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REVUE SPIRITE JOURNAL D'ETUDES PSYCHOLOGIQUES - 1862 > Juin
Juin
Société parisienne des études spirites - Discours de M. Allan Kardec - Au renouvellement de l'année sociale, le 1er avril 1862.
Messieurs et chers collègues,
La Société parisienne des études spirites a commencé sa cinquième année le 1er avril 1862, et jamais, il faut en convenir, elle ne l'a fait sous de meilleurs auspices. Ce fait n'a pas seulement de l'importance à notre point de vue personnel, mais il est surtout caractéristique au point de vue de la doctrine en général, car il prouve d'une manière évidente l'intervention de nos guides spirituels. Il serait superflu de vous rappeler la modeste origine de la Société, ainsi que les circonstances, en quelque sorte providentielles, de sa constitution ; circonstances auxquelles un Esprit éminent, alors au pouvoir, et depuis rentré dans le monde des Esprits, nous a dit lui-même avoir puissamment contribué.
La Société, vous vous le rappelez, messieurs, a eu ses vicissitudes ; elle avait dans son sein des éléments de dissolution, provenant de l'époque où elle se recrutait un peu trop facilement, et son existence fut même un instant compromise. A ce moment, je mis en doute son utilité réelle, non comme simple réunion, mais comme société constituée. Fatigué de ces tiraillements, j'étais résolu de me retirer ; j'espérais qu'une fois libre des entraves semées sur ma route, je n'en travaillerais que mieux à la grande œuvre entreprise. J'en fus dissuadé par de nombreuses communications spontanées qui me furent données de différents côtés ; il en est une, entre autres, dont je crois utile aujourd'hui de vous donner la substance, parce que les évènements ont justifié les prévisions. Elle était ainsi conçue :
« La Société formée par nous avec ton concours est nécessaire ; nous voulons qu'elle subsiste et elle subsistera, malgré le mauvais vouloir de quelques-uns, comme tu le reconnaîtras plus tard. Lorsqu'un mal existe, il ne se guérit pas sans crise ; il en est ainsi du petit au grand : dans l'individu comme dans les sociétés ; dans les sociétés comme chez les peuples ; chez les peuples comme il en sera dans l'humanité. Notre Société, disons-nous, est nécessaire ; lorsqu'elle cessera de l'être sous forme actuelle, elle se transformera comme toutes choses. Quant à toi, tu ne peux pas, tu ne dois pas te retirer ; nous ne prétendons cependant pas enchaîner ton libre arbitre ; nous disons seulement que ta retraite serait une faute que tu regretterais un jour, parce qu'elle entraverait nos desseins… »
Depuis lors deux ans se sont écoulés, et, comme vous le voyez, la Société est heureusement sortie de cette crise passagère dont toutes les péripéties m'ont été signalées, et dont un des résultats a été de nous donner une leçon d'expérience que nous avons mise à profit, et qui a provoqué des mesures dont nous n'avons qu'à nous applaudir. La Société, débarrassée des soucis inhérents à son état antérieur, a pu poursuivre ses études sans entraves ; aussi ses progrès ont-ils été rapides, et elle a grandi à vue d'œil, je ne dirai pas numériquement, quoiqu'elle soit plus nombreuse qu'elle n'a jamais été, mais en importance. Quatre-vingt-sept membres, participant aux cotisations annuelles, ont figuré sur la liste de l'année qui vient de s'écouler, sans compter les membres honoraires et les correspondants. Il lui eût été facile de doubler et même de tripler ce nombre, si elle eût visé aux recettes ; elle n'avait qu'à entourer les admissions de moins de difficultés ; or, loin de diminuer ces difficultés, elle les a augmentées, parce qu'étant une Société d'études, elle n'a pas voulu s'écarter des principes de son institution, et qu'elle n'en a jamais fait une question d'intérêt matériel ; ne cherchant point à thésauriser, il lui était indifférent d'être un peu plus ou un peu moins nombreuse. Sa prépondérance ne tient donc nullement au nombre de ses membres ; elle est dans les idées qu'elle étudie, qu'elle élabore et qu'elle répand ; elle ne fait point de propagande active ; elle n'a ni agents ni émissaires ; elle ne sollicite personne de venir à elle, et, ce qui peut sembler extraordinaire, c'est à cette réserve même qu'elle doit son influence. Voici, à ce sujet, quel est son raisonnement. Si les idées spirites étaient fausses, rien ne saurait leur faire prendre racine, car toute idée fausse n'a qu'une existence passagère ; si elles sont vraies, elles s'établiront quand même, par la conviction, et le plus mauvais moyen de les propager serait de les imposer, car toute idée imposée est suspecte et trahit sa faiblesse. Les idées vraies doivent être acceptées par la raison et le bon sens ; là où elles ne germent pas, c'est que la saison n'est pas venue ; il faut attendre et se borner à jeter la graine au vent, parce que, tôt au tard, il se trouvera quelques semences qui tomberont sur une terre moins aride.
Le nombre des membres de la Société est donc une question très secondaire ; car aujourd'hui, moins que jamais, elle ne pourrait avoir la prétention d'absorber tous les adeptes ; son but est, par ses études consciencieuses, faites sans préjugés et sans parti pris, d'élucider les diverses parties de la science spirite, de rechercher les causes des phénomènes, et de recueillir toutes les observations de nature à éclairer la question si importante et si palpitante d'intérêt de l'état du monde invisible, de son action sur le monde visible et des innombrables conséquences qui en découlent pour l'humanité. Par sa position et par la multiplicité de ses rapports, elle se trouve dans les conditions les plus favorables pour observer bien et beaucoup. Son but est donc essentiellement moral et philosophique ; mais ce qui surtout a donné du crédit à ses travaux, c'est le calme, la gravité qu'elle y apporte ; c'est que tout y est discuté froidement, sans passion, comme doivent le faire des gens qui cherchent de bonne foi à s'éclairer ; c'est parce qu'on sait qu'elle ne s'occupe que de choses sérieuses ; c'est enfin l'impression que les nombreux étrangers venus souvent des pays lointains pour y assister ont emportée de l'ordre et de la dignité de ses séances.
Aussi la ligne qu'elle a suivie porte ses fruits ; les principes qu'elle professe, basés sur des observations consciencieuses, servent aujourd'hui de règle à l'immense majorité des Spirites. Vous avez vu successivement tomber devant l'expérience la plupart des systèmes éclos au début, et c'est à peine si quelques-uns conservent encore de rares partisans ; ceci est incontestable. Quelles sont donc les idées qui grandissent, et quelles sont celles qui déclinent ? C'est une question de fait. La doctrine de la réincarnation est le principe qui a été le plus controversé, et ses adversaires n'ont rien épargné pour le battre en brèche, pas même les injures et les grossièretés, cet argument suprême de ceux qui sont à bout de bonnes raisons ; il n'en a pas moins fait son chemin, parce qu'il s'appuie sur une logique inflexible ; que sans ce levier on se heurte contre des difficultés insurmontables, et parce qu'enfin on n'a rien trouvé de plus rationnel à mettre à la place.
Il est pourtant un système dont on fait plus que jamais étalage aujourd'hui, c'est le système diabolique. Dans l'impossibilité de nier les faits de manifestations, un parti prétend prouver qu'ils sont l'œuvre exclusive du diable. L'acharnement qu'il y apporte prouve qu'il n'est pas bien sûr d'avoir raison, tandis que les Spirites ne s'émeuvent pas le moins du monde de ce déploiement de forces qu'ils laissent s'user. En ce moment il fait feu sur toute la ligne : discours, petites brochures, gros volumes, articles de journaux, c'est une attaque générale pour démontrer quoi ? Que les faits qui, selon nous, témoignent de la puissance et de la bonté de Dieu, témoignent au contraire de la puissance du diable ; d'où il résulte que le diable, pouvant seul se manifester, est plus puissant que Dieu. En attribuant au diable tout ce qui est bon dans les communications, c'est retirer le bien à Dieu pour en faire hommage au diable. Nous croyons être plus respectueux que cela envers la Divinité. Au reste, comme je l'ai dit, les Spirites ne s'inquiètent guère de cette levée de boucliers qui aura pour effet de détruire un peu plus tôt le crédit de Satan.
La Société de Paris, sans l'emploi de moyens matériels, et quoique restreinte numériquement par sa volonté, n'en a pas moins fait une propagande considérable par la force de l'exemple, et la preuve en est, c'est le nombre incalculable de groupes spirites qui se forment sur les mêmes errements, c'est-à-dire d'après les principes qu'elle professe ; c'est le nombre des sociétés régulières qui s'organisent et demandent à se placer sous son patronage ; il y en a dans plusieurs villes de France et de l'étranger, en Algérie, en Italie, en Autriche, au Mexique, etc. ; et qu'avons-nous fait pour cela ? Avons-nous été les chercher ; les solliciter ? avons-nous envoyé des émissaires, des agents ? Pas le moins du monde ; nos agents sont les ouvrages. Les idées spirites se répandent dans une localité ; elles n'y trouvent d'abord que quelques échos, puis, de proche en proche ; elles gagnent du terrain ; les adeptes éprouvent le besoin de se réunir, moins pour faire des expériences que pour s'entretenir d'un sujet qui les intéresse ; de là les milliers de groupes particuliers qu'on peut appeler groupes de famille ; dans le nombre quelques-uns acquièrent une importance numérique plus grande ; on nous demande des conseils, et voilà comment se forme insensiblement ce réseau qui a déjà des jalons sur tous les points du globe.
Ici, messieurs, se place naturellement une observation importante sur la nature des rapports qui existent entre la Société de Paris et les réunions ou sociétés qui se fondent sous ses auspices, et qu'on aurait tort de considérer comme des succursales. La Société de Paris n'a sur elles d'autre autorité que celle de l'expérience, mais, comme je l'ai dit dans une autre occasion, elle ne s'immisce en rien dans leurs affaires ; son rôle se borne à des avis officieux quand on lui en demande. Le lien qui les unit est donc un lien purement moral, fondé sur la sympathie et la similitude des idées ; il n'y a entre elles aucune affiliation, aucune solidarité matérielle ; le seul mot d'ordre est celui qui doit rallier tous les hommes : charité et amour du prochain, mot d'ordre pacifique et qui ne saurait porter ombrage.
La majeure partie des membres de la Société réside à Paris ; elle en compte cependant plusieurs qui habitent la province ou l'étranger, et qui, quoique n'y assistant que très exceptionnellement, il en est même qui ne sont jamais venus à Paris depuis sa fondation, ont tenu à honneur d'en faire partie. Outre les membres proprement dits, elle a des correspondants, mais dont les rapports, purement scientifiques, n'ont pour objet que de la tenir au courant du mouvement spirite dans les différentes localités, et me fournissent des documents pour l'histoire de l'établissement du Spiritisme dont je rassemble les matériaux. Parmi les adeptes, il en est qui se distinguent par leur zèle, leur abnégation, leur dévouement à la cause du Spiritisme ; qui payent de leur personne, non en paroles, mais en actions ; la Société est heureuse de leur donner un témoignage particulier de sympathie en leur conférant le titre de membre honoraire.
Depuis deux ans la Société a donc grandi en crédit et en importance ; mais des progrès sont en outre signalés par la nature des communications qu'elle reçoit des Esprits. Depuis quelque temps, en effet, ces communications ont acquis des proportions et des développements qui ont de beaucoup dépassé notre attente ; ce ne sont plus, comme naguère de courts fragments de morale banale ; mais des dissertations où les plus hautes questions de philosophie sont traitées avec une ampleur et une profondeur de pensées qui en font de véritables discours. C'est ce qu'ont remarqué la plupart des lecteurs de la Revue.
Je suis heureux de signaler un autre progrès en ce qui concerne les médiums ; jamais, à aucune autre époque, nous n'en avons vu autant prendre part à nos travaux, puisqu'il nous est arrivé d'avoir jusqu'à quatorze communications dans une même séance. Mais ce qui est plus précieux que la quantité, c'est la qualité, dont on peut juger par l'importance des instructions qui nous sont données. Tout le monde n'apprécie pas la qualité médianimique au même point de vue ; il en est qui la mesurent à l'effet ; pour eux, les médiums véloces sont les plus remarquables et les meilleurs ; pour nous qui cherchons avant tout l'instruction, nous attachons plus de prix à ce qui satisfait la pensée qu'à ce qui ne satisfait que les yeux ; nous préférons donc un médium utile avec lequel nous apprenons quelque chose, à un médium étonnant avec lequel nous n'apprenons rien. Sous ce rapport, nous n'avons pas à nous plaindre, et nous devons remercier les Esprits d'avoir tenu la promesse qu'ils nous ont faite de ne pas nous laisser au dépourvu. Voulant élargir le cercle de leur enseignement, ils devaient aussi multiplier les instruments.
Mais il est un point plus important encore, sans lequel cet enseignement n'eût produit que peu ou point de fruits. Nous savons que tous les Esprits sont loin d'avoir la souveraine science et qu'ils peuvent se tromper ; que souvent ils émettent leurs propres idées qui peuvent être justes ou fausses ; que les Esprits supérieurs veulent que notre jugement s'exerce à discerner le vrai du faux, ce qui est rationnel de ce qui est illogique ; c'est pourquoi nous n'acceptons jamais rien les yeux fermés. Il ne saurait donc y avoir d'enseignement profitable sans discussion ; mais comment discuter des communications avec des médiums qui ne souffrent pas la moindre controverse, qui se blessent d'une remarque critique, d'une simple observation, et trouvent mauvais qu'on n'applaudisse pas à tout ce qu'ils obtiennent, fût-ce même entaché des plus grossières hérésies scientifiques ? Cette prétention serait déplacée si ce qu'ils écrivent était le produit de leur intelligence ; elle est ridicule dès lors qu'ils ne sont que des instruments passifs, car ils ressemblent à un acteur qui s'offusquerait si l'on trouvait mauvais les vers qu'il est chargé de réciter. Leur propre Esprit ne pouvant se froisser d'une critique qui ne l'atteint pas, c'est donc l'Esprit qui se communique qui se blesse, et qui transmet son impression au médium ; par cela même cet Esprit trahit son influence, puisqu'il veut imposer ses idées par la foi aveugle et non par le raisonnement, ou, ce qui revient au même, puisqu'il veut raisonner tout seul. Il en résulte que le médium qui est dans cette disposition est sous l'empire d'un Esprit qui mérite peu de confiance, dès lors qu'il montre plus d'orgueil que de savoir ; aussi, savons-nous que les Esprits de cette catégorie éloignent généralement leurs médiums des centres où ils ne sont pas acceptés sans réserve.
Ce travers, chez les médiums qui en sont atteints, est un très grand obstacle pour l'étude. Si nous ne cherchions que les effets, ce serait sans importance pour nous ; mais comme nous cherchons l'instruction, nous ne pouvons nous dispenser de discuter, au risque de déplaire aux médiums ; aussi quelques-uns se sont-ils retirés jadis, comme vous le savez, pour ce motif, quoique non avoué, et parce qu'ils n'avaient pu se poser devant la Société en médiums exclusifs, et comme interprètes infaillibles des puissances célestes ; à leurs yeux, ce sont ceux qui ne s'inclinent pas devant leurs communications qui sont obsédés ; il en est même qui poussent la susceptibilité au point de se formaliser de la priorité donnée à la lecture des communications obtenues par d'autres médiums ; qu'est-ce donc, quand une autre communication est préférée à la leur ? On comprend la gêne qu'impose une pareille situation. Fort heureusement pour l'intérêt de la science spirite, tous ne sont pas de même, et je saisis avec empressement cette occasion d'adresser au nom de la Société des remerciements à ceux qui nous prêtent aujourd'hui leur concours avec autant de zèle que de dévouement, sans calculer leur peine ni leur temps, et qui, ne prenant nullement fait et cause pour leurs communications, sont les premiers à aller au-devant de la controverse dont elles peuvent être l'objet.
En résumé, messieurs, nous ne pouvons que nous féliciter de l'état de la Société au point de vue moral ; il n'est personne qui n'ait remarqué dans l'esprit dominant une différence notable, comparativement à ce qu'il était dans le principe, dont chacun ressent instinctivement l'impression, et qui s'est traduite en maintes circonstances par des faits positifs. Il est incontestable qu'il y règne moins de gêne et moins de contrainte, tandis qu'un sentiment de mutuelle bienveillance s'y fait sentir. Il semble que les Esprits brouillons, en voyant leur impuissance à semer la défiance, ont pris le sage parti de se retirer. Nous ne pouvons aussi qu'applaudir à l'heureuse pensée de plusieurs membres d'organiser chez eux des réunions particulières ; elles ont l'avantage d'établir des rapports plus intimes ; ce sont, en outre, des centres pour une foule de personnes qui ne peuvent se rendre à la Société ; où l'on peut puiser une première initiation ; où l'on peut faire une multitude d'observations qui viennent ensuite converger au centre commun ; ce sont enfin des pépinières pour la formation des médiums. Je remercie bien sincèrement les personnes qui m'ont fait l'honneur de m'offrir d'en prendre la direction, mais cela m'est matériellement impossible ; je regrette même beaucoup de ne pouvoir m'y rendre aussi souvent que je le désirerais. Vous connaissez mon opinion touchant les groupes particuliers ; je fais donc des vœux pour leur multiplication, dans la Société ou hors de la Société, à Paris ou ailleurs, parce que ce sont les agents les plus actifs de propagande.
Sous le rapport matériel, notre trésorier vous a rendu compte de la situation de la Société. Notre budget, comme vous le savez, messieurs, est fort simple, et pourvu qu'il y ait équilibre entre l'actif et le passif, c'est l'essentiel, puisque nous ne cherchons point à capitaliser.
Prions donc les bons Esprits qui nous assistent, et en particulier notre président spirituel saint Louis, de vouloir bien nous continuer la bienveillante protection qu'ils nous ont si visiblement accordée jusqu'à ce jour, et dont nous nous efforcerons de plus en plus de nous rendre dignes.
Il me reste à vous entretenir, messieurs, d'une chose importante, je veux parler de l'emploi des dix mille francs qui m'ont été envoyés, il y a environ deux ans, par une personne abonnée à la Revue spirite, et qui a voulu rester inconnue, pour être employés dans l'intérêt du Spiritisme. Ce don, vous vous le rappelez sans doute, m'a été fait personnellement, sans affectation spéciale, sans récépissé, et sans que j'eusse à en rendre compte à qui que ce soit.
En faisant part de cette heureuse circonstance à la Société, j'ai déclaré, dans la séance du 17 février 1860, que je n'entendais nullement me prévaloir de cette marque de confiance, et que je n'en tenais pas moins, pour ma propre satisfaction, à ce que l'emploi des fonds fût soumis à un contrôle ; et j'ai ajouté : « Cette somme formera le premier fonds d'une caisse spéciale, sous le nom de Caisse du Spiritisme, et qui n'aura rien de commun avec mes affaires personnelles. Cette caisse sera ultérieurement augmentée des sommes qui pourront lui arriver d'autres sources, et exclusivement affectée aux besoins de la doctrine et au développement des idées spirites. Un de mes premiers soins sera de pourvoir à ce qui manque matériellement à la Société pour la régularité de ses travaux, et à la création d'une bibliothèque spéciale. J'ai prié plusieurs de nos collègues de vouloir bien accepter le contrôle de cette caisse, et de constater, à des époques qui seront ultérieurement déterminées, l'utile emploi des fonds. »
Cette commission, aujourd'hui dispersée en partie par les circonstances, sera complétée quand besoin sera, et tous les documents lui seront alors fournis. En attendant, et comme, en vertu de la liberté absolue qui m'était laissée, j'ai jugé à propos d'appliquer cette somme au développement de la Société, c'est à vous, messieurs, que je crois devoir rendre compte de sa situation, autant pour ma décharge personnelle que pour votre édification. Je tiens surtout à ce que l'on comprenne bien l'impossibilité matérielle de prendre sur ces fonds pour des dépenses dont l'urgence cependant se fait de jour en jour mieux sentir, en raison de l'extension des travaux que réclame le Spiritisme.
La Société, vous le savez, messieurs, sentait vivement les inconvénients de n'avoir pas un local spécial pour ses séances, et où elle pût avoir ses archives sous la main. Pour des travaux comme les nôtres, il faut en quelque sorte un lieu consacré où rien ne puisse troubler le recueillement ; chacun déplorait la nécessité où nous étions de nous réunir dans un établissement public, peu en harmonie avec la gravité de nos études. Je crus donc faire une chose utile en lui donnant les moyens d'avoir un local plus convenable à l'aide des fonds que j'avais reçus.
D'un autre côté, les progrès du Spiritisme amenant chez moi un nombre sans cesse croissant de visiteurs nationaux et étrangers, nombre qui peut s'évaluer de douze à quinze cents par an, il était préférable de les recevoir au siège même de la Société, et à cet effet d'y concentrer toutes les affaires et tous les documents concernant le Spiritisme.
En ce qui me concerne, j'ajouterai que, me donnant tout entier à la doctrine, il devenait en quelque sorte nécessaire, pour éviter des pertes de temps, que j'y eusse mon domicile, ou tout au moins un pied-à-terre. Pour moi personnellement, je n'en avais nullement besoin, puisque j'ai dans ma maison un appartement qui ne me coûte rien, plus agréable à tous égards, et où j'habite aussi souvent que mes occupations me le permettent. Un second appartement eût été pour moi une charge inutile et onéreuse. Donc, sans le Spiritisme, je serais tranquillement chez moi, avenue de Ségur, et non ici, obligé de travailler du matin au soir, et souvent du soir au matin, sans même pouvoir prendre un repos qui quelquefois me serait bien nécessaire ; car vous savez que je suis seul pour suffire à une besogne dont on se figure difficilement l'étendue, et qui augmente nécessairement avec l'extension de la doctrine.
Cet appartement-ci réunit les avantages désirables par ses dispositions intérieures et par sa situation centrale ; sans avoir rien de somptueux, il est très convenable ; mais les ressources de la Société étant insuffisantes pour payer l'intégralité du loyer, j'ai dû parfaire la différence avec les fonds de la donation ; sans cela la Société eût été dans la nécessité de rester dans la situation précaire, mesquine et incommode où elle était auparavant. Grâce à ce supplément, elle a pu donner à ses travaux des développements qui l'ont promptement posée dans l'opinion d'une manière avantageuse et profitable pour la doctrine. C'est donc l'emploi passé et la destination future des fonds de la donation que je crois devoir vous communiquer.
Le loyer de l'appartement est de 2 500 fr. par an, et avec les accessoires de 2 530 fr. Les contributions sont de 198 fr. ; total, 2 728 fr. La Société en paie pour sa part 1 200 fr. ; il reste donc à parfaire 1 528 fr.
Le bail a été fait pour trois, six, ou neuf années, qui ont commencé le 1er avril 1860. En le calculant pour six ans seulement à 1 528 fr., cela fait 9 168 fr. ; à quoi il faut ajouter, pour achat, de mobilier et frais d'installation, 900 fr. ; pour dons et secours à divers, 80 fr. ; total des dépenses 10 148 fr., sans compter l'imprévu, à payer avec le capital de 10 000 fr.
Il y aura donc à fin de bail, c'est-à-dire dans quatre ans, un excédant de dépense. Vous voyez, messieurs, qu'il ne faut pas songer à en distraire la moindre somme, si nous voulons arriver au bout. Que fera-t-on alors ? Ce qu'il plaira à Dieu et aux bons Esprits, qui m'ont dit de ne m'inquiéter de rien.
Je ferai remarquer que si la somme affectée à l'achat du matériel et aux frais d'installation n'est que de 900 fr., c'est que je n'y comprends que ce qui a été rigoureusement dépensé sur le capital. S'il avait fallu se procurer tout le mobilier qui est ici, je ne parle que des pièces à réception, il aurait fallu trois ou quatre fois plus, et alors la Société, au lieu de six ans de bail, n'en aurait eu que trois. C'est donc mon mobilier personnel qui sert en majeure partie, et qui, vu l'usage, aura reçu un rude échec.
En résumé, cette somme de 10 000 fr., que quelques-uns croyaient inépuisable, se trouve presque entièrement absorbée par le loyer, qu'il importait avant tout d'assurer pour un certain temps, sans qu'il ait été possible d'en distraire une partie pour d'autres usages, notamment pour l'achat des ouvrages anciens et modernes, français et étrangers, nécessaires à la formation d'une grande bibliothèque spirite, ainsi que j'en avais le projet ; ce seul objet n'eût pas coûté moins de 3 à 4 000 fr.
Il en résulte que toutes les dépenses en dehors du loyer, telles que les voyages et une foule de frais nécessités par le Spiritisme, et qui ne s'élèvent pas à moins de 2 000 fr., par an, sont à ma charge personnelle, et cette somme n'est pas sans importance sur un budget restreint qui ne se solde qu'à force d'ordre, d'économie et même de privations.
Ne croyez pas, messieurs, que je veuille m'en faire un mérite ; en agissant ainsi, je sais que je sers une cause auprès de laquelle la vie matérielle n'est rien, et à laquelle je suis tout prêt à sacrifier la mienne ; peut-être un jour aurai-je des imitateurs ; j'en suis du reste bien récompensé par la vue des résultats que j'ai obtenus. Si je regrette une chose, c'est que l'exiguïté de mes ressources ne me permette pas de faire davantage ; car avec des moyens d'exécution suffisants, employés à propos, avec ordre et pour des choses vraiment utiles, on avancerait d'un demi-siècle l'établissement définitif de la doctrine.
La Société parisienne des études spirites a commencé sa cinquième année le 1er avril 1862, et jamais, il faut en convenir, elle ne l'a fait sous de meilleurs auspices. Ce fait n'a pas seulement de l'importance à notre point de vue personnel, mais il est surtout caractéristique au point de vue de la doctrine en général, car il prouve d'une manière évidente l'intervention de nos guides spirituels. Il serait superflu de vous rappeler la modeste origine de la Société, ainsi que les circonstances, en quelque sorte providentielles, de sa constitution ; circonstances auxquelles un Esprit éminent, alors au pouvoir, et depuis rentré dans le monde des Esprits, nous a dit lui-même avoir puissamment contribué.
La Société, vous vous le rappelez, messieurs, a eu ses vicissitudes ; elle avait dans son sein des éléments de dissolution, provenant de l'époque où elle se recrutait un peu trop facilement, et son existence fut même un instant compromise. A ce moment, je mis en doute son utilité réelle, non comme simple réunion, mais comme société constituée. Fatigué de ces tiraillements, j'étais résolu de me retirer ; j'espérais qu'une fois libre des entraves semées sur ma route, je n'en travaillerais que mieux à la grande œuvre entreprise. J'en fus dissuadé par de nombreuses communications spontanées qui me furent données de différents côtés ; il en est une, entre autres, dont je crois utile aujourd'hui de vous donner la substance, parce que les évènements ont justifié les prévisions. Elle était ainsi conçue :
« La Société formée par nous avec ton concours est nécessaire ; nous voulons qu'elle subsiste et elle subsistera, malgré le mauvais vouloir de quelques-uns, comme tu le reconnaîtras plus tard. Lorsqu'un mal existe, il ne se guérit pas sans crise ; il en est ainsi du petit au grand : dans l'individu comme dans les sociétés ; dans les sociétés comme chez les peuples ; chez les peuples comme il en sera dans l'humanité. Notre Société, disons-nous, est nécessaire ; lorsqu'elle cessera de l'être sous forme actuelle, elle se transformera comme toutes choses. Quant à toi, tu ne peux pas, tu ne dois pas te retirer ; nous ne prétendons cependant pas enchaîner ton libre arbitre ; nous disons seulement que ta retraite serait une faute que tu regretterais un jour, parce qu'elle entraverait nos desseins… »
Depuis lors deux ans se sont écoulés, et, comme vous le voyez, la Société est heureusement sortie de cette crise passagère dont toutes les péripéties m'ont été signalées, et dont un des résultats a été de nous donner une leçon d'expérience que nous avons mise à profit, et qui a provoqué des mesures dont nous n'avons qu'à nous applaudir. La Société, débarrassée des soucis inhérents à son état antérieur, a pu poursuivre ses études sans entraves ; aussi ses progrès ont-ils été rapides, et elle a grandi à vue d'œil, je ne dirai pas numériquement, quoiqu'elle soit plus nombreuse qu'elle n'a jamais été, mais en importance. Quatre-vingt-sept membres, participant aux cotisations annuelles, ont figuré sur la liste de l'année qui vient de s'écouler, sans compter les membres honoraires et les correspondants. Il lui eût été facile de doubler et même de tripler ce nombre, si elle eût visé aux recettes ; elle n'avait qu'à entourer les admissions de moins de difficultés ; or, loin de diminuer ces difficultés, elle les a augmentées, parce qu'étant une Société d'études, elle n'a pas voulu s'écarter des principes de son institution, et qu'elle n'en a jamais fait une question d'intérêt matériel ; ne cherchant point à thésauriser, il lui était indifférent d'être un peu plus ou un peu moins nombreuse. Sa prépondérance ne tient donc nullement au nombre de ses membres ; elle est dans les idées qu'elle étudie, qu'elle élabore et qu'elle répand ; elle ne fait point de propagande active ; elle n'a ni agents ni émissaires ; elle ne sollicite personne de venir à elle, et, ce qui peut sembler extraordinaire, c'est à cette réserve même qu'elle doit son influence. Voici, à ce sujet, quel est son raisonnement. Si les idées spirites étaient fausses, rien ne saurait leur faire prendre racine, car toute idée fausse n'a qu'une existence passagère ; si elles sont vraies, elles s'établiront quand même, par la conviction, et le plus mauvais moyen de les propager serait de les imposer, car toute idée imposée est suspecte et trahit sa faiblesse. Les idées vraies doivent être acceptées par la raison et le bon sens ; là où elles ne germent pas, c'est que la saison n'est pas venue ; il faut attendre et se borner à jeter la graine au vent, parce que, tôt au tard, il se trouvera quelques semences qui tomberont sur une terre moins aride.
Le nombre des membres de la Société est donc une question très secondaire ; car aujourd'hui, moins que jamais, elle ne pourrait avoir la prétention d'absorber tous les adeptes ; son but est, par ses études consciencieuses, faites sans préjugés et sans parti pris, d'élucider les diverses parties de la science spirite, de rechercher les causes des phénomènes, et de recueillir toutes les observations de nature à éclairer la question si importante et si palpitante d'intérêt de l'état du monde invisible, de son action sur le monde visible et des innombrables conséquences qui en découlent pour l'humanité. Par sa position et par la multiplicité de ses rapports, elle se trouve dans les conditions les plus favorables pour observer bien et beaucoup. Son but est donc essentiellement moral et philosophique ; mais ce qui surtout a donné du crédit à ses travaux, c'est le calme, la gravité qu'elle y apporte ; c'est que tout y est discuté froidement, sans passion, comme doivent le faire des gens qui cherchent de bonne foi à s'éclairer ; c'est parce qu'on sait qu'elle ne s'occupe que de choses sérieuses ; c'est enfin l'impression que les nombreux étrangers venus souvent des pays lointains pour y assister ont emportée de l'ordre et de la dignité de ses séances.
Aussi la ligne qu'elle a suivie porte ses fruits ; les principes qu'elle professe, basés sur des observations consciencieuses, servent aujourd'hui de règle à l'immense majorité des Spirites. Vous avez vu successivement tomber devant l'expérience la plupart des systèmes éclos au début, et c'est à peine si quelques-uns conservent encore de rares partisans ; ceci est incontestable. Quelles sont donc les idées qui grandissent, et quelles sont celles qui déclinent ? C'est une question de fait. La doctrine de la réincarnation est le principe qui a été le plus controversé, et ses adversaires n'ont rien épargné pour le battre en brèche, pas même les injures et les grossièretés, cet argument suprême de ceux qui sont à bout de bonnes raisons ; il n'en a pas moins fait son chemin, parce qu'il s'appuie sur une logique inflexible ; que sans ce levier on se heurte contre des difficultés insurmontables, et parce qu'enfin on n'a rien trouvé de plus rationnel à mettre à la place.
Il est pourtant un système dont on fait plus que jamais étalage aujourd'hui, c'est le système diabolique. Dans l'impossibilité de nier les faits de manifestations, un parti prétend prouver qu'ils sont l'œuvre exclusive du diable. L'acharnement qu'il y apporte prouve qu'il n'est pas bien sûr d'avoir raison, tandis que les Spirites ne s'émeuvent pas le moins du monde de ce déploiement de forces qu'ils laissent s'user. En ce moment il fait feu sur toute la ligne : discours, petites brochures, gros volumes, articles de journaux, c'est une attaque générale pour démontrer quoi ? Que les faits qui, selon nous, témoignent de la puissance et de la bonté de Dieu, témoignent au contraire de la puissance du diable ; d'où il résulte que le diable, pouvant seul se manifester, est plus puissant que Dieu. En attribuant au diable tout ce qui est bon dans les communications, c'est retirer le bien à Dieu pour en faire hommage au diable. Nous croyons être plus respectueux que cela envers la Divinité. Au reste, comme je l'ai dit, les Spirites ne s'inquiètent guère de cette levée de boucliers qui aura pour effet de détruire un peu plus tôt le crédit de Satan.
La Société de Paris, sans l'emploi de moyens matériels, et quoique restreinte numériquement par sa volonté, n'en a pas moins fait une propagande considérable par la force de l'exemple, et la preuve en est, c'est le nombre incalculable de groupes spirites qui se forment sur les mêmes errements, c'est-à-dire d'après les principes qu'elle professe ; c'est le nombre des sociétés régulières qui s'organisent et demandent à se placer sous son patronage ; il y en a dans plusieurs villes de France et de l'étranger, en Algérie, en Italie, en Autriche, au Mexique, etc. ; et qu'avons-nous fait pour cela ? Avons-nous été les chercher ; les solliciter ? avons-nous envoyé des émissaires, des agents ? Pas le moins du monde ; nos agents sont les ouvrages. Les idées spirites se répandent dans une localité ; elles n'y trouvent d'abord que quelques échos, puis, de proche en proche ; elles gagnent du terrain ; les adeptes éprouvent le besoin de se réunir, moins pour faire des expériences que pour s'entretenir d'un sujet qui les intéresse ; de là les milliers de groupes particuliers qu'on peut appeler groupes de famille ; dans le nombre quelques-uns acquièrent une importance numérique plus grande ; on nous demande des conseils, et voilà comment se forme insensiblement ce réseau qui a déjà des jalons sur tous les points du globe.
Ici, messieurs, se place naturellement une observation importante sur la nature des rapports qui existent entre la Société de Paris et les réunions ou sociétés qui se fondent sous ses auspices, et qu'on aurait tort de considérer comme des succursales. La Société de Paris n'a sur elles d'autre autorité que celle de l'expérience, mais, comme je l'ai dit dans une autre occasion, elle ne s'immisce en rien dans leurs affaires ; son rôle se borne à des avis officieux quand on lui en demande. Le lien qui les unit est donc un lien purement moral, fondé sur la sympathie et la similitude des idées ; il n'y a entre elles aucune affiliation, aucune solidarité matérielle ; le seul mot d'ordre est celui qui doit rallier tous les hommes : charité et amour du prochain, mot d'ordre pacifique et qui ne saurait porter ombrage.
La majeure partie des membres de la Société réside à Paris ; elle en compte cependant plusieurs qui habitent la province ou l'étranger, et qui, quoique n'y assistant que très exceptionnellement, il en est même qui ne sont jamais venus à Paris depuis sa fondation, ont tenu à honneur d'en faire partie. Outre les membres proprement dits, elle a des correspondants, mais dont les rapports, purement scientifiques, n'ont pour objet que de la tenir au courant du mouvement spirite dans les différentes localités, et me fournissent des documents pour l'histoire de l'établissement du Spiritisme dont je rassemble les matériaux. Parmi les adeptes, il en est qui se distinguent par leur zèle, leur abnégation, leur dévouement à la cause du Spiritisme ; qui payent de leur personne, non en paroles, mais en actions ; la Société est heureuse de leur donner un témoignage particulier de sympathie en leur conférant le titre de membre honoraire.
Depuis deux ans la Société a donc grandi en crédit et en importance ; mais des progrès sont en outre signalés par la nature des communications qu'elle reçoit des Esprits. Depuis quelque temps, en effet, ces communications ont acquis des proportions et des développements qui ont de beaucoup dépassé notre attente ; ce ne sont plus, comme naguère de courts fragments de morale banale ; mais des dissertations où les plus hautes questions de philosophie sont traitées avec une ampleur et une profondeur de pensées qui en font de véritables discours. C'est ce qu'ont remarqué la plupart des lecteurs de la Revue.
Je suis heureux de signaler un autre progrès en ce qui concerne les médiums ; jamais, à aucune autre époque, nous n'en avons vu autant prendre part à nos travaux, puisqu'il nous est arrivé d'avoir jusqu'à quatorze communications dans une même séance. Mais ce qui est plus précieux que la quantité, c'est la qualité, dont on peut juger par l'importance des instructions qui nous sont données. Tout le monde n'apprécie pas la qualité médianimique au même point de vue ; il en est qui la mesurent à l'effet ; pour eux, les médiums véloces sont les plus remarquables et les meilleurs ; pour nous qui cherchons avant tout l'instruction, nous attachons plus de prix à ce qui satisfait la pensée qu'à ce qui ne satisfait que les yeux ; nous préférons donc un médium utile avec lequel nous apprenons quelque chose, à un médium étonnant avec lequel nous n'apprenons rien. Sous ce rapport, nous n'avons pas à nous plaindre, et nous devons remercier les Esprits d'avoir tenu la promesse qu'ils nous ont faite de ne pas nous laisser au dépourvu. Voulant élargir le cercle de leur enseignement, ils devaient aussi multiplier les instruments.
Mais il est un point plus important encore, sans lequel cet enseignement n'eût produit que peu ou point de fruits. Nous savons que tous les Esprits sont loin d'avoir la souveraine science et qu'ils peuvent se tromper ; que souvent ils émettent leurs propres idées qui peuvent être justes ou fausses ; que les Esprits supérieurs veulent que notre jugement s'exerce à discerner le vrai du faux, ce qui est rationnel de ce qui est illogique ; c'est pourquoi nous n'acceptons jamais rien les yeux fermés. Il ne saurait donc y avoir d'enseignement profitable sans discussion ; mais comment discuter des communications avec des médiums qui ne souffrent pas la moindre controverse, qui se blessent d'une remarque critique, d'une simple observation, et trouvent mauvais qu'on n'applaudisse pas à tout ce qu'ils obtiennent, fût-ce même entaché des plus grossières hérésies scientifiques ? Cette prétention serait déplacée si ce qu'ils écrivent était le produit de leur intelligence ; elle est ridicule dès lors qu'ils ne sont que des instruments passifs, car ils ressemblent à un acteur qui s'offusquerait si l'on trouvait mauvais les vers qu'il est chargé de réciter. Leur propre Esprit ne pouvant se froisser d'une critique qui ne l'atteint pas, c'est donc l'Esprit qui se communique qui se blesse, et qui transmet son impression au médium ; par cela même cet Esprit trahit son influence, puisqu'il veut imposer ses idées par la foi aveugle et non par le raisonnement, ou, ce qui revient au même, puisqu'il veut raisonner tout seul. Il en résulte que le médium qui est dans cette disposition est sous l'empire d'un Esprit qui mérite peu de confiance, dès lors qu'il montre plus d'orgueil que de savoir ; aussi, savons-nous que les Esprits de cette catégorie éloignent généralement leurs médiums des centres où ils ne sont pas acceptés sans réserve.
Ce travers, chez les médiums qui en sont atteints, est un très grand obstacle pour l'étude. Si nous ne cherchions que les effets, ce serait sans importance pour nous ; mais comme nous cherchons l'instruction, nous ne pouvons nous dispenser de discuter, au risque de déplaire aux médiums ; aussi quelques-uns se sont-ils retirés jadis, comme vous le savez, pour ce motif, quoique non avoué, et parce qu'ils n'avaient pu se poser devant la Société en médiums exclusifs, et comme interprètes infaillibles des puissances célestes ; à leurs yeux, ce sont ceux qui ne s'inclinent pas devant leurs communications qui sont obsédés ; il en est même qui poussent la susceptibilité au point de se formaliser de la priorité donnée à la lecture des communications obtenues par d'autres médiums ; qu'est-ce donc, quand une autre communication est préférée à la leur ? On comprend la gêne qu'impose une pareille situation. Fort heureusement pour l'intérêt de la science spirite, tous ne sont pas de même, et je saisis avec empressement cette occasion d'adresser au nom de la Société des remerciements à ceux qui nous prêtent aujourd'hui leur concours avec autant de zèle que de dévouement, sans calculer leur peine ni leur temps, et qui, ne prenant nullement fait et cause pour leurs communications, sont les premiers à aller au-devant de la controverse dont elles peuvent être l'objet.
En résumé, messieurs, nous ne pouvons que nous féliciter de l'état de la Société au point de vue moral ; il n'est personne qui n'ait remarqué dans l'esprit dominant une différence notable, comparativement à ce qu'il était dans le principe, dont chacun ressent instinctivement l'impression, et qui s'est traduite en maintes circonstances par des faits positifs. Il est incontestable qu'il y règne moins de gêne et moins de contrainte, tandis qu'un sentiment de mutuelle bienveillance s'y fait sentir. Il semble que les Esprits brouillons, en voyant leur impuissance à semer la défiance, ont pris le sage parti de se retirer. Nous ne pouvons aussi qu'applaudir à l'heureuse pensée de plusieurs membres d'organiser chez eux des réunions particulières ; elles ont l'avantage d'établir des rapports plus intimes ; ce sont, en outre, des centres pour une foule de personnes qui ne peuvent se rendre à la Société ; où l'on peut puiser une première initiation ; où l'on peut faire une multitude d'observations qui viennent ensuite converger au centre commun ; ce sont enfin des pépinières pour la formation des médiums. Je remercie bien sincèrement les personnes qui m'ont fait l'honneur de m'offrir d'en prendre la direction, mais cela m'est matériellement impossible ; je regrette même beaucoup de ne pouvoir m'y rendre aussi souvent que je le désirerais. Vous connaissez mon opinion touchant les groupes particuliers ; je fais donc des vœux pour leur multiplication, dans la Société ou hors de la Société, à Paris ou ailleurs, parce que ce sont les agents les plus actifs de propagande.
Sous le rapport matériel, notre trésorier vous a rendu compte de la situation de la Société. Notre budget, comme vous le savez, messieurs, est fort simple, et pourvu qu'il y ait équilibre entre l'actif et le passif, c'est l'essentiel, puisque nous ne cherchons point à capitaliser.
Prions donc les bons Esprits qui nous assistent, et en particulier notre président spirituel saint Louis, de vouloir bien nous continuer la bienveillante protection qu'ils nous ont si visiblement accordée jusqu'à ce jour, et dont nous nous efforcerons de plus en plus de nous rendre dignes.
Il me reste à vous entretenir, messieurs, d'une chose importante, je veux parler de l'emploi des dix mille francs qui m'ont été envoyés, il y a environ deux ans, par une personne abonnée à la Revue spirite, et qui a voulu rester inconnue, pour être employés dans l'intérêt du Spiritisme. Ce don, vous vous le rappelez sans doute, m'a été fait personnellement, sans affectation spéciale, sans récépissé, et sans que j'eusse à en rendre compte à qui que ce soit.
En faisant part de cette heureuse circonstance à la Société, j'ai déclaré, dans la séance du 17 février 1860, que je n'entendais nullement me prévaloir de cette marque de confiance, et que je n'en tenais pas moins, pour ma propre satisfaction, à ce que l'emploi des fonds fût soumis à un contrôle ; et j'ai ajouté : « Cette somme formera le premier fonds d'une caisse spéciale, sous le nom de Caisse du Spiritisme, et qui n'aura rien de commun avec mes affaires personnelles. Cette caisse sera ultérieurement augmentée des sommes qui pourront lui arriver d'autres sources, et exclusivement affectée aux besoins de la doctrine et au développement des idées spirites. Un de mes premiers soins sera de pourvoir à ce qui manque matériellement à la Société pour la régularité de ses travaux, et à la création d'une bibliothèque spéciale. J'ai prié plusieurs de nos collègues de vouloir bien accepter le contrôle de cette caisse, et de constater, à des époques qui seront ultérieurement déterminées, l'utile emploi des fonds. »
Cette commission, aujourd'hui dispersée en partie par les circonstances, sera complétée quand besoin sera, et tous les documents lui seront alors fournis. En attendant, et comme, en vertu de la liberté absolue qui m'était laissée, j'ai jugé à propos d'appliquer cette somme au développement de la Société, c'est à vous, messieurs, que je crois devoir rendre compte de sa situation, autant pour ma décharge personnelle que pour votre édification. Je tiens surtout à ce que l'on comprenne bien l'impossibilité matérielle de prendre sur ces fonds pour des dépenses dont l'urgence cependant se fait de jour en jour mieux sentir, en raison de l'extension des travaux que réclame le Spiritisme.
La Société, vous le savez, messieurs, sentait vivement les inconvénients de n'avoir pas un local spécial pour ses séances, et où elle pût avoir ses archives sous la main. Pour des travaux comme les nôtres, il faut en quelque sorte un lieu consacré où rien ne puisse troubler le recueillement ; chacun déplorait la nécessité où nous étions de nous réunir dans un établissement public, peu en harmonie avec la gravité de nos études. Je crus donc faire une chose utile en lui donnant les moyens d'avoir un local plus convenable à l'aide des fonds que j'avais reçus.
D'un autre côté, les progrès du Spiritisme amenant chez moi un nombre sans cesse croissant de visiteurs nationaux et étrangers, nombre qui peut s'évaluer de douze à quinze cents par an, il était préférable de les recevoir au siège même de la Société, et à cet effet d'y concentrer toutes les affaires et tous les documents concernant le Spiritisme.
En ce qui me concerne, j'ajouterai que, me donnant tout entier à la doctrine, il devenait en quelque sorte nécessaire, pour éviter des pertes de temps, que j'y eusse mon domicile, ou tout au moins un pied-à-terre. Pour moi personnellement, je n'en avais nullement besoin, puisque j'ai dans ma maison un appartement qui ne me coûte rien, plus agréable à tous égards, et où j'habite aussi souvent que mes occupations me le permettent. Un second appartement eût été pour moi une charge inutile et onéreuse. Donc, sans le Spiritisme, je serais tranquillement chez moi, avenue de Ségur, et non ici, obligé de travailler du matin au soir, et souvent du soir au matin, sans même pouvoir prendre un repos qui quelquefois me serait bien nécessaire ; car vous savez que je suis seul pour suffire à une besogne dont on se figure difficilement l'étendue, et qui augmente nécessairement avec l'extension de la doctrine.
Cet appartement-ci réunit les avantages désirables par ses dispositions intérieures et par sa situation centrale ; sans avoir rien de somptueux, il est très convenable ; mais les ressources de la Société étant insuffisantes pour payer l'intégralité du loyer, j'ai dû parfaire la différence avec les fonds de la donation ; sans cela la Société eût été dans la nécessité de rester dans la situation précaire, mesquine et incommode où elle était auparavant. Grâce à ce supplément, elle a pu donner à ses travaux des développements qui l'ont promptement posée dans l'opinion d'une manière avantageuse et profitable pour la doctrine. C'est donc l'emploi passé et la destination future des fonds de la donation que je crois devoir vous communiquer.
Le loyer de l'appartement est de 2 500 fr. par an, et avec les accessoires de 2 530 fr. Les contributions sont de 198 fr. ; total, 2 728 fr. La Société en paie pour sa part 1 200 fr. ; il reste donc à parfaire 1 528 fr.
Le bail a été fait pour trois, six, ou neuf années, qui ont commencé le 1er avril 1860. En le calculant pour six ans seulement à 1 528 fr., cela fait 9 168 fr. ; à quoi il faut ajouter, pour achat, de mobilier et frais d'installation, 900 fr. ; pour dons et secours à divers, 80 fr. ; total des dépenses 10 148 fr., sans compter l'imprévu, à payer avec le capital de 10 000 fr.
Il y aura donc à fin de bail, c'est-à-dire dans quatre ans, un excédant de dépense. Vous voyez, messieurs, qu'il ne faut pas songer à en distraire la moindre somme, si nous voulons arriver au bout. Que fera-t-on alors ? Ce qu'il plaira à Dieu et aux bons Esprits, qui m'ont dit de ne m'inquiéter de rien.
Je ferai remarquer que si la somme affectée à l'achat du matériel et aux frais d'installation n'est que de 900 fr., c'est que je n'y comprends que ce qui a été rigoureusement dépensé sur le capital. S'il avait fallu se procurer tout le mobilier qui est ici, je ne parle que des pièces à réception, il aurait fallu trois ou quatre fois plus, et alors la Société, au lieu de six ans de bail, n'en aurait eu que trois. C'est donc mon mobilier personnel qui sert en majeure partie, et qui, vu l'usage, aura reçu un rude échec.
En résumé, cette somme de 10 000 fr., que quelques-uns croyaient inépuisable, se trouve presque entièrement absorbée par le loyer, qu'il importait avant tout d'assurer pour un certain temps, sans qu'il ait été possible d'en distraire une partie pour d'autres usages, notamment pour l'achat des ouvrages anciens et modernes, français et étrangers, nécessaires à la formation d'une grande bibliothèque spirite, ainsi que j'en avais le projet ; ce seul objet n'eût pas coûté moins de 3 à 4 000 fr.
Il en résulte que toutes les dépenses en dehors du loyer, telles que les voyages et une foule de frais nécessités par le Spiritisme, et qui ne s'élèvent pas à moins de 2 000 fr., par an, sont à ma charge personnelle, et cette somme n'est pas sans importance sur un budget restreint qui ne se solde qu'à force d'ordre, d'économie et même de privations.
Ne croyez pas, messieurs, que je veuille m'en faire un mérite ; en agissant ainsi, je sais que je sers une cause auprès de laquelle la vie matérielle n'est rien, et à laquelle je suis tout prêt à sacrifier la mienne ; peut-être un jour aurai-je des imitateurs ; j'en suis du reste bien récompensé par la vue des résultats que j'ai obtenus. Si je regrette une chose, c'est que l'exiguïté de mes ressources ne me permette pas de faire davantage ; car avec des moyens d'exécution suffisants, employés à propos, avec ordre et pour des choses vraiment utiles, on avancerait d'un demi-siècle l'établissement définitif de la doctrine.
Entretiens familiers d'outre tombe
M Sanson.
(Société de Paris, 25 avril 1862. - Médium, M. Leymarie. Deuxième entretien. Voyez la Revue de mai 1862).
1. Évocation. ‑ R. Mes amis, je suis près de vous.
2. Nous sommes bien heureux de l'entretien que nous avons eu avec vous le jour de votre enterrement, et puisque vous le permettez, nous serons charmé de le compléter pour notre instruction. ‑ R. Je suis tout préparé, heureux que vous pensiez à moi.
3. Tout ce qui peut nous éclairer sur l'état du monde invisible et nous le faire comprendre est d'un haut enseignement, parce que c'est l'idée fausse que l'on s'en fait qui conduit le plus souvent à l'incrédulité. Ne soyez donc pas surpris des questions que nous pourrons vous adresser. - R. Je n'en serai point étonné, et je m'attends à vos questions.
4. Vous avez décrit avec une lumineuse clarté le passage de la vie à la mort ; vous avez dit qu'au moment où le corps rend le dernier soupir, la vie se brise, et que la vue de l'Esprit s'éteint. Ce moment est-il accompagné d'une sensation pénible, douloureuse ? - R. Sans doute, car la vie est une suite continuelle de douleurs, et la mort est le complément de toutes les douleurs ; de là un déchirement violent comme si l'Esprit avait à faire un effort surhumain pour s'échapper de son enveloppe, et c'est cet effort qui absorbe tout notre être et lui fait perdre la connaissance de ce qu'il devient.
Remarque. - Ce cas n'est point général. La séparation peut se faire avec un certain effort, mais l'expérience prouve que tous les Esprits n'en ont pas conscience, car beaucoup perdent toute connaissance avant d'expirer ; les convulsions de l'agonie sont le plus souvent purement physiques. M. Sanson a présenté un phénomène assez rare, celui d'être pour ainsi dire témoin de son dernier soupir.
5. Savez-vous s'il y a des Esprits pour lesquels ce moment est plus douloureux ? Est-il plus pénible, par exemple, pour le matérialiste, pour celui qui croit que tout finit à ce moment pour lui ? - R. Cela est certain, car l'Esprit préparé a déjà oublié la souffrance, ou plutôt il en a l'habitude, et la quiétude avec laquelle il voit la mort l'empêche de souffrir doublement, parce qu'il sait ce qui l'attend. La peine morale est la plus forte, et son absence à l'instant de la mort est un allégement bien grand. Celui qui ne croit pas ressemble à ce condamné à la peine capitale et dont la pensée voit le couteau et l'inconnu. Il y a similitude entre cette mort et celle de l'athée.
6. Y a-t-il des matérialistes assez endurcis pour croire sérieusement, à ce moment suprême, qu'ils vont être plongés dans le néant ? - R. Sans doute, jusqu'à la dernière heure il y en a qui croient au néant ; mais au moment de la séparation, l'Esprit a un retour profond ; le doute s'empare de lui et le torture, car il se demande ce qu'il va devenir ; il veut saisir quelque chose et ne le peut. La séparation ne peut se faire sans cette impression.
Remarque. ‑ Un Esprit nous a donné, dans une autre circonstance, le tableau suivant de la fin de l'incrédule : « L'incrédule endurci éprouve dans les derniers moments les angoisses de ces cauchemars terribles où l'on se voit au bord d'un précipice, près de tomber dans le gouffre ; on fait d'inutiles efforts pour fuir, et l'on ne peut marcher ; on veut s'accrocher à quelque chose, saisir un point d'appui, et l'on se sent glisser ; on veut appeler et l'on ne peut articuler aucun son ; c'est alors qu'on voit le moribond se tordre, se crisper les mains et pousser des cris étouffés, signes certains du cauchemar auquel il est en proie. Dans le cauchemar ordinaire, le réveil vous tire d'inquiétude, et vous vous sentez heureux de reconnaître que vous n'avez fait qu'un rêve ; mais le cauchemar de la mort se prolonge souvent bien longtemps, des années même, au-delà du trépas, et ce qui rend la sensation encore plus pénible pour l'Esprit, ce sont les ténèbres où il est quelquefois plongé.
Nous avons été à même d'observer plusieurs cas semblables et qui prouvent que cette peinture n'a rien d'exagéré.
7. Vous avez dit qu'au moment de mourir vous ne voyiez plus, mais que vous pressentiez. Vous ne voyiez plus corporellement, cela se comprend ; mais avant que la vie ne fût éteinte, entrevoyiez-vous déjà la clarté du monde des Esprits ? ‑ R. C'est ce que j'ai dit précédemment : l'instant de la mort rend la clairvoyance à l'Esprit ; les yeux ne voient plus, mais l'Esprit, qui possède une vue bien plus profonde, découvre instantanément un monde inconnu, et la vérité lui apparaissant subitement, lui donne, momentanément il est vrai, ou une joie profonde, ou une peine inexprimable, suivant l'état de sa conscience et le souvenir de sa vie passée.
Remarque. ‑ Il est question de l'instant qui précède celui où l'Esprit perd connaissance, ce qui explique l'emploi du mot momentanément, car les mêmes impressions agréables ou pénibles se poursuivent au réveil.
8. Veuillez nous dire ce qui, à l'instant où vos yeux se sont rouverts à la lumière, vous a frappé, ce que vous avez vu. Veuillez nous dépeindre, si c'est possible, l'aspect des choses qui se sont offertes à vous. ‑ R. Lorsque j'ai pu revenir à moi, et voir ce que j'avais devant les yeux, j'étais comme ébloui, et je ne me rendais pas bien compte, car la lucidité ne revient pas instantanément. Mais Dieu, qui m'a donné une marque profonde de sa bonté, a permis que je recouvrisse mes facultés. Je me suis vu entouré de nombreux et fidèles amis. Tous les Esprits protecteurs qui viennent nous assister m'entouraient et me souriaient ; un bonheur sans égal les animait, et moi-même, fort et bien portant, je pouvais, sans efforts, me transporter à travers l'espace. Ce que j'ai vu n'a pas de nom dans les langues humaines.
Je viendrai, du reste, vous parler plus amplement de tous mes bonheurs, sans dépasser pourtant la limite que Dieu exige. Sachez que le bonheur, tel que vous l'entendez chez vous, est une fiction. Vivez sagement, saintement, dans l'esprit de charité et d'amour, et vous vous serez préparé des impressions que vos plus grands poètes ne sauraient décrire.
Remarque. ‑ Les contes de fées sont sans doute pleins de choses absurdes ; mais ne seraient-ils pas, dans quelques points, la peinture de ce qui se passe dans le monde des Esprits ? Le récit de M. Sanson ne ressemble-t-il pas à celui d'un homme qui, endormi dans une pauvre et obscure cabane, se réveillerait dans un palais splendide, au milieu d'une cour brillante ?
(Société de Paris, 25 avril 1862. - Médium, M. Leymarie. Deuxième entretien. Voyez la Revue de mai 1862).
1. Évocation. ‑ R. Mes amis, je suis près de vous.
2. Nous sommes bien heureux de l'entretien que nous avons eu avec vous le jour de votre enterrement, et puisque vous le permettez, nous serons charmé de le compléter pour notre instruction. ‑ R. Je suis tout préparé, heureux que vous pensiez à moi.
3. Tout ce qui peut nous éclairer sur l'état du monde invisible et nous le faire comprendre est d'un haut enseignement, parce que c'est l'idée fausse que l'on s'en fait qui conduit le plus souvent à l'incrédulité. Ne soyez donc pas surpris des questions que nous pourrons vous adresser. - R. Je n'en serai point étonné, et je m'attends à vos questions.
4. Vous avez décrit avec une lumineuse clarté le passage de la vie à la mort ; vous avez dit qu'au moment où le corps rend le dernier soupir, la vie se brise, et que la vue de l'Esprit s'éteint. Ce moment est-il accompagné d'une sensation pénible, douloureuse ? - R. Sans doute, car la vie est une suite continuelle de douleurs, et la mort est le complément de toutes les douleurs ; de là un déchirement violent comme si l'Esprit avait à faire un effort surhumain pour s'échapper de son enveloppe, et c'est cet effort qui absorbe tout notre être et lui fait perdre la connaissance de ce qu'il devient.
Remarque. - Ce cas n'est point général. La séparation peut se faire avec un certain effort, mais l'expérience prouve que tous les Esprits n'en ont pas conscience, car beaucoup perdent toute connaissance avant d'expirer ; les convulsions de l'agonie sont le plus souvent purement physiques. M. Sanson a présenté un phénomène assez rare, celui d'être pour ainsi dire témoin de son dernier soupir.
5. Savez-vous s'il y a des Esprits pour lesquels ce moment est plus douloureux ? Est-il plus pénible, par exemple, pour le matérialiste, pour celui qui croit que tout finit à ce moment pour lui ? - R. Cela est certain, car l'Esprit préparé a déjà oublié la souffrance, ou plutôt il en a l'habitude, et la quiétude avec laquelle il voit la mort l'empêche de souffrir doublement, parce qu'il sait ce qui l'attend. La peine morale est la plus forte, et son absence à l'instant de la mort est un allégement bien grand. Celui qui ne croit pas ressemble à ce condamné à la peine capitale et dont la pensée voit le couteau et l'inconnu. Il y a similitude entre cette mort et celle de l'athée.
6. Y a-t-il des matérialistes assez endurcis pour croire sérieusement, à ce moment suprême, qu'ils vont être plongés dans le néant ? - R. Sans doute, jusqu'à la dernière heure il y en a qui croient au néant ; mais au moment de la séparation, l'Esprit a un retour profond ; le doute s'empare de lui et le torture, car il se demande ce qu'il va devenir ; il veut saisir quelque chose et ne le peut. La séparation ne peut se faire sans cette impression.
Remarque. ‑ Un Esprit nous a donné, dans une autre circonstance, le tableau suivant de la fin de l'incrédule : « L'incrédule endurci éprouve dans les derniers moments les angoisses de ces cauchemars terribles où l'on se voit au bord d'un précipice, près de tomber dans le gouffre ; on fait d'inutiles efforts pour fuir, et l'on ne peut marcher ; on veut s'accrocher à quelque chose, saisir un point d'appui, et l'on se sent glisser ; on veut appeler et l'on ne peut articuler aucun son ; c'est alors qu'on voit le moribond se tordre, se crisper les mains et pousser des cris étouffés, signes certains du cauchemar auquel il est en proie. Dans le cauchemar ordinaire, le réveil vous tire d'inquiétude, et vous vous sentez heureux de reconnaître que vous n'avez fait qu'un rêve ; mais le cauchemar de la mort se prolonge souvent bien longtemps, des années même, au-delà du trépas, et ce qui rend la sensation encore plus pénible pour l'Esprit, ce sont les ténèbres où il est quelquefois plongé.
Nous avons été à même d'observer plusieurs cas semblables et qui prouvent que cette peinture n'a rien d'exagéré.
7. Vous avez dit qu'au moment de mourir vous ne voyiez plus, mais que vous pressentiez. Vous ne voyiez plus corporellement, cela se comprend ; mais avant que la vie ne fût éteinte, entrevoyiez-vous déjà la clarté du monde des Esprits ? ‑ R. C'est ce que j'ai dit précédemment : l'instant de la mort rend la clairvoyance à l'Esprit ; les yeux ne voient plus, mais l'Esprit, qui possède une vue bien plus profonde, découvre instantanément un monde inconnu, et la vérité lui apparaissant subitement, lui donne, momentanément il est vrai, ou une joie profonde, ou une peine inexprimable, suivant l'état de sa conscience et le souvenir de sa vie passée.
Remarque. ‑ Il est question de l'instant qui précède celui où l'Esprit perd connaissance, ce qui explique l'emploi du mot momentanément, car les mêmes impressions agréables ou pénibles se poursuivent au réveil.
8. Veuillez nous dire ce qui, à l'instant où vos yeux se sont rouverts à la lumière, vous a frappé, ce que vous avez vu. Veuillez nous dépeindre, si c'est possible, l'aspect des choses qui se sont offertes à vous. ‑ R. Lorsque j'ai pu revenir à moi, et voir ce que j'avais devant les yeux, j'étais comme ébloui, et je ne me rendais pas bien compte, car la lucidité ne revient pas instantanément. Mais Dieu, qui m'a donné une marque profonde de sa bonté, a permis que je recouvrisse mes facultés. Je me suis vu entouré de nombreux et fidèles amis. Tous les Esprits protecteurs qui viennent nous assister m'entouraient et me souriaient ; un bonheur sans égal les animait, et moi-même, fort et bien portant, je pouvais, sans efforts, me transporter à travers l'espace. Ce que j'ai vu n'a pas de nom dans les langues humaines.
Je viendrai, du reste, vous parler plus amplement de tous mes bonheurs, sans dépasser pourtant la limite que Dieu exige. Sachez que le bonheur, tel que vous l'entendez chez vous, est une fiction. Vivez sagement, saintement, dans l'esprit de charité et d'amour, et vous vous serez préparé des impressions que vos plus grands poètes ne sauraient décrire.
Remarque. ‑ Les contes de fées sont sans doute pleins de choses absurdes ; mais ne seraient-ils pas, dans quelques points, la peinture de ce qui se passe dans le monde des Esprits ? Le récit de M. Sanson ne ressemble-t-il pas à celui d'un homme qui, endormi dans une pauvre et obscure cabane, se réveillerait dans un palais splendide, au milieu d'une cour brillante ?
M Sanson
(Troisième entretien ; 2 mai 1862.)
9. Sous quel aspect les Esprits se sont-ils présentés à vous ? Est-ce sous celui de la forme humaine ? – R. Oui, mon cher ami, les Esprits nous avaient appris sur terre qu'ils conservaient dans l'autre monde la forme transitoire qu'ils avaient eue dans votre monde ; et c'est la vérité. Mais quelle différence entre la machine informe qui se traîne péniblement avec son cortège d'épreuves, et la fluidité merveilleuse du corps des Esprits ! La laideur n'existe plus, car les traits ont perdu la dureté d'expression qui forme le caractère distinctif de la race humaine. Dieu a béatifié tous ces corps gracieux, qui se meuvent avec toutes les élégances de la forme ; le langage a des intonations intraduisibles pour vous, et le regard a la profondeur d'une étoile. Tâchez, par la pensée, de voir ce que Dieu peut faire dans sa toute-puissance, lui l'architecte des architectes, et vous vous serez fait une faible idée de la forme des Esprits.
10. Pour vous, comment vous voyez-vous ? Vous reconnaissez-vous une forme limitée, circonscrite, quoique fluidique ? Vous sentez-vous une tête, un tronc, des bras, des jambes ? ‑ R. L'Esprit, ayant conservé sa forme humaine, mais divinisée, idéalisée, a sans contredit tous les membres dont vous parlez. Je me sens parfaitement des jambes et des doigts, car nous pouvons, par notre volonté, vous apparaître ou vous presser les mains. Je suis près de vous et j'ai serré la main de tous mes amis, sans qu'ils en aient eu la conscience ; car notre fluidité peut être partout sans gêner l'espace, sans donner aucune sensation, si cela est notre désir. En ce moment, vous avez les mains croisées et j'ai les miennes dans les vôtres. Je vous dis : je vous aime, mais mon corps ne tient pas de place, la lumière le traverse, et ce que vous appelleriez un miracle, s'il était visible, est pour les Esprits l'action continuelle de tous les instants.
La vue des Esprits n'a pas de rapport avec la vue humaine, de même que leur corps n'a pas de ressemblance réelle, car tout est changé dans l'ensemble et le fond. L'Esprit, je vous le répète, a une perspicacité divine qui s'étend à tout, puisqu'il peut deviner même votre pensée ; aussi peut-il à propos prendre la forme qui peut le mieux le rappeler à vos souvenirs. Mais dans le fait l'Esprit supérieur qui a fini ses épreuves aime la forme qui a pu le conduire près de Dieu.
11. Les Esprits n'ont pas de sexe ; cependant comme il y a peu de jours encore que vous étiez homme, tenez-vous dans votre nouvel état plutôt de la nature masculine que de la nature féminine ? En est-il de même d'un Esprit qui aurait quitté son corps depuis longtemps ? – R. Nous ne tenons pas à être de nature masculine ou féminine : les Esprits ne se reproduisent pas. Dieu les crée à sa volonté, et si, pour ses vues merveilleuses, il a voulu que les Esprits se réincarnent sur terre, il a dû ajouter la reproduction des espèces par le mâle et la femelle. Mais vous le sentez, sans qu'il soit nécessaire d'aucune explication, les Esprits ne peuvent avoir de sexe.
Remarque. Il a toujours été dit que les Esprits n'ont pas de sexe ; les sexes ne sont nécessaires que pour la reproduction des corps ; car les Esprits ne se reproduisant pas, les sexes seraient pour eux inutiles ; notre question n'avait point pour but de constater le fait, mais en raison de la mort très récente de M. Sanson, nous voulions savoir s'il lui restait une impression de son état terrestre. Les Esprits épurés se rendent parfaitement compte de leur nature, mais parmi les Esprits inférieurs non dématérialisés, il en est beaucoup qui se croient encore ce qu'ils étaient sur la terre, et conservent les mêmes passions et les mêmes désirs ; ceux-là se croient encore hommes ou femmes, et voilà pourquoi il y en a qui ont dit que les Esprits ont des sexes. C'est ainsi que certaines contradictions proviennent de l'état plus ou moins avancé des Esprits qui se communiquent ; le tort n'en est pas aux Esprits, mais à ceux qui les interrogent et ne se donnent pas la peine d'approfondir les questions.
12. Parmi les Esprits qui sont ici, voyez-vous notre président spirituel saint Louis ? ‑ R. Il est toujours près de vous, et quand il est absent il sait toujours y laisser un Esprit supérieur qui le remplace.
13. Ne voyez-vous pas d'autres Esprits ? ‑ R. Pardon ; l'esprit de Vérité, saint Augustin, Lamennais, Sonnet, saint Paul, Louis et d'autres amis que vous évoquez, sont toujours à vos séances.
14. Quel aspect vous présente la séance ? Est-elle pour votre nouvelle vue ce qu'elle vous paraissait de votre vivant ? Les personnes ont-elles pour vous la même apparence ? Tout est-il aussi clair, aussi net ? ‑ R. Bien plus clair, car je puis lire dans la pensée de tous, et je suis bien heureux, allez ! de la bonne impression que me laisse la bonne volonté de tous les Esprits assemblés. Je désire que la même entente puisse se faire non seulement à Paris, par la réunion de tous les groupes mais aussi dans toute la France, où des groupes se séparent et se jalousent, poussés par des Esprits brouillons qui se plaisent au désordre, tandis que le Spiritisme doit être l'oubli complet, absolu du moi.
15. Vous dites que vous lisez dans notre pensée ; pourriez-vous nous faire comprendre comment s'opère cette transmission de pensée ? ‑ R. Cela n'est pas facile ; pour vous dire, vous expliquer ce prodige singulier de la vue des Esprits, il faudrait vous ouvrir tout un arsenal d'agents nouveaux, et vous seriez aussi savants que nous, ce qui ne se peut pas, puisque vos facultés sont bornées par la matière. Patience ! devenez bons, et vous y arriverez ; vous n'avez actuellement que ce que Dieu vous accorde, mais avec l'espérance de progresser continuellement ; plus tard vous serez comme nous. Tâchez donc de bien mourir pour savoir beaucoup. La curiosité, qui est le stimulant de l'homme pensant, vous conduit tranquillement jusqu'à la mort, en vous réservant la satisfaction de toutes vos curiosités passées, présentes et futures. En attendant, je vous dirai, pour répondre tant bien que mal à votre question : L'air qui vous entoure, impalpable comme nous, emporte le caractère de votre pensée ; le souffle que vous exhalez est, pour ainsi dire, la page écrite de vos pensées ; elles sont lues, commentées par les Esprits qui vous heurtent sans cesse ; ils sont les messagers d'une télégraphie divine à qui rien n'échappe.
16. Vous voyez, mon cher monsieur Sanson, que nous usons largement de la permission que vous nous avez donnée de faire votre autopsie spirituelle. Nous n'en abuserons pas ; une autre fois, si vous le voulez bien, nous vous ferons des questions d'un autre ordre. - R. Je serai toujours très heureux de me rendre utile à mes anciens collègues et à leur digne président.
9. Sous quel aspect les Esprits se sont-ils présentés à vous ? Est-ce sous celui de la forme humaine ? – R. Oui, mon cher ami, les Esprits nous avaient appris sur terre qu'ils conservaient dans l'autre monde la forme transitoire qu'ils avaient eue dans votre monde ; et c'est la vérité. Mais quelle différence entre la machine informe qui se traîne péniblement avec son cortège d'épreuves, et la fluidité merveilleuse du corps des Esprits ! La laideur n'existe plus, car les traits ont perdu la dureté d'expression qui forme le caractère distinctif de la race humaine. Dieu a béatifié tous ces corps gracieux, qui se meuvent avec toutes les élégances de la forme ; le langage a des intonations intraduisibles pour vous, et le regard a la profondeur d'une étoile. Tâchez, par la pensée, de voir ce que Dieu peut faire dans sa toute-puissance, lui l'architecte des architectes, et vous vous serez fait une faible idée de la forme des Esprits.
10. Pour vous, comment vous voyez-vous ? Vous reconnaissez-vous une forme limitée, circonscrite, quoique fluidique ? Vous sentez-vous une tête, un tronc, des bras, des jambes ? ‑ R. L'Esprit, ayant conservé sa forme humaine, mais divinisée, idéalisée, a sans contredit tous les membres dont vous parlez. Je me sens parfaitement des jambes et des doigts, car nous pouvons, par notre volonté, vous apparaître ou vous presser les mains. Je suis près de vous et j'ai serré la main de tous mes amis, sans qu'ils en aient eu la conscience ; car notre fluidité peut être partout sans gêner l'espace, sans donner aucune sensation, si cela est notre désir. En ce moment, vous avez les mains croisées et j'ai les miennes dans les vôtres. Je vous dis : je vous aime, mais mon corps ne tient pas de place, la lumière le traverse, et ce que vous appelleriez un miracle, s'il était visible, est pour les Esprits l'action continuelle de tous les instants.
La vue des Esprits n'a pas de rapport avec la vue humaine, de même que leur corps n'a pas de ressemblance réelle, car tout est changé dans l'ensemble et le fond. L'Esprit, je vous le répète, a une perspicacité divine qui s'étend à tout, puisqu'il peut deviner même votre pensée ; aussi peut-il à propos prendre la forme qui peut le mieux le rappeler à vos souvenirs. Mais dans le fait l'Esprit supérieur qui a fini ses épreuves aime la forme qui a pu le conduire près de Dieu.
11. Les Esprits n'ont pas de sexe ; cependant comme il y a peu de jours encore que vous étiez homme, tenez-vous dans votre nouvel état plutôt de la nature masculine que de la nature féminine ? En est-il de même d'un Esprit qui aurait quitté son corps depuis longtemps ? – R. Nous ne tenons pas à être de nature masculine ou féminine : les Esprits ne se reproduisent pas. Dieu les crée à sa volonté, et si, pour ses vues merveilleuses, il a voulu que les Esprits se réincarnent sur terre, il a dû ajouter la reproduction des espèces par le mâle et la femelle. Mais vous le sentez, sans qu'il soit nécessaire d'aucune explication, les Esprits ne peuvent avoir de sexe.
Remarque. Il a toujours été dit que les Esprits n'ont pas de sexe ; les sexes ne sont nécessaires que pour la reproduction des corps ; car les Esprits ne se reproduisant pas, les sexes seraient pour eux inutiles ; notre question n'avait point pour but de constater le fait, mais en raison de la mort très récente de M. Sanson, nous voulions savoir s'il lui restait une impression de son état terrestre. Les Esprits épurés se rendent parfaitement compte de leur nature, mais parmi les Esprits inférieurs non dématérialisés, il en est beaucoup qui se croient encore ce qu'ils étaient sur la terre, et conservent les mêmes passions et les mêmes désirs ; ceux-là se croient encore hommes ou femmes, et voilà pourquoi il y en a qui ont dit que les Esprits ont des sexes. C'est ainsi que certaines contradictions proviennent de l'état plus ou moins avancé des Esprits qui se communiquent ; le tort n'en est pas aux Esprits, mais à ceux qui les interrogent et ne se donnent pas la peine d'approfondir les questions.
12. Parmi les Esprits qui sont ici, voyez-vous notre président spirituel saint Louis ? ‑ R. Il est toujours près de vous, et quand il est absent il sait toujours y laisser un Esprit supérieur qui le remplace.
13. Ne voyez-vous pas d'autres Esprits ? ‑ R. Pardon ; l'esprit de Vérité, saint Augustin, Lamennais, Sonnet, saint Paul, Louis et d'autres amis que vous évoquez, sont toujours à vos séances.
14. Quel aspect vous présente la séance ? Est-elle pour votre nouvelle vue ce qu'elle vous paraissait de votre vivant ? Les personnes ont-elles pour vous la même apparence ? Tout est-il aussi clair, aussi net ? ‑ R. Bien plus clair, car je puis lire dans la pensée de tous, et je suis bien heureux, allez ! de la bonne impression que me laisse la bonne volonté de tous les Esprits assemblés. Je désire que la même entente puisse se faire non seulement à Paris, par la réunion de tous les groupes mais aussi dans toute la France, où des groupes se séparent et se jalousent, poussés par des Esprits brouillons qui se plaisent au désordre, tandis que le Spiritisme doit être l'oubli complet, absolu du moi.
15. Vous dites que vous lisez dans notre pensée ; pourriez-vous nous faire comprendre comment s'opère cette transmission de pensée ? ‑ R. Cela n'est pas facile ; pour vous dire, vous expliquer ce prodige singulier de la vue des Esprits, il faudrait vous ouvrir tout un arsenal d'agents nouveaux, et vous seriez aussi savants que nous, ce qui ne se peut pas, puisque vos facultés sont bornées par la matière. Patience ! devenez bons, et vous y arriverez ; vous n'avez actuellement que ce que Dieu vous accorde, mais avec l'espérance de progresser continuellement ; plus tard vous serez comme nous. Tâchez donc de bien mourir pour savoir beaucoup. La curiosité, qui est le stimulant de l'homme pensant, vous conduit tranquillement jusqu'à la mort, en vous réservant la satisfaction de toutes vos curiosités passées, présentes et futures. En attendant, je vous dirai, pour répondre tant bien que mal à votre question : L'air qui vous entoure, impalpable comme nous, emporte le caractère de votre pensée ; le souffle que vous exhalez est, pour ainsi dire, la page écrite de vos pensées ; elles sont lues, commentées par les Esprits qui vous heurtent sans cesse ; ils sont les messagers d'une télégraphie divine à qui rien n'échappe.
16. Vous voyez, mon cher monsieur Sanson, que nous usons largement de la permission que vous nous avez donnée de faire votre autopsie spirituelle. Nous n'en abuserons pas ; une autre fois, si vous le voulez bien, nous vous ferons des questions d'un autre ordre. - R. Je serai toujours très heureux de me rendre utile à mes anciens collègues et à leur digne président.
L'Enfant Jésus au milieu des docteurs
Dernier tableau de M. Ingres.
Madame Dozon, notre collègue de la Société, reçut chez elle, le 9 avril 1862, la communication spontanée suivante :
« L'Enfant Jésus retrouvé par ses parents prêchant dans le Temple, au milieu des docteurs. (Saint Luc, Nativité.)
Tel est le sujet d'un tableau inspiré à un de nos plus grands artistes. Dans cette œuvre de l'homme se montre plus que du génie ; on y voit briller cette lumière que Dieu donne aux âmes pour les éclairer et les conduire aux régions célestes. Oui, la religion a illuminé l'artiste. Cette lueur a-t-elle été visible ? Le travailleur a-t-il vu le rayon partant du ciel et descendant en lui ? A-t-il vu se diviniser sous ses pinceaux la tête de l'Enfant-Dieu ? S'est-il agenouillé devant cette création d'inspiration divine, et s'est-il écrié, comme le saint vieillard Siméon : Seigneur, vous laisserez mourir en paix votre serviteur, selon votre parole, puisque mes yeux ont vu le Sauveur que vous nous donnez maintenant, et que vous destinez pour être exposé à la vue de tous les peuples. »
« Oui, l'artiste peut se dire serviteur du Maître, car il vient d'exécuter un ordre de sa suprême volonté. Dieu a voulu que dans le temps où règne le scepticisme, la foule s'arrêtât devant cette figure du Sauveur ! et plus d'un cœur s'éloignera emportant un souvenir qui le conduira au pied de la croix où ce divin Enfant a donné sa vie pour l'humanité, pour vous, foule insouciante.
« En contemplant le tableau d'Ingres, la vue s'éloigne à regret pour revenir vers cette figure de Jésus, où il y a un mélange de divinité, d'enfance et aussi quelque chose de la fleur ; ces draperies, cette robe aux couleurs fraîches, jeunes, délicates, rappellent ces suaves coloris qui se balancent sur les tiges parfumées. Tout mérite d'être admiré dans le chef-d'œuvre d'Ingres. Mais l'âme aime surtout à y contempler les deux types adorables de Jésus et de sa divine Mère. Encore une fois, on éprouve le besoin de la saluer par les angéliques paroles : « Je vous salue, Marie, pleine de grâces. » A peine si l'on ose porter le regard artistique sur cette noble et divinisée figure, tabernacle d'un Dieu, épouse d'un homme, vierge par la pureté, femme prédestinée aux joies du paradis et aux agonies de la terre. Ingres a compris tout cela, et on ne passera pas devant la Mère de Jésus sans lui dire : « Marie, très douce vierge, au nom de votre fils, priez pour nous ! » Vous l'étudierez un jour ; moi j'ai vu les premiers coups de brosse donnés sur cette toile bénie. J'ai vu naître une à une les figures, les poses des docteurs ; j'ai vu l'ange protecteur d'Ingres lui inspirant de faire tomber les parchemins des mains d'un de ces docteurs ; car là, mon Dieu, est toute une révélation ! Cette voix d'enfant détruira aussi une à une les lois qui ne sont pas siennes.
« Je ne veux pas faire ici de l'art comme ex-artiste ; je suis Esprit, et pour moi l'art religieux seul me touche. Aussi j'ai vu dans ces ornements gracieux des ceps de vigne l'allégorie de la vigne de Dieu, où tous les humains doivent arriver à se désaltérer, et je me suis dit avec une joie profonde qu'Ingres venait de faire mûrir une de ses belles grappes. Oui ; maître ! ton Jésus va parler aussi devant des docteurs qui nient sa loi, devant ceux qui la combattent. Mais lorsqu'ils se trouveront seuls avec le souvenir de l'Enfant divin, va ! plus d'un déchirera ses rouleaux de parchemin sur lesquels la main de Jésus aura écrit : Erreur.
« Voyez donc comme tous les travailleurs donnent rendez-vous ! les uns venant volontairement et par des voies déjà connues ; d'autres conduits par la main de Dieu, qui va les chercher sur les places et leur montre où ils doivent aller. D'autres encore arrivent, sans savoir où ils sont, attirés par un charme qui leur fait semer aussi des fleurs de vie pour élever l'autel sur lequel l'enfant Jésus vient encore aujourd'hui pour plusieurs, mais qui, sous la draperie à la saphirique couleur, ou sous la tunique du crucifié, est toujours le même, le seul Dieu.
« David, peintre. »
Madame Dozon ni son mari n'avaient entendu parler de ce tableau ; nous en étant nous-mêmes informé auprès de plusieurs artistes, aucun n'en avait connaissance, et nous commencions à croire à une mystification. Le meilleur moyen d'éclaircir ce doute était de s'adresser directement à l'artiste, pour s'informer s'il avait traité ce sujet ; c'est ce que fit M. Dozon. En entrant dans l'atelier, il vit le tableau, achevé depuis quelques jours seulement, et par conséquent inconnu du public. Cette révélation spontanée est d'autant plus remarquable, que la description qu'en donne l'Esprit est d'une exactitude parfaite. Tout y est : ceps de vigne, parchemins tombés à terre, etc. Ce tableau est maintenant exposé dans la salle du boulevard des Italiens, où nous sommes allés le voir, et nous sommes, comme tout le monde, rester en admiration devant cette page sublime, une des plus belles, sans contredit, de la peinture moderne. Au point de vue de l'exécution, il est digne du grand artiste qui, nous le croyons, n'a rien fait de supérieur, malgré ses quatre-vingt-trois ans ; mais ce qui en fait un chef-d'œuvre hors ligne, c'est le sentiment qui y domine, l'expression, la pensée qui jaillit de toutes ces figures sur lesquelles on lit la surprise, la stupéfaction, le saisissement, le doute, le besoin de nier, l'irritation de se voir terrassé par un enfant ; tout cela est si vrai, si naturel, qu'on se prend à mettre les paroles à chaque bouche. Quant à l'enfant, il est d'un idéal qui laisse loin derrière lui tout ce qui a été fait sur le même sujet ; ce n'est pas un orateur qui parle à ses auditeurs : il ne les regarde même pas ; on devine en lui l'organe d'une voix céleste.
Dans toute cette conception, il y a sans doute du génie, mais il y a incontestablement de l'inspiration. M. Ingres a dit lui-même, qu'il n'avait point composé ce tableau dans les conditions ordinaires ; il a commencé, dit-il, par l'architecture, ce qui n'est pas dans les habitudes ; ensuite les personnages venaient, pour ainsi dire, se poser d'eux-mêmes sous son pinceau, sans préméditation de sa part. Nous avons des motifs de penser que ce travail se rattache à des choses dont on aura la clef plus tard, mais sur lesquelles nous devons encore garder le silence, comme sur beaucoup d'autres.
Le fait ci-dessus ayant été rapporté à la Société, l'Esprit de Lamennais dicta spontanément, à cette occasion, la communication suivante :
Sur le tableau de M. Ingres
(Société spirite de Paris, 2 mai 1862. ‑ Médium, M. A. Didier.)
Je vous parlais dernièrement de Jésus enfant au milieu des docteurs, et je faisais ressortir son illumination divine au milieu des savantes ténèbres des prêtres juifs. Nous avons un exemple de plus que la spiritualité et les mouvements de l'âme constituent la phase la plus brillante dans l'art. Sans connaître la Société spirite, on peut être un grand artiste spiritualiste, et Ingres mous montre dans son œuvre nouvelle l'étude divine de l'artiste, mais aussi son inspiration la plus pure et la plus idéale ; non pas cette fausse idéalité qui trompe tant de gens et qui est une hypocrisie de l'art sans originalité, mais l'idéalité puisée dans la nature simple, vraie, et par conséquent belle dans toute l'acception du mot. Nous autres, Esprits, nous applaudissons aux œuvres spiritualistes autant que nous blâmons la glorification des sentiments matériels et de mauvais goût. C'est une vertu que de sentir le beau moral et le beau physique à ce point ; c'est la marque certaine de sentiments harmonieux dans le cœur et dans l'âme, et quand le sentiment du beau est développé à ce point, il est rare que le sentiment moral ne le soit point aussi. C'est un grand exemple que ce vieillard de quatre-vingts ans, qui représente au milieu de la société corrompue le triomphe du Spiritualisme, avec le génie toujours jeune et toujours pur de la foi.
Lamennais
Madame Dozon, notre collègue de la Société, reçut chez elle, le 9 avril 1862, la communication spontanée suivante :
« L'Enfant Jésus retrouvé par ses parents prêchant dans le Temple, au milieu des docteurs. (Saint Luc, Nativité.)
Tel est le sujet d'un tableau inspiré à un de nos plus grands artistes. Dans cette œuvre de l'homme se montre plus que du génie ; on y voit briller cette lumière que Dieu donne aux âmes pour les éclairer et les conduire aux régions célestes. Oui, la religion a illuminé l'artiste. Cette lueur a-t-elle été visible ? Le travailleur a-t-il vu le rayon partant du ciel et descendant en lui ? A-t-il vu se diviniser sous ses pinceaux la tête de l'Enfant-Dieu ? S'est-il agenouillé devant cette création d'inspiration divine, et s'est-il écrié, comme le saint vieillard Siméon : Seigneur, vous laisserez mourir en paix votre serviteur, selon votre parole, puisque mes yeux ont vu le Sauveur que vous nous donnez maintenant, et que vous destinez pour être exposé à la vue de tous les peuples. »
« Oui, l'artiste peut se dire serviteur du Maître, car il vient d'exécuter un ordre de sa suprême volonté. Dieu a voulu que dans le temps où règne le scepticisme, la foule s'arrêtât devant cette figure du Sauveur ! et plus d'un cœur s'éloignera emportant un souvenir qui le conduira au pied de la croix où ce divin Enfant a donné sa vie pour l'humanité, pour vous, foule insouciante.
« En contemplant le tableau d'Ingres, la vue s'éloigne à regret pour revenir vers cette figure de Jésus, où il y a un mélange de divinité, d'enfance et aussi quelque chose de la fleur ; ces draperies, cette robe aux couleurs fraîches, jeunes, délicates, rappellent ces suaves coloris qui se balancent sur les tiges parfumées. Tout mérite d'être admiré dans le chef-d'œuvre d'Ingres. Mais l'âme aime surtout à y contempler les deux types adorables de Jésus et de sa divine Mère. Encore une fois, on éprouve le besoin de la saluer par les angéliques paroles : « Je vous salue, Marie, pleine de grâces. » A peine si l'on ose porter le regard artistique sur cette noble et divinisée figure, tabernacle d'un Dieu, épouse d'un homme, vierge par la pureté, femme prédestinée aux joies du paradis et aux agonies de la terre. Ingres a compris tout cela, et on ne passera pas devant la Mère de Jésus sans lui dire : « Marie, très douce vierge, au nom de votre fils, priez pour nous ! » Vous l'étudierez un jour ; moi j'ai vu les premiers coups de brosse donnés sur cette toile bénie. J'ai vu naître une à une les figures, les poses des docteurs ; j'ai vu l'ange protecteur d'Ingres lui inspirant de faire tomber les parchemins des mains d'un de ces docteurs ; car là, mon Dieu, est toute une révélation ! Cette voix d'enfant détruira aussi une à une les lois qui ne sont pas siennes.
« Je ne veux pas faire ici de l'art comme ex-artiste ; je suis Esprit, et pour moi l'art religieux seul me touche. Aussi j'ai vu dans ces ornements gracieux des ceps de vigne l'allégorie de la vigne de Dieu, où tous les humains doivent arriver à se désaltérer, et je me suis dit avec une joie profonde qu'Ingres venait de faire mûrir une de ses belles grappes. Oui ; maître ! ton Jésus va parler aussi devant des docteurs qui nient sa loi, devant ceux qui la combattent. Mais lorsqu'ils se trouveront seuls avec le souvenir de l'Enfant divin, va ! plus d'un déchirera ses rouleaux de parchemin sur lesquels la main de Jésus aura écrit : Erreur.
« Voyez donc comme tous les travailleurs donnent rendez-vous ! les uns venant volontairement et par des voies déjà connues ; d'autres conduits par la main de Dieu, qui va les chercher sur les places et leur montre où ils doivent aller. D'autres encore arrivent, sans savoir où ils sont, attirés par un charme qui leur fait semer aussi des fleurs de vie pour élever l'autel sur lequel l'enfant Jésus vient encore aujourd'hui pour plusieurs, mais qui, sous la draperie à la saphirique couleur, ou sous la tunique du crucifié, est toujours le même, le seul Dieu.
« David, peintre. »
Madame Dozon ni son mari n'avaient entendu parler de ce tableau ; nous en étant nous-mêmes informé auprès de plusieurs artistes, aucun n'en avait connaissance, et nous commencions à croire à une mystification. Le meilleur moyen d'éclaircir ce doute était de s'adresser directement à l'artiste, pour s'informer s'il avait traité ce sujet ; c'est ce que fit M. Dozon. En entrant dans l'atelier, il vit le tableau, achevé depuis quelques jours seulement, et par conséquent inconnu du public. Cette révélation spontanée est d'autant plus remarquable, que la description qu'en donne l'Esprit est d'une exactitude parfaite. Tout y est : ceps de vigne, parchemins tombés à terre, etc. Ce tableau est maintenant exposé dans la salle du boulevard des Italiens, où nous sommes allés le voir, et nous sommes, comme tout le monde, rester en admiration devant cette page sublime, une des plus belles, sans contredit, de la peinture moderne. Au point de vue de l'exécution, il est digne du grand artiste qui, nous le croyons, n'a rien fait de supérieur, malgré ses quatre-vingt-trois ans ; mais ce qui en fait un chef-d'œuvre hors ligne, c'est le sentiment qui y domine, l'expression, la pensée qui jaillit de toutes ces figures sur lesquelles on lit la surprise, la stupéfaction, le saisissement, le doute, le besoin de nier, l'irritation de se voir terrassé par un enfant ; tout cela est si vrai, si naturel, qu'on se prend à mettre les paroles à chaque bouche. Quant à l'enfant, il est d'un idéal qui laisse loin derrière lui tout ce qui a été fait sur le même sujet ; ce n'est pas un orateur qui parle à ses auditeurs : il ne les regarde même pas ; on devine en lui l'organe d'une voix céleste.
Dans toute cette conception, il y a sans doute du génie, mais il y a incontestablement de l'inspiration. M. Ingres a dit lui-même, qu'il n'avait point composé ce tableau dans les conditions ordinaires ; il a commencé, dit-il, par l'architecture, ce qui n'est pas dans les habitudes ; ensuite les personnages venaient, pour ainsi dire, se poser d'eux-mêmes sous son pinceau, sans préméditation de sa part. Nous avons des motifs de penser que ce travail se rattache à des choses dont on aura la clef plus tard, mais sur lesquelles nous devons encore garder le silence, comme sur beaucoup d'autres.
Le fait ci-dessus ayant été rapporté à la Société, l'Esprit de Lamennais dicta spontanément, à cette occasion, la communication suivante :
Sur le tableau de M. Ingres
(Société spirite de Paris, 2 mai 1862. ‑ Médium, M. A. Didier.)
Je vous parlais dernièrement de Jésus enfant au milieu des docteurs, et je faisais ressortir son illumination divine au milieu des savantes ténèbres des prêtres juifs. Nous avons un exemple de plus que la spiritualité et les mouvements de l'âme constituent la phase la plus brillante dans l'art. Sans connaître la Société spirite, on peut être un grand artiste spiritualiste, et Ingres mous montre dans son œuvre nouvelle l'étude divine de l'artiste, mais aussi son inspiration la plus pure et la plus idéale ; non pas cette fausse idéalité qui trompe tant de gens et qui est une hypocrisie de l'art sans originalité, mais l'idéalité puisée dans la nature simple, vraie, et par conséquent belle dans toute l'acception du mot. Nous autres, Esprits, nous applaudissons aux œuvres spiritualistes autant que nous blâmons la glorification des sentiments matériels et de mauvais goût. C'est une vertu que de sentir le beau moral et le beau physique à ce point ; c'est la marque certaine de sentiments harmonieux dans le cœur et dans l'âme, et quand le sentiment du beau est développé à ce point, il est rare que le sentiment moral ne le soit point aussi. C'est un grand exemple que ce vieillard de quatre-vingts ans, qui représente au milieu de la société corrompue le triomphe du Spiritualisme, avec le génie toujours jeune et toujours pur de la foi.
Lamennais
Voilà comment on écrit l'histoire !
Les millions de M. Allan Kardec.
Nous sommes informé que dans une grande ville de commerce, où le Spiritisme compte de nombreux adhérents, et où il fait le plus de bien parmi la classe laborieuse, un ecclésiastique s'est fait le propagateur de certains bruits que des âmes charitables se sont empressées de colporter et sans doute d'amplifier. Selon ces dires, nous sommes riches à millions ; chez nous tout brille et nous ne marchons que sur les plus beaux tapis d'Aubusson. On nous a connu pauvre à Lyon ; aujourd'hui nous avons équipage à quatre chevaux et nous menons à Paris un train princier. Toute cette fortune nous vient d'Angleterre depuis que nous nous occupons du Spiritisme, et nous rémunérons largement nos agents de la province. Nous avons vendu chèrement les manuscrits de nos ouvrages, sur lesquels nous avons encore une remise, ce qui ne nous empêche pas de les vendre à des prix fous, etc.
Voici la réponse que nous avons faite à la personne qui nous transmet ces détails :
« Mon cher monsieur, j'ai beaucoup ri des millions dont me gratifie si généreusement M. l'abbé V…, d'autant mieux que j'étais loin de me douter de cette bonne fortune. Le compte rendu fait à la Société de Paris avant la réception de votre lettre, et qui est publié ci-dessus, vient malheureusement réduire cette illusion à une réalité beaucoup moins dorée. Ce n'est pas du reste la seule inexactitude de ce récit fantastique ; d'abord je n'ai jamais habité Lyon, je ne vois donc pas comment on m'y aurait connu pauvre ; quant à mon équipage à quatre chevaux, je regrette de dire qu'il se réduit aux rosses d'un fiacre que je prends à peine cinq ou six fois par an, par économie. Il est vrai qu'avant les chemins de fer, je fis plusieurs voyages en diligence : on a sans doute confondu. Mais j'oublie qu'à cette époque il n'était pas encore question de Spiritisme, et que c'est au Spiritisme que je dois, selon lui, mon immense fortune ; où donc a-t-on été pêcher tout cela, si ce n'est dans l'arsenal de la calomnie ? Cela paraîtra d'autant plus vraisemblable, si l'on songe à la nature de la population au milieu de laquelle on colporte ces bruits. On conviendra qu'il faut être bien à court de bonnes raisons pour en être réduit à d'aussi ridicules expédients pour discréditer le Spiritisme. M. l'abbé ne voit pas qu'il va droit contre son but, car, dire que le Spiritisme m'a enrichi à ce point, c'est avouer qu'il est immensément répandu ; donc, s'il est si répandu, c'est qu'il plaît. Ainsi, ce qu'il voudrait faire tourner contre l'homme, tournerait au profit du crédit de la doctrine. Faites donc croire, après cela, qu'une doctrine capable de procurer en quelques années des millions à son propagateur soit une utopie, une idée creuse ! Un tel résultat serait un vrai miracle, car il est sans exemple qu'une théorie philosophique ait jamais été une source de fortune. Généralement, comme pour les inventions, on y mange le peu qu'on a, et l'on verrait que c'est un peu le cas où je me trouve, si l'on savait tout ce que me coûte l'œuvre à laquelle je me suis voué et à laquelle je sacrifie en outre mon temps, mes veilles, mon repos et ma santé ; mais j'ai pour principe de garder pour moi ce que je fais, et de ne pas le crier sur les toits. Pour être impartial, M. l'abbé aurait dû mettre en parallèle les sommes que les communautés et les couvents soutirent des fidèles ; quant au Spiritisme, il mesure son influence sur le bien qu'il fait, le nombre des affligés qu'il console, et non sur l'argent qu'il rapporte.
Avec un train princier, il va sans dire qu'il faut une table à l'avenant ; que dirait donc M. l'abbé s'il voyait mes repas les plus somptueux, ceux où je reçois mes amis ? Il les trouverait bien maigres auprès du maigre de certains dignitaires de l'Eglise, qui les dédaigneraient probablement pour leur carême le plus austère. Je lui apprendrai donc, puisqu'il l'ignore, et afin de lui épargner la peine de m'amener sur le terrain de la comparaison, que le Spiritisme n'est point et ne peut être un moyen de s'enrichir ; qu'il répudie toute spéculation dont il pourrait être l'objet ; qu'il apprend à faire peu de cas du temporel, à se contenter du nécessaire et non à chercher les joies du superflu, qui ne sont pas le chemin du ciel ; que si tous les hommes étaient Spirites, ils ne s'envieraient, ne se jalouseraient et ne se dépouilleraient point les uns les autres ; ils ne médiraient pas de leur prochain, et ne le calomnieraient pas, parce qu'il enseigne cette maxime du Christ : Ne faites point à autrui ce que vous ne voudriez pas qu'on vous fît. C'est pour la mettre en pratique que je ne nomme pas en toutes lettres M. l'abbé V…
Le Spiritisme enseigne encore que la fortune est un dépôt dont il faudra rendre compte, et que le riche sera jugé selon l'emploi qu'il en aura fait. Si j'avais celle qu'on m'attribue, et si surtout je la devais au Spiritisme, je serais parjure à mes principes de l'employer à la satisfaction de l'orgueil et à la possession des jouissances mondaines, au lieu de la faire servir à la cause dont j'ai embrassé la défense.
Mais, dit-on, et vos ouvrages ? n'en avez-vous pas vendu chèrement les manuscrits ? Un instant ; c'est entrer ici dans le domaine privé, où je ne reconnais à personne le droit de s'immiscer : j'ai toujours fait honneur à mes affaires, n'importe au prix de quels sacrifices et de quelles privations ; je ne dois rien à personne, tandis que beaucoup me doivent, sans cela, j'aurais plus du double de ce qui me reste, ce qui fait qu'au lieu de monter l'échelle de la fortune, je l'ai descendue. Je ne dois donc compte de mes affaires à qui que ce soit, ce qu'il est bon de constater ; cependant, pour contenter un peu les curieux qui n'ont rien de mieux à faire que de se mêler de ce qui ne les regarde pas, je dirai que si j'avais vendu mes manuscrits, je n'aurais fait qu'user du droit qu'a tout ouvrier de vendre le produit de son travail ; mais je n'en ai vendu aucun : il en est même que j'ai donnés purement et simplement dans l'intérêt de la chose, et que l'on vend comme on veut sans qu'il m'en revienne un sou. Des manuscrits se vendent chèrement quand ce sont ceux d'ouvrages connus dont le débit est assuré d'avance, mais nulle part on ne trouve d'éditeurs assez complaisants pour payer à prix d'or des ouvrages dont le produit est hypothétique, alors qu'ils ne veulent pas même courir la chance des frais d'impression ; or, sous ce rapport, un ouvrage philosophique a cent fois moins de valeur que certains romans accolés de certains noms. Pour donner une idée de mes énormes bénéfices, je dirai que la première édition du Livre des Esprits, que j'ai entreprise à mon compte et à mes risques et périls, n'ayant pas trouvé d'éditeur qui ait voulu s'en charger, m'a rapporté net, tous frais faits, tous les exemplaires écoulés, tant vendus que donnés, environ cinq cents francs, ainsi que j'en puis justifier par des pièces authentiques ; je ne sais trop quel genre d'équipage on pourrait se procurer avec cela. Dans l'impossibilité où je me suis trouvé, n'ayant pas encore les millions en question, de faire par moi-même les frais de toutes mes publications, et surtout de m'occuper des relations nécessaires à la vente, j'ai cédé pour un temps le droit de publier, moyennant un droit d'auteur calculé à tant de centimes par exemplaire vendu ; de telle sorte que je suis totalement étranger au détail de la vente et aux trafics que les intermédiaires peuvent faire sur les remises faites par les éditeurs à leurs correspondants, trafics dont je décline la responsabilité, étant obligé, pour ce qui me concerne, de tenir compte aux éditeurs, à un prix de…, de tous les exemplaires que je prends chez eux, que je les vende, que je les donne ou qu'ils soient en non-valeurs.
Quant au produit qui peut me revenir sur la vente de mes ouvrages, je n'ai à m'expliquer ni sur le chiffre, ni sur l'emploi ; j'ai certes bien le droit d'en disposer comme bon me semble ; cependant on ne sait pas si ce produit n'a pas une destination déterminée dont il ne peut être détourné ; mais c'est ce qu'on saura plus tard ; car, s'il prenait un jour fantaisie à quelqu'un d'écrire mon histoire sur des données pareilles à celles qui sont relatées ci-dessus, il importerait que les faits fussent rétablis dans leur intégrité. C'est pourquoi je laisserai des mémoires circonstanciés sur toutes mes relations et toutes mes affaires, surtout en ce qui concerne le Spiritisme, afin d'épargner aux chroniqueurs futurs les bévues dans lesquelles ils tombent souvent sur la foi des ouï-dire des étourdis, des mauvaises langues, et des gens intéressés à altérer la vérité, auxquels je laisse le plaisir de déblatérer à leur aise, afin que plus tard leur mauvaise foi soit plus évidente.
Je m'en inquiéterais fort peu pour moi personnellement, si mon nom ne se trouvait pas désormais intimement lié à l'histoire du Spiritisme. Par mes relations, je possède naturellement sur ce sujet les documents les plus nombreux et les plus authentiques qui existent ; j'ai pu suivre la doctrine dans tous ses développements, en observer toutes les péripéties, comme j'en prévois les conséquences. Pour tout homme qui étudie ce mouvement, il est de la dernière évidence que le Spiritisme marquera une des phases de l'humanité ; il est donc nécessaire que l'on sache plus tard quelles vicissitudes il a eu à traverser, quels obstacles il a rencontrés, quels ennemis ont cherché à l'enrayer, de quelles armes on s'est servi pour le combattre ; il ne l'est pas moins qu'on sache par quels moyens il a pu triompher, et quelles sont les personnes qui, par leur zèle, leur dévouement, leur abnégation, auront efficacement concouru à sa propagation ; ceux dont les noms et les actes mériteront d'être signalés à la reconnaissance de la postérité, et que je me fais un devoir d'inscrire sur mes tablettes. Cette histoire, on le comprend, ne peut encore paraître de sitôt ; le Spiritisme vient à peine de naître, et les phases les plus intéressantes de son établissement ne sont pas encore accomplies. Il se pourrait d'ailleurs que, parmi les Saüls du Spiritisme d'aujourd'hui, il y eût plus tard des Saints Pauls ; espérons que nous n'aurons pas à enregistrer des Judas.
Telles sont, mon cher monsieur, les réflexions que m'ont suggérées les bruits étranges qui me sont revenus ; si je les ai relevés, ce n'est point pour les Spirites de votre ville, qui savent à quoi s'en tenir sur mon compte et qui ont pu juger, quand je suis allé les voir, s'il y avait en moi les goûts et les allures d'un grand seigneur. Je le fais donc pour ceux qui ne me connaissent pas et qui pourraient être induits en erreur par cette manière plus que légère de faire l'histoire. Si M. l'abbé V… tient à ne dire que la vérité, je suis prêt à lui fournir verbalement toutes les explications nécessaires pour l'éclairer.
Tout à vous.
Nous sommes informé que dans une grande ville de commerce, où le Spiritisme compte de nombreux adhérents, et où il fait le plus de bien parmi la classe laborieuse, un ecclésiastique s'est fait le propagateur de certains bruits que des âmes charitables se sont empressées de colporter et sans doute d'amplifier. Selon ces dires, nous sommes riches à millions ; chez nous tout brille et nous ne marchons que sur les plus beaux tapis d'Aubusson. On nous a connu pauvre à Lyon ; aujourd'hui nous avons équipage à quatre chevaux et nous menons à Paris un train princier. Toute cette fortune nous vient d'Angleterre depuis que nous nous occupons du Spiritisme, et nous rémunérons largement nos agents de la province. Nous avons vendu chèrement les manuscrits de nos ouvrages, sur lesquels nous avons encore une remise, ce qui ne nous empêche pas de les vendre à des prix fous, etc.
Voici la réponse que nous avons faite à la personne qui nous transmet ces détails :
« Mon cher monsieur, j'ai beaucoup ri des millions dont me gratifie si généreusement M. l'abbé V…, d'autant mieux que j'étais loin de me douter de cette bonne fortune. Le compte rendu fait à la Société de Paris avant la réception de votre lettre, et qui est publié ci-dessus, vient malheureusement réduire cette illusion à une réalité beaucoup moins dorée. Ce n'est pas du reste la seule inexactitude de ce récit fantastique ; d'abord je n'ai jamais habité Lyon, je ne vois donc pas comment on m'y aurait connu pauvre ; quant à mon équipage à quatre chevaux, je regrette de dire qu'il se réduit aux rosses d'un fiacre que je prends à peine cinq ou six fois par an, par économie. Il est vrai qu'avant les chemins de fer, je fis plusieurs voyages en diligence : on a sans doute confondu. Mais j'oublie qu'à cette époque il n'était pas encore question de Spiritisme, et que c'est au Spiritisme que je dois, selon lui, mon immense fortune ; où donc a-t-on été pêcher tout cela, si ce n'est dans l'arsenal de la calomnie ? Cela paraîtra d'autant plus vraisemblable, si l'on songe à la nature de la population au milieu de laquelle on colporte ces bruits. On conviendra qu'il faut être bien à court de bonnes raisons pour en être réduit à d'aussi ridicules expédients pour discréditer le Spiritisme. M. l'abbé ne voit pas qu'il va droit contre son but, car, dire que le Spiritisme m'a enrichi à ce point, c'est avouer qu'il est immensément répandu ; donc, s'il est si répandu, c'est qu'il plaît. Ainsi, ce qu'il voudrait faire tourner contre l'homme, tournerait au profit du crédit de la doctrine. Faites donc croire, après cela, qu'une doctrine capable de procurer en quelques années des millions à son propagateur soit une utopie, une idée creuse ! Un tel résultat serait un vrai miracle, car il est sans exemple qu'une théorie philosophique ait jamais été une source de fortune. Généralement, comme pour les inventions, on y mange le peu qu'on a, et l'on verrait que c'est un peu le cas où je me trouve, si l'on savait tout ce que me coûte l'œuvre à laquelle je me suis voué et à laquelle je sacrifie en outre mon temps, mes veilles, mon repos et ma santé ; mais j'ai pour principe de garder pour moi ce que je fais, et de ne pas le crier sur les toits. Pour être impartial, M. l'abbé aurait dû mettre en parallèle les sommes que les communautés et les couvents soutirent des fidèles ; quant au Spiritisme, il mesure son influence sur le bien qu'il fait, le nombre des affligés qu'il console, et non sur l'argent qu'il rapporte.
Avec un train princier, il va sans dire qu'il faut une table à l'avenant ; que dirait donc M. l'abbé s'il voyait mes repas les plus somptueux, ceux où je reçois mes amis ? Il les trouverait bien maigres auprès du maigre de certains dignitaires de l'Eglise, qui les dédaigneraient probablement pour leur carême le plus austère. Je lui apprendrai donc, puisqu'il l'ignore, et afin de lui épargner la peine de m'amener sur le terrain de la comparaison, que le Spiritisme n'est point et ne peut être un moyen de s'enrichir ; qu'il répudie toute spéculation dont il pourrait être l'objet ; qu'il apprend à faire peu de cas du temporel, à se contenter du nécessaire et non à chercher les joies du superflu, qui ne sont pas le chemin du ciel ; que si tous les hommes étaient Spirites, ils ne s'envieraient, ne se jalouseraient et ne se dépouilleraient point les uns les autres ; ils ne médiraient pas de leur prochain, et ne le calomnieraient pas, parce qu'il enseigne cette maxime du Christ : Ne faites point à autrui ce que vous ne voudriez pas qu'on vous fît. C'est pour la mettre en pratique que je ne nomme pas en toutes lettres M. l'abbé V…
Le Spiritisme enseigne encore que la fortune est un dépôt dont il faudra rendre compte, et que le riche sera jugé selon l'emploi qu'il en aura fait. Si j'avais celle qu'on m'attribue, et si surtout je la devais au Spiritisme, je serais parjure à mes principes de l'employer à la satisfaction de l'orgueil et à la possession des jouissances mondaines, au lieu de la faire servir à la cause dont j'ai embrassé la défense.
Mais, dit-on, et vos ouvrages ? n'en avez-vous pas vendu chèrement les manuscrits ? Un instant ; c'est entrer ici dans le domaine privé, où je ne reconnais à personne le droit de s'immiscer : j'ai toujours fait honneur à mes affaires, n'importe au prix de quels sacrifices et de quelles privations ; je ne dois rien à personne, tandis que beaucoup me doivent, sans cela, j'aurais plus du double de ce qui me reste, ce qui fait qu'au lieu de monter l'échelle de la fortune, je l'ai descendue. Je ne dois donc compte de mes affaires à qui que ce soit, ce qu'il est bon de constater ; cependant, pour contenter un peu les curieux qui n'ont rien de mieux à faire que de se mêler de ce qui ne les regarde pas, je dirai que si j'avais vendu mes manuscrits, je n'aurais fait qu'user du droit qu'a tout ouvrier de vendre le produit de son travail ; mais je n'en ai vendu aucun : il en est même que j'ai donnés purement et simplement dans l'intérêt de la chose, et que l'on vend comme on veut sans qu'il m'en revienne un sou. Des manuscrits se vendent chèrement quand ce sont ceux d'ouvrages connus dont le débit est assuré d'avance, mais nulle part on ne trouve d'éditeurs assez complaisants pour payer à prix d'or des ouvrages dont le produit est hypothétique, alors qu'ils ne veulent pas même courir la chance des frais d'impression ; or, sous ce rapport, un ouvrage philosophique a cent fois moins de valeur que certains romans accolés de certains noms. Pour donner une idée de mes énormes bénéfices, je dirai que la première édition du Livre des Esprits, que j'ai entreprise à mon compte et à mes risques et périls, n'ayant pas trouvé d'éditeur qui ait voulu s'en charger, m'a rapporté net, tous frais faits, tous les exemplaires écoulés, tant vendus que donnés, environ cinq cents francs, ainsi que j'en puis justifier par des pièces authentiques ; je ne sais trop quel genre d'équipage on pourrait se procurer avec cela. Dans l'impossibilité où je me suis trouvé, n'ayant pas encore les millions en question, de faire par moi-même les frais de toutes mes publications, et surtout de m'occuper des relations nécessaires à la vente, j'ai cédé pour un temps le droit de publier, moyennant un droit d'auteur calculé à tant de centimes par exemplaire vendu ; de telle sorte que je suis totalement étranger au détail de la vente et aux trafics que les intermédiaires peuvent faire sur les remises faites par les éditeurs à leurs correspondants, trafics dont je décline la responsabilité, étant obligé, pour ce qui me concerne, de tenir compte aux éditeurs, à un prix de…, de tous les exemplaires que je prends chez eux, que je les vende, que je les donne ou qu'ils soient en non-valeurs.
Quant au produit qui peut me revenir sur la vente de mes ouvrages, je n'ai à m'expliquer ni sur le chiffre, ni sur l'emploi ; j'ai certes bien le droit d'en disposer comme bon me semble ; cependant on ne sait pas si ce produit n'a pas une destination déterminée dont il ne peut être détourné ; mais c'est ce qu'on saura plus tard ; car, s'il prenait un jour fantaisie à quelqu'un d'écrire mon histoire sur des données pareilles à celles qui sont relatées ci-dessus, il importerait que les faits fussent rétablis dans leur intégrité. C'est pourquoi je laisserai des mémoires circonstanciés sur toutes mes relations et toutes mes affaires, surtout en ce qui concerne le Spiritisme, afin d'épargner aux chroniqueurs futurs les bévues dans lesquelles ils tombent souvent sur la foi des ouï-dire des étourdis, des mauvaises langues, et des gens intéressés à altérer la vérité, auxquels je laisse le plaisir de déblatérer à leur aise, afin que plus tard leur mauvaise foi soit plus évidente.
Je m'en inquiéterais fort peu pour moi personnellement, si mon nom ne se trouvait pas désormais intimement lié à l'histoire du Spiritisme. Par mes relations, je possède naturellement sur ce sujet les documents les plus nombreux et les plus authentiques qui existent ; j'ai pu suivre la doctrine dans tous ses développements, en observer toutes les péripéties, comme j'en prévois les conséquences. Pour tout homme qui étudie ce mouvement, il est de la dernière évidence que le Spiritisme marquera une des phases de l'humanité ; il est donc nécessaire que l'on sache plus tard quelles vicissitudes il a eu à traverser, quels obstacles il a rencontrés, quels ennemis ont cherché à l'enrayer, de quelles armes on s'est servi pour le combattre ; il ne l'est pas moins qu'on sache par quels moyens il a pu triompher, et quelles sont les personnes qui, par leur zèle, leur dévouement, leur abnégation, auront efficacement concouru à sa propagation ; ceux dont les noms et les actes mériteront d'être signalés à la reconnaissance de la postérité, et que je me fais un devoir d'inscrire sur mes tablettes. Cette histoire, on le comprend, ne peut encore paraître de sitôt ; le Spiritisme vient à peine de naître, et les phases les plus intéressantes de son établissement ne sont pas encore accomplies. Il se pourrait d'ailleurs que, parmi les Saüls du Spiritisme d'aujourd'hui, il y eût plus tard des Saints Pauls ; espérons que nous n'aurons pas à enregistrer des Judas.
Telles sont, mon cher monsieur, les réflexions que m'ont suggérées les bruits étranges qui me sont revenus ; si je les ai relevés, ce n'est point pour les Spirites de votre ville, qui savent à quoi s'en tenir sur mon compte et qui ont pu juger, quand je suis allé les voir, s'il y avait en moi les goûts et les allures d'un grand seigneur. Je le fais donc pour ceux qui ne me connaissent pas et qui pourraient être induits en erreur par cette manière plus que légère de faire l'histoire. Si M. l'abbé V… tient à ne dire que la vérité, je suis prêt à lui fournir verbalement toutes les explications nécessaires pour l'éclairer.
Tout à vous.
ALLAN KARDEC
Société spirite de Vienne en Autriche
En annonçant qu'une édition allemande de notre
brochure : le Spiritisme à sa plus simple expression, était publiée à
Vienne, nous avons parlé de la Société spirite de cette ville. Nous recevons du
président de cette Société la lettre suivante :
« Monsieur Allan Kardec,
« La Société spirite de Vienne me charge de vous annoncer qu'elle vient de vous nommer son président d'honneur, et vous prie de vouloir bien accepter ce titre comme un signe de la haute et respectueuse estime qu'elle vous porte. Je n'ai pas besoin d'ajouter, monsieur, qu'en lui servant ici d'organe, je ne fais qu'obéir à l'impulsion de mon cœur, qui vous est tout dévoué.
« Permettez-moi, monsieur, d'ajouter, sans abuser de vos précieux moments, quelques mots relatifs à notre Société. Elle vient d'entrer dans sa troisième année, et bien que le nombre de ses membres soit encore restreint, je puis dire avec satisfaction que, dans le cercle privé où elle se meut encore, elle a fait proportionnellement beaucoup de bien, et j'ai l'espoir que lorsque le moment d'élargir son champ d'activité arrivera, elle produira des fruits plus abondants : c'est mon plus vif désir. L'année dernière, à l'occasion du premier anniversaire, notre Esprit protecteur me disait dans son profond et majestueux laconisme : Vous avez semé le bon grain, je vous bénis. Cette année il m'a dit : Voici, pour l'année qui va commencer, votre maxime : Avec Dieu et vers Dieu. L'année dernière, c'était une récompense pour le passé ; cette année, c'est un encouragement pour l'avenir ; aussi me préparé-je cette année à employer des moyens plus directs pour agir sur l'opinion publique. D'abord la traduction de votre excellente brochure n'aura pas manqué de préparer çà et là le terrain ; ensuite j'ai pensé à la publication d'un journal en langue allemande, comme le moyen le plus sûr de hâter le résultat. Les matériaux ne me manqueront pas, si, surtout, vous vouliez me permettre de puiser parfois aux trésors renfermés dans votre Revue, où toujours, bien entendu, je me ferai un devoir sacré d'indiquer la source des passages et des morceaux dont j'aurai donné la traduction. Enfin, pour couronner l'œuvre, je désirerais mettre à la portée des Allemands votre précieux et indispensable Livre des Esprits. Je viens donc, monsieur, sans craindre de vous importuner, parce que je suis persuadé que toute pensée du bien répond à votre pensée même, vous prier, si personne encore n'a obtenu cette faveur, de me permettre d'en donner la traduction en langue allemande.
« Je viens, monsieur, de vous exposer les projets que je médite pour donner chez nous une impulsion plus grande à la propagation du Spiritisme. Oserai-je m'adresser à votre bienveillante expérience pour en recevoir quelques avis salutaires qui, soyez-en persuadé, monsieur, seront d'un grand poids dans la décision que je prendrai ?
« Veuillez recevoir, etc.
« C. Delhez. »
Cette lettre est accompagnée du diplôme suivant :
SOCIÉTÉ SPIRITE, DITE DE LA CHARITÉ, DE VIENNE (AUTRICHE).
Séance anniversaire du 18 mai 1862.
« Au nom de Dieu tout-puissant et sous la protection de l'Esprit divin,
« La Société spirite de Vienne, voulant, à l'occasion de son deuxième anniversaire, témoigner à son aînée de Paris, dans la personne de son digne et courageux président, la déférence et la reconnaissance que lui inspirent ses constants efforts et ses précieux travaux pour la sainte cause du Spiritisme et le triomphe de la fraternité universelle, a, sur la proposition de son président, et avec l'approbation de ses conseillers spirituels, nommé par acclamation M. Allan Kardec, président de la Société des études spirites de Paris, au titre de PRESIDENT D'HONNEUR de la Société spirite, dite de la Charité, de Vienne en Autriche.
« Vienne, 19 mai 1862.
« Le Président,
« C. Delhez.
Sur l'invitation pressante qui nous en a été faite, nous avons cru devoir publier textuellement les deux pièces ci-dessus, comme un témoignage de notre profonde reconnaissance pour l'honneur que veulent bien nous faire nos frères spirites de Vienne, honneur auquel nous étions loin de nous attendre, et parce que nous y voyons un hommage rendu, non à notre personne, mais aux principes régénérateurs du Spiritisme. C'est une nouvelle preuve du crédit qu'ils acquièrent à l'étranger aussi bien qu'en France. En mettant de côté ce que ces lettres ont de personnellement flatteur pour nous, ce qui nous cause surtout une vive satisfaction, c'est de voir le but éminemment sérieux, religieux et humanitaire que se propose la Société spirite de Vienne, à laquelle notre concours et notre dévouement ne feront pas défaut. Nous pouvons en dire autant de toutes les sociétés qui se forment sur divers points, et qui acceptent sans restriction les principes du Livre des Esprits et du Livre des Médiums.
Parmi celles qui se sont organisées en dernier lieu, nous devons citer la Société africaine des études spirites, de Constantine, qui a bien voulu se placer sous notre patronage et celui de la Société de Paris, et qui compte déjà une quarantaine de membres. Nous aurons occasion d'en reparler avec plus de détails.
En présence de ce mouvement général et sans cesse croissant de l'opinion, les adversaires du Spiritisme comprendront-ils enfin que toute tentative pour l'arrêter serait inutile, et que ce qu'ils ont de mieux à faire est d'accepter ce que l'on peut désormais regarder comme un fait accompli ? L'arme du ridicule s'est épuisée en vains efforts, donc elle est impuissante ; la doctrine du diable, que l'on cherche à faire revivre en ce moment avec une sorte d'acharnement, sera-t-elle plus heureuse ? La réponse est tout entière dans l'effet quelle produit : elle fait rire. Il faudrait pour cela que ceux qui la propagent en fussent eux-mêmes bien convaincus ; or, nous pouvons pertinemment affirmer que, dans le nombre, il en est beaucoup qui n'y croient pas plus que nous. C'est un dernier coup de collier, qui aura pour résultat de hâter la propagation des nouvelles, d'abord parce qu'il aide à les faire connaître en piquant la curiosité, ensuite parce qu'il prouve la pénurie d'arguments vraiment sérieux.
« Monsieur Allan Kardec,
« La Société spirite de Vienne me charge de vous annoncer qu'elle vient de vous nommer son président d'honneur, et vous prie de vouloir bien accepter ce titre comme un signe de la haute et respectueuse estime qu'elle vous porte. Je n'ai pas besoin d'ajouter, monsieur, qu'en lui servant ici d'organe, je ne fais qu'obéir à l'impulsion de mon cœur, qui vous est tout dévoué.
« Permettez-moi, monsieur, d'ajouter, sans abuser de vos précieux moments, quelques mots relatifs à notre Société. Elle vient d'entrer dans sa troisième année, et bien que le nombre de ses membres soit encore restreint, je puis dire avec satisfaction que, dans le cercle privé où elle se meut encore, elle a fait proportionnellement beaucoup de bien, et j'ai l'espoir que lorsque le moment d'élargir son champ d'activité arrivera, elle produira des fruits plus abondants : c'est mon plus vif désir. L'année dernière, à l'occasion du premier anniversaire, notre Esprit protecteur me disait dans son profond et majestueux laconisme : Vous avez semé le bon grain, je vous bénis. Cette année il m'a dit : Voici, pour l'année qui va commencer, votre maxime : Avec Dieu et vers Dieu. L'année dernière, c'était une récompense pour le passé ; cette année, c'est un encouragement pour l'avenir ; aussi me préparé-je cette année à employer des moyens plus directs pour agir sur l'opinion publique. D'abord la traduction de votre excellente brochure n'aura pas manqué de préparer çà et là le terrain ; ensuite j'ai pensé à la publication d'un journal en langue allemande, comme le moyen le plus sûr de hâter le résultat. Les matériaux ne me manqueront pas, si, surtout, vous vouliez me permettre de puiser parfois aux trésors renfermés dans votre Revue, où toujours, bien entendu, je me ferai un devoir sacré d'indiquer la source des passages et des morceaux dont j'aurai donné la traduction. Enfin, pour couronner l'œuvre, je désirerais mettre à la portée des Allemands votre précieux et indispensable Livre des Esprits. Je viens donc, monsieur, sans craindre de vous importuner, parce que je suis persuadé que toute pensée du bien répond à votre pensée même, vous prier, si personne encore n'a obtenu cette faveur, de me permettre d'en donner la traduction en langue allemande.
« Je viens, monsieur, de vous exposer les projets que je médite pour donner chez nous une impulsion plus grande à la propagation du Spiritisme. Oserai-je m'adresser à votre bienveillante expérience pour en recevoir quelques avis salutaires qui, soyez-en persuadé, monsieur, seront d'un grand poids dans la décision que je prendrai ?
« Veuillez recevoir, etc.
« C. Delhez. »
Cette lettre est accompagnée du diplôme suivant :
SOCIÉTÉ SPIRITE, DITE DE LA CHARITÉ, DE VIENNE (AUTRICHE).
Séance anniversaire du 18 mai 1862.
« Au nom de Dieu tout-puissant et sous la protection de l'Esprit divin,
« La Société spirite de Vienne, voulant, à l'occasion de son deuxième anniversaire, témoigner à son aînée de Paris, dans la personne de son digne et courageux président, la déférence et la reconnaissance que lui inspirent ses constants efforts et ses précieux travaux pour la sainte cause du Spiritisme et le triomphe de la fraternité universelle, a, sur la proposition de son président, et avec l'approbation de ses conseillers spirituels, nommé par acclamation M. Allan Kardec, président de la Société des études spirites de Paris, au titre de PRESIDENT D'HONNEUR de la Société spirite, dite de la Charité, de Vienne en Autriche.
« Vienne, 19 mai 1862.
« Le Président,
« C. Delhez.
Sur l'invitation pressante qui nous en a été faite, nous avons cru devoir publier textuellement les deux pièces ci-dessus, comme un témoignage de notre profonde reconnaissance pour l'honneur que veulent bien nous faire nos frères spirites de Vienne, honneur auquel nous étions loin de nous attendre, et parce que nous y voyons un hommage rendu, non à notre personne, mais aux principes régénérateurs du Spiritisme. C'est une nouvelle preuve du crédit qu'ils acquièrent à l'étranger aussi bien qu'en France. En mettant de côté ce que ces lettres ont de personnellement flatteur pour nous, ce qui nous cause surtout une vive satisfaction, c'est de voir le but éminemment sérieux, religieux et humanitaire que se propose la Société spirite de Vienne, à laquelle notre concours et notre dévouement ne feront pas défaut. Nous pouvons en dire autant de toutes les sociétés qui se forment sur divers points, et qui acceptent sans restriction les principes du Livre des Esprits et du Livre des Médiums.
Parmi celles qui se sont organisées en dernier lieu, nous devons citer la Société africaine des études spirites, de Constantine, qui a bien voulu se placer sous notre patronage et celui de la Société de Paris, et qui compte déjà une quarantaine de membres. Nous aurons occasion d'en reparler avec plus de détails.
En présence de ce mouvement général et sans cesse croissant de l'opinion, les adversaires du Spiritisme comprendront-ils enfin que toute tentative pour l'arrêter serait inutile, et que ce qu'ils ont de mieux à faire est d'accepter ce que l'on peut désormais regarder comme un fait accompli ? L'arme du ridicule s'est épuisée en vains efforts, donc elle est impuissante ; la doctrine du diable, que l'on cherche à faire revivre en ce moment avec une sorte d'acharnement, sera-t-elle plus heureuse ? La réponse est tout entière dans l'effet quelle produit : elle fait rire. Il faudrait pour cela que ceux qui la propagent en fussent eux-mêmes bien convaincus ; or, nous pouvons pertinemment affirmer que, dans le nombre, il en est beaucoup qui n'y croient pas plus que nous. C'est un dernier coup de collier, qui aura pour résultat de hâter la propagation des nouvelles, d'abord parce qu'il aide à les faire connaître en piquant la curiosité, ensuite parce qu'il prouve la pénurie d'arguments vraiment sérieux.
Principe vital des Sociétés spirites
Monsieur,
Je vois, dans la Revue spirite du mois d'avril 1862, une communication signée Gérard de Codemberg, où je remarque le passage suivant : « N'ayez nul souci des frères qui s'éloignent de vos croyances ; faites, au contraire, de manière qu'ils ne soient plus mêlés au troupeau des vrais croyants, car ce sont des brebis galeuses, et vous devez vous garder de la contagion. »
J'ai trouvé que cette manière de voir, au sujet des brebis galeuses, était peu chrétienne, encore moins spirite, et tout à fait en dehors de cette charité envers tous que prêchent les Esprits. N'avoir nul souci des frères qui s'éloignent, et se garder de leur contagion, ce n'est pas le moyen de les ramener. Il me semble que, jusqu'à présent, nos bons guides spirituels ont montré plus de mansuétude. Ce Gérard de Codemberg est-il un bon Esprit ? Si c'est lui, j'en doute. Veuillez me pardonner cette espèce de contrôle que je viens de faire, mais il a un but sérieux. Une dame de mes amies, spirite novice, vient de parcourir cette livraison et s'est arrêtée à ces quelques lignes, n'y trouvant pas la charité qu'elle a remarquée jusqu'à présent dans les communications. J'ai consulté mon guide à cet égard, et voici ce qu'il m'a répondu : « Non, ma fille, un Esprit élevé ne se sert pas d'expressions semblables ; laissez aux Esprits incarnés l'âpreté du langage, et reconnaissez toujours la valeur des communications à la valeur des mots, et surtout à la valeur des pensées. »
(Suit une communication d'un Esprit qui est censé avoir pris la place de Gérard de Codemberg.)
Où est la vérité ? Vous seul pourriez le savoir.
Recevez, etc.
E. Collignon.
Réponse. - Rien, dans Gérard de Codemberg, ne prouve que ce soit un Esprit très avancé ; l'ouvrage qu'il a publié sous l'empire d'une obsession évidente et dont il convient lui-même le démontre suffisamment ; un Esprit tant soit peu supérieur n'aurait pu se méprendre à ce point sur la valeur des révélations qu'il a obtenues de son vivant, comme médium, ni accepter comme sublimes des choses évidemment absurdes. S'ensuit-il que ce soit un mauvais Esprit ? Assurément non ; sa conduite pendant sa vie et son langage après sa mort en sont la preuve ; il est dans la catégorie nombreuse des Esprits intelligents, bons, mais pas assez supérieurs pour dominer les Esprits obsesseurs qui l'ont abusé, puisqu'il n'a pas su les reconnaître.
Voilà pour ce qui concerne l'Esprit. La question n'est pas de savoir s'il est plus ou moins avancé, mais si le conseil qu'il donne est bon ou mauvais ; or, je maintiens qu'il n'y a pas de réunion spirite sérieuse possible sans homogénéité. Partout où il y a divergence d'opinion, il y a tendance à faire prévaloir la sienne, désir d'imposer ses idées ou sa volonté ; de là discussions, dissensions, puis dissolution : cela est inévitable, et c'est ce qui a lieu dans toutes les sociétés, quel qu'en soit l'objet, où chacun veut marcher dans des voies différentes. Ce qui est nécessaire dans les autres réunions l'est plus encore dans les réunions spirites sérieuses, où la première condition est le calme et le recueillement, qui sont impossibles avec des discussions qui font perdre le temps en choses inutiles ; c'est alors que les bons Esprits s'en vont et laissent le champ libre aux Esprits brouillons. Voilà pourquoi les petits comités sont préférables ; l'homogénéité de principes, de goûts, de caractères et d'habitude, condition essentielle de la bonne harmonie, y est bien plus facile à obtenir que dans les grandes assemblées.
Ce que Gérard de Codemberg appelle brebis galeuses, ce ne sont pas les personnes qui cherchent de bonne foi à s'éclairer sur les difficultés de la science ou sur ce qu'elles ne comprennent pas, par une discussion paisible, modérée et convenable, mais celles qui viennent avec un parti pris d'opposition systématique, qui soulèvent à tort et à travers des discussions inopportunes de nature à troubler les travaux. Quand l'Esprit dit qu'il faut les éloigner, il a raison, parce que l'existence de la réunion y est attachée ; il a encore raison de dire qu'il n'en faut prendre nul souci, parce que leur opinion personnelle, si elle est fausse, n'empêchera pas la vérité de prévaloir ; le sens de ce mot est qu'il ne faut pas s'inquiéter de leur opposition. En second lieu, si celui qui a une manière de voir différente la trouve meilleure que celle des autres, si elle le satisfait, s'il s'y obstine, pourquoi le contrarier ? Le Spiritisme ne doit pas s'imposer ; il doit être accepté librement et de bonne volonté ; il ne veut aucune conversion par la contrainte. L'expérience, d'ailleurs, est là pour prouver que ce n'est pas en insistant qu'on lui fera changer d'avis. Avec celui qui cherche de bonne foi la lumière, il faut être tout dévouement, il ne faut rien épargner : c'est du zèle bien employé et fructueux ; avec celui qui ne la veut pas ou qui croit l'avoir, c'est perdre son temps et semer sur des pierres. L'expression nul souci peut donc s'entendre en ce sens qu'il ne faut ni le tourmenter ni faire violence à ses convictions ; agir ainsi, ce n'est point manquer de charité. Espère-t-on le ramener à des idées plus saines ? Qu'on le fasse en particulier, par la persuasion, soit ; mais s'il doit être une cause de trouble pour la réunion, le conserver ne serait point faire preuve de charité envers lui, puisque cela ne lui servirait à rien, tandis que ce serait faire tort à tous les autres.
L'Esprit de Girard de Codemberg dit carrément et peut-être un peu crûment son opinion, sans précautions oratoires, comptant sans doute sur le bon sens de ceux à qui il s'adresse pour la mitiger dans l'application, en observant ce que prescrivent à la fois l'urbanité et les convenances ; mais, sauf la forme du langage, le fond de la pensée est identique avec ce qui se trouve dans la communication rapportée ci-après, sous le titre de : le Spiritisme philosophique, obtenue par la personne même qui a soulevé la question ; on y lit ce qui suit : « Examinez bien autour de vous s'il n'y a pas de faux frères, de curieux, d'incrédules. S'il s'en trouve, priez-les, avec douceur, avec charité, de se retirer. S'ils résistent, contentez-vous de prier avec ferveur le Seigneur de les éclairer, et une autre fois ne les admettez pas à vos travaux. Ne recevez parmi vous que les hommes simples qui veulent chercher la vérité et le progrès. » C'est-à-dire, en d'autres termes, débarrassez-vous poliment de ceux qui vous entravent.
Dans les réunions libres, où l'on est maître de recevoir qui l'on veut, cela est plus facile que dans les sociétés constituées, où les membres sont liés et ont voix au chapitre. On ne saurait donc prendre trop de précautions si l'on ne veut pas être contrecarré. Le système des associés libres, adopté par la Société de Paris, est le plus propre à prévenir les inconvénients, en ce qu'il n'admet les candidats qu'à titre provisoire, et sans voix délibérative dans les affaires de la Société, pendant un temps qui leur permet de faire apprécier leur zèle, leur dévouement et leur esprit conciliant. L'essentiel est de former un noyau de fondateurs titulaires, unis par une parfaite communauté de vues, d'opinions et de sentiments, et d'établir des règles précises auxquelles devront forcément se soumettre ceux qui voudront, plus tard, s'y réunir. Nous renvoyons à cet égard au règlement de la Société de Paris et aux instructions que nous avons données sur ce sujet. Notre plus cher désir est de voir l'union et l'harmonie régner parmi les groupes et sociétés qui se forment de toutes parts ; c'est pourquoi nous nous ferons toujours un devoir d'aider des conseils de notre expérience ceux qui croiront devoir en profiter. Nous nous bornerons à leur dire pour l'instant : Sans homogénéité, point d'union sympathique entre les membres, point de relations affectueuses ; sans union, point de stabilité ; sans stabilité, point de calme ; sans calme, point de travaux sérieux ; d'où nous concluons que l'homogénéité est le principe vital de toute société ou réunion spirite. C'est ce qu'ont dit avec raison Girard de Codemberg et Bernardin ; quant à l'Esprit qui s'est donné pour le subsitut du premier, sa communication a tous les caractères d'une communication apocryphe.
Enseignements et dissertations spirites
Le Spiritisme philosophique
(Bordeaux ; 4 avril 1862. ‑ Médium, madame Collignon.)
Nous avons parlé, mes amis, du Spiritisme sous le point de vue religieux ; maintenant qu'il est bien établi que ce n'est point une religion nouvelle, mais la consécration de cette religion universelle dont Christ a posé les bases, et qu'il vient aujourd'hui amener au couronnement, nous allons envisager le Spiritisme sous le point de vue moral et philosophique.
Expliquons-nous d'abord sur le sens exact du mot philosophie. La philosophie n'est pas une négation des lois établies de la Divinité, de la religion. Loin de là ; la philosophie est la recherche de ce qui est sage ; de ce qui est le plus exactement raisonnable ; et qu'est-ce qui peut être plus sage, plus raisonnable que l'amour et la reconnaissance que l'on doit à son Créateur, et, par conséquent, le culte, quel qu'il soit, qui peut servir à lui prouver cette reconnaissance et cet amour ? La religion, et tout ce qui peut vous y porter, est donc une philosophie, car c'est une sagesse de l'homme qui s'y soumet avec joie et docilité. Ceci posé, voyons ce que vous pouvez tirer du Spiritisme mis sérieusement en pratique.
Quel est le but où tendent tous les hommes, dans quelque position qu'ils se trouvent ? l'amélioration de leur position présente ; or, pour atteindre ce but, ils courent, de tous côtés, se fourvoyant pour la plupart, parce qu'aveuglés par leur orgueil, entraînés par leur ambition, ils ne voient pas la route unique qui peut amener cette amélioration ; ils la cherchent dans la satisfaction de leur orgueil, de leurs instincts brutaux, de leur ambition, tandis qu'ils ne peuvent la trouver que dans l'amour et la soumission dus au Créateur.
Le Spiritisme vient donc dire aux hommes : Quittez ces sentiers ténébreux remplis de précipices, entourés d'épines et de ronces, et entrez dans le chemin qui mène au bonheur que vous rêvez. Soyez sages pour être heureux ; comprenez, mes amis, que les biens de la terre ne sont, pour les hommes, que des embûches dont ils doivent se garantir ; ce sont les écueils qu'ils doivent éviter ; c'est pourquoi le Seigneur a permis qu'on vous laissât enfin voir la lumière de ce phare qui doit vous conduire au port. Les douleurs et les maux que vous endurez avec impatience et révolte sont le fer rouge que le chirurgien applique sur la plaie béante, afin d'empêcher la gangrène de perdre tout le corps. Votre corps, mes amis, qu'est-ce que cela pour un Spirite ? que doit-il sauver ? que doit-il préserver de la contagion ? que doit-il cicatriser par tous les moyens possibles, si ce n'est la plaie qui ronge son Esprit, l'infirmité qui l'entrave et l'empêche de s'élancer radieux vers son Créateur ?
Ramenez toujours vos yeux sur cette pensée philosophique, c'est-à-dire pleine de sagesse : Nous sommes une essence créée pure, mais déchue ; nous appartenons à une patrie où tout est pureté ; coupables, nous avons été exilés pour un temps, mais pour un temps seulement ; employons donc toutes nos forces, toute notre énergie à diminuer ce temps d'exil ; efforçons-nous, par tous les moyens que le Seigneur a mis en notre pouvoir, de reconquérir cette patrie perdue et d'abréger le temps de l'absence. (Voy. n° de janvier 1862 : Doctrine des anges déchus.)
Comprenez bien que votre sort futur est entre vos mains ; que la durée de vos épreuves dépend entièrement de vous ; que le martyr a toujours droit à une palme, et qu'il ne s'agit pas pour être martyr d'aller, comme les premiers chrétiens, servir de pâture aux animaux féroces. Soyez martyrs de vous-mêmes ; brisez, broyez en vous tous les instincts charnels qui se révoltent contre l'Esprit ; étudiez avec soin vos penchants, vos goûts, vos idées ; méfiez-vous de tous ceux que votre conscience réprouve. Si bas qu'elle vous parle, car elle a pu être repoussée souvent, si bas qu'elle vous parle, cette voix de votre protecteur vous dira d'éviter ce qui peut vous nuire. De tout temps, la voix de votre ange gardien vous a parlé, mais combien ont été sourds ! Aujourd'hui, mes amis, le Spiritisme vient vous expliquer la cause de cette voix intime ; il vient vous dire positivement, vous montrer, vous faire toucher au doigt ce que vous pouvez espérer si vous l'écoutez docilement ; ce que vous devez craindre si vous la rejetez.
Voilà, mes amis, pour l'homme en général, le côté philosophique : c'est de vous apprendre à vous sauver, vous-mêmes, N'y cherchez pas, mes enfants, comme le font les ignorants, des distractions matérielles, des satisfactions de curiosité. N'allez pas, sous le moindre prétexte, appeler à vous des Esprits dont vous n'avez nul besoin ; contentez-vous de vous remettre toujours aux soins et à l'amour de vos guides spirituels ; eux ne vous manqueront jamais. Quand, réunis dans un but commun : l'amélioration de votre humanité, vous élevez vos cœurs vers le Seigneur, que ce soit pour lui demander ses bénédictions et l'assistance des bons Esprits auxquels il vous a confiés. Examinez bien autour de vous s'il n'y a pas de faux frères, de curieux, d'incrédules. S'il s'en trouve, priez-les, avec douceur, avec charité, de se retirer. S'ils résistent, contentez-vous de prier avec ferveur le Seigneur de les éclairer, et une autre fois ne les admettez pas à vos travaux. Ne recevez parmi vous que les hommes simples qui veulent chercher la vérité et le progrès. Quand vous êtes sûrs des frères qui se trouvent réunis en présence du Seigneur, appelez à vous vos guides et demandez-leur des instructions ; ils vous en donneront toujours de proportionnées à vos besoins, à votre intelligence ; mais ne cherchez pas à satisfaire la curiosité de la plupart de ceux qui demandent des évocations. Presque toujours ils s'en vont moins convaincus et plus prêts à la raillerie.
Que ceux qui veulent évoquer leurs parents, leurs amis, ne le fassent jamais que dans un but d'utilité et de charité ; c'est une action sérieuse, très sérieuse, que d'appeler à soi les Esprits qui errent autour de vous. Si vous n'y apportez pas la foi et le recueillement nécessaires, les Esprits méchants se présenteront à la place de ceux que vous attendez, vous tromperont, vous feront tomber dans de profondes erreurs et vous entraîneront quelquefois dans des chutes terribles !
N'oubliez donc pas, mes amis, que le Spiritisme sous le point de vue religieux n'est que la confirmation du christianisme, parce que le christianisme rentre tout entier dans ces mots : Aimer le Seigneur par-dessus toutes choses, et le prochain comme soi-même.
Sous le point de vue philosophique, c'est la ligne de conduite droite et sage qui doit vous amener au bonheur que tous vous ambitionnez, et cette ligne vous est tracée en partant d'un point sûr, démontré : l'immortalité de l'âme, pour arriver à un autre point qu'aucun ne peut nier : Dieu !
Voilà, mes amis, ce que j'ai à vous dire pour aujourd'hui. A bientôt la suite de nos causeries intimes.
Bernardin.
Remarque. Cette communication fait partie d'une série de dictées, sous le titre de : Le Spiritisme pour tous, toutes empreintes du même cachet de profondeur et de simplicité paternelle. Ne pouvant toutes être publiées dans la Revue, elles feront partie des recueils spéciaux que nous préparons. Il en est de même de celles qui nous sont adressées par les autres médiums de Bordeaux et d'autres villes. Mais autant ces publications seront utiles si elles sont faites avec ordre et méthode, autant elles pourraient produire un effet contraire, si elles l'étaient sans discernement et sans choix. Il est telle communication excellente pour l'intimité, qui serait déplacée, si elle était rendue publique. Il en est qui, pour être comprises et ne pas donner lieu à de fausses interprétations, ont besoin de commentaires et de développements. Dans les communications, il faut souvent faire la part de l'opinion personnelle de l'Esprit qui parle et qui, s'il n'est pas très avancé, peut se former sur les hommes et les choses des idées, des systèmes qui ne sont pas toujours justes. Ces idées fausses publiées sans correctifs, ne peuvent que jeter du discrédit sur le Spiritisme, fournir des armes à ses ennemis, et semer le doute et l'incertitude chez les novices. Avec des commentaires et des explications donnés à propos, le mal même peut quelquefois devenir instructif ; sans cela on pourrait rendre la doctrine responsable de toutes les utopies débitées par certains Esprits plus orgueilleux que logiciens. Si le Spiritisme pouvait être retardé dans sa marche, ce ne serait pas par les attaques ouvertes de ses ennemis déclarés, mais par le zèle irréfléchi d'amis imprudents. Il ne s'agit donc pas de faire des recueils indigestes où tout se trouve entassé pêle-mêle et dont le moindre inconvénient serait d'ennuyer le lecteur ; il faut éviter avec soin tout ce qui pourrait fausser l'opinion sur le Spiritisme ; or, tout cela exige un travail qui justifie le retard apporté à ces publications.
(Bordeaux ; 4 avril 1862. ‑ Médium, madame Collignon.)
Nous avons parlé, mes amis, du Spiritisme sous le point de vue religieux ; maintenant qu'il est bien établi que ce n'est point une religion nouvelle, mais la consécration de cette religion universelle dont Christ a posé les bases, et qu'il vient aujourd'hui amener au couronnement, nous allons envisager le Spiritisme sous le point de vue moral et philosophique.
Expliquons-nous d'abord sur le sens exact du mot philosophie. La philosophie n'est pas une négation des lois établies de la Divinité, de la religion. Loin de là ; la philosophie est la recherche de ce qui est sage ; de ce qui est le plus exactement raisonnable ; et qu'est-ce qui peut être plus sage, plus raisonnable que l'amour et la reconnaissance que l'on doit à son Créateur, et, par conséquent, le culte, quel qu'il soit, qui peut servir à lui prouver cette reconnaissance et cet amour ? La religion, et tout ce qui peut vous y porter, est donc une philosophie, car c'est une sagesse de l'homme qui s'y soumet avec joie et docilité. Ceci posé, voyons ce que vous pouvez tirer du Spiritisme mis sérieusement en pratique.
Quel est le but où tendent tous les hommes, dans quelque position qu'ils se trouvent ? l'amélioration de leur position présente ; or, pour atteindre ce but, ils courent, de tous côtés, se fourvoyant pour la plupart, parce qu'aveuglés par leur orgueil, entraînés par leur ambition, ils ne voient pas la route unique qui peut amener cette amélioration ; ils la cherchent dans la satisfaction de leur orgueil, de leurs instincts brutaux, de leur ambition, tandis qu'ils ne peuvent la trouver que dans l'amour et la soumission dus au Créateur.
Le Spiritisme vient donc dire aux hommes : Quittez ces sentiers ténébreux remplis de précipices, entourés d'épines et de ronces, et entrez dans le chemin qui mène au bonheur que vous rêvez. Soyez sages pour être heureux ; comprenez, mes amis, que les biens de la terre ne sont, pour les hommes, que des embûches dont ils doivent se garantir ; ce sont les écueils qu'ils doivent éviter ; c'est pourquoi le Seigneur a permis qu'on vous laissât enfin voir la lumière de ce phare qui doit vous conduire au port. Les douleurs et les maux que vous endurez avec impatience et révolte sont le fer rouge que le chirurgien applique sur la plaie béante, afin d'empêcher la gangrène de perdre tout le corps. Votre corps, mes amis, qu'est-ce que cela pour un Spirite ? que doit-il sauver ? que doit-il préserver de la contagion ? que doit-il cicatriser par tous les moyens possibles, si ce n'est la plaie qui ronge son Esprit, l'infirmité qui l'entrave et l'empêche de s'élancer radieux vers son Créateur ?
Ramenez toujours vos yeux sur cette pensée philosophique, c'est-à-dire pleine de sagesse : Nous sommes une essence créée pure, mais déchue ; nous appartenons à une patrie où tout est pureté ; coupables, nous avons été exilés pour un temps, mais pour un temps seulement ; employons donc toutes nos forces, toute notre énergie à diminuer ce temps d'exil ; efforçons-nous, par tous les moyens que le Seigneur a mis en notre pouvoir, de reconquérir cette patrie perdue et d'abréger le temps de l'absence. (Voy. n° de janvier 1862 : Doctrine des anges déchus.)
Comprenez bien que votre sort futur est entre vos mains ; que la durée de vos épreuves dépend entièrement de vous ; que le martyr a toujours droit à une palme, et qu'il ne s'agit pas pour être martyr d'aller, comme les premiers chrétiens, servir de pâture aux animaux féroces. Soyez martyrs de vous-mêmes ; brisez, broyez en vous tous les instincts charnels qui se révoltent contre l'Esprit ; étudiez avec soin vos penchants, vos goûts, vos idées ; méfiez-vous de tous ceux que votre conscience réprouve. Si bas qu'elle vous parle, car elle a pu être repoussée souvent, si bas qu'elle vous parle, cette voix de votre protecteur vous dira d'éviter ce qui peut vous nuire. De tout temps, la voix de votre ange gardien vous a parlé, mais combien ont été sourds ! Aujourd'hui, mes amis, le Spiritisme vient vous expliquer la cause de cette voix intime ; il vient vous dire positivement, vous montrer, vous faire toucher au doigt ce que vous pouvez espérer si vous l'écoutez docilement ; ce que vous devez craindre si vous la rejetez.
Voilà, mes amis, pour l'homme en général, le côté philosophique : c'est de vous apprendre à vous sauver, vous-mêmes, N'y cherchez pas, mes enfants, comme le font les ignorants, des distractions matérielles, des satisfactions de curiosité. N'allez pas, sous le moindre prétexte, appeler à vous des Esprits dont vous n'avez nul besoin ; contentez-vous de vous remettre toujours aux soins et à l'amour de vos guides spirituels ; eux ne vous manqueront jamais. Quand, réunis dans un but commun : l'amélioration de votre humanité, vous élevez vos cœurs vers le Seigneur, que ce soit pour lui demander ses bénédictions et l'assistance des bons Esprits auxquels il vous a confiés. Examinez bien autour de vous s'il n'y a pas de faux frères, de curieux, d'incrédules. S'il s'en trouve, priez-les, avec douceur, avec charité, de se retirer. S'ils résistent, contentez-vous de prier avec ferveur le Seigneur de les éclairer, et une autre fois ne les admettez pas à vos travaux. Ne recevez parmi vous que les hommes simples qui veulent chercher la vérité et le progrès. Quand vous êtes sûrs des frères qui se trouvent réunis en présence du Seigneur, appelez à vous vos guides et demandez-leur des instructions ; ils vous en donneront toujours de proportionnées à vos besoins, à votre intelligence ; mais ne cherchez pas à satisfaire la curiosité de la plupart de ceux qui demandent des évocations. Presque toujours ils s'en vont moins convaincus et plus prêts à la raillerie.
Que ceux qui veulent évoquer leurs parents, leurs amis, ne le fassent jamais que dans un but d'utilité et de charité ; c'est une action sérieuse, très sérieuse, que d'appeler à soi les Esprits qui errent autour de vous. Si vous n'y apportez pas la foi et le recueillement nécessaires, les Esprits méchants se présenteront à la place de ceux que vous attendez, vous tromperont, vous feront tomber dans de profondes erreurs et vous entraîneront quelquefois dans des chutes terribles !
N'oubliez donc pas, mes amis, que le Spiritisme sous le point de vue religieux n'est que la confirmation du christianisme, parce que le christianisme rentre tout entier dans ces mots : Aimer le Seigneur par-dessus toutes choses, et le prochain comme soi-même.
Sous le point de vue philosophique, c'est la ligne de conduite droite et sage qui doit vous amener au bonheur que tous vous ambitionnez, et cette ligne vous est tracée en partant d'un point sûr, démontré : l'immortalité de l'âme, pour arriver à un autre point qu'aucun ne peut nier : Dieu !
Voilà, mes amis, ce que j'ai à vous dire pour aujourd'hui. A bientôt la suite de nos causeries intimes.
Bernardin.
Remarque. Cette communication fait partie d'une série de dictées, sous le titre de : Le Spiritisme pour tous, toutes empreintes du même cachet de profondeur et de simplicité paternelle. Ne pouvant toutes être publiées dans la Revue, elles feront partie des recueils spéciaux que nous préparons. Il en est de même de celles qui nous sont adressées par les autres médiums de Bordeaux et d'autres villes. Mais autant ces publications seront utiles si elles sont faites avec ordre et méthode, autant elles pourraient produire un effet contraire, si elles l'étaient sans discernement et sans choix. Il est telle communication excellente pour l'intimité, qui serait déplacée, si elle était rendue publique. Il en est qui, pour être comprises et ne pas donner lieu à de fausses interprétations, ont besoin de commentaires et de développements. Dans les communications, il faut souvent faire la part de l'opinion personnelle de l'Esprit qui parle et qui, s'il n'est pas très avancé, peut se former sur les hommes et les choses des idées, des systèmes qui ne sont pas toujours justes. Ces idées fausses publiées sans correctifs, ne peuvent que jeter du discrédit sur le Spiritisme, fournir des armes à ses ennemis, et semer le doute et l'incertitude chez les novices. Avec des commentaires et des explications donnés à propos, le mal même peut quelquefois devenir instructif ; sans cela on pourrait rendre la doctrine responsable de toutes les utopies débitées par certains Esprits plus orgueilleux que logiciens. Si le Spiritisme pouvait être retardé dans sa marche, ce ne serait pas par les attaques ouvertes de ses ennemis déclarés, mais par le zèle irréfléchi d'amis imprudents. Il ne s'agit donc pas de faire des recueils indigestes où tout se trouve entassé pêle-mêle et dont le moindre inconvénient serait d'ennuyer le lecteur ; il faut éviter avec soin tout ce qui pourrait fausser l'opinion sur le Spiritisme ; or, tout cela exige un travail qui justifie le retard apporté à ces publications.
Un Spirite apocryphe en Russie
Le
prince D… K… nous envoie de Russie un prospectus en langue russe,
commençant par cette phrase : « Obouan Bruné, célèbre magicien,
magnétiseur, membre de la Société spirite de Paris, aura l'honneur de
donner, comme il l'a déjà annoncé, une soirée fantastique au théâtre de
cette ville, le 17 avril 1862. » Suit une longue liste des tours
d'escamotage que ledit Bruné se propose de faire. Nous pensons que le
bon sens des nombreux adeptes que le Spiritisme compte en Russie aura
fait justice de cette grossière imposture. La Société spirite de Paris
ne connaît point cet individu, qui, en France, eût été poursuivi devant
les tribunaux pour s'être donné une fausse qualité.
Allan Kardec
Allan Kardec