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REVUE SPIRITE JOURNAL D'ETUDES PSYCHOLOGIQUES - 1862 > Mars
Mars
A nos correspondants
Paris, 1er mars 1862.
Messieurs,
Vous connaissez le proverbe : A l'impossible nul n'est tenu ; c'est le bénéfice de ce principe que je viens réclamer auprès de vous. Depuis six mois, avec la meilleure volonté du monde, il m'a été matériellement impossible de mettre à jour ma correspondance, qui s'accumule au-delà de toutes prévisions. Je suis donc dans la position d'un débiteur qui demande des arrangements avec ses créanciers, sous peine de déposer son bilan. A mesure que quelques dettes sont payées, de nouvelles obligations arrivent plus nombreuses, si bien que l'arriéré croît sans cesse au lieu de décroître, et que je me trouve en ce moment en présence d'un passif de plus de deux cents lettres ; or, la moyenne étant d'environ dix par jour, je ne verrais aucun moyen de me libérer, si je n'obtenais de votre part un sursis illimité.
Loin de moi de me plaindre du nombre de lettres que je reçois, car c'est une preuve irrécusable de l'extension de la doctrine, et la plupart expriment des sentiments dont je ne puis qu'être profondément touché, et qui en font pour moi des archives d'un prix inestimable. Beaucoup, d'ailleurs, renferment d'utiles renseignements qui ne sont jamais perdus, et qui sont tôt ou tard utilisés, suivant les circonstances, parce qu'ils sont immédiatement classés selon leur spécialité.
La correspondance seule suffirait donc et au-delà pour absorber tous mes instants, et cependant elle constitue à peine le quart des occupations nécessitées par la tâche que j'ai entreprise, tâche dont j'étais loin de prévoir le développement au début de ma carrière spirite. Aussi plusieurs publications très importantes se trouvent-elles arrêtées faute du temps nécessaire pour y travailler, et je viens de recevoir de mes guides spirituels l'invitation pressante de m'en occuper sans retard et toute affaire cessante pour des causes urgentes. Force m'est donc, à moins de faillir à l'accomplissement de l'œuvre si heureusement commencée, d'opérer une sorte de liquidation épistolaire pour le passé, et de me borner, pour l'avenir, aux réponses strictement nécessaires, en priant collectivement mes honorables correspondants d'agréer l'expression de ma vive et sincère gratitude pour les témoignages de sympathie qu'ils veulent bien me donner.
Parmi les lettres qui me sont adressées, beaucoup contiennent des demandes d'évocations, ou de contrôles d'évocations faites ailleurs ; on demande souvent aussi des renseignements sur l'aptitude à la médiumnité, ou sur des choses d'intérêts matériels. Je rappellerai ici ce que j'ai dit ailleurs sur la difficulté, et même les inconvénients de ces sortes d'évocations faites en l'absence des personnes intéressées, seules aptes à en vérifier l'exactitude et à faire les questions nécessaires, à quoi il faut ajouter que les Esprits se communiquent plus facilement et plus volontiers à ceux qu'ils affectionnent qu'à des étrangers qui leur sont indifférents. C'est pourquoi, à part toute considération relative à mes occupations, je ne puis accéder aux demandes de cette nature que dans des circonstances très exceptionnelles, et, dans tous les cas, jamais pour ce qui concerne les intérêts matériels. On s'épargnerait souvent la peine d'une multitude de demandes si l'on avait lu attentivement les instructions contenues à ce sujet dans le Livre des Médiums, chap. 26.
D'un autre côté, les évocations personnelles ne peuvent être faites dans les séances de la Société que lorsqu'elles offrent un sujet d'étude instructif et d'un intérêt général ; hors cela, elles ne peuvent avoir lieu que dans des séances spéciales ; or, pour satisfaire à toutes les demandes, une séance de deux heures par jour ne suffirait pas. Il faut en outre considérer que tous les médiums, sans exception, qui nous donnent leur concours, le font par pure obligeance, n'en admettant pas à d'autres conditions, et, comme ils ont leurs propres affaires, ils ne sont pas toujours disponibles, quelle que soit leur bonne volonté. Je conçois tout l'intérêt que chacun attache aux questions qui le concernent, et je serais heureux de pouvoir y répondre ; mais si l'on considère que ma position me met en rapport avec des milliers de personnes, on comprendra l'impossibilité où je suis de le faire. Il faut se figurer que certaines évocations n'exigent pas moins de cinq ou six heures de travail, tant pour les faire que pour les transcrire et les mettre au net, et que toutes celles qui m'ont été demandées rempliraient deux volumes comme celui des Esprits. Au reste, les médiums se multiplient chaque jour, et il est bien rare de n'en pas trouver dans sa famille ou parmi ses connaissances, si on ne l'est pas soi-même, ce qui est toujours préférable pour les choses intimes ; il ne s'agit que d'essayer dans de bonnes conditions dont la première est de se bien pénétrer, avant toute tentative, des instructions sur la pratique du Spiritisme, si l'on veut s'épargner les déceptions.
A mesure que la doctrine grandit, mes relations se multiplient, et les devoirs de ma position augmentent, ce qui m'oblige à négliger un peu les détails pour les intérêts généraux, parce que le temps et les forces de l'homme ont des limites, et j'avoue que les miennes, depuis quelque temps, me font souvent défaut, ne pouvant prendre un repos qui me serait quelquefois d'autant plus nécessaire que je suis seul pour vaquer à tout.
Agréez, je vous prie, messieurs, la nouvelle assurance de mon affectueux dévouement.
Allan Kardec.
Messieurs,
Vous connaissez le proverbe : A l'impossible nul n'est tenu ; c'est le bénéfice de ce principe que je viens réclamer auprès de vous. Depuis six mois, avec la meilleure volonté du monde, il m'a été matériellement impossible de mettre à jour ma correspondance, qui s'accumule au-delà de toutes prévisions. Je suis donc dans la position d'un débiteur qui demande des arrangements avec ses créanciers, sous peine de déposer son bilan. A mesure que quelques dettes sont payées, de nouvelles obligations arrivent plus nombreuses, si bien que l'arriéré croît sans cesse au lieu de décroître, et que je me trouve en ce moment en présence d'un passif de plus de deux cents lettres ; or, la moyenne étant d'environ dix par jour, je ne verrais aucun moyen de me libérer, si je n'obtenais de votre part un sursis illimité.
Loin de moi de me plaindre du nombre de lettres que je reçois, car c'est une preuve irrécusable de l'extension de la doctrine, et la plupart expriment des sentiments dont je ne puis qu'être profondément touché, et qui en font pour moi des archives d'un prix inestimable. Beaucoup, d'ailleurs, renferment d'utiles renseignements qui ne sont jamais perdus, et qui sont tôt ou tard utilisés, suivant les circonstances, parce qu'ils sont immédiatement classés selon leur spécialité.
La correspondance seule suffirait donc et au-delà pour absorber tous mes instants, et cependant elle constitue à peine le quart des occupations nécessitées par la tâche que j'ai entreprise, tâche dont j'étais loin de prévoir le développement au début de ma carrière spirite. Aussi plusieurs publications très importantes se trouvent-elles arrêtées faute du temps nécessaire pour y travailler, et je viens de recevoir de mes guides spirituels l'invitation pressante de m'en occuper sans retard et toute affaire cessante pour des causes urgentes. Force m'est donc, à moins de faillir à l'accomplissement de l'œuvre si heureusement commencée, d'opérer une sorte de liquidation épistolaire pour le passé, et de me borner, pour l'avenir, aux réponses strictement nécessaires, en priant collectivement mes honorables correspondants d'agréer l'expression de ma vive et sincère gratitude pour les témoignages de sympathie qu'ils veulent bien me donner.
Parmi les lettres qui me sont adressées, beaucoup contiennent des demandes d'évocations, ou de contrôles d'évocations faites ailleurs ; on demande souvent aussi des renseignements sur l'aptitude à la médiumnité, ou sur des choses d'intérêts matériels. Je rappellerai ici ce que j'ai dit ailleurs sur la difficulté, et même les inconvénients de ces sortes d'évocations faites en l'absence des personnes intéressées, seules aptes à en vérifier l'exactitude et à faire les questions nécessaires, à quoi il faut ajouter que les Esprits se communiquent plus facilement et plus volontiers à ceux qu'ils affectionnent qu'à des étrangers qui leur sont indifférents. C'est pourquoi, à part toute considération relative à mes occupations, je ne puis accéder aux demandes de cette nature que dans des circonstances très exceptionnelles, et, dans tous les cas, jamais pour ce qui concerne les intérêts matériels. On s'épargnerait souvent la peine d'une multitude de demandes si l'on avait lu attentivement les instructions contenues à ce sujet dans le Livre des Médiums, chap. 26.
D'un autre côté, les évocations personnelles ne peuvent être faites dans les séances de la Société que lorsqu'elles offrent un sujet d'étude instructif et d'un intérêt général ; hors cela, elles ne peuvent avoir lieu que dans des séances spéciales ; or, pour satisfaire à toutes les demandes, une séance de deux heures par jour ne suffirait pas. Il faut en outre considérer que tous les médiums, sans exception, qui nous donnent leur concours, le font par pure obligeance, n'en admettant pas à d'autres conditions, et, comme ils ont leurs propres affaires, ils ne sont pas toujours disponibles, quelle que soit leur bonne volonté. Je conçois tout l'intérêt que chacun attache aux questions qui le concernent, et je serais heureux de pouvoir y répondre ; mais si l'on considère que ma position me met en rapport avec des milliers de personnes, on comprendra l'impossibilité où je suis de le faire. Il faut se figurer que certaines évocations n'exigent pas moins de cinq ou six heures de travail, tant pour les faire que pour les transcrire et les mettre au net, et que toutes celles qui m'ont été demandées rempliraient deux volumes comme celui des Esprits. Au reste, les médiums se multiplient chaque jour, et il est bien rare de n'en pas trouver dans sa famille ou parmi ses connaissances, si on ne l'est pas soi-même, ce qui est toujours préférable pour les choses intimes ; il ne s'agit que d'essayer dans de bonnes conditions dont la première est de se bien pénétrer, avant toute tentative, des instructions sur la pratique du Spiritisme, si l'on veut s'épargner les déceptions.
A mesure que la doctrine grandit, mes relations se multiplient, et les devoirs de ma position augmentent, ce qui m'oblige à négliger un peu les détails pour les intérêts généraux, parce que le temps et les forces de l'homme ont des limites, et j'avoue que les miennes, depuis quelque temps, me font souvent défaut, ne pouvant prendre un repos qui me serait quelquefois d'autant plus nécessaire que je suis seul pour vaquer à tout.
Agréez, je vous prie, messieurs, la nouvelle assurance de mon affectueux dévouement.
Allan Kardec.
Les Esprits et le blason
Parmi les arguments que certaines personnes opposent à
la doctrine de la réincarnation, il en est un que nous devons examiner, parce que,
au premier aspect, il paraît assez spécieux. On dit qu'elle tendrait à rompre
les liens de famille en les multipliant ; tel qui concentrait ses
affections sur son père devrait les partager entre autant de pères qu'il aurait
eu d'incarnations ; comment alors, une fois dans le monde des Esprits, se
reconnaître au milieu de cette progéniture ? D'un autre côté, que devient
la filiation des ancêtres, si celui qui croit descendre en ligne droite de
Hugues Capet ou de Godefroy de Bouillon a vécu plusieurs fois ? si, après
avoir été grand seigneur, il peut devenir roturier ? Voilà donc toute une
lignée bouleversée !
A cela nous répondons d'abord que de deux choses l'une, ou cela est ou cela n'est pas ; si cela est, toutes les récriminations personnelles n'empêcheront pas que cela soit, car Dieu, pour régler l'ordre des choses, ne prend pas l'avis de tel ou tel, autrement chacun voudrait que le monde fût gouverné à sa guise. Quant à la multiplicité des liens de famille, nous dirons que certains pères n'ont qu'un enfant, tandis que d'autres en ont douze et plus ; a-t-on songé à accuser Dieu de les obliger à diviser leur affection en plusieurs parts ? Et ces enfants, qui à leur tour ont des enfants, tout cela ne forme-t-il pas une famille nombreuse, dont l'aïeul ou le bisaïeul se glorifie au lieu de s'en plaindre ? Vous qui faites remonter votre généalogie à cinq ou six siècles, ne devrez-vous pas, une fois dans le monde des Esprits, partager votre affection entre tous vos ascendants ? Si vous vous attribuez une douzaine d'aïeux, eh bien ! vous en aurez le double ou le triple, voilà tout. Vous avez donc de vos sentiments affectueux une bien pauvre idée, puisque vous craignez qu'ils ne puissent suffire à aimer plusieurs personnes ! Mais, tranquillisez-vous ; je vais vous prouver qu'avec la réincarnation votre affection sera moins divisée que si elle n'existait pas. En effet, supposons que, dans votre généalogie, vous comptiez cinquante aïeux, tant ascendants directs que collatéraux, ce qui est peu si vous la faites remonter aux croisades ; par la réincarnation, il se peut que quelques-uns d'entre eux soient venus plusieurs fois, et qu'ainsi, au lieu de cinquante Esprits que vous comptiez sur la terre, vous n'en trouviez que la moitié dans l'autre monde.
Passons à la question de filiation. Avec votre système vous arrivez à un résultat tout autre que celui que vous espérez. S'il n'y a pas préexistence, antériorité de l'âme, l'âme n'a pas encore vécu ; donc la vôtre a été CRÉÉE en même temps que votre corps ; dans cet état de chose, elle n'a aucun rapport avec aucun de vos ancêtres. Supposons que vous descendiez en ligne directe de Charlemagne, qu'y a-t-il de commun entre vous et lui ? Que vous a-t-il transmis intellectuellement et moralement ? Rien, absolument rien. Par quoi tenez-vous à lui ? Par une série de corps qui tous sont pourris, détruits et dispersés ; ne voilà certes pas de quoi en être bien fier. Avec la préexistence de l'âme, au contraire, vous pouvez avoir eu avec vos ancêtres des rapports réels et sérieux, et plus flatteurs pour l'amour-propre. Donc, sans la réincarnation, il n'y a qu'une parenté corporelle par une transmission de molécules organiques de la même nature que celle des chevaux pur sang ; avec la réincarnation, il y a une parenté spirituelle ; quelle est celle des deux qui vaut le mieux ?
Vous objecterez, sans doute qu'avec la réincarnation un Esprit étranger peut s'être glissé dans votre lignée, et qu'au lieu de n'y compter que des gentilshommes, il peut s'y trouver un savetier. C'est parfaitement vrai ; mais à cela je n'y puis rien. Saint Pierre n'était qu'un pauvre pêcheur ; ne serait-il pas d'assez bonne maison pour qu'on eût à rougir de l'avoir dans sa famille ?
Et puis, parmi ces ancêtres aux noms retentissants, tous ont-ils eu une conduite bien édifiante, seule chose, à notre avis, dont on pourrait jusqu'à un certain point être honoré, quoique leur mérite ne fasse rien au nôtre ? Qu'on scrute la vie privée de ces paladins, de ces hauts-barons qui détroussaient les passants sans scrupule, et qui, de nos jours, seraient tout simplement traduits en cour d'assises pour leurs hauts faits ; de certains grands seigneurs pour qui la vie d'un vilain ne valait pas celle d'une pièce de gibier, puisqu'ils faisaient pendre un homme pour un lapin. Tout cela était peccadille, et ne ternit pas un blason ; mais se mésallier, introduire un sang roturier dans la famille, était un crime impardonnable ! Hélas ! on a beau faire, quand l'heure du départ sonne, et elle sonne pour le grand comme pour le petit, il n'en faut pas moins laisser sur la terre ses habits brodés, et les parchemins ne servent à rien devant le juge suprême qui prononce cette sentence terrible : Quiconque s'élève sera abaissé ! S'il suffisait de descendre de quelque grand homme pour avoir sa place marquée d'avance au ciel, on l'achèterait à bon marché, puisque ce serait avec le mérite d'autrui. La réincarnation donne une noblesse plus méritante, la seule qui soit acceptée par Dieu, c'est d'avoir animé soi-même une série d'hommes de bien. Heureux celui qui pourra déposer aux pieds de l'Éternel le tribut des services qu'il aura rendus à l'humanité dans chacune de ses existences ; car la somme de ses mérites sera proportionnée au nombre de ses existences ; mais à celui qui ne pourra que se prévaloir de l'illustration de ses aïeux, Dieu dira : Pourquoi ne vous êtes-vous pas illustré vous-même ?
Un autre système pourrait en apparence concilier les exigences de l'amour-propre avec le principe de la non-réincarnation : c'est celui par lequel le père ne transmettrait pas à son fils le corps seul, mais aussi une portion de son âme ; de telle sorte que si vous descendez de Charlemagne, votre âme pourrait avoir sa souche dans la sienne. Très bien ; mais voyons à quelle conséquence nous arrivons. L'âme de Charlemagne, en vertu de ce système, aurait sa souche dans celle de son père, et ainsi, de proche en proche, jusqu'à Adam. Si l'âme d'Adam est la souche de toutes celles du genre humain, dont chacune transmet à son successeur quelques portions d'elle-même, les âmes actuelles seraient le produit d'un fractionnement qui dépasserait toutes les subdivisions homéopathiques. Il en résulterait que l'âme du père commun devait être plus complète, plus entière que celle de ses descendants ; il en résulterait encore que Dieu n'aurait créé qu'une seule âme se subdivisant à l'infini, et qu'ainsi chacun de nous ne serait pas une créature directe de Dieu. Ce système laisserait d'ailleurs un immense problème à résoudre : celui des aptitudes spéciales. Si le père transmettait à son fils les principes de son âme, il lui transmettrait nécessairement ses vertus et ses vices, ses talents et ses inepties, comme il lui transmet certaines infirmités congéniales. Comment alors expliquer pourquoi des hommes vertueux ou de génie ont des enfants mauvais sujets ou crétins, et vice versa ? pourquoi une lignée serait-elle mêlée de bons et de mauvais ? Dites au contraire que chaque âme est individuelle, qu'elle a son existence propre et indépendante, qu'elle progresse, en vertu de son libre arbitre, par une série d'existences corporelles à chacune desquelles elle acquiert quelque chose de bon, et laisse quelque chose de mal, jusqu'à ce qu'elle ait atteint la perfection, et tout s'explique, tout s'accorde avec la raison, avec la justice de Dieu, même au profit de l'amour-propre.
M. Salgues (d'Angers), dont nous avons parlé dans notre dernier numéro, n'est pas partisan de la réincarnation. Dès l'apparition du Livre des Esprits, il nous écrivit une longue lettre dans laquelle il combattait cette doctrine par des arguments basés sur son incompatibilité avec les liens de famille. Dans cette lettre, datée du 18 septembre 1857, il nous donne sa généalogie remontant, sans interruption, aux Carlovingiens, et nous demande ce que devient cette glorieuse filiation, avec le mélange des Esprits par la réincarnation. Nous en extrayons le passage suivant :
« Mais à quoi serviraient donc les tableaux généalogiques ? J'ai le mien, complet, régulier ; d'une part, depuis les ancêtres de Charlemagne, et, de l'autre, depuis la fille de l'émir Muza, un des descendants abbassides de Mahomet, dixième génération, par son mariage avec Garcie, prince de Navarre, père, avec elle, de Garcie Ximénès, roi de Navarre, et enfin cette généalogie est continuée, au moyen des alliances, par des souverains de presque toutes les cours de l'Europe, jusqu'à l'époque d'Alphonse VI, roi de Castille, puis dans les maisons de Comminges, de Lascaris Vintimille, de Montmorency, de Turenne et enfin des comtes et seigneurs Palhasse de Salgues, en Languedoc ; ce qui peut se vérifier dans l'Art de vérifier les dates, les Bénédictins de Saint-Maur, dans le Dictionnaire de la noblesse de France, dans l'Armorial, dans le père Anselme, Noreri, etc. Mais si nous ne tenons pas à nos pères autrement que par la matière charnelle qui a reçu notre Esprit, n'y a-t-il pas partout des lacunes, de très notables solutions de continuité ? C'est une voie tracée sur le sable qui se perd en cent endroits. Qu'il nous soit donc permis de croire que si l'Esprit ne se transmet pas, l'âme est à l'homme ce que l'arôme est à la fleur. Or, Swedenborg ne dit-il pas dans les arcanes qu'il n'y a rien de perdu dans la nature ? et que l'arôme des fleurs reproduit de nouvelles fleurs d'autres régions que celle d'où il est sorti ? C'est donc par l'âme, qui n'est point l'Esprit, qu'il existerait une chaîne peut-être mi-spirituelle des générations. S'il avait plu à mon Esprit de sauter huit ou dix générations de temps à autre, où reconnaîtrais-je mes aïeux ? »
M. Salgues, comme on le voit, ne tient pas à ne procéder que du corps ; mais comment concilier les rapports d'Esprit à Esprit avec la non-préexistence de l'âme ? S'il y avait entre eux, dans la filiation, des rapports nécessaires, comment le descendant de tant de souverains serait-il aujourd'hui un simple propriétaire angevin ? N'est-ce pas, aux yeux du monde, une rétrogradation ? Nous ne révoquons point en doute l'authenticité de sa généalogie, et nous l'en félicitons, puisque cela lui fait plaisir, mais nous n'en dirons pas moins que nous l'estimons mieux pour ses vertus personnelles que pour celles de ses aïeux.
L'autorité de Swedenborg est ici fort contestable quand il attribue à l'arôme des fleurs leur reproduction ; cette huile essentielle, volatile qui donne l'arôme, n'a jamais eu la faculté reproductrice, qui réside dans le pollen seul. La comparaison manque donc de justesse ; car si l'âme ne fait que déteindre, par son parfum, sur l'âme qui lui succède, elle ne la crée pas ; toutefois, elle devrait lui transmettre ses propres qualités, et, dans cette hypothèse, nous ne verrions pas pourquoi le descendant de Charlemagne n'aurait pas rempli le monde de l'éclat de ses actions, tandis que Napoléon ne s'appuierait que sur une âme vulgaire. Qu'on dise que Napoléon descend de Charlemagne, ou mieux encore a été Charlemagne, qu'il est venu au dix-neuvième siècle continuer l'œuvre commencée au huitième, on le comprendrait ; mais, avec le principe de l'unité d'existence, rien ne rattache Charlemagne à ses descendants, si ce n'est cet arôme transmis de proche en proche sur des âmes non créées ; et alors comment expliquer pourquoi, parmi ses descendants, il y a eu tant d'hommes nuls et indignes, et pourquoi Napoléon est un plus grand génie que ses aïeux obscurs ? Quoi qu'on fasse, sans la réincarnation, on se heurte à chaque pas contre des difficultés insolubles que la préexistence de l'âme seule résout d'une manière à la fois simple, logique et complète, puisqu'elle donne raison de tout.
Une autre question. Il est un fait connu, c'est que les familles s'abâtardissent et dégénèrent quand les alliances ne sortent pas de ligne directe ; il en est de même des races humaines aussi bien que des races animales. Pourquoi donc la nécessité des croisements ? que devient alors l'unité de souche ? N'y a-t-il pas là mélange d'Esprits, intrusion d'Esprits étrangers à la famille ? Nous traiterons un jour cette grave question avec tous les développements qu'elle comporte.
A cela nous répondons d'abord que de deux choses l'une, ou cela est ou cela n'est pas ; si cela est, toutes les récriminations personnelles n'empêcheront pas que cela soit, car Dieu, pour régler l'ordre des choses, ne prend pas l'avis de tel ou tel, autrement chacun voudrait que le monde fût gouverné à sa guise. Quant à la multiplicité des liens de famille, nous dirons que certains pères n'ont qu'un enfant, tandis que d'autres en ont douze et plus ; a-t-on songé à accuser Dieu de les obliger à diviser leur affection en plusieurs parts ? Et ces enfants, qui à leur tour ont des enfants, tout cela ne forme-t-il pas une famille nombreuse, dont l'aïeul ou le bisaïeul se glorifie au lieu de s'en plaindre ? Vous qui faites remonter votre généalogie à cinq ou six siècles, ne devrez-vous pas, une fois dans le monde des Esprits, partager votre affection entre tous vos ascendants ? Si vous vous attribuez une douzaine d'aïeux, eh bien ! vous en aurez le double ou le triple, voilà tout. Vous avez donc de vos sentiments affectueux une bien pauvre idée, puisque vous craignez qu'ils ne puissent suffire à aimer plusieurs personnes ! Mais, tranquillisez-vous ; je vais vous prouver qu'avec la réincarnation votre affection sera moins divisée que si elle n'existait pas. En effet, supposons que, dans votre généalogie, vous comptiez cinquante aïeux, tant ascendants directs que collatéraux, ce qui est peu si vous la faites remonter aux croisades ; par la réincarnation, il se peut que quelques-uns d'entre eux soient venus plusieurs fois, et qu'ainsi, au lieu de cinquante Esprits que vous comptiez sur la terre, vous n'en trouviez que la moitié dans l'autre monde.
Passons à la question de filiation. Avec votre système vous arrivez à un résultat tout autre que celui que vous espérez. S'il n'y a pas préexistence, antériorité de l'âme, l'âme n'a pas encore vécu ; donc la vôtre a été CRÉÉE en même temps que votre corps ; dans cet état de chose, elle n'a aucun rapport avec aucun de vos ancêtres. Supposons que vous descendiez en ligne directe de Charlemagne, qu'y a-t-il de commun entre vous et lui ? Que vous a-t-il transmis intellectuellement et moralement ? Rien, absolument rien. Par quoi tenez-vous à lui ? Par une série de corps qui tous sont pourris, détruits et dispersés ; ne voilà certes pas de quoi en être bien fier. Avec la préexistence de l'âme, au contraire, vous pouvez avoir eu avec vos ancêtres des rapports réels et sérieux, et plus flatteurs pour l'amour-propre. Donc, sans la réincarnation, il n'y a qu'une parenté corporelle par une transmission de molécules organiques de la même nature que celle des chevaux pur sang ; avec la réincarnation, il y a une parenté spirituelle ; quelle est celle des deux qui vaut le mieux ?
Vous objecterez, sans doute qu'avec la réincarnation un Esprit étranger peut s'être glissé dans votre lignée, et qu'au lieu de n'y compter que des gentilshommes, il peut s'y trouver un savetier. C'est parfaitement vrai ; mais à cela je n'y puis rien. Saint Pierre n'était qu'un pauvre pêcheur ; ne serait-il pas d'assez bonne maison pour qu'on eût à rougir de l'avoir dans sa famille ?
Et puis, parmi ces ancêtres aux noms retentissants, tous ont-ils eu une conduite bien édifiante, seule chose, à notre avis, dont on pourrait jusqu'à un certain point être honoré, quoique leur mérite ne fasse rien au nôtre ? Qu'on scrute la vie privée de ces paladins, de ces hauts-barons qui détroussaient les passants sans scrupule, et qui, de nos jours, seraient tout simplement traduits en cour d'assises pour leurs hauts faits ; de certains grands seigneurs pour qui la vie d'un vilain ne valait pas celle d'une pièce de gibier, puisqu'ils faisaient pendre un homme pour un lapin. Tout cela était peccadille, et ne ternit pas un blason ; mais se mésallier, introduire un sang roturier dans la famille, était un crime impardonnable ! Hélas ! on a beau faire, quand l'heure du départ sonne, et elle sonne pour le grand comme pour le petit, il n'en faut pas moins laisser sur la terre ses habits brodés, et les parchemins ne servent à rien devant le juge suprême qui prononce cette sentence terrible : Quiconque s'élève sera abaissé ! S'il suffisait de descendre de quelque grand homme pour avoir sa place marquée d'avance au ciel, on l'achèterait à bon marché, puisque ce serait avec le mérite d'autrui. La réincarnation donne une noblesse plus méritante, la seule qui soit acceptée par Dieu, c'est d'avoir animé soi-même une série d'hommes de bien. Heureux celui qui pourra déposer aux pieds de l'Éternel le tribut des services qu'il aura rendus à l'humanité dans chacune de ses existences ; car la somme de ses mérites sera proportionnée au nombre de ses existences ; mais à celui qui ne pourra que se prévaloir de l'illustration de ses aïeux, Dieu dira : Pourquoi ne vous êtes-vous pas illustré vous-même ?
Un autre système pourrait en apparence concilier les exigences de l'amour-propre avec le principe de la non-réincarnation : c'est celui par lequel le père ne transmettrait pas à son fils le corps seul, mais aussi une portion de son âme ; de telle sorte que si vous descendez de Charlemagne, votre âme pourrait avoir sa souche dans la sienne. Très bien ; mais voyons à quelle conséquence nous arrivons. L'âme de Charlemagne, en vertu de ce système, aurait sa souche dans celle de son père, et ainsi, de proche en proche, jusqu'à Adam. Si l'âme d'Adam est la souche de toutes celles du genre humain, dont chacune transmet à son successeur quelques portions d'elle-même, les âmes actuelles seraient le produit d'un fractionnement qui dépasserait toutes les subdivisions homéopathiques. Il en résulterait que l'âme du père commun devait être plus complète, plus entière que celle de ses descendants ; il en résulterait encore que Dieu n'aurait créé qu'une seule âme se subdivisant à l'infini, et qu'ainsi chacun de nous ne serait pas une créature directe de Dieu. Ce système laisserait d'ailleurs un immense problème à résoudre : celui des aptitudes spéciales. Si le père transmettait à son fils les principes de son âme, il lui transmettrait nécessairement ses vertus et ses vices, ses talents et ses inepties, comme il lui transmet certaines infirmités congéniales. Comment alors expliquer pourquoi des hommes vertueux ou de génie ont des enfants mauvais sujets ou crétins, et vice versa ? pourquoi une lignée serait-elle mêlée de bons et de mauvais ? Dites au contraire que chaque âme est individuelle, qu'elle a son existence propre et indépendante, qu'elle progresse, en vertu de son libre arbitre, par une série d'existences corporelles à chacune desquelles elle acquiert quelque chose de bon, et laisse quelque chose de mal, jusqu'à ce qu'elle ait atteint la perfection, et tout s'explique, tout s'accorde avec la raison, avec la justice de Dieu, même au profit de l'amour-propre.
M. Salgues (d'Angers), dont nous avons parlé dans notre dernier numéro, n'est pas partisan de la réincarnation. Dès l'apparition du Livre des Esprits, il nous écrivit une longue lettre dans laquelle il combattait cette doctrine par des arguments basés sur son incompatibilité avec les liens de famille. Dans cette lettre, datée du 18 septembre 1857, il nous donne sa généalogie remontant, sans interruption, aux Carlovingiens, et nous demande ce que devient cette glorieuse filiation, avec le mélange des Esprits par la réincarnation. Nous en extrayons le passage suivant :
« Mais à quoi serviraient donc les tableaux généalogiques ? J'ai le mien, complet, régulier ; d'une part, depuis les ancêtres de Charlemagne, et, de l'autre, depuis la fille de l'émir Muza, un des descendants abbassides de Mahomet, dixième génération, par son mariage avec Garcie, prince de Navarre, père, avec elle, de Garcie Ximénès, roi de Navarre, et enfin cette généalogie est continuée, au moyen des alliances, par des souverains de presque toutes les cours de l'Europe, jusqu'à l'époque d'Alphonse VI, roi de Castille, puis dans les maisons de Comminges, de Lascaris Vintimille, de Montmorency, de Turenne et enfin des comtes et seigneurs Palhasse de Salgues, en Languedoc ; ce qui peut se vérifier dans l'Art de vérifier les dates, les Bénédictins de Saint-Maur, dans le Dictionnaire de la noblesse de France, dans l'Armorial, dans le père Anselme, Noreri, etc. Mais si nous ne tenons pas à nos pères autrement que par la matière charnelle qui a reçu notre Esprit, n'y a-t-il pas partout des lacunes, de très notables solutions de continuité ? C'est une voie tracée sur le sable qui se perd en cent endroits. Qu'il nous soit donc permis de croire que si l'Esprit ne se transmet pas, l'âme est à l'homme ce que l'arôme est à la fleur. Or, Swedenborg ne dit-il pas dans les arcanes qu'il n'y a rien de perdu dans la nature ? et que l'arôme des fleurs reproduit de nouvelles fleurs d'autres régions que celle d'où il est sorti ? C'est donc par l'âme, qui n'est point l'Esprit, qu'il existerait une chaîne peut-être mi-spirituelle des générations. S'il avait plu à mon Esprit de sauter huit ou dix générations de temps à autre, où reconnaîtrais-je mes aïeux ? »
M. Salgues, comme on le voit, ne tient pas à ne procéder que du corps ; mais comment concilier les rapports d'Esprit à Esprit avec la non-préexistence de l'âme ? S'il y avait entre eux, dans la filiation, des rapports nécessaires, comment le descendant de tant de souverains serait-il aujourd'hui un simple propriétaire angevin ? N'est-ce pas, aux yeux du monde, une rétrogradation ? Nous ne révoquons point en doute l'authenticité de sa généalogie, et nous l'en félicitons, puisque cela lui fait plaisir, mais nous n'en dirons pas moins que nous l'estimons mieux pour ses vertus personnelles que pour celles de ses aïeux.
L'autorité de Swedenborg est ici fort contestable quand il attribue à l'arôme des fleurs leur reproduction ; cette huile essentielle, volatile qui donne l'arôme, n'a jamais eu la faculté reproductrice, qui réside dans le pollen seul. La comparaison manque donc de justesse ; car si l'âme ne fait que déteindre, par son parfum, sur l'âme qui lui succède, elle ne la crée pas ; toutefois, elle devrait lui transmettre ses propres qualités, et, dans cette hypothèse, nous ne verrions pas pourquoi le descendant de Charlemagne n'aurait pas rempli le monde de l'éclat de ses actions, tandis que Napoléon ne s'appuierait que sur une âme vulgaire. Qu'on dise que Napoléon descend de Charlemagne, ou mieux encore a été Charlemagne, qu'il est venu au dix-neuvième siècle continuer l'œuvre commencée au huitième, on le comprendrait ; mais, avec le principe de l'unité d'existence, rien ne rattache Charlemagne à ses descendants, si ce n'est cet arôme transmis de proche en proche sur des âmes non créées ; et alors comment expliquer pourquoi, parmi ses descendants, il y a eu tant d'hommes nuls et indignes, et pourquoi Napoléon est un plus grand génie que ses aïeux obscurs ? Quoi qu'on fasse, sans la réincarnation, on se heurte à chaque pas contre des difficultés insolubles que la préexistence de l'âme seule résout d'une manière à la fois simple, logique et complète, puisqu'elle donne raison de tout.
Une autre question. Il est un fait connu, c'est que les familles s'abâtardissent et dégénèrent quand les alliances ne sortent pas de ligne directe ; il en est de même des races humaines aussi bien que des races animales. Pourquoi donc la nécessité des croisements ? que devient alors l'unité de souche ? N'y a-t-il pas là mélange d'Esprits, intrusion d'Esprits étrangers à la famille ? Nous traiterons un jour cette grave question avec tous les développements qu'elle comporte.
Entretiens d'outre-tombe
M. Jobard.Depuis sa mort, M. Jobard s'est plusieurs fois communiqué à la Société,
aux séances de laquelle il dit assister presque toujours ; avant d'en
publier la relation, nous avons préféré attendre d'avoir une série de
manifestations formant un ensemble qui permît de les mieux juger. Nous
avions l'intention de l'évoquer à la séance du 8 novembre, lorsqu'il a
prévenu notre désir en se communiquant spontanément. (Voir la notice
nécrologique publiée dans la Revue spirite du mois de décembre 1861.)
Dictée spontanée. (Société spirite de Paris, 8 novembre 1861. ‑ Médium, madame Costel.)
Me voici, moi que vous allez évoquer et qui veux me manifester d'abord à ce médium que j'ai vainement sollicité jusqu'ici.
Je veux d'abord vous raconter mes impressions au moment de la séparation de mon âme : j'ai senti un ébranlement inouï, je me suis rappelé tout à coup ma naissance, ma jeunesse, mon âge mûr ; toute ma vie s'est retracée nettement à mon souvenir. Je n'éprouvais qu'un pieux désir de me retrouver dans les régions révélées par notre chère croyance ; puis, tout ce tumulte s'est apaisé. J'étais libre et mon corps gisait inerte. Ah ! mes chers amis, quelle ivresse de dépouiller la pesanteur du corps ! quelle ivresse d'embrasser l'espace ! Ne croyez cependant pas que je sois devenu tout à coup un élu du Seigneur ; non, je suis parmi les Esprits qui, ayant un peu retenu, doivent encore beaucoup apprendre. Je n'ai pas tardé à me souvenir de vous, mes frères en exil, et, je vous l'assure, toute ma sympathie, tous mes vœux vous ont enveloppés. J'ai eu aussitôt le pouvoir de me communiquer, et je l'aurais fait avec ce médium qui a craint d'être trompé ; mais qu'il se rassure nous l'aimons.
Vous voulez savoir quels sont les Esprits qui m'ont reçu ? quelles ont été mes impressions ? Mes amis ont été tous ceux que nous évoquons, tous les frères qui ont partagé nos travaux. J'ai vu la splendeur, mais je ne puis la décrire. Je me suis appliqué à discerner ce qui était vrai dans les communications, prêt à redresser toutes les assertions erronées ; prêt, enfin, à être le chevalier de la vérité dans l'autre monde, comme je l'ai été dans le vôtre. Nous causerons donc beaucoup, et ce n'est qu'un préambule pour montrer au cher médium mon désir d'être évoqué par elle, et à vous ma bonne volonté pour répondre aux questions que vous allez m'adresser
Jobard.
Je veux d'abord vous raconter mes impressions au moment de la séparation de mon âme : j'ai senti un ébranlement inouï, je me suis rappelé tout à coup ma naissance, ma jeunesse, mon âge mûr ; toute ma vie s'est retracée nettement à mon souvenir. Je n'éprouvais qu'un pieux désir de me retrouver dans les régions révélées par notre chère croyance ; puis, tout ce tumulte s'est apaisé. J'étais libre et mon corps gisait inerte. Ah ! mes chers amis, quelle ivresse de dépouiller la pesanteur du corps ! quelle ivresse d'embrasser l'espace ! Ne croyez cependant pas que je sois devenu tout à coup un élu du Seigneur ; non, je suis parmi les Esprits qui, ayant un peu retenu, doivent encore beaucoup apprendre. Je n'ai pas tardé à me souvenir de vous, mes frères en exil, et, je vous l'assure, toute ma sympathie, tous mes vœux vous ont enveloppés. J'ai eu aussitôt le pouvoir de me communiquer, et je l'aurais fait avec ce médium qui a craint d'être trompé ; mais qu'il se rassure nous l'aimons.
Vous voulez savoir quels sont les Esprits qui m'ont reçu ? quelles ont été mes impressions ? Mes amis ont été tous ceux que nous évoquons, tous les frères qui ont partagé nos travaux. J'ai vu la splendeur, mais je ne puis la décrire. Je me suis appliqué à discerner ce qui était vrai dans les communications, prêt à redresser toutes les assertions erronées ; prêt, enfin, à être le chevalier de la vérité dans l'autre monde, comme je l'ai été dans le vôtre. Nous causerons donc beaucoup, et ce n'est qu'un préambule pour montrer au cher médium mon désir d'être évoqué par elle, et à vous ma bonne volonté pour répondre aux questions que vous allez m'adresser
Jobard.
Entretien.
1. De votre vivant, vous nous aviez recommandé de vous appeler quand
vous auriez quitté la terre ; nous le faisons, non seulement pour nous
conformer à votre désir, mais surtout pour vous renouveler le témoignage
de notre bien vive et sincère sympathie, et aussi dans l'intérêt de
notre instruction, car vous, mieux que personne, êtes à même de nous
donner des renseignements précis sur le monde où vous vous trouvez. Nous
serons donc heureux si vous voulez bien répondre à nos questions. —
Rép. A cette heure, ce qui importe le plus, c'est votre instruction.
Quant à votre sympathie, je la vois, et je n'en entends plus seulement
l'expression par les oreilles, ce qui constitue un grand progrès.
2. Pour fixer nos idées, et ne pas parler dans le vague, autant que pour l'instruction des personnes étrangères à la Société et qui sont présentes à la séance, nous vous demanderons d'abord à quelle place vous êtes ici, et comment nous vous verrions si nous pouvions vous voir ? — R. Je suis près du médium ; vous me verriez sous l'apparence du Jobard qui s'asseyait à votre table, car vos yeux mortels non dessillés ne peuvent voir les Esprits que sous leur apparence mortelle.
3. Auriez-vous la possibilité de vous rendre visible pour nous, et si vous ne le pouvez pas, qu'est-ce qui s'y oppose ? — R. La disposition qui vous est toute personnelle. Un médium voyant me verrait : les autres ne me voient pas.
4. Cette place est celle que vous occupiez de votre vivant, quand vous assistiez à nos séances, et que nous vous avons réservée. Ceux donc qui vous y ont vu, doivent se figurer vous y voir tel que vous étiez alors. Si vous n'y êtes pas avec votre corps matériel, vous y êtes avec votre corps fluidique qui a la même forme ; si nous ne vous voyons pas avec les yeux du corps, nous vous voyons avec ceux de la pensée ; si vous ne pouvez vous communiquer par la parole, vous pouvez le faire par l'écriture à l'aide d'un interprète ; nos rapports avec vous ne sont donc nullement interrompus par votre mort, et nous pouvons nous entretenir avec vous aussi facilement et aussi complètement qu'autrefois. Est-ce bien ainsi que sont les choses ? — R. Oui, et vous le savez depuis longtemps. Cette place, je l'occuperai souvent, et à votre insu même, car mon Esprit habitera parmi vous.
5. Il n'y a pas très longtemps que vous étiez assis à cette même place ; les conditions dans lesquelles vous y êtes maintenant vous semblent-elles étranges ? Quel effet ce changement produit-il en vous ? — R. Ces conditions ne me semblent pas étranges, car je n'ai pas subi de trouble, et mon Esprit désincarné jouit d'une netteté qui ne laisse dans l'ombre aucune des questions qu'il envisage.
6. Vous souvenez-vous d'avoir été dans ce même état avant votre dernière existence, et y trouvez-vous, quelque chose de changé ? — R. je me rappelle mes existences antérieures, et je trouve que je suis amélioré. Je vois, et je m'assimile ce que je vois. Lors de mes précédentes incarnations, Esprit troublé, je ne m'apercevais que des lacunes terrestres.
7. Vous souvenez-vous de votre avant-dernière existence, de celle qui a précédé M. Jobard ? — R. Dans mon avant-dernière existence, j'étais un ouvrier mécanicien, rongé par la misère et le désir de perfectionner mon travail. J'ai réalisé, étant Jobard, les rêves du pauvre ouvrier, et je loue Dieu dont la bonté infinie a fait germer la plante dont il avait déposé la graine dans mon cerveau.
(11 novembre. Séance particulière. — Médium, madame Costel.)
8. Evocation. — R. Je suis là, enchanté de trouver l'occasion désirée de te parler (au médium) et à vous aussi.
9. Il nous semble que vous avez un faible pour ce médium ? — R. Ne me le reprochez pas, parce qu'il a fallu que je devinsse Esprit pour le lui témoigner.
10. Vous êtes-vous déjà communiqué ailleurs ? — R. Je ne me suis encore que peu communiqué ; dans beaucoup d'endroits un Esprit a pris mon nom ; quelquefois j'étais près de lui sans pouvoir le faire directement ; ma mort est si récente que j'appartiens encore à certaines influences terrestres. Il faut une parfaite sympathie pour que je puisse exprimer ma pensée. Dans peu, j'agirai indistinctement ; je ne le peux pas encore, je le répète. Lorsqu'un homme un peu connu meurt, il est appelé de tous côtés ; mille Esprits s'empressent de revêtir son individualité ; c'est ce qui est arrivé pour moi en plusieurs circonstances. Je vous assure qu'aussitôt après la délivrance, peu d'Esprits peuvent se communiquer, même à un médium préféré.
11. Depuis vendredi vos idées se sont-elles un peu modifiés ? — R. Je suis absolument dans les mêmes que vendredi. Je me suis encore peu occupé des questions, purement intellectuelles dans le sens où vous le prenez ; comment le pourrais-je, ébloui, entraîné comme je le suis par le merveilleux spectacle qui m'entoure ? Le lien du Spiritisme, plus puissant que vous autres hommes ne pouvez le concevoir, peut seul attirer mon être vers cette terre que j'abandonne, non pas avec joie, ce serait une impiété, mais avec la profonde reconnaissance de la délivrance.
12. Voyez-vous les Esprits qui sont ici avec nous ? — R. Je vois surtout Lazare et Eraste ; puis, plus éloigné, l'Esprit de vérité planant dans l'espace ; puis une foule d'Esprits amis qui vous entourent, pressés et bienveillants. Soyez heureux, amis, car de bonnes influences vous disputent aux calamités de l'erreur.
13. Encore une question, je vous prie. Connaissez-vous les causes de votre mort ? — R. Ne me parlez pas encore de cela.
Remarque. — Madame Costel dit avoir reçu une communication chez elle, par laquelle on lui annonçait que M. Jobard était mort parce qu'il voulait dépasser le but actuellement assigné au Spiritisme. Son départ aurait ainsi été précipité par ce motif. M. Jobard, personnellement, ne s'est point encore expliqué à ce sujet. Plusieurs autres communications sembleraient corroborer l'opinion ci-dessus ; mais ce qui ressort de certains faits, c'est une sorte de mystère sur les véritables causes de sa mort précipitée, qui, dit-on, sera expliquée plus tard.
(Société, 22 novembre 1861.)
14. De votre vivant, vous partagiez l'opinion qui a été émise sur la formation de la terre par l'incrustation de quatre planètes qui auraient été soudées ensemble. Êtes-vous toujours dans cette même croyance ? — R. C'est une erreur. Les nouvelles découvertes géologiques prouvent les convulsions de la terre et sa formation successive. La terre, comme les autres planètes, a eu sa vie propre, et Dieu n'a pas eu besoin de ce grand désordre ou de cette agrégation de planètes. L'eau et le feu sont les seuls éléments organiques de la terre.
15. Vous pensiez aussi que les hommes pouvaient entrer en catalepsie pendant un temps illimité, et que le genre humain a été apporté de cette façon à la terre ? — R. Illusion de mon imagination, qui dépassait toujours le but. La catalepsie peut être longue, mais non indéterminée. Traditions, légendes grossies par l'imagination orientale. Mes amis, j'ai déjà beaucoup souffert en repassant les illusions dont j'ai nourri mon esprit : ne vous y trompez pas. J'avais beaucoup appris, et, je puis le dire, mon intelligence, prompte à s'approprier ses vastes et diverses études, avait gardé de ma dernière incarnation l'amour du merveilleux et du composé puisé dans les imaginations populaires.
(Bordeaux, 24 novembre 1861. — Médium, madame Cazemajoux.)
16. Evocation. — R. C'est donc toujours à recommencer ? Eh bien ! que voulez-vous ? me voilà.
17. Nous venons d'apprendre votre mort ; voudriez-vous, vous, l'un des champions de notre doctrine, répondre à quelques-unes de nos questions ? — R. Tenez, je ne sais pas trop avec qui je suis, mais les Esprits me disent que ce médium a obtenu quelques dissertations insérées dans la Revue et qui m'ont fait plaisir ; il faut que je lui en fasse à mon tour. — Je ne suis pas pour longtemps absent de la terre ; dans quelques années j'y revivrai pour reprendre le cours de la mission que j'avais à y remplir, car elle a été arrêtée par l'ange de la délivrance.
18. Vous parlez d'une mission que vous aviez à remplir sur la terre ; voulez-vous nous la faire connaître ? — R. Mission de progrès intellectuel et moral à l'état de germe. La doctrine ou science spirite contient les éléments féconds qui doivent développer, faire croître et mûrir les idées modernes de liberté, d'unité et de fraternité ; c'est pour cela qu'il ne faut pas craindre de lui donner l'élan vigoureux qui lui fera franchir les obstacles avec une force que rien ne pourra maîtriser.
19. En marchant plus vite que le temps, n'avons-nous pas à craindre de nuire à la doctrine ? — R. Vous renverseriez ses adversaires ; votre lenteur leur laisse gagner du terrain. Je n'aime pas l'allure lourde et pesante de la tortue ; je lui préfère le vol audacieux du roi des airs.
Remarque. Ceci est une erreur ; les partisans du Spiritisme gagnent chaque jour du terrain, tandis que ses adversaires en perdent. M. Jobard est toujours enthousiaste ; il ne comprend pas qu'avec la prudence on arrive plus sûrement au but, tandis qu'en se jetant tête baissée contre l'obstacle, on risque de compromettre sa cause. A. K.
20. Comment expliquer alors les desseins de Dieu en vous arrachant à la terre d'une manière si subite, s'il avait en vous l'instrument nécessaire pour la marche rapide de l'humanité vers le progrès moral et intellectuel ? — R. Oh ! une partie des Spirites avec mes idées, quel levier ! Mais non ; la crainte les paralyse !
21. Pouvez-vous nous rendre compte des desseins de Dieu en vous appelant à lui avant l'achèvement de votre mission ? — R. Je n'en suis pas fâché ; je vois et j'apprends pour être plus fort quand l'heure du combat aura sonné. Redoublez de ferveur et de zèle pour la noble et sainte cause de l'humanité ; une existence seule ne peut suffire à voir s'accomplir la crise qui doit transformer la société, et beaucoup d'entre vous qui préparez les voies, revivront quelque temps après pour aider de nouveau à l'œuvre sainte et bénie. Je vous en ai dit assez pour ce soir, n'est-ce pas ? Mais je suis à votre disposition ; je reviendrai, parce que vous êtes un bon et fervent adepte. Adieu, je veux assister ce soir à la séance de notre cher maître Allan Kardec.
22. Vous n'avez pas répondu à ma question sur les desseins de Dieu en vous rappelant avant l'achèvement de votre mission. — R. Nous sommes des instruments propres à aider ses desseins ; il nous brise à sa volonté, et nous remet sur la scène quand il le croit utile. Soumettons-nous donc à ses décrets sans chercher à les approfondir, car nul n'a le droit de déchirer le voile qui cache aux Esprits ses décrets immuables.
Au revoir !
Jobard.
(Passy, 20 décembre 1861. — Médium, madame Dozon.)
23. Evocation. — R. Je ne sais pourquoi vous m'évoquez ; je ne vous suis rien, et dès lors ne vous dois rien ; aussi, ne vous répondrais-je pas, sans l'Esprit de vérité qui me dit que c'est Kardec qui vous a demandé de me faire venir vers vous. Eh bien ! me voilà ; que dois-je vous dire ?
24. M. Allan Kardec nous a en effet priés de vous évoquer dans le but d'avoir un contrôle des diverses communications obtenues de vous en les comparant entre elles ; c'est une étude, et nous espérons que vous voudrez bien vous y prêter, dans l'intérêt de la science spirite, en nous décrivant votre situation et vos impressions depuis que vous avez quitté la terre. — R. Je n'étais pas en tout dans le vrai pendant ma vie terrestre ; je commence à le savoir ; mes idées, en s'épurant du trouble, arrivent à une clarté nouvelle, et dès lors je reviens des erreurs de mes croyances. Cela est une grâce de la bonté de Dieu, mais elle est un peu tardive. M. Allan Kardec n'avait pas pour mon Esprit une totale sympathie, et cela devait être : il est positif dans sa foi ; moi, je rêvais et cherchais souvent à côté de la réalité. Je ne sais au juste ce que je voulais, sinon une vie meilleure que celle que j'avais ; le Spiritisme me la montra, et le plus éclairé des Spirites me leva le voile de la vie des Esprits. Ce fut LA VÉRITÉ qui l'inspira ; le Livre des Esprits me fit une vraie révolution dans l'âme et un bien impossible à dire ; mais il y a eu en mon esprit des doutes sur plusieurs choses qui se montrent à moi aujourd'hui sous un tout autre jour. Je vous l'ai dit au début de cette communication : l'Esprit en se dégageant du trouble me montre ce que je ne voyais pas. L'Esprit s'éloigne ; son dégagement n'est pas total encore ; cependant, il s'est déjà communiqué plusieurs fois ; mais, chose bizarre pour vous peut-être, c'est le changement qui se fait aux yeux des évocateurs dans les communications de l'Esprit Jobard.
Ce même médium obtint ensuite la communication spontanée suivante :
Jobard était un Esprit chercheur, voulant monter, toujours monter. Les idées spirites lui semblaient un cadre trop étroit. Jobard représentait l'Esprit de curiosité ; il voulait savoir, toujours savoir. Ce besoin, cette soif, l'ont poussé aux recherches qui dépassaient les limites de ce que Dieu veut que vous sachiez ; mais qu'on ne tente pas d'arracher le voile qui couvre les mystères de sa puissance ! Jobard a porté les mains sur l'arche, il a été foudroyé. Cela est un enseignement : cherchez le soleil, mais n'ayez pas l'audace de le fixer, ou vous deviendriez aveugles. Dieu ne vous donne-t-il pas assez en envoyant les Esprits ? Laissez donc à la mort le pouvoir que Dieu lui a octroyé : celui de lever le voile à qui en est digne ; alors vous pourrez regarder Dieu, soleil des cieux, sans être ni aveuglés ni foudroyés par la puissance qui vous dit : « Ne va pas plus loin. » Voilà ce que je dois vous dire.
La Vérité
(Société, 3 janvier 1862. — Médium, madame Costel.)
Nota. — M. Jobard s'est manifesté plusieurs fois chez M. et Mme P…, membres de la Société. Une fois, entre autres, il s'est montré spontanément, et sans qu'on songeât à lui, à une somnambule qui le dépeignit d'une manière très exacte et dit son nom, quoiqu'elle ne l'eût jamais connu. Une conversation s'étant engagée entre lui et M. P…, par l'intermédiaire de la somnambule, il rappela diverses particularités qui ne purent laisser aucun doute sur son identité. Une chose surtout les avait frappés, c'est que, la seule fois où ils eurent occasion de le voir à la Société, il avait eu pendant presque toute la séance les yeux fixés sur eux, comme s'il eût cherché en eux des personnes de connaissance ; circonstance qu'ils avaient oubliée, et que l'Esprit de M. Jobard leur rappela par l'intermédiaire de la somnambule. M. et Mme P…, qui n'avaient jamais eu de rapports avec lui de son vivant, désirèrent connaître le motif de la sympathie qu'il paraissait avoir pour eux. C'est à ce sujet, qu'il dicta la communication suivante :
Incrédule ! tu avais besoin de cette confirmation de la somnambule pour croire à mon identité ! Ingrat ! tu m'as oublié trop longtemps sous le prétexte que d'autres s'en souvenaient trop. Mais laissons les reproches et causons : abordons le sujet pour lequel tu m'as fait évoquer. Je puis facilement expliquer pourquoi mon attention était excitée par la vue de ce couple qui m'était étranger, mais qu'une sorte d'instinct, de seconde vue, de prescience me faisait reconnaître. Après ma délivrance, j'ai vu que nous nous étions connus précédemment, et je suis revenu vers eux : c'est le mot.
Je commence à vivre spirituellement, plus paisible et moins troublé par les évocations à travers champs qui pleuvaient sur moi. La mode règne même sur les Esprits ; lorsque la mode Jobard fera place à une autre et que je rentrerai dans le néant de l'oubli humain, je prierai alors mes amis sérieux, et j'entends par-là ceux dont l'intelligence n'oublie pas, je les prierai de m'évoquer ; alors nous creuserons des questions traitées trop superficiellement, et votre Jobard, complètement transfiguré, pourra vous être utile, ce qu'il souhaite de tout son cœur.
Jobard.
(Au médium, madame Costel.) — Je reviens ; tu désires savoir pourquoi je manifeste une préférence pour toi. Lorsque j'étais mécanicien, tu étais poète, et je t'ai connue à l'hôpital où tu es morte, madame !
Jobard.
(Montréal (Canada), 19 décembre 1861.)
M. Henri Lacroix nous écrit de Montréal qu'il avait adressé trois lettres à M. Jobard, mais celui-ci n'en reçut que deux, la troisième étant arrivée trop tard ; il ne répondit qu'à la première. M. Lacroix ayant appris sa mort par les journaux, eut des communications de plusieurs Esprits signées Voltaire, Volney, Franklin, et attestant que la nouvelle était fausse, et que M. Jobard se portait très très bien. La Revue spirite vint lever ses doutes en confirmant l'événement. C'est alors que l'Esprit de M. Jobard étant évoqué lui donna la communication ci-après, dont M. Lacroix nous prie de vouloir bien contrôler l'exactitude.
Mon cher maître, je suis mort, dites-vous ; je ne suis pas mort, puisque je vous parle. Ceux qui ont pris sur eux de vous dire que je n'étais pas trépassé ont peut-être voulu vous jouer un tour. Je ne les connais pas encore, mais je les connaîtrai et je saurai le motif qui les a fait agir ainsi. Ecrivez à Kardec et je vous répondrai. Je ne pourrai pas, je pense, vous répondre par la table, mais dans tous les cas essayez-la, je ferai de mon mieux. Les deux lettres que j'ai reçues de vous ont fortement contribué à causer mon trépas ; vous saurez plus tard comment.
Jobard.
M. Jobard, évoqué à ce sujet le 10 janvier, dans la Société de Paris, répondit qu'il se reconnaissait l'auteur de cette communication ; mais que le prétendu portrait tracé à la suite n'était ni lui ni de lui, ce que nous croyons sans peine, car il ne lui ressemble en aucune façon.
Dem. Comment les deux lettres que vous avez reçues ont-elles pu contribuer à votre mort ? — R. Je ne puis et ne veux dire ici qu'une chose, c'est que la lecture de ces deux lettres après mon repas a déterminé la congestion qui m'a emporté, ou délivré si vous aimez mieux.
Remarque. Pendant que le médium écrivait cette réponse, et avant qu'elle ne fût lue, un autre médium reçut la réponse suivante de son guide particulier :
« Explication difficile qu'il ne vous donnera pas en détail ; il est de ces choses que Jobard ne peut dire ici. »
Dem. M. Lacroix désire savoir par quelle raison plusieurs Esprits sont venus spontanément démentir la nouvelle de votre mort ? — R. S'il avait fait plus d'attention, il aurait facilement reconnu la supercherie. Combien de fois faudra-t-il répéter qu'il faut presque absolument se défier des communications spontanées données à propos d'un fait, affirmant ou niant de propos délibéré ! Les Esprits ne trompent que ceux qui se laissent tromper.
Remarque. Pendant cette réponse, un autre médium écrit ce qui suit : « Esprits qui aiment à jacasser sans se soucier de la vérité. Il en est de certains Esprits comme des hommes : ils apprennent des nouvelles, les affirment ou les démentent avec la même facilité. »
Il est évident que les noms qui ont signé le démenti donné à la mort de M. Jobard sont apocryphes. Il suffisait, pour le reconnaître, de considérer que des Esprits comme Franklin, Volney et Voltaire, ont à s'occuper de choses plus sérieuses, et que de pareils détails sont incompatibles avec leur caractère ; cela seul devait inspirer des doutes sur leur identité, et, par conséquent, sur la véracité des communications. Nous ne saurions trop le répéter : une étude préalable, complète et attentive de la science spirite, peut seule donner les moyens de déjouer les mystifications des Esprits trompeurs auxquels sont en butte tous les novices manquant de l'expérience nécessaire.
Dem. Vous n'avez répondu qu'à la première lettre de M. Lacroix ; il désire avoir une réponse aux deux dernières, et surtout à la troisième qui avait, disait-il, un cachet particulier qui ne pouvait être compris que de vous. — R. Il l'aura plus tard ; pour le moment je ne le puis. Il serait inutile de la provoquer, autrement il pourrait être certain que ce ne serait pas moi qui répondrais.
(Société spirite de Paris, 21 février 1862. — Médium, mademoiselle Stéphanie.)
Lors de la souscription ouverte par la Société au profit des ouvriers de Lyon, un membre a versé 50 fr., dont 25 pour son propre compte, et 25 au nom de M. Jobard. Ce dernier donna à ce sujet la communication suivante :
« Je vais répondre encore une fois, mon cher Kardec ; je suis flatté et reconnaissant de ne pas avoir été oublié parmi mes frères spirites. Merci au cœur généreux qui vous a porté l'offrande que je vous eusse donnée si j'avais encore habité votre monde. Dans celui où j'habite maintenant, on n'a pas besoin de monnaie ; il m'a donc fallu puiser dans la bourse de l'amitié pour donner des preuves matérielles que j'étais touché de l'infortune de mes frères de Lyon. Braves travailleurs qui ardemment cultivez la vigne du Seigneur, combien vous devez croire que la charité n'est pas un vain mot, puisque petits et grands vous ont montré sympathie et fraternité. Vous êtes dans la grande voie humanitaire du progrès ; puisse Dieu vous y maintenir, et puissiez-vous être plus heureux ; les Esprits amis vous soutiendront et vous triompherez !
Jobard.
2. Pour fixer nos idées, et ne pas parler dans le vague, autant que pour l'instruction des personnes étrangères à la Société et qui sont présentes à la séance, nous vous demanderons d'abord à quelle place vous êtes ici, et comment nous vous verrions si nous pouvions vous voir ? — R. Je suis près du médium ; vous me verriez sous l'apparence du Jobard qui s'asseyait à votre table, car vos yeux mortels non dessillés ne peuvent voir les Esprits que sous leur apparence mortelle.
3. Auriez-vous la possibilité de vous rendre visible pour nous, et si vous ne le pouvez pas, qu'est-ce qui s'y oppose ? — R. La disposition qui vous est toute personnelle. Un médium voyant me verrait : les autres ne me voient pas.
4. Cette place est celle que vous occupiez de votre vivant, quand vous assistiez à nos séances, et que nous vous avons réservée. Ceux donc qui vous y ont vu, doivent se figurer vous y voir tel que vous étiez alors. Si vous n'y êtes pas avec votre corps matériel, vous y êtes avec votre corps fluidique qui a la même forme ; si nous ne vous voyons pas avec les yeux du corps, nous vous voyons avec ceux de la pensée ; si vous ne pouvez vous communiquer par la parole, vous pouvez le faire par l'écriture à l'aide d'un interprète ; nos rapports avec vous ne sont donc nullement interrompus par votre mort, et nous pouvons nous entretenir avec vous aussi facilement et aussi complètement qu'autrefois. Est-ce bien ainsi que sont les choses ? — R. Oui, et vous le savez depuis longtemps. Cette place, je l'occuperai souvent, et à votre insu même, car mon Esprit habitera parmi vous.
5. Il n'y a pas très longtemps que vous étiez assis à cette même place ; les conditions dans lesquelles vous y êtes maintenant vous semblent-elles étranges ? Quel effet ce changement produit-il en vous ? — R. Ces conditions ne me semblent pas étranges, car je n'ai pas subi de trouble, et mon Esprit désincarné jouit d'une netteté qui ne laisse dans l'ombre aucune des questions qu'il envisage.
6. Vous souvenez-vous d'avoir été dans ce même état avant votre dernière existence, et y trouvez-vous, quelque chose de changé ? — R. je me rappelle mes existences antérieures, et je trouve que je suis amélioré. Je vois, et je m'assimile ce que je vois. Lors de mes précédentes incarnations, Esprit troublé, je ne m'apercevais que des lacunes terrestres.
7. Vous souvenez-vous de votre avant-dernière existence, de celle qui a précédé M. Jobard ? — R. Dans mon avant-dernière existence, j'étais un ouvrier mécanicien, rongé par la misère et le désir de perfectionner mon travail. J'ai réalisé, étant Jobard, les rêves du pauvre ouvrier, et je loue Dieu dont la bonté infinie a fait germer la plante dont il avait déposé la graine dans mon cerveau.
(11 novembre. Séance particulière. — Médium, madame Costel.)
8. Evocation. — R. Je suis là, enchanté de trouver l'occasion désirée de te parler (au médium) et à vous aussi.
9. Il nous semble que vous avez un faible pour ce médium ? — R. Ne me le reprochez pas, parce qu'il a fallu que je devinsse Esprit pour le lui témoigner.
10. Vous êtes-vous déjà communiqué ailleurs ? — R. Je ne me suis encore que peu communiqué ; dans beaucoup d'endroits un Esprit a pris mon nom ; quelquefois j'étais près de lui sans pouvoir le faire directement ; ma mort est si récente que j'appartiens encore à certaines influences terrestres. Il faut une parfaite sympathie pour que je puisse exprimer ma pensée. Dans peu, j'agirai indistinctement ; je ne le peux pas encore, je le répète. Lorsqu'un homme un peu connu meurt, il est appelé de tous côtés ; mille Esprits s'empressent de revêtir son individualité ; c'est ce qui est arrivé pour moi en plusieurs circonstances. Je vous assure qu'aussitôt après la délivrance, peu d'Esprits peuvent se communiquer, même à un médium préféré.
11. Depuis vendredi vos idées se sont-elles un peu modifiés ? — R. Je suis absolument dans les mêmes que vendredi. Je me suis encore peu occupé des questions, purement intellectuelles dans le sens où vous le prenez ; comment le pourrais-je, ébloui, entraîné comme je le suis par le merveilleux spectacle qui m'entoure ? Le lien du Spiritisme, plus puissant que vous autres hommes ne pouvez le concevoir, peut seul attirer mon être vers cette terre que j'abandonne, non pas avec joie, ce serait une impiété, mais avec la profonde reconnaissance de la délivrance.
12. Voyez-vous les Esprits qui sont ici avec nous ? — R. Je vois surtout Lazare et Eraste ; puis, plus éloigné, l'Esprit de vérité planant dans l'espace ; puis une foule d'Esprits amis qui vous entourent, pressés et bienveillants. Soyez heureux, amis, car de bonnes influences vous disputent aux calamités de l'erreur.
13. Encore une question, je vous prie. Connaissez-vous les causes de votre mort ? — R. Ne me parlez pas encore de cela.
Remarque. — Madame Costel dit avoir reçu une communication chez elle, par laquelle on lui annonçait que M. Jobard était mort parce qu'il voulait dépasser le but actuellement assigné au Spiritisme. Son départ aurait ainsi été précipité par ce motif. M. Jobard, personnellement, ne s'est point encore expliqué à ce sujet. Plusieurs autres communications sembleraient corroborer l'opinion ci-dessus ; mais ce qui ressort de certains faits, c'est une sorte de mystère sur les véritables causes de sa mort précipitée, qui, dit-on, sera expliquée plus tard.
(Société, 22 novembre 1861.)
14. De votre vivant, vous partagiez l'opinion qui a été émise sur la formation de la terre par l'incrustation de quatre planètes qui auraient été soudées ensemble. Êtes-vous toujours dans cette même croyance ? — R. C'est une erreur. Les nouvelles découvertes géologiques prouvent les convulsions de la terre et sa formation successive. La terre, comme les autres planètes, a eu sa vie propre, et Dieu n'a pas eu besoin de ce grand désordre ou de cette agrégation de planètes. L'eau et le feu sont les seuls éléments organiques de la terre.
15. Vous pensiez aussi que les hommes pouvaient entrer en catalepsie pendant un temps illimité, et que le genre humain a été apporté de cette façon à la terre ? — R. Illusion de mon imagination, qui dépassait toujours le but. La catalepsie peut être longue, mais non indéterminée. Traditions, légendes grossies par l'imagination orientale. Mes amis, j'ai déjà beaucoup souffert en repassant les illusions dont j'ai nourri mon esprit : ne vous y trompez pas. J'avais beaucoup appris, et, je puis le dire, mon intelligence, prompte à s'approprier ses vastes et diverses études, avait gardé de ma dernière incarnation l'amour du merveilleux et du composé puisé dans les imaginations populaires.
(Bordeaux, 24 novembre 1861. — Médium, madame Cazemajoux.)
16. Evocation. — R. C'est donc toujours à recommencer ? Eh bien ! que voulez-vous ? me voilà.
17. Nous venons d'apprendre votre mort ; voudriez-vous, vous, l'un des champions de notre doctrine, répondre à quelques-unes de nos questions ? — R. Tenez, je ne sais pas trop avec qui je suis, mais les Esprits me disent que ce médium a obtenu quelques dissertations insérées dans la Revue et qui m'ont fait plaisir ; il faut que je lui en fasse à mon tour. — Je ne suis pas pour longtemps absent de la terre ; dans quelques années j'y revivrai pour reprendre le cours de la mission que j'avais à y remplir, car elle a été arrêtée par l'ange de la délivrance.
18. Vous parlez d'une mission que vous aviez à remplir sur la terre ; voulez-vous nous la faire connaître ? — R. Mission de progrès intellectuel et moral à l'état de germe. La doctrine ou science spirite contient les éléments féconds qui doivent développer, faire croître et mûrir les idées modernes de liberté, d'unité et de fraternité ; c'est pour cela qu'il ne faut pas craindre de lui donner l'élan vigoureux qui lui fera franchir les obstacles avec une force que rien ne pourra maîtriser.
19. En marchant plus vite que le temps, n'avons-nous pas à craindre de nuire à la doctrine ? — R. Vous renverseriez ses adversaires ; votre lenteur leur laisse gagner du terrain. Je n'aime pas l'allure lourde et pesante de la tortue ; je lui préfère le vol audacieux du roi des airs.
Remarque. Ceci est une erreur ; les partisans du Spiritisme gagnent chaque jour du terrain, tandis que ses adversaires en perdent. M. Jobard est toujours enthousiaste ; il ne comprend pas qu'avec la prudence on arrive plus sûrement au but, tandis qu'en se jetant tête baissée contre l'obstacle, on risque de compromettre sa cause. A. K.
20. Comment expliquer alors les desseins de Dieu en vous arrachant à la terre d'une manière si subite, s'il avait en vous l'instrument nécessaire pour la marche rapide de l'humanité vers le progrès moral et intellectuel ? — R. Oh ! une partie des Spirites avec mes idées, quel levier ! Mais non ; la crainte les paralyse !
21. Pouvez-vous nous rendre compte des desseins de Dieu en vous appelant à lui avant l'achèvement de votre mission ? — R. Je n'en suis pas fâché ; je vois et j'apprends pour être plus fort quand l'heure du combat aura sonné. Redoublez de ferveur et de zèle pour la noble et sainte cause de l'humanité ; une existence seule ne peut suffire à voir s'accomplir la crise qui doit transformer la société, et beaucoup d'entre vous qui préparez les voies, revivront quelque temps après pour aider de nouveau à l'œuvre sainte et bénie. Je vous en ai dit assez pour ce soir, n'est-ce pas ? Mais je suis à votre disposition ; je reviendrai, parce que vous êtes un bon et fervent adepte. Adieu, je veux assister ce soir à la séance de notre cher maître Allan Kardec.
22. Vous n'avez pas répondu à ma question sur les desseins de Dieu en vous rappelant avant l'achèvement de votre mission. — R. Nous sommes des instruments propres à aider ses desseins ; il nous brise à sa volonté, et nous remet sur la scène quand il le croit utile. Soumettons-nous donc à ses décrets sans chercher à les approfondir, car nul n'a le droit de déchirer le voile qui cache aux Esprits ses décrets immuables.
Au revoir !
Jobard.
(Passy, 20 décembre 1861. — Médium, madame Dozon.)
23. Evocation. — R. Je ne sais pourquoi vous m'évoquez ; je ne vous suis rien, et dès lors ne vous dois rien ; aussi, ne vous répondrais-je pas, sans l'Esprit de vérité qui me dit que c'est Kardec qui vous a demandé de me faire venir vers vous. Eh bien ! me voilà ; que dois-je vous dire ?
24. M. Allan Kardec nous a en effet priés de vous évoquer dans le but d'avoir un contrôle des diverses communications obtenues de vous en les comparant entre elles ; c'est une étude, et nous espérons que vous voudrez bien vous y prêter, dans l'intérêt de la science spirite, en nous décrivant votre situation et vos impressions depuis que vous avez quitté la terre. — R. Je n'étais pas en tout dans le vrai pendant ma vie terrestre ; je commence à le savoir ; mes idées, en s'épurant du trouble, arrivent à une clarté nouvelle, et dès lors je reviens des erreurs de mes croyances. Cela est une grâce de la bonté de Dieu, mais elle est un peu tardive. M. Allan Kardec n'avait pas pour mon Esprit une totale sympathie, et cela devait être : il est positif dans sa foi ; moi, je rêvais et cherchais souvent à côté de la réalité. Je ne sais au juste ce que je voulais, sinon une vie meilleure que celle que j'avais ; le Spiritisme me la montra, et le plus éclairé des Spirites me leva le voile de la vie des Esprits. Ce fut LA VÉRITÉ qui l'inspira ; le Livre des Esprits me fit une vraie révolution dans l'âme et un bien impossible à dire ; mais il y a eu en mon esprit des doutes sur plusieurs choses qui se montrent à moi aujourd'hui sous un tout autre jour. Je vous l'ai dit au début de cette communication : l'Esprit en se dégageant du trouble me montre ce que je ne voyais pas. L'Esprit s'éloigne ; son dégagement n'est pas total encore ; cependant, il s'est déjà communiqué plusieurs fois ; mais, chose bizarre pour vous peut-être, c'est le changement qui se fait aux yeux des évocateurs dans les communications de l'Esprit Jobard.
Ce même médium obtint ensuite la communication spontanée suivante :
Jobard était un Esprit chercheur, voulant monter, toujours monter. Les idées spirites lui semblaient un cadre trop étroit. Jobard représentait l'Esprit de curiosité ; il voulait savoir, toujours savoir. Ce besoin, cette soif, l'ont poussé aux recherches qui dépassaient les limites de ce que Dieu veut que vous sachiez ; mais qu'on ne tente pas d'arracher le voile qui couvre les mystères de sa puissance ! Jobard a porté les mains sur l'arche, il a été foudroyé. Cela est un enseignement : cherchez le soleil, mais n'ayez pas l'audace de le fixer, ou vous deviendriez aveugles. Dieu ne vous donne-t-il pas assez en envoyant les Esprits ? Laissez donc à la mort le pouvoir que Dieu lui a octroyé : celui de lever le voile à qui en est digne ; alors vous pourrez regarder Dieu, soleil des cieux, sans être ni aveuglés ni foudroyés par la puissance qui vous dit : « Ne va pas plus loin. » Voilà ce que je dois vous dire.
La Vérité
(Société, 3 janvier 1862. — Médium, madame Costel.)
Nota. — M. Jobard s'est manifesté plusieurs fois chez M. et Mme P…, membres de la Société. Une fois, entre autres, il s'est montré spontanément, et sans qu'on songeât à lui, à une somnambule qui le dépeignit d'une manière très exacte et dit son nom, quoiqu'elle ne l'eût jamais connu. Une conversation s'étant engagée entre lui et M. P…, par l'intermédiaire de la somnambule, il rappela diverses particularités qui ne purent laisser aucun doute sur son identité. Une chose surtout les avait frappés, c'est que, la seule fois où ils eurent occasion de le voir à la Société, il avait eu pendant presque toute la séance les yeux fixés sur eux, comme s'il eût cherché en eux des personnes de connaissance ; circonstance qu'ils avaient oubliée, et que l'Esprit de M. Jobard leur rappela par l'intermédiaire de la somnambule. M. et Mme P…, qui n'avaient jamais eu de rapports avec lui de son vivant, désirèrent connaître le motif de la sympathie qu'il paraissait avoir pour eux. C'est à ce sujet, qu'il dicta la communication suivante :
Incrédule ! tu avais besoin de cette confirmation de la somnambule pour croire à mon identité ! Ingrat ! tu m'as oublié trop longtemps sous le prétexte que d'autres s'en souvenaient trop. Mais laissons les reproches et causons : abordons le sujet pour lequel tu m'as fait évoquer. Je puis facilement expliquer pourquoi mon attention était excitée par la vue de ce couple qui m'était étranger, mais qu'une sorte d'instinct, de seconde vue, de prescience me faisait reconnaître. Après ma délivrance, j'ai vu que nous nous étions connus précédemment, et je suis revenu vers eux : c'est le mot.
Je commence à vivre spirituellement, plus paisible et moins troublé par les évocations à travers champs qui pleuvaient sur moi. La mode règne même sur les Esprits ; lorsque la mode Jobard fera place à une autre et que je rentrerai dans le néant de l'oubli humain, je prierai alors mes amis sérieux, et j'entends par-là ceux dont l'intelligence n'oublie pas, je les prierai de m'évoquer ; alors nous creuserons des questions traitées trop superficiellement, et votre Jobard, complètement transfiguré, pourra vous être utile, ce qu'il souhaite de tout son cœur.
Jobard.
(Au médium, madame Costel.) — Je reviens ; tu désires savoir pourquoi je manifeste une préférence pour toi. Lorsque j'étais mécanicien, tu étais poète, et je t'ai connue à l'hôpital où tu es morte, madame !
Jobard.
(Montréal (Canada), 19 décembre 1861.)
M. Henri Lacroix nous écrit de Montréal qu'il avait adressé trois lettres à M. Jobard, mais celui-ci n'en reçut que deux, la troisième étant arrivée trop tard ; il ne répondit qu'à la première. M. Lacroix ayant appris sa mort par les journaux, eut des communications de plusieurs Esprits signées Voltaire, Volney, Franklin, et attestant que la nouvelle était fausse, et que M. Jobard se portait très très bien. La Revue spirite vint lever ses doutes en confirmant l'événement. C'est alors que l'Esprit de M. Jobard étant évoqué lui donna la communication ci-après, dont M. Lacroix nous prie de vouloir bien contrôler l'exactitude.
Mon cher maître, je suis mort, dites-vous ; je ne suis pas mort, puisque je vous parle. Ceux qui ont pris sur eux de vous dire que je n'étais pas trépassé ont peut-être voulu vous jouer un tour. Je ne les connais pas encore, mais je les connaîtrai et je saurai le motif qui les a fait agir ainsi. Ecrivez à Kardec et je vous répondrai. Je ne pourrai pas, je pense, vous répondre par la table, mais dans tous les cas essayez-la, je ferai de mon mieux. Les deux lettres que j'ai reçues de vous ont fortement contribué à causer mon trépas ; vous saurez plus tard comment.
Jobard.
M. Jobard, évoqué à ce sujet le 10 janvier, dans la Société de Paris, répondit qu'il se reconnaissait l'auteur de cette communication ; mais que le prétendu portrait tracé à la suite n'était ni lui ni de lui, ce que nous croyons sans peine, car il ne lui ressemble en aucune façon.
Dem. Comment les deux lettres que vous avez reçues ont-elles pu contribuer à votre mort ? — R. Je ne puis et ne veux dire ici qu'une chose, c'est que la lecture de ces deux lettres après mon repas a déterminé la congestion qui m'a emporté, ou délivré si vous aimez mieux.
Remarque. Pendant que le médium écrivait cette réponse, et avant qu'elle ne fût lue, un autre médium reçut la réponse suivante de son guide particulier :
« Explication difficile qu'il ne vous donnera pas en détail ; il est de ces choses que Jobard ne peut dire ici. »
Dem. M. Lacroix désire savoir par quelle raison plusieurs Esprits sont venus spontanément démentir la nouvelle de votre mort ? — R. S'il avait fait plus d'attention, il aurait facilement reconnu la supercherie. Combien de fois faudra-t-il répéter qu'il faut presque absolument se défier des communications spontanées données à propos d'un fait, affirmant ou niant de propos délibéré ! Les Esprits ne trompent que ceux qui se laissent tromper.
Remarque. Pendant cette réponse, un autre médium écrit ce qui suit : « Esprits qui aiment à jacasser sans se soucier de la vérité. Il en est de certains Esprits comme des hommes : ils apprennent des nouvelles, les affirment ou les démentent avec la même facilité. »
Il est évident que les noms qui ont signé le démenti donné à la mort de M. Jobard sont apocryphes. Il suffisait, pour le reconnaître, de considérer que des Esprits comme Franklin, Volney et Voltaire, ont à s'occuper de choses plus sérieuses, et que de pareils détails sont incompatibles avec leur caractère ; cela seul devait inspirer des doutes sur leur identité, et, par conséquent, sur la véracité des communications. Nous ne saurions trop le répéter : une étude préalable, complète et attentive de la science spirite, peut seule donner les moyens de déjouer les mystifications des Esprits trompeurs auxquels sont en butte tous les novices manquant de l'expérience nécessaire.
Dem. Vous n'avez répondu qu'à la première lettre de M. Lacroix ; il désire avoir une réponse aux deux dernières, et surtout à la troisième qui avait, disait-il, un cachet particulier qui ne pouvait être compris que de vous. — R. Il l'aura plus tard ; pour le moment je ne le puis. Il serait inutile de la provoquer, autrement il pourrait être certain que ce ne serait pas moi qui répondrais.
(Société spirite de Paris, 21 février 1862. — Médium, mademoiselle Stéphanie.)
Lors de la souscription ouverte par la Société au profit des ouvriers de Lyon, un membre a versé 50 fr., dont 25 pour son propre compte, et 25 au nom de M. Jobard. Ce dernier donna à ce sujet la communication suivante :
« Je vais répondre encore une fois, mon cher Kardec ; je suis flatté et reconnaissant de ne pas avoir été oublié parmi mes frères spirites. Merci au cœur généreux qui vous a porté l'offrande que je vous eusse donnée si j'avais encore habité votre monde. Dans celui où j'habite maintenant, on n'a pas besoin de monnaie ; il m'a donc fallu puiser dans la bourse de l'amitié pour donner des preuves matérielles que j'étais touché de l'infortune de mes frères de Lyon. Braves travailleurs qui ardemment cultivez la vigne du Seigneur, combien vous devez croire que la charité n'est pas un vain mot, puisque petits et grands vous ont montré sympathie et fraternité. Vous êtes dans la grande voie humanitaire du progrès ; puisse Dieu vous y maintenir, et puissiez-vous être plus heureux ; les Esprits amis vous soutiendront et vous triompherez !
Jobard.
Souscription à l'effet d'élever un monument à la mémoire de M. Jobard.
Les journaux ayant annoncé une souscription pour élever un monument à M.
Jobard, M. Allan Kardec en fit part à la Société dans la séance du 31
janvier dernier, ajoutant qu'il se proposait d'en parler dans la Revue,
mais qu'il avait cru devoir ajourner l'annonce de cette souscription,
attendu qu'elle aurait eu peu de chances favorables étant mise en regard
de celle pour les ouvriers, et qu'on n'aurait pas manqué de faire la
réflexion qu'il valait mieux donner du pain aux vivants que des pierres
aux morts.
M. Jobard, interrogé sur ce qu'il en pensait, répondit : « Certainement ; mais J'ai réfléchi : vous voulez savoir si j'aime les statues ; donnez d'abord votre argent aux malheureux, et si, par hasard, dans les coutures de votre gousset se sont arrêtées quelques pièces de 5 fr., faites ériger une statue, cela fera toujours vivre un artiste. »
En conséquence, la Société recevra les dons qui lui seront faits dans cette intention, et en opérera le versement au bureau du journal la Propriété industrielle, rue Bergère, 21, où la souscription est ouverte.
M. Jobard, interrogé sur ce qu'il en pensait, répondit : « Certainement ; mais J'ai réfléchi : vous voulez savoir si j'aime les statues ; donnez d'abord votre argent aux malheureux, et si, par hasard, dans les coutures de votre gousset se sont arrêtées quelques pièces de 5 fr., faites ériger une statue, cela fera toujours vivre un artiste. »
En conséquence, la Société recevra les dons qui lui seront faits dans cette intention, et en opérera le versement au bureau du journal la Propriété industrielle, rue Bergère, 21, où la souscription est ouverte.
Carrère. — Constatation d'un fait d'identité
L'identité des Esprits qui se manifestent est, comme on le sait, une des
difficultés du Spiritisme, et les moyens que l'on emploie pour la
vérifier conduisent souvent à des résultats négatifs ; les meilleures
preuves, à cet égard, sont celles qui naissent de la spontanéité des
communications. Quoique ces preuves ne soient pas rares, quand on en a
de bien caractérisées, il est bon de les constater, pour sa propre
satisfaction d'abord et comme sujet d'étude, et, en outre, pour répondre
à ceux qui en nient la possibilité, probablement parce que, s'y étant
mal pris, ils n'ont pas réussi, ou bien parce que c'est chez eux un
système préconçu. Nous répéterons ce que nous avons dit autre part, que
l'identité des Esprits qui ont vécu à une époque reculée et qui viennent
donner des enseignements est à peu près impossible à établir, et qu'il
ne faut attacher aux noms qu'une importance relative ; ce qu'ils disent
est-il bon ou mauvais, rationnel ou illogique, digne ou indigne du nom
signé ? là est toute la question. Il n'en est pas de même des Esprits
contemporains, dont le caractère et les habitudes nous sont connus, et
qui peuvent prouver leur identité par des particularités de détail ;
particularités que l'on obtient rarement quand on les leur demande, et
qu'il faut savoir attendre. Tel est le fait relaté dans la lettre
suivante :
Bordeaux, 25 janvier 1862.
« Mon cher monsieur Kardec,
« Vous savez que nous avons l'habitude de vous soumettre tous nos travaux, nous en rapportant entièrement à vos lumières et à votre expérience pour les apprécier ; aussi quand, pour nous, les faits sont frappants d'identité, nous nous bornons à vous les faire connaître dans tous leurs détails.
« M. Guipon, contrôleur de comptabilité à la Compagnie des chemins de fer du Midi, membre du groupe directeur de la Société spirite de Bordeaux, m'écrivit, à la date du 14 de ce mois, la lettre suivante :
« Mon cher monsieur Sabô, permettez-moi de vous adresser la prière de faire en séance l'évocation de l'Esprit de Carrère, sous-chef d'équipe à la gare de Bordeaux, tué en commandant une manœuvre le 18 décembre dernier. Ci-joint, et sous enveloppe, le détail des faits que je désire faire constater et qui seraient pour nous, je crois, un sujet sérieux d'étude et d'instruction. Vous m'obligerez également de n'ouvrir ce pli qu'après l'évocation.
« L. Guipon. »
Le 18 du même mois, dans une réunion à d'une dizaine de personnes honorables de notre ville, nous fîmes l'évocation demandée :
1. Évocation de l'Esprit de Carrère. — R. Me voilà.
2. Quelle est votre position dans le monde des Esprits ? — R. Je ne suis ni heureux ni malheureux. Je suis d'ailleurs souvent sur la terre ; je me montre à quelqu'un qui n'est pas trop content de me voir.
3. Dans quel but vous manifestez-vous à cette personne ? — R. Ah ! voyez-vous, c'est que j'allais mourir ; j'avais peur et on avait peur pour moi. On cherchait partout un Christ pour m'aider à franchir le difficile passage de la vie à la mort, et la personne à qui je me montre en avait un qu'elle a refusé de prêter pour l'appliquer sur mes lèvres mourantes, et déposer entre mes mains comme un gage de paix et d'amour. Eh bien ! elle en a pour longtemps à me voir autour du Christ ; elle m'y verra toujours. Maintenant, je m'en vais ; je suis mal à l'aise ici ; laissez-moi partir. Adieu.
Immédiatement après cette évocation, j'ouvris le pli cacheté, qui contenait les détails suivants :
« Lors de la mort de Carrère, sous-chef d'équipe à Bordeaux, tué le 18 décembre dernier, M. Beautey, chef de gare P V, fit transporter le corps à la gare des voyageurs et prescrivit à un homme d'équipe d'aller à son domicile demander à madame Beautey un Christ pour le placer sur le cadavre. Cette dame répondit en prétendant que le Christ était cassé, et qu'elle ne pouvait conséquemment le prêter.
« Vers le 10 janvier courant, madame Beautey confessa à son mari que le Christ qu'elle avait refusé n'était point cassé, mais qu'elle ne voulait pas le prêter afin, dit-elle, de ne plus avoir à éprouver les émotions occasionnées à la suite d'un semblable accident survenu précédemment et à peu près dans les mêmes conditions. Elle ajouta ensuite que jamais plus elle ne refusera rien à un mort, et expliqua ces paroles ainsi : — Pendant toute la nuit de la mort de cet homme, il est resté visible pour moi ; très longtemps je l'ai vu placé autour du Christ, puis à ses côtés.
« Madame Beautey, qui n'avait jamais vu ni entendu parler de cet homme, le désignait avec tant de justesse à son mari que celui-ci le reconnut comme s'il avait été présent. Madame Beautey, du reste, à l'état de veille, n'en est pas à voir les Esprits pour la première fois ; cependant, un fait est à remarquer, c'est que l'Esprit de Carrère l'a fortement impressionnée, ce qui ne lui est pas encore arrivé quand elle a vu d'autres Esprits. — Signé Guipon. »
« Plus bas se trouve la mention suivante :
« Cette narration est parfaitement exacte.
« Signé — Beautey, chef de gare.
J'ai cru de mon devoir de vous rapporter le fait d'identité que je viens de vous signaler, fait, il faut en convenir, fort rare, et qui n'est arrivé, assurément, qu'avec la permission de Dieu, qui se sert de tous les moyens pour frapper l'incrédulité et l'indifférence.
Si vous jugez utile de reproduire cet intéressant épisode, plus bas vous trouverez les signatures des personnes qui ont assisté à cette séance. Elles me chargent de vous dire que leurs noms peuvent être mis à découvert, et, conserver l'incognito dans cette circonstance, ajoutent-elles, serait une faute. Les noms propres qui figurent dans les détails circonstanciés de l'évocation de Carrère peuvent également être publiés.
Votre bien dévoué serviteur,
A. Sabo
Nous attestons que les détails relatés dans la présente lettre sont véridiques en tous points, et n'hésitons pas à les confirmer par notre signature.
A. Sabo, comptable principal à la Compagnie des chemins de fer du Midi, 13, rue Barennes. — Ch. Collignon, rentier, rue Sauce, 12. ÉMILIE Collignon, rentière. — L'ANGLE, employé des contributions indirectes, rue Pèlegrin, 28. — Veuve Cazemajoux. — Guipon, contrôleur de comptabilité et des recettes aux chemins de fer du Midi, 119, chemin de Bègles. Ulrich, négociant, rue des Chartrons, 17. — Chain, négociant. — Jouanni, employé chez M. Arman, constructeur de navires, rue Capenteyre, 26. — Gourgues, négociant, chemin de Saint-Genès, 64. — Belly aîné, mécanicien, rue Lafurterie, 39. — Hubert, capitaine au 88° de ligne. — Puginier, lieutenant au même régiment.
Comme d'habitude, les incrédules ne manqueront pas de mettre ce fait sur le compte de l'imagination. Ils diront, par exemple, que madame Beautey avait l'esprit frappé par son refus, et qu'un remords de conscience lui a fait croire qu'elle voyait Carrère. Cela est possible, nous en convenons, mais les négateurs, qui ne se piquent pas d'approfondir avant de juger, ne cherchent pas si quelque circonstance échappe à leur théorie. Comment expliqueront-ils le portrait qu'elle a fait d'un homme qu'elle n'avait jamais vu ? « C'est un hasard, » diront-ils. — Quant à l'évocation, direz-vous aussi que le médium, n'a fait que traduire sa pensée ou celle des assistants, puisque ces circonstances étaient ignorées ? Est-ce encore le hasard ? — Non ; mais parmi les assistants il y avait M. Guipon, auteur de la lettre cachetée et connaissant le fait ; or, sa pensée a pu se transmettre au médium, par le courant des fluides, attendu que les médiums sont toujours dans un état de surexcitation fébrile, entretenue et provoquée par la concentration des assistants, et sa propre volonté ; or, dans cet état anomal, qui n'est autre chose qu'un état biologique, selon le savant M. Figuier, il y a des émanations qui s'échappent du cerveau et donnent des perceptions exceptionnelles provenant de l'expansion des fluides qui établissent des rapports entre les personnes présentes et même absentes. Vous voyez donc bien, par cette explication aussi claire que logique, qu'il n'est pas besoin d'avoir recours à l'intervention de vos prétendus Esprits qui n'existent que dans votre imagination. — Ce raisonnement, nous l'avouons en toute humilité, dépasse notre intelligence, et nous vous demanderons si vous vous comprenez bien vous-mêmes ?
Bordeaux, 25 janvier 1862.
« Mon cher monsieur Kardec,
« Vous savez que nous avons l'habitude de vous soumettre tous nos travaux, nous en rapportant entièrement à vos lumières et à votre expérience pour les apprécier ; aussi quand, pour nous, les faits sont frappants d'identité, nous nous bornons à vous les faire connaître dans tous leurs détails.
« M. Guipon, contrôleur de comptabilité à la Compagnie des chemins de fer du Midi, membre du groupe directeur de la Société spirite de Bordeaux, m'écrivit, à la date du 14 de ce mois, la lettre suivante :
« Mon cher monsieur Sabô, permettez-moi de vous adresser la prière de faire en séance l'évocation de l'Esprit de Carrère, sous-chef d'équipe à la gare de Bordeaux, tué en commandant une manœuvre le 18 décembre dernier. Ci-joint, et sous enveloppe, le détail des faits que je désire faire constater et qui seraient pour nous, je crois, un sujet sérieux d'étude et d'instruction. Vous m'obligerez également de n'ouvrir ce pli qu'après l'évocation.
« L. Guipon. »
Le 18 du même mois, dans une réunion à d'une dizaine de personnes honorables de notre ville, nous fîmes l'évocation demandée :
1. Évocation de l'Esprit de Carrère. — R. Me voilà.
2. Quelle est votre position dans le monde des Esprits ? — R. Je ne suis ni heureux ni malheureux. Je suis d'ailleurs souvent sur la terre ; je me montre à quelqu'un qui n'est pas trop content de me voir.
3. Dans quel but vous manifestez-vous à cette personne ? — R. Ah ! voyez-vous, c'est que j'allais mourir ; j'avais peur et on avait peur pour moi. On cherchait partout un Christ pour m'aider à franchir le difficile passage de la vie à la mort, et la personne à qui je me montre en avait un qu'elle a refusé de prêter pour l'appliquer sur mes lèvres mourantes, et déposer entre mes mains comme un gage de paix et d'amour. Eh bien ! elle en a pour longtemps à me voir autour du Christ ; elle m'y verra toujours. Maintenant, je m'en vais ; je suis mal à l'aise ici ; laissez-moi partir. Adieu.
Immédiatement après cette évocation, j'ouvris le pli cacheté, qui contenait les détails suivants :
« Lors de la mort de Carrère, sous-chef d'équipe à Bordeaux, tué le 18 décembre dernier, M. Beautey, chef de gare P V, fit transporter le corps à la gare des voyageurs et prescrivit à un homme d'équipe d'aller à son domicile demander à madame Beautey un Christ pour le placer sur le cadavre. Cette dame répondit en prétendant que le Christ était cassé, et qu'elle ne pouvait conséquemment le prêter.
« Vers le 10 janvier courant, madame Beautey confessa à son mari que le Christ qu'elle avait refusé n'était point cassé, mais qu'elle ne voulait pas le prêter afin, dit-elle, de ne plus avoir à éprouver les émotions occasionnées à la suite d'un semblable accident survenu précédemment et à peu près dans les mêmes conditions. Elle ajouta ensuite que jamais plus elle ne refusera rien à un mort, et expliqua ces paroles ainsi : — Pendant toute la nuit de la mort de cet homme, il est resté visible pour moi ; très longtemps je l'ai vu placé autour du Christ, puis à ses côtés.
« Madame Beautey, qui n'avait jamais vu ni entendu parler de cet homme, le désignait avec tant de justesse à son mari que celui-ci le reconnut comme s'il avait été présent. Madame Beautey, du reste, à l'état de veille, n'en est pas à voir les Esprits pour la première fois ; cependant, un fait est à remarquer, c'est que l'Esprit de Carrère l'a fortement impressionnée, ce qui ne lui est pas encore arrivé quand elle a vu d'autres Esprits. — Signé Guipon. »
« Plus bas se trouve la mention suivante :
« Cette narration est parfaitement exacte.
« Signé — Beautey, chef de gare.
J'ai cru de mon devoir de vous rapporter le fait d'identité que je viens de vous signaler, fait, il faut en convenir, fort rare, et qui n'est arrivé, assurément, qu'avec la permission de Dieu, qui se sert de tous les moyens pour frapper l'incrédulité et l'indifférence.
Si vous jugez utile de reproduire cet intéressant épisode, plus bas vous trouverez les signatures des personnes qui ont assisté à cette séance. Elles me chargent de vous dire que leurs noms peuvent être mis à découvert, et, conserver l'incognito dans cette circonstance, ajoutent-elles, serait une faute. Les noms propres qui figurent dans les détails circonstanciés de l'évocation de Carrère peuvent également être publiés.
Votre bien dévoué serviteur,
A. Sabo
Nous attestons que les détails relatés dans la présente lettre sont véridiques en tous points, et n'hésitons pas à les confirmer par notre signature.
A. Sabo, comptable principal à la Compagnie des chemins de fer du Midi, 13, rue Barennes. — Ch. Collignon, rentier, rue Sauce, 12. ÉMILIE Collignon, rentière. — L'ANGLE, employé des contributions indirectes, rue Pèlegrin, 28. — Veuve Cazemajoux. — Guipon, contrôleur de comptabilité et des recettes aux chemins de fer du Midi, 119, chemin de Bègles. Ulrich, négociant, rue des Chartrons, 17. — Chain, négociant. — Jouanni, employé chez M. Arman, constructeur de navires, rue Capenteyre, 26. — Gourgues, négociant, chemin de Saint-Genès, 64. — Belly aîné, mécanicien, rue Lafurterie, 39. — Hubert, capitaine au 88° de ligne. — Puginier, lieutenant au même régiment.
Comme d'habitude, les incrédules ne manqueront pas de mettre ce fait sur le compte de l'imagination. Ils diront, par exemple, que madame Beautey avait l'esprit frappé par son refus, et qu'un remords de conscience lui a fait croire qu'elle voyait Carrère. Cela est possible, nous en convenons, mais les négateurs, qui ne se piquent pas d'approfondir avant de juger, ne cherchent pas si quelque circonstance échappe à leur théorie. Comment expliqueront-ils le portrait qu'elle a fait d'un homme qu'elle n'avait jamais vu ? « C'est un hasard, » diront-ils. — Quant à l'évocation, direz-vous aussi que le médium, n'a fait que traduire sa pensée ou celle des assistants, puisque ces circonstances étaient ignorées ? Est-ce encore le hasard ? — Non ; mais parmi les assistants il y avait M. Guipon, auteur de la lettre cachetée et connaissant le fait ; or, sa pensée a pu se transmettre au médium, par le courant des fluides, attendu que les médiums sont toujours dans un état de surexcitation fébrile, entretenue et provoquée par la concentration des assistants, et sa propre volonté ; or, dans cet état anomal, qui n'est autre chose qu'un état biologique, selon le savant M. Figuier, il y a des émanations qui s'échappent du cerveau et donnent des perceptions exceptionnelles provenant de l'expansion des fluides qui établissent des rapports entre les personnes présentes et même absentes. Vous voyez donc bien, par cette explication aussi claire que logique, qu'il n'est pas besoin d'avoir recours à l'intervention de vos prétendus Esprits qui n'existent que dans votre imagination. — Ce raisonnement, nous l'avouons en toute humilité, dépasse notre intelligence, et nous vous demanderons si vous vous comprenez bien vous-mêmes ?
Enseignements et dissertations spirites
La réincarnation(Envoi de La Haye. — Médium, M. le baron de Kock.)
La doctrine de la réincarnation est une vérité qui ne peut être contestée ; dès que l'homme veut seulement penser à l'amour, à la sagesse et à la justice de Dieu, il ne peut admettre aucune autre doctrine.
Il est vrai qu'on ne trouve dans les livres sacrés que ces mots : « l'homme, après la mort, sera récompensé selon ses œuvres ; » mais on ne fait pas assez attention à une infinité de citations qui toutes vous disent qu'il est complètement inadmissible que l'homme actuel soit puni pour les fautes, les crimes de ceux qui ont vécu avant le Christ. Je ne puis revenir sur tant d'exemples et de démonstrations donnés par ceux qui ont foi en la réincarnation, vous pouvez vous-même y suppléer, les bons Esprits vous aideront, et ce sera un travail agréable pour vous. Vous pourrez ajouter cela aux dictées que je vous ai données et à celles que je vous donnerai encore si Dieu le permet. Vous êtes convaincu de l'amour de Dieu pour les hommes ; il ne désire que le bonheur de ses enfants ; or, le seul moyen pour eux d'atteindre un jour à ce bonheur suprême est tout entier dans les réincarnations successives.
Je vous ai déjà dit que ce que Kardec a écrit sur les anges déchus est de la plus grande vérité. Les Esprits qui peuplent votre globe l'ont pour la plupart toujours habité. Si ce sont les mêmes qui y reviennent depuis tant de siècles, c'est que bien peu ont mérité la récompense promise par Dieu.
Le Christ a dit : « Cette race sera détruite, et bientôt cette prophétie sera accomplie. » Si l'on croit en un Dieu d'amour et de justice, comment peut-on admettre que les hommes qui vivent actuellement, et même qui ont vécu depuis dix-huit siècles puissent être coupables de la mort du Christ sans admettre la réincarnation ? Oui, le sentiment de l'amour pour Dieu, celui des peines et des récompenses de la vie future, l'idée de la réincarnation, sont innés chez l'homme depuis des siècles ; voyez toutes les histoires, voyez les écrits des sages de l'antiquité, et vous serez convaincu que cette doctrine a de tout temps été admise par tous les hommes qui ont compris la justice de Dieu. Maintenant vous comprendrez ce qu'est notre terre, et comment est arrivé le moment où les prophéties du Christ seront accomplies.
Je vous plains de ce que vous trouvez si peu de personnes qui pensent comme vous. Vos compatriotes ne songent qu'aux grandeurs et à l'argent, à se faire un nom ; ils rejettent tout ce peut entraver leurs malheureuses passions ; mais que cela ne vous décourage pas ; travaillez à votre bonheur, au bien de ceux qui peut-être reviendront de leurs erreurs ; persévérez dans votre œuvre ; pensez toujours à Dieu, au Christ, et la béatitude céleste sera votre récompense.
Si l'on veut examiner la question sans préjugés, réfléchir sur l'existence de l'homme, dans les différentes conditions de la société, et coordonner cette existence avec l'amour, la sagesse et la justice de Dieu, tout doute concernant le dogme de la réincarnation doit disparaître aussitôt. En effet, comment concilier cette justice et cet amour avec une seule existence où tous naissent dans des positions si différentes ; où l'un est riche et grand, tandis que l'autre est pauvre et misérable ; où l'un jouit de la santé, tandis que l'autre est affligé de maux de toutes sortes ? Ici se trouvent la joie et la gaieté ; plus loin la tristesse et la douleur ; chez les uns l'intelligence est très développée ; chez d'autres elle s'élève à peine au-dessus de la brute. Peut-on croire qu'un Dieu qui est tout amour ait fait naître des créatures condamnées pour toute leur vie à l'idiotisme et à la démence, qu'il ait permis que des enfants au printemps de la vie fussent ravis à la tendresse de leurs parents ? J'ose même demander si l'on pourrait attribuer à Dieu l'amour, la sagesse et la justice à la vue de ces peuples plongés dans l'ignorance et la barbarie, comparés aux autres nations civilisées où règnent les lois, l'ordre, où l'on cultive les arts et les sciences ? Il ne suffit pas de dire : « Dieu, dans sa sagesse, a réglé ainsi toutes choses ; » non, la sagesse de Dieu qui, avant tout, est amour, doit devenir claire pour l'entendement humain : le dogme de la réincarnation éclaircit tout ; ce dogme, donné par Dieu lui-même, ne peut être opposé aux préceptes des saintes Écritures ; loin de là, il explique les principes d'où émanent pour l'homme l'amélioration morale et la perfection. Cet avenir, révélé par le Christ, est d'accord avec les attributs infinis que Dieu doit posséder. Le Christ dit : « Tous les hommes ne sont pas seulement les enfants de Dieu, ils sont aussi frères et sœurs de la même famille ; » or, ces expressions, il faut les bien comprendre.
Un bon père terrestre donnera-t-il à quelques-uns de ses enfants ce qu'il refuse à d'autres ? jettera-t-il l'un dans l'abîme de la misère, tandis qu'il comblera l'autre de richesses, d'honneurs et de dignités ? Ajoutez encore que l'amour de Dieu, étant infini, ne saurait être comparé à celui de l'homme pour ses enfants. Les différentes positions de l'homme ayant une cause, et cette cause ayant pour principe l'amour, la sagesse, la bonté et la justice de Dieu, elles ne peuvent trouver leur raison d'être que dans la doctrine de la réincarnation.
Dieu a créé tous les Esprits égaux, simples, innocents, sans vices et sans vertus, mais avec le libre arbitre de régler leurs actions d'après un instinct qu'on appelle conscience, et qui leur donne le pouvoir de distinguer le bien et le mal. Chaque Esprit est destiné à atteindre à la plus haute perfection après Dieu et le Christ ; pour y parvenir, il doit acquérir toutes les connaissances par l'étude de toutes les sciences, s'initier à toutes les vérités, s'épurer par la pratique de toutes les vertus ; or, comme ces qualités supérieures ne peuvent s'obtenir dans une seule vie, tous doivent parcourir plusieurs existences pour acquérir les différents degrés de savoir.
La vie humaine est l'école de la perfection spirituelle, et une suite d'épreuves ; c'est pour cela que l'Esprit doit connaître toutes les conditions de la société, et, dans chacune de ces conditions, il doit s'appliquer à accomplir la volonté divine. La puissance et la richesse, ainsi que la pauvreté et l'humilité, sont des épreuves ; douleurs, idiotisme, démence, etc., sont des punitions pour le mal commis dans une vie antérieure.
Par le libre arbitre, de même que chaque individu est en état d'accomplir les épreuves auxquelles il est soumis, de même il peut y faillir ; dans le premier cas, la récompense ne se fait pas attendre, et cette récompense consiste en une progression dans la perfection spirituelle ; dans le second ; il reçoit sa punition, c'est-à-dire qu'il doit réparer par une vie nouvelle le temps perdu pendant sa vie précédente dont il n'a pas su tirer avantage pour lui-même.
Avant leur réincarnation, les Esprits planent dans les sphères célestes, les bons en jouissant du bonheur, les mauvais en se livrant au repentir, en proie à la douleur d'être délaissés par Dieu ; mais l'Esprit, conservant le souvenir du passé, se rappelle ses infractions aux commandements de Dieu, et Dieu lui permet de choisir dans une nouvelle existence ses épreuves et sa condition, ce qui explique pourquoi on trouve souvent dans les classes inférieures de la société des sentiments élevés et un entendement développé, tandis que dans les classes supérieures on trouve souvent des penchants ignobles et des Esprits très bruts. Peut-on parler d'injustice quand l'homme qui a mal employé sa vie peut réparer ses fautes dans une autre existence, et parvenir à son but ? L'injustice ne serait-elle pas dans une condamnation immédiate et sans retour possible ? La Bible parle de punitions éternelles ; mais cela ne saurait réellement s'entendre pour une seule vie, si triste, si courte ; pour cet instant, ce clin d'œil relativement à l'éternité. Dieu veut donner le bonheur éternel en récompense du bien, mais il faut le mériter, et une seule vie de courte durée ne suffit pas pour y atteindre.
Beaucoup demandent pourquoi Dieu aurait caché si longtemps aux hommes un dogme dont la connaissance est utile à leur bonheur ? Aurait-il donc moins aimé les hommes qu'il ne le fait maintenant ?
L'amour de Dieu est de toute éternité ; il a envoyé aux hommes pour les éclairer des sages, des prophètes, le sauveur Jésus-Christ ; n'est-ce pas une preuve de son amour infini ? Mais comment les hommes ont-ils reçu cet amour ? se sont-ils améliorés ?
Le Christ a dit : « Je pourrais vous dire encore bien des choses, mais vous ne sauriez les comprendre en votre état d'imperfection », et si l'on prend les saintes Écritures dans le vrai sens intellectuel, on y trouve beaucoup de citations qui semblent indiquer que l'Esprit doit parcourir plusieurs vies avant de parvenir à son but ? Ne trouve-t-on pas également dans les œuvres des philosophes anciens les mêmes idées sur la réincarnation des Esprits ?
Le monde a bien avancé, sous le rapport matériel, dans les sciences, dans les institutions sociales ; mais, sous le rapport moral, il est encore très arriéré ; les hommes méconnaissent la loi de Dieu et n'écoutent plus la voix du Christ ; c'est pourquoi Dieu, dans sa bonté, leur donne comme dernière ressource, pour arriver à connaître les principes du bonheur éternel, la communication directe avec les esprits et l'enseignement du dogme de la réincarnation, paroles pleines de consolation et qui brillent au milieu des ténèbres des dogmes de tant de religions différentes.
A l'œuvre ! et que la recherche s'accomplisse avec amour et confiance ; lisez sans préjugés ; réfléchissez sur tout ce que Dieu, depuis la création du monde, a daigné faire pour le genre humain, et vous serez confirmés dans la foi que la réincarnation est une vérité sainte et divine.
Remarque. Nous n'avions pas l'honneur de connaître M. le baron de Kock ; cette communication, qui concorde avec tous les principes du Spiritisme, n'est donc le fait d'aucune influence personnelle.
La doctrine de la réincarnation est une vérité qui ne peut être contestée ; dès que l'homme veut seulement penser à l'amour, à la sagesse et à la justice de Dieu, il ne peut admettre aucune autre doctrine.
Il est vrai qu'on ne trouve dans les livres sacrés que ces mots : « l'homme, après la mort, sera récompensé selon ses œuvres ; » mais on ne fait pas assez attention à une infinité de citations qui toutes vous disent qu'il est complètement inadmissible que l'homme actuel soit puni pour les fautes, les crimes de ceux qui ont vécu avant le Christ. Je ne puis revenir sur tant d'exemples et de démonstrations donnés par ceux qui ont foi en la réincarnation, vous pouvez vous-même y suppléer, les bons Esprits vous aideront, et ce sera un travail agréable pour vous. Vous pourrez ajouter cela aux dictées que je vous ai données et à celles que je vous donnerai encore si Dieu le permet. Vous êtes convaincu de l'amour de Dieu pour les hommes ; il ne désire que le bonheur de ses enfants ; or, le seul moyen pour eux d'atteindre un jour à ce bonheur suprême est tout entier dans les réincarnations successives.
Je vous ai déjà dit que ce que Kardec a écrit sur les anges déchus est de la plus grande vérité. Les Esprits qui peuplent votre globe l'ont pour la plupart toujours habité. Si ce sont les mêmes qui y reviennent depuis tant de siècles, c'est que bien peu ont mérité la récompense promise par Dieu.
Le Christ a dit : « Cette race sera détruite, et bientôt cette prophétie sera accomplie. » Si l'on croit en un Dieu d'amour et de justice, comment peut-on admettre que les hommes qui vivent actuellement, et même qui ont vécu depuis dix-huit siècles puissent être coupables de la mort du Christ sans admettre la réincarnation ? Oui, le sentiment de l'amour pour Dieu, celui des peines et des récompenses de la vie future, l'idée de la réincarnation, sont innés chez l'homme depuis des siècles ; voyez toutes les histoires, voyez les écrits des sages de l'antiquité, et vous serez convaincu que cette doctrine a de tout temps été admise par tous les hommes qui ont compris la justice de Dieu. Maintenant vous comprendrez ce qu'est notre terre, et comment est arrivé le moment où les prophéties du Christ seront accomplies.
Je vous plains de ce que vous trouvez si peu de personnes qui pensent comme vous. Vos compatriotes ne songent qu'aux grandeurs et à l'argent, à se faire un nom ; ils rejettent tout ce peut entraver leurs malheureuses passions ; mais que cela ne vous décourage pas ; travaillez à votre bonheur, au bien de ceux qui peut-être reviendront de leurs erreurs ; persévérez dans votre œuvre ; pensez toujours à Dieu, au Christ, et la béatitude céleste sera votre récompense.
Si l'on veut examiner la question sans préjugés, réfléchir sur l'existence de l'homme, dans les différentes conditions de la société, et coordonner cette existence avec l'amour, la sagesse et la justice de Dieu, tout doute concernant le dogme de la réincarnation doit disparaître aussitôt. En effet, comment concilier cette justice et cet amour avec une seule existence où tous naissent dans des positions si différentes ; où l'un est riche et grand, tandis que l'autre est pauvre et misérable ; où l'un jouit de la santé, tandis que l'autre est affligé de maux de toutes sortes ? Ici se trouvent la joie et la gaieté ; plus loin la tristesse et la douleur ; chez les uns l'intelligence est très développée ; chez d'autres elle s'élève à peine au-dessus de la brute. Peut-on croire qu'un Dieu qui est tout amour ait fait naître des créatures condamnées pour toute leur vie à l'idiotisme et à la démence, qu'il ait permis que des enfants au printemps de la vie fussent ravis à la tendresse de leurs parents ? J'ose même demander si l'on pourrait attribuer à Dieu l'amour, la sagesse et la justice à la vue de ces peuples plongés dans l'ignorance et la barbarie, comparés aux autres nations civilisées où règnent les lois, l'ordre, où l'on cultive les arts et les sciences ? Il ne suffit pas de dire : « Dieu, dans sa sagesse, a réglé ainsi toutes choses ; » non, la sagesse de Dieu qui, avant tout, est amour, doit devenir claire pour l'entendement humain : le dogme de la réincarnation éclaircit tout ; ce dogme, donné par Dieu lui-même, ne peut être opposé aux préceptes des saintes Écritures ; loin de là, il explique les principes d'où émanent pour l'homme l'amélioration morale et la perfection. Cet avenir, révélé par le Christ, est d'accord avec les attributs infinis que Dieu doit posséder. Le Christ dit : « Tous les hommes ne sont pas seulement les enfants de Dieu, ils sont aussi frères et sœurs de la même famille ; » or, ces expressions, il faut les bien comprendre.
Un bon père terrestre donnera-t-il à quelques-uns de ses enfants ce qu'il refuse à d'autres ? jettera-t-il l'un dans l'abîme de la misère, tandis qu'il comblera l'autre de richesses, d'honneurs et de dignités ? Ajoutez encore que l'amour de Dieu, étant infini, ne saurait être comparé à celui de l'homme pour ses enfants. Les différentes positions de l'homme ayant une cause, et cette cause ayant pour principe l'amour, la sagesse, la bonté et la justice de Dieu, elles ne peuvent trouver leur raison d'être que dans la doctrine de la réincarnation.
Dieu a créé tous les Esprits égaux, simples, innocents, sans vices et sans vertus, mais avec le libre arbitre de régler leurs actions d'après un instinct qu'on appelle conscience, et qui leur donne le pouvoir de distinguer le bien et le mal. Chaque Esprit est destiné à atteindre à la plus haute perfection après Dieu et le Christ ; pour y parvenir, il doit acquérir toutes les connaissances par l'étude de toutes les sciences, s'initier à toutes les vérités, s'épurer par la pratique de toutes les vertus ; or, comme ces qualités supérieures ne peuvent s'obtenir dans une seule vie, tous doivent parcourir plusieurs existences pour acquérir les différents degrés de savoir.
La vie humaine est l'école de la perfection spirituelle, et une suite d'épreuves ; c'est pour cela que l'Esprit doit connaître toutes les conditions de la société, et, dans chacune de ces conditions, il doit s'appliquer à accomplir la volonté divine. La puissance et la richesse, ainsi que la pauvreté et l'humilité, sont des épreuves ; douleurs, idiotisme, démence, etc., sont des punitions pour le mal commis dans une vie antérieure.
Par le libre arbitre, de même que chaque individu est en état d'accomplir les épreuves auxquelles il est soumis, de même il peut y faillir ; dans le premier cas, la récompense ne se fait pas attendre, et cette récompense consiste en une progression dans la perfection spirituelle ; dans le second ; il reçoit sa punition, c'est-à-dire qu'il doit réparer par une vie nouvelle le temps perdu pendant sa vie précédente dont il n'a pas su tirer avantage pour lui-même.
Avant leur réincarnation, les Esprits planent dans les sphères célestes, les bons en jouissant du bonheur, les mauvais en se livrant au repentir, en proie à la douleur d'être délaissés par Dieu ; mais l'Esprit, conservant le souvenir du passé, se rappelle ses infractions aux commandements de Dieu, et Dieu lui permet de choisir dans une nouvelle existence ses épreuves et sa condition, ce qui explique pourquoi on trouve souvent dans les classes inférieures de la société des sentiments élevés et un entendement développé, tandis que dans les classes supérieures on trouve souvent des penchants ignobles et des Esprits très bruts. Peut-on parler d'injustice quand l'homme qui a mal employé sa vie peut réparer ses fautes dans une autre existence, et parvenir à son but ? L'injustice ne serait-elle pas dans une condamnation immédiate et sans retour possible ? La Bible parle de punitions éternelles ; mais cela ne saurait réellement s'entendre pour une seule vie, si triste, si courte ; pour cet instant, ce clin d'œil relativement à l'éternité. Dieu veut donner le bonheur éternel en récompense du bien, mais il faut le mériter, et une seule vie de courte durée ne suffit pas pour y atteindre.
Beaucoup demandent pourquoi Dieu aurait caché si longtemps aux hommes un dogme dont la connaissance est utile à leur bonheur ? Aurait-il donc moins aimé les hommes qu'il ne le fait maintenant ?
L'amour de Dieu est de toute éternité ; il a envoyé aux hommes pour les éclairer des sages, des prophètes, le sauveur Jésus-Christ ; n'est-ce pas une preuve de son amour infini ? Mais comment les hommes ont-ils reçu cet amour ? se sont-ils améliorés ?
Le Christ a dit : « Je pourrais vous dire encore bien des choses, mais vous ne sauriez les comprendre en votre état d'imperfection », et si l'on prend les saintes Écritures dans le vrai sens intellectuel, on y trouve beaucoup de citations qui semblent indiquer que l'Esprit doit parcourir plusieurs vies avant de parvenir à son but ? Ne trouve-t-on pas également dans les œuvres des philosophes anciens les mêmes idées sur la réincarnation des Esprits ?
Le monde a bien avancé, sous le rapport matériel, dans les sciences, dans les institutions sociales ; mais, sous le rapport moral, il est encore très arriéré ; les hommes méconnaissent la loi de Dieu et n'écoutent plus la voix du Christ ; c'est pourquoi Dieu, dans sa bonté, leur donne comme dernière ressource, pour arriver à connaître les principes du bonheur éternel, la communication directe avec les esprits et l'enseignement du dogme de la réincarnation, paroles pleines de consolation et qui brillent au milieu des ténèbres des dogmes de tant de religions différentes.
A l'œuvre ! et que la recherche s'accomplisse avec amour et confiance ; lisez sans préjugés ; réfléchissez sur tout ce que Dieu, depuis la création du monde, a daigné faire pour le genre humain, et vous serez confirmés dans la foi que la réincarnation est une vérité sainte et divine.
Remarque. Nous n'avions pas l'honneur de connaître M. le baron de Kock ; cette communication, qui concorde avec tous les principes du Spiritisme, n'est donc le fait d'aucune influence personnelle.
Le réalisme et l'idéalisme en peinture.
(Société spirite de Paris. — Médium, M. A. Didier.)
I
La peinture est un art qui a pour but de retracer les scènes terrestres les plus belles et les plus élevées, et d'imiter quelquefois tout simplement la nature par la magie de la vérité. C'est un art qui, pour ainsi dire, n'a pas de limites, surtout à votre époque. L'art, de vos jours, ne doit pas être seulement la personnalité ; il doit être, si je puis m'exprimer ainsi, la compréhension de tout ce qui a été dans l'histoire, et les exigences de la couleur locale, loin d'entraver la personnalité et l'originalité de l'artiste, étendent ses vues, forment et épurent son goût, et lui font créer des œuvres intéressantes pour l'art et pour ceux qui veulent y voir une civilisation tombée, des idées oubliées. La peinture dite historique de vos écoles n'est pas en rapport avec les exigences du siècle ; et, j'ose le dire, il y a plus d'avenir pour un artiste dans ses recherches individuelles sur l'art et sur l'histoire que dans cette route où j'ai commencé, dit-on, à mettre le pied. Il n'y a qu'une chose qui puisse sauver l'art à votre époque, c'est un nouvel élan et une nouvelle école qui, alliant les deux principes que l'on dit si contraires : le réalisme et l'idéalisme, poussent les jeunes gens à comprendre que si les maîtres sont ainsi appelés, c'est qu'ils vivaient avec la nature, et que leur puissante imagination inventait là où il fallait inventer, mais obéissait là où il fallait obéir.
Pour beaucoup de personnes ignorantes de la science de l'art, les dispositions remplacent souvent le savoir et l'observation ; aussi voit-on de toutes parts à votre époque des hommes d'une imagination fort intéressante, il est vrai, des artistes même, mais des peintres, point ; ceux-là ne seront comptés dans l'histoire que comme de fort ingénieux dessinateurs. La rapidité dans le travail, le rendu prompt de la pensée, s'acquièrent peu à peu par l'étude et la pratique, et quoiqu'on possède cette immense faculté de rendre vite, il faut encore lutter et toujours lutter. Dans votre siècle matérialiste, l'art, je ne dis pas en tous points, fort heureusement, se matérialise à côté des efforts vraiment surprenants des hommes célèbres de la peinture moderne. Pourquoi cette tendance ? C'est ce que j'indiquerai dans une prochaine communication.
II
Pour bien comprendre la peinture, comme je l'ai dit dans ma dernière communication, il faudrait successivement aller de la pratique à l'idée, de l'idée à la pratique. Ma vie presque entière s'est passée à Rome ; lorsque je contemplais les œuvres des maîtres, je m'efforçais de saisir dans mon esprit la liaison intime, les rapports et l'harmonie de l'idéalisme le plus élevé et du réalisme le plus réel. J'ai rarement vu un chef-d'œuvre qui ne réunisse ces deux grands principes ; j'y voyais l'idéal et le sentiment de l'expression à côté d'une vérité si brutale que je disais en moi-même : c'est bien là l'œuvre de l'esprit humain ; c'est bien là l'œuvre rendue et pensée d'abord ; c'est bien là l'âme et le corps : c'est la vie tout entière. Je voyais que les maîtres mous dans leurs idées, dans leur compréhension, l'étaient dans leurs formes, dans leur couleur, dans leur effets ; l'expression de leurs têtes était incertaine, et celle de leurs mouvements banale et sans grandeur. Il faut une longue initiation à la nature pour bien comprendre ses secrets, ses caprices et ses sublimités. N'est pas peintre qui veut ; outre le travail de l'observation, qui est immense, il faut lutter et dans son cerveau et dans la pratique continuelle de l'art ; il faut, à un moment donné, apporter à l'œuvre que l'on veut produire des instincts et le sentiment des choses acquises et des choses pensées, en un mot toujours ces deux grands principes : âme et corps.
Nicolas Poussin.
I
La peinture est un art qui a pour but de retracer les scènes terrestres les plus belles et les plus élevées, et d'imiter quelquefois tout simplement la nature par la magie de la vérité. C'est un art qui, pour ainsi dire, n'a pas de limites, surtout à votre époque. L'art, de vos jours, ne doit pas être seulement la personnalité ; il doit être, si je puis m'exprimer ainsi, la compréhension de tout ce qui a été dans l'histoire, et les exigences de la couleur locale, loin d'entraver la personnalité et l'originalité de l'artiste, étendent ses vues, forment et épurent son goût, et lui font créer des œuvres intéressantes pour l'art et pour ceux qui veulent y voir une civilisation tombée, des idées oubliées. La peinture dite historique de vos écoles n'est pas en rapport avec les exigences du siècle ; et, j'ose le dire, il y a plus d'avenir pour un artiste dans ses recherches individuelles sur l'art et sur l'histoire que dans cette route où j'ai commencé, dit-on, à mettre le pied. Il n'y a qu'une chose qui puisse sauver l'art à votre époque, c'est un nouvel élan et une nouvelle école qui, alliant les deux principes que l'on dit si contraires : le réalisme et l'idéalisme, poussent les jeunes gens à comprendre que si les maîtres sont ainsi appelés, c'est qu'ils vivaient avec la nature, et que leur puissante imagination inventait là où il fallait inventer, mais obéissait là où il fallait obéir.
Pour beaucoup de personnes ignorantes de la science de l'art, les dispositions remplacent souvent le savoir et l'observation ; aussi voit-on de toutes parts à votre époque des hommes d'une imagination fort intéressante, il est vrai, des artistes même, mais des peintres, point ; ceux-là ne seront comptés dans l'histoire que comme de fort ingénieux dessinateurs. La rapidité dans le travail, le rendu prompt de la pensée, s'acquièrent peu à peu par l'étude et la pratique, et quoiqu'on possède cette immense faculté de rendre vite, il faut encore lutter et toujours lutter. Dans votre siècle matérialiste, l'art, je ne dis pas en tous points, fort heureusement, se matérialise à côté des efforts vraiment surprenants des hommes célèbres de la peinture moderne. Pourquoi cette tendance ? C'est ce que j'indiquerai dans une prochaine communication.
II
Pour bien comprendre la peinture, comme je l'ai dit dans ma dernière communication, il faudrait successivement aller de la pratique à l'idée, de l'idée à la pratique. Ma vie presque entière s'est passée à Rome ; lorsque je contemplais les œuvres des maîtres, je m'efforçais de saisir dans mon esprit la liaison intime, les rapports et l'harmonie de l'idéalisme le plus élevé et du réalisme le plus réel. J'ai rarement vu un chef-d'œuvre qui ne réunisse ces deux grands principes ; j'y voyais l'idéal et le sentiment de l'expression à côté d'une vérité si brutale que je disais en moi-même : c'est bien là l'œuvre de l'esprit humain ; c'est bien là l'œuvre rendue et pensée d'abord ; c'est bien là l'âme et le corps : c'est la vie tout entière. Je voyais que les maîtres mous dans leurs idées, dans leur compréhension, l'étaient dans leurs formes, dans leur couleur, dans leur effets ; l'expression de leurs têtes était incertaine, et celle de leurs mouvements banale et sans grandeur. Il faut une longue initiation à la nature pour bien comprendre ses secrets, ses caprices et ses sublimités. N'est pas peintre qui veut ; outre le travail de l'observation, qui est immense, il faut lutter et dans son cerveau et dans la pratique continuelle de l'art ; il faut, à un moment donné, apporter à l'œuvre que l'on veut produire des instincts et le sentiment des choses acquises et des choses pensées, en un mot toujours ces deux grands principes : âme et corps.
Nicolas Poussin.
Les ouvriers du Seigneur (Cherbourg, février 1861. — Médium, M. Robin.)
Vous touchez au temps de l'accomplissement des choses annoncées, pour la
transformation de l'humanité ; heureux seront ceux qui auront travaillé
au champ du Seigneur avec désintéressement et sans autre mobile que la
charité ! Leurs journées de travail seront payées au centuple de ce
qu'ils auront espéré. Heureux seront ceux qui auront dit à leurs frères :
« Frères, travaillons ensemble, et unissons nos efforts afin que le
maître trouve l'ouvrage fini à son arrivée, » car le maître leur dira : «
Venez à moi, vous qui êtes de bons serviteurs, vous qui avez fait taire
vos jalousies et vos discordes pour ne pas laisser l'ouvrage en
souffrance ! » Mais malheur à ceux qui, par leurs dissensions, auront
retardé l'heure de la moisson, car l'orage viendra et ils seront
emportés par le tourbillon ! Ils crieront : « Grâce ! grâce ! » Mais le
Seigneur leur dira : « Pourquoi demandez-vous grâce, vous qui n'avez pas
eu pitié de vos frères, et qui avez refusé de leur tendre la main, vous
qui avez écrasé le faible au lieu de le soutenir ? Pourquoi
demandez-vous grâce, vous qui avez cherché votre récompense dans les
joies de la terre et dans la satisfaction de votre orgueil ? Vous l'avez
déjà reçue, votre récompense, telle que vous l'avez voulue ; n'en
demandez pas davantage : les récompenses célestes sont pour ceux qui
n'auront pas demandé les récompenses de la terre. »
Dieu fait en ce moment le dénombrement de ses serviteurs fidèles, et il a marqué de son doigt ceux qui n'ont que l'apparence du dévouement, afin qu'ils n'usurpent pas le salaire des serviteurs courageux, car c'est à ceux qui ne reculeront pas devant leur tâche qu'il va confier les postes les plus difficiles dans la grande œuvre de la régénération par le Spiritisme, et cette parole s'accomplira : « Les premiers seront les derniers, et les derniers seront les premiers dans le royaume des cieux ! »
L'esprit de Vérité
Dieu fait en ce moment le dénombrement de ses serviteurs fidèles, et il a marqué de son doigt ceux qui n'ont que l'apparence du dévouement, afin qu'ils n'usurpent pas le salaire des serviteurs courageux, car c'est à ceux qui ne reculeront pas devant leur tâche qu'il va confier les postes les plus difficiles dans la grande œuvre de la régénération par le Spiritisme, et cette parole s'accomplira : « Les premiers seront les derniers, et les derniers seront les premiers dans le royaume des cieux ! »
L'esprit de Vérité
Instruction morale (Paris ; groupe Faucheraud. — Médium, M. Planche.)
Je viens à vous, pauvres égarés sur une terre glissante dont la pente
rapide n'attend plus que quelques pas encore pour vous précipiter dans
l'abîme. En bon père de famille, je viens vous tendre une main
charitable pour vous sauver du danger. Mon plus grand désir est de vous
ramener sous le toit paternel et divin, afin de vous faire goûter par
l'amour de Dieu et du travail, par la foi et la charité chrétienne, la
paix, les plaisirs et les douceurs du foyer domestique. Comme vous, mes
chers enfants, j'ai connu les joies et les souffrances, et je sais tout
ce qu'il y a de doutes dans vos esprits et de combats dans vos cœurs.
C'est pour vous prémunir contre vos défauts, et vous montrer les écueils
contre lesquels vous pourriez vous briser, que je serai juste, mais
sévère.
Du haut des sphères célestes que je parcours, mon œil plonge avec bonheur dans vos réunions, et c'est avec un vif intérêt que je suis vos saintes instructions. Mais, en même temps que mon âme se réjouit d'un côté, de l'autre elle éprouve une peine bien amère, lorsqu'elle pénètre vos cœurs et qu'elle y voit encore tant d'attachement aux choses terrestres. Pour la plupart, le sanctuaire de nos leçons vous tient lieu de salle de spectacle, et vous espérez toujours y voir surgir de notre part quelques faits merveilleux. Nous ne sommes point chargés de vous faire des miracles, mais nous avons mission de labourer vos cœurs, d'y creuser de larges sillons pour y jeter à pleines mains la semence divine. Nous nous employons sans cesse à la rendre féconde ; car nous savons que ses racines doivent traverser la terre d'un pôle à l'autre et en couvrir toute la surface. Les fruits qui en sortiront seront si beaux, si suaves et si grands qu'ils monteront jusqu'aux cieux.
Heureux celui qui aura su les cueillir pour s'en rassasier ; car les Esprits bienheureux viendront à sa rencontre, ceindront sa tête de l'auréole des élus, lui feront gravir les degrés du trône majestueux de l'Éternel, et lui diront de prendre part au bonheur incomparable, aux jouissances et aux délices sans fin des phalanges célestes.
Malheur à celui auquel il aura été donné de voir la lumière et d'entendre la parole de Dieu, qui se sera fermé les yeux et bouché les oreilles ; car l'Esprit des ténèbres l'enveloppera de ses ailes lugubres et le transportera dans son noir empire pour lui faire expier pendant des siècles, par des tourments sans nombre, sa désobéissance au Seigneur. C'est le moment d'appliquer la sentence de mort du prophète Osée : Cœdam eos secundum auditionem cœtus eorum (je les ferai mourir selon qu'ils auront ouï). Que ces quelques paroles ne soient point une fumée s'envolant dans les airs ; mais qu'elles captivent votre attention pour que vous les méditiez et que vous y réfléchissiez sérieusement. Hâtez-vous de profiter des quelques instants qui vous restent pour les consacrer à Dieu ; un jour nous viendrons vous demander quel compte vous aurez tenu de nos enseignements, et comment vous aurez mis en pratique la doctrine sacrée du Spiritisme.
A vous donc, Spirites de Paris, qui pouvez beaucoup par vos positions personnelles et par vos influences morales, à vous, dis-je, la gloire et l'honneur de donner l'exemple sublime des vertus chrétiennes. N'attendez pas que le malheur vienne frapper à votre porte. Allez au-devant de vos frères souffrants, donnez au pauvre l'obole de la journée, séchez les larmes de la veuve et de l'orphelin par de douces et consolantes paroles. Relevez le courage abattu de ce vieillard courbé sous le poids des années et sous le joug de ses iniquités en faisant luire à son âme les ailes dorées de l'espérance dans une vie future et meilleure. Prodiguez partout, sur votre passage, l'amour et la consolation ; élevant ainsi vos bonnes œuvres à la hauteur de vos pensées, vous mériterez dignement le titre glorieux et brillant que vous décernent mentalement les Spirites de province et de l'étranger dont les yeux sont fixés sur vous, et qui, frappés d'admiration à la vue des flots de lumière s'échappant de vos assemblées, vous appelleront le soleil de France.
Lacordaire.
Du haut des sphères célestes que je parcours, mon œil plonge avec bonheur dans vos réunions, et c'est avec un vif intérêt que je suis vos saintes instructions. Mais, en même temps que mon âme se réjouit d'un côté, de l'autre elle éprouve une peine bien amère, lorsqu'elle pénètre vos cœurs et qu'elle y voit encore tant d'attachement aux choses terrestres. Pour la plupart, le sanctuaire de nos leçons vous tient lieu de salle de spectacle, et vous espérez toujours y voir surgir de notre part quelques faits merveilleux. Nous ne sommes point chargés de vous faire des miracles, mais nous avons mission de labourer vos cœurs, d'y creuser de larges sillons pour y jeter à pleines mains la semence divine. Nous nous employons sans cesse à la rendre féconde ; car nous savons que ses racines doivent traverser la terre d'un pôle à l'autre et en couvrir toute la surface. Les fruits qui en sortiront seront si beaux, si suaves et si grands qu'ils monteront jusqu'aux cieux.
Heureux celui qui aura su les cueillir pour s'en rassasier ; car les Esprits bienheureux viendront à sa rencontre, ceindront sa tête de l'auréole des élus, lui feront gravir les degrés du trône majestueux de l'Éternel, et lui diront de prendre part au bonheur incomparable, aux jouissances et aux délices sans fin des phalanges célestes.
Malheur à celui auquel il aura été donné de voir la lumière et d'entendre la parole de Dieu, qui se sera fermé les yeux et bouché les oreilles ; car l'Esprit des ténèbres l'enveloppera de ses ailes lugubres et le transportera dans son noir empire pour lui faire expier pendant des siècles, par des tourments sans nombre, sa désobéissance au Seigneur. C'est le moment d'appliquer la sentence de mort du prophète Osée : Cœdam eos secundum auditionem cœtus eorum (je les ferai mourir selon qu'ils auront ouï). Que ces quelques paroles ne soient point une fumée s'envolant dans les airs ; mais qu'elles captivent votre attention pour que vous les méditiez et que vous y réfléchissiez sérieusement. Hâtez-vous de profiter des quelques instants qui vous restent pour les consacrer à Dieu ; un jour nous viendrons vous demander quel compte vous aurez tenu de nos enseignements, et comment vous aurez mis en pratique la doctrine sacrée du Spiritisme.
A vous donc, Spirites de Paris, qui pouvez beaucoup par vos positions personnelles et par vos influences morales, à vous, dis-je, la gloire et l'honneur de donner l'exemple sublime des vertus chrétiennes. N'attendez pas que le malheur vienne frapper à votre porte. Allez au-devant de vos frères souffrants, donnez au pauvre l'obole de la journée, séchez les larmes de la veuve et de l'orphelin par de douces et consolantes paroles. Relevez le courage abattu de ce vieillard courbé sous le poids des années et sous le joug de ses iniquités en faisant luire à son âme les ailes dorées de l'espérance dans une vie future et meilleure. Prodiguez partout, sur votre passage, l'amour et la consolation ; élevant ainsi vos bonnes œuvres à la hauteur de vos pensées, vous mériterez dignement le titre glorieux et brillant que vous décernent mentalement les Spirites de province et de l'étranger dont les yeux sont fixés sur vous, et qui, frappés d'admiration à la vue des flots de lumière s'échappant de vos assemblées, vous appelleront le soleil de France.
Lacordaire.
La Vigne du Seigneur (Société spirite de Paris. — Médium, M. E. Vézy.)
Ils viendront tous, enfin, travailler à la vigne ; je les vois déjà ;
ils arrivent en nombre ; les voici qui accourent. Allons ! à l'œuvre,
enfants ; voici que Dieu veut que tous vous y travailliez.
Semez, semez, et un jour vous récolterez avec abondance. Voyez à l'orient ce beau soleil ; comme il se lève radieux et éblouissant ! il vient pour vous réchauffer et faire grossir les grappes de la vigne. Allons, enfants ! les vendanges seront splendides, et chacun de vous viendra boire dans la coupe le vin sacré de la régénération. C'est le vin du Seigneur qui sera versé au banquet de la fraternité universelle ! Là, toutes les nations seront réunies en une seule et même famille et chanteront les louanges d'un même Dieu. Armez-vous donc de socs et de couperets, vous qui voulez vivre éternellement ; attachez les ceps, afin qu'ils ne tombent point et se tiennent droits, et leurs têtes monteront au ciel. Il y en aura qui auront cent coudées, et les Esprits des mondes éthérés viendront en presser les grains et s'y rafraîchir ; le jus sera tellement puissant qu'il donnera la force et le courage aux faibles ; il sera le lait nourricier du petit.
Voici la vendange qui va se faire ; elle se fait déjà ; on prépare les vases qui doivent contenir la liqueur sacrée ; approchez vos lèvres, vous qui voulez goûter, car cette liqueur vous enivrera d'une céleste ivresse, et vous verrez Dieu dans vos songes, en attendant que la réalité succède au rêve.
Enfants ! cette vigne splendide qui doit s'élever vers Dieu, c'est le Spiritisme. Adeptes fervents, il faut la monter puissante et forte, et vous, petits, il faut que vous aidiez les forts à la soutenir et à la propager ! Coupez-en les bourgeons, et plantez-les dans un autre champ ; ils produiront de nouvelles vignes et d'autres bourgeons dans tous les pays du monde.
Oui, je vous le dis : enfin tout le monde boira du jus de la vigne, et vous le boirez dans le royaume du Christ avec le Père céleste ! Soyez donc frais et dispos, et ne vivez pas d'une vie austère. Dieu ne vous demande pas de vivre d'austérités et de privations ; il ne demande point que vous couvriez votre corps d'un cilice : il veut que vous viviez seulement selon la charité et selon le cœur. Il ne veut point de mortifications qui détruisent le corps ; il veut que chacun se chauffe à son soleil, et s'il a fait des rayons plus froids les uns que les autres, c'est pour faire comprendre à tous combien il est fort et puissant. Non, ne vous couvrez point de cilice ; n'abîmez point vos chairs sous les coups de la discipline ; pour travailler à la vigne, il faut être robuste et puissant ; il faut à l'homme la vigueur que Dieu lui a donnée. Il n'a point créé l'humanité pour en faire une race bâtarde et amaigrie ; il l'a faite comme manifeste de sa gloire et de sa puissance.
Vous qui voulez vivre de la vraie vie, vous êtes dans les voies du Seigneur, quand vous avez donné le pain aux malheureux, l'obole aux souffrants et votre prière à Dieu. Alors, quand la mort fermera vos paupières, l'ange du Seigneur dira tout haut vos bienfaits, et votre âme, portée sur les ailes blanches de la charité, montera à Dieu aussi belle et aussi pure qu'un beau lis qui s'épanouit le matin sous un soleil printanier.
Priez, aimez et faites la charité, mes frères ; la vigne est large, le champ du Seigneur est grand ; venez, venez, Dieu et le Christ vous appellent, et moi je vous bénis.
Saint Augustin.
Semez, semez, et un jour vous récolterez avec abondance. Voyez à l'orient ce beau soleil ; comme il se lève radieux et éblouissant ! il vient pour vous réchauffer et faire grossir les grappes de la vigne. Allons, enfants ! les vendanges seront splendides, et chacun de vous viendra boire dans la coupe le vin sacré de la régénération. C'est le vin du Seigneur qui sera versé au banquet de la fraternité universelle ! Là, toutes les nations seront réunies en une seule et même famille et chanteront les louanges d'un même Dieu. Armez-vous donc de socs et de couperets, vous qui voulez vivre éternellement ; attachez les ceps, afin qu'ils ne tombent point et se tiennent droits, et leurs têtes monteront au ciel. Il y en aura qui auront cent coudées, et les Esprits des mondes éthérés viendront en presser les grains et s'y rafraîchir ; le jus sera tellement puissant qu'il donnera la force et le courage aux faibles ; il sera le lait nourricier du petit.
Voici la vendange qui va se faire ; elle se fait déjà ; on prépare les vases qui doivent contenir la liqueur sacrée ; approchez vos lèvres, vous qui voulez goûter, car cette liqueur vous enivrera d'une céleste ivresse, et vous verrez Dieu dans vos songes, en attendant que la réalité succède au rêve.
Enfants ! cette vigne splendide qui doit s'élever vers Dieu, c'est le Spiritisme. Adeptes fervents, il faut la monter puissante et forte, et vous, petits, il faut que vous aidiez les forts à la soutenir et à la propager ! Coupez-en les bourgeons, et plantez-les dans un autre champ ; ils produiront de nouvelles vignes et d'autres bourgeons dans tous les pays du monde.
Oui, je vous le dis : enfin tout le monde boira du jus de la vigne, et vous le boirez dans le royaume du Christ avec le Père céleste ! Soyez donc frais et dispos, et ne vivez pas d'une vie austère. Dieu ne vous demande pas de vivre d'austérités et de privations ; il ne demande point que vous couvriez votre corps d'un cilice : il veut que vous viviez seulement selon la charité et selon le cœur. Il ne veut point de mortifications qui détruisent le corps ; il veut que chacun se chauffe à son soleil, et s'il a fait des rayons plus froids les uns que les autres, c'est pour faire comprendre à tous combien il est fort et puissant. Non, ne vous couvrez point de cilice ; n'abîmez point vos chairs sous les coups de la discipline ; pour travailler à la vigne, il faut être robuste et puissant ; il faut à l'homme la vigueur que Dieu lui a donnée. Il n'a point créé l'humanité pour en faire une race bâtarde et amaigrie ; il l'a faite comme manifeste de sa gloire et de sa puissance.
Vous qui voulez vivre de la vraie vie, vous êtes dans les voies du Seigneur, quand vous avez donné le pain aux malheureux, l'obole aux souffrants et votre prière à Dieu. Alors, quand la mort fermera vos paupières, l'ange du Seigneur dira tout haut vos bienfaits, et votre âme, portée sur les ailes blanches de la charité, montera à Dieu aussi belle et aussi pure qu'un beau lis qui s'épanouit le matin sous un soleil printanier.
Priez, aimez et faites la charité, mes frères ; la vigne est large, le champ du Seigneur est grand ; venez, venez, Dieu et le Christ vous appellent, et moi je vous bénis.
Saint Augustin.
La Charité envers les criminels - Problème moral.
« Un homme est en danger de mort ;
pour le sauver, il faut exposer sa vie ; mais on sait que cet homme est
un malfaiteur, et que, s'il en réchappe, il pourra commettre de nouveaux
crimes. Doit-on, malgré cela, s'exposer pour le sauver ? »
La réponse suivante a été obtenue dans la Société spirite de Paris, le 7 février 1862, médium M. A. Didier :
Ceci est une question fort grave et qui peut se présenter naturellement à l'esprit. Je répondrai selon mon avancement moral, puisque nous en sommes sur ce sujet, que l'on doit exposer sa vie même pour un malfaiteur. Le dévouement est aveugle : on secourt un ennemi, on doit donc secourir l'ennemi même de la société, un malfaiteur, en un mot. Croyez-vous donc que c'est seulement à la mort que l'on court arracher ce malheureux ? c'est peut-être à sa vie passée tout entière. Car, songez-y, dans ces rapides instants qui lui ravissent les dernières minutes de la vie, l'homme perdu revient sur sa vie passée, ou plutôt elle se dresse devant lui. La mort, peut-être, arrive trop tôt pour lui ; la réincarnation sera peut-être terrible ; élancez-vous donc, hommes ! vous que la science spirite a éclairés, élancez-vous, arrachez-le à sa damnation, et alors, peut-être, cet homme qui serait mort en vous blasphémant se jettera dans vos bras. Toutefois, il ne faut pas vous demander s'il le fera ou s'il ne le fera pas, mais vous élancer, car, en le sauvant, vous obéissez à cette voix du cœur qui vous dit : « Tu peux le sauver, sauve-le ! »
Lamennais.
Remarque. Par une singulière coïncidence, nous avons reçu, à quelques jours de là, la communication suivante, obtenue dans le groupe spirite du Havre, et traitant à peu près le même sujet.
A la suite, nous écrit-on, d'une conversation au sujet de l'assassin Dumollard, l'Esprit de madame Elisabeth de France, qui avait déjà donné diverses communications, se présente spontanément et dicte ce qui suit :
La vraie charité est un des plus sublimes enseignements que Dieu ait donnés au monde. Il doit exister entre les véritables disciples de sa doctrine une fraternité complète. Vous devez aimer les malheureux, les criminels, comme des créatures de Dieu auxquelles le pardon et la miséricorde seront accordés s'ils se repentent, comme à vous-mêmes pour les fautes que vous commettez contre sa loi. Songez que vous êtes plus répréhensibles, plus coupables que ceux auxquels vous refusez le pardon et la commisération, car souvent ils ne connaissent pas Dieu comme vous le connaissez, et ils leur sera moins demandé qu'à vous. Ne jugez point ; oh ! ne jugez point, mes chères amies, car le jugement que vous portez vous sera appliqué plus sévèrement encore, et vous avez besoin d'indulgence pour les péchés que vous commettez sans cesse. Ne savez-vous pas qu'il y a bien des actions qui sont des crimes aux yeux du Dieu de pureté, et que le monde ne considère pas même comme des fautes légères ? La vraie charité ne consiste pas seulement dans l'aumône que vous donnez ; ni même dans les paroles de consolation dont vous pouvez l'accompagner ; non, ce n'est pas seulement ce que Dieu exige de vous. La charité sublime enseignée par Jésus consiste aussi dans la bienveillance accordée toujours et en toutes choses à votre prochain. Vous pouvez encore exercer cette sublime vertu sur bien des êtres qui n'ont que faire d'aumônes, et que des paroles d'amour, de consolation, d'encouragement amèneront au Seigneur. Les temps sont proches, je le dis encore, où la grande fraternité règnera sur ce globe ; la loi du Christ est celle qui régira les hommes : celle-là seule sera le frein et l'espérance, et conduira les âmes aux séjours bienheureux. Aimez-vous donc comme les enfants d'un même père : ne faites point de différence entre les autres malheureux, car c'est Dieu qui veut que tous soient égaux ; ne méprisez donc personne ; Dieu permet que de grands criminels soient parmi vous, afin qu'ils vous servent d'enseignement. Bientôt, quand les hommes seront amenés aux vraies lois de Dieu, il n'y aura plus besoin de ces enseignements-là ; et tous les Esprits impurs et révoltés seront dispersés dans des mondes inférieurs en harmonie avec leurs penchants.
Vous devez à ceux dont je parle le secours de vos prières : c'est la vraie charité. Il ne faut point dire d'un criminel : « C'est un misérable ; il faut en purger la terre ; la mort qu'on lui inflige est trop douce pour un être de son espèce. » Non, ce n'est point ainsi que vous devez parler. Regardez votre modèle, Jésus ; que dirait-il s'il voyait ce malheureux près de lui ? Il le plaindrait ; il le considérerait comme un malade bien misérable ; il lui tendrait la main. Vous ne pouvez le faire en réalité, mais au moins vous pouvez prier pour ce malheureux, assister son Esprit pendant les quelques instants qu'il doit encore passer sur votre terre. Le repentir peut toucher son cœur si vous priez avec la foi. Il est votre prochain comme le meilleur d'entre les hommes ; son âme égarée et révoltée est créée, comme la vôtre, à l'image du Dieu parfait. Priez donc pour lui ; ne le jugez point, vous ne le devez point. Dieu seul le jugera.
Elisabeth de France.
La réponse suivante a été obtenue dans la Société spirite de Paris, le 7 février 1862, médium M. A. Didier :
Ceci est une question fort grave et qui peut se présenter naturellement à l'esprit. Je répondrai selon mon avancement moral, puisque nous en sommes sur ce sujet, que l'on doit exposer sa vie même pour un malfaiteur. Le dévouement est aveugle : on secourt un ennemi, on doit donc secourir l'ennemi même de la société, un malfaiteur, en un mot. Croyez-vous donc que c'est seulement à la mort que l'on court arracher ce malheureux ? c'est peut-être à sa vie passée tout entière. Car, songez-y, dans ces rapides instants qui lui ravissent les dernières minutes de la vie, l'homme perdu revient sur sa vie passée, ou plutôt elle se dresse devant lui. La mort, peut-être, arrive trop tôt pour lui ; la réincarnation sera peut-être terrible ; élancez-vous donc, hommes ! vous que la science spirite a éclairés, élancez-vous, arrachez-le à sa damnation, et alors, peut-être, cet homme qui serait mort en vous blasphémant se jettera dans vos bras. Toutefois, il ne faut pas vous demander s'il le fera ou s'il ne le fera pas, mais vous élancer, car, en le sauvant, vous obéissez à cette voix du cœur qui vous dit : « Tu peux le sauver, sauve-le ! »
Lamennais.
Remarque. Par une singulière coïncidence, nous avons reçu, à quelques jours de là, la communication suivante, obtenue dans le groupe spirite du Havre, et traitant à peu près le même sujet.
A la suite, nous écrit-on, d'une conversation au sujet de l'assassin Dumollard, l'Esprit de madame Elisabeth de France, qui avait déjà donné diverses communications, se présente spontanément et dicte ce qui suit :
La vraie charité est un des plus sublimes enseignements que Dieu ait donnés au monde. Il doit exister entre les véritables disciples de sa doctrine une fraternité complète. Vous devez aimer les malheureux, les criminels, comme des créatures de Dieu auxquelles le pardon et la miséricorde seront accordés s'ils se repentent, comme à vous-mêmes pour les fautes que vous commettez contre sa loi. Songez que vous êtes plus répréhensibles, plus coupables que ceux auxquels vous refusez le pardon et la commisération, car souvent ils ne connaissent pas Dieu comme vous le connaissez, et ils leur sera moins demandé qu'à vous. Ne jugez point ; oh ! ne jugez point, mes chères amies, car le jugement que vous portez vous sera appliqué plus sévèrement encore, et vous avez besoin d'indulgence pour les péchés que vous commettez sans cesse. Ne savez-vous pas qu'il y a bien des actions qui sont des crimes aux yeux du Dieu de pureté, et que le monde ne considère pas même comme des fautes légères ? La vraie charité ne consiste pas seulement dans l'aumône que vous donnez ; ni même dans les paroles de consolation dont vous pouvez l'accompagner ; non, ce n'est pas seulement ce que Dieu exige de vous. La charité sublime enseignée par Jésus consiste aussi dans la bienveillance accordée toujours et en toutes choses à votre prochain. Vous pouvez encore exercer cette sublime vertu sur bien des êtres qui n'ont que faire d'aumônes, et que des paroles d'amour, de consolation, d'encouragement amèneront au Seigneur. Les temps sont proches, je le dis encore, où la grande fraternité règnera sur ce globe ; la loi du Christ est celle qui régira les hommes : celle-là seule sera le frein et l'espérance, et conduira les âmes aux séjours bienheureux. Aimez-vous donc comme les enfants d'un même père : ne faites point de différence entre les autres malheureux, car c'est Dieu qui veut que tous soient égaux ; ne méprisez donc personne ; Dieu permet que de grands criminels soient parmi vous, afin qu'ils vous servent d'enseignement. Bientôt, quand les hommes seront amenés aux vraies lois de Dieu, il n'y aura plus besoin de ces enseignements-là ; et tous les Esprits impurs et révoltés seront dispersés dans des mondes inférieurs en harmonie avec leurs penchants.
Vous devez à ceux dont je parle le secours de vos prières : c'est la vraie charité. Il ne faut point dire d'un criminel : « C'est un misérable ; il faut en purger la terre ; la mort qu'on lui inflige est trop douce pour un être de son espèce. » Non, ce n'est point ainsi que vous devez parler. Regardez votre modèle, Jésus ; que dirait-il s'il voyait ce malheureux près de lui ? Il le plaindrait ; il le considérerait comme un malade bien misérable ; il lui tendrait la main. Vous ne pouvez le faire en réalité, mais au moins vous pouvez prier pour ce malheureux, assister son Esprit pendant les quelques instants qu'il doit encore passer sur votre terre. Le repentir peut toucher son cœur si vous priez avec la foi. Il est votre prochain comme le meilleur d'entre les hommes ; son âme égarée et révoltée est créée, comme la vôtre, à l'image du Dieu parfait. Priez donc pour lui ; ne le jugez point, vous ne le devez point. Dieu seul le jugera.
Elisabeth de France.