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REVUE SPIRITE JOURNAL D'ETUDES PSYCHOLOGIQUES - 1862 > Août
Août
Conférences de M. TrousseauProfesseur à la faculté de médecine Faites à l'association polytechnique pour l'enseignement gratuit des ouvriers, les 18 et 25 mai 1862 (broch. in-8°).
Si l'on a inutilement usé les cornes du diable pour
renverser le Spiritisme, voici du renfort qui arrive aux adversaires :
c'est M. le docteur Trousseau qui vient donner le coup de grâce aux Esprits.
Malheureusement, si M. Trousseau ne croit pas aux Esprits, il ne croit guère
plus au diable ; mais peu importe l'auxiliaire pourvu qu'il batte l'ennemi.
Ce nouveau champion va sans doute dire à ce sujet le dernier mot de la
science ; c'est le moins qu'on puisse attendre d'un homme si haut placé
par son savoir. En attaquant les idées nouvelles, il ne voudra pas laisser un
argument sans réplique ; il ne voudra pas qu'on puisse l'accuser de parler
d'une chose qu'il ne connaît pas ; il va sans doute prendre un à un tous
les phénomènes, les scruter, les analyser, les commenter, les expliquer, les
démolir, en démontrant par a plus b que ce sont des illusions. Ah !
Spirites, tenons ferme ! Si M.Trousseau n'était pas un savant ou
n'était qu'un demi-savant, il pourrait bien oublier quelque chose ; mais
un savant entier ne voudra pas laisser la besogne à moitié faite ; en
général habile, il voudra la victoire complète. Ecoutons et tremblons !
Après une tirade sur les gens qui se laissent prendre à l'amorce il s'exprime ainsi :
« C'est que vraiment les gens capables de juger en quoi que ce soit ne sont pas les plus nombreux. M. de Sartines voulait envoyer au Fort-l'Évêque un charlatan qui débitait son orviétan sur le Pont-Neuf et faisait de belles affaires. Il le fit venir et lui dit : « Maraud, comment fais-tu pour attirer tant de monde et gagner tant d'argent ? » L'homme répondit : « Monseigneur, combien croyez-vous qu'il passe de gens sur le Pont-Neuf chaque jour ? ‑ Je ne sais pas. ‑ Je vais vous le dire : dix mille à peu près. Combien pensez-vous qu'il y ait de gens d'esprit dans ce nombre ? ‑ Oh ! oh ! cent peut-être, dit M. de Sartines. ‑ C'est beaucoup, mais je vous les laisse, et je prends les neuf mille neuf cents autres pour moi. »
« Le charlatan était trop modeste, et M. de Sartines trop sévère pour la population parisienne. A coup sûr plus de cent personnes intelligentes traversaient le Pont-Neuf, et les plus intelligentes peut-être s'arrêtaient devant les tréteaux du marchand d'orviétan avec autant de confiance que la foule ; car, messieurs, je dirai que les classes élevées subissent l'influence du charlatanisme.
« Parmi nos sociétés savantes, je citerai l'Institut ; je citerai la section de l'Académie des sciences qui renferme assurément l'élite des savants de notre pays ; de ces savants, il s'en trouve bien vingt qui s'adressent aux charlatans. »
Preuve évidente de la grande confiance qu'ils ont dans le savoir de leurs confrères, puisqu'ils leur préfèrent des charlatans.
« Ce sont gens de grand mérite, il est vrai ; seulement, de ce qu'ils sont des mathématiciens, des chimistes ou des naturalistes éminents, ils en concluent qu'ils sont très forts médecins, et alors ils se croient parfaitement capables de juger les choses qu'ils ignorent complètement. »
Si cela prouve en faveur de leur science, cela ne prouve guère en faveur de leur modestie et de leur jugement. On a lancé force traits satiriques contre les savants de l'Institut : nous n'en connaissons pas de plus mordant. Il est donc probable que le professeur, joignant l'exemple au précepte, ne parlera que de ce qu'il sait.
« Chez nous, nous avons quelquefois cette modestie que, quand nous ne sommes que médecins, si l'on nous propose de grands théorèmes de mathématiques ou de mécanique, nous avouons que nous ne savons pas, nous déclinons notre compétence ; mais les vrais savants ne déclinent jamais leur compétence en rien, surtout en ce qui regarde la médecine. »
Puisque les médecins déclinent leur compétence sur ce qu'ils ne savent pas, cela nous est une garantie que M. Trousseau ne traiterait pas, dans une leçon publique surtout, les questions qui se rattachent à la psychologie, sans être profondément versé sur ces matières. Ces connaissances lui fourniront sans doute des arguments irrésistibles pour appuyer son jugement.
« Les empiriques, chose triste à dire, ont toujours beaucoup d'accès auprès des gens d'esprit. J'ai eu l'extrême honneur d'être l'ami intime de l'illustre Béranger.
« En 1848, il avait une petite ophtalmie pour laquelle Mr. Bretonneau lui avait conseillé un collyre. Cette ophtalmie guérit ; mais, comme Béranger lisait et travaillait beaucoup, comme il était un peu dartreux, l'ophthalmie revint ; alors il s'adressa à un prêtre polonais qui guérissait les maladies des yeux avec un remède secret. A cette époque-là, j'étais président, à la Faculté, du jury chargé des examens des officiers de santé. Comme le prêtre polonais avait eu maille à partir avec la police, parce qu'il avait crevé quelques yeux, il voulut se mettre en règle. Dans ce but, il alla trouver Béranger et lui demanda si, par son influence, il pourrait se faire recevoir officier de santé, afin d'être en mesure de traiter les yeux et d'éborgner les gens tout à son aise. »
Puisque Béranger avait été guéri par M. Bretonneau, pourquoi s'adressait-il à un autre ? Il est assez naturel d'avoir plus de confiance dans celui qui nous a guéri, qui a l'expérience de notre tempérament, qu'en un étranger.
Le diplôme est en effet un sauf-conduit qui ne permet pas seulement aux officiers de santé d'éborgner les gens, mais aux docteurs de les tuer sans remords et sans responsabilité. C'est sans doute pourquoi leurs savants confrères, ainsi que l'avoue M. Trousseau, sont si portés à s'adresser aux empiriques et aux charlatans.
« Béranger vint me trouver et me dit : « Mon ami, rendez-moi un grand service ; tâchez de faire recevoir ce pauvre diable ; il ne s'occupe que des maladies des yeux, et quoique les examens des officiers de santé comprennent toutes les branches de l'art de guérir, ayez de l'indulgence, de la mansuétude ; c'est un réfugié, et puis il m'a guéri : c'est la meilleure des raisons. Je lui répondis : « Envoyez-moi votre homme. » Le prêtre polonais vint chez moi. « Vous m'êtes recommandé, lui dis-je, par un homme que je tiens singulièrement à obliger ; c'est le plus cher de mes amis ; en outre, c'est Béranger, ce qui vaut encore mieux. Deux de mes collègues, à qui j'en ai parlé, et moi, sommes très décidés à faire ce qui sera possible ; seulement nos examens sont publics, et il serait peut-être bon de cacher un peu les oreilles, c'est bien le moins. » J'ajoutai : « Voyons, je serai bon prince ; je prendrai l'examen d'anatomie, et il ne vous sera pas difficile de savoir l'anatomie aussi bien que moi : je vous interrogerai sur l'œil. »
Notre homme parut déconcerté. Je continuai : « Vous savez ce que c'est que l'œil ? ‑ Très bien. ‑ Vous savez qu'il y a une paupière ? – Oui. ‑ Vous avez l'idée de ce que c'est qu'une cornée ?… » Il hésite. « La prunelle ? ‑ Ah ! Monsieur, la prunelle, je connais bien cela. Savez-vous ce que c'est que le cristallin, l'humeur vitrée, la rétine ? – Non, monsieur ; à quoi ça me servirait-il ? Je ne m'occupe que des maladies des yeux ? » Je lui dis : « Ça sert à quelque chose, et je vous assure qu'il serait presque nécessaire de vous douter qu'il y a un cristallin, si surtout vous voulez, comme vous le faites quelquefois, à ce qu'il paraît, opérer des cataractes. ‑ Je n'en opère pas. ‑ Mais si la fantaisie vous prenait d'en extraire une… » Je ne pus sortir de là. Ce malheureux voulait exercer l'art de l'oculistique, sans avoir la plus petite notion de l'anatomie de l'œil. »
Il est en effet difficile de se montrer moins exigeant pour donner à ce malheureux le droit d'éborgner les gens légalement. Il paraît cependant qu'il ne faisait point d'opération ‑ il est vrai que la fantaisie aurait pu lui en prendre ‑ et qu'il était tout simplement possesseur d'un remède pour guérir les ophtalmies et dont l'application, tout empirique, ne requiert pas de connaissances spéciales, car ce n'est pas là ce qu'on appelle pratiquer l'art de l'oculistique. A notre avis, il était plus important de s'assurer si le remède ne contenait rien d'offensif ; il avait guéri Béranger, c'était une présomption favorable, et dans l'intérêt de l'humanité il pouvait être utile d'en permettre l'usage. Cet homme aurait pu avoir les connaissances anatomiques exigées et obtenir son diplôme, ce qui n'eût pas rendu le remède bon s'il eût été mauvais ; et pourtant, grâce à ce diplôme, cet homme aurait pu le débiter en toute sécurité, quelque dangereux qu'il fût. Jésus-Christ, qui guérissait les aveugles, les sourds, les muets et les paralytiques, n'en savait probablement pas plus que lui en fait d'anatomie ; et M. Trousseau lui eût incontestablement refusé le droit de faire des miracles. Que d'amendes il eût payées de nos jours s'il n'avait pu guérir sans diplôme !
Tout ceci n'a guère de rapport avec les Esprits, mais ce sont les prémisses de l'argument sous lequel il va écraser leurs partisans.
« J'allai trouver Béranger et lui racontai la chose. Béranger s'écria : « Mais ce pauvre homme !… »
Il est probable qu'il se dit en lui-même : Et pourtant il m'a guéri ! - Loin de nous de faire ici l'apologie des charlatans et des marchands d'orviétan ; nous voulons seulement dire qu'il peut y avoir des remèdes efficaces en dehors des formules du Codex ; que les sauvages, qui ont des secrets infaillibles contre la morsure des serpents, ne connaissent pas la théorie de la circulation du sang, ni la différence du sang veineux et du sang artériel. Nous voudrions savoir si M. Trousseau, mordu par un crotale ou un trigonocéphale, refuserait leurs secours parce qu'ils n'ont pas de diplôme.
Dans un prochain article nous parlerons spécialement des différentes catégories de médiums guérisseurs, qui paraissent se multiplier depuis quelque temps.
« Je lui dis : « Mon cher Béranger, je suis votre médecin depuis huit ans ; je vais vous demander des honoraires aujourd'hui. – Et quels honoraires ? – Vous allez me faire une chanson que vous me dédierez, mais c'est moi qui donne le refrain. – Oui-da !… et ce refrain ? - Ah ! que les gens d'esprit sont bêtes ! » – Ce fut une histoire entendue désormais entre nous, et il ne me parla plus de son prêtre polonais. N'est-il pas triste de voir un homme comme Béranger, à qui je racontai de telles choses, ne pas comprendre que son protégé pouvait faire beaucoup de mal, et était absolument incapable de faire quoi que ce fût d'utile pour les maladies les plus simples des yeux. »
Il paraît que Béranger n'était pas très convaincu de l'infaillibilité des docteurs diplômés, et pouvait prendre sa part du refrain :
Ah ! que les gens d'esprit sont bêtes !
« Vous le voyez, Messieurs les gens intelligents se laissent prendre les premiers. Rappelez-vous ce qui se passait à la fin du siècle dernier. - Un empirique allemand emploie l'électricité, mal connue encore à cette époque. Il soumet à l'action du fluide quelques femmes vaporeuses ; il se produit de petits accidents nerveux, qu'il attribue à un fluide émané de lui ; il établit une théorie bizarre qu'on appelait à cette époque le mesmérisme. Il vient à Paris ; il s'établit place Vendôme, au centre du grand Paris, et là les gens les plus riches, les gens de la plus haute aristocratie de la capitale, viennent se ranger autour du baquet de Mesmer. Je ne saurais vous dire combien de guérisons ont été attribuées à Mesmer, qui est d'ailleurs l'inventeur ou l'importateur, chez nous, de cette merveille que l'on appelle le somnambulisme, c'est à dire de l'une des plus honteuses plaies de l'empirisme.
« Que vous dirai-je en en effet du somnambulisme ? des filles hystériques, le plus souvent perdues, s'accouplent à quelque charlatan famélique, et les voilà simulant l'extase, la catalepsie, le sommeil, et débitant, avec l'assurance la plus bouffonne, plus d'inepties qu'on n'en saurait imaginer, inepties bien payées, inepties bien acceptées, crues avec une foi bien plus robuste que les conseils du praticien le plus éclairé. »
A quoi sert d'être intelligent puisque ceux qui le sont se laissent prendre les premiers ? Que faut-il pour ne pas se laisser prendre ? être savant ? – Non. – Être membre de l'Institut ? – Non, puisque bon nombre ont la faiblesse de préférer les charlatans à leurs confrères ; c'est M. Trousseau qui nous l'apprend. ‑ Être médecin ? ‑ Pas davantage, car bon nombre aussi donnent dans l'absurdité du magnétisme. ‑ Que faut-il donc pour avoir le sens commun ? ‑ Être M. Trousseau.
M. Trousseau est sans doute libre de dire son opinion, de croire ou de ne pas croire au somnambulisme ; mais n'est-ce dépasser les bornes des convenances de traiter toutes les somnambules de filles perdues accouplées à des charlatans ? Qu'il y ait des abus en cela comme en toute chose, c'est inévitable, et la médecine officielle elle-même n'en est pas exempte ; sans doute il y a des simulacres de somnambulisme, mais parce qu'il y a de faux dévots, est-ce à dire qu'il n'y ait pas de vraie dévotion ? M. Trousseau ignore que parmi les somnambules de profession il y a des femmes mariées fort respectables ; que le nombre de celles qui ne se mettent point en évidence est beaucoup plus grand ; qu'il y en a dans les familles les plus honorables et le plus haut placées ; que de nombreux médecins, bien et dûment diplômés, d'un savoir incontestable, se font aujourd'hui les champions avoués du magnétisme, qu'ils emploient avec succès dans une foule de cas rebelles à la médecine ordinaire. Nous ne chercherons point à faire revenir M. Trousseau de son opinion en lui prouvant l'existence du magnétisme et du somnambulisme, car il est probable que ce serait peine perdue ; cela sortirait d'ailleurs de notre cadre ; mais nous dirons que si la raillerie et le sarcasme sont des armes peu dignes de la science, il est plus indigne encore à elle de traîner dans la boue une science aujourd'hui répandue dans le monde entier, reconnue et pratiquée par les hommes les plus honorables, et de jeter à ceux qui la professent l'insulte la plus grossière qu'on puisse trouver dans le vocabulaire de l'injure. On ne peut que regretter d'entendre des expressions d'une telle trivialité et faites pour inspirer le dégoût, descendre de la chaire enseignante.
Vous vous étonnez que des inepties, comme il vous plaît de les appeler, soient crues avec une foi bien plus robuste que les conseils du praticien le plus éclairé ; la raison en est dans l'innombrable quantité d'erreurs commises par les praticiens les plus éclairés, et dont nous ne citerons que deux exemples.
Une dame de notre connaissance avait un enfant de quatre à cinq ans, atteint d'une tumeur au genou, par suite d'une chute. Le mal devint tellement grave qu'elle crut devoir consulter une célébrité médicale, qui déclara l'amputation indispensable et urgente pour la vie de l'enfant. La mère était somnambule ; ne pouvant se décider à cette opération dont le succès était douteux, elle entreprit de le soigner elle-même. Au bout d'un mois la guérison était complète. Un an après elle alla, avec son enfant gros et bien portant, voir le médecin et lui dit : « Voilà l'enfant qui, selon vous, devait mourir si on ne lui coupait la jambe. ‑ Que voulez-vous, dit-il, la nature a des ressources si imprévues ! »
L'autre fait nous est personnel. Il y a une dizaine d'années je devins presque aveugle, au point de ne pouvoir ni lire ni écrire, et de ne pas reconnaître une personne à qui je donnais la main. Je consultai les notabilités de la science, entre autres le docteur L…, professeur de clinique pour les maladies des yeux ; après un examen très attentif et très consciencieux, il déclara que j'étais atteint d'une amaurose et que je n'avais qu'à me résigner. J'allai voir une somnambule qui me dit que ce n'était point une amaurose, mais une apoplexie sur les yeux, qui pourrait dégénérer en amaurose si on ne la soignait convenablement ; elle déclara répondre de la guérison. Dans quinze jours, dit-elle, vous éprouverez une légère amélioration ; dans un mois vous commencerez à voir, et dans deux ou trois mois il n'y paraîtra plus. Tout se passa comme elle l'avait prévu, et ma vue est complètement rétablie.
M. Trousseau poursuit :
« De nos jours encore, vous avez vu un Américain qui évoque les Esprits, fait parler Socrate, Voltaire, Rousseau, Jésus-Christ, qui l'on veut ! Il les fait parler, en quels lieux ? Dans les bouges de quelques ivrognes ? »
Le choix des expressions du professeur est vraiment remarquable.
«Non, il les fait parler dans les palais, au sénat, dans les salons les plus aristocratiques de Paris. Et il y a d'honnêtes gens qui disent : « Mais je l'ai vu ; j'ai reçu un soufflet d'une main invisible ; la table est montée au plafond ! » Ils vous le disent et le répètent. Et les Esprits frappeurs sont restés pendant sept ou huit mois en possession d'étonner les hommes, d'épouvanter les femmes, de leur donner des attaques de nerfs. Cette stupidité qui n'a pas de nom, cette stupidité que l'homme le plus grossier aurait honte d'accepter, a été acceptée par des gens éclairés, mais plus encore peut-être par les classes élevées de la société de Paris. »
M. Trousseau aurait pu ajouter : et du monde entier. Il paraît ignorer que cette stupidité sans nom n'a pas duré sept à huit mois, mais dure toujours et se propage partout de plus en plus ; que l'évocation des Esprits n'est pas le privilège d'un Américain, mais de milliers de personnes de tout sexe, et de tout âge et de tous les pays. Jusqu'à présent, en bonne logique, on avait considéré l'adhésion des masses et des gens éclairés surtout comme ayant une certaine valeur ; il paraît qu'il n'en est rien, et que la seule opinion sensée est celle de M. Trousseau et de ceux qui pensent comme lui. Quant aux autres, quels que soient leur rang, leur position sociale, leur instruction, qu'ils habitent un palais ou siègent dans les premiers corps de l'État, ils sont au-dessous de l'homme le plus grossier, puisque l'homme le plus grossier aurait honte d'accepter leurs idées. Quand une opinion est aussi répandue que l'est celle du Spiritisme, quand au lieu de décroître elle progresse avec une rapidité qui tient du prodige, quand elle est acceptée par l'élite de la société, si elle est fausse et dangereuse, il faut lui opposer une digue, il faut la combattre par des preuves contraires ; or, il paraît que M. Trousseau n'en a pas d'autres à lui opposer que cet argument :
Ah ! que les gens d'esprit sont bêtes !
Après une tirade sur les gens qui se laissent prendre à l'amorce il s'exprime ainsi :
« C'est que vraiment les gens capables de juger en quoi que ce soit ne sont pas les plus nombreux. M. de Sartines voulait envoyer au Fort-l'Évêque un charlatan qui débitait son orviétan sur le Pont-Neuf et faisait de belles affaires. Il le fit venir et lui dit : « Maraud, comment fais-tu pour attirer tant de monde et gagner tant d'argent ? » L'homme répondit : « Monseigneur, combien croyez-vous qu'il passe de gens sur le Pont-Neuf chaque jour ? ‑ Je ne sais pas. ‑ Je vais vous le dire : dix mille à peu près. Combien pensez-vous qu'il y ait de gens d'esprit dans ce nombre ? ‑ Oh ! oh ! cent peut-être, dit M. de Sartines. ‑ C'est beaucoup, mais je vous les laisse, et je prends les neuf mille neuf cents autres pour moi. »
« Le charlatan était trop modeste, et M. de Sartines trop sévère pour la population parisienne. A coup sûr plus de cent personnes intelligentes traversaient le Pont-Neuf, et les plus intelligentes peut-être s'arrêtaient devant les tréteaux du marchand d'orviétan avec autant de confiance que la foule ; car, messieurs, je dirai que les classes élevées subissent l'influence du charlatanisme.
« Parmi nos sociétés savantes, je citerai l'Institut ; je citerai la section de l'Académie des sciences qui renferme assurément l'élite des savants de notre pays ; de ces savants, il s'en trouve bien vingt qui s'adressent aux charlatans. »
Preuve évidente de la grande confiance qu'ils ont dans le savoir de leurs confrères, puisqu'ils leur préfèrent des charlatans.
« Ce sont gens de grand mérite, il est vrai ; seulement, de ce qu'ils sont des mathématiciens, des chimistes ou des naturalistes éminents, ils en concluent qu'ils sont très forts médecins, et alors ils se croient parfaitement capables de juger les choses qu'ils ignorent complètement. »
Si cela prouve en faveur de leur science, cela ne prouve guère en faveur de leur modestie et de leur jugement. On a lancé force traits satiriques contre les savants de l'Institut : nous n'en connaissons pas de plus mordant. Il est donc probable que le professeur, joignant l'exemple au précepte, ne parlera que de ce qu'il sait.
« Chez nous, nous avons quelquefois cette modestie que, quand nous ne sommes que médecins, si l'on nous propose de grands théorèmes de mathématiques ou de mécanique, nous avouons que nous ne savons pas, nous déclinons notre compétence ; mais les vrais savants ne déclinent jamais leur compétence en rien, surtout en ce qui regarde la médecine. »
Puisque les médecins déclinent leur compétence sur ce qu'ils ne savent pas, cela nous est une garantie que M. Trousseau ne traiterait pas, dans une leçon publique surtout, les questions qui se rattachent à la psychologie, sans être profondément versé sur ces matières. Ces connaissances lui fourniront sans doute des arguments irrésistibles pour appuyer son jugement.
« Les empiriques, chose triste à dire, ont toujours beaucoup d'accès auprès des gens d'esprit. J'ai eu l'extrême honneur d'être l'ami intime de l'illustre Béranger.
« En 1848, il avait une petite ophtalmie pour laquelle Mr. Bretonneau lui avait conseillé un collyre. Cette ophtalmie guérit ; mais, comme Béranger lisait et travaillait beaucoup, comme il était un peu dartreux, l'ophthalmie revint ; alors il s'adressa à un prêtre polonais qui guérissait les maladies des yeux avec un remède secret. A cette époque-là, j'étais président, à la Faculté, du jury chargé des examens des officiers de santé. Comme le prêtre polonais avait eu maille à partir avec la police, parce qu'il avait crevé quelques yeux, il voulut se mettre en règle. Dans ce but, il alla trouver Béranger et lui demanda si, par son influence, il pourrait se faire recevoir officier de santé, afin d'être en mesure de traiter les yeux et d'éborgner les gens tout à son aise. »
Puisque Béranger avait été guéri par M. Bretonneau, pourquoi s'adressait-il à un autre ? Il est assez naturel d'avoir plus de confiance dans celui qui nous a guéri, qui a l'expérience de notre tempérament, qu'en un étranger.
Le diplôme est en effet un sauf-conduit qui ne permet pas seulement aux officiers de santé d'éborgner les gens, mais aux docteurs de les tuer sans remords et sans responsabilité. C'est sans doute pourquoi leurs savants confrères, ainsi que l'avoue M. Trousseau, sont si portés à s'adresser aux empiriques et aux charlatans.
« Béranger vint me trouver et me dit : « Mon ami, rendez-moi un grand service ; tâchez de faire recevoir ce pauvre diable ; il ne s'occupe que des maladies des yeux, et quoique les examens des officiers de santé comprennent toutes les branches de l'art de guérir, ayez de l'indulgence, de la mansuétude ; c'est un réfugié, et puis il m'a guéri : c'est la meilleure des raisons. Je lui répondis : « Envoyez-moi votre homme. » Le prêtre polonais vint chez moi. « Vous m'êtes recommandé, lui dis-je, par un homme que je tiens singulièrement à obliger ; c'est le plus cher de mes amis ; en outre, c'est Béranger, ce qui vaut encore mieux. Deux de mes collègues, à qui j'en ai parlé, et moi, sommes très décidés à faire ce qui sera possible ; seulement nos examens sont publics, et il serait peut-être bon de cacher un peu les oreilles, c'est bien le moins. » J'ajoutai : « Voyons, je serai bon prince ; je prendrai l'examen d'anatomie, et il ne vous sera pas difficile de savoir l'anatomie aussi bien que moi : je vous interrogerai sur l'œil. »
Notre homme parut déconcerté. Je continuai : « Vous savez ce que c'est que l'œil ? ‑ Très bien. ‑ Vous savez qu'il y a une paupière ? – Oui. ‑ Vous avez l'idée de ce que c'est qu'une cornée ?… » Il hésite. « La prunelle ? ‑ Ah ! Monsieur, la prunelle, je connais bien cela. Savez-vous ce que c'est que le cristallin, l'humeur vitrée, la rétine ? – Non, monsieur ; à quoi ça me servirait-il ? Je ne m'occupe que des maladies des yeux ? » Je lui dis : « Ça sert à quelque chose, et je vous assure qu'il serait presque nécessaire de vous douter qu'il y a un cristallin, si surtout vous voulez, comme vous le faites quelquefois, à ce qu'il paraît, opérer des cataractes. ‑ Je n'en opère pas. ‑ Mais si la fantaisie vous prenait d'en extraire une… » Je ne pus sortir de là. Ce malheureux voulait exercer l'art de l'oculistique, sans avoir la plus petite notion de l'anatomie de l'œil. »
Il est en effet difficile de se montrer moins exigeant pour donner à ce malheureux le droit d'éborgner les gens légalement. Il paraît cependant qu'il ne faisait point d'opération ‑ il est vrai que la fantaisie aurait pu lui en prendre ‑ et qu'il était tout simplement possesseur d'un remède pour guérir les ophtalmies et dont l'application, tout empirique, ne requiert pas de connaissances spéciales, car ce n'est pas là ce qu'on appelle pratiquer l'art de l'oculistique. A notre avis, il était plus important de s'assurer si le remède ne contenait rien d'offensif ; il avait guéri Béranger, c'était une présomption favorable, et dans l'intérêt de l'humanité il pouvait être utile d'en permettre l'usage. Cet homme aurait pu avoir les connaissances anatomiques exigées et obtenir son diplôme, ce qui n'eût pas rendu le remède bon s'il eût été mauvais ; et pourtant, grâce à ce diplôme, cet homme aurait pu le débiter en toute sécurité, quelque dangereux qu'il fût. Jésus-Christ, qui guérissait les aveugles, les sourds, les muets et les paralytiques, n'en savait probablement pas plus que lui en fait d'anatomie ; et M. Trousseau lui eût incontestablement refusé le droit de faire des miracles. Que d'amendes il eût payées de nos jours s'il n'avait pu guérir sans diplôme !
Tout ceci n'a guère de rapport avec les Esprits, mais ce sont les prémisses de l'argument sous lequel il va écraser leurs partisans.
« J'allai trouver Béranger et lui racontai la chose. Béranger s'écria : « Mais ce pauvre homme !… »
Il est probable qu'il se dit en lui-même : Et pourtant il m'a guéri ! - Loin de nous de faire ici l'apologie des charlatans et des marchands d'orviétan ; nous voulons seulement dire qu'il peut y avoir des remèdes efficaces en dehors des formules du Codex ; que les sauvages, qui ont des secrets infaillibles contre la morsure des serpents, ne connaissent pas la théorie de la circulation du sang, ni la différence du sang veineux et du sang artériel. Nous voudrions savoir si M. Trousseau, mordu par un crotale ou un trigonocéphale, refuserait leurs secours parce qu'ils n'ont pas de diplôme.
Dans un prochain article nous parlerons spécialement des différentes catégories de médiums guérisseurs, qui paraissent se multiplier depuis quelque temps.
« Je lui dis : « Mon cher Béranger, je suis votre médecin depuis huit ans ; je vais vous demander des honoraires aujourd'hui. – Et quels honoraires ? – Vous allez me faire une chanson que vous me dédierez, mais c'est moi qui donne le refrain. – Oui-da !… et ce refrain ? - Ah ! que les gens d'esprit sont bêtes ! » – Ce fut une histoire entendue désormais entre nous, et il ne me parla plus de son prêtre polonais. N'est-il pas triste de voir un homme comme Béranger, à qui je racontai de telles choses, ne pas comprendre que son protégé pouvait faire beaucoup de mal, et était absolument incapable de faire quoi que ce fût d'utile pour les maladies les plus simples des yeux. »
Il paraît que Béranger n'était pas très convaincu de l'infaillibilité des docteurs diplômés, et pouvait prendre sa part du refrain :
Ah ! que les gens d'esprit sont bêtes !
« Vous le voyez, Messieurs les gens intelligents se laissent prendre les premiers. Rappelez-vous ce qui se passait à la fin du siècle dernier. - Un empirique allemand emploie l'électricité, mal connue encore à cette époque. Il soumet à l'action du fluide quelques femmes vaporeuses ; il se produit de petits accidents nerveux, qu'il attribue à un fluide émané de lui ; il établit une théorie bizarre qu'on appelait à cette époque le mesmérisme. Il vient à Paris ; il s'établit place Vendôme, au centre du grand Paris, et là les gens les plus riches, les gens de la plus haute aristocratie de la capitale, viennent se ranger autour du baquet de Mesmer. Je ne saurais vous dire combien de guérisons ont été attribuées à Mesmer, qui est d'ailleurs l'inventeur ou l'importateur, chez nous, de cette merveille que l'on appelle le somnambulisme, c'est à dire de l'une des plus honteuses plaies de l'empirisme.
« Que vous dirai-je en en effet du somnambulisme ? des filles hystériques, le plus souvent perdues, s'accouplent à quelque charlatan famélique, et les voilà simulant l'extase, la catalepsie, le sommeil, et débitant, avec l'assurance la plus bouffonne, plus d'inepties qu'on n'en saurait imaginer, inepties bien payées, inepties bien acceptées, crues avec une foi bien plus robuste que les conseils du praticien le plus éclairé. »
A quoi sert d'être intelligent puisque ceux qui le sont se laissent prendre les premiers ? Que faut-il pour ne pas se laisser prendre ? être savant ? – Non. – Être membre de l'Institut ? – Non, puisque bon nombre ont la faiblesse de préférer les charlatans à leurs confrères ; c'est M. Trousseau qui nous l'apprend. ‑ Être médecin ? ‑ Pas davantage, car bon nombre aussi donnent dans l'absurdité du magnétisme. ‑ Que faut-il donc pour avoir le sens commun ? ‑ Être M. Trousseau.
M. Trousseau est sans doute libre de dire son opinion, de croire ou de ne pas croire au somnambulisme ; mais n'est-ce dépasser les bornes des convenances de traiter toutes les somnambules de filles perdues accouplées à des charlatans ? Qu'il y ait des abus en cela comme en toute chose, c'est inévitable, et la médecine officielle elle-même n'en est pas exempte ; sans doute il y a des simulacres de somnambulisme, mais parce qu'il y a de faux dévots, est-ce à dire qu'il n'y ait pas de vraie dévotion ? M. Trousseau ignore que parmi les somnambules de profession il y a des femmes mariées fort respectables ; que le nombre de celles qui ne se mettent point en évidence est beaucoup plus grand ; qu'il y en a dans les familles les plus honorables et le plus haut placées ; que de nombreux médecins, bien et dûment diplômés, d'un savoir incontestable, se font aujourd'hui les champions avoués du magnétisme, qu'ils emploient avec succès dans une foule de cas rebelles à la médecine ordinaire. Nous ne chercherons point à faire revenir M. Trousseau de son opinion en lui prouvant l'existence du magnétisme et du somnambulisme, car il est probable que ce serait peine perdue ; cela sortirait d'ailleurs de notre cadre ; mais nous dirons que si la raillerie et le sarcasme sont des armes peu dignes de la science, il est plus indigne encore à elle de traîner dans la boue une science aujourd'hui répandue dans le monde entier, reconnue et pratiquée par les hommes les plus honorables, et de jeter à ceux qui la professent l'insulte la plus grossière qu'on puisse trouver dans le vocabulaire de l'injure. On ne peut que regretter d'entendre des expressions d'une telle trivialité et faites pour inspirer le dégoût, descendre de la chaire enseignante.
Vous vous étonnez que des inepties, comme il vous plaît de les appeler, soient crues avec une foi bien plus robuste que les conseils du praticien le plus éclairé ; la raison en est dans l'innombrable quantité d'erreurs commises par les praticiens les plus éclairés, et dont nous ne citerons que deux exemples.
Une dame de notre connaissance avait un enfant de quatre à cinq ans, atteint d'une tumeur au genou, par suite d'une chute. Le mal devint tellement grave qu'elle crut devoir consulter une célébrité médicale, qui déclara l'amputation indispensable et urgente pour la vie de l'enfant. La mère était somnambule ; ne pouvant se décider à cette opération dont le succès était douteux, elle entreprit de le soigner elle-même. Au bout d'un mois la guérison était complète. Un an après elle alla, avec son enfant gros et bien portant, voir le médecin et lui dit : « Voilà l'enfant qui, selon vous, devait mourir si on ne lui coupait la jambe. ‑ Que voulez-vous, dit-il, la nature a des ressources si imprévues ! »
L'autre fait nous est personnel. Il y a une dizaine d'années je devins presque aveugle, au point de ne pouvoir ni lire ni écrire, et de ne pas reconnaître une personne à qui je donnais la main. Je consultai les notabilités de la science, entre autres le docteur L…, professeur de clinique pour les maladies des yeux ; après un examen très attentif et très consciencieux, il déclara que j'étais atteint d'une amaurose et que je n'avais qu'à me résigner. J'allai voir une somnambule qui me dit que ce n'était point une amaurose, mais une apoplexie sur les yeux, qui pourrait dégénérer en amaurose si on ne la soignait convenablement ; elle déclara répondre de la guérison. Dans quinze jours, dit-elle, vous éprouverez une légère amélioration ; dans un mois vous commencerez à voir, et dans deux ou trois mois il n'y paraîtra plus. Tout se passa comme elle l'avait prévu, et ma vue est complètement rétablie.
M. Trousseau poursuit :
« De nos jours encore, vous avez vu un Américain qui évoque les Esprits, fait parler Socrate, Voltaire, Rousseau, Jésus-Christ, qui l'on veut ! Il les fait parler, en quels lieux ? Dans les bouges de quelques ivrognes ? »
Le choix des expressions du professeur est vraiment remarquable.
«Non, il les fait parler dans les palais, au sénat, dans les salons les plus aristocratiques de Paris. Et il y a d'honnêtes gens qui disent : « Mais je l'ai vu ; j'ai reçu un soufflet d'une main invisible ; la table est montée au plafond ! » Ils vous le disent et le répètent. Et les Esprits frappeurs sont restés pendant sept ou huit mois en possession d'étonner les hommes, d'épouvanter les femmes, de leur donner des attaques de nerfs. Cette stupidité qui n'a pas de nom, cette stupidité que l'homme le plus grossier aurait honte d'accepter, a été acceptée par des gens éclairés, mais plus encore peut-être par les classes élevées de la société de Paris. »
M. Trousseau aurait pu ajouter : et du monde entier. Il paraît ignorer que cette stupidité sans nom n'a pas duré sept à huit mois, mais dure toujours et se propage partout de plus en plus ; que l'évocation des Esprits n'est pas le privilège d'un Américain, mais de milliers de personnes de tout sexe, et de tout âge et de tous les pays. Jusqu'à présent, en bonne logique, on avait considéré l'adhésion des masses et des gens éclairés surtout comme ayant une certaine valeur ; il paraît qu'il n'en est rien, et que la seule opinion sensée est celle de M. Trousseau et de ceux qui pensent comme lui. Quant aux autres, quels que soient leur rang, leur position sociale, leur instruction, qu'ils habitent un palais ou siègent dans les premiers corps de l'État, ils sont au-dessous de l'homme le plus grossier, puisque l'homme le plus grossier aurait honte d'accepter leurs idées. Quand une opinion est aussi répandue que l'est celle du Spiritisme, quand au lieu de décroître elle progresse avec une rapidité qui tient du prodige, quand elle est acceptée par l'élite de la société, si elle est fausse et dangereuse, il faut lui opposer une digue, il faut la combattre par des preuves contraires ; or, il paraît que M. Trousseau n'en a pas d'autres à lui opposer que cet argument :
Ah ! que les gens d'esprit sont bêtes !
Nécrologie
Mort de l'évêque de BarceloneOn nous écrit d'Espagne que l'évêque de Barcelone, celui qui a fait
brûler trois cents volumes spirites, par les mains du bourreau, le 9
octobre 1861[1],
est mort le 9 de ce même mois, et a été enterré avec la pompe
accoutumée pour les chefs de l'Église. Neuf mois seulement se sont
écoulés depuis lors, que déjà cet autodafé a produit les résultats
pressentis par tout le monde, c'est-à-dire qu'il a hâté la propagation
du Spiritisme dans ce pays. En effet le retentissement qu'a eu cet acte
inqualifiable dans ce siècle-ci, a appelé sur cette doctrine l'attention
d'une foule de gens qui n'en avaient jamais entendu parler, et la
presse de n'importe quelle opinion n'a pu rester muette. L'appareil
déployé en cette circonstance était surtout de nature à piquer la
curiosité par l'attrait du fruit défendu, et surtout par l'importance
même que cela donnait à la chose, car chacun s'est dit qu'on ne procède
pas de cette façon pour une niaiserie ou un rêve creux ; tout
naturellement la pensée s'est reportée à quelques siècles en arrière, et
l'on s'est dit que naguère, dans ce même pays, on n'eût pas brûlé
seulement les livres, mais les personnes. Que pouvaient donc contenir
des livres dignes des solennités du bûcher ? C'est ce qu'on à voulu
savoir, et le résultat a été en Espagne ce qu'il est partout où le
Spiritisme a été attaqué ; sans les attaques railleuses ou sérieuses
dont il a été l'objet, il compterait dix fois moins de partisans qu'il
en a ; plus la critique a été violente et répétée, plus on l'a mis en
relief et fait grandir ; des attaques anodines eussent passé inaperçues,
tandis que des éclats de foudre réveillent les plus engourdis ; on veut
voir ce qui se passe, et c'est tout ce que nous demandons, assurés
d'avance du résultat de l'examen. Ceci est un fait positif, car chaque
fois que, dans une localité, l'anathème est descendu sur lui du haut de
la chaire, nous sommes certain de voir le nombre de nos abonnés
s'accroître, et d'en voir venir s'il n'y en avait pas auparavant.
L'Espagne ne pouvait échapper à cette conséquence, aussi n'est-il pas un
Spirite qui ne se soit réjoui en apprenant l'autodafé de Barcelone, peu
après suivi de celui d'Alicante, et plus d'un adversaire même a déploré
un acte où la religion n'avait rien à gagner. Nous avons chaque jour la
preuve irrécusable de la marche progressive du Spiritisme dans les
classes les plus éclairées de ce pays ; où il compte de zélés et
fervents adeptes.
Un de nos correspondants d'Espagne, en nous annonçant la mort de l'évêque de Barcelone, nous engageait à l'évoquer. Nous nous disposions à le faire, et nous avions en conséquence préparé quelques questions, lorsqu'il s'est manifesté spontanément à l'un de nos médiums, répondant d'avance à toutes les demandes que nous voulions lui adresser, et avant qu'elles eussent été prononcées. Sa communication, d'un caractère tout à fait inattendu, contenait entre autres le passage suivant :
« . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . Aidé par votre chef spirituel, j'ai pu venir vous enseigner par mon exemple et vous dire : Ne repoussez aucune des idées annoncées, car un jour, un jour qui durera et pèsera comme un siècle, ces idées amoncelées crieront comme la voix de l'ange : Caïn, qu'as-tu fait de ton frère ? qu'as-tu fait de notre puissance, qui devait consoler et élever l'humanité ? L'homme qui volontairement vit aveugle et sourd d'esprit, comme d'autres le sont de corps, souffrira, expiera et renaîtra pour recommencer le labeur intellectuel que sa paresse, son orgueil, lui ont fait éviter ; et cette terrible voix m'a dit : Tu as brûlé les idées, et les idées te brûleront . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
« Priez pour moi ; priez, car elle est agréable à Dieu, la prière que lui adresse le persécuté pour le persécuteur.
« Celui qui fut évêque et qui n'est plus qu'un pénitent. »
Ce contraste entre les paroles de l'Esprit et celles de l'homme n'a rien qui doive surprendre ; tous les jours on en voit qui pensent autrement après la mort que pendant la vie, une fois que le bandeau des illusions est tombé, et c'est une incontestable preuve de supériorité ; les Esprits inférieurs et vulgaires persistent seuls dans les erreurs et les préjugés de la vie terrestre. De son vivant, l'évêque de Barcelone voyait le Spiritisme à travers un prisme particulier qui en dénaturait les couleurs, ou, pour mieux dire, il ne le connaissait pas. Maintenant il le voit sous son véritable jour, il en sonde les profondeurs ; le voile étant tombé, ce n'est plus pour lui une simple opinion, une théorie éphémère qu'on peut étouffer sous la cendre ; c'est un fait ; c'est la révélation d'une loi de la nature, loi irrésistible comme la puissance de la gravitation, loi qui doit, par la force des choses, être acceptée par tous, comme tout ce qui est naturel. Voilà ce qu'il comprend maintenant, et ce qui lui fait dire que : « les idées qu'il a voulu brûler le brûleront, » autrement dit, emporteront les préjugés qui les lui avaient fait condamner.
Nous ne pouvons donc lui en vouloir, par le triple motif que le vrai Spirite n'en veut à personne, ne conserve pas de rancune, oublie les offenses et, à l'exemple du Christ, pardonne à ses ennemis ; en second lieu que, loin de nous nuire, il nous a servis ; enfin qu'il réclame de nous la prière du persécuté pour le persécuteur, comme la plus agréable à Dieu, pensée toute de charité, digne de l'humilité chrétienne que révèlent ces derniers mots : « Celui que fut évêque et qui n'est plus qu'un pénitent. » Belle image des dignités terrestres laissées au bord de la tombe, pour se présenter à Dieu tel qu'on est, sans l'appareil qui en impose aux hommes.
Spirites, pardonnons-lui le mal qu'il a voulu nous faire, comme nous voudrions que nos offenses nous soient pardonnées, et prions pour lui à l'anniversaire de l'auto-da-fé du 9 octobre 1861.
Un de nos correspondants d'Espagne, en nous annonçant la mort de l'évêque de Barcelone, nous engageait à l'évoquer. Nous nous disposions à le faire, et nous avions en conséquence préparé quelques questions, lorsqu'il s'est manifesté spontanément à l'un de nos médiums, répondant d'avance à toutes les demandes que nous voulions lui adresser, et avant qu'elles eussent été prononcées. Sa communication, d'un caractère tout à fait inattendu, contenait entre autres le passage suivant :
« . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . Aidé par votre chef spirituel, j'ai pu venir vous enseigner par mon exemple et vous dire : Ne repoussez aucune des idées annoncées, car un jour, un jour qui durera et pèsera comme un siècle, ces idées amoncelées crieront comme la voix de l'ange : Caïn, qu'as-tu fait de ton frère ? qu'as-tu fait de notre puissance, qui devait consoler et élever l'humanité ? L'homme qui volontairement vit aveugle et sourd d'esprit, comme d'autres le sont de corps, souffrira, expiera et renaîtra pour recommencer le labeur intellectuel que sa paresse, son orgueil, lui ont fait éviter ; et cette terrible voix m'a dit : Tu as brûlé les idées, et les idées te brûleront . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
« Priez pour moi ; priez, car elle est agréable à Dieu, la prière que lui adresse le persécuté pour le persécuteur.
« Celui qui fut évêque et qui n'est plus qu'un pénitent. »
Ce contraste entre les paroles de l'Esprit et celles de l'homme n'a rien qui doive surprendre ; tous les jours on en voit qui pensent autrement après la mort que pendant la vie, une fois que le bandeau des illusions est tombé, et c'est une incontestable preuve de supériorité ; les Esprits inférieurs et vulgaires persistent seuls dans les erreurs et les préjugés de la vie terrestre. De son vivant, l'évêque de Barcelone voyait le Spiritisme à travers un prisme particulier qui en dénaturait les couleurs, ou, pour mieux dire, il ne le connaissait pas. Maintenant il le voit sous son véritable jour, il en sonde les profondeurs ; le voile étant tombé, ce n'est plus pour lui une simple opinion, une théorie éphémère qu'on peut étouffer sous la cendre ; c'est un fait ; c'est la révélation d'une loi de la nature, loi irrésistible comme la puissance de la gravitation, loi qui doit, par la force des choses, être acceptée par tous, comme tout ce qui est naturel. Voilà ce qu'il comprend maintenant, et ce qui lui fait dire que : « les idées qu'il a voulu brûler le brûleront, » autrement dit, emporteront les préjugés qui les lui avaient fait condamner.
Nous ne pouvons donc lui en vouloir, par le triple motif que le vrai Spirite n'en veut à personne, ne conserve pas de rancune, oublie les offenses et, à l'exemple du Christ, pardonne à ses ennemis ; en second lieu que, loin de nous nuire, il nous a servis ; enfin qu'il réclame de nous la prière du persécuté pour le persécuteur, comme la plus agréable à Dieu, pensée toute de charité, digne de l'humilité chrétienne que révèlent ces derniers mots : « Celui que fut évêque et qui n'est plus qu'un pénitent. » Belle image des dignités terrestres laissées au bord de la tombe, pour se présenter à Dieu tel qu'on est, sans l'appareil qui en impose aux hommes.
Spirites, pardonnons-lui le mal qu'il a voulu nous faire, comme nous voudrions que nos offenses nous soient pardonnées, et prions pour lui à l'anniversaire de l'auto-da-fé du 9 octobre 1861.
______________________________________
(1) Voir, pour les détails, la Revue Spirite des mois de novembre et décembre 1861.
Mort de madame Home
On lit dans le Nord, du 15 juillet 1862 :
« Le fameux M. Dunglas Home a traversé Paris, ces jours-ci. Bien peu de gens l'ont entrevu. Il vient de perdre sa femme, sœur de la comtesse Kouchelew-Bezborodko. Toute cruelle qu'elle est, cette perte est moins sensible, dit-il, pour lui que pour tout autre, non qu'il aimât moins, mais parce que la mort ne le sépare pas de celle qui portait son nom ici-bas. Ils se voient, ils s'entretiennent aussi aisément que lorsqu'ils habitaient ensemble la même planète.
« M. Home est catholique romain, et sa femme, avant de rendre le dernier soupir, voulant s'unir à son mari dans une derrière communion spirituelle, a abjuré la religion grecque entre les mains de l'évêque de Périgueux. Cela se passait au château de Laroche, chez le comte Kouchelew. »
Le feuilleton - car c'est dans un feuilleton, à côté du Pré-Catelan, que se trouve cette note - est signé Nemo, l'un des critiques qui n'ont pas épargné la raillerie aux Spirites et à leurs prétentions de causer avec les morts. N'est-ce pas, monsieur, que c'est plaisant de croire que ceux que nous avons aimés ne sont pas perdus pour toujours, que nous les reverrons ? N'est-ce pas qu'il est bien ridicule, bien sot, bien superstitieux de croire qu'ils sont à côté de nous, qu'ils nous voient et nous entendent quand nous ne les voyons pas, et qu'ils peuvent se communiquer à nous ? M. Home et sa femme se voyant, s'entretenant aussi aisément que s'ils étaient ensemble, quelle absurdité ! Et dire qu'en plein dix-neuvième siècle, dans un siècle de lumières, il y a des gens assez crédules pour ajouter foi à de pareilles sornettes, dignes des contes de Perrault ! Demandez-en la raison à M. Trousseau. Le néant, parlez-moi de cela ! voilà qui est logique ! On est bien plus libre de faire ce qu'on veut pendant la vie ; au moins on ne craint pas l'avenir. Oui ; mais le malheureux, où est sa compensation ? - Nemo ! singulier pseudonyme de circonstance !
« Le fameux M. Dunglas Home a traversé Paris, ces jours-ci. Bien peu de gens l'ont entrevu. Il vient de perdre sa femme, sœur de la comtesse Kouchelew-Bezborodko. Toute cruelle qu'elle est, cette perte est moins sensible, dit-il, pour lui que pour tout autre, non qu'il aimât moins, mais parce que la mort ne le sépare pas de celle qui portait son nom ici-bas. Ils se voient, ils s'entretiennent aussi aisément que lorsqu'ils habitaient ensemble la même planète.
« M. Home est catholique romain, et sa femme, avant de rendre le dernier soupir, voulant s'unir à son mari dans une derrière communion spirituelle, a abjuré la religion grecque entre les mains de l'évêque de Périgueux. Cela se passait au château de Laroche, chez le comte Kouchelew. »
Le feuilleton - car c'est dans un feuilleton, à côté du Pré-Catelan, que se trouve cette note - est signé Nemo, l'un des critiques qui n'ont pas épargné la raillerie aux Spirites et à leurs prétentions de causer avec les morts. N'est-ce pas, monsieur, que c'est plaisant de croire que ceux que nous avons aimés ne sont pas perdus pour toujours, que nous les reverrons ? N'est-ce pas qu'il est bien ridicule, bien sot, bien superstitieux de croire qu'ils sont à côté de nous, qu'ils nous voient et nous entendent quand nous ne les voyons pas, et qu'ils peuvent se communiquer à nous ? M. Home et sa femme se voyant, s'entretenant aussi aisément que s'ils étaient ensemble, quelle absurdité ! Et dire qu'en plein dix-neuvième siècle, dans un siècle de lumières, il y a des gens assez crédules pour ajouter foi à de pareilles sornettes, dignes des contes de Perrault ! Demandez-en la raison à M. Trousseau. Le néant, parlez-moi de cela ! voilà qui est logique ! On est bien plus libre de faire ce qu'on veut pendant la vie ; au moins on ne craint pas l'avenir. Oui ; mais le malheureux, où est sa compensation ? - Nemo ! singulier pseudonyme de circonstance !
Société Spirite de Constantine
Nota. Nous avons parlé de la société qui s'est formée à Constantine sous le titre de Société africaine des études spirites, et sous les auspices de la Société de Paris. Nous transcrivons ci-après la communication qu'elle a obtenue pour son installation :
« Quoique les travaux que votre Société a faits jusqu'à ce jour ne soient pas tout à fait sans reproches, nous ne voulons cependant pas nous arrêter à ces considérations, à cause de la bonne volonté qui vous anime ; nous tenons plutôt compte de l'intention que des faits.
« Pénétrez-vous avant tout de la grandeur de la tâche que vous avez entreprise, et faites votre possible pour la mener à bonne fin ; ce n'est qu'à cette condition que vous pourrez espérer d'être assistés par des Esprits supérieurs.
« Entrons maintenant en matière, et voyons si vous n'avez pas commis quelques fautes. D'abord vous avez grand tort de vous servir de tous vos médiums pour les communications particulières. Qu'est-ce que l'évocation générale, si ce n'est l'appel aux bons Esprits de se communiquer à vous ? Eh bien ! que faites-vous ? au lieu d'attendre, après l'évocation générale, et de laisser aux bons Esprits le temps de se communiquer par tel ou tel médium, suivant les sympathies qui peuvent exister, vous passez immédiatement à des évocations particulières. Sachez donc que ce n'est pas là le bon moyen d'avoir des communications spontanées comme on en reçoit dans d'autres sociétés. Ainsi attendez un moment et recueillez les communications générales, qui toujours vous apprendront quelques bonnes vérités. Vous pourrez ensuite passer aux évocations particulières ; mais alors, pour chacune, ne vous servez que d'un seul médium ; ne savez-vous donc pas qu'il n'y a que les Esprits réellement supérieurs qui soient dans le cas de se communiquer à plusieurs médiums à la fois ? Ne faites donc servir qu'un seul médium pour chaque évocation particulière, et si vous avez des doutes sur la vérité des réponses obtenues, faites alors un autre jour une évocation nouvelle, en employant un autre médium.
« Vous n'êtes encore qu'au début de la science spirite et n'en pouvez tirer tous les fruits qu'elle accorde à ses adeptes expérimentés ; mais ne perdez pas courage, car il vous sera tenu compte de vos efforts pour vous améliorer et pour propager la vérité immuable de Dieu. En avant donc, mes amis, et que le ridicule que vous rencontrerez plus d'une fois sur votre chemin ne vous fasse pas dévier d'une ligne de vos croyances spirites.
Jacques. »
Les Spirites de Constantine nous ayant prié de demander à saint Augustin s'il voudrait bien accepter le patronage spirituel de leur Société, ce dernier donna à ce sujet la communication suivante.
(Société de Paris, 27 juin 1862. ‑ Médium, M. E. Vézy.)
S'adressant d'abord aux membres de la Société de Paris, il dit :
« Ils ont bien fait, nos enfants de la nouvelle France, de se rallier à vous ; ils ont bien fait de ne point détacher la tige du tronc. Restez toujours unis, et les bons Esprits seront avec vous. » Il continue en s'adressant à ceux de Constantine :
« Amis, je suis bien heureux d'être choisi par vous pour être votre guide spirituel. Attaché à la terre pour la grande mission qui doit la régénérer, je suis joyeux de pouvoir encourager plus spécialement un groupe de penseurs s'occupant de la grande idée, et de présider à ses travaux. Mettez donc mon nom à la tête de vos noms, et les Esprits de mon ordre viendront chasser les mauvais Esprits qui rôdent toujours aux portes des assemblées où se discutent les lois de la morale et du progrès. Que la fraternité et la concorde résident toujours parmi vous. Souvenez-vous que tous les hommes sont frères, et que le grand but du Spiritisme est de les réunir un jour au même foyer, et de les faire asseoir tous autour de la table du Père commun : Dieu.
Que cette mission est belle ! Aussi avec quelle joie sommes-nous venus à vous pour vous faire entendre les décrets divins ; pour vous révéler les merveilles d'outre-tombe ! Mais vous qui êtes initiés déjà à ces sublimes vérités, répandez autour de vous la semence, votre récompense sera belle ; vous en goûterez les prémices sur la terre. Quelle joie ! Marchez toujours dans la voie de l'enseignement, de l'amour et de la charité !
Prononcez mon nom avec confiance dans vos heures de crainte et de doute ; aussitôt vos cœurs seront soulagés de l'amertume et du fiel qu'ils peuvent porter en eux. N'oubliez pas que je suis sur tous les points de la terre où vous entendez parler d'apostolat évangélique ; je vous contiendrai tous dans mon âme pour vous déposer un jour dans une âme plus vaste et plus forte. Je serai toujours avec vous comme je suis ici ; ma voix aura pour vous la douceur que vous lui connaissez, car je n'aime ni les accents criards, ni les sons aigus. Vous m'entendrez vous répéter sans cesse : Aimez-vous, aimez-vous ! Épargnez-moi de m'armer de la verge dont il faut frapper le méchant ; il le faut pourtant parfois, mais ne soyez jamais de ce nombre ! Il viendra un temps où l'humanité marchera docile sous la voix du bon pasteur ; c'est vous, enfants, qui devez nous aider à cette régénération, qui devez en entendre sonner la première heure ; car voici le troupeau qui s'assemble et le pasteur arrive.
Remarque. L'Esprit fait allusion à une révélation d'une très haute importance faite, pour la première fois, dans un groupe spirite d'une petite ville d'Afrique, sur les confins du désert, par un médium complètement illettré. Cette révélation, qui nous fut immédiatement transmise, nous arriva presque simultanément de divers points de la France et de l'étranger. Depuis lors de nombreux documents très caractéristiques et plus circonstanciés sont venus y donner une sorte de consécration. Nous en rendrons compte quand le moment sera venu de le faire.
Travaillez donc et ayez courage. Dans vos assemblées, discutez toujours froidement, sans emportement ; demandez nos avis, nos conseils, afin de ne point tomber dans l'erreur, dans l'hérésie. Surtout ne formulez ni articles de foi, ni dogmes ; souvenez-vous que la religion de Dieu, c'est la religion du cœur ; qu'elle n'a pour base qu'un principe : la charité ; pour développement : l'amour de l'humanité.
N'abattez jamais la branche du tronc ; l'arbre a bien plus de verdure avec tous ses rameaux, et la branche meurt quand elle est séparée de la tige qui l'a fait naître. Souvenez-vous que Christ comprit qu'il fallait que son Église fût assise sur la même pierre pour être solide, comme il ordonne au Spiritisme de n'avoir qu'une seule racine, pour qu'elle ait plus de force pour pénétrer sous toutes les surfaces du sol ; quelque arides et desséchées qu'elles soient.
Un Esprit incarné a été choisi pour vous diriger et vous conduire ; soumettez-vous avec respect, non à ses lois, car il n'ordonne point, mais à ses désirs. Vous prouverez à vos ennemis, par cette soumission, que vous possédez avec vous l'esprit de discipline nécessaire pour faire partie de la nouvelle croisade entre l'erreur et la superstition, l'esprit d'amour et d'obéissance nécessaire pour marcher contre la barbarie. Enveloppez-vous donc dans ce drapeau de la civilisation moderne : le Spiritisme sous un seul chef, et vous renverserez ces idées formidables aux fronts cornus et aux grandes queues qu'il faut anéantir.
Ce chef, je ne dis point son nom ; vous le connaissez. Voyez-le en avant ; il marche sans craindre les morsures venimeuses des serpents et des reptiles de l'envie et de la jalousie qui l'entourent ; il restera debout, car nous avons oint son corps pour qu'il soit toujours solide et robuste. Suivez-le, suivez-le donc ; mais, dans votre marche, des orages éclateront sur vos têtes, et quelques-uns d'entre vous ne trouveront point de refuge pour se mettre à l'abri de la tempête ! Que ceux-là se résignent avec courage comme les martyrs chrétiens, et qu'ils songent que la grande œuvre pour laquelle ils auront souffert, c'est la vie, c'est le réveil des nations endormies, et qu'ils en seront largement récompensés un jour dans le royaume du Père.
Saint Augustin.
Nous extrayons le passage suivant d'une lettre que nous écrivait dernièrement le président de la Société de Constantine :
« Nous préoccupons tous les habitants européens et même indigènes ; plusieurs groupes se sont formés en dehors de nous, et l'on s'occupe partout du Spiritisme. La création de notre Société aura eu du moins pour résultat d'appeler l'attention sur la science nouvelle. Nous ne laissons pas cependant d'éprouver quelques embarras, mais nous sommes soutenus par des Esprits qui nous exhortent à la patience et nous disent que ce sont des épreuves dont la Société sortira victorieuse et plus forte en quelque sorte. Nous avons aussi les oppositions de l'extérieur ; le clergé d'une part, et les gens des mosquées de l'autre, affirment hautement que nous sommes placés sous les inspirations de Satan, et que nos communications viennent de l'enfer. Nous avons aussi contre nous les viveurs, ceux qui vivent de sensualisme, sans s'occuper de leur âme ; matérialistes ou sceptiques qui repoussent tout ce qui se rapporte à cette autre vie dont ils ne veulent pas admettre l'existence ; ils ferment les yeux et les oreilles, nous appellent charlatans et cherchent à nous asphyxier par la raillerie et le ridicule. Mais nous marchons toujours à travers toutes les épines ; les médiums ne nous manquent pas, et tous les jours il en surgit de nouveaux et de bien intéressants. Nous avons des communications de diverses natures et des incidents imprévus faits pour convaincre les personnes les plus rebelles, par exemple, une réponse en italien par une personne qui ne connaît pas cette langue ; des réponses à des questions sur la formation du globe par une dame médium qui n'a jamais étudié la géologie ; un autre groupe a reçu des communications poétiques pleines de charme, etc. »
Remarque. ‑ Le diable, comme on le voit, est aussi mis en cause par les prêtres musulmans. Il est à remarquer que les prêtres de tous les cultes lui donnent tant de pouvoir qu'on ne sait vraiment la part qu'ils laissent à Dieu, ni comment il faut entendre sa toute-puissance ; si elle est absolue, le diable ne peut agir sans sa volonté ; si elle n'est que partielle, Dieu n'est pas Dieu. Heureusement on a plus de foi en sa bonté infinie qu'en sa vengeance infinie, et le diable s'est bien discrédité depuis qu'on lui a tant fait jouer la comédie sur tous les théâtres, depuis la farce jusqu'à l'opéra ; aussi son nom ne fait-il aujourd'hui guère plus d'effet sur les populations que les images hideuses que les Chinois plaçaient sur leurs remparts pour servir d'épouvantail aux barbares européens. Les progrès incessants du Spiritisme prouvent que ce moyen est inefficace ; on fera bien d'en chercher un autre.
« Quoique les travaux que votre Société a faits jusqu'à ce jour ne soient pas tout à fait sans reproches, nous ne voulons cependant pas nous arrêter à ces considérations, à cause de la bonne volonté qui vous anime ; nous tenons plutôt compte de l'intention que des faits.
« Pénétrez-vous avant tout de la grandeur de la tâche que vous avez entreprise, et faites votre possible pour la mener à bonne fin ; ce n'est qu'à cette condition que vous pourrez espérer d'être assistés par des Esprits supérieurs.
« Entrons maintenant en matière, et voyons si vous n'avez pas commis quelques fautes. D'abord vous avez grand tort de vous servir de tous vos médiums pour les communications particulières. Qu'est-ce que l'évocation générale, si ce n'est l'appel aux bons Esprits de se communiquer à vous ? Eh bien ! que faites-vous ? au lieu d'attendre, après l'évocation générale, et de laisser aux bons Esprits le temps de se communiquer par tel ou tel médium, suivant les sympathies qui peuvent exister, vous passez immédiatement à des évocations particulières. Sachez donc que ce n'est pas là le bon moyen d'avoir des communications spontanées comme on en reçoit dans d'autres sociétés. Ainsi attendez un moment et recueillez les communications générales, qui toujours vous apprendront quelques bonnes vérités. Vous pourrez ensuite passer aux évocations particulières ; mais alors, pour chacune, ne vous servez que d'un seul médium ; ne savez-vous donc pas qu'il n'y a que les Esprits réellement supérieurs qui soient dans le cas de se communiquer à plusieurs médiums à la fois ? Ne faites donc servir qu'un seul médium pour chaque évocation particulière, et si vous avez des doutes sur la vérité des réponses obtenues, faites alors un autre jour une évocation nouvelle, en employant un autre médium.
« Vous n'êtes encore qu'au début de la science spirite et n'en pouvez tirer tous les fruits qu'elle accorde à ses adeptes expérimentés ; mais ne perdez pas courage, car il vous sera tenu compte de vos efforts pour vous améliorer et pour propager la vérité immuable de Dieu. En avant donc, mes amis, et que le ridicule que vous rencontrerez plus d'une fois sur votre chemin ne vous fasse pas dévier d'une ligne de vos croyances spirites.
Jacques. »
Les Spirites de Constantine nous ayant prié de demander à saint Augustin s'il voudrait bien accepter le patronage spirituel de leur Société, ce dernier donna à ce sujet la communication suivante.
(Société de Paris, 27 juin 1862. ‑ Médium, M. E. Vézy.)
S'adressant d'abord aux membres de la Société de Paris, il dit :
« Ils ont bien fait, nos enfants de la nouvelle France, de se rallier à vous ; ils ont bien fait de ne point détacher la tige du tronc. Restez toujours unis, et les bons Esprits seront avec vous. » Il continue en s'adressant à ceux de Constantine :
« Amis, je suis bien heureux d'être choisi par vous pour être votre guide spirituel. Attaché à la terre pour la grande mission qui doit la régénérer, je suis joyeux de pouvoir encourager plus spécialement un groupe de penseurs s'occupant de la grande idée, et de présider à ses travaux. Mettez donc mon nom à la tête de vos noms, et les Esprits de mon ordre viendront chasser les mauvais Esprits qui rôdent toujours aux portes des assemblées où se discutent les lois de la morale et du progrès. Que la fraternité et la concorde résident toujours parmi vous. Souvenez-vous que tous les hommes sont frères, et que le grand but du Spiritisme est de les réunir un jour au même foyer, et de les faire asseoir tous autour de la table du Père commun : Dieu.
Que cette mission est belle ! Aussi avec quelle joie sommes-nous venus à vous pour vous faire entendre les décrets divins ; pour vous révéler les merveilles d'outre-tombe ! Mais vous qui êtes initiés déjà à ces sublimes vérités, répandez autour de vous la semence, votre récompense sera belle ; vous en goûterez les prémices sur la terre. Quelle joie ! Marchez toujours dans la voie de l'enseignement, de l'amour et de la charité !
Prononcez mon nom avec confiance dans vos heures de crainte et de doute ; aussitôt vos cœurs seront soulagés de l'amertume et du fiel qu'ils peuvent porter en eux. N'oubliez pas que je suis sur tous les points de la terre où vous entendez parler d'apostolat évangélique ; je vous contiendrai tous dans mon âme pour vous déposer un jour dans une âme plus vaste et plus forte. Je serai toujours avec vous comme je suis ici ; ma voix aura pour vous la douceur que vous lui connaissez, car je n'aime ni les accents criards, ni les sons aigus. Vous m'entendrez vous répéter sans cesse : Aimez-vous, aimez-vous ! Épargnez-moi de m'armer de la verge dont il faut frapper le méchant ; il le faut pourtant parfois, mais ne soyez jamais de ce nombre ! Il viendra un temps où l'humanité marchera docile sous la voix du bon pasteur ; c'est vous, enfants, qui devez nous aider à cette régénération, qui devez en entendre sonner la première heure ; car voici le troupeau qui s'assemble et le pasteur arrive.
Remarque. L'Esprit fait allusion à une révélation d'une très haute importance faite, pour la première fois, dans un groupe spirite d'une petite ville d'Afrique, sur les confins du désert, par un médium complètement illettré. Cette révélation, qui nous fut immédiatement transmise, nous arriva presque simultanément de divers points de la France et de l'étranger. Depuis lors de nombreux documents très caractéristiques et plus circonstanciés sont venus y donner une sorte de consécration. Nous en rendrons compte quand le moment sera venu de le faire.
Travaillez donc et ayez courage. Dans vos assemblées, discutez toujours froidement, sans emportement ; demandez nos avis, nos conseils, afin de ne point tomber dans l'erreur, dans l'hérésie. Surtout ne formulez ni articles de foi, ni dogmes ; souvenez-vous que la religion de Dieu, c'est la religion du cœur ; qu'elle n'a pour base qu'un principe : la charité ; pour développement : l'amour de l'humanité.
N'abattez jamais la branche du tronc ; l'arbre a bien plus de verdure avec tous ses rameaux, et la branche meurt quand elle est séparée de la tige qui l'a fait naître. Souvenez-vous que Christ comprit qu'il fallait que son Église fût assise sur la même pierre pour être solide, comme il ordonne au Spiritisme de n'avoir qu'une seule racine, pour qu'elle ait plus de force pour pénétrer sous toutes les surfaces du sol ; quelque arides et desséchées qu'elles soient.
Un Esprit incarné a été choisi pour vous diriger et vous conduire ; soumettez-vous avec respect, non à ses lois, car il n'ordonne point, mais à ses désirs. Vous prouverez à vos ennemis, par cette soumission, que vous possédez avec vous l'esprit de discipline nécessaire pour faire partie de la nouvelle croisade entre l'erreur et la superstition, l'esprit d'amour et d'obéissance nécessaire pour marcher contre la barbarie. Enveloppez-vous donc dans ce drapeau de la civilisation moderne : le Spiritisme sous un seul chef, et vous renverserez ces idées formidables aux fronts cornus et aux grandes queues qu'il faut anéantir.
Ce chef, je ne dis point son nom ; vous le connaissez. Voyez-le en avant ; il marche sans craindre les morsures venimeuses des serpents et des reptiles de l'envie et de la jalousie qui l'entourent ; il restera debout, car nous avons oint son corps pour qu'il soit toujours solide et robuste. Suivez-le, suivez-le donc ; mais, dans votre marche, des orages éclateront sur vos têtes, et quelques-uns d'entre vous ne trouveront point de refuge pour se mettre à l'abri de la tempête ! Que ceux-là se résignent avec courage comme les martyrs chrétiens, et qu'ils songent que la grande œuvre pour laquelle ils auront souffert, c'est la vie, c'est le réveil des nations endormies, et qu'ils en seront largement récompensés un jour dans le royaume du Père.
Saint Augustin.
Nous extrayons le passage suivant d'une lettre que nous écrivait dernièrement le président de la Société de Constantine :
« Nous préoccupons tous les habitants européens et même indigènes ; plusieurs groupes se sont formés en dehors de nous, et l'on s'occupe partout du Spiritisme. La création de notre Société aura eu du moins pour résultat d'appeler l'attention sur la science nouvelle. Nous ne laissons pas cependant d'éprouver quelques embarras, mais nous sommes soutenus par des Esprits qui nous exhortent à la patience et nous disent que ce sont des épreuves dont la Société sortira victorieuse et plus forte en quelque sorte. Nous avons aussi les oppositions de l'extérieur ; le clergé d'une part, et les gens des mosquées de l'autre, affirment hautement que nous sommes placés sous les inspirations de Satan, et que nos communications viennent de l'enfer. Nous avons aussi contre nous les viveurs, ceux qui vivent de sensualisme, sans s'occuper de leur âme ; matérialistes ou sceptiques qui repoussent tout ce qui se rapporte à cette autre vie dont ils ne veulent pas admettre l'existence ; ils ferment les yeux et les oreilles, nous appellent charlatans et cherchent à nous asphyxier par la raillerie et le ridicule. Mais nous marchons toujours à travers toutes les épines ; les médiums ne nous manquent pas, et tous les jours il en surgit de nouveaux et de bien intéressants. Nous avons des communications de diverses natures et des incidents imprévus faits pour convaincre les personnes les plus rebelles, par exemple, une réponse en italien par une personne qui ne connaît pas cette langue ; des réponses à des questions sur la formation du globe par une dame médium qui n'a jamais étudié la géologie ; un autre groupe a reçu des communications poétiques pleines de charme, etc. »
Remarque. ‑ Le diable, comme on le voit, est aussi mis en cause par les prêtres musulmans. Il est à remarquer que les prêtres de tous les cultes lui donnent tant de pouvoir qu'on ne sait vraiment la part qu'ils laissent à Dieu, ni comment il faut entendre sa toute-puissance ; si elle est absolue, le diable ne peut agir sans sa volonté ; si elle n'est que partielle, Dieu n'est pas Dieu. Heureusement on a plus de foi en sa bonté infinie qu'en sa vengeance infinie, et le diable s'est bien discrédité depuis qu'on lui a tant fait jouer la comédie sur tous les théâtres, depuis la farce jusqu'à l'opéra ; aussi son nom ne fait-il aujourd'hui guère plus d'effet sur les populations que les images hideuses que les Chinois plaçaient sur leurs remparts pour servir d'épouvantail aux barbares européens. Les progrès incessants du Spiritisme prouvent que ce moyen est inefficace ; on fera bien d'en chercher un autre.
Lettre de M. Jean Reynaud au journal des Débats
La lettre suivante a été publiée dans les Débats du 6 juillet 1862.
« A M. le Directeur-Gérant.
« Neuilly, le 2 juillet 1862.
« Monsieur,
« Permettez-moi de répondre à deux accusations considérables portées contre moi dans votre journal d'aujourd'hui par M. Franck, qui m'y prend à partie comme fauteur du panthéisme et de la métempsycose. Non seulement je repousse ces erreurs du fond de l'âme, mais les personnes qui ont bien voulu lire mon livre de Terre et Ciel ont pu voir qu'elles sont ouvertement contraires à tous les sentiments qui y sont exprimés.
« Quant au panthéisme, je me borne à dire que le principe de la personnalité de Dieu est le point de départ de toutes mes idées, et que, sans m'inquiéter de ce que pensent les Juifs, je pense avec les Chrétiens que le dogme de la trinité résume toute la théologie à ce sujet. Ainsi, page 226 du livre en question, j'énonce que la création procède de la trinité tout entière ; mieux encore, je cite textuellement sur cette thèse saint Augustin, sous l'autorité duquel je déclare me ranger, et j'ajoute : « Si en m'éloignant du moyen âge en ce qui regarde l'ancienneté du monde, je courais le moindre risque de glisser dans l'abîme de ceux qui confondent Dieu et l'univers dans un caractère commun d'éternité, je m'arrêterais ; mais puis-je avoir la moindre inquiétude à cet égard ? »
« Quant à la seconde accusation, sans m'inquiéter non plus de savoir si je pense ou ne pense pas comme M. Salvador, je dirai simplement que si l'on entend par métempsycose, selon le sens vulgaire, la doctrine qui veut que l'homme soit exposé à passer après sa mort dans le corps des animaux, je repousse cette doctrine, fille du panthéisme, à l'égal du panthéisme lui-même. Je crois notre destinée future essentiellement fondée sur la permanence de notre personnalité. Le sentiment de cette permanence peut s'éclipser momentanément, mais il ne se perd jamais, et sa pleine possession est le premier caractère de la vie bienheureuse à laquelle tous les hommes, dans le cours plus ou moins prolongé de leurs épreuves, sont continuellement appelés. De la personnalité de Dieu suit en effet tout naturellement celle de l'homme.
« Comment Dieu, est-il dit page 258, dans le livre mis en cause, n'aurait-il pas créé à son image ce qu'il lui a plu de créer dans la plénitude de son amour ? » Et sur ce point encore je me réfère à saint Augustin, dont je cite textuellement les belles paroles : « Puis donc que nous avons été créés à l'image de notre créateur, contemplons en nous cette image, et, comme l'enfant égaré de l'Évangile, retournons à lui après nous être éloignés de lui par nos péchés. »
« Si le livre de Terre et Ciel s'écarte des opinions accréditées par l'Eglise, ce n'est donc point sur ces thèses substantielles, comme tendrait à le faire croire M. Franck, mais seulement, si je puis ainsi parler, sur une question de temps. Il y est enseigné que la durée de la création va de pair avec son étendue, de sorte que l'immensité règne également dans les deux sens ; et il y est enseigné aussi que notre vie actuelle, au lieu de représenter la totalité des épreuves par lesquelles nous nous rendons capables de participer à la plénitude de la vie bienheureuse, n'est qu'un des termes d'une série plus ou moins longue d'existences analogues. Voilà, monsieur, ce qui a pu donner le change à M. Franck, dont la critique m'a paru d'autant plus redoutable que la parfaite loyauté de son caractère est connue de tout le monde.
« Veuillez agréer, etc.
« Jean Reynaud »
On voit que nous n'avons été ni le seul ni le premier à proclamer la doctrine de la pluralité des existences, autrement dit de la réincarnation. L'ouvrage de Terre et Ciel de M. Jean Reynaud a paru avant le Livre des Esprits. On peut voir le même principe exposé en termes explicites dans un charmant petit livre de M. Louis Jourdan, intitulé : Les prières de Ludovic, et dont la première édition a été publiée en 1849, à la Librairie-Nouvelle, boulevard des Italiens. C'est que l'idée de la réincarnation n'est pas neuve ; elle est aussi vieille que le monde, on la retrouve dans maints auteurs anciens et modernes. A ceux qui objectent que cette doctrine est contraire aux dogmes de l'Église, nous répondrons que : de deux choses l'une, ou la réincarnation existe, ou elle n'existe pas : il n'y a pas d'alternative ; si elle existe, c'est que c'est une loi de la nature ; or, si un dogme est contraire à une loi de nature, il s'agit de savoir qui a raison du dogme ou de la loi. Quand l'Église a anathématisé, excommunié comme coupables d'hérésie ceux qui croyaient au mouvement de la terre, cela n'a pas empêché la terre de tourner, et tout le monde d'y croire aujourd'hui. Il en sera de même de la réincarnation. Ce n'est donc pas une question d'opinion, mais une question de fait ; si le fait existe, tout ce qu'on pourra dire ou faire ne l'empêchera pas d'exister, et tôt ou tard les plus récalcitrants devront l'accepter ; Dieu ne consulte pas leurs convenances pour régler l'ordre des choses, et l'avenir ne tardera pas à prouver qui a tort ou raison.
La lettre suivante a été publiée dans les Débats du 6 juillet 1862.
« A M. le Directeur-Gérant.
« Neuilly, le 2 juillet 1862.
« Monsieur,
« Permettez-moi de répondre à deux accusations considérables portées contre moi dans votre journal d'aujourd'hui par M. Franck, qui m'y prend à partie comme fauteur du panthéisme et de la métempsycose. Non seulement je repousse ces erreurs du fond de l'âme, mais les personnes qui ont bien voulu lire mon livre de Terre et Ciel ont pu voir qu'elles sont ouvertement contraires à tous les sentiments qui y sont exprimés.
« Quant au panthéisme, je me borne à dire que le principe de la personnalité de Dieu est le point de départ de toutes mes idées, et que, sans m'inquiéter de ce que pensent les Juifs, je pense avec les Chrétiens que le dogme de la trinité résume toute la théologie à ce sujet. Ainsi, page 226 du livre en question, j'énonce que la création procède de la trinité tout entière ; mieux encore, je cite textuellement sur cette thèse saint Augustin, sous l'autorité duquel je déclare me ranger, et j'ajoute : « Si en m'éloignant du moyen âge en ce qui regarde l'ancienneté du monde, je courais le moindre risque de glisser dans l'abîme de ceux qui confondent Dieu et l'univers dans un caractère commun d'éternité, je m'arrêterais ; mais puis-je avoir la moindre inquiétude à cet égard ? »
« Quant à la seconde accusation, sans m'inquiéter non plus de savoir si je pense ou ne pense pas comme M. Salvador, je dirai simplement que si l'on entend par métempsycose, selon le sens vulgaire, la doctrine qui veut que l'homme soit exposé à passer après sa mort dans le corps des animaux, je repousse cette doctrine, fille du panthéisme, à l'égal du panthéisme lui-même. Je crois notre destinée future essentiellement fondée sur la permanence de notre personnalité. Le sentiment de cette permanence peut s'éclipser momentanément, mais il ne se perd jamais, et sa pleine possession est le premier caractère de la vie bienheureuse à laquelle tous les hommes, dans le cours plus ou moins prolongé de leurs épreuves, sont continuellement appelés. De la personnalité de Dieu suit en effet tout naturellement celle de l'homme.
« Comment Dieu, est-il dit page 258, dans le livre mis en cause, n'aurait-il pas créé à son image ce qu'il lui a plu de créer dans la plénitude de son amour ? » Et sur ce point encore je me réfère à saint Augustin, dont je cite textuellement les belles paroles : « Puis donc que nous avons été créés à l'image de notre créateur, contemplons en nous cette image, et, comme l'enfant égaré de l'Évangile, retournons à lui après nous être éloignés de lui par nos péchés. »
« Si le livre de Terre et Ciel s'écarte des opinions accréditées par l'Eglise, ce n'est donc point sur ces thèses substantielles, comme tendrait à le faire croire M. Franck, mais seulement, si je puis ainsi parler, sur une question de temps. Il y est enseigné que la durée de la création va de pair avec son étendue, de sorte que l'immensité règne également dans les deux sens ; et il y est enseigné aussi que notre vie actuelle, au lieu de représenter la totalité des épreuves par lesquelles nous nous rendons capables de participer à la plénitude de la vie bienheureuse, n'est qu'un des termes d'une série plus ou moins longue d'existences analogues. Voilà, monsieur, ce qui a pu donner le change à M. Franck, dont la critique m'a paru d'autant plus redoutable que la parfaite loyauté de son caractère est connue de tout le monde.
« Veuillez agréer, etc.
« Jean Reynaud »
On voit que nous n'avons été ni le seul ni le premier à proclamer la doctrine de la pluralité des existences, autrement dit de la réincarnation. L'ouvrage de Terre et Ciel de M. Jean Reynaud a paru avant le Livre des Esprits. On peut voir le même principe exposé en termes explicites dans un charmant petit livre de M. Louis Jourdan, intitulé : Les prières de Ludovic, et dont la première édition a été publiée en 1849, à la Librairie-Nouvelle, boulevard des Italiens. C'est que l'idée de la réincarnation n'est pas neuve ; elle est aussi vieille que le monde, on la retrouve dans maints auteurs anciens et modernes. A ceux qui objectent que cette doctrine est contraire aux dogmes de l'Église, nous répondrons que : de deux choses l'une, ou la réincarnation existe, ou elle n'existe pas : il n'y a pas d'alternative ; si elle existe, c'est que c'est une loi de la nature ; or, si un dogme est contraire à une loi de nature, il s'agit de savoir qui a raison du dogme ou de la loi. Quand l'Église a anathématisé, excommunié comme coupables d'hérésie ceux qui croyaient au mouvement de la terre, cela n'a pas empêché la terre de tourner, et tout le monde d'y croire aujourd'hui. Il en sera de même de la réincarnation. Ce n'est donc pas une question d'opinion, mais une question de fait ; si le fait existe, tout ce qu'on pourra dire ou faire ne l'empêchera pas d'exister, et tôt ou tard les plus récalcitrants devront l'accepter ; Dieu ne consulte pas leurs convenances pour régler l'ordre des choses, et l'avenir ne tardera pas à prouver qui a tort ou raison.
Les Pandoûs et les Kouroûs
Réincarnation dans l'antiquité.
Un de nos abonnés nous écrit de Nantes :
« En lisant un livre traitant de quelques ouvrages sanscrits, j'ai trouvé, dans un passage d'un poème appelé Maha-Barata, une exposition de la croyance de ces temps reculés, et grand a été mon étonnement d'y trouver la réincarnation, doctrine qui, pour les temps, parait avoir été assez bien comprise. Voici le fait qui donne lieu au dieu Krischna d'expliquer au chef des Pandoûs la théorie des brahmanes.
« La guerre civile ayant éclaté entre les descendants de Pandoû, légitimes héritiers du trône, et les descendants de Kouroû, qui l'ont usurpé, les Pandoûs viennent, à la tête d'une armée que le héros Arjuna commande, attaquer les usurpateurs. La bataille a duré longtemps, et la victoire est encore incertaine ; un armistice donne aux deux armées en présence le temps de retremper leurs forces ; tout à coup les trompettes mugissent et les deux armées s'ébranlent tout entières en s'avançant au combat ; des chevaux blancs emportent le char d'Arjuna, près duquel se tient le dieu Krischna. Tout à coup le héros s'arrête au milieu de l'espace qui sépare les deux armées ; il les parcourt du regard : « Frères contre frères, se dit-il ; parents contre parents, prêts à s'entr'égorger sur les cadavres de leurs frères ! » Une mélancolie profonde, une subite douleur le saisissent.
« Krischna ! s'écrie-t-il, voici nos parents armés, debout, prêts à s'égorger ; vois ! mes membres tremblent, mon visage pâlit, mon sang se glace ; un froid de mort circule dans mes veines et mes cheveux se hérissent d'horreur. Mon arc fidèle tombe de ma main, incapable de le soutenir ; je chancelle ; je ne puis ni avancer ni reculer, et mon âme enivrée de douleur semble vouloir m'abandonner. Dieu aux cheveux blonds, ah ! dis-moi, quand j'aurai assassiné tous les miens, sera-ce du bonheur ? La victoire, l'empire, la vie, que me seront-ils alors que ceux pour qui je désire les obtenir et les conserver auront péri dans le combat ? O conquérant céleste, quand le triple monde serait le prix de leur mort, je ne voudrais pas les égorger pour ce misérable globe ; non, je ne le veux pas, quoiqu'ils s'apprêtent à me tuer sans pitié. »
« ‑ Ceux dont tu pleures la mort, lui répond le dieu, ne méritent pas que tu les pleures ; que l'on vive ou que l'on meure, le sage n'a pas de larmes pour la vie et pour la mort. Le temps où je n'existais pas, où tu n'existais pas, où ces guerriers n'existaient pas, n'a jamais été, et jamais on ne verra venir l'heure qui sonnera notre mort. L'âme placée dans nos corps traverse la jeunesse, l'âge mûr, la décrépitude, et passant dans un nouveau corps, elle y recommence sa course. Indestructible et éternel, un dieu déroule de ses mains l'univers où nous sommes ; et qui anéantira l'âme qu'il a créée ? qui donc détruira l'œuvre de l'Indestructible ? Le corps, enveloppe fragile, s'altère, se corrompt et périt ; mais l'âme, l'âme éternelle que l'on ne peut concevoir, celle-là ne périt pas. Au combat, Arjuna ! pousse tes coursiers dans la mêlée ; l'âme ne tue pas ; l'âme n'est pas tuée ; jamais elle n'éclôt ; jamais ne elle meurt ; elle ne connaît pas de présent, de passé, d'avenir ; elle est ancienne, éternelle, toujours vierge, toujours jeune, immuable, inaltérable. Tomber dans la mêlée, égorger ses ennemis, qu'est-ce, sinon déposer un vêtement ou l'enlever à celui qui le portait ? Va donc ! et ne crains rien ; jette sans scrupule une draperie usée ; vois sans terreur tes ennemis et tes frères quitter leur corps périssable, et leur âme revêtir une forme nouvelle. L'âme, c'est la chose que le glaive ne pénètre pas, que le feu ne peut consumer, que les eaux ne détériorent pas, que le vent du midi ne dessèche pas. Cesse donc de gémir. »
Remarque. ‑ L'idée de la réincarnation est en effet assez bien définie dans ce passage, comme, du reste, toutes les croyances spirites l'étaient dans l'antiquité ; il n'y manquait qu'un principe : celui de la charité. Il était réservé au Christ de proclamer cette loi suprême, source de toutes les félicités terrestres et célestes.
La planète de Vénus
(Dictée spontanée. ‑ Médium, M. Costel.)
La planète de Vénus est le point intermédiaire entre Mercure et Jupiter ; ses habitants ont la même conformation physique que la vôtre ; le plus ou le moins de beauté et d'idéalité dans les formes est la seule différence tracée entre les êtres créés. La subtilité de l'air, dans Vénus, comparable à celui des hautes montagnes, le rend impropre à vos poumons ; les maladies y sont ignorées. Ses habitants ne se nourrissent que de fruits et de laitage ; ils ignorent la barbare coutume de se repaître de cadavres d'animaux, férocité qui n'existe que dans les planètes inférieures ; par suite, les grossières nécessités du corps sont anéanties, et l'amour se pare de toutes les passions et de toutes les perfections rêvées seulement sur la terre.
Comme à l'aube, où les formes se revêtent indécises et noyées dans la vapeur du matin, la perfection de l'âme, près d'être complétée, a les ignorances et les désirs de l'enfance heureuse. La nature elle-même revêt la grâce du bonheur voilé ; ses formes molles et arrondies n'ont point les violences et les âpretés des sites terrestres ; la mer, profonde et calme, ignore la tempête ; les arbres ne se courbent jamais sous l'effort de l'orage, et l'hiver ne les dépouille point de leur verdure ; rien n'est éclatant ; tout rit, tout est doux. Les mœurs, empreintes de quiétude et de tendresse, n'ont besoin d'aucune répression pour demeurer pures et fortes.
La forme politique revêt l'expression de la famille ; chaque tribu ou agglomération d'individus a son chef élu par rang d'âge. La vieillesse y est l'apogée de la dignité humaine, parce qu'elle rapproche du but désiré ; exempte d'infirmités et de laideur, elle est calme et rayonnante comme un beau soir d'automne.
L'industrie terrestre, appliquée à la recherche inquiète du bien-être matériel, est simplifiée et disparaît presque dans les régions supérieures, où elle n'a aucune raison d'être ; les arts sublimes la remplacent et acquièrent un développement et une perfection que vos sens épais ne peuvent imaginer.
Les vêtements sont uniformes ; de grandes robes blanches enveloppent de leurs plis harmonieux le corps, qu'elles ne dénaturent pas. Tout est facile à ces êtres qui ne désirent que Dieu et qui, dépouillés des grossiers intérêts, vivent simples et presque lumineux.
Georges.
(Questions sur la dictée précédente ; Société de Paris ; 27 juin 1862. ‑ Médium, M. Costel.)
1. Vous avez donné à votre médium de prédilection une description de la planète de Vénus, et nous sommes charmés de la voir concorder avec ce qui nous en a déjà été dit, avec moins de précision toutefois. Nous vous prierons de vouloir bien la compléter en répondant à quelques questions.
Veuillez nous dire d'abord comment vous avez connaissance de ce monde ? - R. Je suis errant, mais inspiré par des Esprits supérieurs. J'ai été envoyé en mission dans Vénus.
2. Les habitants de la terre peuvent-ils y être incarnés directement en sortant d'ici ? ‑ R. En quittant la terre, les êtres les plus avancés subissent pendant un temps plus ou moins prolongé l'erraticité, qui dépouille entièrement des liens charnels rompus imparfaitement par la mort.
Remarque. - La question n'était pas de savoir si les habitants de la terre peuvent y être incarnés immédiatement après la mort, mais directement, c'est-à-dire sans passer par des mondes intermédiaires. Il est répondu que cela se peut pour les plus avancés.
3. L'état d'avancement des habitants de Vénus leur permet-il de se souvenir de leur séjour dans les mondes inférieurs, et d'établir une comparaison entre les deux situations ? ‑ R. Les hommes regardent en arrière par les yeux de la pensée, qui reconstruit dans un seul élan le passé évanoui. Ainsi l'Esprit avancé voit avec la même rapidité qu'il se meut, rapidité plus foudroyante que celle de l'électricité, belle découverte qui se relie étroitement à la révélation du Spiritisme ; tous deux portent en eux le progrès matériel et intellectuel.
Remarque. ‑ Pour établir une comparaison, il n'est pas absolument nécessaire de savoir quelle position on a personnellement occupée ; il suffit de connaître l'état matériel et moral des mondes inférieurs par lesquels on a dû passer pour en apprécier la différence. D'après ce qui nous est dit de la planète de Mars, nous devons certainement nous féliciter de ne plus y être ; et sans sortir de la terre, il nous suffit de considérer les peuples barbares et féroces, et de savoir que nous avons dû passer par cet état, pour nous estimer plus heureux. Nous n'avons sur les autres mondes que des renseignements hypothétiques ; mais il se peut que dans ceux qui sont plus avancés que nous cette connaissance ait un degré de certitude qui ne nous est pas donné.
4. La durée de la vie y est-elle proportionnellement plus longue ou plus courte que sur la terre ? ‑ R. L'incarnation, dans Vénus, est infiniment plus longue que ne l'est l'épreuve terrestre ; dépouillée des violences humaines, l'âme détendue et imprégnée de la vivifiante influence qui la pénètre, essaye les ailes qui l'emporteront dans les planètes glorieuses de Jupiter ou autres semblables.
Remarque. ‑ Ainsi que nous l'avons déjà fait observer, la durée de la vie corporelle parait être proportionnée à l'avancement des mondes. Dieu, dans sa bonté, a voulu abréger l'épreuve dans les mondes inférieurs. A cette raison se joint une cause physique, c'est que plus les mondes sont avancés, moins les corps sont usés par le ravage des passions et des maladies qui en sont la conséquence.
5. Le caractère sous lequel vous dépeignez les habitants de Vénus doit nous faire supposer qu'il n'y a chez eux ni guerres, ni querelles, ni haines, ni jalousies ? - R. Les hommes ne devinent que ce que les mots peuvent exprimer, et leur pensée limitée est privée d'infini ; ainsi vous attribuez toujours, même aux planètes supérieures, vos passions et les mobiles inférieurs, virus déposé dans vos êtres par la grossièreté du point de départ, et dont vous ne guérissez que lentement. Les divisions, les querelles, les guerres, sont inconnues dans Vénus, aussi inconnues que l'est parmi vous l'anthropophagie.
Remarque. - La terre, en effet, nous présente, par l'innombrable variété des échelons sociaux, une infinité de types qui peut nous donner une idée des mondes où chacun de ces types est l'état normal.
6. Quel est l'état de la religion dans cette planète ? - R. La religion est l'adoration constante et active de l'Être suprême ; adoration dépouillée de toute erreur, c'est-à-dire de tout culte idolâtre.
7. Tous les habitants sont-ils au même degré, ou bien y en a-t-il, comme sur la terre, de plus ou moins avancés ? Dans ce cas, à quels habitants de la terre correspondent les moins avancés ? - R. La même inégalité proportionnelle existe parmi les habitants de Vénus que parmi les êtres terrestres. Les moins avancés sont les étoiles du monde terrestre, c'est-à-dire vos génies et vos hommes vertueux.
8. Y a-t-il des maîtres et des serviteurs ? - R. La servitude est le premier degré de l'initiation. Les esclaves de l'antiquité, comme ceux de l'Amérique moderne, sont des êtres destinés à progresser dans un milieu supérieur à celui qu'ils habitaient dans leur dernière incarnation. Partout les êtres inférieurs sont subordonnés aux êtres supérieurs ; mais dans Vénus cette subordination morale ne peut être comparée à la subordination corporelle telle qu'elle existe sur la terre. Les supérieurs ne sont pas les maîtres, mais les pères des inférieurs ; au lieu de les exploiter, ils aident à leur avancement.
9. Vénus est-elle arrivée graduellement à l'état où elle est ? A-t-elle passé antérieurement par l'état où est la terre et même Mars ? - R. Il règne une admirable unité dans l'ensemble de l'œuvre divine. Les planètes comme les individus, comme tout ce qui est créé, animaux et plantes, progressent inévitablement. La vie, dans ses expressions variées, est une ascension perpétuelle vers le Créateur ; elle déroule, dans une immense spirale, les degrés de son éternité.
10. Nous avons eu des communications concordantes sur Jupiter, Mars et Vénus ; pourquoi n'avons-nous eu sur la lune que des choses contradictoires et qui n'ont pu fixer l'opinion ? ‑ R. Cette lacune sera comblée, et bientôt vous aurez sur la lune des révélations aussi nettes, aussi précises que celles que vous avez obtenues sur d'autres planètes. Si elles ne vous ont pas encore été données, vous en comprendrez plus tard la raison.
Remarque. Cette description de Vénus n'a sans doute aucun des caractères d'une authenticité absolue, aussi ne la donnons-nous qu'à titre conditionnel. Toutefois ce qui a déjà été dit de ce monde y donne tout au moins un certain degré de probabilité, et quoi qu'il en soit, ce n'en est pas moins le tableau d'un monde qui doit nécessairement exister pour tout homme qui n'a pas l'orgueilleuse prétention de croire que la terre est l'apogée de la perfection humaine ; c'est un anneau dans l'échelle des mondes, et un degré accessible à ceux qui ne se sentent pas la force d'aller d'emblée dans Jupiter.
Lettre au journal de Saint-Jean-d'Angely
Nous trouvons la lettre suivante dans le journal de Saint-Jean-d'Angély du 15 juin 1862 :
« A M. Pierre de L…, rédacteur accidentel du journal le Mellois.
« Dans une lettre adressée au Mellois du 8 juin dernier, vous portez un défi à ce que vous appelez la petite Église de Saint-Jean-d'Angely. Piqué d'être repoussé par M. Borreau avec une fin de non-recevoir, vous vous retournez vers son collègue en Spiritisme pour l'interroger. Sans être le médium remarquable que vous désignez sous une transparente initiale, je me permettrai de vous soumettre quelques observations.
« Quel a pu être votre but en posant, d'abord à M. Borreau, ensuite aux Spirites de Saint-Jean-d'Angely, le défi d'évoquer l'âme de Jacques Bujault ? était-ce une plaisanterie pour mettre fin à la guerre civile et intestine qui semble devoir ensanglanter les fertiles campagnes du Poitou ? S'il en est ainsi, vous comprendrez, je pense que la dignité de gens sérieux et consciencieux, qui croient fermement à des théories établies sur des phénomènes dont ils ont reconnu la certitude, leur impose de ne pas s'associer à vos jeux. Libre à vous, certainement, libre aux sceptiques de rire de ces théories ; on rit de tout en France, vous le savez, monsieur. Toutefois, quelque bonne que fût votre plaisanterie, elle n'était pas nouvelle, et, entre autres, certain chroniqueur du journal auquel j'adresse la présente n'avait pas manqué de s'en servir dès ses débuts.
« Si vous avez posé cette question sérieusement, vous n'avez pas, permettez-moi de vous le dire, pris le bon moyen pour arriver à votre but. Ce n'étaient pas les railleries contenues dans votre premier article qui pouvaient persuader M. Borreau de votre sincérité. Il lui était parfaitement permis de douter et de ne pas vous donner l'occasion d'un pendant au croquis spirituel de l'évocation du prieur que vous savez. Pareillement ce ne sont pas vos remarques satiriques sur la complète inutilité du Spiritisme et sur les dissidences qui en divisent les adeptes qui peuvent convaincre M. C… de la complète bonne foi avec laquelle vous réclamez ses lumières. Si donc c'est véritablement votre intention de résoudre ce problème, voici le moyen le plus court et à la fois, selon moi, le plus convenable. Venez au cénacle, et là, dépouillant toute idée préconçue, faisant table rase de toute prévention antérieure, examinez froidement les phénomènes qui seront opérés devant vous, et soumettez-les au critérium de la certitude. Que, si une fois, deux fois, vous craignez d'être en butte à des hallucinations, réitérez vos expériences. Le Spiritisme vous dira, comme le Christ à Thomas :
Vide pedes, vide manus,
Noli esse incredulus.
« Et si ces expériences amènent toujours le même résultat, d'après toutes les règles de la logique, vous devrez avoir confiance dans le témoignage de vos sens, à moins, ce que je suis loin de supposer, que vous n'en soyez réduit au pyrrhonisme.
« Si, au contraire, comme je l'ai supposé plus haut, vos articles n'étaient qu'un jeu pour égayer le combat poitevin suscité par le vote malencontreux de la Société d'agriculture de Niort, continuez vos agréables plaisanteries, brillants assauts que nous admirons, nous, spectateurs désintéressés. Seulement vous permettrez aux Spirites de garder leur foi. La raillerie, en effet, n'a pas toujours raison ; l'aphorisme : le ridicule tue n'est pas d'une justesse frappante, et l'on pourrait dire à cette arme si cruelle, chez nous surtout, ce que l'on dit à un personnage de la comédie :
Tous ceux que vous tuez se portent assez bien.
« On a ri de toutes les grandes choses, on les a traitées de folies, ce qui ne les a pas empêchées de s'accomplir. On a ri de l'existence d'un autre monde, et l'Amérique a été découverte ; on a ri de la vapeur, et nous sommes au siècle des chemins de fer ; on a ri des pyroscaphes et de Fulton leur inventeur, et maintenant ils couvrent nos mers et nos rivières ; on a ri, inclinez-vous, monsieur, on a ri du Christ, et sa sublime folie, la folie de la croix a conquis et subjugué l'univers. Donc, si en ce moment le Spiritisme prête le flanc aux épigrammes des fils de voltaire, il prend son parti et continue sa route ; l'avenir le jugera. Si, ce système est basé sur la vérité, ni railleries ni passions ne prévaudront contre lui ; si ce n'est qu'une erreur, erreur bien généreuse, avouez-le, en notre siècle de matérialisme, il ira rejoindre dans le néant les mille et une aberrations de l'esprit qui, sous des noms divers et baroques, ont égaré l'humanité.
« Recevez, monsieur, l'expression de mes civilités empressées.
Un adepte. »
Remarque. ‑ Ce n'est pas la première fois que des adeptes relèvent le gant jeté au Spiritisme par les railleurs, et plus d'un, parmi ces derniers, a pu se convaincre qu'ils avaient affaire à partie plus forte et plus nombreuse qu'ils ne le croyaient, aussi beaucoup comprennent maintenant qu'il est plus prudent à eux de se taire. Et puis, il faut le dire, les idées spirites ont pénétré jusque dans le camp même des adversaires, où l'on commence à se sentir débordé, et alors on attend. Aujourd'hui le Spiritisme ne se professe plus en secret ; on se dit ouvertement Spirite, comme on se dirait Français ou Anglais, catholique, juif ou protestant, partisan de telle ou telle philosophie ; toute crainte puérile est bannie. Que tous les Spirites donc aient le courage de leur opinion, c'est le moyen de fermer la bouche aux détracteurs, et de leur donner à réfléchir.
Le Spiritisme croît incessamment comme le flot qui monte, et qui circonscrit l'îlot, fort étendu d'abord, et quelques jours plus tard réduit à un point. Que feront les négateurs quand ils se verront sur cet îlot qu'enserre chaque jour de plus en plus l'océan des idées nouvelles ? Nous voyons monter le flot qui nous porte ; voilà pourquoi nous ne nous inquiétons pas ; mais un jour, ceux qui seront sur l'îlot, effrayés de leur isolement, nous tendront les bras, et nous appelleront à leur secours.
Châtiment d'un avare
François Riquier, homme très commun, était un vieil avare et vieux garçon, mort à C…, il y a quatre ou cinq ans, laissant une fortune assez considérable à des collatéraux. Il avait été le propriétaire d'une de nos amies, madame F…. Cette dame l'avait totalement oublié, lorsque dernièrement sa fille, qui est sujette à des crises de catalepsie suivies d'un sommeil magnétique spontané, vit, dans ce sommeil, le sieur Riquier qui, dit-elle, voulait s'adresser à sa mère. A quelques jours de là, la fille de madame F…, qui est en outre très bon médium écrivain, ayant pris le crayon, obtint la communication suivante, à la suite de laquelle Riquier mit son nom et son adresse avec le numéro. Madame F… qui ne connaissait pas ce numéro s'empressa d'aller le vérifier et fut fort surprise de voir que l'indication était parfaitement exacte. Voici cette communication qui est un nouvel exemple des peines réservées aux Esprits coupables. Comme il s'était manifesté spontanément et avait témoigné le désir de parler à madame F…, on lui adressa cette question : « Que voulez-vous de nous ? – R. Mon argent qu'ils m'ont tous pris, les misérables, pour se le partager. Ils ont vendu mes fermes, mes maisons, tout, pour se le partager. Ils ont dilapidé mon bien, comme s'il n'était pas à moi. Faites-moi rendre justice, car, moi ils ne m'écoutent pas, et je ne veux pas voir de telles infamies Ils disent que j'étais usurier, et ils gardent mon argent ! Pourquoi ne veulent-ils pas me le rendre, puisqu'ils trouvent qu'il est mal acquis ?
« D. Mais vous êtes mort, mon bonhomme ; vous n'avez plus besoin d'argent. Demandez à Dieu d'avoir une nouvelle existence pauvre pour expier l'avarice de celle-ci. – R. Non, je ne pourrais pas vivre pauvre. Il faut mon argent pour me faire vivre. D'ailleurs je n'ai pas besoin de faire une autre vie, puisque je vis à présent.
« D. (La question suivante est faite dans le but de la ramener à la réalité.) – Souffrez-vous ? – R. Oh ! oui, je souffre des tortures pires que la maladie la plus cruelle, car c'est mon âme qui endure ces tortures. J'ai toujours présente à ma pensée l'iniquité de ma vie, qui a été un sujet de scandale pour beaucoup. Je sais bien que je suis un misérable indigne de pitié ; mais je souffre tant qu'il faut m'aider à sortir de ce misérable état.
«D. Nous prierons pour vous. – R. Merci ! Priez pour que j'oublie mes richesses terrestres ; sans cela je ne pourrai jamais me repentir.
Adieu et merci.
François Riquier,
Rue de la Charité, n°14. »
Remarque. ‑ Cet exemple et beaucoup d'autres analogues prouvent que l'Esprit peut conserver pendant plusieurs années l'idée qu'il appartient encore au monde corporel. Cette illusion n'est donc pas exclusivement le propre des cas de mort violente ; Elle parait être la conséquence de la matérialité de la vie terrestre, et la persistance du sentiment de cette matérialité qui ne peut être assouvie est un supplice pour l'Esprit. Nous y trouvons en outre la preuve que l'Esprit est un être semblable à l'être corporel, quoique fluidique, car, pour qu'il croie être encore de ce monde, qu'il continue ou croie continuer, on pourrait dire, à vaquer à ses affaires, il faut qu'il se voie une forme, un corps, en un mot, comme de son vivant. S'il ne restait de lui qu'un souffle, une vapeur, une étincelle, il ne pourrait se méprendre sur sa situation. C'est ainsi que l'étude des Esprits, même vulgaires, vient nous éclairer sur l'état réel du monde invisible, et confirmer les plus importantes vérités.
Mérite de la prière
La même personne dont il est question dans le fait précédent eut un jour la communication spontanée suivante, dont elle ne comprit pas tout d'abord l'origine :
« Vous ne m'avez pas oubliée, et jamais votre Esprit n'a eu un sentiment de pardon pour moi. Il est vrai que je vous ai fait bien du mal ; mais j'en suis punie depuis longtemps. Je n'ai pas cessé de souffrir. Je vous vois suivre les devoirs que vous remplissez avec tant de courage, pour subvenir aux besoins de votre famille, l'envie n'a cessé de me dévorer le cœur. Votre… (Ici, nous nous sommes arrêtées pour demander qui ce pouvait être. L'Esprit ajoute : « Ne m'interrompez pas ; je me nommerai quand j'aurai fini. ») … résignation, que j'ai suivie, a été un de mes plus grands maux. Ayez un peu de pitié de moi, si vous êtes réellement disciple du Christ. J'étais bien seule sur la terre, quoiqu'au milieu des miens, et l'envie a été mon plus grand vice. C'est par envie que j'ai dominé votre mari. Vous sembliez reprendre de l'empire sur lui alors que je vous ai connue, et je me suis placée entre vous. Pardonnez-moi et ayez courage : Dieu aura pitié de vous à son tour. Ma sœur, que j'ai opprimée pendant ma vie, est la seule qui ait prié pour moi ; mais ce sont vos prières qu'il me faut. Les autres n'ont pas pour moi le sceau du pardon. Adieu, pardonnez.
Angèle Rouget. »
Cette dame ajoute : « Je me rappelai alors parfaitement la personne morte il y a environ vingt-cinq ans, et à laquelle je n'avais pas pensé depuis bien des années. Je me demande comment il se peut que les prières de sa sœur, vertueuse et douce créature, dévouée, pieuse et résignée, ne soient pas plus fructueuses que les miennes. Cependant vous pensez bien, d'après cela, j'ai prié et pardonné. »
Réponse. ‑ L'Esprit en donne lui-même l'explication quand il dit :
« Les prières des autres n'ont pas pour moi le sceau du pardon. » En effet, cette dame étant la principale offensée, et ayant le plus souffert de la conduite de cette femme, dans sa prière il y avait pardon, ce qui devait plus toucher l'Esprit coupable. Sa sœur, en priant, ne faisait pour ainsi dire qu'accomplir un devoir ; de l'autre côté, il y avait acte de charité. L'offensée avait plus de droit et de mérite à demander grâce ; son pardon devait donc d'autant plus tranquilliser l'Esprit. Or, on sait que le principal effet de la prière est d'agir sur le moral de l'Esprit, soit pour le calmer, soit pour le ramener au bien ; en le ramenant au bien, elle hâte la clémence du Juge suprême, qui pardonne toujours au pécheur repentant.
La justice humaine, tout imparfaite qu'elle est vis-à-vis de la justice divine, nous offre de fréquents exemples semblables. Qu'un homme soit traduit devant les tribunaux pour une offense envers quelqu'un, nul ne plaidera mieux en sa faveur et n'obtiendra plus facilement sa grâce que l'offensé lui-même venant généreusement retirer sa plainte.
Cette communication ayant été lue à la société de Paris, donna lieu à la question suivante, proposée par un de ses membres :
« Les Esprits réclament sans cesse les prières des mortels ; est-ce que les bons Esprits ne prient pas aussi pour les Esprits souffrants, et dans ce cas pourquoi celles des hommes sont-elles plus efficaces ? »
La réponse suivante fut donnée dans la même séance, par saint Augustin ; médium, M. E. Vézy :
Priez toujours, enfants ; je vous l'ai déjà dit : la prière est une rosée bienfaisante qui doit rendre moins aride la terre desséchée. Je viens vous le répéter encore, et j'y ajoute quelques mots en réponse à la question que vous adressez. Pourquoi donc, dites-vous, les Esprits souffrants vous demandent-ils des prières de préférence à nous ? Les prières des mortels sont-elles plus efficaces que celles des bons Esprits ? ‑ Qui vous a dit que nos prières n'avaient pas la vertu de répandre la consolation et de donner de la force aux Esprits faibles qui ne peuvent aller à Dieu qu'avec peine et souvent avec découragement ? S'ils implorent vos prières, c'est qu'elles ont le mérite des émanations terrestres montant volontairement à Dieu, et que, celles-là, il les goûte toujours, venant de votre charité et de votre amour.
Pour vous, prier, c'est abnégation ; pour nous, c'est devoir. L'incarné qui prie pour son prochain remplit la noble tâche des purs Esprits ; sans en avoir le courage et la force, il accomplit leurs merveilles. C'est le propre de notre vie, à nous, que de consoler l'Esprit en peine et souffrant ; mais une de vos prières, à vous, c'est le collier que vous détachez votre cou pour le donner à l'indigent ; c'est le pain que vous retirez de votre table pour le donner à celui qui a faim, et voilà pourquoi vos prières sont agréables à celui qui les entend. Un père n'accède-t-il pas toujours à la prière de l'enfant prodigue ? N'appelle-t-il pas tous ses serviteurs pour tuer le veau gras au retour de l'enfant coupable ? Comment ne ferait-il pas davantage encore pour celui-ci même s'il vient à ses genoux lui dire : « O mon père, je suis bien coupable ; je ne vous demande point grâce, mais pardonnez à mon frère repentant, plus faible et moins coupable que moi ! » Oh ! c'est alors que le père est attendri ; c'est alors qu'il arrache de sa poitrine tout ce qu'elle peut contenir de dons et d'amour. Il dit : « Tu étais plein d'iniquités ; tu t'es dit criminel ; mais comprenant l'énormité de tes fautes, tu ne m'as pas crié grâce pour toi ; tu acceptes les souffrances de mon châtiment, et malgré tes tortures, ta voix a assez de force pour prier pour ton frère ! » Eh bien ! le père ne veut pas avoir moins de charité que le fils : il pardonne à tous deux ; à l'un et à l'autre il tendra les mains pour qu'ils puissent marcher droit dans le sentier qui mène à sa gloire.
Voilà, mes enfants, pourquoi les Esprits souffrants qui rôdent autour de vous implorent vos prières ; nous devons prier, nous ; vous, vous pouvez prier. Prière du cœur, tu es l'âme des âmes si je puis m'exprimer ainsi ; quintessence sublime qui monte toujours chaste, belle et radieuse dans l'âme plus vaste de Dieu !
Saint Augustin.
Dissertations spirites
La Conquête de l'avenir(Groupe de Sainte-Gemme (Tarn). ‑ Médium, M. C…)
L'idée spirite va grandissant ;
bientôt elle couvrira le sol français du nord au Midi, du levant au
couchant. Des jalons sont plantés de distance en distance ; c'est vous
qui êtes ces jalons ; c'est à vous que reviendra l'honneur d'avoir, sur
nos conseils, tracé à vos frères la route à suivre. Réunissez-vous donc,
non-seulement dans une pensée commune, mais aussi dans une commune
action. Le temps de l'observation et des expériences est passé : on en
est à l'application. Agissez et agissez sans crainte ; ne regardez
jamais derrière vous ; ayez toujours au contraire les yeux fixés en
avant ; contemplez le but et les obstacles qui vous en séparent ; si
vous vous amusez à compter les pas, au lieu d'avancer rapidement, vous
manquerez à la mission qui vous a été donnée. Prenez donc votre bâton de
voyage ; ceignez vos reins, et en route ! mais ne partez pas seuls ;
que toute l'armée spirite, cette avant-garde de la doctrine évangélique,
se mette en marche en même temps. Unissez-vous, consultez-vous, et
volez à la conquête de l'avenir.
Hippolyte Fortoul.
Hippolyte Fortoul.
La Pentecôte. (Groupe de Sainte-Gemme -Tarn).
L'esprit de Dieu souffle sur le monde
pour y régénérer ses enfants ; si, comme au temps des apôtres, il ne se
montre pas sous la forme de langues de feu, il n'en est pas moins
réellement présent parmi vous. Priez donc avec ferveur le Tout-Puissant,
afin qu'il daigne vous faire profiter de tous les avantages moraux, de
tous les dons impérissables qu'il voulut bien alors verser sur la tête
des apôtres du Christ. Demandez et vous recevrez, et rien de ce que vous
demanderez de bon et d'utile pour votre avancement spirituel ne vous
sera refusé. Priez donc, encore une fois, avec ferveur ; mais que ce
soit votre cœur, et non vos lèvres, qui parle ; ou si vos lèvres
s'agitent, qu'elles ne disent rien que votre cœur n'ait auparavant
pensé. Le bonheur que vous ressentirez lorsque vous serez animés de
l'esprit de Dieu est si grand, que vous ne sauriez vous en faire une
idée. Il dépend de vous de l'obtenir, et, à dater de ce moment, vous
considérerez les jours qu'il vous reste à vivre comme un morceau de
route qu'il vous resterait à parcourir pour arriver à votre destination,
et où vous devez trouver à la fin du jour votre souper et un gîte peur
la nuit.
Mais que le peu d'importance que vous devez relativement attacher aux choses terrestres ne vous empêche pas de considérer vos devoirs matériels comme très sérieux ; vous commettriez une faute très grave aux yeux de Dieu, si vous ne vous livriez pas consciencieusement à vos travaux quotidiens. On ne doit rien mépriser de ce qui est sorti de la main du Créateur ; vous devez jouir, dans une certaine mesure, des biens matériels dont il vous a fait don ; votre devoir est de ne pas les garder pour vous, mais d'en faire part à ceux de vos frères à qui ces dons ont été refusés. Une conscience pure, une charité et une humilité sans bornes, voilà la meilleure des prières pour appeler à soi l'Esprit-Saint. C'est le véritable Veni Creator ; non que celui que l'on chante aux églises ne soit une prière qui sera exaucée toutes les fois qu'elle sera faite de bon cœur, mais, comme cela vous a été dit plusieurs fois, c'est le fond qui est tout, la forme peu de chose.
Demandez donc, par vos actes, que l'Esprit-Saint vienne vous visiter et verser dans votre âme cette force qui donne la foi pour surmonter les misères de l'existence terrestre, et pour tendre la main à ceux de vos frères que la faiblesse de leur esprit empêche de voir la lumière, sans laquelle vous ne pouvez que marcher à tâtons au risque de vous meurtrir contre tous les obstacles semés sur votre route. Le bonheur vrai, celui après lequel chacun de vous soupire, se trouve là ; chacun de vous l'a sous la main ; il n'a qu'à vouloir pour s'en saisir. Prenez aujourd'hui de bonnes et fermes résolutions, et l'Esprit de Dieu, soyez-en sûrs, ne vous fera pas défaut. Aimez votre prochain comme vous-mêmes pour l'amour de Dieu, et vous aurez dignement solennisé le jour où l'Esprit-Saint vint visiter les apôtres du Christianisme.
Hippolyte Fortoul.
Mais que le peu d'importance que vous devez relativement attacher aux choses terrestres ne vous empêche pas de considérer vos devoirs matériels comme très sérieux ; vous commettriez une faute très grave aux yeux de Dieu, si vous ne vous livriez pas consciencieusement à vos travaux quotidiens. On ne doit rien mépriser de ce qui est sorti de la main du Créateur ; vous devez jouir, dans une certaine mesure, des biens matériels dont il vous a fait don ; votre devoir est de ne pas les garder pour vous, mais d'en faire part à ceux de vos frères à qui ces dons ont été refusés. Une conscience pure, une charité et une humilité sans bornes, voilà la meilleure des prières pour appeler à soi l'Esprit-Saint. C'est le véritable Veni Creator ; non que celui que l'on chante aux églises ne soit une prière qui sera exaucée toutes les fois qu'elle sera faite de bon cœur, mais, comme cela vous a été dit plusieurs fois, c'est le fond qui est tout, la forme peu de chose.
Demandez donc, par vos actes, que l'Esprit-Saint vienne vous visiter et verser dans votre âme cette force qui donne la foi pour surmonter les misères de l'existence terrestre, et pour tendre la main à ceux de vos frères que la faiblesse de leur esprit empêche de voir la lumière, sans laquelle vous ne pouvez que marcher à tâtons au risque de vous meurtrir contre tous les obstacles semés sur votre route. Le bonheur vrai, celui après lequel chacun de vous soupire, se trouve là ; chacun de vous l'a sous la main ; il n'a qu'à vouloir pour s'en saisir. Prenez aujourd'hui de bonnes et fermes résolutions, et l'Esprit de Dieu, soyez-en sûrs, ne vous fera pas défaut. Aimez votre prochain comme vous-mêmes pour l'amour de Dieu, et vous aurez dignement solennisé le jour où l'Esprit-Saint vint visiter les apôtres du Christianisme.
Hippolyte Fortoul.
Le Pardon. (Société Spirite de Paris. ‑ Médium, M. A. Didier.)
Comment peut-on donc trouver en soi la
force de pardonner ? La sublimité du pardon, c'est la mort du Christ
sur le Golgotha ! Or, je vous ai déjà dit que Christ avait résumé dans
sa vie toutes les angoisses et toutes les luttes humaines. Tous ceux qui
méritaient le nom de chrétiens avant Jésus-Christ sont morts le pardon
sur les lèvres : les défenseurs des libertés opprimées, les martyrs des
vérités et des grandes causes ont tellement compris la hauteur et la
sublimité de leur vie qu'ils n'ont pas failli au dernier moment, et
qu'ils ont pardonné. Si le pardon d'Auguste n'est pas tout à fait
historiquement sublime, l'Auguste de Corneille, le grand tragique, est
maître de lui comme de l'univers, parce qu'il pardonne. Ah ! qu'ils sont
mesquins et misérables, ceux qui possédaient le monde et qui ne
pardonnaient pas ! Qu'il est grand, celui qui tenait dans l'avenir des
siècles toutes les humanités spirituelles, et qui a pardonné ! Le pardon
est une inspiration, souvent un conseil des Esprits. Malheur à ceux qui
ferment leurs cœurs à cette voix : ils seront punis, comme dit
l'Ecriture, car ils avaient des oreilles et ils n'ont point écouté ; Eh
bien ! si vous voulez pardonner, si vous vous sentez faibles devant
vous-mêmes, contemplez la mort du Christ. Voilà pourquoi le grand
principe de la sagesse antique était avant tout de se connaître
soi-même. Avant de se lancer dans la lutte, on apprenait aux athlètes,
pour les jeux, pour les luttes grandioses, les moyens sûrs de vaincre. A
côté, dans les lycées, Socrate apprenait qu'il y avait un Etre suprême,
et, quelque temps après, des siècles avant Christ, il apprenait à la
nation grecque entière à mourir et à pardonner. L'homme vicieux, bas et
faible, ne pardonne pas ; l'homme habitué aux luttes personnelles, aux
réflexions justes et saines, pardonne facilement.
Lamennais.
Lamennais.
La Vengeance. (Société Spirite de Paris. ‑ Méd., M. de B… M…)
La vengeance est douce au cœur, a dit
le poète. Oh ! pauvres aveugles qui donnez un libre cours à la plus
hideuse des passions, vous croyez faire mal à votre prochain quand vous
lui portez vos coups, et vous ne sentez pas qu'ils se retournent contre
vous-mêmes. Elle n'est pas un crime seulement, mais une absurde
maladresse ; elle est, avec ses sœurs, la rancune, la haine, la
jalousie, filles de l'orgueil, le moyen dont se servent les Esprits des
ténèbres pour attirer à eux ceux qu'ils craignent de voir leur échapper ;
c'est le plus infaillible instrument de perdition qui puisse être mis
entre les mains des hommes par les ennemis qui s'acharnent à leur
déchéance morale. Résistez, enfants de la terre, à ce coupable
entraînement, et soyez assurés que si quelqu'un a mérité votre colère,
ce ne sera pas dans l'éclat de votre rancune que vous trouverez le calme
de votre conscience. Mettez entre les mains du Tout-Puissant le soin de
prononcer sur vos droits et sur la justice de votre cause. Il y a dans
la vengeance quelque chose d'impie et de dégradant pour l'Esprit.
Non, la vengeance n'est pas compatible avec la perfection ; tant qu'une âme en conserve le sentiment, elle reste dans les bas-fonds du monde des Esprits. Mais le vôtre ne sera pas plus que les autres l'éternel jouet de cette malheureuse passion ; et je puis l'assurer, l'abolition de la fausse notion de l'enfer éternel ou plutôt de la damnation éternelle, qui a été comme le prétexte, ou du moins comme une excuse intime des actes vindicatifs, sera l'aurore d'une ère nouvelle de tolérance et de mansuétude qui ne tardera pas à s'étendre jusqu'aux contrées privées de la vie morale. L'homme pouvait-il condamner la vengeance, alors qu'on lui présentait Dieu comme un Dieu jaloux, se vengeant lui-même par des tortures sans fin ? Cessez donc, ô hommes ! d'insulter la Divinité en lui prêtant vos plus ignobles passions. Alors vous serez, habitants de la terre, un peuple béni de Dieu. Faites en sorte, vous qui m'écoutez, qu'ayant affranchi votre âme de ce coupable et honteux mobile des actes les plus contraires à la charité, vous méritiez d'être admis dans l'enceinte sacrée dont la charité seule peut ouvrir les portes.
Pierre Ange, Esprit protecteur.
Non, la vengeance n'est pas compatible avec la perfection ; tant qu'une âme en conserve le sentiment, elle reste dans les bas-fonds du monde des Esprits. Mais le vôtre ne sera pas plus que les autres l'éternel jouet de cette malheureuse passion ; et je puis l'assurer, l'abolition de la fausse notion de l'enfer éternel ou plutôt de la damnation éternelle, qui a été comme le prétexte, ou du moins comme une excuse intime des actes vindicatifs, sera l'aurore d'une ère nouvelle de tolérance et de mansuétude qui ne tardera pas à s'étendre jusqu'aux contrées privées de la vie morale. L'homme pouvait-il condamner la vengeance, alors qu'on lui présentait Dieu comme un Dieu jaloux, se vengeant lui-même par des tortures sans fin ? Cessez donc, ô hommes ! d'insulter la Divinité en lui prêtant vos plus ignobles passions. Alors vous serez, habitants de la terre, un peuple béni de Dieu. Faites en sorte, vous qui m'écoutez, qu'ayant affranchi votre âme de ce coupable et honteux mobile des actes les plus contraires à la charité, vous méritiez d'être admis dans l'enceinte sacrée dont la charité seule peut ouvrir les portes.
Pierre Ange, Esprit protecteur.
Bibliographie
Le Spiritisme à Lyon
Communications d'outre-tombe ; choix des manifestations de la Société spirite des Brotteaux, avec cette épigraphe : Le Spiritisme ne doit pas s'imposer ; on vient à lui, parce qu'on en a besoin. (Allan Kardec. Revue, 1861, page 371.) ‑ Broch. in‑8° de 32 pages, accompagnée de quatre dessins gravés, obtenus médianimiquement. Prix : 75 cent. Chez les principaux libraires de Lyon, et à Paris, chez M. Ledoyen.
Cette brochure est la première d'une série qui sera publiée à des époques indéterminées. Elle contient un choix des communications obtenues dans le groupe des Brotteaux, dirigé par M. Déjoud, chef d'atelier. Toutes ces communications, en tout conformes à la doctrine du Livre des Esprits, respirent la plus saine morale et portent le cachet incontestable d'Esprits bons et bienveillants. Le style en est simple, familier et parfaitement adapté au milieu dans lequel elles ont été données et où les idées abstraites n'eussent pas été à leur place. Les bons Esprits veulent avant tout instruire ; pour cela, ils se mettent à la portée de leurs auditeurs, et s'inquiètent peu de satisfaire ceux qui n'apprécient dans leurs communications que la pompe du style, sans mettre à profit les leçons. Que l'instruction soit bonne, qu'elle pénètre le cœur, c'est pour eux l'essentiel. Nous pensons que, sous ce rapport, ce recueil atteint parfaitement le but. Nous sommes heureux de saisir cette occasion de féliciter M. Déjoud, chef de ce groupe, l'un des plus nombreux de Lyon, de son zèle et de sa persévérance pour la propagation du Spiritisme parmi ses frères les travailleurs.
Le troisième volume des Révélations d'outre-tombe, de madame Dozon, va paraître incessamment.
Communications d'outre-tombe ; choix des manifestations de la Société spirite des Brotteaux, avec cette épigraphe : Le Spiritisme ne doit pas s'imposer ; on vient à lui, parce qu'on en a besoin. (Allan Kardec. Revue, 1861, page 371.) ‑ Broch. in‑8° de 32 pages, accompagnée de quatre dessins gravés, obtenus médianimiquement. Prix : 75 cent. Chez les principaux libraires de Lyon, et à Paris, chez M. Ledoyen.
Cette brochure est la première d'une série qui sera publiée à des époques indéterminées. Elle contient un choix des communications obtenues dans le groupe des Brotteaux, dirigé par M. Déjoud, chef d'atelier. Toutes ces communications, en tout conformes à la doctrine du Livre des Esprits, respirent la plus saine morale et portent le cachet incontestable d'Esprits bons et bienveillants. Le style en est simple, familier et parfaitement adapté au milieu dans lequel elles ont été données et où les idées abstraites n'eussent pas été à leur place. Les bons Esprits veulent avant tout instruire ; pour cela, ils se mettent à la portée de leurs auditeurs, et s'inquiètent peu de satisfaire ceux qui n'apprécient dans leurs communications que la pompe du style, sans mettre à profit les leçons. Que l'instruction soit bonne, qu'elle pénètre le cœur, c'est pour eux l'essentiel. Nous pensons que, sous ce rapport, ce recueil atteint parfaitement le but. Nous sommes heureux de saisir cette occasion de féliciter M. Déjoud, chef de ce groupe, l'un des plus nombreux de Lyon, de son zèle et de sa persévérance pour la propagation du Spiritisme parmi ses frères les travailleurs.
Le troisième volume des Révélations d'outre-tombe, de madame Dozon, va paraître incessamment.
ALLAN KARDEC
Allan Kardec
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