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REVUE SPIRITE JOURNAL D'ETUDES PSYCHOLOGIQUES - 1861 > Juillet
Juillet
Essai sur la théorie de l'hallucination
Ceux qui n'admettent pas le monde incorporel et
invisible croient tout expliquer par le mot hallucination. La définition de ce
mot est connue ; c'est une erreur, une illusion d'une personne qui
croit avoir des perceptions qu'elle n'a pas réellement (Académie. Du latin
hallucinari, errer ; fait de ad lucem) ; mais les savants n'en ont
point encore, que nous sachions, donné la raison physiologique. L'optique et la
physiologie ne paraissent plus avoir de secrets pour eux ; comment se
fait-il qu'ils n'aient point encore expliqué la source des images qui s'offrent
à l'esprit en certaines circonstances ? Que ce soit réel ou non,
l'halluciné voit quelque chose ; dira-t-on qu'il croit voir, mais qu'il ne
voit rien ? cela n'est pas probable. Dites, si vous le voulez, que c'est
une image fantastique, soit ; mais quelle est la source de cette image,
comment se forme-t-elle, comment se réfléchit-elle dans son cerveau ?
voilà ce que vous ne dites pas. Assurément, quand il croit voir le diable avec
ses cornes et ses griffes, les flammes de l'enfer, des animaux fabuleux qui
n'existent pas, la lune et le soleil qui se battent, il est évident qu'il n'y a
là aucune réalité ; mais si c'est un jeu de son imagination, comment se
fait-il qu'il décrive ces choses comme si elles étaient présentes ? Il y a
donc devant lui un tableau, une fantasmagorie quelconque ; quelle est
alors la glace sur laquelle se peint cette image ? Quelle est la cause qui
donne à cette image la forme, la couleur et le mouvement ? C'est ce dont
nous avons vainement cherché la solution dans la science. Puisque les savants
veulent tout expliquer par les lois de la matière, qu'ils donnent donc, par ces
lois, une théorie de l'hallucination ; bonne ou mauvaise, ce sera toujours
une explication.
Les faits prouvent qu'il y a de véritables apparitions dont la théorie spirite rend parfaitement compte, et que peuvent seuls nier ceux qui n'admettent rien en dehors du monde visible ; mais, à côté des visions réelles, y a-t-il des hallucinations dans le sens attaché à ce mot ? Cela n'est pas douteux ; l'essentiel est de déterminer les caractères qui peuvent les faire distinguer des apparitions réelles. Quelle en est la source ? Ce sont les Esprits qui vont nous mettre sur la voie, car l'explication nous semble tout entière dans la réponse faite à la question suivante :
Peut-on considérer comme des apparitions les figures et autres images qui se présentent souvent dans le premier sommeil ou simplement quand on ferme les yeux ?
« Dès que les sens s'engourdissent, l'Esprit se dégage, et peut voir au loin ou de près ce qu'il ne pourrait voir avec ses yeux. Ces images sont quelquefois des visions, mais elles peuvent être aussi un effet des impressions que la vue de certains objets a laissées dans le cerveau qui en conserve des traces comme il conserve celle des sons. L'Esprit dégagé voit alors dans son propre cerveau ces empreintes qui s'y sont fixées comme sur une plaque de daguerréotype. Leur variété et leur mélange forment des ensembles bizarres et fugitifs qui s'effacent presque aussitôt, malgré les efforts que l'on fait pour les retenir. C'est à une cause semblable qu'il faut attribuer certaines apparitions fantastiques qui n'ont rien de réel, et qui se produisent souvent dans l'état de maladie. »
Il est reconnu que la mémoire est le résultat des empreintes conservées par le cerveau. Par quel singulier phénomène ces empreintes si variées, si multipliées ne se confondent-elles pas ? C'est là un mystère impénétrable, mais qui n'est pas plus étrange que celui des ondulations sonores qui se croisent dans l'air et n'en restent pas moins distinctes. Dans un cerveau sain et bien organisé, ces empreintes sont nettes et précises ; dans des conditions moins favorables, elles s'effacent ou se confondent, comme font les empreintes d'un cachet sur une substance trop solide ou trop fluide ; de là la perte de la mémoire ou la confusion des idées. Cela paraît moins extraordinaire, si l'on admet, comme en phrénologie, une destination spéciale à chaque partie, et même à chaque fibre du cerveau.
Les images arrivées au cerveau par les yeux y laissent donc une empreinte qui fait qu'on se souvient d'un tableau comme si on l'avait devant soi ; il en est de même de l'impression des sons, des odeurs, des saveurs, des mots, des nombres, etc. Selon que les fibres, organes destinés à la réception et à la transmission de ces empreintes, sont aptes à les conserver, on a la mémoire des formes, des couleurs, de la musique, des nombres, des langues, etc. Lorsqu'on se représente une scène que l'on a vue, ce n'est qu'une affaire de mémoire, car en réalité on ne voit pas ; mais, dans un certain état d'émancipation, l'âme voit dans le cerveau et y retrouve ces images, celles surtout qui ont le plus frappé selon la nature des préoccupations ou des dispositions de l'esprit ; elle y retrouve l'empreinte des scènes religieuses, diaboliques, dramatiques ou autres qu'elle a vues à une autre époque en peinture, en action, en lectures ou en récits, car les récits laissent aussi des empreintes. Ainsi l'âme voit réellement quelque chose : c'est l'image en quelque sorte daguerréotypée dans le cerveau. Dans l'état normal, ces images sont fugitives et éphémères, parce que toutes les parties cérébrales fonctionnent librement ; mais dans l'état de maladie, le cerveau est toujours plus ou moins affaibli ; l'équilibre n'existe plus entre tous les organes ; quelques-uns seulement conservent leur activité, tandis que d'autres sont en quelque sorte paralysés ; de là la permanence de certaines images qui ne sont plus effacées, comme dans l'état normal, par les préoccupations de la vie extérieure ; c'est là la véritable hallucination, la source première des idées fixes. L'idée fixe est le souvenir exclusif d'une impression ; l'hallucination est la vue rétrospective par l'âme d'une image empreinte dans le cerveau.
Comme on le voit, nous avons rendu compte de cette anomalie apparente par une loi toute physiologique bien connue, celle des empreintes cérébrales ; mais il nous a toujours fallu faire intervenir l'âme, avec ses facultés distinctes de la matière ; or, si les matérialistes n'ont pu encore donner une solution rationnelle de ce phénomène, c'est qu'ils ne veulent pas admettre l'âme, et qu'avec le matérialisme pur il est inexplicable ; aussi diront-ils que notre explication est mauvaise, parce que nous faisons intervenir un agent contesté ; contesté par qui ? par eux, mais admis par l'immense majorité depuis qu'il y a des hommes sur la terre, et la négation de quelques-uns ne peut faire loi.
Notre explication est-elle bonne ? Nous la donnons pour ce qu'elle peut valoir à défaut d'autres, et si l'on veut, à titre d'hypothèse, en attendant mieux ; elle a au moins l'avantage de donner à l'hallucination une base, un corps, une raison d'être ; tandis que, quand les physiologistes ont prononcé leurs mots sacramentels de surexcitation, d'exaltation, d'effets de l'imagination, ils n'ont rien dit, ou n'ont pas tout dit, parce qu'ils n'ont pas observé toutes les phases du phénomène.
L'imagination joue aussi un rôle qu'il faut distinguer de l'hallucination proprement dite, quoique ces deux causes soient souvent réunies ; elle prête à certains objets des formes qu'ils n'ont pas, comme elle fait voir une figure dans la lune ou des animaux dans les nuages. On sait que, dans l'obscurité, les objets revêtent des apparences bizarres, faute de pouvoir en distinguer toutes les parties, et parce que les contours n'en sont pas nettement accusés ; que de fois, la nuit, dans une chambre, un vêtement accroché, un vague reflet lumineux, n'ont-ils pas semblé avoir une forme humaine aux yeux des personnes qui sont le plus de sang-froid ? Si la peur s'y joint, ou une crédulité exagérée, l'imagination fait le reste. On comprend, d'après cela, que l'imagination puisse altérer la réalité des images perçues pendant l'hallucination et leur prêter des formes fantastiques.
Les véritables apparitions ont un caractère qui, pour un observateur expérimenté, ne permet pas de les confondre avec les effets que nous venons de citer. Comme elles peuvent avoir lieu en plein jour, on doit se défier de celles qu'on croit voir la nuit, dans la crainte d'être dupe d'une illusion d'optique. Il en est d'ailleurs des apparitions comme de tous les autres phénomènes spirites, le caractère intelligent est la meilleure preuve de leur réalité. Toute apparition qui ne donne aucun signe intelligent, peut hardiment être mise an rang des illusions. MM. les matérialistes doivent voir que nous leur faisons la part très large.
Telle qu'elle est, notre explication rend-elle raison de tous les cas de vision ? Certainement non, et nous mettons tous les physiologistes au défi d'en donner une seule, à leur point de vue exclusif, qui les résolve tous ; donc, si toutes les théories de l'hallucination sont insuffisantes pour expliquer tous les faits, c'est qu'il y a autre chose que l'hallucination proprement dite, et ce quelque chose n'a sa solution que dans la théorie Spirite qui les renferme tous. En effet, si l'on examine avec soin certains cas de visions très fréquents, on verra qu'il est impossible de leur attribuer la même origine qu'à l'hallucination. En cherchant à donner de celle-ci une explication probable, nous avons voulu montrer en quoi elle diffère de l'apparition. Dans l'un et l'autre cas, c'est toujours l'âme qui voit et non les yeux ; dans le premier, elle voit une image intérieure, et dans le second une chose extérieure, si l'on peut s'exprimer ainsi. Lorsqu'une personne absente, à laquelle on ne songe nullement, que l'on croit en très bonne santé, se présente spontanément alors qu'on est parfaitement éveillé, et vient révéler les particularités de sa mort, qui a lieu à ce moment même, et dont, par conséquent, on ne pouvait avoir connaissance, on ne peut attribuer le fait ni à un souvenir, ni à la préoccupation de l'esprit. En supposant que l'on eût des appréhensions sur la vie de cette personne, il resterait encore à expliquer la coïncidence du moment de la mort avec l'apparition, et surtout les circonstances de la mort, choses que l'on ne peut ni connaître ni prévoir. On peut donc ranger parmi les hallucinations les visions fantastiques qui n'ont rien de réel, mais il n'en est pas de même de celles qui révèlent des actualités positives, confirmées par les événements ; les expliquer par les mêmes causes serait absurde, et il serait plus absurde encore de les attribuer au hasard, cette raison suprême de ceux qui n'ont rien à dire. Le Spiritisme seul peut en donner raison par la double théorie du périsprit et de l'émancipation de l'âme ; mais comment croire à l'action de l'âme quand on n'admet pas l'âme ?
En ne tenant aucun compte de l'élément spirituel, la science se trouve dans l'impuissance de résoudre une foule de phénomènes, et tombe dans l'absurde en voulant tout rapporter à l'élément matériel. C'est en médecine surtout que l'élément spirituel joue un rôle important ; quand les médecins en tiendront compte, ils se fourvoieront moins souvent qu'ils ne le font ; ils y puiseront une lumière qui les guidera plus sûrement dans le diagnostic et dans le traitement des maladies. C'est ce qu'on peut constater dès à présent dans la pratique des médecins spirites dont le nombre s'augmente tous les jours. L'hallucination ayant une cause physiologique, ils trouveront, nous en sommes certains, le moyen de la combattre. Nous en connaissons un qui, grâce au Spiritisme, est sur la voie de découvertes de la plus haute portée, parce qu'il lui a fait connaître la véritable cause de certaines affections rebelles à la médecine matérialiste.
Le phénomène de l'apparition peut se produire de deux manières : ou c'est l'Esprit qui vient trouver la personne qui voit ; ou c'est l'Esprit de celle-ci qui se transporte et va trouver l'autre. Les deux exemples suivants nous semblent parfaitement caractériser les deux cas.
Un de nos collègues nous racontait dernièrement qu'un officier de ses amis, étant en Afrique, eut tout à coup devant lui le tableau d'un convoi funèbre : c'était celui d'un de ses oncles qui habitait en France, et qu'il n'avait pas vu depuis longtemps. Il vit distinctement toute la cérémonie depuis la sortie de la maison mortuaire, à l'église, et le transport au cimetière ; il remarqua même diverses particularités dont il ne pouvait avoir l'idée. A ce moment il était éveillé, et pourtant dans un certain état d'absorption dont il ne sortit que lorsque tout eut disparu. Frappé de cette circonstance, il écrivit en France pour avoir des nouvelles de son oncle, et apprit que celui-ci, étant mort subitement, avait été enterré le jour et à l'heure où l'apparition avait eu lieu, et avec les particularités qu'il avait vues. Il est évident que, dans ce cas, ce n'est pas le convoi qui est venu le trouver, mais lui qui est allé trouver le convoi, dont il a eu la perception par un effet de seconde vue.
Un médecin de notre connaissance, M. Félix Mallo, avait donné des soins à une jeune femme ; mais, ayant jugé que l'air de Paris lui était contraire, il lui conseilla d'aller passer quelque temps dans sa famille, en province, ce qu'elle fit. Depuis six mois il n'en avait plus entendu parler et n'y pensait plus, lorsqu'un soir, vers dix heures, étant dans sa chambre à coucher, il entendit frapper à la porte de son cabinet de consultation. Croyant qu'on venait l'appeler pour un malade, il dit d'entrer ; mais il fut fort surpris de voir devant lui la jeune femme en question, pâle, dans le costume qu'il lui avait connu, et qui lui dit avec un très grand sang-froid : « Monsieur Mallo, je viens vous dire que je suis morte ; » puis elle disparut. Le médecin, s'étant assuré qu'il était bien éveillé et que personne n'était entré, fit prendre des informations, et il sut que cette jeune femme était morte le soir même où elle lui était apparue. Ici, c'est bien l'Esprit de la femme qui était venu le trouver. Les incrédules ne manqueront pas de dire que le médecin pouvait être préoccupé de la santé de son ancienne malade, et qu'il n'y a rien d'étonnant à ce qu'il prévît sa mort ; soit ; mais, qu'ils expliquent le fait de la coïncidence de son apparition avec le moment de sa mort, alors que depuis plusieurs mois le médecin n'en avait pas entendu parler. En supposant même qu'il ait cru à l'impossibilité d'une guérison, pouvait-il prévoir qu'elle mourrait à tel jour et à telle heure ? Nous devons ajouter que ce n'est pas un homme à se frapper l'imagination.
Voici un autre fait non moins caractéristique et qu'on ne saurait attribuer à une prévision quelconque. Un de nos sociétaires, officier de marine, était en mer, lorsqu'il vit son père et son frère jetés en bas d'une voiture ; le père tué et le frère sans aucun mal. Quinze jours après, étant débarqué en France, ses amis cherchèrent à le préparer à recevoir une triste nouvelle. - Ne prenez pas tant de précautions, leur dit-il, je sais ce que vous voulez me dire : Mon père est mort ; il y a quinze jours que je le sais. En effet, son père et son frère, étant à Paris, descendaient les Champs-Élysées en voiture, le cheval s'emporta, la voiture fut brisée, le père tué et le frère en fut quitte pour quelques contusions. Ces faits sont positifs, actuels, et l'on ne dira pas que ce sont des légendes du moyen âge. Que chacun recueille ses souvenirs, et l'on verra qu'ils sont plus fréquents qu'on ne croit. Nous demandons s'ils ont aucun des caractères de l'hallucination. Nous demandons également aux matérialistes de donner une explication du fait relaté dans l'article suivant.
Les faits prouvent qu'il y a de véritables apparitions dont la théorie spirite rend parfaitement compte, et que peuvent seuls nier ceux qui n'admettent rien en dehors du monde visible ; mais, à côté des visions réelles, y a-t-il des hallucinations dans le sens attaché à ce mot ? Cela n'est pas douteux ; l'essentiel est de déterminer les caractères qui peuvent les faire distinguer des apparitions réelles. Quelle en est la source ? Ce sont les Esprits qui vont nous mettre sur la voie, car l'explication nous semble tout entière dans la réponse faite à la question suivante :
Peut-on considérer comme des apparitions les figures et autres images qui se présentent souvent dans le premier sommeil ou simplement quand on ferme les yeux ?
« Dès que les sens s'engourdissent, l'Esprit se dégage, et peut voir au loin ou de près ce qu'il ne pourrait voir avec ses yeux. Ces images sont quelquefois des visions, mais elles peuvent être aussi un effet des impressions que la vue de certains objets a laissées dans le cerveau qui en conserve des traces comme il conserve celle des sons. L'Esprit dégagé voit alors dans son propre cerveau ces empreintes qui s'y sont fixées comme sur une plaque de daguerréotype. Leur variété et leur mélange forment des ensembles bizarres et fugitifs qui s'effacent presque aussitôt, malgré les efforts que l'on fait pour les retenir. C'est à une cause semblable qu'il faut attribuer certaines apparitions fantastiques qui n'ont rien de réel, et qui se produisent souvent dans l'état de maladie. »
Il est reconnu que la mémoire est le résultat des empreintes conservées par le cerveau. Par quel singulier phénomène ces empreintes si variées, si multipliées ne se confondent-elles pas ? C'est là un mystère impénétrable, mais qui n'est pas plus étrange que celui des ondulations sonores qui se croisent dans l'air et n'en restent pas moins distinctes. Dans un cerveau sain et bien organisé, ces empreintes sont nettes et précises ; dans des conditions moins favorables, elles s'effacent ou se confondent, comme font les empreintes d'un cachet sur une substance trop solide ou trop fluide ; de là la perte de la mémoire ou la confusion des idées. Cela paraît moins extraordinaire, si l'on admet, comme en phrénologie, une destination spéciale à chaque partie, et même à chaque fibre du cerveau.
Les images arrivées au cerveau par les yeux y laissent donc une empreinte qui fait qu'on se souvient d'un tableau comme si on l'avait devant soi ; il en est de même de l'impression des sons, des odeurs, des saveurs, des mots, des nombres, etc. Selon que les fibres, organes destinés à la réception et à la transmission de ces empreintes, sont aptes à les conserver, on a la mémoire des formes, des couleurs, de la musique, des nombres, des langues, etc. Lorsqu'on se représente une scène que l'on a vue, ce n'est qu'une affaire de mémoire, car en réalité on ne voit pas ; mais, dans un certain état d'émancipation, l'âme voit dans le cerveau et y retrouve ces images, celles surtout qui ont le plus frappé selon la nature des préoccupations ou des dispositions de l'esprit ; elle y retrouve l'empreinte des scènes religieuses, diaboliques, dramatiques ou autres qu'elle a vues à une autre époque en peinture, en action, en lectures ou en récits, car les récits laissent aussi des empreintes. Ainsi l'âme voit réellement quelque chose : c'est l'image en quelque sorte daguerréotypée dans le cerveau. Dans l'état normal, ces images sont fugitives et éphémères, parce que toutes les parties cérébrales fonctionnent librement ; mais dans l'état de maladie, le cerveau est toujours plus ou moins affaibli ; l'équilibre n'existe plus entre tous les organes ; quelques-uns seulement conservent leur activité, tandis que d'autres sont en quelque sorte paralysés ; de là la permanence de certaines images qui ne sont plus effacées, comme dans l'état normal, par les préoccupations de la vie extérieure ; c'est là la véritable hallucination, la source première des idées fixes. L'idée fixe est le souvenir exclusif d'une impression ; l'hallucination est la vue rétrospective par l'âme d'une image empreinte dans le cerveau.
Comme on le voit, nous avons rendu compte de cette anomalie apparente par une loi toute physiologique bien connue, celle des empreintes cérébrales ; mais il nous a toujours fallu faire intervenir l'âme, avec ses facultés distinctes de la matière ; or, si les matérialistes n'ont pu encore donner une solution rationnelle de ce phénomène, c'est qu'ils ne veulent pas admettre l'âme, et qu'avec le matérialisme pur il est inexplicable ; aussi diront-ils que notre explication est mauvaise, parce que nous faisons intervenir un agent contesté ; contesté par qui ? par eux, mais admis par l'immense majorité depuis qu'il y a des hommes sur la terre, et la négation de quelques-uns ne peut faire loi.
Notre explication est-elle bonne ? Nous la donnons pour ce qu'elle peut valoir à défaut d'autres, et si l'on veut, à titre d'hypothèse, en attendant mieux ; elle a au moins l'avantage de donner à l'hallucination une base, un corps, une raison d'être ; tandis que, quand les physiologistes ont prononcé leurs mots sacramentels de surexcitation, d'exaltation, d'effets de l'imagination, ils n'ont rien dit, ou n'ont pas tout dit, parce qu'ils n'ont pas observé toutes les phases du phénomène.
L'imagination joue aussi un rôle qu'il faut distinguer de l'hallucination proprement dite, quoique ces deux causes soient souvent réunies ; elle prête à certains objets des formes qu'ils n'ont pas, comme elle fait voir une figure dans la lune ou des animaux dans les nuages. On sait que, dans l'obscurité, les objets revêtent des apparences bizarres, faute de pouvoir en distinguer toutes les parties, et parce que les contours n'en sont pas nettement accusés ; que de fois, la nuit, dans une chambre, un vêtement accroché, un vague reflet lumineux, n'ont-ils pas semblé avoir une forme humaine aux yeux des personnes qui sont le plus de sang-froid ? Si la peur s'y joint, ou une crédulité exagérée, l'imagination fait le reste. On comprend, d'après cela, que l'imagination puisse altérer la réalité des images perçues pendant l'hallucination et leur prêter des formes fantastiques.
Les véritables apparitions ont un caractère qui, pour un observateur expérimenté, ne permet pas de les confondre avec les effets que nous venons de citer. Comme elles peuvent avoir lieu en plein jour, on doit se défier de celles qu'on croit voir la nuit, dans la crainte d'être dupe d'une illusion d'optique. Il en est d'ailleurs des apparitions comme de tous les autres phénomènes spirites, le caractère intelligent est la meilleure preuve de leur réalité. Toute apparition qui ne donne aucun signe intelligent, peut hardiment être mise an rang des illusions. MM. les matérialistes doivent voir que nous leur faisons la part très large.
Telle qu'elle est, notre explication rend-elle raison de tous les cas de vision ? Certainement non, et nous mettons tous les physiologistes au défi d'en donner une seule, à leur point de vue exclusif, qui les résolve tous ; donc, si toutes les théories de l'hallucination sont insuffisantes pour expliquer tous les faits, c'est qu'il y a autre chose que l'hallucination proprement dite, et ce quelque chose n'a sa solution que dans la théorie Spirite qui les renferme tous. En effet, si l'on examine avec soin certains cas de visions très fréquents, on verra qu'il est impossible de leur attribuer la même origine qu'à l'hallucination. En cherchant à donner de celle-ci une explication probable, nous avons voulu montrer en quoi elle diffère de l'apparition. Dans l'un et l'autre cas, c'est toujours l'âme qui voit et non les yeux ; dans le premier, elle voit une image intérieure, et dans le second une chose extérieure, si l'on peut s'exprimer ainsi. Lorsqu'une personne absente, à laquelle on ne songe nullement, que l'on croit en très bonne santé, se présente spontanément alors qu'on est parfaitement éveillé, et vient révéler les particularités de sa mort, qui a lieu à ce moment même, et dont, par conséquent, on ne pouvait avoir connaissance, on ne peut attribuer le fait ni à un souvenir, ni à la préoccupation de l'esprit. En supposant que l'on eût des appréhensions sur la vie de cette personne, il resterait encore à expliquer la coïncidence du moment de la mort avec l'apparition, et surtout les circonstances de la mort, choses que l'on ne peut ni connaître ni prévoir. On peut donc ranger parmi les hallucinations les visions fantastiques qui n'ont rien de réel, mais il n'en est pas de même de celles qui révèlent des actualités positives, confirmées par les événements ; les expliquer par les mêmes causes serait absurde, et il serait plus absurde encore de les attribuer au hasard, cette raison suprême de ceux qui n'ont rien à dire. Le Spiritisme seul peut en donner raison par la double théorie du périsprit et de l'émancipation de l'âme ; mais comment croire à l'action de l'âme quand on n'admet pas l'âme ?
En ne tenant aucun compte de l'élément spirituel, la science se trouve dans l'impuissance de résoudre une foule de phénomènes, et tombe dans l'absurde en voulant tout rapporter à l'élément matériel. C'est en médecine surtout que l'élément spirituel joue un rôle important ; quand les médecins en tiendront compte, ils se fourvoieront moins souvent qu'ils ne le font ; ils y puiseront une lumière qui les guidera plus sûrement dans le diagnostic et dans le traitement des maladies. C'est ce qu'on peut constater dès à présent dans la pratique des médecins spirites dont le nombre s'augmente tous les jours. L'hallucination ayant une cause physiologique, ils trouveront, nous en sommes certains, le moyen de la combattre. Nous en connaissons un qui, grâce au Spiritisme, est sur la voie de découvertes de la plus haute portée, parce qu'il lui a fait connaître la véritable cause de certaines affections rebelles à la médecine matérialiste.
Le phénomène de l'apparition peut se produire de deux manières : ou c'est l'Esprit qui vient trouver la personne qui voit ; ou c'est l'Esprit de celle-ci qui se transporte et va trouver l'autre. Les deux exemples suivants nous semblent parfaitement caractériser les deux cas.
Un de nos collègues nous racontait dernièrement qu'un officier de ses amis, étant en Afrique, eut tout à coup devant lui le tableau d'un convoi funèbre : c'était celui d'un de ses oncles qui habitait en France, et qu'il n'avait pas vu depuis longtemps. Il vit distinctement toute la cérémonie depuis la sortie de la maison mortuaire, à l'église, et le transport au cimetière ; il remarqua même diverses particularités dont il ne pouvait avoir l'idée. A ce moment il était éveillé, et pourtant dans un certain état d'absorption dont il ne sortit que lorsque tout eut disparu. Frappé de cette circonstance, il écrivit en France pour avoir des nouvelles de son oncle, et apprit que celui-ci, étant mort subitement, avait été enterré le jour et à l'heure où l'apparition avait eu lieu, et avec les particularités qu'il avait vues. Il est évident que, dans ce cas, ce n'est pas le convoi qui est venu le trouver, mais lui qui est allé trouver le convoi, dont il a eu la perception par un effet de seconde vue.
Un médecin de notre connaissance, M. Félix Mallo, avait donné des soins à une jeune femme ; mais, ayant jugé que l'air de Paris lui était contraire, il lui conseilla d'aller passer quelque temps dans sa famille, en province, ce qu'elle fit. Depuis six mois il n'en avait plus entendu parler et n'y pensait plus, lorsqu'un soir, vers dix heures, étant dans sa chambre à coucher, il entendit frapper à la porte de son cabinet de consultation. Croyant qu'on venait l'appeler pour un malade, il dit d'entrer ; mais il fut fort surpris de voir devant lui la jeune femme en question, pâle, dans le costume qu'il lui avait connu, et qui lui dit avec un très grand sang-froid : « Monsieur Mallo, je viens vous dire que je suis morte ; » puis elle disparut. Le médecin, s'étant assuré qu'il était bien éveillé et que personne n'était entré, fit prendre des informations, et il sut que cette jeune femme était morte le soir même où elle lui était apparue. Ici, c'est bien l'Esprit de la femme qui était venu le trouver. Les incrédules ne manqueront pas de dire que le médecin pouvait être préoccupé de la santé de son ancienne malade, et qu'il n'y a rien d'étonnant à ce qu'il prévît sa mort ; soit ; mais, qu'ils expliquent le fait de la coïncidence de son apparition avec le moment de sa mort, alors que depuis plusieurs mois le médecin n'en avait pas entendu parler. En supposant même qu'il ait cru à l'impossibilité d'une guérison, pouvait-il prévoir qu'elle mourrait à tel jour et à telle heure ? Nous devons ajouter que ce n'est pas un homme à se frapper l'imagination.
Voici un autre fait non moins caractéristique et qu'on ne saurait attribuer à une prévision quelconque. Un de nos sociétaires, officier de marine, était en mer, lorsqu'il vit son père et son frère jetés en bas d'une voiture ; le père tué et le frère sans aucun mal. Quinze jours après, étant débarqué en France, ses amis cherchèrent à le préparer à recevoir une triste nouvelle. - Ne prenez pas tant de précautions, leur dit-il, je sais ce que vous voulez me dire : Mon père est mort ; il y a quinze jours que je le sais. En effet, son père et son frère, étant à Paris, descendaient les Champs-Élysées en voiture, le cheval s'emporta, la voiture fut brisée, le père tué et le frère en fut quitte pour quelques contusions. Ces faits sont positifs, actuels, et l'on ne dira pas que ce sont des légendes du moyen âge. Que chacun recueille ses souvenirs, et l'on verra qu'ils sont plus fréquents qu'on ne croit. Nous demandons s'ils ont aucun des caractères de l'hallucination. Nous demandons également aux matérialistes de donner une explication du fait relaté dans l'article suivant.
Une apparition providentielle
On lit dans l'Oxford Chronicle du 1° juin 1861 :
« En 1828, un navire qui faisait les voyages de Liverpool à New-Brunswick avait pour second un M. Robert Bruce. Étant près des bancs de Newfoundland, le capitaine et le second calculaient un jour leur route, le premier dans sa cabine et l'autre dans la chambre à côté ; les deux pièces étaient disposées de manière que l'on pouvait se voir et se parler de l'une à l'autre. Bruce, absorbé dans son travail, ne s'aperçut pas que le capitaine était monté sur le pont ; sans regarder, il lui dit : Je trouve telle longitude ; comment est la vôtre ? Ne recevant pas de réponse, il répète sa question, mais inutilement. Il s'avance alors vers la porte de la cabine et voit un homme assis à la place du capitaine et écrivant sur son ardoise. L'individu se retourne, regarde Bruce fixement, et celui-ci, terrifié, s'élance sur le pont.
« En 1828, un navire qui faisait les voyages de Liverpool à New-Brunswick avait pour second un M. Robert Bruce. Étant près des bancs de Newfoundland, le capitaine et le second calculaient un jour leur route, le premier dans sa cabine et l'autre dans la chambre à côté ; les deux pièces étaient disposées de manière que l'on pouvait se voir et se parler de l'une à l'autre. Bruce, absorbé dans son travail, ne s'aperçut pas que le capitaine était monté sur le pont ; sans regarder, il lui dit : Je trouve telle longitude ; comment est la vôtre ? Ne recevant pas de réponse, il répète sa question, mais inutilement. Il s'avance alors vers la porte de la cabine et voit un homme assis à la place du capitaine et écrivant sur son ardoise. L'individu se retourne, regarde Bruce fixement, et celui-ci, terrifié, s'élance sur le pont.
- Capitaine, dit-il dès qu'il eut rejoint ce
dernier, qui donc est à votre bureau en ce moment dans votre cabine ?
-
Mais personne, je présume. - Je vous certifie qu'il y a un étranger.
- Un
étranger ! Vous rêvez, monsieur Bruce ; qui oserait se mettre à mon
bureau sans mes ordres ? Vous avez peut-être vu le contremaître ou
l'intendant.
- Monsieur, c'est un homme assis dans votre fauteuil et qui écrit
sur votre ardoise. Il m'a regardé en face, et je l'ai vu distinctement ou je
n'ai jamais vu personne en ce monde.
- Lui ! qui ? - Dieu le sait, monsieur !
J'ai vu cet étranger que, de ma vie, je n'ai jamais vu autre part.
- Vous
devenez fou, monsieur Bruce ; un étranger ! et voilà six semaines que
nous sommes en mer. - Je le sais, et cependant je l'ai vu.
- Eh bien !
allez voir qui c'est.
- Capitaine, vous savez que je ne suis pas poltron ;
je ne crois pas aux revenants ; cependant j'avoue que je ne tiens pas à le
voir seul en face ; j'aimerais que nous y allions tous les deux. Le
capitaine descendit le premier, mais ne trouva personne.
- Vous voyez bien,
dit-il, que vous avez rêvé. Je ne sais comment cela se fait, mais je vous jure
qu'il était là tout à l'heure et qu'il écrivait sur votre ardoise.
- En ce cas
il doit y avoir quelque chose d'écrit. Il prit l'ardoise, et lut ces
mots : Gouvernez au nord-ouest. Ayant fait écrire les mêmes mots par Bruce
et par tous les hommes de l'équipage sachant écrire, il constata que l'écriture
ne ressemblait à celle d'aucun d'eux. On chercha dans tous les coins du navire
et l'on ne découvrit aucun étranger. Le capitaine, s'étant consulté pour savoir
s'il devait suivre cet avis mystérieux, se décida à changer de direction et
navigua vers le Nord-Ouest, après avoir placé en vigie un homme sûr. Vers les
trois heures un glaçon fut signalé, puis un navire démâté sur lequel on voyait
plusieurs hommes. En approchant de plus près on sut que le navire était brisé,
les provisions épuisées, l'équipage et les passagers affamés. On envoya des
embarcations pour les recueillir ; mais au moment où ils arrivaient à
bord, M. Bruce, à sa grande stupéfaction, reconnut parmi les naufragés l'homme
qu'il avait vu dans la cabine du capitaine. Aussitôt que la confusion fut
calmée et que le navire eut repris sa route, M. Bruce dit au capitaine :
-
Il paraît que ce n'est pas un Esprit que j'ai vu aujourd'hui ; il est
vivant ; l'homme qui écrivait sur votre ardoise est un des passagers que
nous venons de sauver ; le voici ; je le jurerais devant la justice.
« Le capitaine étant allé vers cet homme, l'invita à descendre dans sa cabine et le pria d'écrire sur l'ardoise, du côté opposé à celui où se trouvait l'écriture mystérieuse : Gouvernez au nord-ouest. Le passager, intrigué de cette demande, s'y conforma néanmoins. Le capitaine, ayant pris l'ardoise, la retourna sans faire semblant de rien, et montrant au passager les mots écrits précédemment, lui dit :
« Le capitaine étant allé vers cet homme, l'invita à descendre dans sa cabine et le pria d'écrire sur l'ardoise, du côté opposé à celui où se trouvait l'écriture mystérieuse : Gouvernez au nord-ouest. Le passager, intrigué de cette demande, s'y conforma néanmoins. Le capitaine, ayant pris l'ardoise, la retourna sans faire semblant de rien, et montrant au passager les mots écrits précédemment, lui dit :
- C'est bien
là votre écriture ?
- Sans doute, puisque je viens d'écrire devant vous.
-
Et celle-ci ? ajouta-t-il en montrant l'autre côté.
- Ceci est aussi mon
écriture ; mais je ne sais comment cela se fait, car je n'ai écrit que
d'un seul côté.
- Mon second, que voici, prétend vous avoir vu aujourd'hui, à
midi, assis devant ce pupitre et écrivant ces mots.
- C'est impossible,
puisqu'on m'a amené sur ce bâtiment il n'y a qu'un instant.
« Le capitaine du navire naufragé, questionné sur cet homme et sur ce qui aurait pu se passer d'extraordinaire chez lui dans la matinée, répondit :
« Le capitaine du navire naufragé, questionné sur cet homme et sur ce qui aurait pu se passer d'extraordinaire chez lui dans la matinée, répondit :
- Je ne le connais pas autrement que comme un de mes
passagers ; mais un peu avant midi il est tombé dans un profond sommeil
dont il n'est sorti qu'après une heure. Pendant son sommeil, il a exprimé la
confiance que nous allions être bientôt délivrés, disant qu'il se voyait à bord
d'un navire dont il décrivit l'espèce et le gréement, en tout conformes à celui
que nous eûmes en vue quelques instants après. Le passager ajouta qu'il ne se
souvenait ni d'avoir rêvé, ni d'avoir écrit quoi que ce soit, mais seulement
qu'il avait conservé au réveil un pressentiment dont il ne se rendait pas
compte, qu'un navire venait à leur secours. Une chose étrange, dit-il, c'est
que tout ce qui est sur ce navire me semble familier, et pourtant je suis très
sûr de n'y être jamais venu. Là-dessus, M. Bruce lui raconta les circonstances
de l'apparition qu'il avait eue, et ils en conclurent que ce fait était providentiel. »
Cette histoire est parfaitement authentique ; M. Robert Dale Owen, ancien ministre des États-Unis à Naples, qui la rapporte également dans son ouvrage, s'est entouré de tous les documents qui peuvent en constater la véracité. Nous demandons si elle a aucun des caractères de l'hallucination ? Que l'espérance, qui n'abandonne jamais les malheureux, ait suivi le passager dans son sommeil, et lui ait fait rêver qu'on venait les secourir, cela se conçoit ; la coïncidence du rêve avec le secours pourrait encore être un effet du hasard ; mais comment expliquer la description du navire ? Quant à M. Bruce, il est certain qu'il ne rêvait pas ; si l'apparition était une illusion, comment expliquer cette ressemblance avec le passager ? Si c'est encore le hasard, l'écriture sur l'ardoise est un fait matériel. D'où venait le conseil, donné par ce moyen, de naviguer dans la direction des naufragés, contrairement à la route suivie par le navire ? Que MM. les hallucinationistes veuillent bien nous dire comment, avec leur système exclusif, ils pourront rendre raison de toutes ces circonstances. Dans les phénomènes spirites provoqués, ils ont la ressource de dire qu'il y a supercherie ; mais ici il n'est guère probable que le passager ait joué la comédie. C'est en cela que les phénomènes spontanés, lorsqu'ils sont appuyés sur des témoignages irrécusables, sont d'une très grande importance, parce qu'on ne peut suspecter aucune connivence.
Ce fait, pour les Spirites, n'a rien d'extraordinaire, parce qu'ils s'en rendent compte ; aux yeux des ignorants il paraîtra surnaturel, merveilleux ; pour quiconque connaît la théorie du périsprit, de l'émancipation de l'âme chez les vivants, il ne sort pas des lois de la nature. Un critique s'est beaucoup égayé sur l'histoire de l'Homme à la tabatière, que nous avons rapportée dans la Revue du mois de mars 1859, en disant que c'était un effet de l'imagination de la dame malade ; qu'a-t-elle de plus impossible que celle-ci ? Les deux faits s'expliquent exactement par la même loi qui régit les rapports de l'Esprit et de la matière. Nous demandons, en outre, à tous les Spirites qui ont étudié la théorie des phénomènes, si, en lisant le fait que nous venons de rapporter, leur attention ne s'est pas immédiatement portée sur la manière dont il a dû se produire ; s'ils ne se le sont pas expliqué ; si, de cette explication, ils n'ont pas conclu à la possibilité, et si, par suite de cette possibilité, il ne les a pas plus intéressés que s'ils avaient dû l'accepter avec les seuls yeux de la foi, sans y joindre l'assentiment de leur intelligence ? Ceux qui noirs blâment d'avoir donné cette théorie oublient qu'elle est le résultat de longues et patientes études qu'ils auraient pu faire comme nous, en travaillant autant que nous l'avons fait et que nous le faisons tous les jours ; qu'en donnant les moyens de se rendre compte des phénomènes, nous y avons donné une base, une raison d'être qui ont arrêté plus d'un critique, et contribué, pour une large part, à la propagation du Spiritisme, attendu que l'on accepte plus volontiers ce que l'on comprend que ce que l'on ne comprend pas.
Cette histoire est parfaitement authentique ; M. Robert Dale Owen, ancien ministre des États-Unis à Naples, qui la rapporte également dans son ouvrage, s'est entouré de tous les documents qui peuvent en constater la véracité. Nous demandons si elle a aucun des caractères de l'hallucination ? Que l'espérance, qui n'abandonne jamais les malheureux, ait suivi le passager dans son sommeil, et lui ait fait rêver qu'on venait les secourir, cela se conçoit ; la coïncidence du rêve avec le secours pourrait encore être un effet du hasard ; mais comment expliquer la description du navire ? Quant à M. Bruce, il est certain qu'il ne rêvait pas ; si l'apparition était une illusion, comment expliquer cette ressemblance avec le passager ? Si c'est encore le hasard, l'écriture sur l'ardoise est un fait matériel. D'où venait le conseil, donné par ce moyen, de naviguer dans la direction des naufragés, contrairement à la route suivie par le navire ? Que MM. les hallucinationistes veuillent bien nous dire comment, avec leur système exclusif, ils pourront rendre raison de toutes ces circonstances. Dans les phénomènes spirites provoqués, ils ont la ressource de dire qu'il y a supercherie ; mais ici il n'est guère probable que le passager ait joué la comédie. C'est en cela que les phénomènes spontanés, lorsqu'ils sont appuyés sur des témoignages irrécusables, sont d'une très grande importance, parce qu'on ne peut suspecter aucune connivence.
Ce fait, pour les Spirites, n'a rien d'extraordinaire, parce qu'ils s'en rendent compte ; aux yeux des ignorants il paraîtra surnaturel, merveilleux ; pour quiconque connaît la théorie du périsprit, de l'émancipation de l'âme chez les vivants, il ne sort pas des lois de la nature. Un critique s'est beaucoup égayé sur l'histoire de l'Homme à la tabatière, que nous avons rapportée dans la Revue du mois de mars 1859, en disant que c'était un effet de l'imagination de la dame malade ; qu'a-t-elle de plus impossible que celle-ci ? Les deux faits s'expliquent exactement par la même loi qui régit les rapports de l'Esprit et de la matière. Nous demandons, en outre, à tous les Spirites qui ont étudié la théorie des phénomènes, si, en lisant le fait que nous venons de rapporter, leur attention ne s'est pas immédiatement portée sur la manière dont il a dû se produire ; s'ils ne se le sont pas expliqué ; si, de cette explication, ils n'ont pas conclu à la possibilité, et si, par suite de cette possibilité, il ne les a pas plus intéressés que s'ils avaient dû l'accepter avec les seuls yeux de la foi, sans y joindre l'assentiment de leur intelligence ? Ceux qui noirs blâment d'avoir donné cette théorie oublient qu'elle est le résultat de longues et patientes études qu'ils auraient pu faire comme nous, en travaillant autant que nous l'avons fait et que nous le faisons tous les jours ; qu'en donnant les moyens de se rendre compte des phénomènes, nous y avons donné une base, une raison d'être qui ont arrêté plus d'un critique, et contribué, pour une large part, à la propagation du Spiritisme, attendu que l'on accepte plus volontiers ce que l'on comprend que ce que l'on ne comprend pas.
Entretiens familiers d'outre-tombe - Les amis ne nous oublient pas dans l'autre monde
Un de nos abonnés nous transmet l'entretien suivant qu'il a eu avec un de ses amis dont la perte lui avait été très sensible, par l'entremise d'un médium étranger, n'étant pas lui-même médium. Outre l'élévation remarquable des pensées, on y verra la preuve que les liens formés sur la terre, quand ils sont sincères, ne sont pas rompus par la mort.
Premier entretien, 28 décembre 1860.
1. Évocation. Prière à l'Esprit de Jules P…, qui me fut si cher, de vouloir bien se communiquer à moi. - R. Cher ami, je viens à ton appel ; je viens avec d'autant plus d'empressement que je ne pouvais espérer me communiquer à toi que dans un temps reculé encore par la volonté de Dieu. Combien il m'est doux de voir ce temps abrégé par ta volonté, et de pouvoir te dire combien l'épreuve que j'ai subie sur la terre a servi à mon avancement ! Quoique errant encore, je me sens tout heureux, sans autre pensée que l'enthousiasme pour les œuvres de Dieu qui me permet de jouir de tous les prodiges qu'il veut bien laisser à ma disposition, en me faisant espérer une réincarnation dans un monde supérieur où je suivrai la gradation fortunée qui m'élèvera au suprême bonheur. Puisses-tu, cher ami, en m'entendant, voir dans mes paroles un présage de ce qui t'attend ! Je viendrai, au dernier jour, te prendre par la main pour te montrer la voie que je parcours déjà depuis quelque temps avec tant de joie. Tu me trouveras pour guide, comme dans la vie terrestre tu m'as trouvé pour ami fidèle.
2. Puis-je compter sur ton concours, cher ami, pour arriver au but heureux que tu me laisses entrevoir ? - R. Sois tranquille ; je ferai mon possible pour te faire avancer dans cette voie où nous nous rencontrerons tous deux avec tant d'émotion et de plaisir ; je viendrai, comme autrefois, te donner toutes les preuves de bonté de cœur auxquelles tu as toujours été si sensible.
3. Je dois conclure de ton langage que tu es beaucoup plus heureux que tu ne l'étais lors de ta dernière existence ? - R. Sans contredit, mon ami, bien heureux, je ne saurais assez le répéter. Quelle différence ! Plus d'ennuis, plus de tristesse, plus de souffrances corporelles et morales ; et, avec cela, la vue de tout ce qui nous fut cher ! Souvent j'étais avec toi, à ton côté ; combien de fois je t'ai suivi dans ta carrière ! Je te voyais lorsque tu ne me supposais pas si près de toi, toi qui me croyais perdu pour toujours. Mon cher ami, la vie est précieuse pour l'Esprit ; d'autant plus précieuse qu'elle est douce et qu'il peut la faire servir, comme sur la terre, à son avancement céleste. Sois bien persuadé que tout se concorde dans les décrets divins pour rendre les créatures de Dieu plus heureuses, et qu'il suffit, de leur part, d'avoir un cœur pour aimer, et de courber la tête pour être humble ; il s'élève alors plus haut qu'il n'aurait pu l'espérer.
4. Que désires-tu de moi qui puisse te faire plaisir ? - R. Ta Pensée revêtue d'une fleur.
Nota. Une discussion s'étant engagée sur le sens de cette réponse, l'Esprit ajouta :
Quand je dis ta pensée revêtue d'une fleur, je dis qu'en cueillant des fleurs tu dois penser quelquefois à moi. Tu comprends que je veux, autant que possible, me reproduire sous un de tes sens en te frappant agréablement.
5. Adieu, cher ami ; je saisirai avec plaisir la prochaine occasion que j'aurai de t'évoquer. - R. Je t'attendrai avec impatience. Au revoir, cher ami.
Deuxième entretien, 31 décembre.
6. Evocation. Nouvelle demande à mon ami de vouloir bien me donner une communication dans l'intérêt de mon instruction. - R. Me voilà de nouveau, cher ami ; je ne demande pas mieux que de venir te dire encore une fois combien tu me fus cher. Je veux t'en donner une preuve en m'élevant aux plus hautes considérations. Oui, mon ami, la matière n'est rien ; traite-la durement ; ne crains rien, l'esprit est tout ; lui seul se perpétue et doit ne jamais cesser de vivre, ni de parcourir les voies que Dieu lui trace. Il s'arrête parfois sur les bords escarpés pour reprendre haleine ; mais lorsqu'il tourne les yeux vers le Créateur, il reprend courage et surmonte rapidement les difficultés qu'il rencontre, s'élève, et admire la bonté de son maître qui lui distribue à mesure les forces dont il a besoin. Alors il s'avance ; l'empyrée se présente à ses yeux, à son cœur ; il marche, il devient bientôt digne de la destinée céleste qu'il entrevoit. Cher ami, ne crains plus rien ; je sens en moi le courage doublé, les forces décuplées depuis que j'ai quitté votre terre ; je ne doute plus du bonheur prédit qui, comparé à celui dont je jouis, sera aussi supérieur que la plus brillante des pierres précieuses l'est au plus simple anneau. Ainsi, tu vois combien il y a de grandeur dans les volontés célestes, et qu'il serait bien difficile pour les humains d'en apprécier, d'en peser les résultats ! Aussi votre langage nous sert difficilement lorsque nous voulons exprimer ce qui doit vous paraître incompréhensible.
7. N'as-tu rien à ajouter aux belles pensées que tu viens d'exprimer ? - R. Sans doute je n'ai pas fini ; mais j'ai voulu te donner une preuve de mon identité. Quand tu voudras je t'en donnerai de nouvelles.
Remarque. Ces preuves d'identité sont ici toutes morales et ne ressortent d'aucun signe matériel, ni d'aucune de ces questions puériles que quelques personnes font souvent dans ce but. Les preuves morales sont les meilleures et les plus sûres, attendu que les signes matériels peuvent toujours être imités par des Esprits trompeurs ; ici, l'Esprit se fait reconnaître par ses pensées, son caractère, l'élévation et la noblesse du style. Un Esprit trompeur pourrait certes essayer de le contrefaire sous ce rapport, mais ce ne serait jamais qu'une imitation grossière, et comme le fond manquerait chez lui, il ne pourrait imiter que la forme, et ne pourrait d'ailleurs soutenir longtemps son rôle.
8. Puisque tu es dans cette disposition bienveillante, je serais heureux d'en profiter maintenant, et te prie de vouloir bien continuer. - R. Je te dirai : Ouvre le livre de tes destinées ; l'Évangile, mon ami, te donnera à comprendre bien des choses que je ne saurais exprimer. Laisse la lettre ; prends l'esprit de ce livre sacré, et tu y trouveras toutes les consolations qui sont nécessaires à ton cœur. Ne t'inquiète pas des termes obscurs ; cherche la pensée, et ton cœur l'interprétera comme il doit l'interpréter. Je suis maintenant plus au courant, et j'avoue le tort que nous, Esprits, avions de le considérer aussi froidement de notre vivant. Je reconnais aujourd'hui, qu'heureusement servi par mon cœur, j'aurais pu, en étendant davantage les enseignements précieux que le divin Maître nous a laissés, y puiser bien des secours qui me sont échappés.
9. Merci et adieu, cher ami, je profiterai avec plaisir de la première occasion que j'aurai de t'évoquer. - R. Je viendrai alors comme je viens aujourd'hui, n'en doute pas ; je ferai de mon mieux.
Premier entretien, 28 décembre 1860.
1. Évocation. Prière à l'Esprit de Jules P…, qui me fut si cher, de vouloir bien se communiquer à moi. - R. Cher ami, je viens à ton appel ; je viens avec d'autant plus d'empressement que je ne pouvais espérer me communiquer à toi que dans un temps reculé encore par la volonté de Dieu. Combien il m'est doux de voir ce temps abrégé par ta volonté, et de pouvoir te dire combien l'épreuve que j'ai subie sur la terre a servi à mon avancement ! Quoique errant encore, je me sens tout heureux, sans autre pensée que l'enthousiasme pour les œuvres de Dieu qui me permet de jouir de tous les prodiges qu'il veut bien laisser à ma disposition, en me faisant espérer une réincarnation dans un monde supérieur où je suivrai la gradation fortunée qui m'élèvera au suprême bonheur. Puisses-tu, cher ami, en m'entendant, voir dans mes paroles un présage de ce qui t'attend ! Je viendrai, au dernier jour, te prendre par la main pour te montrer la voie que je parcours déjà depuis quelque temps avec tant de joie. Tu me trouveras pour guide, comme dans la vie terrestre tu m'as trouvé pour ami fidèle.
2. Puis-je compter sur ton concours, cher ami, pour arriver au but heureux que tu me laisses entrevoir ? - R. Sois tranquille ; je ferai mon possible pour te faire avancer dans cette voie où nous nous rencontrerons tous deux avec tant d'émotion et de plaisir ; je viendrai, comme autrefois, te donner toutes les preuves de bonté de cœur auxquelles tu as toujours été si sensible.
3. Je dois conclure de ton langage que tu es beaucoup plus heureux que tu ne l'étais lors de ta dernière existence ? - R. Sans contredit, mon ami, bien heureux, je ne saurais assez le répéter. Quelle différence ! Plus d'ennuis, plus de tristesse, plus de souffrances corporelles et morales ; et, avec cela, la vue de tout ce qui nous fut cher ! Souvent j'étais avec toi, à ton côté ; combien de fois je t'ai suivi dans ta carrière ! Je te voyais lorsque tu ne me supposais pas si près de toi, toi qui me croyais perdu pour toujours. Mon cher ami, la vie est précieuse pour l'Esprit ; d'autant plus précieuse qu'elle est douce et qu'il peut la faire servir, comme sur la terre, à son avancement céleste. Sois bien persuadé que tout se concorde dans les décrets divins pour rendre les créatures de Dieu plus heureuses, et qu'il suffit, de leur part, d'avoir un cœur pour aimer, et de courber la tête pour être humble ; il s'élève alors plus haut qu'il n'aurait pu l'espérer.
4. Que désires-tu de moi qui puisse te faire plaisir ? - R. Ta Pensée revêtue d'une fleur.
Nota. Une discussion s'étant engagée sur le sens de cette réponse, l'Esprit ajouta :
Quand je dis ta pensée revêtue d'une fleur, je dis qu'en cueillant des fleurs tu dois penser quelquefois à moi. Tu comprends que je veux, autant que possible, me reproduire sous un de tes sens en te frappant agréablement.
5. Adieu, cher ami ; je saisirai avec plaisir la prochaine occasion que j'aurai de t'évoquer. - R. Je t'attendrai avec impatience. Au revoir, cher ami.
Deuxième entretien, 31 décembre.
6. Evocation. Nouvelle demande à mon ami de vouloir bien me donner une communication dans l'intérêt de mon instruction. - R. Me voilà de nouveau, cher ami ; je ne demande pas mieux que de venir te dire encore une fois combien tu me fus cher. Je veux t'en donner une preuve en m'élevant aux plus hautes considérations. Oui, mon ami, la matière n'est rien ; traite-la durement ; ne crains rien, l'esprit est tout ; lui seul se perpétue et doit ne jamais cesser de vivre, ni de parcourir les voies que Dieu lui trace. Il s'arrête parfois sur les bords escarpés pour reprendre haleine ; mais lorsqu'il tourne les yeux vers le Créateur, il reprend courage et surmonte rapidement les difficultés qu'il rencontre, s'élève, et admire la bonté de son maître qui lui distribue à mesure les forces dont il a besoin. Alors il s'avance ; l'empyrée se présente à ses yeux, à son cœur ; il marche, il devient bientôt digne de la destinée céleste qu'il entrevoit. Cher ami, ne crains plus rien ; je sens en moi le courage doublé, les forces décuplées depuis que j'ai quitté votre terre ; je ne doute plus du bonheur prédit qui, comparé à celui dont je jouis, sera aussi supérieur que la plus brillante des pierres précieuses l'est au plus simple anneau. Ainsi, tu vois combien il y a de grandeur dans les volontés célestes, et qu'il serait bien difficile pour les humains d'en apprécier, d'en peser les résultats ! Aussi votre langage nous sert difficilement lorsque nous voulons exprimer ce qui doit vous paraître incompréhensible.
7. N'as-tu rien à ajouter aux belles pensées que tu viens d'exprimer ? - R. Sans doute je n'ai pas fini ; mais j'ai voulu te donner une preuve de mon identité. Quand tu voudras je t'en donnerai de nouvelles.
Remarque. Ces preuves d'identité sont ici toutes morales et ne ressortent d'aucun signe matériel, ni d'aucune de ces questions puériles que quelques personnes font souvent dans ce but. Les preuves morales sont les meilleures et les plus sûres, attendu que les signes matériels peuvent toujours être imités par des Esprits trompeurs ; ici, l'Esprit se fait reconnaître par ses pensées, son caractère, l'élévation et la noblesse du style. Un Esprit trompeur pourrait certes essayer de le contrefaire sous ce rapport, mais ce ne serait jamais qu'une imitation grossière, et comme le fond manquerait chez lui, il ne pourrait imiter que la forme, et ne pourrait d'ailleurs soutenir longtemps son rôle.
8. Puisque tu es dans cette disposition bienveillante, je serais heureux d'en profiter maintenant, et te prie de vouloir bien continuer. - R. Je te dirai : Ouvre le livre de tes destinées ; l'Évangile, mon ami, te donnera à comprendre bien des choses que je ne saurais exprimer. Laisse la lettre ; prends l'esprit de ce livre sacré, et tu y trouveras toutes les consolations qui sont nécessaires à ton cœur. Ne t'inquiète pas des termes obscurs ; cherche la pensée, et ton cœur l'interprétera comme il doit l'interpréter. Je suis maintenant plus au courant, et j'avoue le tort que nous, Esprits, avions de le considérer aussi froidement de notre vivant. Je reconnais aujourd'hui, qu'heureusement servi par mon cœur, j'aurais pu, en étendant davantage les enseignements précieux que le divin Maître nous a laissés, y puiser bien des secours qui me sont échappés.
9. Merci et adieu, cher ami, je profiterai avec plaisir de la première occasion que j'aurai de t'évoquer. - R. Je viendrai alors comme je viens aujourd'hui, n'en doute pas ; je ferai de mon mieux.
Correspondance - Lettre du Président de la Société spirite de Mexico.
Mexico, 18 avril 1861.
A Monsieur Allan Kardec, à Paris.
Monsieur,
Mon ami, M. Viseur, dans son avant-dernière lettre, me manifeste le désir que vous éprouvez de connaître le but et les tendances de la société Spirite que je préside à Mexico. C'est avec le plus grand plaisir et la plus vive sympathie pour vos profondes lumières touchant cette matière, que je vous adresse ce court exposé de l'historique du Spiritisme dans ce pays, en vous priant d'avoir égard à notre faible expérience, mais aussi de nous compter parmi vous comme de fervents adeptes.
Bien longtemps après vous, monsieur, nous avons eu le bonheur de connaître cette douce vérité, que les Esprits ou âmes des personnes mortes peuvent se communiquer aux vivants. Malgré quelques publications venant du Nord, notre attention et notre curiosité ne s'étaient pas éveillées, et nous ne nous étions pas donné la peine de chercher ce qu'on entendait par les manifestations spirituelles ; ce n'est que votre Livre des Esprits, arrivé heureusement parmi nous, qui nous a fait ouvrir les yeux et nous a convaincus de la réalité des faits qui se propagent avec tant de rapidité sur tous les points du globe, en nous les faisant comprendre. Nous commençâmes alors à faire des recherches et des expériences, en prenant à tâche de nous former, par un travail constant, pour recevoir les manifestations. Les conseils que nous puisâmes dans votre excellent livre firent que nous connûmes cette grande vérité, qu'après la mort l'âme existe, et que nous pouvons communiquer avec celles qui nous ont été chères sur la terre.
Je ne rendrais pas hommage à la vérité, si je vous disais que nous fûmes les premiers ici à avoir connaissance des manifestations ; plusieurs personnes de notre ville s'en occupaient déjà, ce que nous ne sûmes que plus tard. Le principe de la réincarnation est celui qui nous a le plus étonnés an premier abord, mais nos communications avec les Esprits d'un ordre que nous reconnaissons à leur langage pour être supérieurs, ne nous ont pas permis de douter d'une croyance que tout prouve être dans l'ordre des choses et selon la toute-puissante justice de Dieu. Un fait qui prouve la bonté et la supériorité des Esprits qui nous assistent, c'est qu'ils rendent la santé à ceux qui souffrent corporellement, et le calme et la résignation aux afflictions spirituelles. La simple logique nous dit que le bien ne peut venir que d'une bonne source ; mais nous serions trop présomptueux de nous poser comme des champions capables de cette sublime doctrine ; à vous, monsieur, appartient le droit de nous éclairer, comme le prouvent les travaux sortis du sein de votre Société.
Nous avons formé une société composée de membres éprouvés dans la croyance spirite, et nous recevons dans son sein tout individu qui veut être éclairé. Les lois fondamentales qui nous régissent sont l'unité de principes, la fraternité entre les membres, et la charité pour tout ce qui souffre. Voilà, monsieur, comment les idées spirites se sont répandues dans ce pays, et, nous pouvons le dire avec satisfaction, se sont propagées au delà de nos espérances. Si vous jugez à propos de vouloir bien nous guider par vos bons conseils, nous les recevrons toujours avec une vive reconnaissance et comme un témoignage de sympathie de votre part.
Agréez, etc.
Ch. Gourgues.
Le même jour où nous est parvenue cette lettre de Mexico, nous avons reçu la suivante de Constantinople.
Constantinople, 28 mai 1861.
A monsieur Allan Kardec, directeur de la Revue Spirite.
Monsieur,
Vous me permettrez de venir, tant en mon nom personnel qu'en celui de mes amis et frères Spiritualistes de cette ville, vous offrir deux petits cadeaux, en souvenir, non pas de gens que vous ne connaissez pas encore, et qui n'ont l'honneur de vous connaître que par vos ouvrages, mais vous les accepterez en témoignage des sentiments de confraternité qui doivent unir les Spiritualistes de tous les pays. Vous les accepterez aussi, parce qu'ils sont une preuve des phénomènes aussi sublimes qu'extraordinaires du Spiritisme. Vous les accepterez, et vous ferez les honneurs d'un cadre à notre bonne Sophie, parce que c'est en son nom et en celui de sa sœur Angélica, que le Spiritisme se développe et se propage à Constantinople, cette capitale de l'Orient, si émouvante par ses souvenirs historiques. Véritable tour de Babel, c'est la ville qui réunit toutes les sectes religieuses, toutes les nations, et dans laquelle on parle toutes les langues. Figurez-vous le Spiritisme se propageant tout à coup au milieu de tout cela… quel immense point de départ ! Nous sommes encore en très petit nombre, mais ce nombre augmente tous les jours et fait la boule de neige ; j'espère qu'avant peu nous nous compterons par centaines.
Les manifestations obtenues par nous jusqu'à ce jour sont le soulèvement des tables, dont une, de plus de 100 kilogs, s'est élevée, légère comme une plume, au-dessus de nos têtes ; les coups directs frappés par les Esprits ; les rapts, etc. Nous en sommes aux apparitions d'Esprits, visibles pour tous ; y parviendrons-nous ? ils nous l'ont promis : nous attendons. Nous avons déjà un grand nombre de médiums écrivains ; d'autres font des dessins ; d'autres composent des morceaux de musique, alors même qu'ils ignorent ces différents arts. Nous avons vu, suivi et étudié différents Esprits de tous genres et de toutes qualités. Quelques-uns de nos médiums ont des visions, des extases ; d'autres exécutent médianimiquement sur le piano des airs inspirés par les Esprits. Deux jeunes demoiselles, qui n'ont jamais rien vu ni lu en magnétisme, magnétisent toutes espèces de maux, par l'action des Esprits, qui les font agir de la manière la plus scientifique.
Voilà, Monsieur, un aperçu de ce que nous avons fait en Spiritisme jusqu'à ce jour. Pour mieux vous faire juger de nos travaux en révélations spirituelles, voici le résultat de quelques séances au moyen de la table.
(Suivent diverses communications morales d'un ordre très élevé, dont la Société a entendu la lecture avec le plus vif intérêt.)
Si vous trouvez que ces révélations peuvent intéresser la propagation de la nouvelle science Spiritualiste ou Spirite, car, pour moi ainsi que pour mes amis, le titre ne fait absolument rien à la chose, dont il ne change ni la forme ni le fond, je me ferai un plaisir de vous envoyer quelques séances instructives en même temps que concluantes au point de vue de la preuve des manifestations spirituelles.
Bientôt, tous les Spiritualistes de la terre ne devront former qu'un seul faisceau, une seule et même famille. Ne sommes-nous pas tous frères et enfants du même père, qui est Dieu ? Voilà les premiers principes que les Spiritualistes doivent prêcher au genre humain, sans distinction de rang, de pays, de langage, de secte ni de fortune.
Agréez, etc.
Repos, avocat.
Cette lettre était accompagnée d'un dessin représentant une tête de grandeur naturelle très correctement exécutée, quoique le médium ne sût pas dessiner, et d'un morceau de musique, paroles, chant et accompagnement de piano, intitulé : le spiritualisme ; le tout avec cette dédicace : « Offert au nom des Spiritualistes de Constantinople à M. Allan Kardec, directeur de la Revue spirite, à Paris. »
Dans le morceau de musique, le chant et les paroles ont seuls été obtenus par voie médianimique ; l'accompagnement a été fait par un artiste.
Si nous publiions toutes les lettres d'adhésion que nous recevons, il nous faudrait y consacrer des volumes. On y verrait des milliers de fois répétée l'expression d'une touchante reconnaissance envers la doctrine Spirite. Beaucoup de ces lettres sont d'ailleurs trop intimes pour être communiquées. Les deux que nous reproduisons ci-dessus ont un intérêt général comme preuve de l'extension que prend de tous côtés le Spiritisme, et du point de vue sérieux sous lequel il est maintenant envisagé, bien loin, comme on le voit, de l'amusement des tables tournantes ; partout on en comprend les conséquences morales, et on le considère comme la base providentielle des réformes promises à l'humanité. Nous sommes heureux de donner par là un témoignage de sympathie et un encouragement à nos lointains confrères. Ce lien, qui existe déjà entre les Spirites des différents points du globe, et qui ne se connaissent que par la conformité de croyance, n'est-il pas un symptôme de ce qui sera plus tard ? Ce lien est une conséquence naturelle des principes qui découlent du Spiritisme ; il ne peut être rompu que par ceux qui en méconnaissent la loi fondamentale : la charité pour tous.
A Monsieur Allan Kardec, à Paris.
Monsieur,
Mon ami, M. Viseur, dans son avant-dernière lettre, me manifeste le désir que vous éprouvez de connaître le but et les tendances de la société Spirite que je préside à Mexico. C'est avec le plus grand plaisir et la plus vive sympathie pour vos profondes lumières touchant cette matière, que je vous adresse ce court exposé de l'historique du Spiritisme dans ce pays, en vous priant d'avoir égard à notre faible expérience, mais aussi de nous compter parmi vous comme de fervents adeptes.
Bien longtemps après vous, monsieur, nous avons eu le bonheur de connaître cette douce vérité, que les Esprits ou âmes des personnes mortes peuvent se communiquer aux vivants. Malgré quelques publications venant du Nord, notre attention et notre curiosité ne s'étaient pas éveillées, et nous ne nous étions pas donné la peine de chercher ce qu'on entendait par les manifestations spirituelles ; ce n'est que votre Livre des Esprits, arrivé heureusement parmi nous, qui nous a fait ouvrir les yeux et nous a convaincus de la réalité des faits qui se propagent avec tant de rapidité sur tous les points du globe, en nous les faisant comprendre. Nous commençâmes alors à faire des recherches et des expériences, en prenant à tâche de nous former, par un travail constant, pour recevoir les manifestations. Les conseils que nous puisâmes dans votre excellent livre firent que nous connûmes cette grande vérité, qu'après la mort l'âme existe, et que nous pouvons communiquer avec celles qui nous ont été chères sur la terre.
Je ne rendrais pas hommage à la vérité, si je vous disais que nous fûmes les premiers ici à avoir connaissance des manifestations ; plusieurs personnes de notre ville s'en occupaient déjà, ce que nous ne sûmes que plus tard. Le principe de la réincarnation est celui qui nous a le plus étonnés an premier abord, mais nos communications avec les Esprits d'un ordre que nous reconnaissons à leur langage pour être supérieurs, ne nous ont pas permis de douter d'une croyance que tout prouve être dans l'ordre des choses et selon la toute-puissante justice de Dieu. Un fait qui prouve la bonté et la supériorité des Esprits qui nous assistent, c'est qu'ils rendent la santé à ceux qui souffrent corporellement, et le calme et la résignation aux afflictions spirituelles. La simple logique nous dit que le bien ne peut venir que d'une bonne source ; mais nous serions trop présomptueux de nous poser comme des champions capables de cette sublime doctrine ; à vous, monsieur, appartient le droit de nous éclairer, comme le prouvent les travaux sortis du sein de votre Société.
Nous avons formé une société composée de membres éprouvés dans la croyance spirite, et nous recevons dans son sein tout individu qui veut être éclairé. Les lois fondamentales qui nous régissent sont l'unité de principes, la fraternité entre les membres, et la charité pour tout ce qui souffre. Voilà, monsieur, comment les idées spirites se sont répandues dans ce pays, et, nous pouvons le dire avec satisfaction, se sont propagées au delà de nos espérances. Si vous jugez à propos de vouloir bien nous guider par vos bons conseils, nous les recevrons toujours avec une vive reconnaissance et comme un témoignage de sympathie de votre part.
Agréez, etc.
Ch. Gourgues.
Le même jour où nous est parvenue cette lettre de Mexico, nous avons reçu la suivante de Constantinople.
Constantinople, 28 mai 1861.
A monsieur Allan Kardec, directeur de la Revue Spirite.
Monsieur,
Vous me permettrez de venir, tant en mon nom personnel qu'en celui de mes amis et frères Spiritualistes de cette ville, vous offrir deux petits cadeaux, en souvenir, non pas de gens que vous ne connaissez pas encore, et qui n'ont l'honneur de vous connaître que par vos ouvrages, mais vous les accepterez en témoignage des sentiments de confraternité qui doivent unir les Spiritualistes de tous les pays. Vous les accepterez aussi, parce qu'ils sont une preuve des phénomènes aussi sublimes qu'extraordinaires du Spiritisme. Vous les accepterez, et vous ferez les honneurs d'un cadre à notre bonne Sophie, parce que c'est en son nom et en celui de sa sœur Angélica, que le Spiritisme se développe et se propage à Constantinople, cette capitale de l'Orient, si émouvante par ses souvenirs historiques. Véritable tour de Babel, c'est la ville qui réunit toutes les sectes religieuses, toutes les nations, et dans laquelle on parle toutes les langues. Figurez-vous le Spiritisme se propageant tout à coup au milieu de tout cela… quel immense point de départ ! Nous sommes encore en très petit nombre, mais ce nombre augmente tous les jours et fait la boule de neige ; j'espère qu'avant peu nous nous compterons par centaines.
Les manifestations obtenues par nous jusqu'à ce jour sont le soulèvement des tables, dont une, de plus de 100 kilogs, s'est élevée, légère comme une plume, au-dessus de nos têtes ; les coups directs frappés par les Esprits ; les rapts, etc. Nous en sommes aux apparitions d'Esprits, visibles pour tous ; y parviendrons-nous ? ils nous l'ont promis : nous attendons. Nous avons déjà un grand nombre de médiums écrivains ; d'autres font des dessins ; d'autres composent des morceaux de musique, alors même qu'ils ignorent ces différents arts. Nous avons vu, suivi et étudié différents Esprits de tous genres et de toutes qualités. Quelques-uns de nos médiums ont des visions, des extases ; d'autres exécutent médianimiquement sur le piano des airs inspirés par les Esprits. Deux jeunes demoiselles, qui n'ont jamais rien vu ni lu en magnétisme, magnétisent toutes espèces de maux, par l'action des Esprits, qui les font agir de la manière la plus scientifique.
Voilà, Monsieur, un aperçu de ce que nous avons fait en Spiritisme jusqu'à ce jour. Pour mieux vous faire juger de nos travaux en révélations spirituelles, voici le résultat de quelques séances au moyen de la table.
(Suivent diverses communications morales d'un ordre très élevé, dont la Société a entendu la lecture avec le plus vif intérêt.)
Si vous trouvez que ces révélations peuvent intéresser la propagation de la nouvelle science Spiritualiste ou Spirite, car, pour moi ainsi que pour mes amis, le titre ne fait absolument rien à la chose, dont il ne change ni la forme ni le fond, je me ferai un plaisir de vous envoyer quelques séances instructives en même temps que concluantes au point de vue de la preuve des manifestations spirituelles.
Bientôt, tous les Spiritualistes de la terre ne devront former qu'un seul faisceau, une seule et même famille. Ne sommes-nous pas tous frères et enfants du même père, qui est Dieu ? Voilà les premiers principes que les Spiritualistes doivent prêcher au genre humain, sans distinction de rang, de pays, de langage, de secte ni de fortune.
Agréez, etc.
Repos, avocat.
Cette lettre était accompagnée d'un dessin représentant une tête de grandeur naturelle très correctement exécutée, quoique le médium ne sût pas dessiner, et d'un morceau de musique, paroles, chant et accompagnement de piano, intitulé : le spiritualisme ; le tout avec cette dédicace : « Offert au nom des Spiritualistes de Constantinople à M. Allan Kardec, directeur de la Revue spirite, à Paris. »
Dans le morceau de musique, le chant et les paroles ont seuls été obtenus par voie médianimique ; l'accompagnement a été fait par un artiste.
Si nous publiions toutes les lettres d'adhésion que nous recevons, il nous faudrait y consacrer des volumes. On y verrait des milliers de fois répétée l'expression d'une touchante reconnaissance envers la doctrine Spirite. Beaucoup de ces lettres sont d'ailleurs trop intimes pour être communiquées. Les deux que nous reproduisons ci-dessus ont un intérêt général comme preuve de l'extension que prend de tous côtés le Spiritisme, et du point de vue sérieux sous lequel il est maintenant envisagé, bien loin, comme on le voit, de l'amusement des tables tournantes ; partout on en comprend les conséquences morales, et on le considère comme la base providentielle des réformes promises à l'humanité. Nous sommes heureux de donner par là un témoignage de sympathie et un encouragement à nos lointains confrères. Ce lien, qui existe déjà entre les Spirites des différents points du globe, et qui ne se connaissent que par la conformité de croyance, n'est-il pas un symptôme de ce qui sera plus tard ? Ce lien est une conséquence naturelle des principes qui découlent du Spiritisme ; il ne peut être rompu que par ceux qui en méconnaissent la loi fondamentale : la charité pour tous.
Les dessins mystérieux - Nouveau genre de médianimité
Sous ce titre, le Herald of progress, de New-York,
journal consacré aux matières spiritualistes, sous la direction de Andrew
Jackson Davis, contient le récit suivant :
« Le 22 novembre dernier, le docteur Hallock fait invité, avec d'autres personnes, chez Mme French, n° 8, 4° avenue, pour être témoin de différentes manifestations spirites, et voir les évolutions d'un crayon de mine de plomb. Vers huit heures, Mme French quitta la chambre où la compagnie était assemblée et s'assit sur un canapé dans un cabinet à côté ; elle ne quitta pas ce siège pendant toute la soirée. Peu après qu'elle est assise elle semble être dans une sorte d'extase, ses yeux sont fixes et hagards. Elle prie le docteur Hallock et le professeur Britton d'examiner la chambre. Ils trouvent sur le lit en face de l'endroit où elle est assise un portefeuille fermé avec un ruban de soie et une bouteille contenant du vin pour servir à l'expérience ; le papier devant servir à faire les dessins était dans le portefeuille. Nous fûmes invités, dit le docteur Hallock, à ne pas toucher au portefeuille ni à la bouteille. Plusieurs crayons et deux morceaux de gomme élastique étaient également sur le lit, mais dans le reste de la chambre on ne trouva ni dessin ni papier. Après cette recherche, M. Cuberton fut prié, par Mme French, de prendre le portefeuille, de le porter dans la chambre occupée par les invités, de l'ouvrir et d'en ôter le contenu. Il y avait du papier ordinaire dont six feuilles de différentes grandeurs furent prises des mains de M. Cuberton par Mme French et posées sur une table placée devant elle. Celle-ci demanda des épingles, et prenant une bande de papier de 5 ou 6 pouces de long qu'elle plaça sur le bord inférieur du papier, elle attacha les deux bords du papier à la bande. Cela fait, une personne fut priée de prendre le papier et de le faire examiner à la société, de retenir la bande et les épingles et de lui rendre la feuille. La même chose fut faite pour les autres feuilles, et chaque fois les épingles étaient mises en nombre et en des endroits différents, et chaque feuille remise à une autre personne, dans le but de reconnaître le papier au moyen des traces qui devaient correspondre à ceux des bandes. Toutes les feuilles étant examinées et rendues à Mme French, M. Cuberton prit le vin et le lui donna. Elle posa les feuilles sur la table, versa sur chacune une quantité de vin suffisante pour la mouiller entièrement, en l'étendant avec la paume de la main. Ensuite elle s'occupa de les sécher en pressant les feuilles une par une, les roulant, soufflant dessus et les agitant dans l'air. Cela dura quelques minutes ; puis elle fit baisser la mèche de la lampe et approcher les invités. Il est nécessaire de dire que durant l'opération du mouillage une des feuilles de papier était devenue trop sèche et qu'il fallut recommencer l'opération. (Le vin était un simple mélange de jus de raisin et de sucre, autorisé par l'État, et production de la Nouvelle-Angleterre.) Mme French fit alors réintégrer la lumière et pria les personnes de venir s'asseoir près de la porte où elle était : M. Gurney, le professeur Britton, le docteur Warner et le docteur Hallock étaient à six pieds d'elle, et les autres en pleine vue.
« Posant une des feuilles de papier sur la table devant elle, elle plaça plusieurs crayons entre ses doigts ; le docteur Hallock ne la perdit pas de vue ainsi qu'il s'était promis de le faire. Tout étant prêt, Mme French, pour avertir que l'expérience allait commencer, cria : Time (temps) ; alors on vit un mouvement rapide de la main, et pendant un moment des deux mains ; on entendit un bruit vivement répété sur le papier ; les crayons et le papier furent lancés à quelque distance sur le plancher, comme par un mouvement nerveux ; cela dura vingt et une secondes. Le dessin représente un bouquet de fleurs, consistant en hyacinthes, lis, tulipes, etc.
« On opéra successivement sur les autres feuilles. Le n° 2 est aussi un groupe de fleurs. Le n° 3 est une très belle grappe de raisin avec sa tige, ses feuilles, etc. ; il a été fait en vingt et une secondes. Le n° 4 est une tige et des feuilles avec cinq groupes de fruits semblables à des abricots ; les feuilles sont une espèce de fougère. Quand on se prépara pour cette feuille, Mme French demanda combien de temps on lui donnait pour l'exécution ; les uns dirent dix secondes, d'autres moins. Bien, dit Mme French, quand je dirai : une, regardez à vos montres ; au mot quatre, le dessin sera fini. Attention ! une, deux, trois, quatre, et le dessin fut fait, c'est-à-dire en quatre secondes. Le n° 5 représente une branche de groseillier, de laquelle partent douze grappes de groseilles vertes avec fleurs et feuilles, entourée de feuilles d'une autre espèce. Ce dessin fut présenté par madame French, étant en extase, à M. Bruckmaster, de Pittsbourg, comme venant de l'Esprit de sa sœur, en exécution de la promesse que cet Esprit lui avait faite. Le temps employé fut deux secondes. Le n° 6, qui peut être considéré comme le chef-d'œuvre de la série, est un dessin de 9 pouces sur 4 ; il consiste en fleurs et feuillages en blanc sur fond ombré ; c'est-à-dire que le dessin est de la couleur naturelle du papier, les contours marqués et les intérieurs colorés par le crayon. Sauf deux autres dessins produits de la même manière à une autre occasion, ils sont toujours au crayon sur fond blanc. Au centre de ce groupe de fleurs et au bas de la page est une main tenant un livre ouvert de 1 pouce et un quart sur trois quarts ; les coins n'en sont pas exactement à angles droits ; mais ce qui est très curieux, les trous des épingles faits primitivement pour reconnaître le papier, marquent les quatre coins du livre. Sur le haut de la page de gauche est écrit : Galatians vi, et ensuite les six premiers versets et une partie du seizième de ce chapitre qui couvrent presque les deux pages entières en caractères très lisibles par une bonne lumière, à l'œil nu ou avec une loupe. On compte plus de cent mots bien écrits. Le temps employé fut treize secondes. Quand on eut constaté la coïncidence des trous du papier avec ceux de la bande, madame French, encore en extase, pria les personnes présentes de certifier par écrit ce qu'elles venaient de voir. Alors on écrivit en marge du dessin ce qui suit : « Exécuté en treize secondes en notre présence par madame French ; certifié par les soussignés, le 22 novembre 1860, n° 8, 4° avenue. Suivent dix-neuf signatures. »
Nous n'avons aucun motif de douter de l'authenticité du fait, ni de suspecter la bonne foi de Mme French, que nous ne connaissons pas ; mais on conviendra que cette manière de procéder aurait quelque chose de peu convainquant pour nos incrédules, qui ne manqueraient pas d'objections à faire et de dire que tous ces préparatifs ont trop un air de famille avec ceux de la prestidigitation qui fait même les choses sans autant d'embarras apparents ; nous avouons être un peu de leur avis. Que les dessins aient été produits, c'est incontestable ; l'origine seulement ne nous semble pas prouvée d'une manière authentique. Quoi qu'il en soit, en admettant qu'il n'y ait eu aucune supercherie, c'est sans contredit un fait des plus curieux d'écriture et de dessin directs, dont la théorie nous explique la possibilité. Sans cette théorie de pareils faits seraient de prime abord relégués parmi les fables ou les tours d'escamotage ; mais par cela même qu'elle nous fait connaître les conditions dans lesquelles les phénomènes peuvent se produire, elle doit nous rendre d'autant plus circonspects pour ne les accepter qu'à bon escient.
Les médiums américains ont décidément une spécialité pour la production des phénomènes extraordinaires, car les journaux du pays sont remplis d'une foule de faits de ce genre, dont nos médiums européens sont loin d'approcher ; aussi dit-on, de l'autre côté de l'Atlantique, que nous sommes encore très arriérés en Spiritisme. Quand nous avons demandé aux Esprit la raison de cette différence, ils ont répondu : « A chacun son rôle ; le vôtre n'est pas le même, et Dieu ne vous a pas donné la plus petite part dans l'œuvre régénératrice. » A considérer le mérite des médiums au point de vue de la rapidité d'exécution, de l'énergie et de la puissance des effets, les nôtres sont pâles à côté de ceux-là, et pourtant nous en connaissons beaucoup qui n'échangeraient pas les simples et consolantes communications qu'ils obtiennent contre les prodiges des médiums américains ; elles suffisent pour leur donner la foi, et ils préfèrent ce qui touche l'âme à ce qui frappe les yeux ; la morale qui console et rend meilleur aux phénomènes qui étonnent. Un instant en Europe on s'est préoccupé des faits matériels ; mais bientôt on les a négligés pour la philosophie qui ouvre un plus vaste champ à la pensée, et tend au but final et providentiel du Spiritisme : la régénération sociale. Chaque peuple a son génie particulier et ses tendances spéciales, et chacun, dans les limites qui lui sont assignées, concourt aux vues de la Providence. Le plus avancé sera celui qui marchera le plus vite dans la voie du progrès moral, car c'est celui qui s'approchera le plus des desseins de Dieu.
« Le 22 novembre dernier, le docteur Hallock fait invité, avec d'autres personnes, chez Mme French, n° 8, 4° avenue, pour être témoin de différentes manifestations spirites, et voir les évolutions d'un crayon de mine de plomb. Vers huit heures, Mme French quitta la chambre où la compagnie était assemblée et s'assit sur un canapé dans un cabinet à côté ; elle ne quitta pas ce siège pendant toute la soirée. Peu après qu'elle est assise elle semble être dans une sorte d'extase, ses yeux sont fixes et hagards. Elle prie le docteur Hallock et le professeur Britton d'examiner la chambre. Ils trouvent sur le lit en face de l'endroit où elle est assise un portefeuille fermé avec un ruban de soie et une bouteille contenant du vin pour servir à l'expérience ; le papier devant servir à faire les dessins était dans le portefeuille. Nous fûmes invités, dit le docteur Hallock, à ne pas toucher au portefeuille ni à la bouteille. Plusieurs crayons et deux morceaux de gomme élastique étaient également sur le lit, mais dans le reste de la chambre on ne trouva ni dessin ni papier. Après cette recherche, M. Cuberton fut prié, par Mme French, de prendre le portefeuille, de le porter dans la chambre occupée par les invités, de l'ouvrir et d'en ôter le contenu. Il y avait du papier ordinaire dont six feuilles de différentes grandeurs furent prises des mains de M. Cuberton par Mme French et posées sur une table placée devant elle. Celle-ci demanda des épingles, et prenant une bande de papier de 5 ou 6 pouces de long qu'elle plaça sur le bord inférieur du papier, elle attacha les deux bords du papier à la bande. Cela fait, une personne fut priée de prendre le papier et de le faire examiner à la société, de retenir la bande et les épingles et de lui rendre la feuille. La même chose fut faite pour les autres feuilles, et chaque fois les épingles étaient mises en nombre et en des endroits différents, et chaque feuille remise à une autre personne, dans le but de reconnaître le papier au moyen des traces qui devaient correspondre à ceux des bandes. Toutes les feuilles étant examinées et rendues à Mme French, M. Cuberton prit le vin et le lui donna. Elle posa les feuilles sur la table, versa sur chacune une quantité de vin suffisante pour la mouiller entièrement, en l'étendant avec la paume de la main. Ensuite elle s'occupa de les sécher en pressant les feuilles une par une, les roulant, soufflant dessus et les agitant dans l'air. Cela dura quelques minutes ; puis elle fit baisser la mèche de la lampe et approcher les invités. Il est nécessaire de dire que durant l'opération du mouillage une des feuilles de papier était devenue trop sèche et qu'il fallut recommencer l'opération. (Le vin était un simple mélange de jus de raisin et de sucre, autorisé par l'État, et production de la Nouvelle-Angleterre.) Mme French fit alors réintégrer la lumière et pria les personnes de venir s'asseoir près de la porte où elle était : M. Gurney, le professeur Britton, le docteur Warner et le docteur Hallock étaient à six pieds d'elle, et les autres en pleine vue.
« Posant une des feuilles de papier sur la table devant elle, elle plaça plusieurs crayons entre ses doigts ; le docteur Hallock ne la perdit pas de vue ainsi qu'il s'était promis de le faire. Tout étant prêt, Mme French, pour avertir que l'expérience allait commencer, cria : Time (temps) ; alors on vit un mouvement rapide de la main, et pendant un moment des deux mains ; on entendit un bruit vivement répété sur le papier ; les crayons et le papier furent lancés à quelque distance sur le plancher, comme par un mouvement nerveux ; cela dura vingt et une secondes. Le dessin représente un bouquet de fleurs, consistant en hyacinthes, lis, tulipes, etc.
« On opéra successivement sur les autres feuilles. Le n° 2 est aussi un groupe de fleurs. Le n° 3 est une très belle grappe de raisin avec sa tige, ses feuilles, etc. ; il a été fait en vingt et une secondes. Le n° 4 est une tige et des feuilles avec cinq groupes de fruits semblables à des abricots ; les feuilles sont une espèce de fougère. Quand on se prépara pour cette feuille, Mme French demanda combien de temps on lui donnait pour l'exécution ; les uns dirent dix secondes, d'autres moins. Bien, dit Mme French, quand je dirai : une, regardez à vos montres ; au mot quatre, le dessin sera fini. Attention ! une, deux, trois, quatre, et le dessin fut fait, c'est-à-dire en quatre secondes. Le n° 5 représente une branche de groseillier, de laquelle partent douze grappes de groseilles vertes avec fleurs et feuilles, entourée de feuilles d'une autre espèce. Ce dessin fut présenté par madame French, étant en extase, à M. Bruckmaster, de Pittsbourg, comme venant de l'Esprit de sa sœur, en exécution de la promesse que cet Esprit lui avait faite. Le temps employé fut deux secondes. Le n° 6, qui peut être considéré comme le chef-d'œuvre de la série, est un dessin de 9 pouces sur 4 ; il consiste en fleurs et feuillages en blanc sur fond ombré ; c'est-à-dire que le dessin est de la couleur naturelle du papier, les contours marqués et les intérieurs colorés par le crayon. Sauf deux autres dessins produits de la même manière à une autre occasion, ils sont toujours au crayon sur fond blanc. Au centre de ce groupe de fleurs et au bas de la page est une main tenant un livre ouvert de 1 pouce et un quart sur trois quarts ; les coins n'en sont pas exactement à angles droits ; mais ce qui est très curieux, les trous des épingles faits primitivement pour reconnaître le papier, marquent les quatre coins du livre. Sur le haut de la page de gauche est écrit : Galatians vi, et ensuite les six premiers versets et une partie du seizième de ce chapitre qui couvrent presque les deux pages entières en caractères très lisibles par une bonne lumière, à l'œil nu ou avec une loupe. On compte plus de cent mots bien écrits. Le temps employé fut treize secondes. Quand on eut constaté la coïncidence des trous du papier avec ceux de la bande, madame French, encore en extase, pria les personnes présentes de certifier par écrit ce qu'elles venaient de voir. Alors on écrivit en marge du dessin ce qui suit : « Exécuté en treize secondes en notre présence par madame French ; certifié par les soussignés, le 22 novembre 1860, n° 8, 4° avenue. Suivent dix-neuf signatures. »
Nous n'avons aucun motif de douter de l'authenticité du fait, ni de suspecter la bonne foi de Mme French, que nous ne connaissons pas ; mais on conviendra que cette manière de procéder aurait quelque chose de peu convainquant pour nos incrédules, qui ne manqueraient pas d'objections à faire et de dire que tous ces préparatifs ont trop un air de famille avec ceux de la prestidigitation qui fait même les choses sans autant d'embarras apparents ; nous avouons être un peu de leur avis. Que les dessins aient été produits, c'est incontestable ; l'origine seulement ne nous semble pas prouvée d'une manière authentique. Quoi qu'il en soit, en admettant qu'il n'y ait eu aucune supercherie, c'est sans contredit un fait des plus curieux d'écriture et de dessin directs, dont la théorie nous explique la possibilité. Sans cette théorie de pareils faits seraient de prime abord relégués parmi les fables ou les tours d'escamotage ; mais par cela même qu'elle nous fait connaître les conditions dans lesquelles les phénomènes peuvent se produire, elle doit nous rendre d'autant plus circonspects pour ne les accepter qu'à bon escient.
Les médiums américains ont décidément une spécialité pour la production des phénomènes extraordinaires, car les journaux du pays sont remplis d'une foule de faits de ce genre, dont nos médiums européens sont loin d'approcher ; aussi dit-on, de l'autre côté de l'Atlantique, que nous sommes encore très arriérés en Spiritisme. Quand nous avons demandé aux Esprit la raison de cette différence, ils ont répondu : « A chacun son rôle ; le vôtre n'est pas le même, et Dieu ne vous a pas donné la plus petite part dans l'œuvre régénératrice. » A considérer le mérite des médiums au point de vue de la rapidité d'exécution, de l'énergie et de la puissance des effets, les nôtres sont pâles à côté de ceux-là, et pourtant nous en connaissons beaucoup qui n'échangeraient pas les simples et consolantes communications qu'ils obtiennent contre les prodiges des médiums américains ; elles suffisent pour leur donner la foi, et ils préfèrent ce qui touche l'âme à ce qui frappe les yeux ; la morale qui console et rend meilleur aux phénomènes qui étonnent. Un instant en Europe on s'est préoccupé des faits matériels ; mais bientôt on les a négligés pour la philosophie qui ouvre un plus vaste champ à la pensée, et tend au but final et providentiel du Spiritisme : la régénération sociale. Chaque peuple a son génie particulier et ses tendances spéciales, et chacun, dans les limites qui lui sont assignées, concourt aux vues de la Providence. Le plus avancé sera celui qui marchera le plus vite dans la voie du progrès moral, car c'est celui qui s'approchera le plus des desseins de Dieu.
Exploitation du Spiritisme
L'Amérique du Nord revendique à juste titre d'honneur
d'avoir la première, dans ces derniers temps, révélé les manifestations
d'outre-tombe ; pourquoi faut-il qu'elle ait aussi la première donné
l'exemple du trafic, et que chez ce peuple, si avancé à tant d'égards, et si
digne de nos sympathies, l'instinct mercantile ne se soit pas arrêté au seuil
de la vie éternelle ? Qu'on lise ses journaux, et l'on y verra à chaque
page des annonces comme celles-ci :
« Mistress S. E. Royers, somnambule, médium médecin, guérit psychologiquement par sympathie. Traitement ordinaire si c'est nécessaire. - Description de la figure, de la moralité et de l'Esprit des personnes. De dix heures à midi ; de deux à cinq ; de sept à dix du soir ; les vendredis, samedis et dimanches exceptés, si ce n'est par abonnement. Prix : 1 dollar l'heure (5 fr. 42 c.). »
Nous pensons que la sympathie de ce médium pour ses malades doit être en raison directe du nombre de dollars qu'on lui paie. Nous croyons superflu de donner les adresses.
« Mistress E. C. Morris, médium écrivain ; de dix heures à midi ; de deux à quatre ; de sept à neuf du soir. »
« J. B. Conklin, médium ; reçoit les visiteurs tous les jours et tous les soirs dans ses salons. Se rend à domicile. »
« A. C. Styles, médium lucide, garantit le diagnostic exact de la maladie de la personne présente, sous perte des honoraires. Règles qui sont strictement observées : Pour un examen lucide et les prescriptions, quand la personne est présente, 2 dol. ; pour descriptions psychonométriques des caractères, 3 dol. Ne pas oublier que les consultations sont payées d'avance. »
« Aux amateurs du Spiritualisme. Mistress Beck, médium crisiaque, parlant, épelant, frappant et grattant. Les véritables observateurs peuvent la consulter de 9 heures du matin à 10 heures du soir, dans sa maison. Un médium frappeur très puissant est associé à mistress Beck. »
Croit-on que ce commerce ne soit le fait que d'obscurs et ignorants spéculateurs ? Voici qui prouve le contraire :
« Le docteur G. A. Redman, médium éprouvé, est de retour dans la ville de New-York ; on le trouve à son domicile où il reçoit comme autrefois. »
Le trafic du Spiritualisme s'est étendu jusqu'aux objets usuels ; c'est ainsi que nous avons lu dans le Spiritual Telegraph, de New-York, l'annonce de « Allumettes Spirituelles ; nouvelle invention sans frottoirs et sans odeur. »
Ce qui est plus honorable pour le pays que ces annonces, c'est l'article ci-après que nous trouvons dans le Weekly American, de Baltimore, du 5 février 1859.
« Statistique du Spiritualisme. Le Spiritual Register, de 1859, estime le nombre des Spiritualistes dans les États-Unis à 1,284,000. Dans le Maryland il y en a 8,000. Le nombre total dans le monde est évalué à 1,900,000. Le Register compte 1,000 orateurs spiritualistes, 40,000 médiums tant publics que privés ; 500 livres et brochures, 6 journaux hebdomadaires, 4 mensuels et 3 semi-menstiels consacrés à cette cause. »
Les médiums spéculateurs ont gagné l'Angleterre ; on en compte à Londres plusieurs qui ne prennent pas moins d'une guinée par séance. Espérons que s'ils tentaient de s'introduire en France, le bon sens des vrais Spirites en ferait justice.
La production des effets matériels excite la curiosité plus qu'elle ne touche le cœur ; de là, chez les médiums qui ont une aptitude spéciale pour obtenir ces effets, une propension à exploiter cette curiosité ; ceux qui n'ont que des communications morales d'un ordre élevé ont une répugnance instinctive pour tout ce qui sent la spéculation en ce genre. Il y a pour cela, chez les premiers, un double motif : c'est d'abord que l'exploitation de la curiosité est plus lucrative, car les curieux abondent en tous pays ; secondement que les phénomènes physiques agissant moins sur le moral, il y a chez eux moins de scrupule ; leur faculté est à leurs yeux un don qui doit les faire vivre, comme une belle voix pour le chanteur ; la question morale est secondaire ou nulle. Aussi, une fois entrés dans cette voie, l'appât du gain développe le génie de la ruse ; comme il faut gagner son argent, on ne veut pas faillir à sa réputation d'habileté en restant court. Qui sait d'ailleurs si le client qui vient aujourd'hui reviendra demain ? Il faut donc le satisfaire à tout prix, et si l'Esprit ne donne pas, on lui vient en aide, ce qui est bien autrement facile pour les faits matériels que pour les communications intelligentes d'une haute portée morale et philosophique ; la prestidigitation a pour les premiers des ressources qui lui font absolument défaut pour les autres. C'est pourquoi nous disons qu'il faut avant tout considérer la moralité du médium ; que la meilleure garantie contre la supercherie est dans son caractère, son honorabilité, son désintéressement absolu ; partout où se glisse l'ombre d'intérêt, quelque minime qu'il soit, on est en droit de suspicion. La fraude est toujours coupable, mais quand elle s'attache aux choses de l'ordre moral elle est sacrilège. Celui qui, ne connaissant le Spiritisme que de nom, cherche à en imiter les effets, n'est pas plus répréhensible que le saltimbanque qui imite les expériences du savant physicien ; mieux vaudrait sans doute que cela n'eût pas lieu, mais en réalité il ne trompe personne, car il ne fait pas mystère de sa qualité : il ne cache que ses moyens. Il en est autrement de celui qui connaît la sainteté de ce qu'il contrefait dans un ignoble but de spéculation ; c'est plus que de la fraude, c'est de l'hypocrisie, car il se donne pour ce qu'il n'est pas ; et il est encore plus coupable si, possédant en réalité quelques facultés, il s'en sert pour mieux abuser de la confiance qu'on lui accorde ; mais Dieu sait ce qu'il lui réserve peut-être dès ici-bas. Si les faux médiums ne faisaient tort qu'à eux-mêmes, il n'y aurait que demi-mal ; le plus fâcheux ce sont les armes qu'ils fournissent aux incrédules, et le discrédit qu'ils jettent sur la chose dans l'esprit des indécis, dès que la fraude est reconnue. Nous ne contestons pas les facultés, même puissantes, de certains médiums mercenaires, mais nous disons que l'appât du gain est une tentation de fraude qui doit inspirer une défiance d'autant plus légitime qu'on ne peut voir dans cette exploitation l'effet d'un excès de zèle pour l'unique bien de la chose. N'y aurait-il même pas de fraude, le blâme n'en devrait pas moins atteindre celui qui spécule sur une chose aussi sacrée que les âmes des morts.
« Mistress S. E. Royers, somnambule, médium médecin, guérit psychologiquement par sympathie. Traitement ordinaire si c'est nécessaire. - Description de la figure, de la moralité et de l'Esprit des personnes. De dix heures à midi ; de deux à cinq ; de sept à dix du soir ; les vendredis, samedis et dimanches exceptés, si ce n'est par abonnement. Prix : 1 dollar l'heure (5 fr. 42 c.). »
Nous pensons que la sympathie de ce médium pour ses malades doit être en raison directe du nombre de dollars qu'on lui paie. Nous croyons superflu de donner les adresses.
« Mistress E. C. Morris, médium écrivain ; de dix heures à midi ; de deux à quatre ; de sept à neuf du soir. »
« J. B. Conklin, médium ; reçoit les visiteurs tous les jours et tous les soirs dans ses salons. Se rend à domicile. »
« A. C. Styles, médium lucide, garantit le diagnostic exact de la maladie de la personne présente, sous perte des honoraires. Règles qui sont strictement observées : Pour un examen lucide et les prescriptions, quand la personne est présente, 2 dol. ; pour descriptions psychonométriques des caractères, 3 dol. Ne pas oublier que les consultations sont payées d'avance. »
« Aux amateurs du Spiritualisme. Mistress Beck, médium crisiaque, parlant, épelant, frappant et grattant. Les véritables observateurs peuvent la consulter de 9 heures du matin à 10 heures du soir, dans sa maison. Un médium frappeur très puissant est associé à mistress Beck. »
Croit-on que ce commerce ne soit le fait que d'obscurs et ignorants spéculateurs ? Voici qui prouve le contraire :
« Le docteur G. A. Redman, médium éprouvé, est de retour dans la ville de New-York ; on le trouve à son domicile où il reçoit comme autrefois. »
Le trafic du Spiritualisme s'est étendu jusqu'aux objets usuels ; c'est ainsi que nous avons lu dans le Spiritual Telegraph, de New-York, l'annonce de « Allumettes Spirituelles ; nouvelle invention sans frottoirs et sans odeur. »
Ce qui est plus honorable pour le pays que ces annonces, c'est l'article ci-après que nous trouvons dans le Weekly American, de Baltimore, du 5 février 1859.
« Statistique du Spiritualisme. Le Spiritual Register, de 1859, estime le nombre des Spiritualistes dans les États-Unis à 1,284,000. Dans le Maryland il y en a 8,000. Le nombre total dans le monde est évalué à 1,900,000. Le Register compte 1,000 orateurs spiritualistes, 40,000 médiums tant publics que privés ; 500 livres et brochures, 6 journaux hebdomadaires, 4 mensuels et 3 semi-menstiels consacrés à cette cause. »
Les médiums spéculateurs ont gagné l'Angleterre ; on en compte à Londres plusieurs qui ne prennent pas moins d'une guinée par séance. Espérons que s'ils tentaient de s'introduire en France, le bon sens des vrais Spirites en ferait justice.
La production des effets matériels excite la curiosité plus qu'elle ne touche le cœur ; de là, chez les médiums qui ont une aptitude spéciale pour obtenir ces effets, une propension à exploiter cette curiosité ; ceux qui n'ont que des communications morales d'un ordre élevé ont une répugnance instinctive pour tout ce qui sent la spéculation en ce genre. Il y a pour cela, chez les premiers, un double motif : c'est d'abord que l'exploitation de la curiosité est plus lucrative, car les curieux abondent en tous pays ; secondement que les phénomènes physiques agissant moins sur le moral, il y a chez eux moins de scrupule ; leur faculté est à leurs yeux un don qui doit les faire vivre, comme une belle voix pour le chanteur ; la question morale est secondaire ou nulle. Aussi, une fois entrés dans cette voie, l'appât du gain développe le génie de la ruse ; comme il faut gagner son argent, on ne veut pas faillir à sa réputation d'habileté en restant court. Qui sait d'ailleurs si le client qui vient aujourd'hui reviendra demain ? Il faut donc le satisfaire à tout prix, et si l'Esprit ne donne pas, on lui vient en aide, ce qui est bien autrement facile pour les faits matériels que pour les communications intelligentes d'une haute portée morale et philosophique ; la prestidigitation a pour les premiers des ressources qui lui font absolument défaut pour les autres. C'est pourquoi nous disons qu'il faut avant tout considérer la moralité du médium ; que la meilleure garantie contre la supercherie est dans son caractère, son honorabilité, son désintéressement absolu ; partout où se glisse l'ombre d'intérêt, quelque minime qu'il soit, on est en droit de suspicion. La fraude est toujours coupable, mais quand elle s'attache aux choses de l'ordre moral elle est sacrilège. Celui qui, ne connaissant le Spiritisme que de nom, cherche à en imiter les effets, n'est pas plus répréhensible que le saltimbanque qui imite les expériences du savant physicien ; mieux vaudrait sans doute que cela n'eût pas lieu, mais en réalité il ne trompe personne, car il ne fait pas mystère de sa qualité : il ne cache que ses moyens. Il en est autrement de celui qui connaît la sainteté de ce qu'il contrefait dans un ignoble but de spéculation ; c'est plus que de la fraude, c'est de l'hypocrisie, car il se donne pour ce qu'il n'est pas ; et il est encore plus coupable si, possédant en réalité quelques facultés, il s'en sert pour mieux abuser de la confiance qu'on lui accorde ; mais Dieu sait ce qu'il lui réserve peut-être dès ici-bas. Si les faux médiums ne faisaient tort qu'à eux-mêmes, il n'y aurait que demi-mal ; le plus fâcheux ce sont les armes qu'ils fournissent aux incrédules, et le discrédit qu'ils jettent sur la chose dans l'esprit des indécis, dès que la fraude est reconnue. Nous ne contestons pas les facultés, même puissantes, de certains médiums mercenaires, mais nous disons que l'appât du gain est une tentation de fraude qui doit inspirer une défiance d'autant plus légitime qu'on ne peut voir dans cette exploitation l'effet d'un excès de zèle pour l'unique bien de la chose. N'y aurait-il même pas de fraude, le blâme n'en devrait pas moins atteindre celui qui spécule sur une chose aussi sacrée que les âmes des morts.
Variétés
Les visions de M. O.
Nous extrayons le récit suivant du Spiritual Magazine publié à Londres, numéro d'avril 1861.
« M. O…, gentilhomme du Glocestershire, n'avait jamais eu de visions jusqu'au moment où il vint habiter P…, le 3 octobre 1859. Environ quinze jours après son arrivée il commença à en avoir la nuit ; c'étaient d'abord des rayons de lumière qui venaient éclairer sa chambre en passant par la croisée ; il y fit peu attention, attribuant cela à la lanterne d'un surveillant ou à un long éclair. Cependant, une nuit qu'il fixait ses yeux sur le mur de sa chambre, il vit se former une rose et ensuite des étoiles de diverses formes. Une autre nuit il vit, dans la mystérieuse lumière, deux anges magnifiques tenant une trompette. Cette nuit-là M. O… s'était retiré plus tôt que de coutume à cause d'une légère souffrance qu'il avait ressentie. La présence de ces deux anges, qui dura une ou deux secondes, lui fit éprouver une douce sensation, qui dura même après leur départ.
« La semaine suivante, la même lumière lui apparut avec la figure d'un enfant embrassant un petit chat. Plusieurs autres figures parurent de même, mais trop obscures pour être distinguées. En mars, il vit le profil d'une dame entourée d'un cercle lumineux ; il reconnut sa mère, et s'écria tout joyeux : Ma mère ! ma mère ! mais cette vision s'évanouit aussitôt. Dans la même nuit, il vit une très belle dame en toilette de ville avec un chapeau sur la tête.
« Une ou deux nuits après il vit un joli petit chien et un petit garçon. Une lumière lui apparut ensuite, semblable à celle d'une fenêtre dont le contour n'était pas nettement marqué, ce qui se renouvela quatre fois, et les trois premières fois pendant environ une demi-minute. M. O… se recueillit et chercha à deviner le sens de cette vision, et crut qu'elle signifiait qu'il n'avait plus que trois ans ou trois mois à vivre. La lumière revint encore une fois ; M. O… se leva sur son séant et la lumière disparut au bout d'une minute.
« Le 3 avril il vit une lumière faisant l'effet d'une fente lumineuse, et dans l'intérieur de la chambre une partie de figure d'homme : le front, les yeux et le nez étaient seuls visibles ; les yeux très grands et très saillants le regardaient avec fixité. Cela disparut bientôt. Aux dates ci-après il eut encore les visions suivantes :
« 4 avril. - Figure et buste d'une dame souriant à deux petits enfants qui s'embrassaient l'un l'autre. Un peu après c'était le haut de la tête d'un homme que M. O… a reconnu aux cheveux et au front pour un de ses amis mort récemment.
Nous extrayons le récit suivant du Spiritual Magazine publié à Londres, numéro d'avril 1861.
« M. O…, gentilhomme du Glocestershire, n'avait jamais eu de visions jusqu'au moment où il vint habiter P…, le 3 octobre 1859. Environ quinze jours après son arrivée il commença à en avoir la nuit ; c'étaient d'abord des rayons de lumière qui venaient éclairer sa chambre en passant par la croisée ; il y fit peu attention, attribuant cela à la lanterne d'un surveillant ou à un long éclair. Cependant, une nuit qu'il fixait ses yeux sur le mur de sa chambre, il vit se former une rose et ensuite des étoiles de diverses formes. Une autre nuit il vit, dans la mystérieuse lumière, deux anges magnifiques tenant une trompette. Cette nuit-là M. O… s'était retiré plus tôt que de coutume à cause d'une légère souffrance qu'il avait ressentie. La présence de ces deux anges, qui dura une ou deux secondes, lui fit éprouver une douce sensation, qui dura même après leur départ.
« La semaine suivante, la même lumière lui apparut avec la figure d'un enfant embrassant un petit chat. Plusieurs autres figures parurent de même, mais trop obscures pour être distinguées. En mars, il vit le profil d'une dame entourée d'un cercle lumineux ; il reconnut sa mère, et s'écria tout joyeux : Ma mère ! ma mère ! mais cette vision s'évanouit aussitôt. Dans la même nuit, il vit une très belle dame en toilette de ville avec un chapeau sur la tête.
« Une ou deux nuits après il vit un joli petit chien et un petit garçon. Une lumière lui apparut ensuite, semblable à celle d'une fenêtre dont le contour n'était pas nettement marqué, ce qui se renouvela quatre fois, et les trois premières fois pendant environ une demi-minute. M. O… se recueillit et chercha à deviner le sens de cette vision, et crut qu'elle signifiait qu'il n'avait plus que trois ans ou trois mois à vivre. La lumière revint encore une fois ; M. O… se leva sur son séant et la lumière disparut au bout d'une minute.
« Le 3 avril il vit une lumière faisant l'effet d'une fente lumineuse, et dans l'intérieur de la chambre une partie de figure d'homme : le front, les yeux et le nez étaient seuls visibles ; les yeux très grands et très saillants le regardaient avec fixité. Cela disparut bientôt. Aux dates ci-après il eut encore les visions suivantes :
« 4 avril. - Figure et buste d'une dame souriant à deux petits enfants qui s'embrassaient l'un l'autre. Un peu après c'était le haut de la tête d'un homme que M. O… a reconnu aux cheveux et au front pour un de ses amis mort récemment.
- 27 juillet. - Une main dirigée vers le bas. Ceci apparut d'abord sur le mur comme une lumière phosphorescente et prit graduellement la forme d'une main. Alors il vit une tête d'homme âgé appartenant à cette main, et un petit oiseau gris à plumes claires. Cette figure le regardait d'un air solennel, mais disparut ; il en éprouva une certaine crainte et se sentit trembler, mais en même temps il éprouvait une sensation de chaleur agréable. Il vit aussi un rouleau de papier sur lequel il y avait des hiéroglyphes.
- 12 décembre. - Un oiseau sur son nid donnant la becquée à ses petits.
- 13 décembre. - Deux têtes de léopards. - 15 d°. - Un fort coup qui fut entendu par miss S… dans sa chambre, et qui réveilla M. O… profondément endormi. - 16 d°. - Un bruit de cloches entendu aussi par miss S… - Un ange avec un petit enfant brillant qui se sont changés en fleurs. - Une tête de cerf avec de grandes cornes. - 18 d°. - Quelques figures et deux colombes. - 20 d°. - Plusieurs figures d'hommes, de femmes et d'enfants.
- 1° janvier. - Un grand bateau de l'arrière duquel une tête d'enfant s'élevait graduellement et finit par s'envoler à l'avant.
- 3 janvier. - Un chérubin et un enfant.
« Une nuit il vit une peinture représentant un superbe paysage ; c'était comme une ouverture dans l'obscurité ; il voyait des prairies, des champs, des arbres, etc., un homme se promenant et une vache. La plus belle clarté du soleil éclairait ce paysage. Ce qu'il y a de particulier à ces visions lumineuses, c'est que très souvent la lumière éclaire toute la chambre, de manière à laisser voir les meubles comme en plein jour ; quand elle disparaît tout rentre dans l'obscurité.
« M. O… a eu bien d'autres visions dont il a négligé de prendre note. »
Il nous semble qu'il y en a suffisamment pour nous permettre de les apprécier, et nous ne pensons pas qu'aucune personne éclairée sur la cause et la nature des phénomènes spirites puisse les considérer comme de véritables apparitions. Si l'on veut bien se reporter au premier article de ce numéro où nous avons essayé de déterminer le caractère de l'hallucination, on comprendra l'analogie qu'elles ont avec les figures qui se présentent souvent dans le demi-sommeil, et qu'elles doivent avoir les mêmes causes. Nous en serions convaincu par le seul fait de la multitude d'animaux qu'il a vus. On sait qu'il n'y a pas d'Esprits d'animaux errants dans le monde invisible, et que, par conséquent, il ne peut y avoir d'apparitions d'animaux, sauf le cas où un Esprit ferait naître une apparence de ce genre dans un but déterminé, ce qui ne serait toujours qu'une apparence, et non l'Esprit réel de tel ou tel animal. Le fait des apparitions est incontestable, mais il faut se garder d'en voir partout, et de prendre pour telles les jeux de certaines imaginations faciles à s'exalter, ou la vue rétrospective des images empreintes dans le cerveau. La minutie même avec laquelle M. O… relève certaines particularités insignifiantes est un indice de la nature des préoccupations de son esprit.
En résumé, nous ne trouvons rien dans les visions de M. O… qui ait le caractère des apparitions proprement dites, et nous croyons qu'il y a beaucoup d'inconvénient à donner de pareils faits sans commentaires, et sans faire de prudentes réserves, parce qu'on fournit sans le vouloir des armes à la critique.
Les Esprits et la grammaire
Une grave erreur grammaticale a été découverte dans le Livre des
Esprits par un profond critique qui nous a adressé la note suivante :
« Je lis, page 384, paragraphe 911, ligne 23, dans votre Livre des Esprits :
« Il y a beaucoup de personnes qui disent : Je veux ; mais la volonté n'est que sur les lèvres ; ils veulent et ils sont bien aises que cela ne soit pas. » Si vous aviez mis : « Elles veulent et elles sont bien aises que cela ne soit pas, » ne croyez-vous pas que le français y eût gagné ? Je serais tenté de croire que votre Esprit écrivain protecteur est un farceur qui vous fait commettre des fautes de langage. Dépêchez-vous de le punir et surtout de le corriger. »
Nous regrettons de ne pouvoir adresser nos remerciements à l'auteur de cette remarque ; mais c'est sans doute par modestie et pour se soustraire aux témoignages de notre reconnaissance qu'il a oublié de mettre son nom et son adresse, et qu'il s'est borné à signer : Un Esprit protecteur de la langue française. Puisqu'il paraît que ce monsieur, ou cet Esprit, se donne la peine de lire nos ouvrages, nous prions les bons Esprits de vouloir bien lui mettre notre réponse sous les yeux.
Il demeure évident que ce monsieur sait que le substantif personne est du féminin, et que les adjectifs et les pronoms s'accordent en genre et en nombre avec le substantif auquel ils se rapportent. Malheureusement on n'apprend pas tout dans les écoles, surtout en fait de langue française ; si ce monsieur, qui se déclare le protecteur de notre langue, avait franchi les limites de la grammaire de Lhomond, il saurait qu'on trouve dans Regnard la phrase suivante : Quoique ces trois personnes eussent des intérêts bien différents, ils étaient tous, néanmoins, tourmentÉs de la même passion ; et cette autre dans Vaugelas : Les personnes consommées dans la vertu ont en toutes choses une droiture d'esprit et une attention judicieuse qui les empêche d'être mÉdisants ; de là cette règle que l'on trouve dans la Grammaire normale des Examens, par MM. Lévi Alvarès et Rivail, dans celle de Boniface, etc.
« On emploie quelquefois, par syllepse, le pronom il pour remplacer le substantif personne, quoique ce dernier mot soit féminin. Cet accord ne peut avoir lieu que lorsque, dans la pensée, le mot personne ne représente pas exclusivement des femmes, et en outre quand le mot il en est assez éloigné pour que l'oreille n'en soit pas choquée. »
A l'égard du pronom personne, qui est masculin, on trouve la remarque suivante : « Cependant quand le pronom personne, désigne spécialement une femme, l'adjectif qui s'y rapporte peut se mettre au féminin ; on peut dire : Personne n'est plus jolie que Rosine (Boniface).
Les Esprits qui ont dicté la phrase en question ne sont donc pas tout à fait aussi ignorants que le prétend ce monsieur ; nous serions même tenté de croire qu'ils en savent un peu plus que lui, quoique en général ils se piquent assez peu d'exactitude grammaticale, à l'instar de plus d'un de nos savants qui ne sont pas tous de première force sur l'orthographe. Moralité : Il est bon de savoir avant de critiquer.
Quoi qu'il en soit, pour calmer les scrupules de ceux qui n'en sauraient pas davantage, et croiraient la doctrine en péril pour une faute de langue réelle ou supposée, nous avons changé cet accord dans la cinquième édition du Livre des Esprits qui vient de paraître, puisque :
. . . . Sans peine, aux rimeurs hasardeux
L'usage encor, je crois, laisse le choix des deux.
C'est vraiment plaisir de voir la peine que se donnent les adversaires du Spiritisme pour l'attaquer avec toutes les armes qui leur tombent sous la main ; mais ce qu'il y a de singulier, c'est que, malgré la multitude des traits qu'on lui décoche, malgré les pierres qu'on sème sur sa route, malgré les pièges qu'on lui tend pour le faire dévier de son but, aucun n'a encore trouvé le moyen de l'arrêter dans sa marche, et qu'il gagne un terrain désespérant pour ceux qui croyaient l'abattre en lui donnant des chiquenaudes. Après les chiquenaudes, les athlètes du feuilleton ont essayé les coups de massue : il n'en a pas même été ébranlé, et il n'en a couru que plus vite.
« Je lis, page 384, paragraphe 911, ligne 23, dans votre Livre des Esprits :
« Il y a beaucoup de personnes qui disent : Je veux ; mais la volonté n'est que sur les lèvres ; ils veulent et ils sont bien aises que cela ne soit pas. » Si vous aviez mis : « Elles veulent et elles sont bien aises que cela ne soit pas, » ne croyez-vous pas que le français y eût gagné ? Je serais tenté de croire que votre Esprit écrivain protecteur est un farceur qui vous fait commettre des fautes de langage. Dépêchez-vous de le punir et surtout de le corriger. »
Nous regrettons de ne pouvoir adresser nos remerciements à l'auteur de cette remarque ; mais c'est sans doute par modestie et pour se soustraire aux témoignages de notre reconnaissance qu'il a oublié de mettre son nom et son adresse, et qu'il s'est borné à signer : Un Esprit protecteur de la langue française. Puisqu'il paraît que ce monsieur, ou cet Esprit, se donne la peine de lire nos ouvrages, nous prions les bons Esprits de vouloir bien lui mettre notre réponse sous les yeux.
Il demeure évident que ce monsieur sait que le substantif personne est du féminin, et que les adjectifs et les pronoms s'accordent en genre et en nombre avec le substantif auquel ils se rapportent. Malheureusement on n'apprend pas tout dans les écoles, surtout en fait de langue française ; si ce monsieur, qui se déclare le protecteur de notre langue, avait franchi les limites de la grammaire de Lhomond, il saurait qu'on trouve dans Regnard la phrase suivante : Quoique ces trois personnes eussent des intérêts bien différents, ils étaient tous, néanmoins, tourmentÉs de la même passion ; et cette autre dans Vaugelas : Les personnes consommées dans la vertu ont en toutes choses une droiture d'esprit et une attention judicieuse qui les empêche d'être mÉdisants ; de là cette règle que l'on trouve dans la Grammaire normale des Examens, par MM. Lévi Alvarès et Rivail, dans celle de Boniface, etc.
« On emploie quelquefois, par syllepse, le pronom il pour remplacer le substantif personne, quoique ce dernier mot soit féminin. Cet accord ne peut avoir lieu que lorsque, dans la pensée, le mot personne ne représente pas exclusivement des femmes, et en outre quand le mot il en est assez éloigné pour que l'oreille n'en soit pas choquée. »
A l'égard du pronom personne, qui est masculin, on trouve la remarque suivante : « Cependant quand le pronom personne, désigne spécialement une femme, l'adjectif qui s'y rapporte peut se mettre au féminin ; on peut dire : Personne n'est plus jolie que Rosine (Boniface).
Les Esprits qui ont dicté la phrase en question ne sont donc pas tout à fait aussi ignorants que le prétend ce monsieur ; nous serions même tenté de croire qu'ils en savent un peu plus que lui, quoique en général ils se piquent assez peu d'exactitude grammaticale, à l'instar de plus d'un de nos savants qui ne sont pas tous de première force sur l'orthographe. Moralité : Il est bon de savoir avant de critiquer.
Quoi qu'il en soit, pour calmer les scrupules de ceux qui n'en sauraient pas davantage, et croiraient la doctrine en péril pour une faute de langue réelle ou supposée, nous avons changé cet accord dans la cinquième édition du Livre des Esprits qui vient de paraître, puisque :
. . . . Sans peine, aux rimeurs hasardeux
L'usage encor, je crois, laisse le choix des deux.
C'est vraiment plaisir de voir la peine que se donnent les adversaires du Spiritisme pour l'attaquer avec toutes les armes qui leur tombent sous la main ; mais ce qu'il y a de singulier, c'est que, malgré la multitude des traits qu'on lui décoche, malgré les pierres qu'on sème sur sa route, malgré les pièges qu'on lui tend pour le faire dévier de son but, aucun n'a encore trouvé le moyen de l'arrêter dans sa marche, et qu'il gagne un terrain désespérant pour ceux qui croyaient l'abattre en lui donnant des chiquenaudes. Après les chiquenaudes, les athlètes du feuilleton ont essayé les coups de massue : il n'en a pas même été ébranlé, et il n'en a couru que plus vite.
Dissertations et enseignements spirites - Par dictées spontanées
Rôle des médiums dans les communications (Obtenu par M. d'Ambel, médium de la Société.)
Quelle que soit la nature des médiums écrivains,
qu'ils soient mécaniques, semi-mécaniques, ou simplement intuitifs, nos procédés
de communication avec eux ne varient pas essentiellement. En effet, nous
communiquons avec les Esprits incarnés eux-mêmes, comme avec les Esprits
proprement dits, par le seul rayonnement de notre pensée.
Nos pensées n'ont pas besoin du vêtement de la parole pour être comprises par les Esprits, et tous les Esprits perçoivent la pensée que nous désirons leur communiquer, par cela seul que nous dirigeons cette pensée vers eux, et ce en raison de leurs facultés intellectuelles ; c'est-à-dire que telle pensée peut être comprise par tels et tels, suivant leur avancement, tandis que chez tels autres, cette pensée ne réveillant aucun souvenir, aucune connaissance au fond de leur cœur ou de leur cerveau, n'est pas perceptible pour eux. Dans ce cas, l'Esprit incarné qui nous sert de médium est plus propre à rendre notre pensée pour les autres incarnés, bien qu'il ne la comprenne pas, qu'un Esprit désincarné et peu avancé ne pourrait le faire, si nous étions forcé de recourir à son intermédiaire ; car l'être terrestre met son corps, comme instrument, à notre disposition, ce que l'Esprit errant ne peut faire.
Ainsi, quand nous trouvons dans un médium le cerveau meublé de connaissances acquises dans sa vie actuelle, et l'Esprit riche de connaissances antérieures latentes, propres à faciliter nos communications, nous nous en servons de préférence, parce qu'avec lui le phénomène de la communication nous est beaucoup plus facile qu'avec un médium dont l'intelligence serait bornée, et dont les connaissances antérieures seraient restées insuffisantes. Nous allons nous faire comprendre par quelques explications nettes et précises.
Avec un médium dont l'intelligence actuelle ou antérieure se trouve développée, notre pensée se communique instantanément d'Esprit à Esprit, par une faculté propre à l'essence de l'Esprit lui-même. Dans ce cas, nous trouvons dans le cerveau du médium les éléments propres à revêtir notre pensée du vêtement de la parole qui correspond à cette pensée, et cela, que le médium soit intuitif, semi-mécanique ou mécanique pur. C'est pourquoi, quelle que soit la diversité des Esprits qui se communiquent à un médium, les dictées obtenues par lui, tout en procédant d'Esprits divers, portent-elles un cachet de forme et de couleur personnel à ce médium. Oui, bien que la pensée lui soit tout à fait étrangère, bien que le sujet sorte du cadre dans lequel il se meut habituellement lui-même, bien que ce que nous voulons dire ne provienne en aucune façon de lui, il n'en influence pas moins la forme, par les qualités, les propriétés qui sont adéquates à son individu. C'est absolument comme lorsque vous regardez différents points de vue avec des lunettes nuancées, vertes, blanches ou bleues ; bien que les points de vue ou objets regardés soient tout à fait opposés et tout à fait indépendants les uns des autres, ils n'en affectent pas moins toujours une teinte qui provient de la couleur des lunettes. Ou mieux, comparons les médiums à ces bocaux pleins de liquides colorés et transparents que l'on voit dans la montre des officines pharmaceutiques ; eh bien ! nous sommes comme des lumières qui éclairons certains points de vue moraux, philosophiques et internes, à travers des médiums bleus, verts ou rouges, de telle sorte que nos rayons lumineux, obligés de passer à travers des verres plus ou moins bien taillés, plus ou moins transparents, c'est-à-dire par des médiums plus ou moins intelligents, n'arrivent sur les objets que nous voulons éclairer qu'en empruntant la teinte, ou mieux la forme propre et particulière à ces médiums. Enfin pour terminer par une dernière comparaison, nous, Esprits, sommes comme des compositeurs de musique qui avons composé ou voulons improviser un air, et n'avons sous la main qu'un piano, qu'un violon, qu'une flûte, qu'un basson ou qu'un sifflet de deux sous. Il est incontestable qu'avec le piano, la flûte ou le violon nous exécuterons notre morceau d'une manière très compréhensible pour nos auditeurs ; bien que les sons provenant du piano, du basson ou de la clarinette soient essentiellement différents les uns des autres, notre composition n'en sera pas moins identiquement la même, sauf les nuances du son. Mais si nous n'avons à notre disposition qu'un sifflet de deux sous ou qu'un entonnoir de fontainier, là pour nous gît la difficulté.
En effet, quand nous sommes obligés de nous servir de médiums peu avancés, notre travail devient bien plus long, bien plus pénible, parce que nous sommes obligés d'avoir recours à des formes incomplètes, ce qui est une complication pour nous ; car alors nous sommes forcés de décomposer nos pensées et de procéder, mots par mots, lettres par lettres, ce qui est un ennui et une fatigue pour nous, et une entrave réelle à la promptitude et au développement de nos manifestations.
C'est pourquoi nous sommes heureux de trouver des médiums bien appropriés, bien outillés, munis de matériaux prêts à fonctionner, bons instruments en un mot, parce qu'alors notre périsprit agissant sur le périsprit de celui qui nous médianimisons, n'a plus qu'à donner l'impulsion à la main qui nous sert de porte-plume ou de porte-crayon ; tandis qu'avec les médiums insuffisants, nous sommes obligés de faire un travail analogue à celui que nous faisons quand nous nous communiquons par des coups frappés, c'est-à-dire en désignant lettre par lettre, mot par mot, chacune des phrases qui forment la traduction des pensées que nous voulons communiquer.
C'est pour ces raisons que nous nous sommes adressés de préférence aux classes éclairées et instruites, pour la divulgation du Spiritisme et le développement des facultés médianimiques scriptives, bien que ce soit parmi ces classes que se rencontrent les individus les plus incrédules, les plus rebelles et les plus immoraux. C'est que de même que nous laissons aujourd'hui, aux Esprits jongleurs et peu avancés, l'exercice des communications tangibles de coups et d'apports, de même les hommes peu sérieux parmi vous préfèrent-ils la vue des phénomènes qui frappent leurs yeux ou leurs oreilles, aux phénomènes purement spirituels, purement psychologiques.
Quand nous voulons procéder par dictées spontanées, nous agissons sur le cerveau, sur les casiers du médium, et nous assemblons nos matériaux avec les éléments qu'il nous fournit, et cela tout à fait à son insu ; c'est comme si nous prenions dans sa bourse les sommes qu'il peut y avoir, et que nous en arrangions les différentes monnaies suivant l'ordre qui nous paraîtrait le plus utile.
Mais quand le médium veut lui-même nous interroger de telle ou telle façon, il est bon qu'il y réfléchisse sérieusement afin de nous questionner d'une façon méthodique, en nous facilitant ainsi notre travail de réponse. Car, comme Éraste te l'a dit, dans une précédente instruction, votre cerveau est souvent dans un désordre inextricable, et il nous est aussi pénible que difficile de nous mouvoir dans le dédale de vos pensées. Quand des questions doivent être posées par des tiers, il est bon, il est utile que la série des questions soit communiquée, par avance, au médium, pour que celui-ci s'identifie avec l'Esprit de l'évocateur, et s'en imprègne pour ainsi dire ; parce que nous-mêmes avons alors bien plus de facilité pour répondre, par l'affinité qui existe entre notre périsprit et celui du médium qui nous sert d'interprète.
Certainement, nous pouvons parler mathématiques au moyen d'un médium qui y a l'air tout à fait étranger ; mais souvent l'Esprit de ce médium possède cette connaissance à l'état latent, c'est-à-dire personnel à l'être fluidique et non à l'être incarné, parce que son corps actuel est un instrument rebelle au contraire à cette connaissance. Il en est de même de l'astronomie, de la poésie, de la médecine et des langues diverses ainsi que de toutes les autres connaissances particulières à l'espèce humaine. Enfin, nous avons encore le moyen de l'élaboration pénible en usage avec les médiums complètement étrangers au sujet traité, en assemblant les lettres et les mots comme en typographie.
Comme nous l'avons dit, les Esprits n'ont pas besoin de revêtir leur pensée ; ils perçoivent et communiquent la pensée, par ce fait seul qu'elle existe en eux. Les êtres corporels, au contraire, ne peuvent percevoir la pensée que revêtue. Tandis que la lettre, le mot, le substantif, le verbe, la phrase en un mot, vous sont nécessaires pour percevoir même mentalement, aucune forme visible ou tangible n'est nécessaire pour nous.
Éraste et Timothée, Esprits protecteurs des médiums.
Nos pensées n'ont pas besoin du vêtement de la parole pour être comprises par les Esprits, et tous les Esprits perçoivent la pensée que nous désirons leur communiquer, par cela seul que nous dirigeons cette pensée vers eux, et ce en raison de leurs facultés intellectuelles ; c'est-à-dire que telle pensée peut être comprise par tels et tels, suivant leur avancement, tandis que chez tels autres, cette pensée ne réveillant aucun souvenir, aucune connaissance au fond de leur cœur ou de leur cerveau, n'est pas perceptible pour eux. Dans ce cas, l'Esprit incarné qui nous sert de médium est plus propre à rendre notre pensée pour les autres incarnés, bien qu'il ne la comprenne pas, qu'un Esprit désincarné et peu avancé ne pourrait le faire, si nous étions forcé de recourir à son intermédiaire ; car l'être terrestre met son corps, comme instrument, à notre disposition, ce que l'Esprit errant ne peut faire.
Ainsi, quand nous trouvons dans un médium le cerveau meublé de connaissances acquises dans sa vie actuelle, et l'Esprit riche de connaissances antérieures latentes, propres à faciliter nos communications, nous nous en servons de préférence, parce qu'avec lui le phénomène de la communication nous est beaucoup plus facile qu'avec un médium dont l'intelligence serait bornée, et dont les connaissances antérieures seraient restées insuffisantes. Nous allons nous faire comprendre par quelques explications nettes et précises.
Avec un médium dont l'intelligence actuelle ou antérieure se trouve développée, notre pensée se communique instantanément d'Esprit à Esprit, par une faculté propre à l'essence de l'Esprit lui-même. Dans ce cas, nous trouvons dans le cerveau du médium les éléments propres à revêtir notre pensée du vêtement de la parole qui correspond à cette pensée, et cela, que le médium soit intuitif, semi-mécanique ou mécanique pur. C'est pourquoi, quelle que soit la diversité des Esprits qui se communiquent à un médium, les dictées obtenues par lui, tout en procédant d'Esprits divers, portent-elles un cachet de forme et de couleur personnel à ce médium. Oui, bien que la pensée lui soit tout à fait étrangère, bien que le sujet sorte du cadre dans lequel il se meut habituellement lui-même, bien que ce que nous voulons dire ne provienne en aucune façon de lui, il n'en influence pas moins la forme, par les qualités, les propriétés qui sont adéquates à son individu. C'est absolument comme lorsque vous regardez différents points de vue avec des lunettes nuancées, vertes, blanches ou bleues ; bien que les points de vue ou objets regardés soient tout à fait opposés et tout à fait indépendants les uns des autres, ils n'en affectent pas moins toujours une teinte qui provient de la couleur des lunettes. Ou mieux, comparons les médiums à ces bocaux pleins de liquides colorés et transparents que l'on voit dans la montre des officines pharmaceutiques ; eh bien ! nous sommes comme des lumières qui éclairons certains points de vue moraux, philosophiques et internes, à travers des médiums bleus, verts ou rouges, de telle sorte que nos rayons lumineux, obligés de passer à travers des verres plus ou moins bien taillés, plus ou moins transparents, c'est-à-dire par des médiums plus ou moins intelligents, n'arrivent sur les objets que nous voulons éclairer qu'en empruntant la teinte, ou mieux la forme propre et particulière à ces médiums. Enfin pour terminer par une dernière comparaison, nous, Esprits, sommes comme des compositeurs de musique qui avons composé ou voulons improviser un air, et n'avons sous la main qu'un piano, qu'un violon, qu'une flûte, qu'un basson ou qu'un sifflet de deux sous. Il est incontestable qu'avec le piano, la flûte ou le violon nous exécuterons notre morceau d'une manière très compréhensible pour nos auditeurs ; bien que les sons provenant du piano, du basson ou de la clarinette soient essentiellement différents les uns des autres, notre composition n'en sera pas moins identiquement la même, sauf les nuances du son. Mais si nous n'avons à notre disposition qu'un sifflet de deux sous ou qu'un entonnoir de fontainier, là pour nous gît la difficulté.
En effet, quand nous sommes obligés de nous servir de médiums peu avancés, notre travail devient bien plus long, bien plus pénible, parce que nous sommes obligés d'avoir recours à des formes incomplètes, ce qui est une complication pour nous ; car alors nous sommes forcés de décomposer nos pensées et de procéder, mots par mots, lettres par lettres, ce qui est un ennui et une fatigue pour nous, et une entrave réelle à la promptitude et au développement de nos manifestations.
C'est pourquoi nous sommes heureux de trouver des médiums bien appropriés, bien outillés, munis de matériaux prêts à fonctionner, bons instruments en un mot, parce qu'alors notre périsprit agissant sur le périsprit de celui qui nous médianimisons, n'a plus qu'à donner l'impulsion à la main qui nous sert de porte-plume ou de porte-crayon ; tandis qu'avec les médiums insuffisants, nous sommes obligés de faire un travail analogue à celui que nous faisons quand nous nous communiquons par des coups frappés, c'est-à-dire en désignant lettre par lettre, mot par mot, chacune des phrases qui forment la traduction des pensées que nous voulons communiquer.
C'est pour ces raisons que nous nous sommes adressés de préférence aux classes éclairées et instruites, pour la divulgation du Spiritisme et le développement des facultés médianimiques scriptives, bien que ce soit parmi ces classes que se rencontrent les individus les plus incrédules, les plus rebelles et les plus immoraux. C'est que de même que nous laissons aujourd'hui, aux Esprits jongleurs et peu avancés, l'exercice des communications tangibles de coups et d'apports, de même les hommes peu sérieux parmi vous préfèrent-ils la vue des phénomènes qui frappent leurs yeux ou leurs oreilles, aux phénomènes purement spirituels, purement psychologiques.
Quand nous voulons procéder par dictées spontanées, nous agissons sur le cerveau, sur les casiers du médium, et nous assemblons nos matériaux avec les éléments qu'il nous fournit, et cela tout à fait à son insu ; c'est comme si nous prenions dans sa bourse les sommes qu'il peut y avoir, et que nous en arrangions les différentes monnaies suivant l'ordre qui nous paraîtrait le plus utile.
Mais quand le médium veut lui-même nous interroger de telle ou telle façon, il est bon qu'il y réfléchisse sérieusement afin de nous questionner d'une façon méthodique, en nous facilitant ainsi notre travail de réponse. Car, comme Éraste te l'a dit, dans une précédente instruction, votre cerveau est souvent dans un désordre inextricable, et il nous est aussi pénible que difficile de nous mouvoir dans le dédale de vos pensées. Quand des questions doivent être posées par des tiers, il est bon, il est utile que la série des questions soit communiquée, par avance, au médium, pour que celui-ci s'identifie avec l'Esprit de l'évocateur, et s'en imprègne pour ainsi dire ; parce que nous-mêmes avons alors bien plus de facilité pour répondre, par l'affinité qui existe entre notre périsprit et celui du médium qui nous sert d'interprète.
Certainement, nous pouvons parler mathématiques au moyen d'un médium qui y a l'air tout à fait étranger ; mais souvent l'Esprit de ce médium possède cette connaissance à l'état latent, c'est-à-dire personnel à l'être fluidique et non à l'être incarné, parce que son corps actuel est un instrument rebelle au contraire à cette connaissance. Il en est de même de l'astronomie, de la poésie, de la médecine et des langues diverses ainsi que de toutes les autres connaissances particulières à l'espèce humaine. Enfin, nous avons encore le moyen de l'élaboration pénible en usage avec les médiums complètement étrangers au sujet traité, en assemblant les lettres et les mots comme en typographie.
Comme nous l'avons dit, les Esprits n'ont pas besoin de revêtir leur pensée ; ils perçoivent et communiquent la pensée, par ce fait seul qu'elle existe en eux. Les êtres corporels, au contraire, ne peuvent percevoir la pensée que revêtue. Tandis que la lettre, le mot, le substantif, le verbe, la phrase en un mot, vous sont nécessaires pour percevoir même mentalement, aucune forme visible ou tangible n'est nécessaire pour nous.
Éraste et Timothée, Esprits protecteurs des médiums.
L'Hôtel-Dieu (Obtenu par M. A. Didier, médium de la Société.)
Un soir d'hiver je suivais les quais sombres qui avoisinent Notre-Dame ; c'est le quartier du désespoir et de la mort ; un poète l'a bien compris ; ce quartier a toujours été, depuis la Cour des Miracles jusqu'à la Morgue, le réceptacle de toutes les misères humaines. Aujourd'hui que tout tombe, ces immenses monuments de l'agonie que l'homme appelle hôpitaux de l'Hôtel-Dieu vont tomber peut-être aussi. Je regardais ces lumières blafardes qui percent ces sombres murs, et je me disais : Que de morts désespérées ! quelle fosse commune de la pensée qui engloutit chaque jour tant de cœurs changés, tant d'innocences gangrenées ! C'est donc là, me disais-je, que sont morts tant de rêveurs, poètes, artistes ou savants ! Il y a un petit couloir en pont au-dessus de la rivière qui clapote lourdement ; c'est là que passent ceux qui ne sont plus. Les morts entrent alors dans un autre bâtiment sur la façade duquel on devrait écrire comme à la porte de l'Enfer : Ici plus d'espérance. En effet, c'est là que le corps se découpe pour servir à la science ; mais c'est là aussi que la science dérobe à la foi le moindre reste d'espérance.
En proie à ces pensées j'avais fait quelques pas, mais la pensée va plus vite que nous. Je fus rejoint par un jeune homme jaune et grelottant qui me demanda sans façon du feu pour sa pipe ; c'était un carabin, comme on dit. Aussitôt dit, aussitôt fait ; je fumais aussi et j'entrai en conversation avec l'inconnu ; pâle, amaigri et affaibli par les veilles, front vaste et oeil triste, tel était au premier coup d'oeil l'aspect de cet homme. Il paraissait penseur, je lui fis part de mes pensées. - Je viens de disséquer, dit-il, mais je n'ai trouvé que la matière. Ah ! mon Dieu, ajouta-t-il avec un sang-froid glacial, si vous voulez vous débarrasser de cette étrange maladie que l'on nomme croyance à l'immortalité de l'âme, allez voir chaque jour, comme moi, se dissoudre avec tant d'uniformité cette matière que l'on nomme le corps ; allez voir comment s'éteignent ces cerveaux enthousiastes, ces cœurs généreux ou dégradés ; allez voir si le néant qui les saisit n'est pas le même chez tous. Quelle folie de croire ! Je lui demandai son âge. - J'ai 24 ans, me dit-il ; sur ce je vous quitte, car il fait bien froid.
Est-ce donc là, me demandai-je en le voyant s'éloigner, le résultat de la science ?
Gérard de Nerval.
Je continuerai.
Nota. A quelques jours de là, madame Costel obtint en particulier la communication suivante, dont l'analogie avec la précédente offre une particularité remarquable.
« Je suivais un soir les quais déserts ; il faisait beau et chaud ; les étoiles d'or se détachaient sur le sombre azur ; la lune arrondissait son cercle élégant, et son blanc rayon éclairait comme un sourire l'eau profonde. Les peupliers, muets gardiens de la rive, élançaient leurs formes sveltes, et je passais lentement, regardant tour à tour le reflet des astres dans l'eau, et le reflet de Dieu dans la voûte azurée. Devant moi marchait une femme, et avec une curiosité puérile je suivais ses pas qui semblaient régler les miens. Longtemps nous marchâmes ainsi ; arrivés devant la façade de l'Hôtel-Dieu, trouée çà et là de points lumineux, elle s'arrêta, et se tournant vers moi, elle m'adressa subitement la parole, comme si j'eusse été son compagnon. - Ami, dit-elle, crois-tu que ceux qui souffrent ici souffrent plus de l'âme que du corps ? ou crois-tu que la douleur physique éteigne la lueur divine ? - Je crois, répondis-je, profondément surpris, que, pour la plupart des malheureux qui, à cette heure, souffrent et agonisent, la douleur physique est le répit et l'oubli de leurs misères habituelles. - Tu te trompes, ami, reprit-elle en souriant gravement ; la maladie est une suprême angoisse pour les déshérités de la terre, pour les pauvres, les ignorants et les abandonnés ; elle ne verse l'oubli qu'à ceux qui, semblables à toi, ne souffrent que de la nostalgie des biens rêvés et ne connaissent que les douleurs idéales couronnées de violettes. Je voulus parler ; elle me fit signe de me taire, et élevant sa blanche main vers l'hôpital : ici, dit-elle, s'agitent des malheureux qui calculent le nombre d'heures volées par la maladie à leur salaire ; ici des femmes dans les angoisses songent au cabaret qui engourdit le chagrin et fait oublier à leurs maris le pain des enfants ; ici, là, partout, les préoccupations terrestres étreignent et étouffent la pâle lueur de l'espérance qui ne peut se glisser dans ces âmes désolées. Dieu est encore plus oublié de ces malheureux, vaincus par la souffrance, qu'il ne l'est dans leur patient labeur ; c'est que Dieu est bien haut, bien loin, tandis que la misère est proche ; donc, que faire pour donner à ces hommes, à ces femmes, l'élan moral nécessaire pour qu'ils dépouillent leur enveloppe charnelle, non comme des insectes rampants, mais comme des créatures intelligentes, ou pour qu'ils rentrent moins sombres et moins désespérés dans la bataille de la vie ? Toi, rêveur ; toi, poète qui rimes des sonnets à la lune, as-tu jamais pensé à ce formidable problème que seuls peuvent résoudre deux mots : charité et amour ?
La femme semblait grandir, et le frisson des choses divines courait en moi. Écoute encore, reprit-elle, et sa grande voix semblait remplir la cité de son harmonie : Allez tous, vous les puissants, les riches, les intelligents ; allez répandre une merveilleuse nouvelle ; dites à ceux qui souffrent et qui sont abandonnés, que Dieu, leur père, n'est plus réfugié dans le ciel inaccessible, et qu'il leur envoie pour les consoler et les assister les Esprits de ceux qu'ils ont perdus ; que leurs pères, leurs mères, leurs enfants, penchés à leur chevet et leur parlant la langue connue, leur apprendront qu'au delà de la tombe brille une jeune aurore qui dissipe, comme une nuée, les maux terrestres. L'ange ouvrit les yeux de Tobie ; que l'ange de l'amour ouvre à son tour les âmes fermées de ceux qui souffrent sans espoir ; et disant cela, la femme toucha légèrement mes paupières, et je vis à travers les murs de l'hôpital les Esprits, pures flammes, qui faisaient resplendir les salles désolées. Leur union avec l'humanité se consommait, et les plaies de l'âme et du corps étaient pansées et adoucies par le baume de l'espérance. Des légions d'Esprits, plus innombrables et plus brillants que les étoiles, chassaient devant eux, comme d'impures vapeurs, le désespoir, le doute ; et de l'air, de la terre, du fleuve s'échappait un seul mot : amour.
Je restai longtemps immobile et transporté hors de moi-même ; puis les ténèbres envahirent de nouveau la terre ; l'espace devint désert. Je regardai autour de moi, la femme n'y était plus ; un grand tremblement m'agitait, et je demeurais étranger à ce qui m'entourait. Depuis cette nuit on me nomma le rêveur et le fou. Oh ! quelle douce et sublime folie que celle de croire au réveil de la tombe ; mais qu'elle est navrante et stupide la folie qui montre le néant comme l'unique compensation de nos misères, comme l'unique récompense des vertus obscures et modestes ! Quel est ici le véritable fou : celui qui espère, ou celui qui désespère ?
Alfred de Musset.
Après la lecture de cette communication, Gérard de Nerval dicte spontanément ce qui suit, par un autre médium, M. Didier :
« Mon noble ami Musset a terminé pour moi ; nous nous étions entendus ; seulement il fallait, puisque la suite était tout à fait la réponse à la première partie que j'ai dictée, il fallait, dis-je, un style différent et des images plus consolantes. »
En proie à ces pensées j'avais fait quelques pas, mais la pensée va plus vite que nous. Je fus rejoint par un jeune homme jaune et grelottant qui me demanda sans façon du feu pour sa pipe ; c'était un carabin, comme on dit. Aussitôt dit, aussitôt fait ; je fumais aussi et j'entrai en conversation avec l'inconnu ; pâle, amaigri et affaibli par les veilles, front vaste et oeil triste, tel était au premier coup d'oeil l'aspect de cet homme. Il paraissait penseur, je lui fis part de mes pensées. - Je viens de disséquer, dit-il, mais je n'ai trouvé que la matière. Ah ! mon Dieu, ajouta-t-il avec un sang-froid glacial, si vous voulez vous débarrasser de cette étrange maladie que l'on nomme croyance à l'immortalité de l'âme, allez voir chaque jour, comme moi, se dissoudre avec tant d'uniformité cette matière que l'on nomme le corps ; allez voir comment s'éteignent ces cerveaux enthousiastes, ces cœurs généreux ou dégradés ; allez voir si le néant qui les saisit n'est pas le même chez tous. Quelle folie de croire ! Je lui demandai son âge. - J'ai 24 ans, me dit-il ; sur ce je vous quitte, car il fait bien froid.
Est-ce donc là, me demandai-je en le voyant s'éloigner, le résultat de la science ?
Gérard de Nerval.
Je continuerai.
Nota. A quelques jours de là, madame Costel obtint en particulier la communication suivante, dont l'analogie avec la précédente offre une particularité remarquable.
« Je suivais un soir les quais déserts ; il faisait beau et chaud ; les étoiles d'or se détachaient sur le sombre azur ; la lune arrondissait son cercle élégant, et son blanc rayon éclairait comme un sourire l'eau profonde. Les peupliers, muets gardiens de la rive, élançaient leurs formes sveltes, et je passais lentement, regardant tour à tour le reflet des astres dans l'eau, et le reflet de Dieu dans la voûte azurée. Devant moi marchait une femme, et avec une curiosité puérile je suivais ses pas qui semblaient régler les miens. Longtemps nous marchâmes ainsi ; arrivés devant la façade de l'Hôtel-Dieu, trouée çà et là de points lumineux, elle s'arrêta, et se tournant vers moi, elle m'adressa subitement la parole, comme si j'eusse été son compagnon. - Ami, dit-elle, crois-tu que ceux qui souffrent ici souffrent plus de l'âme que du corps ? ou crois-tu que la douleur physique éteigne la lueur divine ? - Je crois, répondis-je, profondément surpris, que, pour la plupart des malheureux qui, à cette heure, souffrent et agonisent, la douleur physique est le répit et l'oubli de leurs misères habituelles. - Tu te trompes, ami, reprit-elle en souriant gravement ; la maladie est une suprême angoisse pour les déshérités de la terre, pour les pauvres, les ignorants et les abandonnés ; elle ne verse l'oubli qu'à ceux qui, semblables à toi, ne souffrent que de la nostalgie des biens rêvés et ne connaissent que les douleurs idéales couronnées de violettes. Je voulus parler ; elle me fit signe de me taire, et élevant sa blanche main vers l'hôpital : ici, dit-elle, s'agitent des malheureux qui calculent le nombre d'heures volées par la maladie à leur salaire ; ici des femmes dans les angoisses songent au cabaret qui engourdit le chagrin et fait oublier à leurs maris le pain des enfants ; ici, là, partout, les préoccupations terrestres étreignent et étouffent la pâle lueur de l'espérance qui ne peut se glisser dans ces âmes désolées. Dieu est encore plus oublié de ces malheureux, vaincus par la souffrance, qu'il ne l'est dans leur patient labeur ; c'est que Dieu est bien haut, bien loin, tandis que la misère est proche ; donc, que faire pour donner à ces hommes, à ces femmes, l'élan moral nécessaire pour qu'ils dépouillent leur enveloppe charnelle, non comme des insectes rampants, mais comme des créatures intelligentes, ou pour qu'ils rentrent moins sombres et moins désespérés dans la bataille de la vie ? Toi, rêveur ; toi, poète qui rimes des sonnets à la lune, as-tu jamais pensé à ce formidable problème que seuls peuvent résoudre deux mots : charité et amour ?
La femme semblait grandir, et le frisson des choses divines courait en moi. Écoute encore, reprit-elle, et sa grande voix semblait remplir la cité de son harmonie : Allez tous, vous les puissants, les riches, les intelligents ; allez répandre une merveilleuse nouvelle ; dites à ceux qui souffrent et qui sont abandonnés, que Dieu, leur père, n'est plus réfugié dans le ciel inaccessible, et qu'il leur envoie pour les consoler et les assister les Esprits de ceux qu'ils ont perdus ; que leurs pères, leurs mères, leurs enfants, penchés à leur chevet et leur parlant la langue connue, leur apprendront qu'au delà de la tombe brille une jeune aurore qui dissipe, comme une nuée, les maux terrestres. L'ange ouvrit les yeux de Tobie ; que l'ange de l'amour ouvre à son tour les âmes fermées de ceux qui souffrent sans espoir ; et disant cela, la femme toucha légèrement mes paupières, et je vis à travers les murs de l'hôpital les Esprits, pures flammes, qui faisaient resplendir les salles désolées. Leur union avec l'humanité se consommait, et les plaies de l'âme et du corps étaient pansées et adoucies par le baume de l'espérance. Des légions d'Esprits, plus innombrables et plus brillants que les étoiles, chassaient devant eux, comme d'impures vapeurs, le désespoir, le doute ; et de l'air, de la terre, du fleuve s'échappait un seul mot : amour.
Je restai longtemps immobile et transporté hors de moi-même ; puis les ténèbres envahirent de nouveau la terre ; l'espace devint désert. Je regardai autour de moi, la femme n'y était plus ; un grand tremblement m'agitait, et je demeurais étranger à ce qui m'entourait. Depuis cette nuit on me nomma le rêveur et le fou. Oh ! quelle douce et sublime folie que celle de croire au réveil de la tombe ; mais qu'elle est navrante et stupide la folie qui montre le néant comme l'unique compensation de nos misères, comme l'unique récompense des vertus obscures et modestes ! Quel est ici le véritable fou : celui qui espère, ou celui qui désespère ?
Alfred de Musset.
Après la lecture de cette communication, Gérard de Nerval dicte spontanément ce qui suit, par un autre médium, M. Didier :
« Mon noble ami Musset a terminé pour moi ; nous nous étions entendus ; seulement il fallait, puisque la suite était tout à fait la réponse à la première partie que j'ai dictée, il fallait, dis-je, un style différent et des images plus consolantes. »
La prière (Envoi de M. Sabo, de Bordeaux.)
Tempête des passions humaines, étouffoir des bons sentiments dont tous les Esprits incarnés ont au fond de la conscience une vague intuition, qui calme votre furie ? C'est la prière qui doit protéger les hommes contre le flux de cet océan dont le sein recèle les monstres hideux de l'orgueil, de l'envie, de la haine, de l'hypocrisie, du mensonge, de l'impureté, du matérialisme et des blasphèmes. La digue que vous leur opposez par la prière est construite avec la pierre et le ciment le plus dur, et dans leur impuissance à la franchir, ils viennent s'épuiser en vains efforts contre elle et rentrent sanglants et meurtris au fond de l'abîme. O prière du cœur, invocation incessante de la créature au créateur, si l'on connaissait ta force, que de cœurs entraînés par faiblesse auraient recours à toi au moment de tomber ! Tu es le précieux antidote qui guérit les plaies presque toujours mortelles que la matière fait à l'esprit en faisant courir dans ses veines le poison de ses sensations brutales. Mais qu'il est restreint le nombre de ceux qui prient bien ! Croyez-vous qu'après avoir consacré une grande partie de votre temps à réciter les formules que vous avez apprises ou à les lire dans vos livres, vous aurez bien mérité de Dieu ? Détrompez-vous ; la bonne prière est celle qui part du cœur ; elle n'est pas diffuse ; seulement, de temps en temps, elle laisse échapper en aspirations vers Dieu son cri, ou de détresse, ou de pardon, comme pour l'implorer de venir à notre secours, et les bons Esprits la portent aux pieds du Père juste et éternel, et cet encens est pour lui d'agréable odeur. Alors il les envoie en troupes nombreuses fortifier ceux qui prient bien contre l'Esprit du mal ; ils deviennent forts comme des rochers inébranlables ; ils voient se briser contre eux les vagues des passions humaines, et comme ils se plaisent dans cette lutte qui doit les remplir de mérite, ils construisent, comme l'alcyon, leur nid au milieu des tempêtes.
Fénelon.