont eux-mêmes fluidiques, une apparence aussi matérielle que celle des objets tangibles pour les incarnés, et sont pour eux ce que sont pour nous les substances du monde terrestre ; ils les élaborent, les combinent pour produire des effets déterminés, comme font les hommes avec leurs matériaux, toutefois par des procédés différents.

Mais là, comme ici-bas, il n'est donné qu'aux Esprits les plus éclairés de comprendre le rôle des éléments constitutifs de leur monde. Les ignorants du monde invisible sont aussi incapables de s'expliquer les phénomènes dont ils sont témoins, et auxquels ils concourent souvent machinalement, que les ignorants de la terre le sont d'expliquer les effets de la lumière ou de l'électricité, de dire comment ils voient et entendent.

4.- Les éléments fluidiques du monde spirituel échappent à nos instruments d'analyse et à la perception de nos sens, faits pour la matière tangible et non pour la matière éthérée. Il en est qui appartiennent à un milieu tellement différent du nôtre, que nous n'en pouvons juger que par des comparaisons aussi imparfaites que celles par lesquelles un aveugle-né cherche à se faire une idée de la théorie des couleurs.

Mais parmi ces fluides, quelques-uns sont intimement liés à la vie corporelle, et appartiennent en quelque sorte au milieu terrestre. A défaut de perception directe, on peut en observer les effets, comme on observe ceux du fluide de l'aimant que l'on n'a jamais vu, et acquérir sur leur nature des connaissances d'une certaine précision. Cette étude est essentielle, car c'est la clef d'une foule de phénomènes inexplicables par les seules lois de la matière.

5.- Le point de départ du fluide universel est le degré de pureté absolue, dont rien ne peut donner une idée ; le point opposé est sa transformation en matière tangible. Entre ces deux extrêmes, il existe d'innombrables transformations, qui se rapprochent plus ou moins de l'un et de l'autre. Les fluides les plus voisins de la matérialité, les moins purs par conséquent, composent ce qu'on peut appeler l'atmosphère spirituelle terrestre. C'est dans ce milieu, où l'on trouve également différents degrés de pureté, que les Esprits incarnés et désincarnés de la terre puisent les éléments nécessaires à l'économie de leur existence. Ces fluides, quelque subtils et impalpables qu'ils soient pour nous, n'en sont pas moins d'une nature grossière comparativement aux fluides éthérés des régions supérieures.

Il en est de même à la surface de tous les mondes, sauf les différences de constitution et les conditions de vitalité propres à chacun. Moins la vie y est matérielle, moins les fluides spirituels ont d'affinité avec la matière proprement dite.

La qualification de fluides spirituels n'est pas rigoureusement exacte, puisque, en définitive, c'est toujours de la matière plus ou moins quintessenciée. Il n'y a de réellement spirituel que l'âme ou principe intelligent. On les désigne ainsi par comparaison, et en raison surtout de leur affinité avec les Esprits. On peut dire que c'est la matière du monde spirituel : c'est pourquoi on les appelle fluides spirituels.

6.- Qui connaît, d'ailleurs, la constitution intime de la matière tangible ? Elle n'est peut-être compacte que par rapport à nos sens, et ce qui le prouverait, c'est la facilité avec laquelle elle est traversée par les fluides spirituels et les Esprits auxquels elle ne fait pas plus obstacle que les corps transparents n'en font à la lumière.

La matière tangible, ayant pour élément primitif le fluide cosmique éthéré, doit pouvoir, en se désagrégeant, retourner à l'état d'éthérisation, comme le diamant, le plus dur des corps, peut se volatiliser en gaz impalpable. La solidification de la matière n'est en réalité qu'un état transitoire du fluide universel, qui peut retourner à son état primitif quand les conditions de cohésion cessent d'exister.

Qui sait même si, à l'état de tangibilité, la matière n'est pas susceptible d'acquérir une sorte d'éthérisation qui lui donnerait les propriétés particulières ? Certains phénomènes, qui paraissent authentiques, tendraient à le faire supposer. Nous ne possédons encore que les jalons du monde invisible, et l'avenir nous réserve sans doute la connaissance de nouvelles lois qui nous permettront de comprendre ce qui est encore pour nous un mystère.




Formation et propriétés du périsprit

7.- Le périsprit, ou corps fluidique des Esprits, est un des produits les plus importants du fluide cosmique ; c'est une condensation de ce fluide autour d'un foyer d'intelligence ou âme. On a vu que le corps charnel a également son principe dans ce même fluide transformé et condensé en matière tangible ; dans le périsprit, la transformation moléculaire s'opère différemment, car le fluide conserve son impondérabilité et ses qualités éthérées. Le corps périsprital et le corps charnel ont donc leur source dans le même élément primitif ; l'un et l'autre sont de la matière, quoique sous deux états différents.

8.- Les Esprits puisent leur périsprit dans le milieu où ils se trouvent, c'est-à-dire que cette enveloppe est formée des fluides ambiants ; il en résulte que les éléments constitutifs du périsprit doivent varier selon les mondes. Jupiter étant donné comme un monde très avancé, comparativement à la Terre, où la vie corporelle n'a pas la matérialité de la nôtre, les enveloppes périspritales doivent y être d'une nature infiniment plus quintessenciée que sur la terre. Or, de même que nous ne pourrions pas exister dans ce monde avec notre corps charnel, nos Esprits ne pourraient y pénétrer avec leur périsprit terrestre. En quittant la terre, l'Esprit y laisse son enveloppe fluidique, et en revêt une autre appropriée au monde où il doit aller.

9.- La nature de l'enveloppe fluidique est toujours en rapport avec le degré d'avancement moral de l'Esprit. Les Esprits inférieurs ne peuvent en changer à leur gré, et par conséquent ne peuvent, à volonté, se transporter d'un monde à l'autre. Il en est dont l'enveloppe fluidique, bien qu'éthérée et impondérable par rapport à la matière tangible, est encore trop lourde, si l'on peut s'exprimer ainsi, par rapport au monde spirituel, pour leur permettre de sortir de leur milieu. Il faut ranger dans cette catégorie ceux dont le périsprit est assez grossier pour qu'ils le confondent avec leur corps charnel, et qui, par cette raison, se croient toujours vivants. Ces Esprits, et le nombre en est grand, restent à la surface de la terre comme les incarnés, croyant toujours vaquer à leurs occupations ; d'autres, un peu plus dématérialisés, ne le sont cependant pas assez pour s'élever au-dessus des régions terrestres[2].

Les Esprits supérieurs, au contraire, peuvent venir dans les mondes inférieurs et même s'y incarner. Ils puisent, dans les éléments constitutifs du monde où ils entrent, les matériaux de l'enveloppe fluidique ou charnelle appropriée au milieu où ils se trouvent. Ils font comme le grand seigneur qui quitte ses beaux habits pour se revêtir momentanément de la bure, sans cesser pour cela d'être grand seigneur.

C'est ainsi que des Esprits de l'ordre le plus élevé peuvent se manifester aux habitants de la terre, ou s'incarner en mission parmi eux. Ces Esprits apportent avec eux, non l'enveloppe, mais le souvenir par intuition des régions d'où ils viennent, et qu'ils voient par la pensée. Ce sont des voyants parmi des aveugles.


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[2]Exemples d'Esprits qui se croient encore de ce monde : Revue spirite, déc. 1859, p. 310 ; - nov. 1864, p. 339 ; - avril 1865, p. 117.
10.- La couche des fluides spirituels qui environnent la terre peut être comparée aux couches inférieures de l'atmosphère, plus lourdes, plus compactes, moins pures que les couches supérieures. Ces fluides ne sont pas homogènes ; c'est un mélange de molécules de diverses qualités, parmi lesquelles se trouvent nécessairement les molécules élémentaires qui en forment la base, mais plus ou moins altérées. Les effets produits par ces fluides seront en raison de la somme des parties pures qu'ils renferment. Tel est, par comparaison, l'alcool rectifié ou mélangé, en différentes proportions, d'eau ou d'autres substances : sa pesanteur spécifique augmente par ce mélange, en même temps que sa force et son inflammabilité diminuent, bien que dans le tout il y ait de l'alcool pur.

Les Esprits appelés à vivre dans ce milieu y puisent leur périsprit ; mais, selon que l'Esprit est plus ou moins épuré lui-même, son périsprit se forme des parties les plus pures ou les plus grossières du fluide propre au monde où il s'incarne. L'Esprit y produit, toujours par comparaison et non par assimilation, l'effet d'un réactif chimique qui attire à lui les molécules assimilables à sa nature.

Il en résulte ce fait capital, que la constitution intime du périsprit n'est pas identique chez tous les Esprits incarnés ou désincarnés qui peuplent la terre ou l'espace environnant. Il n'en est pas de même du corps charnel, qui, comme cela a été démontré, est formé des mêmes éléments, quelle que soit la supériorité ou l'infériorité de l'Esprit. Aussi, chez tous, les effets produits par le corps sont-ils les mêmes, les besoins pareils, tandis qu'ils diffèrent pour tout ce qui est inhérent au périsprit.

Il en résulte encore que : l'enveloppe périspritale du même Esprit se modifie avec le progrès moral de celui-ci à chaque incarnation, bien que s'incarnant dans le même milieu ; que les Esprits supérieurs, s'incarnant exceptionnellement en mission dans un monde inférieur, ont un périsprit moins grossier que celui des indigènes de ce monde.

11.- Le milieu est toujours en rapport avec la nature des êtres qui doivent y vivre ; les poissons sont dans l'eau ; les êtres terrestres sont dans l'air ; les êtres spirituels sont dans le fluide spirituel ou éthéré, même sur la terre. Le fluide éthéré est pour les besoins de l'Esprit ce que l'atmosphère est pour les besoins des incarnés. Or, de même que les poissons ne peuvent vivre dans l'air ; que les animaux terrestres ne peuvent vivre dans une atmosphère trop raréfiée pour leurs poumons, les Esprits inférieurs ne peuvent supporter l'éclat et l'impression de fluides les plus éthérés. Ils n'y mourraient pas, parce que l'Esprit ne meurt pas, mais une force instinctive les en tient éloignés, comme on s'éloigne d'un feu trop ardent ou d'une lumière trop éblouissante. Voilà pourquoi ils ne peuvent sortir du milieu approprié à leur nature ; pour en changer, il faut qu'ils changent d'abord leur nature ; qu'ils se dépouillent des instincts matériels qui les retiennent dans les milieux matériels ; en un mot, qu'ils s'épurent et se transforment moralement ; alors, graduellement, ils s'identifient avec un milieu plus épuré, qui devient pour eux un besoin, une nécessité, comme les yeux de celui qui a longtemps vécu dans les ténèbres s'habituent insensiblement à la lumière du jour et à l'éclat du soleil.

12.- Ainsi tout se lie, tout s'enchaîne dans l'univers ; tout est soumis à la grande et harmonieuse loi d'unité, depuis la matérialité la plus compacte jusqu'à la spiritualité la plus pure. La terre est comme un vase d'où s'échappe une fumée épaisse qui s'éclaircit à mesure qu'elle s'élève, et dont les parcelles raréfiées se perdent dans l'espace infini.

La puissance divine éclate dans toutes les parties de cet ensemble grandiose, et l'on voudrait que, pour mieux attester sa puissance, Dieu, non content de ce qu'il a fait, vînt troubler cette harmonie ! qu'il s'abaissât au rôle de magicien par de puérils effets dignes d'un prestidigitateur ! Et l'on ose, par surcroît, lui donner pour rival en habileté Satan lui-même ! Jamais, en vérité, on ne rabaissa davantage la majesté divine, et l'on s'étonne du progrès de l'incrédulité !

Vous avez raison de le dire : « La foi s'en va ! » mais c'est la foi en tout ce qui choque le bon sens et la raison qui s'en va ; la foi pareille à celle qui fit dire jadis : « Les dieux s'en vont ! » Mais la foi dans les choses sérieuses, la foi en Dieu et en l'immortalité est toujours vivace dans le coeur de l'homme, et si elle a été étouffée sous les puériles histoires dont on l'a surchargée, elle se relève plus forte dès qu'elle en est dégagée, comme la plante comprimée se relève dès qu'elle revoit le soleil !

Oui, tout est miracle dans la nature, parce que tout est admirable et témoigne de la sagesse divine ? Ces miracles sont pour tout le monde, pour tous ceux qui ont des yeux pour voir et des oreilles pour entendre, et non au profit de quelques-uns. Non ! il n'y a point de miracles dans le sens qu'on attache à ce mot, parce que tout ressort des lois éternelles de la création et que ces lois sont parfaites.




Action des Esprits sur les fluides. Créations fluidiques. Photographie de la pensée.

13.- Les fluides spirituels, qui constituent un des états du fluide cosmique universel, sont, à proprement parler, l'atmosphère des êtres spirituels ; c'est l'élément où ils puisent les matériaux sur lesquels ils opèrent ; c'est le milieu où se passent les phénomènes spéciaux, perceptibles à la vue et à l'ouïe de l'Esprit, et qui échappent aux sens charnels impressionnés par la seule matière tangible ; où se forme cette lumière particulière au monde spirituel, différente de la lumière ordinaire par sa cause et par ses effets ; c'est enfin le véhicule de la pensée, comme l'air est le véhicule du son.

14.- Les Esprits agissent sur les fluides spirituels, non en les manipulant comme les hommes manipulent les gaz, mais à l'aide de la pensée et de la volonté. La pensée et la volonté sont aux Esprits ce que la main est à l'homme. Par la pensée, ils impriment à ces fluides telle ou telle direction ; ils les agglomèrent, les combinent ou les dispersent ; ils en forment des ensembles ayant une apparence, une forme, une couleur déterminées ; ils en changent les propriétés comme un chimiste change celle des gaz ou autres corps en les combinant suivant certaines lois. C'est le grand atelier ou laboratoire de la vie spirituelle.

Quelquefois, ces transformations sont le résultat d'une intention ; souvent, elles sont le produit d'une pensée inconsciente ; il suffit à l'Esprit de penser à une chose pour que cette chose se produise, comme il suffit de moduler un air pour que cet air se répercute dans l'atmosphère.

C'est ainsi, par exemple, qu'un Esprit se présente à la vue d'un incarné doué de la vue psychique, sous les apparences qu'il avait de son vivant à l'époque où on l'a connu, aurait-il eu plusieurs incarnations depuis. Il se présente avec le costume, les signes extérieurs, - infirmités, cicatrices, membres amputés, etc., - qu'il avait alors ; un décapité se présentera avec la tête de moins. Ce n'est pas à dire qu'il ait conservé ces apparences ; non certainement, car, comme Esprit, il n'est ni boiteux, ni manchot, ni borgne, ni décapité ; mais sa pensée se reportant à l'époque où il était ainsi, son périsprit en prend instantanément les apparences, qu'il quitte de même instantanément dès que la pensée cesse d'agir. Si dont il a été une fois nègre et une autre fois blanc, il se présentera comme nègre ou comme blanc, selon celle de ces deux incarnations sous laquelle il sera évoqué et où se reportera sa pensée.

Par un effet analogue, la pensée de l'Esprit crée fluidiquement les objets dont il avait l'habitude de se servir ; un avare maniera de l'or, un militaire aura ses armes et son uniforme, un fumeur sa pipe, un laboureur sa charrue et ses boeufs, une vieille femme sa quenouille. Ces objets fluidiques sont aussi réels pour l'Esprit, qui est lui-même fluidique, qu'ils l'étaient à l'état matériel pour l'homme vivant ; mais, par la même raison qu'ils sont créés par la pensée, leur existence est aussi fugitive que la pensée[3].


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[3] Revue spirite, juillet 1859, page 184. - Livre des Médiums, chap. VIII.
15.- Les fluides étant le véhicule de la pensée, celle-ci agit sur les fluides comme le son agit sur l'air ; ils nous apportent la pensée comme l'air nous apporte le son. On peut donc dire, en toute vérité, qu'il y a, dans ces fluides, des ondes et des rayons de pensées, qui se croisent sans se confondre, comme il y a dans l'air des ondes et des rayons sonores.

Il y a plus : La pensée créant des images fluidiques, elle se reflète dans l'enveloppe périspritale comme dans une glace ; elle y prend un corps et s'y photographie en quelque sorte. Qu'un homme, par exemple, ait l'idée d'en tuer un autre, quelque impassible que soit son corps matériel, son corps fluidique est mis en action par la pensée, dont il reproduit toutes les nuances ; il exécute fluidiquement le geste, l'acte qu'il a le dessein d'accomplir ; la pensée crée l'image de la victime, et la scène entière se peint, comme dans un tableau, telle qu'elle est dans son esprit.

C'est ainsi que les mouvements les plus secrets de l'âme se répercutent dans l'enveloppe fluidique ; qu'une âme peut lire dans une autre âme comme dans un livre, et voir ce qui n'est pas perceptible pour les yeux du corps. Toutefois, en voyant l'intention, elle peut pressentir l'accomplissement de l'acte qui en sera la suite, mais elle ne peut déterminer le moment où il s'accomplira, ni en préciser les détails, ni même affirmer qu'il aura lieu, parce que des circonstances ultérieures peuvent modifier les plans arrêtés et changer les dispositions. Elle ne peut voir, ce qui n'est pas encore dans la pensée ; ce qu'elle voit, c'est la préoccupation habituelle de l'individu, ses désirs, ses projets, ses desseins bons ou mauvais.




Qualités des fluides

16.- L'action des Esprits sur les fluides spirituels a des conséquences d'une importance directe et capitale pour les incarnés. Dès l'instant que ces fluides sont le véhicule de la pensée, que la pensée peut en modifier les propriétés, il est évident qu'ils doivent être imprégnés des qualités bonnes ou mauvaises des pensées qui les mettent en vibration, modifiés par la pureté ou l'impureté des sentiments. Les mauvaises pensées corrompent les fluides spirituels, comme les miasmes délétères corrompent l'air respirable. Les fluides qui entourent ou que projettent les mauvais Esprits sont donc viciés, tandis que ceux qui reçoivent l'influence des bons Esprits sont aussi purs que le comporte le degré de la perfection morale de ceux-ci.

17.- Il serait impossible de faire une énumération ou classification des bons et des mauvais fluides, ni de spécifier leurs qualités respectives, attendu que leur diversité est aussi grande que celle des pensées.

Les fluides n'ont pas de qualités sui generis, mais celles qu'ils acquièrent dans le milieu où ils s'élaborent ; ils se modifient par les effluves de ce milieu, comme l'air par les exhalaisons, l'eau par les sels des couches qu'elle traverse. Suivant les circonstances, ces qualités sont, comme l'air et l'eau, temporaires ou permanentes, ce qui les rend plus spécialement propres à la production de tels ou tels effets déterminés.

Les fluides n'ont pas non plus de dénominations spéciales ; comme les odeurs, ils sont désignés par leurs propriétés, leurs effets et leur type originel. Sous le rapport moral, ils portent l'empreinte des sentiments de la haine, de l'envie, de la jalousie, de l'orgueil, de l'égoïsme, de la violence, de l'hypocrisie, de la bonté, de la bienveillance, de l'amour, de la charité, de la douceur, etc. ; sous le rapport physique, ils sont excitants, calmants, pénétrants, astringents, irritants, adoucissants, soporifiques, narcotiques, toxiques, réparateurs, expulseurs ; ils deviennent force de transmission, de propulsion, etc. Le tableau des fluides serait donc celui de toutes les passions, des vertus et des vices de l'humanité, et des propriétés de la matière correspondant aux effets qu'ils produisent.

18.- Les hommes étant des Esprits incarnés, ils ont, en partie, les attributions de la vie spirituelle, car ils vivent de cette vie tout autant que de la vie corporelle : d'abord pendant le sommeil, et souvent à l'état de veille. L'Esprit, en s'incarnant, conserve son périsprit avec les qualités qui lui sont propres, et qui, comme on le sait, n'est pas circonscrit par le corps, mais rayonne tout alentour et l'enveloppe comme d'une atmosphère fluidique.

Par son union intime avec le corps, le périsprit joue un rôle prépondérant dans l'organisme ; par son expansion, il met l'Esprit incarné en rapport plus direct avec les Esprits libres et aussi avec les Esprits incarnés.

La pensée de l'Esprit incarné agit sur les fluides spirituels comme celle des Esprits désincarnés ; elle se transmet d'Esprit à Esprit par la même voie, et, selon qu'elle est bonne ou mauvaise, elle assainit ou vicie les fluides environnants.

Si les fluides ambiants sont modifiés par la projection des pensées de l'Esprit, son enveloppe périspritale, qui est partie constituante de son être, qui reçoit directement et d'une manière permanente l'impression de ses pensées, doit plus encore porter l'empreinte de ses qualités bonnes ou mauvaises. Les fluides viciés par les effluves des mauvais Esprits peuvent s'épurer par l'éloignement de ceux-ci, mais leur périsprit sera toujours ce qu'il est, tant que l'Esprit ne se modifiera pas lui-même.

Le périsprit des incarnés étant d'une nature identique à celle des fluides spirituels, il se les assimile avec facilité, comme une éponge s'imbibe de liquide. Ces fluides ont sur le périsprit une action d'autant plus directe, que, par son expansion et son rayonnement, il se confond avec eux.

Ces fluides agissant sur le périsprit, celui-ci, à son tour, réagit sur l'organisme matériel avec lequel il est en contact moléculaire. Si les effluves sont de bonne nature, le corps en ressent une impression salutaire ; si elles sont mauvaises, l'impression est pénible ; si les mauvaises sont permanentes et énergiques, elles peuvent déterminer des désordres physiques : certaines maladies n'ont pas d'autre cause.

Les milieux où abondent les mauvais Esprits sont donc imprégnés de mauvais fluides que l'on absorbe par tous les pores périspritaux, comme on absorbe par les pores du corps les miasmes pestilentiels.

19.- Ainsi s'expliquent les effets qui se produisent dans les lieux de réunion. Une assemblée est un foyer où rayonnent des pensées diverses ; c'est comme un orchestre, un choeur de pensées où chacun produit sa note. Il en résulte une multitude de courants et d'effluves fluidiques dont chacun reçoit l'impression par le sens spirituel, comme dans un choeur de musique chacun reçoit l'impression des sons par le sens de l'ouïe.

Mais, de même qu'il y a des rayons sonores harmoniques ou discordants, il y a aussi des pensées harmoniques ou discordantes. Si l'ensemble est harmonieux, l'impression est agréable ; s'il est discordant, l'impression est pénible. Or, pour cela, il n'est pas besoin que la pensée soit formulée en paroles ; le rayonnement fluidique n'existe pas moins, qu'elle soit exprimée ou non.

Telle est la cause du sentiment de satisfaction que l'on éprouve dans une réunion sympathique, animée de bonnes et bienveillantes pensées ; il y règne comme une atmosphère morale salubre, où l'on respire à l'aise ; on en sort réconforté, parce qu'on s'y est imprégné d'effluves fluidiques salutaires ; mais s'il s'y mêle quelques pensées mauvaises, elles produisent l'effet d'un courant d'air glacé dans un milieu tiède ou d'une note fausse dans un concert. Ainsi s'expliquent aussi l'anxiété, le malaise indéfinissable que l'on ressent dans un milieu antipathique, où des pensées malveillantes provoquent comme des courants d'air nauséabonds.

20.- La pensée produit donc une sorte d'effet physique qui réagit sur le moral ; c'est ce que le Spiritisme seul pouvait faire comprendre. L'homme le sent instinctivement, puisqu'il recherche les réunions homogènes et sympathiques où il sait qu'il peut puiser de nouvelles forces morales ; on pourrait dire qu'il y récupère les pertes fluidiques qu'il fait chaque jour par le rayonnement de la pensée, comme il récupère par les aliments les pertes du corps matériel. C'est qu'en effet la pensée est une émission qui occasionne une perte réelle dans les fluides spirituels et par suite dans les fluides matériels, de telle sorte que l'homme a besoin de se retremper dans les effluves qu'il reçoit de dehors.

Quand on dit qu'un médecin guérit son malade par de bonnes paroles, on est dans le vrai absolu, car la pensée bienveillante apporte avec elle des fluides réparateurs qui agissent sur le physique autant que sur le moral.

21.- Il est sans doute possible, dira-t-on, d'éviter les hommes que l'on sait malintentionnés, mais comment se soustraire à l'influence des mauvais Esprits qui pullulent autour de nous et se glissent partout sans être vus !

Le moyen est fort simple, car il dépend de la volonté de l'homme même, qui porte en lui le préservatif nécessaire. Les fluides s'unissent en raison de la similitude de leur nature ; les fluides dissemblables se repoussent ; il y a incompatibilité entre les bons et les mauvais fluides, comme entre l'huile et l'eau.

Que fait-on lorsque l'air est vicié ? on l'assainit, on l'épure, en détruisant le foyer de miasmes, en chassant les effluves malsaines par des courants d'air salubre plus forts. A l'invasion des mauvais fluides, il faut donc opposer les bons fluides ; et, comme chacun a dans son propre périsprit une source fluidique permanente, on porte le remède en soi-même ; il ne s'agit que d'épurer cette source et de lui donner des qualités telles, qu'elles soient pour les mauvaises influences un repoussoir, au lieu d'être une force attractive. Le périsprit est donc une cuirasse à laquelle il faut donner la meilleure trempe possible ; or, comme les qualités du périsprit sont en raison des qualités de l'âme, il faut travailler à sa propre amélioration, car ce sont les imperfections de l'âme qui attirent les mauvais Esprits.

Les mouches vont où des foyers de corruption les attirent ; détruisez ces foyers, et les mouches disparaîtront. De même les mauvais Esprits vont où le mal les attire ; détruisez le mal, et ils s'éloigneront. Les Esprits réellement bons, incarnés ou désincarnés, n'ont rien à redouter de l'influence des mauvais Esprits.





ii - EXPLICATION DE QUELQUES FAITS REPUTES SURNATURELS.



Vue spirituelle ou psychique ; double vue ; somnambulisme ; rêves

22.- Le périsprit est le trait d'union entre la vie corporelle et la vie spirituelle : c'est par lui que l'Esprit incarné est en continuel rapport avec les Esprits ; c'est par lui enfin que s'accomplissent en l'homme des phénomènes spéciaux qui n'ont point leur cause première dans la matière tangible, et qui, pour cette raison, semblent surnaturels.

C'est dans les propriétés et le rayonnement du fluide périsprital qu'il faut chercher la cause de la double vue, ou vue spirituelle, qu'on peut aussi appeler vue psychique, dont beaucoup de personnes sont douées, souvent à leur insu, ainsi que de la vue somnambulique.

Le périsprit est l'organe sensitif de l'Esprit ; c'est par son intermédiaire que l'Esprit incarné a la perception des choses spirituelles qui échappent aux sens charnels. Par les organes du corps, la vue, l'ouïe et les diverses sensations sont localisées et bornées à la perception des choses matérielles ; par le sens spirituel, ou psychique, elles sont généralisées ; l'Esprit voit, entend et sent par tout son être ce qui est dans la sphère du rayonnement de son fluide périsprital.

Ces phénomènes sont, chez l'homme, la manifestation de la vie spirituelle ; c'est l'âme qui agit en dehors de l'organisme. Dans la double vue, ou perception par le sens psychique, il ne voit pas par les yeux du corps, bien que souvent, par habitude, il les dirige vers le point sur lequel se porte son attention ; il voit par les yeux de l'âme, et la preuve en est, c'est qu'il voit tout aussi bien les yeux fermés, et au-delà de la portée du rayon visuel ; il lit la pensée figurée dans le rayon fluidique (n° 15)[4].

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[4]Faits de double vue et de lucidité somnambulique rapportés dans la Revue spirite : janvier 1858, page 25 ; - novembre 1858, page 213 ; - juillet 1861, page 197 ; - novembre 1865, page 352.

23.- Quoique, pendant la vie, l'Esprit soit rivé au corps par le périsprit, il n'est pas tellement esclave, qu'il ne puisse allonger sa chaîne et se transporter au loin, soit sur la terre, soit sur quelque point de l'espace. L'Esprit n'est qu'à regret attaché à son corps, parce que sa vie normale est la liberté, tandis que la vie corporelle est celle du serf attaché à la glèbe.

L'Esprit est donc heureux de quitter son corps, comme l'oiseau quitte sa cage ; il saisit toutes les occasions de s'en affranchir, et profite pour cela de tous les instants où sa présence n'est pas nécessaire à la vie de relation. C'est le phénomène désigné sous le nom d'émancipation de l'âme ; il a toujours lieu dans le sommeil ; toutes les fois que le corps repose et que les sens sont dans l'inactivité, l'Esprit se dégage (Livre des Esprits, chap. VIII).

Dans ces moments, l'Esprit vit de la vie spirituelle, tandis que le corps ne vit que de la vie végétative ; il est en partie dans l'état où il sera après la mort ; il parcourt l'espace, s'entretient avec ses amis et d'autres Esprits libres ou incarnés comme lui.

Le lien fluidique qui le retient au corps n'est définitivement rompu qu'à la mort ; la séparation complète n'a lieu que par l'extinction absolue de l'activité du principe vital. Tant que le corps vit, l'Esprit, à quelque distance qu'il soit, y est instantanément rappelé dès que sa présence est nécessaire ; alors il reprend le cours de la vie extérieure de relation. Parfois, au réveil, il conserve de ses pérégrinations un souvenir, une image plus ou moins précise, qui constitue le rêve ; il en rapporte, dans tous les cas, des intuitions qui lui suggèrent des idées et des pensées nouvelles, et justifient le proverbe : La nuit porte conseil.

Ainsi s'expliquent également certains phénomènes caractéristiques du somnambulisme naturel et magnétique, de la catalepsie, de la léthargie, de l'extase, etc., et qui ne sont autres que les manifestations de la vie spirituelle[5].

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[5] Exemples de léthargie et de catalepsie : Revue spirite : Madame Schwabenhaus, septembre 1858, page 255 ; - La jeune cataleptique de Souabe, janvier 1866, page 18.


24.- Puisque la vue spirituelle ne s'effectue pas par les yeux du corps, c'est que la perception des choses n'a pas lieu par la lumière ordinaire : en effet, la lumière matérielle est faite pour le monde matériel ; pour le monde spirituel, il existe une lumière spéciale dont la nature nous est inconnue, mais qui est sans doute une des propriétés du fluide éthéré affectée aux perceptions visuelles de l'âme. Il y a donc la lumière matérielle et la lumière spirituelle. La première a des foyers circonscrits dans les corps lumineux ; la seconde a son foyer partout : c'est la raison pour laquelle il n'y a pas d'obstacle à la vue spirituelle ; elle n'est arrêtée ni par la distance, ni par l'opacité de la matière ; l'obscurité n'existe pas pour elle. Le monde spirituel est donc éclairé par la lumière spirituelle, qui a ses effets propres, comme le monde matériel est éclairé par la lumière solaire.

25.- L'âme, enveloppée de son périsprit, porte ainsi en elle son principe lumineux ; pénétrant la matière en vertu de son essence éthérée, il n'y a pas de corps opaques pour sa vue.

Cependant, la vue spirituelle n'a ni la même étendue ni la même pénétration chez tous les Esprits ; les purs Esprits seuls la possèdent dans toute sa puissance ; chez les Esprits inférieurs, elle est affaiblie par la grossièreté relative du périsprit qui s'interpose comme une sorte de brouillard.

Elle se manifeste à différents degrés chez les Esprits incarnés par le phénomène de la seconde vue, soit dans le somnambulisme naturel ou magnétique, soit à l'état de veille. Selon le degré de puissance de la faculté, on dit que la lucidité est plus ou moins grande. C'est à l'aide de cette faculté que certaines personnes voient l'intérieur de l'organisme et décrivent la cause des maladies.

26.- La vue spirituelle donne donc des perceptions spéciales qui, n'ayant pas pour siège les organes matériels, s'opèrent dans des conditions tout autres que la vue corporelle. Par cette raison, on ne peut en attendre des effets identiques et l'expérimenter par les mêmes procédés. S'accomplissant en dehors de l'organisme, elle a une mobilité qui déjoue toutes les prévisions. Il faut l'étudier dans ses effets et dans ses causes, et non par assimilation avec la vue ordinaire, qu'elle n'est pas destinée à suppléer, sauf des cas exceptionnels et que l'on ne saurait prendre pour règle.

27.- La vue spirituelle est nécessairement incomplète et imparfaite chez les Esprits incarnés, et par conséquent sujette à des aberrations. Ayant son siège dans l'âme elle-même, l'état de l'âme doit influer sur les perceptions qu'elle donne. Selon le degré de son développement, les circonstances et l'état moral de l'individu, elle peut donner, soit dans le sommeil, soit à l'état de veille : 1° la perception de certains faits matériels réels, comme la connaissance d'événements qui se passent au loin, les détails descriptifs d'une localité, les causes d'une maladie et les remèdes convenables ; 2° la perception de choses également réelles du monde spirituel, comme la vue des Esprits ; 3° des images fantastiques créées par l'imagination, analogues aux créations fluidiques de la pensée (Voir ci-dessus, n° 14). Ces créations sont toujours en rapport avec les dispositions morales de l'Esprit qui les enfante. C'est ainsi que la pensée de personnes fortement imbues et préoccupées de certaines croyances religieuses leur présente l'enfer, ses fournaises, ses tortures et ses démons, tels quelles se les figurent : c'est parfois toute une épopée ; les païens voyaient l'Olympe et le Tartare, comme les chrétiens voient l'enfer et le paradis. Si, au réveil, ou au sortir de l'extase, ces personnes conservent un souvenir précis de leurs visions, elles les prennent pour des réalités et des confirmations de leurs croyances, tandis que ce n'est qu'un produit de leurs propres pensées[6]. Il y a donc un choix très rigoureux à faire dans les visions extatiques avant de les accepter. Le remède à la trop grande crédulité, sous ce rapport, est l'étude des lois qui régissent le monde spirituel.

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[6]C'est ainsi qu'on peut expliquer les visions de la soeur Elmerich, qui, se reportant au temps de la passion du Christ, dit avoir vu des choses matérielles qui n'ont jamais existé que dans les livres qu'elle a lus ; celles de madame Cantanille (Revue spirite, août 1866, p. 240), et une partie de celles de Swedenborg.
28.- Les rêves proprement dits présentent les trois natures de visions décrites ci-dessus. C'est aux deux premières qu'appartiennent les rêves à prévisions, pressentiments et avertissements[7] ; c'est dans la troisième, c'est-à-dire dans les créations fluidiques de la pensée, qu'on peut trouver la cause de certaines images fantastiques qui n'ont rien de réel par rapport à la vie matérielle, mais qui ont, pour l'Esprit, une réalité parfois telle, que le corps en subit le contrecoup, et qu'on a vu les cheveux blanchir sous l'impression d'un rêve. Ces créations peuvent être provoquées : par les croyances exaltées ; par des souvenirs rétrospectifs ; par les goûts, les désirs, les passions, la crainte, les remords ; par les préoccupations habituelles ; par les besoins du corps, ou une gêne dans les fonctions de l'organisme ; enfin, par d'autres Esprits, dans un but bienveillant ou malveillant, selon leur nature[8].

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[7]Voir ci-après, chap. XVI, Théorie de la prescience, n° 1, 2, 3.

[8]Revue spirite, juin 1866, page 172 ; - septembre 1866, p. 284. - Livre des Esprits, chap. VIII, n° 400.




Catalepsie ; résurrections

29.- La matière inerte est insensible ; le fluide périsprital l'est également, mais il transmet la sensation au centre sensitif qui est l'Esprit. Les lésions douloureuses du corps se répercutent donc dans l'Esprit comme un choc électrique, par l'intermédiaire du fluide périsprital dont les nerfs paraissent être les fils conducteurs. C'est l'influx nerveux des physiologistes, qui, ne connaissant pas les rapports de ce fluide avec le principe spirituel, n'ont pu s'en expliquer tous les effets.

Cette interruption peut avoir lieu par la séparation d'un membre ou la section d'un nerf, mais aussi, partiellement ou d'une manière générale, et sans aucune lésion, dans les moments d'émancipation, de grande surexcitation ou préoccupation de l'Esprit. Dans cet état, l'Esprit ne songe plus au corps, et dans sa fiévreuse activité, il attire, pour ainsi dire, à lui le fluide périsprital qui, se retirant de la surface, y produit une insensibilité momentanée. On pourrait encore admettre qu'en certaines circonstances, il se produit, dans le fluide périsprital même, une modification moléculaire qui lui ôte temporairement la propriété de transmission. C'est ainsi que, souvent, dans l'ardeur du combat, un militaire ne s'aperçoit pas qu'il est blessé ; qu'une personne dont l'attention est concentrée sur un travail, n'entend pas le bruit qui se fait autour d'elle. C'est un effet analogue, mais plus prononcé, qui a lieu chez certains somnambules, dans la léthargie et la catalepsie. C'est ainsi, enfin, qu'on peut expliquer l'insensibilité des convulsionnaires et de certains martyrs (Revue spirite, janvier 1868 : Etude sur les Aïssaouas).

La paralysie n'a pas du tout la même cause : ici l'effet est tout organique ; ce sont les nerfs eux-mêmes, les fils conducteurs qui ne sont plus aptes à la circulation fluidique ; ce sont les cordes de l'instrument qui sont altérées.

30.- Dans certains états pathologiques, alors que l'Esprit n'est plus dans le corps, et que le périsprit n'y adhère que par quelques points, le corps a toutes les apparences de la mort, et l'on est dans le vrai absolu en disant que la vie ne tient qu'à un fil. Cet état peut durer plus ou moins longtemps ; certaines parties du corps peuvent même entrer en décomposition, sans que la vie soit définitivement éteinte. Tant que le dernier fil n'est pas rompu, l'Esprit peut, soit par une action énergique de sa propre volonté, soit par influx fluidique étranger, également puissant, être rappelé dans le corps. Ainsi s'expliquent certaines prolongations de la vie contre toute probabilité, et certaines prétendues résurrections. C'est la plante qui repousse parfois avec une seule fibrille de la racine ; mais quand les dernières molécules du corps fluidique se sont détachées du corps charnel, ou quand ce dernier est dans un état de dégradation irréparable, tout retour à la vie devient impossible[9].


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[9]Exemples : Revue spirite, Le docteur Cardon, août 1863, page 251 ; - La femme corse, mai 1866, page 134.




Guérisons

31.- Le fluide universel est, comme on l'a vu, l'élément primitif du corps charnel et du périsprit, qui n'en sont que des transformations. Par l'identité de sa nature, ce fluide, condensé dans le périsprit, peut fournir au corps les principes réparateurs ; l'agent propulseur est l'Esprit, incarné ou désincarné, qui infiltre dans un corps détérioré une partie de la substance de son enveloppe fluidique. La guérison s'opère par la substitution d'une molécule saine à une molécule malsaine. La puissance guérissante sera donc en raison de la pureté de la substance inoculée ; elle dépend encore de l'énergie de la volonté, qui provoque une émission fluidique plus abondante et donne au fluide une plus grande force de pénétration ; enfin, des intentions qui animent celui qui veut guérir, qu'il soit homme ou Esprit. Les fluides qui émanent d'une source impure sont comme des substances médicales altérées.

32.- Les effets de l'action fluidique sur les malades sont extrêmement variés, selon les circonstances ; cette action est quelquefois lente et réclame un traitement suivi, comme dans le magnétisme ordinaire ; d'autres fois, elle est rapide comme un courant électrique. Il est des personnes douées d'une puissance telle, qu'elles opèrent sur certains malades des guérisons instantanées par la seule imposition des mains, ou même par un seul acte de la volonté. Entre les deux pôles extrêmes de cette faculté, il y a des nuances à l'infini. Toutes les guérisons de ce genre sont des variétés du magnétisme et ne diffèrent que par la puissance et la rapidité de l'action. Le principe est toujours le même : c'est le fluide qui joue le rôle d'agent thérapeutique, et dont l'effet est subordonné à sa qualité et à des circonstances spéciales.

33.- L'action magnétique peut se produire de plusieurs manières :

1° Par le fluide même du magnétiseur ; c'est le magnétisme proprement dit, ou magnétisme humain, dont l'action est subordonnée à la puissance et surtout à la qualité du fluide ;

2° Par le fluide des Esprits agissant directement et sans intermédiaire sur un incarné, soit pour guérir ou calmer une souffrance, soit pour provoquer le sommeil somnambulique spontané, soit pour exercer sur l'individu une influence physique ou morale quelconque. C'est le magnétisme spirituel, dont la qualité est en raison des qualités de l'Esprit[10] ;

3° Par le fluide que les Esprits déversent sur le magnétiseur et auquel celui-ci sert de conducteur. C'est le magnétisme mixte, semi-spirituel ou, si l'on veut, humano-spirituel. Le fluide spirituel, combiné avec le fluide humain, donne à ce dernier les qualités qui lui manquent. Le concours des Esprits, en pareille circonstance, est parfois spontané, mais le plus souvent il est provoqué par l'appel du magnétiseur.


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[10]Exemples : Revue spirite, février 1863, page 64 ; - avril 1865, page 113 ; - septembre 1865, page 264.
34.- La faculté de guérir par l'influence fluidique est très commune, et peut se développer par l'exercice ; mais celle de guérir instantanément par l'imposition des mains est plus rare, et son apogée peut être considéré comme exceptionnel. Cependant on a vu à diverses époques, et presque chez tous les peuples, des individus qui la possédaient à un degré éminent. En ces derniers temps, on en a vu plusieurs exemples remarquables, dont l'authenticité ne peut être contestée. Puisque ces sortes de guérisons reposent sur un principe naturel, et que le pouvoir de les opérer n'est pas un privilège, c'est qu'elles ne sortent pas de la nature et qu'elles n'ont de miraculeux que l'apparence[11].

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[11]Exemples de guérisons instantanées rapportées dans la Revue spirite : Le prince de Hohenlohe, décembre 1866, page 368 ; - Jacob, octobre et novembre 1866, pages 312 et 345 ; octobre et novembre 1867, pages 306 et 339 ; - Simonet, août 1867, page 232 ; - Caïd Hassa., octobre 1867, page 303 ; - Le curé Gassner, novembre 1867, page 331.




Apparitions ; transfigurations

35.- Le périsprit est invisible pour nous dans son état normal, mais, comme il est formé de matière éthérée, l'Esprit peut, dans certains cas, lui faire subir, par un acte de sa volonté, une modification moléculaire qui le rende momentanément visible. C'est ainsi que se produisent les apparitions, qui, pas plus que les autres phénomènes, ne sont en dehors des lois de la nature. Celui-ci n'est pas plus extraordinaire que celui de la vapeur, qui est invisible quand elle est très raréfiée, et qui devient visible quand elle est condensée.

Selon le degré de condensation du fluide périsprital, l'apparition est quelquefois vague et vaporeuse ; d'autres fois, elle est plus nettement définie ; d'autres fois, enfin, elle a toutes les apparences de la matière tangible ; elle peut même aller jusqu'à la tangibilité réelle, au point qu'on peut se méprendre sur la nature de l'être qu'on a devant soi.

Les apparitions vaporeuses sont fréquentes, et il arrive assez souvent que des individus se présentent ainsi, après leur mort, aux personnes qu'ils ont affectionnées. Les apparitions tangibles sont plus rares, quoiqu'il y en ait d'assez nombreux exemples, parfaitement authentiques. Si l'Esprit veut se faire connaître, il donnera à son enveloppe tous les signes extérieurs, qu'il avait de son vivant[12].

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[12]Livre des Médiums, chap. VI et VII.
36.- Il est à remarquer que les apparitions tangibles n'ont que les apparences de la matière charnelle, mais ne sauraient en avoir les qualités ; en raison de leur nature fluidique, elles ne peuvent avoir la même cohésion, parce que, en réalité, ce n'est pas de la chair. Elles se forment instantanément et disparaissent de même, ou s'évaporent par la désagrégation des molécules fluidiques. Les êtres qui se présentent dans ces conditions ne naissent ni ne meurent comme les autres hommes ; on les voit et on ne les voit plus, sans savoir d'où ils viennent, comment ils sont venus, ni où ils vont ; on ne pourrait pas les tuer, ni les enchaîner, ni les incarcérer, puisqu'ils n'ont pas de corps charnel ; les coups qu'on leur porterait frapperaient dans le vide.

Tel est le caractère des agénères, avec lesquels on peut s'entretenir sans se douter de ce qu'ils sont, mais qui ne font jamais de longs séjours, et ne peuvent devenir les commensaux habituels d'une maison, ni figurer parmi les membres d'une famille.

Il y a, d'ailleurs, dans toute leur personne, dans leurs allures, quelque chose d'étrange et d'insolite qui tient de la matérialité et de la spiritualité : leur regard, vaporeux et pénétrant tout à la fois, n'a pas la netteté du regard par les yeux de la chair ; leur langage bref et presque toujours sentencieux, n'a rien de l'éclat et de la volubilité du langage humain ; leur approche fait éprouver une sensation particulière indéfinissable de surprise qui inspire une sorte de crainte, et, tout en les prenant pour des individus pareils à tout le monde, on se dit involontairement : Voilà un être singulier[13].


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[13] Exemples d'apparitions vaporeuses ou tangibles et d'agénères : Revue spirite, janvier 1858, page 24 ; - octobre 1858, page 291 ; - février 1859, page 38 ; - mars 1859, page 80 ; janvier 1859, page 11 ; - novembre 1859, page 303 ; août 1859, page 210 ; - avril 1860, page 117 ; - mai 1860, page 150 ; - juillet 1861, page 199 ; - avril 1866, page 120 ; - Le laboureur Martin, présenté à Louis XVIII, détails complets ; décembre 1866, page 353.

37.- Le périsprit étant le même chez les incarnés et chez les désincarnés, par un effet complètement identique, un Esprit incarné peut apparaître, dans un moment de liberté, sur un autre point que celui où son corps repose, sous ses traits habituels et avec tous les signes de son identité. C'est ce phénomène, dont on a des exemples authentiques, qui a donné lieu à la croyance aux hommes doubles[14].

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[14]Exemples d'apparitions de personnes vivantes : Revue spirite, décembre 1858, pages 329 et 331 ; - février 1859, page 41 ; - août 1859, page 197 ; - novembre 1860, page 356.

38.- Un effet particulier à ces sortes de phénomènes, c'est que les apparitions vaporeuses et même tangibles ne sont pas perceptibles indistinctement par tout le monde ; les Esprits ne se montrent que quand ils veulent et à qui ils veulent. Un Esprit pourrait donc apparaître dans une assemblée à un ou à plusieurs assistants, et n'être pas vu des autres. Cela vient de ce que ces sortes de perceptions s'effectuent par la vue spirituelle, et non par la vue charnelle ; car non seulement la vue spirituelle n'est pas donnée à tout le monde, mais elle peut au besoin être retirée, par la volonté de l'Esprit, de celui à qui il ne veut pas se montrer, comme il peut la donner momentanément, s'il le juge nécessaire.

La condensation du fluide périsprital dans les apparitions, même jusqu'à la tangibilité, n'a donc pas les propriétés de la matière ordinaire : sans cela, les apparitions, étant perceptibles par les yeux du corps, le seraient par toutes les personnes présentes[15].


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[15] Il ne faut accepter qu'avec une extrême réserve les récits d'apparitions purement individuelles qui, dans certains cas, pourraient être l'effet de l'imagination surexcitée, et parfois une invention faite dans un but intéressé. Il convient donc de tenir un compte scrupuleux des circonstances, de l'honorabilité de la personne, ainsi que de l'intérêt qu'elle pourrait avoir à abuser de la crédulité d'individus trop confiants.

39.- L'Esprit pouvant opérer des transformations dans la contexture de son enveloppe périspritale, et cette enveloppe rayonnant autour du corps comme une atmosphère fluidique, un phénomène analogue à celui des apparitions peut se produire à la surface même du corps. Sous la couche fluidique, la figure réelle du corps peut s'effacer plus ou moins complètement et revêtir d'autres traits ; ou bien les traits primitifs vus à travers la couche fluidique modifiée, comme à travers un prisme, peuvent prendre une autre expression. Si l'Esprit incarné, sortant du terre à terre, s'identifie avec les choses du monde spirituel, l'expression d'une figure laide peut devenir belle, radieuse, et parfois même lumineuse ; si, au contraire, l'esprit est exalté par de mauvaises passions, une figure belle peut prendre un aspect hideux.

C'est ainsi que s'opèrent les transfigurations, qui sont toujours un reflet des qualités et des sentiments prédominants de l'Esprit. Ce phénomène est donc le résultat d'une transformation fluidique ; c'est une sorte d'apparition périspritale qui se produit sur le corps même vivant et quelquefois au moment de la mort, au lieu de se produire au loin, comme dans les apparitions proprement dites. Ce qui distingue les apparitions de ce genre, c'est que généralement elles sont perceptibles par tous les assistants et par les yeux du corps, précisément parce qu'elles ont pour base la matière charnelle visible, tandis que, dans les apparitions purement fluidiques, il n'y a point de matière tangible[16].


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[16] Exemple et théorie de la transfiguration, Revue spirite, mars 1859, page 62 (Livre des Médiums, chap. VII, page 142).





Manifestations physiques. Médiumnité

40.- Les phénomènes des tables mouvantes et parlantes, de la suspension éthéréenne des corps graves, de l'écriture médianimique, aussi anciens que le monde, mais vulgaires aujourd'hui, donnent la clef de quelques phénomènes analogues spontanés auxquels, dans l'ignorance de la loi qui les régit, on avait attribué un caractère surnaturel et miraculeux. Ces phénomènes reposent sur les propriétés du fluide périsprital, soit des incarnés, soit des Esprits libres.

41.- C'est à l'aide de son périsprit que l'Esprit agissait sur son corps vivant ; c'est encore avec ce même fluide qu'il se manifeste en agissant sur la matière inerte, qu'il produit les bruits, les mouvements de tables et autres objets qu'il soulève, renverse ou transporte. Ce phénomène n'a rien de surprenant, si l'on considère que, parmi nous, les plus puissants moteurs se trouvent dans les fluides les plus raréfiés et même impondérables, comme l'air, la vapeur et l'électricité.

C'est également à l'aide de son périsprit que l'esprit fait écrire, parler ou dessiner les médiums ; n'ayant pas de corps tangible pour agir ostensiblement quand il veut se manifester, il se sert du corps du médium, dont il emprunte les organes, qu'il fait agir comme si c'était son propre corps, et cela par l'effluve fluidique qu'il déverse sur lui.

42.- C'est par le même moyen que l'Esprit agit sur la table, soit pour la faire mouvoir sans signification déterminée, soit pour lui faire frapper des coups intelligents indiquant les lettres de l'alphabet, pour former des mots et des phrases, phénomène désigné sous le nom de typtologie. La table n'est ici qu'un instrument dont il se sert, comme il fait du crayon pour écrire ; il lui donne une vitalité momentanée par le fluide dont il la pénètre, mais il ne s'identifie point avec elle. Les personnes qui, dans leur émotion, en voyant se manifester un être qui leur est cher, embrassent la table, font un acte ridicule, car c'est absolument comme si elles embrassaient le bâton dont un ami se sert pour frapper des coups. Il en est de même de celles qui adressent la parole à la table, comme si l'Esprit était enfermé dans le bois, ou comme si le bois était devenu Esprit.

Lorsque des communications ont lieu par ce moyen, il faut se représenter l'Esprit, non dans la table, mais à côté, tel qu'il était de son vivant, et tel qu'on le verrait si, à ce moment, il pouvait se rendre visible. La même chose a lieu dans les communications par l'écriture ; on verrait l'Esprit à côté du médium, dirigeant sa main ou lui transmettant sa pensée par un courant fluidique.

43.- Lorsque la table se détache du sol et flotte dans l'espace sans point d'appui, l'Esprit ne la soulève pas à force de bras, mais l'enveloppe et la pénètre d'une sorte d'atmosphère fluidique qui neutralise l'effet de la gravitation, comme le fait l'air pour les ballons et les cerfs-volants. Le fluide dont elle est pénétrée lui donne momentanément une légèreté spécifique plus grande. Lorsqu'elle est clouée au sol, elle est dans un cas analogue à celui de la cloche pneumatique sous laquelle on fait le vide. Ce ne sont ici que des comparaisons pour montrer l'analogie des effets, et non la similitude absolue des causes (Livre des Médiums, chap. VI).

On comprend, d'après cela, qu'il n'est pas plus difficile à l'Esprit d'enlever une personne que d'enlever une table, de transporter un objet d'un endroit à un autre, ou de le lancer quelque part ; ces phénomènes se produisent par la même loi[17].

Lorsque la table poursuit quelqu'un, ce n'est pas l'Esprit qui court, car il peut rester tranquillement à la même place, mais il lui donne l'impulsion par un courant fluidique à l'aide duquel il la fait mouvoir à son gré.

Lorsque des coups se font entendre dans la table ou ailleurs, l'Esprit ne frappe ni avec sa main, ni avec un objet quelconque ; il dirige sur le point d'où part le bruit un jet de fluide qui produit l'effet d'un choc électrique. Il modifie le bruit, comme on peut modifier les sons produits par l'air[18].

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[17]Tel est le principe du phénomène des apports ; phénomène très réel, mais qu'il convient de n'accepter qu'avec une extrême réserve, car c'est un de ceux qui se prêtent le plus à l'imitation et à la jonglerie. L'honorabilité irrécusable de la personne qui les obtient, son désintéressement absolu matériel et moral, et le concours des circonstances accessoires, doivent être pris en sérieuse considération. Il faut surtout se défier de la trop grande facilité avec laquelle de tels effets sont produits, et tenir pour suspects ceux qui se renouvellent trop fréquemment et pour ainsi dire à volonté ; les prestidigitateurs font des choses plus extraordinaires.

Le soulèvement d'une personne est un fait non moins positif, mais beaucoup plus rare peut-être, parce qu'il est plus difficile de l'imiter. Il est notoire que M. Home s'est plus d'une fois élevé jusqu'au plafond en faisant le tour de la salle. On dit que saint Cupertin avait la même faculté, ce qui n'est pas plus miraculeux pour l'un que pour l'autre.


[18]Exemples de manifestations matérielles et de perturbations par les Esprits : Revue spirite, Jeune fille des Panoramas, janvier 1858, page 13 ; - Mademoiselle Clairon, février 1858, page 44 ; - Esprit frappeur de Bergzabern, récit complet, mai, juin, juillet 1858, pages 125, 153, 184 ; - Dibbelsdorf, août 1858, page 219 ; - Boulanger de Dieppe, mars 1860, page 76 ; - Marchand de Saint-Pétersbourg, avril 1860, page 115 ; - Rue des Noyers, août 1860, page 236 ; - Esprit frappeur de l'Aube, janvier 1861, page 23 ; - Id. au seizième siècle, janvier 1864, page 32 ; - Poitiers, mai 1864, page 156, et mai 1865, page 134 ; Soeur Marie, juin 1864, page 185 ; - Marseille, avril 1865, page 121 ; - Fives, août 1865, page 225 ; - Les rats d'Equihem, février 1866, page 55.

44.- Un phénomène très fréquent dans la médiumnité, c'est l'aptitude de certains médiums à écrire dans une langue qui leur est étrangère ; à traiter par la parole ou l'écriture des sujets hors de la portée de leur instruction. Il n'est pas rare d'en voir qui écrivent couramment sans avoir appris à écrire ; d'autres qui font de la poésie sans avoir jamais su faire un vers de leur vie ; d'autres dessinent, peignent, sculptent, composent de la musique, jouent d'un instrument, sans connaître le dessin, la peinture, la sculpture ou la science musicale. Il est très fréquent qu'un médium écrivain reproduise, à s'y méprendre, l'écriture et la signature que les Esprits qui se communiquent par lui avaient de leur vivant, quoiqu'il ne les ait jamais connus.

Ce phénomène n'est pas plus merveilleux que de voir un enfant écrire quand on lui conduit la main : on peut ainsi lui faire exécuter tout ce qu'on veut. On peut faire écrire le premier venu dans une langue quelconque en lui dictant les mots lettre à lettre. On comprend qu'il puisse en être de même dans la médiumnité, si l'on se reporte à la manière dont les Esprits se communiquent aux médiums, qui ne sont pour eux, en réalité, que des instruments passifs. Mais si le médium possède le mécanisme, s'il a vaincu les difficultés pratiques, si les expressions lui sont familières, s'il a enfin dans son cerveau les éléments de ce que l'Esprit veut lui faire exécuter, il est dans la position de l'homme qui sait lire et écrire couramment ; le travail est plus facile et plus rapide ; l'Esprit n'a plus qu'à transmettre la pensée que son interprète reproduit par les moyens dont il dispose.

L'aptitude d'un médium à des choses qui lui sont étrangères tient souvent aussi aux connaissances qu'il a possédées dans une autre existence, et dont son Esprit a conservé l'intuition. S'il a été poète ou musicien, par exemple, il aura plus de facilité à s'assimiler la pensée poétique ou musicale qu'on veut lui faire reproduire. La langue qu'il ignore aujourd'hui peut lui avoir été familière dans une autre existence : de là, pour lui, une aptitude plus grande à écrire médianimiquement dans cette langue[19].

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[19]L'aptitude de certaines personnes pour des langues qu'elles savent, pour ainsi dire, sans les avoir apprises, n'a pas d'autre cause qu'un souvenir intuitif de ce qu'elles ont su dans une autre existence. L'exemple du poète Méry, rapporté dans la Revue spirite de novembre 1864, page 328, en est une preuve. Il est évident que si M. Méry eût été médium dans sa jeunesse, il aurait écrit en latin aussi facilement qu'en français, et l'on aurait crié au prodige.




Obsessions et possessions

45.- Les mauvais Esprits pullulent autour de la terre, par suite de l'infériorité morale de ses habitants. Leur action malfaisante fait partie des fléaux auxquels l'humanité est en butte ici-bas. L'obsession, qui est un des effets de cette action, comme les maladies et toutes les tribulations de la vie, doit donc être considérée comme une épreuve ou une expiation, et acceptée comme telle.

L'obsession est l'action persistante qu'un mauvais Esprit exerce sur un individu. Elle présente des caractères très différents, depuis la simple influence morale sans signes extérieurs sensibles, jusqu'au trouble complet de l'organisme et des facultés mentales. Elle oblitère toutes les facultés médianimiques ; dans la médiumnité auditive et psychographique, elle se traduit par l'obstination d'un Esprit à se manifester à l'exclusion de tous autres.

46.- De même que les maladies sont le résultat des imperfections physiques qui rendent le corps accessible aux influences pernicieuses extérieures l'obsession est toujours celui d'une imperfection morale qui donne prise à un mauvais Esprit. A une cause physique, on oppose une force physique ; à une cause morale, il faut opposer une force morale. Pour préserver des maladies, on fortifie le corps ; pour garantir de l'obsession, il faut fortifier l'âme ; de là, pour l'obsédé, la nécessité de travailler à sa propre amélioration, ce qui suffit le plus souvent pour le débarrasser de l'obsesseur, sans le secours de personnes étrangères. Ce secours devient nécessaire quand l'obsession dégénère en subjugation et en possession, car alors le patient perd parfois sa volonté et son libre arbitre.

L'obsession est presque toujours le fait d'une vengeance exercée par un Esprit, et qui le plus souvent a sa source dans les rapports que l'obsédé a eus avec lui dans une précédente existence.

Dans les cas d'obsession grave, l'obsédé est comme enveloppé et imprégné d'un fluide pernicieux qui neutralise l'action des fluides salutaires et les repousse. C'est de ce fluide qu'il faut le débarrasser ; or, un mauvais fluide ne peut être repoussé par un mauvais fluide. Par une action identique à celle du médium guérisseur dans les cas de maladie, il faut expulser le fluide mauvais à l'aide d'un fluide meilleur.

Ceci est l'action mécanique, mais qui ne suffit pas toujours ; il faut aussi, et surtout, agir sur l'être intelligent auquel il faut avoir le droit de parler avec autorité, et cette autorité n'est donnée qu'à la supériorité morale ; plus celle-ci est grande, plus l'autorité est grande.

Ce n'est pas tout encore : pour assurer la délivrance, il faut amener l'Esprit pervers à renoncer à ses mauvais desseins ; il faut faire naître en lui le repentir et le désir du bien, à l'aide d'instructions habilement dirigées, dans des évocations particulières faites en vue de son éducation morale ; alors on peut avoir la douce satisfaction de délivrer un incarné et de convertir un Esprit imparfait.

La tâche est rendue plus facile quand l'obsédé, comprenant sa situation, apporte son concours de volonté et de prière ; il n'en est pas ainsi quand celui-ci, séduit par l'Esprit trompeur, se fait illusion sur les qualités de son dominateur, et se complaît dans l'erreur où ce dernier le plonge ; car alors, loin de seconder, il repousse toute assistance. C'est le cas de la fascination, toujours infiniment plus rebelle que la subjugation la plus violente (Livre des Médiums, chap. XXIII).

Dans tous les cas d'obsession, la prière est le plus puissant auxiliaire pour agir contre l'Esprit obsesseur.

47.- Dans l'obsession, l'Esprit agit extérieurement à l'aide de son périsprit, qu'il identifie avec celui de l'incarné ; ce dernier se trouve alors enlacé comme dans un réseau et contraint d'agir contre sa volonté.

Dans la possession, au lieu d'agir extérieurement, l'Esprit libre se substitue, pour ainsi dire, à l'Esprit incarné ; il fait élection de domicile dans son corps, sans cependant que celui-ci le quitte définitivement, ce qui ne peut avoir lieu qu'à la mort. La possession est donc toujours temporaire et intermittente, car un Esprit désincarné ne peut prendre définitivement le lieu et place d'un Esprit incarné, attendu que l'union moléculaire du périsprit et du corps ne peut s'opérer qu'au moment de la conception (Chap. XI, n° 18).

L'Esprit, en possession momentanée du corps, s'en sert comme du sien propre ; il parle par sa bouche, voit par ses yeux, agit avec ses bras, comme il l'eût fait de son vivant. Ce n'est plus comme dans la médiumnité parlante, où l'Esprit incarné parle en transmettant la pensée d'un Esprit désincarné ; c'est ce dernier lui-même qui parle et qui agit, et si on l'a connu de son vivant, on le reconnaît à son langage, à sa voix, à ses gestes et jusqu'à l'expression de sa physionomie.

48.- L'obsession est toujours le fait d'un Esprit malveillant. La possession peut être le fait d'un bon Esprit qui veut parler et, pour faire plus d'impression sur ses auditeurs, emprunte le corps d'un incarné, que celui-ci lui prête volontairement, comme on prête son habit. Cela se fait sans aucun trouble ni malaise, et pendant ce temps l'Esprit se trouve en liberté comme dans l'état d'émancipation, et le plus souvent il se tient à côté de son remplaçant pour l'écouter.

Quand l'Esprit possesseur est mauvais, les choses se passent autrement ; il n'emprunte pas le corps, il s'en empare si le titulaire n'est pas de force morale à lui résister. Il le fait par méchanceté envers celui-ci, qu'il torture et martyrise de toutes les manières, jusqu'à vouloir le faire périr, soit par la strangulation, soit en le poussant dans le feu ou autres endroits dangereux. Se servant des membres et des organes du malheureux patient, il blasphème, il injurie et maltraite ceux qui l'entourent ; il se livre à ces excentricités et à des actes qui ont tous les caractères de la folie furieuse.

Les faits de ce genre, à différents degrés d'intensité, sont très nombreux, et beaucoup de cas de folie n'ont pas d'autre cause. Souvent, il s'y joint des désordres pathologiques qui ne sont que consécutifs, et contre lesquels les traitements médicaux sont impuissants, tant que subsiste la cause première. Le Spiritisme, en faisant connaître cette source d'une partie des misères humaines, indique le moyen d'y remédier : ce moyen est d'agir sur l'auteur du mal, qui, étant un être intelligent, doit être traité par l'intelligence[20].


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[20]Exemples de cures d'obsessions et de possessions : Revue spirite, décembre 1863, page 373 ; - janvier 1864, page 11 ; - juin 1864, page 168 ; - janvier 1865, page 5 ; - juin 1865, page 172 ; février 1866, page 38 ; - juin 1867, page 174.
49.- L'obsession et la possession sont le plus souvent individuelles, mais parfois elles sont épidémiques. Lorsqu'une nuée de mauvais Esprits s'abat sur une localité, c'est comme lorsqu'une troupe d'ennemis vient l'envahir. Dans ce cas, le nombre d'individus atteints peut être considérable[21].

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[21]C'est une épidémie de ce genre qui sévit depuis quelques années dans le village de Morzine, en Savoie (voir la relation complète de cette épidémie dans la Revue spirite de décembre 1862, page 353 ; janvier, février, avril et mai 1863, pages 1, 33, 101, 133.






CHAPITRE XV - Les Miracles de l'Evangile



SUPERIORITE DE LA NATURE DE JESUS

1.- Les faits rapportés dans l'Evangile, et qui ont été jusqu'ici considérés comme miraculeux, appartiennent, pour la plupart, à l'ordre des phénomènes psychiques, c'est-à-dire de ceux qui ont pour cause première les facultés et les attributs de l'âme. En les rapprochant de ceux qui sont décrits et expliqués dans le chapitre précédent, on reconnaît sans peine qu'il y a entre eux identité de cause et d'effet. L'histoire en montre d'analogues dans tous les temps et chez tous les peuples, par la raison que, depuis qu'il y a des âmes incarnées et désincarnées, les mêmes effets ont dû se produire. On peut, il est vrai, contester sur ce point la véracité de l'histoire ; mais aujourd'hui ils se produisent sous nos yeux, pour ainsi dire à volonté, et par des individus qui n'ont rien d'exceptionnel. Le fait seul de la reproduction d'un phénomène, dans des conditions identiques, suffit pour prouver qu'il est possible et soumis à une loi, et que dès lors il n'est pas miraculeux.

Le principe des phénomènes psychiques repose, comme on l'a vu, sur les propriétés du fluide périsprital qui constitue l'agent magnétique ; sur les manifestations de la vie spirituelle pendant la vie et après la mort ; enfin sur l'état constitutif des Esprits et leur rôle comme force active de la nature. Ces éléments connus et leurs effets constatés, ils ont pour conséquence de faire admettre la possibilité de certains faits que l'on rejetait alors qu'on leur attribuait une origine surnaturelle.

2.- Sans rien préjuger sur la nature du Christ, qu'il n'entre pas dans le cadre de cet ouvrage d'examiner, en ne le considérant, par hypothèse, que comme un Esprit supérieur, on ne peut s'empêcher de reconnaître en lui un de ceux de l'ordre le plus élevé, et qu'il est placé par ses vertus bien au-dessus de l'humanité terrestre. Par les immenses résultats qu'elle a produits, son incarnation en ce monde ne pouvait être qu'une de ces missions qui ne sont confiées qu'aux messagers directs de la Divinité pour l'accomplissement de ses desseins. En supposant qu'il ne fût pas Dieu lui-même, mais un envoyé de Dieu pour transmettre sa parole, il serait plus qu'un prophète, car il serait un Messie divin.

Comme homme, il avait l'organisation des êtres charnels ; mais comme Esprit pur, détaché de la matière, il devait vivre de la vie spirituelle plus que de la vie corporelle, dont il n'avait point les faiblesses. La supériorité de Jésus sur les hommes ne tenait point aux qualités particulières de son corps, mais à celles de son Esprit, qui dominait la matière d'une manière absolue, et à celle de son périsprit puisé dans la partie la plus quintessenciée des fluides terrestres. (Chap. XIV, n° 9). Son âme ne devait tenir au corps que par les liens strictement indispensables ; constamment dégagée, elle devait lui donner une double vue non seulement permanente, mais d'une pénétration exceptionnelle et bien autrement supérieure à celle que l'on voit chez les hommes ordinaires. Il devait en être de même de tous les phénomènes qui dépendent des fluides périspritaux ou psychiques. La qualité de ces fluides lui donnait une immense puissance magnétique secondée par le désir incessant de faire le bien.

Dans les guérisons qu'il opérait, agissait-il comme médium ? Peut-on le considérer comme un puissant médium guérisseur ? Non ; car le médium est un intermédiaire, un instrument dont se servent les Esprits désincarnés. Or, le Christ n'avait pas besoin d'assistance, lui qui assistait les autres ; il agissait donc par lui-même, en vue de sa puissance personnelle, ainsi que peuvent le faire les incarnés dans certains cas et dans la mesure de leurs forces. Quel Esprit d'ailleurs eût osé lui insuffler ses propres pensées et le charger de les transmettre ? S'il recevait un influx étranger, ce ne pouvait être que de Dieu ; selon la définition donnée par un Esprit, il était médium de Dieu.




SONGES

3.- Joseph, dit l'Evangile, fut averti par un ange qui lui apparut en songe et lui dit de fuir en Egypte avec l'Enfant (Saint Matth., chap. II, v. de 19 à 23).

Les avertissements par songes jouent un grand rôle dans les livres sacrés de toutes les religions. Sans garantir l'exactitude de tous les faits rapportés et sans les discuter, le phénomène en lui-même n'a rien d'anormal quand on sait que le temps du sommeil est celui où l'Esprit, se dégageant des liens de la matière, rentre momentanément dans la vie spirituelle où il se retrouve avec ceux qu'il a connus. C'est souvent ce moment que choisissent les Esprits protecteurs pour se manifester à leurs protégés et leur donner des conseils plus directs. Les exemples authentiques d'avertissements par songes sont nombreux, mais il n'en faudrait pas inférer que tous les songes sont des avertissements, et encore moins que tout ce qu'on voit en rêve a sa signification. Il faut ranger parmi les croyances superstitieuses et absurdes, l'art d'interpréter les songes (Chap. XIV, n° 27 et 28).




ETOILE DES MAGES

4.- Il est dit qu'une étoile apparut aux mages qui vinrent adorer Jésus, qu'elle marcha devant eux pour leur indiquer la route et s'arrêta quand ils furent arrivés (Saint Matth., chap. II, v. de 1 à 12).

La question n'est pas de savoir si le fait rapporté par saint Matthieu est réel, ou si ce n'est qu'une figure pour indiquer que les mages furent guidés d'une manière mystérieuse vers le lieu où était l'Enfant, attendu qu'il n'existe aucun moyen de contrôle, mais bien si un fait de cette nature est possible.

Une chose certaine, c'est que dans cette circonstance la lumière ne pouvait être une étoile. On pouvait le croire à l'époque où l'on pensait que les étoiles sont des points lumineux attachés au firmament et qui peuvent tomber sur la terre ; mais non aujourd'hui que l'on connaît leur nature.

Pour n'avoir pas la cause qu'on lui attribue, le fait de l'apparition d'une lumière ayant l'aspect d'une étoile n'en est pas moins une chose possible. Un Esprit peut apparaître sous une forme lumineuse, ou transformer une partie de son fluide périsprital en un point lumineux. Plusieurs faits de ce genre, récents et parfaitement authentiques, n'ont pas d'autre cause, et cette cause n'a rien de surnaturel (Chap. XIV, n° 13 et suiv.).




DOUBLE VUE



Entrée de Jésus à Jérusalem.

5.- Lorsqu'ils approchèrent de Jérusalem, et qu'ils furent arrivés à Bethphagé, près de la montagne des Oliviers, Jésus envoya deux de ses disciples, et leur dit : Allez à ce village qui est devant vous, et vous y trouverez en arrivant une ânesse liée, et son ânon auprès d'elle ; déliez-la et me les amenez. - Si quelqu'un vous dit quelque chose, dites-lui que le Seigneur en a besoin, et aussitôt il les laissera emmener. - Or, tout ceci s'est fait afin que cette parole du prophète fût accomplie : - Dites à la fille de Sion : Voici votre roi qui vient à vous, plein de douceur, monté sur une ânesse, et sur l'ânon de celle qui est sous le joug (Zacharie, IX, v. 9, 10).

Les disciples s'en allèrent donc, et firent ce que Jésus leur avait commandé. - Et avant amené l'ânesse et l'ânon, ils les couvrirent de leurs vêtements, et le firent monter dessus (Saint Matth., ch. XXI, v. de 1 à 7).




Baiser de Judas

6.- Levez-vous, allons, celui qui doit me trahir est près d'ici. - Il n'avait pas encore achevé ces mots, que Judas, un des douze, arriva, et avec lui une troupe de gens armés d'épées et de bâtons, qui avaient été envoyés par les princes des prêtres et par les anciens du peuple. - Or, celui qui le trahissait leur avait donné un signal pour le reconnaître, en leur disant : Celui que je baiserai, c'est celui-là même que vous cherchez ; saisissez-vous de lui. - Aussitôt donc, il s'approcha de Jésus et lui dit : Maître, je vous salue ; et il le baisa. - Jésus lui répondit : Mon ami, qu'êtes-vous venu faire ici ? Et en même temps tous les autres, s'avançant, se jetèrent sur Jésus et se saisirent de lui (Saint Matth., ch. XXIV, v. de 46 à 50).




Pêche miraculeuse

7.- Un jour que Jésus était sur le bord du lac de Génésareth, se trouvant accablé par la foule du peuple qui se pressait pour entendre la parole de Dieu, - il vit deux barques, arrêtées au bord du lac, dont les pêcheurs étaient descendus et lavaient leurs filets. - Il entra donc dans l'une de ces barques, qui était à Simon, et le pria de s'éloigner un peu de terre ; et s'étant assis il enseignait le peuple de dessus la barque.

Lorsqu'il eut cessé de parler, il dit à Simon : Avancez en pleine eau, et jetez vos filets pour pêcher. - Simon lui répondit : Maître, nous avons travaillé toute la nuit sans rien prendre, mais néanmoins sur votre parole je jetterai le filet. - L'ayant donc jeté, ils prirent une si grande quantité de poissons que leur filet se rompit. - Et ils firent signe à leurs compagnons, qui étaient dans l'autre barque, de venir les aider. Ils y vinrent, et ils remplirent tellement leurs barques, qu'il s'en fallait peu qu'elles ne coulassent à fond (Saint Luc, ch. V, v. de 1 à 7).




Vocation de Pierre, André, Jacques, Jean et Matthieu

8.- Or Jésus, marchant le long de la mer de Galilée, vit deux frères, Simon, appelé Pierre, et André son frère, qui jetaient leurs filets dans la mer, car ils étaient pêcheurs ; - et il leur dit : Suivez-moi, et je vous ferai pêcheurs d'hommes. - Aussitôt, ils quittèrent leurs filets et le suivirent.

De là, s'avançant, il vit deux autres frères, Jacques, fils de Zébédée, et Jean son frère, qui étaient dans une barque avec Zébédée, leur père, et qui raccommodaient leurs filets, et il les appela. - En même temps ils quittèrent leurs filets et leur père, et ils le suivirent (Saint Matth., ch. IV, v. de 18 à 22).

Jésus, sortant de là, vit en passant un homme assis au bureau des impôts, nommé Matthieu, auquel il dit : Suivez-moi ; et lui aussitôt se leva et le suivit (Saint Matthieu, ch. IV, v. 9).

9.- Ces faits n'ont rien de surprenant, quand on connaît le pouvoir de la double vue et la cause très naturelle de cette faculté. Jésus la possédait au suprême degré, et l'on peut dire qu'elle était son état normal, ce qu'attestent un grand nombre d'actes de sa vie et ce qu'expliquent aujourd'hui les phénomènes magnétiques et le Spiritisme.

La pêche qualifiée de miraculeuse s'explique également par la double vue. Jésus, n'a point produit spontanément des poissons là où il n'en existait pas ; il a vu, comme aurait pu le faire un lucide éveillé, par la vue de l'âme, l'endroit où ils se trouvaient, il a pu dire avec assurance aux pêcheurs d'y jeter leurs filets.

La pénétration de la pensée, et par suite certaines prévisions, sont la conséquence de la vue spirituelle. Lorsque Jésus appelle à lui Pierre, André, Jacques, Jean et Matthieu, il fallait qu'il connût leurs dispositions intimes pour savoir qu'ils le suivraient et qu'ils étaient capables de remplir la mission dont il devait les charger. Il fallait qu'eux-mêmes eussent l'intuition de cette mission pour s'abandonner à lui. Il en est de même lorsque, le jour de la Cène, il annonce que l'un des douze le trahira, et qu'il le désigne en disant que c'est celui qui met la main dans le plat, et lorqu'il dit que Pierre le renoncera.

En maints endroits de l'Evangile, il est dit : « Mais Jésus, connaissant leur pensée, leur dit... » Or comment pouvait-il connaître leur pensée, si ce n'est à la fois par le rayonnement fluidique qui lui apportait cette pensée, et la vue spirituelle qui lui permettait de lire dans le for intérieur des individus ?

Alors souvent qu'on croit une pensée profondément ensevelie dans les replis de l'âme, on ne se doute pas qu'on porte en soi un miroir qui la réfléchit, un révélateur dans son propre rayonnement fluidique qui en est imprégné. Si l'on voyait le mécanisme du monde invisible qui nous entoure, les ramifications de ces fils conducteurs de la pensée qui relient tous les êtres intelligents, corporels et incorporels, les effluves fluidiques chargés des empreintes du monde moral, et qui, comme des courants aériens, traversent l'espace, on serait moins surpris de certains effets que l'ignorance attribue au hasard (Chap. XIV, n° 15, 22 et suivants).





GUERISONS



Perte de sang

10.- Alors une femme, malade d'une perte de sang depuis douze ans, - qui avait beaucoup souffert entre les mains de plusieurs médecins, et qui, ayant dépensé tout son bien, n'en avait reçu aucun soulagement, mais s'en était toujours trouvée plus mal, - ayant entendu parler de Jésus, vint dans la foule par-derrière, et toucha son vêtement ; car elle disait : Si je puis seulement toucher son vêtement, je serai guérie. - Au même instant la source du sang qu'elle perdait fut séchée, et elle sentit dans son corps qu'elle était guérie de cette maladie.

Aussitôt Jésus, connaissant en lui-même la vertu qui était sortie de lui, se retourna au milieu de la foule, et dit : Qui est-ce qui a touché mes vêtements ? - Ses disciples lui dirent : Vous voyez que la foule vous presse de tous côtés, et vous demandez qui vous a touché ? - Et il regardait tout autour de lui pour voir celle qui l'avait touché.

Mais cette femme, qui savait ce qui s'était passé en elle, étant saisie de crainte et de frayeur, vint se jeter à ses pieds, et lui déclara toute la vérité. - Et Jésus lui dit : Ma fille, votre foi vous a sauvée ; allez en paix, et soyez guérie de votre maladie (Saint Marc, ch. V, v. de 25 à 34).

11.- Ces paroles : « Connaissant en lui-même la vertu qui était sortie de lui », sont significatives ; elles expriment le mouvement fluidique qui s'opérait de Jésus à la femme malade ; tous les deux ont ressenti l'action qui venait de se produire. Il est remarquable que l'effet n'a été provoqué par aucun acte de la volonté de Jésus ; il n'y a eu ni magnétisation, ni imposition des mains. Le rayonnement fluidique normal a suffi pour opérer la guérison.

Mais pourquoi ce rayonnement s'est-il dirigé vers cette femme plutôt que vers d'autres, puisque Jésus ne pensait pas à elle, et qu'il était entouré par la foule ?

La raison en est bien simple. Le fluide, étant donné comme matière thérapeutique, doit atteindre le désordre organique pour le réparer ; il peut être dirigé sur le mal par la volonté du guérisseur, ou attiré par le désir ardent, la confiance, en un mot la foi du malade. Par rapport au courant fluidique, le premier fait l'effet d'une pompe foulante et le second d'une pompe aspirante. Quelquefois la simultanéité des deux effets est nécessaire, d'autres fois un seul suffit ; c'est le second qui a eu lieu en cette circonstance.

Jésus avait donc raison de dire : « Votre foi vous a sauvée. » On comprend qu'ici la foi n'est pas la vertu mystique telle que certaines personnes l'entendent, mais une véritable force attractive, tandis que celui qui ne l'a pas oppose au courant fluidique une force répulsive, ou tout au moins une force d'inertie qui paralyse l'action. D'après cela, on comprend que de deux malades atteints du même mal, étant en présence d'un guérisseur, l'un puisse être guéri, et l'autre non. C'est là un des principes les plus importants de la médiumnité guérissante et qui explique, par une cause très naturelle, certaines anomalies apparentes (Chap. XIV, n° 31, 32, 33).




Aveugle de Bethsaïde.

12.- Etant arrivé à Bethsaïde, on lui amena un aveugle qu'on le pria de toucher.

Et prenant l'aveugle par la main, il le mena hors du bourg ; il lui mit de la salive sur les yeux, et lui ayant imposé les mains, il lui demanda s'il voyait quelque chose. - Cet homme, regardant, lui dit : Je vois marcher des hommes qui me paraissent comme des arbres. - Jésus lui mit encore une fois les mains sur les yeux, et il commença à mieux voir ; et enfin il fut tellement guéri, qu'il voyait distinctement toutes choses.

Il le renvoya ensuite dans sa maison, et lui dit : Allez-vous-en en votre maison ; et si vous entrez dans le bourg, n'y dites à personne ce qui vous est arrivé (Saint Marc, ch. VIII, v. de 22 à 26).

13.- Ici l'effet magnétique est évident ; la guérison n'a pas été instantanée, mais graduelle et par suite d'une action soutenue et réitérée, quoique plus rapide que dans la magnétisation ordinaire. La première sensation de cet homme est bien celle qu'éprouvent les aveugles en recouvrant la lumière ; par un effet d'optique les objets leur paraissent d'une grandeur démesurée.




Paralytique

14.- Jésus, étant monté dans une barque, repassa le lac et vint dans sa ville (Capharnaüm). - Et comme on lui eut présenté un paralytique couché sur un lit, Jésus, voyant leur foi, dit à ce paralytique : Mon fils, ayez confiance, vos péchés vous sont remis.

Aussitôt quelques-uns des scribes dirent en eux-mêmes : Cet homme blasphème. - Mais Jésus, ayant connu ce qu'ils pensaient, leur dit : Pourquoi avez-vous de mauvaises pensées dans vos coeurs ? - Car, lequel est le plus aisé, ou de dire : Vos péchés vous sont remis, ou de dire : Levez-vous et marchez ? - Or, afin que vous sachiez que le Fils de l'homme a sur la terre le pouvoir de remettre les péchés : Levez-vous, dit-il alors au paralytique ; emportez votre lit, et allez-vous-en dans votre maison.

Le paralytique se leva aussitôt et s'en alla en sa maison. - Et le peuple, voyant ce miracle, fut rempli de crainte et rendit gloire à Dieu de ce qu'il avait donné une telle puissance aux hommes (Saint Matth., ch. IX, v. de 1 à 8).

15.- Que pouvaient signifier ces paroles : « Vos péchés vous sont remis, » et à quoi pouvaient-elles servir pour la guérison ? Le Spiritisme en donne la clef, comme d'une infinité d'autres paroles incomprises jusqu'à ce jour ; il nous apprend, par la loi de la pluralité des existences, que les maux et les afflictions de la vie sont souvent des expiations du passé, et que nous subissons dans la vie présente les conséquences des fautes que nous avons commises dans une existence antérieure : les différentes existences étant solidaires les unes des autres, jusqu'à ce qu'on ait payé la dette de ses imperfections.

Si donc la maladie de cet homme était une punition pour le mal qu'il avait pu commettre, en lui disant : « Vos péchés vous sont remis, » c'était lui dire : « Vous avez payé votre dette ; la cause de votre maladie est effacée par votre foi présente ; en conséquence, vous méritez d'être délivré de votre maladie. » C'est pour cela qu'il dit aux scribes : « Il est aussi facile de dire : Vos péchés vous sont remis, que : Levez-vous et marchez ; » la cause cessant, l'effet doit cesser. Le cas est le même que pour un prisonnier à qui l'on viendra dire : « Votre crime est expié et pardonné, » ce qui équivaudrait à lui dire : « Vous pouvez sortir de prison ».




Les dix lépreux

16.- Un jour qu'il allait à Jérusalem, et passait par les confins de la Samarie et de la Galilée, - étant près d'entrer dans un village, dix lépreux vinrent au-devant de lui ; et se tenant éloignés, ils élevèrent leurs voix et lui dirent : Jésus, notre maître, ayez pitié de nous. - Lorsqu'il les eut aperçus, il leur dit : Allez vous montrer aux prêtres. Et comme ils y allaient, ils furent guéris.

L'un deux, voyant qu'il était guéri, retourna sur ses pas, glorifiant Dieu à haute voix ; - et vint se jeter aux pieds de Jésus, le visage contre terre, en lui rendant grâces ; et celui-là était Samaritain.

Alors Jésus dit : Tous les dix n'ont-ils pas été guéris ? Où sont donc les neuf autres ? - Il ne s'en est point trouvé qui soit revenu, et qui ait rendu gloire à Dieu, sinon cet étranger. - Et il lui dit : Levez-vous, allez ; votre foi vous a sauvé (Saint Luc, ch. XVII, v. de 11 à 19).

17.- Les Samaritains étaient des schismatiques, comme à peu près les protestants à l'égard des catholiques, et méprisés par les Juifs comme des hérétiques. Jésus, en guérissant indistinctement les Samaritains et les Juifs, donnait à la fois une leçon et un exemple de tolérance ; et, en faisant ressortir que le Samaritain seul était revenu rendre gloire à Dieu, il montrait qu'il y avait en lui plus de vraie foi et de reconnaissance que chez ceux qui se disaient orthodoxes. En ajoutant : « Votre foi vous a sauvé », il fait voir que Dieu regarde le fond du coeur et non la forme extérieure de l'adoration. Cependant les autres ont été guéris ; il le fallait pour la leçon qu'il voulait donner, et prouver leur ingratitude ; mais qui sait ce qu'il en sera résulté, et s'ils auront bénéficié de la faveur qui leur avait été accordée ? En disant au Samaritain : « Votre foi vous a sauvé », Jésus donne à entendre qu'il n'en sera pas de même des autres.




Main sèche

18.- Jésus entra une autre fois dans la synagogue, où il trouva un homme qui avait une main sèche. - Et ils l'observaient pour voir s'il le guérirait un jour de sabbat afin d'en prendre sujet de l'accuser. - Alors, il dit à cet homme qui avait une main sèche : Levez-vous, tenez-vous là au milieu. - Puis il leur dit : Est-il permis au jour du sabbat de faire du bien ou du mal, de sauver la vie ou de l'ôter ? Et ils demeurèrent dans le silence. - Mais lui, les regardant avec colère, affligé qu'il était de l'aveuglement de leur coeur, dit à cet homme : Etendez votre main. Il l'étendit, et elle devint saine.

Aussitôt les pharisiens, étant sortis, tinrent conseil contre lui avec les hérodiens, sur le moyen de le perdre. - Mais Jésus se retira avec ses disciples vers la mer, où une grande multitude de peuple le suivit de Galilée et de Judée, - de Jérusalem, de l'Idumée, et d'au-delà le Jourdain ; et ceux des environs de Tyr et de Sidon, ayant entendu parler des choses qu'il faisait, vinrent en grand nombre le trouver (Saint Marc, ch. III, v. de 1 à 8).




La femme courbée

19.- Jésus enseignait dans une synagogue tous les jours de sabbat. - Et un jour, il y vit une femme possédée d'un Esprit qui la rendait malade depuis dix-huit ans ; et elle était si courbée, qu'elle ne pouvait du tout regarder en haut. - Jésus la voyant, l'appela et lui dit : Femme, vous êtes délivrée de votre infirmité. - En même temps, il lui imposa les mains ; et étant aussitôt redressée, elle en rendit gloire à Dieu.

Mais le chef de la synagogue, indigné de ce que Jésus l'avait guérie un jour de sabbat, dit au peuple : Il y a six jours destinés pour travailler ; venez ces jours-là pour être guéris et non aux jours du sabbat.

Le Seigneur, prenant la parole, lui dit : Hypocrite, y a-t-il quelqu'un de vous qui ne délie pas son boeuf ou son âne de la crèche le jour du sabbat, et ne le mène boire ? - Pourquoi donc ne fallait-il pas délivrer de ses liens, en un jour de sabbat, cette fille d'Abraham que Satan avait tenue ainsi liée durant dix-huit ans ?

A ces paroles, tous ses adversaires demeurèrent confus, et tout le peuple était ravi de lui voir faire tant d'actions glorieuses (Saint Luc, ch. XIII, v. de 10 à 17).

20.- Ce fait prouve qu'à cette époque la plupart des maladies étaient attribuées au démon, et que l'on confondait, comme aujourd'hui, les possédés avec les malades, mais en sens inverse ; c'est-à-dire qu'aujourd'hui, ceux qui ne croient pas aux mauvais Esprits confondent les obsessions avec les maladies pathologiques.




Paralytique de la piscine

21.- Après cela, la fête des Juifs étant arrivée, Jésus s'en alla à Jérusalem. - Or, il y avait à Jérusalem la piscine des Brebis, qui s'appelle en hébreu : Bethsaïda, qui avait cinq galeries, - dans lesquelles étaient couchés un grand nombre de malades, d'aveugles, de boiteux, et de ceux qui avaient les membres desséchés, qui tous attendaient que l'eau fût remuée. - Car l'ange du Seigneur, en un certain temps, descendait dans cette piscine, et en remuait l'eau ; et celui qui entrait le premier, après que l'eau avait été ainsi remuée, était guéri, quelque maladie qu'il eût.

Or, il y avait là un homme qui était malade depuis trente-huit ans. - Jésus l'ayant vu couché, et connaissant qu'il était malade depuis fort longtemps, lui dit : Voulez-vous être guéri ? - Le malade répondit : Seigneur, je n'ai personne pour me jeter dans la piscine après que l'eau a été remuée ; et, pendant le temps que je mets à y aller, un autre y descend avant moi. - Jésus lui dit : Levez-vous, emportez votre lit et marchez. - A l'instant cet homme fut guéri ; et prenant son lit, il commença à marcher. Or, ce jour-là était un jour de sabbat.

Les Juifs dirent donc à celui qui avait été guéri : C'est aujourd'hui le sabbat ; il ne vous est pas permis d'emporter votre lit. - Il leur répondit : Celui qui m'a guéri m'a dit : Emportez votre lit et marchez. - Ils lui demandèrent : Qui donc est cet homme qui vous a dit : Emportez votre lit et marchez ? - Mais celui qui avait été guéri ne savait pas lui-même qui il était, car Jésus s'était retiré de la foule du peuple qui était là.

Depuis, Jésus trouva cet homme dans le Temple, et lui dit : Vous voyez que vous êtes guéri, ne péchez plus à l'avenir, de peur qu'il ne vous arrive quelque chose de pis.

Cet homme s'en alla trouver les Juifs, et leur dit que c'était Jésus qui l'avait guéri. - Et c'est pour cette raison que les Juifs persécutaient Jésus, parce qu'il faisait ces choses-là le jour du sabbat. - Alors Jésus leur dit : Mon Père ne cesse point d'agir jusqu'à présent, et j'agis aussi incessamment (Saint Jean, ch. V, v. de 1 à 17).

22.- Piscine (du mot latin piscis, poisson) se disait, chez les Romains, des réservoirs ou viviers où l'on nourrissait des poissons. Plus tard, l'acception de ce mot fut étendue aux bassins où l'on se baignait en commun.

La piscine de Bethsaïda, à Jérusalem, était une citerne, près du Temple, alimentée par une source naturelle, dont l'eau paraît avoir eu des propriétés curatives. C'était sans doute une source intermittente, qui, à certaines époques, jaillissait avec force et remuait l'eau. Selon la croyance vulgaire, ce moment était le plus favorable aux guérisons ; peut-être qu'en réalité, au moment de sa sortie, l'eau avait une propriété plus active, ou que l'agitation produite par l'eau jaillissante remuait la vase salutaire dans certaines maladies. Ces effets sont très naturels et parfaitement connus aujourd'hui ; mais alors les sciences étaient peu avancées, et l'on voyait une cause surnaturelle dans la plupart des phénomènes incompris. Les Juifs attribuaient donc l'agitation de cette eau à la présence d'un ange, et cette croyance leur semblait d'autant mieux fondée, qu'à ce moment l'eau était plus salutaire.

Après avoir guéri cet homme, Jésus lui dit : « A l'avenir ne péchez plus, de peur qu'il ne vous arrive quelque chose de pis. » Par ces paroles, il lui fait entendre que sa maladie était une punition, et que, s'il ne s'améliore pas, il pourra être de nouveau puni encore plus rigoureusement. Cette doctrine est entièrement conforme à celle qu'enseigne le Spiritisme.

23.- Jésus semblait prendre à tâche d'opérer ses guérisons le jour du sabbat, pour avoir occasion de protester contre le rigorisme des pharisiens touchant l'observation de ce jour. Il voulait leur montrer que la vraie piété ne consiste pas dans l'observance des pratiques extérieures et des choses de forme, mais qu'elle est dans les sentiments du coeur. Il se justifie en disant : « Mon Père ne cesse point d'agir jusqu'à présent, et j'agis aussi incessamment ; » c'est-à-dire Dieu ne suspend point ses oeuvres ni son action sur les choses de la nature le jour du sabbat ; il continue à faire produire ce qui est nécessaire à votre nourriture et à votre santé, et je suis son exemple.




Aveugle-né

24.- Lorsque Jésus passait, il vit un homme qui était aveugle dès sa naissance ; - et ses disciples lui firent cette demande : Maître, est-ce le péché de cet homme, ou le péché de ceux qui l'ont mis au monde, qui est cause qu'il est né aveugle ?

Jésus leur répondit : Ce n'est point qu'il a péché, ni ceux qui l'ont mis au monde ; mais c'est afin que les oeuvres de la puissance de Dieu éclatent en lui. Il faut que je fasse les oeuvres de celui qui m'a envoyé pendant qu'il est jour ; la nuit vient, dans laquelle personne ne peut agir. - Tant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde.

Après avoir dit cela, il cracha à terre, et ayant fait de la boue avec sa salive, il oignit de cette boue les yeux de l'aveugle, - et lui dit : Allez vous laver dans la piscine de Siloé qui signifie Envoyé. Il y alla donc, il s'y lava, et en revint voyant clair.

Ses voisins et ceux qui l'avaient vu auparavant demander l'aumône, disaient : N'est-ce pas celui qui était assis, et qui demandait l'aumône ? Les uns répondaient : C'est lui ; - d'autres disaient : Non, c'est un qui lui ressemble. Mais il leur disait : C'est moi-même. - Ils lui dirent donc : Comment vos yeux se sont-ils ouverts ? - Il leur répondit : Cet homme qu'on appelle Jésus a fait de la boue et en a oint mes yeux, et m'a dit : Allez à la piscine de Siloé et vous y lavez. J'y ai été, je m'y suis lavé, et je vois. - Ils lui dirent : Où est-il ? Il leur répondit : Je ne sais.

Alors ils amenèrent aux pharisiens cet homme qui avait été aveugle. - Or, c'était le jour du sabbat que Jésus avait fait cette boue et lui avait ouvert les yeux.

Les pharisiens l'interrogèrent donc aussi eux-mêmes pour savoir comment il avait recouvré la vue. Et il leur dit : Il m'a mis de la boue sur les yeux ; je me suis lavé et je vois. - Sur quoi quelques-uns des pharisiens dirent : Cet homme n'est point envoyé de Dieu, puisqu'il ne garde point le sabbat. Mais d'autres disaient : Comment un méchant homme pourrait-il faire de tels prodiges ? Et il y avait sur cela de la division entre eux.

Ils dirent donc de nouveau à l'aveugle : Et toi, que dis-tu de cet homme qui t'a ouvert les yeux ? Il répondit : Je dis que c'est un prophète. - Mais les Juifs ne crurent point que cet homme eût été aveugle, et qu'il eût recouvré la vue, jusqu'à ce qu'ils eussent fait venir son père et sa mère, - qu'ils interrogèrent, en leur disant : Est-ce là votre fils que vous dites être né aveugle ? Comment donc voit-il maintenant ? Le père et la mère répondirent : - Nous savons que c'est là notre fils, et qu'il est né aveugle ; - mais nous ne savons comment il voit maintenant, et nous ne savons pas non plus qui lui a ouvert les yeux. Interrogez-le ; il a de l'âge, qu'il réponde pour lui-même.

Son père et sa mère parlaient de la sorte, parce qu'ils craignaient les Juifs ; car les Juifs avaient déjà résolu ensemble que quiconque reconnaîtrait Jésus pour être le Christ, serait chassé de la synagogue. - Ce fut ce qui obligea le père et la mère de répondre : Il a de l'âge, interrogez-le lui-même.

Ils appelèrent donc une seconde fois cet homme qui avait été aveugle, et lui dirent : Rends gloire à Dieu ; nous savons que cet homme est un pécheur. - Il leur répondit : Si c'est un pécheur, je n'en sais rien ; mais tout ce que je sais, c'est que j'étais aveugle, et je vois maintenant. - Ils lui dirent encore : Que t'a-t-il fait, et comment t'a-t-il ouvert les yeux ? - Il leur répondit : Je vous l'ai déjà dit, et vous l'avez entendu ; pourquoi voulez-vous l'entendre encore une fois ? Est-ce que vous voulez devenir ses disciples ? - Sur quoi, ils le chargèrent d'injures, et lui dirent : Sois toi-même son disciple ; pour nous, nous sommes les disciples de Moïse. - Nous savons que Dieu a parlé à Moïse, mais pour celui-ci nous ne savons d'où il sort.

Cet homme leur répondit : C'est ce qui est étonnant que vous ne sachiez pas d'où il est, et qu'il m'ait ouvert les yeux. - Or, nous savons que Dieu n'exauce point les pécheurs ; mais si quelqu'un l'honore et qu'il fasse sa volonté, c'est celui-là qu'il exauce. - Depuis que le monde est, on n'a jamais entendu dire que personne ait ouvert les yeux à un aveugle-né. - Si cet homme n'était point envoyé de Dieu, il ne pourrait rien faire de tout ce qu'il a fait.

Ils lui répondirent : Tu n'es que péché dès le ventre de ta mère, et tu veux nous enseigner ? Et ils le chassèrent (Saint Jean, ch. IX, v. de 1 à 34).

25.- Ce récit, si simple et si naïf, porte en soi un caractère évident de vérité. Rien de fantastique ni de merveilleux ; c'est une scène de la vie réelle prise sur le fait. Le langage de cet aveugle est bien celui de ces hommes simples chez lesquels le savoir est suppléé par le bon sens, et qui rétorquent les arguments de leurs adversaires avec bonhomie, et par des raisons qui ne manquent ni de justesse, ni d'à-propos. Le ton des pharisiens n'est-il pas celui de ces orgueilleux qui n'admettent rien au-dessus de leur intelligence, et s'indignent à la seule pensée qu'un homme du peuple puisse leur en remontrer ? Sauf la couleur locale des noms, on se croirait de notre temps.

Etre chassé de la synagogue équivalait à être mis hors de l'Eglise ; c'était une sorte d'excommunication. Les Spirites, dont la doctrine est celle du Christ interprétée selon le progrès des lumières actuelles, sont traités comme les Juifs qui reconnaissaient Jésus pour le Messie ; en les excommuniant, on les met hors de l'Eglise, comme firent les scribes et les pharisiens à l'égard des partisans de Jésus. Ainsi, voici un homme qui est chassé, parce qu'il ne peut croire que celui qui l'a guéri soit un possédé du démon, et parce qu'il glorifie Dieu de sa guérison ! N'est-ce pas ce que l'on fait à l'égard des Spirites ? Ce qu'ils obtiennent : sages conseils des Esprits, retour à Dieu et au bien, guérisons, tout est l'oeuvre du diable et on leur jette l'anathème. N'a-t-on pas vu des prêtres dire, du haut de la chaire, qu'il valait mieux rester incrédule que de revenir à la foi par le Spiritisme ? N'en a-t-on pas vu dire à des malades qu'ils ne devaient se faire guérir par les Spirites qui possèdent ce don, parce que c'est un don satanique ? D'autres prêchent que les malheureux ne devaient pas accepter le pain distribué par les Spirites, parce que c'était le pain du diable ? Que disaient et que faisaient de plus les prêtres juifs et les pharisiens ? Du reste, il est dit que tout doit se passer aujourd'hui comme au temps du Christ.

Cette demande des disciples : Est-ce le péché de cet homme qui est cause qu'il est aveugle ? indique l'intuition d'une existence antérieure, autrement elle n'aurait pas de sens ; car le péché qui serait la cause d'une infirmité de naissance devrait avoir été commis après la naissance et, par conséquent, dans une existence antérieure. Si Jésus avait vu là une idée fausse, il leur aurait dit : « Comment cet homme aurait-il pu pécher avant d'être né ? » Au lieu de cela, il leur dit que cet homme est aveugle, ce n'est pas qu'il ait péché, mais afin que la puissance de Dieu éclate en lui, c'est-à-dire qu'il devait être l'instrument d'une manifestation de la puissance de Dieu. Si ce n'était pas une expiation du passé, c'était une épreuve qui devait servir à son avancement, car Dieu, qui est juste, ne pouvait lui imposer une souffrance sans compensation.

Quant au moyen employé pour le guérir, il est évident que l'espèce de boue faite avec de la salive et de la terre ne pouvait avoir de vertu que par l'action du fluide guérisseur dont elle était imprégnée ; c'est ainsi que les substances les plus insignifiantes : l'eau, par exemple, peuvent acquérir des qualités puissantes et effectives sous l'action du fluide spirituel ou magnétique auquel elles servent de véhicule, ou, si l'on veut, de réservoir.




Nombreuses guérisons de Jésus

26.- Jésus allait par toute la Galilée, enseignant dans les synagogues, prêchant l'Evangile du royaume, et guérissant toutes les langueurs et toutes les maladies parmi le peuple. - Et sa réputation s'étant répandue par toute la Syrie, ils lui présentaient tous ceux qui étaient malades, et diversement affligés de maux et de douleurs, les possédés, les lunatiques, les paralytiques, et il les guérissait ; - et une grande multitude de peuple le suivit de la Galilée, de la Décapole, de Jérusalem, de la Judée, et d'au-delà du Jourdain. (Saint Matth., ch. IV, v. 23, 24, 25).

27.- De tous les faits qui témoignent de la puissance de Jésus, les plus nombreux sont, sans contredit, les guérisons ; il voulait prouver par là que la vraie puissance est celle qui fait le bien, que son but était de se rendre utile, et non de satisfaire la curiosité des indifférents par des choses extraordinaires.

En soulageant la souffrance, il s'attachait les gens par le coeur, et se faisait des prosélytes plus nombreux et plus sincères que s'ils n'eussent été frappés que par le spectacle des yeux. Par ce moyen il se faisait aimer, tandis que, s'il se fût borné à produire des effets matériels surprenants, comme en demandaient les pharisiens, la plupart n'auraient vu en lui qu'un sorcier et un habile jongleur que les désoeuvrés, eussent été voir pour se distraire.

Ainsi, quand Jean-Baptiste envoie à lui ses disciples pour lui demander s'il est le Christ, il ne dit pas : « Je le suis, » car tout imposteur aurait pu en dire autant ; il ne leur parle ni de prodiges, ni de choses merveilleuses, mais il leur répond simplement : « Allez dire à Jean : Les aveugles voient, les malades sont guéris, les sourds entendent, l'Evangile est annoncé aux pauvres. » C'était lui dire : « Reconnaissez-moi à mes oeuvres, jugez l'arbre à son fruit, » car là est le véritable caractère de sa mission divine.

28.- C'est aussi par le bien qu'il fait que le Spiritisme prouve sa mission providentielle. Il guérit les maux physiques, mais il guérit surtout les maladies morales, et ce sont là les plus grands prodiges par lesquels il s'affirme. Ses plus sincères adeptes ne sont pas ceux qui n'ont été frappés que par la vue des phénomènes extraordinaires, mais ceux qui ont été touchés au coeur par la consolation : ceux qui ont été délivrés des tortures du doute ; ceux dont le courage a été relevé dans les afflictions, qui ont puisé la force dans la certitude de l'avenir qu'il est venu leur apporter, dans la connaissance de leur être spirituel et de sa destinée. Voilà ceux dont la foi est inébranlable, parce qu'ils sentent et comprennent.

Ceux qui ne voient dans le Spiritisme que des effets matériels ne peuvent comprendre sa puissance morale ; aussi les incrédules, qui ne le connaissent que par des phénomènes dont ils n'admettent pas la cause première, ne voient dans les Spirites que des jongleurs et des charlatans. Ce n'est donc pas par des prodiges que le Spiritisme triomphera de l'incrédulité : c'est en multipliant ses bienfaits moraux, car si les incrédules n'admettent pas les prodiges, ils connaissent, comme tout le monde, la souffrance et les afflictions, et personne ne refuse les soulagements et les consolations.





POSSEDES

29.- Ils vinrent ensuite à Capharnaüm ; et Jésus, entrant d'abord, au jour du sabbat, dans la synagogue il les instruisait ; - et ils étaient étonnés de sa doctrine, parce qu'il les instruisait comme ayant autorité, et non pas comme les scribes.

Or il se trouva dans la synagogue un homme, possédé d'un Esprit impur, qui s'écria - en disant : Qu'y a-t-il entre vous et nous, Jésus de Nazareth ? Etes-vous venu pour nous perdre ? Je sais qui vous êtes : vous êtes le saint de Dieu. - Mais Jésus, lui parlant avec menace, lui dit : Tais-toi et sors de cet homme. - Alors l'Esprit impur, s'agitant avec de violentes convulsions, et jetant un grand cri, sortit de lui.

Tous en furent si surpris, qu'ils se demandaient les uns aux autres : Qu'est-ce que ceci ? et quelle est cette nouvelle doctrine ? Il commande avec empire, même aux Esprits impurs, et ils lui obéissent (Saint Marc, ch. I, v. de 21 à 27).

30.- Après qu'ils furent sortis, on lui présenta un homme muet possédé du démon. - Le démon ayant été chassé, le muet parla, et le peuple en fut dans l'admiration, et ils disaient : On n'a jamais rien vu de semblable en Israël.

Mais les Pharisiens disaient au contraire : C'est par le prince des démons qu'il chasse les démons (Saint Matth., ch. IX, v. 32, 33, 34).

31.- Lorsqu'il fut venu au lieu où étaient les autres disciples, il vit une grande multitude de personnes autour d'eux, et des scribes qui disputaient avec eux. - Aussitôt tout le peuple, ayant aperçu Jésus, fut saisi d'étonnement et de frayeur ; étant accourus, ils le saluèrent.

Alors il leur demanda : De quoi disputez-vous ensemble ? - Et un homme d'entre le peuple, prenant la parole, lui dit : Maître, je vous ai amené mon fils qui est possédé d'un Esprit muet ; - et en quelque lieu qu'il se saisisse de lui, il le jette contre terre, et l'enfant écume, grince des dents, et devient tout sec. J'ai prié vos disciples de le chasser, mais ils ne l'ont pu.

Jésus leur répondit : O gens incrédules, jusqu'à quand serai-je avec vous ? Jusqu'à quand vous souffrirai-je ? Amenez-le-moi ! - Ils le lui amenèrent ; et il n'eut pas plus tôt vu Jésus, que l'Esprit commença à l'agiter avec violence, et il tomba par terre où il se roulait en écumant.

Jésus demanda au père de l'enfant : Combien y a-t-il que cela lui arrive ? - Dès son enfance, dit le père - Et l'Esprit l'a souvent jeté, tantôt dans le feu, et tantôt dans l'eau pour le faire périr ; mais si vous pouvez quelque chose, ayez compassion de nous et nous secourez.

Jésus lui répondit : Si vous pouvez croire, tout est possible à celui qui croit. - Aussitôt le père de l'enfant s'écriant, lui dit avec larmes : Seigneur, je crois, aidez-moi dans mon incrédulité.

Et Jésus, voyant que le peuple accourait en foule, parla avec menace à l'Esprit impur, et lui dit : Esprit sourd et muet, sors de l'enfant, je te le commande, et n'y rentre plus. - Alors, cet Esprit ayant jeté un grand cri, et l'ayant agité par de violentes convulsions, sortit, et l'enfant demeura comme mort, de sorte que plusieurs disaient qu'il était mort. - Mais Jésus l'ayant pris par la main, et le soulevant, il se leva.

Lorsque Jésus fut entré dans la maison, ses disciples lui dirent en particulier : D'où vient que nous n'avons pu chasser ce démon ? - Il leur répondit : Ces sortes de démons ne peuvent être chassés par aucun autre moyen que par la prière et par le jeûne (Saint Marc, ch. IX, v. de 13 à 28).

32.- Alors on lui présenta un possédé aveugle et muet, et il le guérit, en sorte qu'il commença à parler et à voir. - Tout le peuple en fut rempli d'admiration, et ils disaient : N'est-ce point là le fils de David ?

Mais les pharisiens entendant cela, disaient : Cet homme ne chasse les démons que par la vertu de Belzébuth, prince des démons.

Or Jésus, connaissant leurs pensées, leur dit : Tout royaume divisé contre lui-même sera ruiné ; et toute ville ou maison qui est divisée contre elle-même ne pourra subsister. - Si Satan chasse Satan, il est divisé contre soi-même ; comment donc son royaume subsistera-t-il ? - Et si c'est par Belzébuth que je chasse les démons, par qui vos enfants les chassent-ils ? C'est pourquoi ils seront eux-mêmes vos juges. - Si je chasse les démons par l'Esprit de Dieu, le royaume de Dieu est donc parvenu jusqu'à vous (Saint Matth., ch. XII, v. 22 à 28).

33.- Les délivrances de possédés figurent, avec les guérisons, parmi les actes les plus nombreux de Jésus. Parmi les faits de cette nature, il en est, comme celui qui est rapporté ci-dessus, n° 30, où la possession n'est pas évidente. Il est probable qu'à cette époque, comme il arrive encore de nos jours, on attribuait à l'influence des démons toutes les maladies dont la cause était inconnue, principalement le mutisme, l'épilepsie et la catalepsie. Mais il en est où l'action des mauvais Esprits n'est pas douteuse ; ils ont avec ceux dont nous sommes témoins une analogie si frappante, qu'on y reconnaît tous les symptômes de ce genre d'affection. La preuve de la participation d'une intelligence occulte, en pareil cas, ressort d'un fait matériel : ce sont les nombreuses guérisons radicales obtenues, dans quelques centres spirites, par la seule évocation et la moralisation des Esprits obsesseurs, sans magnétisation, ni médicaments, et souvent en l'absence et à distance du patient. L'immense supériorité du Christ lui donnait une telle autorité sur les Esprits imparfaits, alors appelés démons, qu'il lui suffisait de leur recommander de se retirer pour qu'ils ne pussent résister à cette injonction (Chap. XIV, n° 46).

34.- Le fait de mauvais Esprits envoyés dans le corps de pourceaux est contraire à toute probabilité. On s'expliquerait d'ailleurs difficilement la présence d'un aussi nombreux troupeau de porcs dans un pays où cet animal était en horreur et sans utilité pour la nourriture. Un Esprit mauvais n'en est pas moins un Esprit humain encore assez imparfait pour faire le mal après la mort, comme il le faisait auparavant, et il est contre les lois de la nature qu'il puisse animer le corps d'un animal ; il faut donc y voir une de ces amplifications communes dans les temps d'ignorances et de superstitions, ou peut-être une allégorie pour caractériser les penchants immondes de certains Esprits.

35.- Les obsédés et les possédés paraissent avoir été très nombreux en Judée, au temps de Jésus, ce qui lui donnait l'occasion d'en guérir beaucoup. Les mauvais Esprits avaient sans doute fait invasion dans ce pays et causé une épidémie de possessions (Chap. XIV, n° 49).

Sans être à l'état épidémique, les obsessions individuelles sont extrêmement fréquentes et se présentent sous des aspects très variés, qu'une connaissance approfondie du Spiritisme fait aisément reconnaître ; elles peuvent souvent avoir des conséquences fâcheuses pour la santé, soit en aggravant des affections organiques, soit en les déterminant. Elles seront incontestablement un jour rangées parmi les causes pathologiques requérant, par leur nature spéciale, des moyens curatifs spéciaux. Le Spiritisme, en faisant connaître la cause du mal, ouvre une nouvelle voie à l'art de guérir, et fournit à la science le moyen de réussir là où elle n'échoue souvent que faute de s'attaquer à la cause première du mal (Livre des Médiums, chap. XXIII).

36.- Jésus était accusé par les Pharisiens de chasser les démons par les démons ; le bien qu'il faisait était, selon eux, l'oeuvre de Satan, sans réfléchir que Satan se chassant lui-même ferait un acte d'insensé. Il est remarquable que les Pharisiens de ce temps là prétendaient déjà que toute faculté transcendante et, pour ce motif, réputée surnaturelle, était l'oeuvre du démon, puisque, selon eux, Jésus même tenait de lui sa puissance ; c'est un point de plus de similitude avec l'époque actuelle, et cette doctrine est encore celle que l'Eglise cherche à faire prévaloir aujourd'hui contre les manifestations spirites[1].



[1] Tous les théologiens sont loin de professer des opinions aussi absolues sur la doctrine démoniaque. Voici celle d'un ecclésiastique dont le clergé ne saurait contester la valeur. On trouve le passage suivant dans les Conférences sur la religion, par Mgr Freyssinous, évêque d'Hermopolis, tome II, page 341 ; Paris, 1825 :

« Si Jésus avait opéré ses miracles par la vertu du démon, le démon aurait donc travaillé à détruire son empire, et il aurait employé sa puissance contre lui-même. Certes, un démon qui chercherait à détruire le règne du vice pour établir celui de la vertu, serait un étrange démon. Voilà pourquoi Jésus, pour repousser l'absurde accusation des Juifs, leur disait : « Si j'opère des prodiges au nom du démon, le démon est donc divisé avec lui-même, il cherche donc à se détruire ! » réponse qui ne souffre pas de réplique. »

C'est précisément l'argument qu'opposent les Spirites à ceux qui attribuent au démon les bons conseils qu'ils reçoivent des Esprits. Le démon agirait comme un voleur de profession qui rendrait tout ce qu'il a volé, et engagerait les autres voleurs à devenir d'honnêtes gens.





RESURRECTIONS



Fille de Jaïre.

37.- Jésus étant encore repassé dans la barque à l'autre bord, lorsqu'il était auprès de la mer, une grande multitude de peuple s'assembla autour de lui. Et un chef de Synagogue, nommé Jaïre, vint le trouver ; et le trouvant, il se jeta à ses pieds, - et le suppliait avec grande instance, en lui disant : J'ai une fille qui est à l'extrémité ; venez lui imposer les mains pour la guérir et lui sauver la vie.

Jésus s'en alla avec lui, et il était suivi d'une grande foule de peuple qui le pressait.

Lorsqu'il (Jaïre) parlait encore, il vint des gens du chef de la Synagogue, qui lui dirent : Votre fille est morte ; pourquoi voulez-vous donner au Maître la peine d'aller plus loin ? - Mais Jésus, ayant entendu cette parole, dit au chef de la synagogue : Ne craignez point, croyez seulement. - Et il ne permit à personne de la suivre, sinon à Pierre, à Jacques et à Jean, frère de Jacques.

Etant arrivé dans la maison de ce chef de la synagogue il y vit une troupe confuse de personnes qui pleuraient et qui jetaient de grands cris ; - et en entrant il leur dit : Pourquoi faites-vous tant de bruit, et pourquoi pleurez-vous ? Cette fille n'est pas morte, elle n'est qu'endormie. - Et ils se moquaient de lui. Ayant fait sortir tout le monde, il prit le père et la mère de l'enfant et ceux qui étaient venus avec lui, et il entra au lieu où la fille était couchée. - Il la prit par la main et lui dit : Talitha cumi, c'est-à-dire : Ma fille, levez-vous je vous le commande. - Au même instant, la fille se leva et se mit à marcher ; car elle avait douze ans, et ils furent merveilleusement étonnés (Saint Marc, ch. V, v. de 21 à 43).




Fils de la veuve de Naïm

38.- Le jour suivant, Jésus allait en une ville appelée Naïm, et ses disciples l'accompagnaient avec une grande foule de peuple. - Lorsqu'il était près de la porte de la ville, il arriva qu'on portait en terre un mort, qui était fils unique de sa mère et cette femme était veuve, et il y avait une grande quantité de personnes de la ville avec elle. - Le Seigneur l'ayant vue fut touché de compassion envers elle, et lui dit : Ne pleurez point. - Puis s'approchant, il toucha le cercueil, et ceux qui le portaient s'arrêtèrent. Alors il dit : Jeune homme, levez-vous, je vous le commande. - En même temps, le mort se leva sur son séant, et commença à parler, et Jésus le rendit à sa mère.

Tous ceux qui étaient présents furent saisis de frayeur, et ils glorifiaient Dieu en disant : Un grand prophète a paru au milieu de nous, et Dieu a visité son peuple. - Le bruit de ce miracle qu'il avait fait se répandit dans toute la Judée et dans tous les pays d'alentour (Saint Luc, ch. VII, v. de 11 à 17).

39.- Le fait du retour de la vie corporelle d'un individu, réellement mort, serait contraire aux lois de la nature, et, par conséquent, plus miraculeux. Or, il n'est pas nécessaire de recourir à cet ordre de faits pour expliquer les résurrections opérées par le Christ.

Si, parmi nous, les apparences trompent parfois les gens de l'art, les accidents de cette nature devaient être bien autrement fréquents dans un pays où l'on ne prenait aucune précaution, et où l'ensevelissement était immédiat[2]. Il y a donc toute probabilité que, dans les deux exemples ci-dessus, il n'y avait que syncope ou léthargie. Jésus lui-même le dit positivement de la faille de Jaïr : Cette fille, dit-il, n'est pas morte, elle n'est qu'endormie.

D'après la puissance fluidique que possédait Jésus, il n'y a rien d'étonnant que ce fluide vivifiant, dirigé par une forte volonté, ait ranimé les sens engourdis ; qu'il ait même pu rappeler dans le corps l'Esprit prêt à le quitter, tant que le lien périsprital n'était pas définitivement rompu. Pour les hommes de ce temps, qui croyaient l'individu mort dès qu'il ne respirait plus, il y avait résurrection, et ils ont pu l'affirmer de très bonne foi, mais il y avait, en réalité, guérison et non résurrection dans l'acception du mot.

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[2]Une preuve de cette coutume se trouve dans les Actes des apôtres, ch. V, v. 5 et suivants :

« Ananie, ayant entendu ces paroles, tomba et rendit l'Esprit ; et tous ceux qui en entendirent parler furent saisis d'une grande crainte. - Aussitôt, quelques jeunes gens vinrent prendre son corps, et, l'ayant emporté, ils l'enterrèrent. - Environ trois heures après, sa femme (Saphire), qui ne savait pas ce qui était arrivé, entra. - Et Pierre lui dit..., etc. - Au même moment elle tomba à ses pieds et rendit l'Esprit. Ces jeunes hommes étant entrés la trouvèrent morte ; et, l'emportant, ils l'enterrèrent auprès de son mari. »

40.- La résurrection de Lazare, quoi qu'on en dise, n'infirme nullement ce principe. Il était, dit-on, depuis quatre jours dans le sépulcre ; mais on sait qu'il y a des léthargies qui durent huit jours et plus. On ajoute qu'il sentait mauvais, ce qui est un signe de décomposition. Cette allégation ne prouve rien non plus, attendu que chez certains individus il y a décomposition partielle du corps, même avant la mort, et qu'ils exhalent une odeur de pourriture. La mort n'arrive que lorsque les organes essentiels à la vie sont attaqués.

Et qui pouvait savoir s'il sentait mauvais ? C'est sa soeur Marthe qui le dit, mais comment le savait-elle ? Lazare étant enterré depuis quatre jours, elle le supposait, mais ne pouvait en avoir la certitude (Chap. XIV, n° 29).[3]

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[3]Le fait suivant prouve que la décomposition précède quelquefois la mort. Dans le couvent du Bon-Pasteur, fondé à Toulon par l'abbé Marin, aumônier des bagnes, pour les filles repentantes, se trouvait une jeune femme qui avait enduré les plus terribles souffrances avec le calme et l'impassibilité d'une victime expiatoire. Au milieu des douleurs, elle semblait sourire à une céleste vision ; comme sainte Thérèse, elle demandait à souffrir encore, sa chair s'en allait en lambeaux, la gangrène gagnait ses membres ; par une sage prévoyance, les médecins avaient recommandé de faire l'inhumation du corps immédiatement après le décès. Chose étrange ! à peine eut-elle rendu le dernier soupir, que tout travail de décomposition s'arrêta ; les exhalaisons cadavéreuses cessèrent ; pendant trente-six heures elle resta exposée aux prières et à la vénération de la communauté.






JESUS MARCHE SUR L'EAU.

41.- Aussitôt, Jésus obligea ses disciples de monter dans la barque et de passer à l'autre bord avant lui, pendant qu'il renverrait le peuple. - Après l'avoir renvoyé, il monta seul sur une montagne pour prier, et le soir étant venu, il se trouva seul en ce lieu là.

Cependant la barque était fort battue des flots au milieu de la mer, parce que le vent était contraire. - Mais à la quatrième veille de la nuit, Jésus vint à eux marchant sur la mer[4]. - Lorsqu'ils le virent marcher ainsi sur la mer, ils furent troublés, et ils disaient : C'est un fantôme, et ils s'écrièrent de frayeur. Aussitôt Jésus leur parla et leur dit : Rassurez-vous, c'est moi, ne craignez point.

Pierre lui répondit : Seigneur, si c'est vous, commandez que j'aille à vous en marchant sur les eaux. Jésus lui dit : Venez. Et Pierre, descendant de la barque, marchait sur l'eau pour aller à Jésus. Mais voyant un grand vent, il eut peur ; et commençant à s’enfoncer, il s'écria : Seigneur, sauvez-moi. - Aussitôt Jésus, lui tendant la main, le prit et lui dit : Homme de peu de foi, pourquoi avez-vous douté ? - Et étant monté dans la barque, le vent cessa. - Alors ceux qui étaient dans cette barque, s'approchant de lui, l'adorèrent en lui disant : Vous êtes vraiment fils de Dieu (Saint Matth., ch. XIV, v. de 22 à 23).



[4]Le lac de Génésareth ou de Tibériade.


42.- Ce phénomène trouve son explication naturelle dans les principes exposés ci-dessus, chap. XIV, n° 43.

Des exemples analogues prouvent qu'il n'est ni impossible ni miraculeux, puisqu'il est dans les lois de la nature. Il peut s'être produit de deux manières.

Jésus, quoique vivant, a pu apparaître sur l'eau sous une forme tangible, tandis que son corps charnel était ailleurs ; c'est l'hypothèse la plus probable. On peut même reconnaître, dans le récit, certains signes caractéristiques des apparitions tangibles (Chap. XIV, n° 35 à 37).

D'un autre côté, son corps aurait pu être soutenu, et sa pesanteur être neutralisée par la même force fluidique qui maintient une table dans l'espace sans point d'appui. Le même effet s'est plusieurs fois produit sur des corps humains.




TRANSFIGURATION

43.- Six jours après, Jésus ayant pris Pierre, Jacques et Jean, les mena seuls avec lui sur une haute montagne à l'écart[5], et il fut transfiguré devant eux. - Et pendant qu'il faisait sa prière, son visage parut tout autre ; ses vêtements devinrent tout brillants de lumière, et blancs comme la neige, en sorte qu'il n'y a point de foulon sur la terre qui puisse en faire d'aussi blancs. - Et ils virent paraître Elie et Moïse qui s'entretenaient avec Jésus.

Alors Pierre dit à Jésus : Maître, nous sommes bien ici ; faisons-y trois tentes : une pour vous, une pour Moïse et une pour Elie ; - car il ne savait ce qu'il disait, tant il était effrayé.

En même temps, il parut une nuée qui les couvrit ; et il sortit de cette nuée une voix qui fit entendre ces mots : Celui-ci est mon fils bien-aimé ; écoutez-le.

Aussitôt, regardant de tous côtés, ils ne virent plus personne que Jésus, qui était demeuré avec eux.

Lorsqu'ils descendaient de la montagne, il leur commanda de ne parler à personne de ce qu'ils avaient vu, jusqu'à ce que le fils de l'homme fût ressuscité d'entre les morts. - Et ils tinrent les choses secrètes, s'entre-demandant ce qu'il voulait dire par ces mots : Jusqu'à ce que le Fils de l'homme fût ressuscité d'entre les morts. (St Marc, ch. IX, v. de 1 à 9).


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[5]Le mont Thabor ou Tabor, au S. O. du lac de Tabarich, à 11 km S. E. de Nazareth ; environ 1.000 mètres de haut.
44.- C'est encore dans les propriétés du fluide périsprital qu'on peut trouver la raison de ce phénomène. La transfiguration, expliquée chap. XIV, n° 39, est un fait assez ordinaire qui, par suite du rayonnement fluidique, peut modifier l'apparence d'un individu ; mais la pureté du périsprit de Jésus a pu permettre à son Esprit de lui donner un éclat exceptionnel. Quant à l'apparition de Moïse et d'Elie, elle rentre entièrement dans le cas de tous les phénomènes du même genre (chap. XIV, n° 35 et suivants).

De toutes les facultés qui se sont révélées en Jésus, il n'en est aucune qui soit en dehors des conditions de l'humanité, et qu'on ne rencontre chez le commun des hommes, parce qu'elles sont dans la nature ; mais par la supériorité de son essence morale et de ses qualités fluidiques, elles atteignaient chez lui des proportions au-dessus de celles du vulgaire. Il nous représentait, à part son enveloppe charnelle, l'état des purs Esprits.




TEMPETE APAISEE

45.- Un jour, étant monté sur une barque avec ses disciples, il leur dit : Passons à l'autre bord du lac. Ils partirent donc. Et comme ils passaient, il s'endormit. - Alors un grand tourbillon de vent vint tout à coup fondre sur le lac, en sorte que leur barque s'emplissant d'eau, ils étaient en péril. Ils s'approchèrent donc de lui, et l'éveillèrent, en lui disant : Maître, nous périssons. Jésus, s'étant levé, parla avec menace aux vents et aux flots agités, et ils s'apaisèrent, et il se fit un grand calme. - Alors il leur dit : Où donc est votre foi ? Mais eux, remplis de crainte et d'admiration, se disaient l'un à l'autre : Quel est donc celui-ci, qui commande de la sorte aux vents et aux flots, et à qui ils obéissent ? (Saint Luc, ch. VIII, v. de 22 à 25).

46.- Nous ne connaissons pas encore assez les secrets de la nature pour affirmer s'il y a, oui ou non, des intelligences occultes qui président à l'action des éléments. Dans l'hypothèse de l'affirmative, le phénomène en question pourrait être le résultat d'un acte d'autorité sur ces mêmes intelligences, et prouverait une puissance qu'il n'est donné à aucun homme d'exercer.

Dans tous les cas, Jésus, dormant tranquillement pendant la tempête, atteste une sécurité qui peut s'expliquer par ce fait que son Esprit voyait qu'il n'y avait aucun danger, et que l'orage allait s'apaiser.




NOCES DE CANA

Ce miracle, mentionné dans le seul Evangile de saint Jean, est indiqué comme étant le premier que Jésus ait fait, et à ce titre il aurait dû être d'autant plus remarqué ; il faut qu'il ait produit bien peu de sensation, puisque aucun autre évangéliste n'en parle. Un fait aussi extraordinaire aurait dû étonner au plus haut point les convives, et surtout le maître de la maison, qui ne paraissent pas même s'en être aperçus.

Considéré en lui-même, ce fait a peu d'importance comparativement à ceux qui témoignent véritablement des qualités spirituelles de Jésus. En admettant que les choses se soient passées comme elles sont rapportées, il est remarquable que c'est le seul phénomène de ce genre qu'il ait produit ; il était d'une nature trop élevée pour s'attacher à des effets purement matériels propres seulement à piquer la curiosité de la foule, qui l'eût assimilé à un magicien ; il savait que les choses utiles lui conquerraient plus de sympathie et lui amèneraient plus d'adeptes que celles qui pouvaient passer pour des tours d'adresse et ne touchaient point le coeur (n° 27).

Bien qu'à la rigueur le fait puisse s'expliquer jusqu'à un certain point par une action fluidique qui, ainsi que le magnétisme en offre des exemples, aurait changé les propriétés de l'eau en lui donnant le goût du vin, cette hypothèse est peu probable, attendu qu'en pareil cas l'eau n'ayant que le goût du vin, aurait conservé sa couleur, ce qui n'eût pas manqué d'être remarqué. Il est plus rationnel d'y voir une de ces paraboles si fréquentes dans les enseignements de Jésus, comme celle de l'Enfant prodigue, du festin de noces, du mauvais riche, du figuier desséché, et tant d'autres qui ont cependant le caractère des faits accomplis. Il aura fait pendant le repas une allusion au vin et à l'eau, d'où il aura tiré une instruction. Ce qui justifie cette opinion, ce sont les paroles que lui adresse à ce sujet le maître d'hôtel : « Tout homme sert d'abord le bon vin, et après qu'on en a beaucoup bu, il en sert alors de moindre ; mais pour vous, vous avez réservé le bon vin jusqu'à cette heure ».

Entre deux hypothèses, il faut choisir la plus rationnelle, et les Spirites ne sont pas gens assez crédules pour ne voir partout que des faits de manifestations, ni assez absolus pour prétendre tout expliquer par les fluides.




MULTIPLICATION DES PAINS

48.- La multiplication des pains est un des miracles qui ont le plus intrigué les commentateurs, en même temps qu'il a défrayé la verve des incrédules. Sans se donner la peine d'en sonder le sens allégorique, ces derniers n'y ont vu qu'un conte puéril ; mais la plupart des gens sérieux ont vu dans ce récit, quoique sous une forme différente de la forme ordinaire, une parabole comparant la nourriture spirituelle de l'âme à la nourriture du corps.

On peut y voir cependant plus qu'une figure, et admettre, à certain point de vue, la réalité d'un fait matériel, sans pour cela recourir au prodige. On sait qu'une grande préoccupation d'esprit, l'attention soutenue donnée à une chose font oublier la faim. Or, ceux qui suivaient Jésus étaient des gens avides de l'entendre ; il n'y a donc rien d'étonnant que, fascinés par sa parole et peut-être aussi par la puissante action magnétique qu'il exerçait sur eux, ils n'aient pas éprouvé le besoin matériel de manger.

Jésus, qui prévoyait ce résultat, a donc pu tranquilliser ses disciples en disant, dans le langage figuré qui lui était habituel, en admettant qu'on ait réellement apporté quelques pains, que ces pains suffiraient pour rassasier la foule. En même temps il donnait à ceux-ci une leçon : « Donnez-leur vous-mêmes à manger, » disait-il ; il leur enseignait par là qu'eux aussi pouvaient nourrir par la parole.

Ainsi, à côté du sens allégorique moral, il a pu se produire un effet physiologique naturel très connu. Le prodige, dans ce cas, est dans l'ascendant de la parole de Jésus, assez puissante pour captiver l'attention d'une foule immense au point de lui faire oublier de manger. Cette puissance morale témoigne de la supériorité de Jésus, bien plus que le fait purement matériel de la multiplication des pains, qui doit être considéré comme une allégorie.

Cette explication se trouve d'ailleurs confirmée par Jésus lui-même, dans les deux passages suivants :



49

49.- Or ses disciples étant passés au-delà de l'eau, avaient oublié de prendre des pains. - Jésus leur dit : Ayez soin de vous garder du levain des pharisiens et des saducéens. - Mais ils pensaient et disaient entre eux : C'est parce que nous n'avons point pris de pains.

Ce que Jésus connaissant, il leur dit : Hommes de peu de foi, pourquoi vous entretenez-vous ensemble de ce que vous n'avez point pris de pains ? Ne comprenez-vous point encore et ne vous souvient-il point que cinq pains ont suffi pour cinq mille hommes, et combien vous en avez emporté de paniers ? - Comment ne comprenez-vous point que ce n'est pas du pain que je vous parlais, lorsque je vous ai dit de vous garder du levain des pharisiens et des saducéens ?

Alors ils comprirent qu'il ne leur avait pas dit de se garder du levain qu'on met dans le pain, mais de la doctrine des pharisiens et des saducéens. (Saint Matt., ch. XVI, v. de 5 à 12).




Le pain du ciel

50.- Le lendemain, le peuple, qui était demeuré de l'autre côté de la mer, remarqua qu'il n'y avait point eu là d'autre barque, et que Jésus n'y était point entré avec ses disciples, mais que les disciples seuls s'en étaient allés, - et comme il était depuis arrivé d'autres barques de Tibériade, près du lieu où le Seigneur, après avoir rendu grâces, les avait nourris de cinq pains ; - et qu'ils connurent enfin que Jésus n'était point là, non plus que ses disciples, ils entrèrent dans ces barques, et vinrent à Capharnaüm chercher Jésus. - Et l'ayant trouvé au-delà de la mer, ils lui dirent : Maître, quand êtes-vous venu ici ?

Jésus leur répondit : En vérité, en vérité, je vous le dis, vous me cherchez, non à cause des miracles que vous avez vus, mais parce que je vous ai donné du pain à manger, et que vous avez été rassasiés.

- Travaillez pour avoir, non la nourriture qui périt, mais celle qui demeure pour la vie éternelle, et que le Fils de L'homme vous donnera, parce que c'est en lui que Dieu le Père a imprimé son sceau et son caractère.

Ils lui dirent : Que ferons-nous pour faire des oeuvres de Dieu ? - Jésus leur répondit : L'oeuvre de Dieu est que vous croyiez en celui qu'il a envoyé.

Ils lui dirent : Quel miracle donc faites-vous, afin qu'en le voyant nous vous croyions ? Que faites-vous d'extraordinaire ? - Nos pères ont mangé la manne dans le désert ; selon ce qui est écrit : Il leur a donné à manger le pain du ciel.

Jésus leur répondit : En vérité, en vérité, je vous le dis, Moïse ne vous a point donné le pain du ciel ; mais c'est mon Père qui vous donne le véritable pain du ciel. - Car le pain de Dieu est celui qui est descendu du ciel, et qui donne la vie au monde.

Ils lui dirent donc : Seigneur, donnez-nous toujours de ce pain.

Jésus leur répondit : Je suis le pain de vie : celui qui vient à moi n'aura point faim, et celui qui croit en moi n'aura jamais soif. - Mais je vous l'ai déjà dit : vous m'avez vu et vous ne croyez point.

En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit en moi a la vie éternelle. - Je suis le pain de vie. - Vos pères ont mangé la manne dans le désert, et ils sont morts. - Mais voici le pain qui est descendu du ciel, afin que celui qui en mange ne meure point (Saint Jean, ch. VI, v. de 22 à 36 et de 47 à 50.)

51.- Dans le premier passage, Jésus, en rappelant l'effet produit précédemment, donne clairement à entendre qu'il ne s'était point agi de pains matériels ; autrement, la comparaison qu'il établit avec le levain des pharisiens eût été sans objet. « Ne comprenez-vous point encore, dit-il, et ne vous souvient-il point que cinq pains ont suffi pour cinq mille hommes, et que sept pains ont suffi pour quatre mille hommes ? Comment ne comprenez-vous point que ce n'est pas du pain que je vous parlais, lorsque je vous ai dit de vous garder du levain des pharisiens ? » Ce rapprochement n'avait aucune raison d'être dans l'hypothèse d'une multiplication matérielle. Le fait eût été assez extraordinaire en lui-même pour avoir frappé l'imagination de ces disciples, qui, cependant, ne paraissaient pas s'en souvenir.

C'est ce qui ressort non moins clairement du discours de Jésus sur le pain du ciel, dans lequel il s'attache à faire comprendre le sens véritable de la nourriture spirituelle. « Travaillez, dit-il, non pour avoir la nourriture qui périt, mais celle qui demeure pour la vie éternelle, et que le Fils de l'homme vous donnera. » Cette nourriture est sa parole, qui est le pain descendu du ciel et qui donne la vie au monde. « Je suis, dit-il, le pain de vie ; celui qui vient à moi n'aura point faim, et celui qui croit en moi n'aura jamais soif. »

Mais ces distinctions étaient trop subtiles pour ces natures abruptes, qui ne comprenaient que les choses tangibles. La manne qui avait nourri le corps de leurs ancêtres était pour eux le véritable pain du ciel ; là était le miracle. Si donc le fait de la multiplication des pains avait eu lieu matériellement, comment ces mêmes hommes, au profit desquels il se serait produit peu de jours auparavant, en auraient-ils été assez peu frappés pour dire à Jésus : « Quel miracle donc faites-vous, afin qu'en le voyant nous vous croyions ? Que faites-vous d'extraordinaire ? » C'est qu'ils entendaient par miracles les prodiges que demandaient les pharisiens, c'est-à-dire des signes dans le ciel opérés au commandement, comme par la baguette d'un enchanteur. Ce que faisait Jésus était trop simple et ne s'écartait pas assez des lois de la nature ; les guérisons même n'avaient pas un caractère assez étrange, assez extraordinaire ; les miracles spirituels n'avaient pas assez de corps pour eux.





TENTATION DE JESUS

52.- Jésus, transporté par le diable sur le sommet du Temple, puis sur une montagne, et tenté par lui, est une de ces paraboles qui lui étaient familières et que la crédulité publique a transformées en faits matériels[6].


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[6]L'explication suivante est tirée textuellement d'une instruction donnée à ce sujet par un Esprit.

53.- « Jésus ne fut pas enlevé, mais il voulait faire comprendre aux hommes que l'humanité est sujette à faillir, et qu'elle doit être toujours en garde contre les mauvaises inspirations auxquelles sa nature faible la porte à céder. La tentation de Jésus est donc une figure, et il faudrait être aveugle pour la prendre à la lettre. Comment voudriez-vous que le Messie, le Verbe de Dieu incarné, ait été soumis pour un temps, si court qu'il fût, aux suggestions du démon, et que, comme le dit l'Evangile de Luc, le démon l'ait quitté, pour un temps, ce qui donnerait à penser qu'il sera encore soumis à sa puissance ? Non ; comprenez mieux les enseignements qui vous ont été donnés. L'Esprit du mal ne pouvait rien sur l'essence du bien. Personne ne dit avoir vu Jésus sur la montagne ni sur le sommet du Temple ; certes, c'eût été un fait de nature à se répandre parmi tous les peuples. La tentation ne fut donc pas un acte matériel et physique. Quant à l'acte moral, pouvez-vous admettre que l'Esprit des ténèbres pût dire à celui qui connaissait son origine et sa puissance : « Adore-moi, je te donnerai tous les royaumes de la terre ? » Le démon aurait donc ignoré quel était celui à qui il faisait de telles offres, ce qui n'est pas probable ; s'il le connaissait, sa proposition était un non-sens, car il savait bien qu'il serait repoussé par celui qui venait ruiner son empire sur les hommes.

« Comprenez donc le sens de cette parabole, car c'en est une, tout aussi bien que celles de l'Enfant prodigue et du Bon Samaritain. L'un nous montre les dangers que courent les hommes, s'ils ne résistent pas à cette voix intime qui leur crie sans cesse : « Tu peux être plus que tu n'es ; tu ne peux posséder plus que tu ne possèdes ; tu peux grandir, acquérir ; cède à la voix de l'ambition, et tous tes voeux seront comblés. » Elle vous montre le danger et le moyen de l'éviter, en disant aux mauvaises inspirations : Retire-toi, Satan ! autrement dit : Arrière la tentation !

« Les deux autres paraboles que j'ai rappelées vous montrent ce que peut encore espérer celui qui, trop faible pour chasser le démon, a succombé à ses tentations. Elles vous montrent la miséricorde du père de famille étendant sa main sur le front du fils repentant, et lui accordant, avec amour, le pardon imploré. Elles vous montrent le coupable, le schismatique, l'homme repoussé par ses frères, valant mieux, aux yeux du Juge suprême, que ceux qui le méprisent, parce qu'il pratique les vertus enseignées par la loi d'amour.

« Pesez bien les enseignements donnés dans les Evangiles ; sachez distinguer ce qui est au sens propre ou au sens figuré, et les erreurs qui vous ont aveuglés durant tant de siècles s'effaceront petit à petit, pour faire place à l'éclatante lumière de la vérité. » (Bordeaux, 1862. Jean, Evang.).




PRODIGES A LA MORT DE JESUS

54.- Or, depuis la sixième heure du jour jusqu'à la neuvième, toute la terre fut couverte de ténèbres.

En même temps le voile du Temple se déchira en deux depuis le haut jusqu'en bas : la terre trembla, les pierres se fendirent ; - les sépulcres s'ouvrirent ; et plusieurs corps des saints, qui étaient dans le sommeil de la mort, ressuscitèrent ; - et sortant de leurs tombeaux après sa résurrection, ils vinrent dans la ville sainte, et furent vus de plusieurs personnes. (Saint Matth., ch. XXVII, v. 45, 51, 52, 53).

55.- Il est étrange que de tels prodiges, s'accomplissant au moment même où l'attention de la ville était fixée sur le supplice de Jésus, qui était l'événement du jour, n'aient pas été remarqués, puisque aucun historien n'en fait mention. Il semble impossible qu'un tremblement de terre, et toute la terre couverte de ténèbres pendant trois heures, dans un pays où le ciel est toujours d'une parfaite limpidité, aient pu passer inaperçus.

La durée de cette obscurité est bien à peu près celle d'une éclipse de soleil, mais ces sortes d'éclipses ne se produisent qu'à la nouvelle lune, et la mort de Jésus eut lieu pendant la pleine lune, le 14 du mois de nissan, jour de la Pâque des Juifs.

L'obscurcissement du soleil peut aussi être produit par les taches que l'on remarque à sa surface. En pareil cas, l'éclat de la lumière est sensiblement affaibli, mais jamais au point de produire l'obscurité et les ténèbres. En supposant qu'un phénomène de ce genre ait eu lieu à cette époque, il aurait eu une cause parfaitement naturelle[7].

Quant aux morts ressuscités, il se peut que quelques personnes aient eu des visions ou apparitions, ce qui n'est point exceptionnel ; mais, comme alors on ne connaissait pas la cause de ce phénomène, on se figurait que les individus apparus sortaient du sépulcre.

Les disciples de Jésus, émus de la mort de leur maître, y ont sans doute rattaché quelques faits particuliers auxquels ils n'auraient prêté aucune attention en d'autres temps. Il aura suffi qu'un fragment de rocher se soit détaché à ce moment, pour que des gens prédisposés au merveilleux y aient vu un prodige, et qu'en amplifiant le fait, ils aient dit que les pierres s'étaient fendues.

Jésus est grand par ses oeuvres, et non par les tableaux fantastiques dont un enthousiasme peu éclairé a cru devoir l'entourer.


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[7] Il y a constamment à la surface du soleil des taches fixes, qui suivent son mouvement de rotation et ont servi à en déterminer la durée. Mais ces taches augmentent parfois en nombre, en étendue et en intensité, et c'est alors que se produit une diminution dans la lumière et dans la chaleur. Cette augmentation dans le nombre des taches paraît coïncider avec certains phénomènes astronomiques et la position relative de quelques planètes, ce qui en amène le retour périodique. La durée de cet obscurcissement est très variable ; parfois elle n'est que de deux ou trois heures, mais, en 535, il y en eut un qui dura quatorze mois.




APPARITIONS DE JESUS APRES SA MORT

56.- Mais Marie (Madeleine) se tint dehors, près du sépulcre, versant des larmes. Et comme elle pleurait, s'étant baissée pour regarder dans le sépulcre, - elle vit deux anges vêtus de blanc, assis au lieu où avait été le corps de Jésus, l'un à la tête, et l'autre aux pieds. - Ils lui dirent : Femme, pourquoi pleurez-vous ? Elle leur répondit : C'est qu'ils ont enlevé mon Seigneur, et je ne sais où ils l'ont mis.

Ayant dit cela, elle se retourna, et vit Jésus debout, sans savoir néanmoins que ce fût Jésus. - Alors Jésus lui dit : Femme, pourquoi pleurez-vous ? Qui cherchez-vous ? Elle, pensant que ce fût le jardinier, lui dit : Seigneur, si c'est vous qui l'avez enlevé, dites-moi où vous l'avez mis, et je l'emporterai.

Jésus lui dit : Marie. Aussitôt elle se retourna, et lui dit : Rabboni, c'est-à-dire : Mon maître. - Jésus lui répondit : Ne me touchez pas, car je ne suis pas encore monté vers mon Père ; mais allez trouver mes frères, et dites-leur de ma part : Je monte vers mon Père et votre Père, mon Dieu et votre Dieu.

Marie-Madeleine vint donc dire aux disciples qu'elle avait vu le Seigneur, et qu'il lui avait dit ces choses (Saint Jean, ch. XX, v. de 14 à 18).

57.- Ce jour-là même, deux d'entre eux s'en allaient dans un bourg nommé Emmaüs, éloigné de soixante stades de Jérusalem, - parlant ensemble de tout ce qui s'était passé. - Et il arriva que lorsqu'ils s'entretenaient et conféraient ensemble sur cela, Jésus vint lui-même les rejoindre, et se mit à marcher avec eux ; mais leurs yeux étaient retenus, afin qu'ils ne pussent le reconnaître. - Et il leur dit : De quoi vous entretenez-vous ainsi en marchant, et d'où vient que vous êtes si tristes ?

L'un d'eux, appelé Cléophas, prenant la parole, lui dit : Etes-vous seul si étranger dans Jérusalem, que vous ne sachiez pas ce qui s'y est passé ces jours-ci ? - Et quoi ? leur dit-il. Ils lui répondirent : Touchant Jésus de Nazareth, qui a été un prophète puissant devant Dieu et devant tout le peuple ; et de quelle manière les princes des prêtres et nos sénateurs l'ont livré pour être condamné à mort et l'ont crucifié. - Or, nous espérions que ce serait lui qui rachèterait Israël, et cependant, après tout cela, voici le troisième jour que ces choses se sont passées. - Il est vrai que quelques femmes de celles qui étaient avec nous nous ont étonnés ; car, ayant été avant le jour à son sépulcre, - et n'y ayant point trouvé son corps, elles sont venues dire que des anges mêmes leur ont apparu, qui leur ont dit qu'il est vivant. - Et quelques-uns des nôtres, ayant été aussi au sépulcre, ont trouvé toutes choses comme les femmes les leur avaient rapportées ; mais pour lui, ils ne l'ont point trouvé.

Alors il leur dit : O insensés, dont le coeur est tardif à croire tout ce que les prophètes ont dit ! Ne fallait-il pas que le Christ souffrît toutes ces choses, et qu'il entrât ainsi dans la gloire ? - Et commençant par Moïse, et ensuite par tous les prophètes, il leur expliquait dans toutes les Ecritures ce qui avait été dit de lui.

Lorsqu'ils furent proches du bourg où ils allaient, il fit semblant d'aller plus loin. - Mais ils le forcèrent de s'arrêter en lui disant : Demeurez avec nous, parce qu'il est tard, et que le jour est déjà sur son déclin ; et il entra avec eux. - Etant avec eux à table, il prit le pain, et le bénit, et l'ayant rompu, il le leur donna. - En même temps leurs yeux s'ouvrirent, et ils le reconnurent ; mais il disparut de devant leurs yeux.

Alors ils se dirent l'un à l'autre : N'est-il pas vrai que notre coeur était tout brûlant dans nous, lorsqu'il nous parlait en chemin, et qu'il nous expliquait les Ecritures ? - Et se levant à l'heure même, ils retournèrent à Jérusalem, et trouvèrent que les onze apôtres et ceux qui demeuraient avec eux étaient assemblés et disaient : Le Seigneur est vraiment ressuscité, et il est apparu à Simon. - Alors ils racontèrent aussi eux-mêmes ce qui leur était arrivé en chemin, et comment ils l'avaient reconnu dans la fraction du pain.

Pendant qu'ils s'entretenaient ainsi, Jésus se présenta au milieu d'eux, et leur dit : La paix soit avec vous ; c'est moi, n'ayez pas peur. - Mais dans le trouble et la frayeur dont ils étaient saisis, ils s'imaginèrent voir un Esprit.

Et Jésus leur dit : Pourquoi vous troublez-vous ; et pourquoi s'élève-t-il tant de pensées dans vos coeurs ? - Regardez mes mains et mes pieds, et reconnaissez que c'est moi-même ; touchez-moi, et reconnaissez qu'un Esprit n'a ni chair ni os, comme vous voyez que j'en ai. - Après avoir dit cela, il leur montra ses mains et ses pieds.

Mais comme ils ne croyaient point encore, tant ils étaient transportés de joie et d'admiration, il leur dit : Avez-vous ici quelque chose à manger ? Ils lui présentèrent un morceau de poisson rôti et un rayon de miel. - Il en mangea devant eux, et prenant les restes, il les leur donna, et leur dit : Voilà ce que je vous disais étant encore avec vous : qu'il était nécessaire que tout ce qui a été écrit de moi dans la loi de Moïse, dans les prophètes et dans les Psaumes, fût accompli.

En même temps il leur ouvrit l'esprit, afin qu'ils entendissent les Ecritures ; - et il leur dit : C'est ainsi qu'il est écrit, et c'est ainsi qu'il fallait que le Christ souffrît, et qu'il ressuscitât d'entre les morts le troisième jour ; - et qu'on prêchât en son nom la pénitence et la rémission des péchés dans toutes les nations, commençant par Jérusalem. - Or, vous êtes témoins de ces choses. - Et je vais vous envoyer le don de mon Père, qui vous a été promis ; mais cependant demeurez dans la ville jusqu'à ce que vous soyez revêtus de la force d'en haut. (Saint Luc, ch. XXIV, v. de 13 à 49).

58.- Or, Thomas, l'un des douze apôtres, appelé Didyme, n'était pas avec eux lorsque Jésus vint. - Les autres disciples lui dirent donc : Nous avons vu le Seigneur. Mais il leur dit : Si je ne vois dans ses mains la marque des clous qui les ont percées, et si je ne mets mon doigt dans le trou des clous, et ma main dans le trou de son côté, je ne le croirai point.

Huit jours après, les disciples étant encore dans le même lieu, et Thomas avec eux, Jésus vint, les portes étant fermées, et il se tint au milieu d'eux, et leur dit : La paix soit avec vous.

Il dit ensuite à Thomas : Portez ici votre doigt, et considérez mes mains ; approchez aussi votre main, et mettez-la dans mon côté ; et ne soyez point incrédule, mais fidèle. - Thomas lui répondit et lui dit : Mon Seigneur et mon Dieu ! - Jésus lui dit : Vous avez cru, Thomas, parce que vous avez vu ; heureux ceux qui ont cru sans avoir vu (Saint Jean, ch. XX, v. de 20 à 29).

59.- Jésus se fit voir encore depuis à ses disciples sur le bord de la mer de Tibériade, et il s'y fit voir de cette sorte :

Simon-Pierre et Thomas appelé Didyme, Nathanaël, qui était de Cana en Galilée, les fils de Zébédée et deux autres de ses disciples étaient ensemble. - Simon-Pierre leur dit : Je vais pêcher. Ils lui dirent : Nous allons aussi avec vous. Ils s'en allèrent donc, et entrèrent dans une barque ; mais cette nuit-là, ils ne prirent rien.

Le matin était venu, Jésus parut sur le rivage, sans que ces disciples connussent que c'était Jésus. - Jésus leur dit donc : Enfants, n'avez-vous rien à manger ? Ils lui répondirent : Non. - Il leur dit : Jetez le filet au côté droit de la barque, et vous en trouverez. Ils le jetèrent aussitôt, et ils ne pouvaient plus le retirer, tant il était chargé de poissons.

Alors le disciple que Jésus aimait dit à Pierre : C'est le Seigneur. Et Simon-Pierre ayant appris que c'était le Seigneur, mit son habit (car il était nu), et il se jeta dans la mer. - Les autres disciples vinrent avec la barque ; et comme ils n'étaient loin de la mer que d'environ deux cents coudées, ils y tirèrent le filet plein de poissons. (Saint Jean, ch. XXI, v. de 1 à 8).

60.- Après cela, il les mena dehors, vers Béthanie ; et ayant levé les mains, il les bénit ; - et en les bénissant, il se sépara d'eux et fut enlevé au ciel.

Pour eux, après l'avoir adoré, ils s'en retournèrent à Jérusalem, remplis de joie ; - et ils étaient sans cesse dans le temple, louant et bénissant Dieu. Amen. (Saint Luc, ch. XXIV, v. de 50 à 53).

61.- Les apparitions de Jésus après sa mort sont rapportées par tous les évangélistes avec des détails circonstanciés qui ne permettent pas de douter de la réalité du fait. Elles s'expliquent, d'ailleurs, parfaitement par les lois fluidiques et les propriétés du périsprit, et ne présentent rien d'anomal avec les phénomènes du même genre dont l'histoire ancienne et contemporaine offre de nombreux exemples, sans en excepter la tangibilité. Si l'on observe les circonstances qui ont accompagné ses diverses apparitions, on reconnaît en lui, à ces moments, tous les caractères d'un être fluidique. Il paraît inopinément et disparaît de même : il est vu par les uns et non par les autres sous des apparences qui ne le font pas reconnaître même de ses disciples ; il se montre dans des endroits clos où un corps charnel n'aurait pu pénétrer ; son langage même n'a pas la verve de celui d'un être corporel ; il a le ton bref et sentencieux particulier aux Esprits qui se manifestent de cette manière ; toutes ses allures, en un mot, ont quelque chose qui n'est pas du monde terrestre. Sa vue cause à la fois de la surprise et de la crainte ; ses disciples, en le voyant, ne lui parlent pas avec la même liberté ; ils sentent que ce n'est plus l'homme.

Jésus s'est donc montré avec son corps périsprital, ce qui explique qu'il n'a été vu que par ceux à qui il a voulu se faire voir ; s'il avait eu son corps charnel, il aurait été vu par le premier venu, comme de son vivant. Ses disciples ignorant la cause première du phénomène des apparitions, ne se rendaient pas compte de ces particularités qu'ils ne remarquaient probablement pas ; ils voyaient Jésus et le touchaient, pour eux ce devait être son corps ressuscité (Chap. XIV, n° 14, et de 35 à 38).

62.- Alors que l'incrédulité rejette tous les faits accomplis par Jésus, ayant une apparence surnaturelle, et les considère, sans exception, comme légendaires, le Spiritisme donne de la plupart de ces faits une explication naturelle ; il en prouve la possibilité, non seulement par la théorie des lois fluidiques, mais par leur identité avec les faits analogues produits par une foule de personnes dans les conditions les plus vulgaires. Puisque ces faits sont en quelque sorte dans le domaine public, ils ne prouvent rien, en principe, touchant la nature exceptionnelle de Jésus[8].


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[8]Les nombreux faits contemporains de guérisons, apparitions, possessions, double vue et autres, qui sont relatés dans la Revue spirite, et rappelés dans les notes ci-dessus, offrent, jusque dans les circonstances de détail, une analogie si frappante avec ceux que rapporte l'Evangile, que la similitude des effets et des causes demeure évidente. On se demande donc pourquoi le même fait aurait une cause naturelle aujourd'hui, et surnaturelle jadis ; diabolique chez quelques-uns et divine chez d'autres. S'il eût été possible de les mettre ici en regard les uns des autres, la comparaison aurait été plus facile ; mais leur nombre et les développements que la plupart nécessitent ne l'ont pas permis.


63.- Le plus grand des miracles que Jésus a faits, celui qui atteste véritablement sa supériorité, c'est la révolution que ses enseignements ont opérée dans le monde, malgré l'exiguïté de ses moyens d'action.

En effet, Jésus, obscur, pauvre, né dans la condition la plus humble, chez un petit peuple presque ignoré et sans prépondérance politique, artistique ou littéraire, ne prêche que trois ans ; durant ce court espace de temps, il est méconnu et persécuté par ses concitoyens, calomnié, traité d'imposteur ; il est obligé de fuir pour ne pas être lapidé ; il est trahi par un de ses apôtres, renié par un autre, abandonné par tous au moment où il tombe entre les mains de ses ennemis. Il ne faisait que le bien, et cela ne le mettait pas à l'abri de la malveillance, qui tournait contre lui les services mêmes qu'il rendait. Condamné au supplice réservé aux criminels, il meurt ignoré du monde, car l'histoire contemporaine se tait sur son compte[9]. Il n'a rien écrit, et cependant, aidé de quelques hommes obscurs comme lui, sa parole a suffi pour régénérer le monde ; sa doctrine a tué le paganisme tout-puissant, et elle est devenue le flambeau de la civilisation. Il avait donc contre lui tout ce qui peut faire échouer les hommes, c'est pourquoi nous disons que le triomphe de sa doctrine est le plus grand de ses miracles, en même temps qu'elle prouve sa mission divine. Si, au lieu de principes sociaux et régénérateurs, fondés sur l'avenir spirituel de l'homme, il n'avait eu à offrir à la postérité que quelques faits merveilleux, à peine le connaîtrait-on peut-être de nom aujourd'hui.

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[9]L'historien juif Josèphe est le seul qui en parle, et il en dit très peu de chose.




DISPARITION DU CORPS DE JESUS

64.- La disparition du corps de Jésus après sa mort a été l'objet de nombreux commentaires ; elle est attestée par les quatre évangélistes, sur le récit des femmes qui se sont présentées au sépulcre le troisième jour, et ne l'y ont pas trouvé. Les uns ont vu dans cette disparition un fait miraculeux, d'autres ont supposé un enlèvement clandestin.

Selon une autre opinion, Jésus n'aurait point revêtu un corps charnel, mais seulement un corps fluidique ; il n'aurait été, durant toute sa vie, qu'une apparition tangible, en un mot, une sorte d'agénère. Sa naissance, sa mort et tous les actes matériels de sa vie n'auraient été qu'une apparence C'est ainsi, dit-on, que son corps, retourné à l'état fluide, a pu disparaître du sépulcre, et c'est avec ce même corps qu'il se serait montré après sa mort.

Sans doute, un pareil fait n'est pas radicalement impossible, d'après ce que l'on sait aujourd'hui sur les propriétés des fluides ; mais il serait au moins tout à fait exceptionnel et en opposition formelle avec le caractère des agénères (Chap. XIV, n° 36). La question est donc de savoir si une telle hypothèse est admissible, si elle est confirmée ou contredite par les faits.

65.- Le séjour de Jésus sur la terre présente deux périodes : celle qui a précédé et celle qui a suivi sa mort. Dans la première, depuis le moment de la conception jusqu'à la naissance, tout se passe, chez la mère, comme dans les conditions ordinaires de la vie[10]. Depuis sa naissance jusqu'à sa mort, tout, dans ses actes, dans son langage et dans les diverses circonstances de sa vie, présente les caractères non équivoques de la corporéité. Les phénomènes de l'ordre psychique qui se produisent en lui sont accidentels, et n'ont rien d'anomal, puisqu'ils s'expliquent par les propriétés du périsprit, et se rencontrent à différents degrés chez d'autres individus. Après sa mort, au contraire, tout en lui révèle l'être fluidique. La différence entre les deux états est tellement tranchée, qu'il n'est pas possible de les assimiler.

Le corps charnel a les propriétés inhérentes à la matière proprement dite et qui diffèrent essentiellement de celles des fluides éthérés ; la désorganisation s'y opère par la rupture de la cohésion moléculaire. Un instrument tranchant, pénétrant dans le corps matériel, en divise les tissus ; si les organes essentiels à la vie sont attaqués, leur fonctionnement s'arrête, et la mort s'ensuit, c'est-à-dire la mort du corps. Cette cohésion n'existant pas dans les corps fluidiques, la vie ne repose pas sur le jeu d'organes spéciaux, et il ne peut s'y produire des désordres analogues ; un instrument tranchant, ou tout autre, y pénètre comme dans une vapeur, sans y occasionner aucune lésion. Voilà pourquoi ces sortes de corps ne peuvent pas mourir, et pourquoi les êtres fluidiques désignés sous le nom d'agénères ne peuvent être tués.

Après le supplice de Jésus, son corps resta là, inerte et sans vie ; il fut enseveli comme les corps ordinaires, et chacun put le voir et le toucher. Après sa résurrection, lorsqu'il veut quitter la terre, il ne meurt pas ; son corps s'élève, s'évanouit et disparaît, sans laisser aucune trace, preuve évidente que ce corps était d'une autre nature que celui qui périt sur la croix ; d'où il faut conclure que si Jésus a pu mourir, c'est qu'il avait un corps charnel.

Par suite de ses propriétés matérielles, le corps charnel est le siège des sensations et des douleurs physiques qui se répercutent dans le centre sensitif ou Esprit. Ce n'est pas le corps qui souffre, c'est l'Esprit qui reçoit le contre-coup des lésions ou altérations des tissus organiques. Dans un corps privé de l'Esprit, la sensation est absolument nulle ; par la même raison, l'Esprit, qui n'a point de corps matériel, ne peut éprouver les souffrances qui sont le résultat de l'altération de la matière, d'où il faut également conclure que si Jésus a souffert matériellement, comme on n'en saurait douter, c'est qu'il avait un corps matériel d'une nature semblable à ceux de tout le monde.


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[10]Nous ne parlons pas du mystère de l'incarnation, dont nous n'avons pas à nous occuper ici, et qui sera examiné ultérieurement.

66.- Aux faits matériels viennent s'ajouter des considérations morales toutes puissantes.

Si Jésus avait été, durant sa vie, dans les conditions des êtres fluidiques, il n'aurait éprouvé ni la douleur, ni aucun des besoins du corps ; supposer qu'il en a été ainsi, c'est lui ôter tout le mérite de la vie de privations et de souffrances qu'il avait choisie comme exemple de résignation. Si tout en lui n'était qu'apparence, tous les actes de sa vie, l'annonce réitérée de sa mort, la scène douloureuse du jardin des Oliviers, sa prière à Dieu d'écarter le calice de ses lèvres, sa passion, son agonie, tout, jusqu'à son dernier cri au moment de rendre l'Esprit, n'aurait été qu'un vain simulacre pour donner le change sur sa nature et faire croire au sacrifice illusoire de sa vie, une comédie indigne d'un simple honnête homme, à plus forte raison d'un être aussi supérieur ; en un mot, il aurait abusé de la bonne foi de ses contemporains et de la postérité. Telles sont les conséquences logiques de ce système, conséquences qui ne sont pas admissibles, car c'est l'abaisser moralement, au lieu de l'élever.

Jésus a donc eu, comme tout le monde, un corps charnel et un corps fluidique, ce qu'attestent les phénomènes matériels et les phénomènes psychiques qui ont signalé sa vie.


67.- Cette idée sur la nature du corps de Jésus n'est pas nouvelle. Au quatrième siècle, Apollinaire, de Laodicée, chef de la secte des Apollinaristes, prétendait que Jésus n'avait point pris un corps comme le nôtre, mais un corps impassible qui était descendu du ciel dans le sein de la sainte Vierge, et n'était pas né d'elle ; qu'ainsi Jésus n'était né, n'avait souffert et n'était mort qu'en apparence. Les apollinaristes furent anathématisés au concile d'Alexandrie en 360, dans celui de Rome en 374, et dans celui de Constantinople en 381.

Les Docètes (du grec dokein, paraître), secte nombreuse des Gnostiques, qui subsista pendant les trois premiers siècles, avaient la même croyance.



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