REVUE SPIRITE JOURNAL D'ETUDES PSYCHOLOGIQUES - 1868

Allan Kardec

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Janvier

Coup d'œil rétrospectif

L'année 1867 avait été annoncée comme devant être particulièrement profitable au Spiritisme, et cette prévision s'est pleinement réalisée. Elle a vu paraître plusieurs ouvrages qui, sans en porter le nom, en popularisent les principes, et parmi lesquels nous rappellerons Mirette, de M. Sauvage ; Le Roman de l'avenir, de M. Bonnemère ; Dieu dans la nature, par M. Camille Flammarion. La Raison du Spiritisme, par M. le juge d'instruction Bonnamy, est un événement dans les annales de la doctrine, parce que le drapeau y est hautement et courageusement arboré par un homme dont le nom, justement estimé et considéré, est une autorité, en même temps que son œuvre est une protestation contre les épithètes dont la critique gratifie généralement les adeptes de l'idée. Les Spirites ont tous apprécié ce livre comme il le mérite, et ils en ont compris la portée. C'est une réponse péremptoire à certaines attaques ; aussi pensons-nous qu'ils considèreront comme un devoir de le propager dans l'intérêt de la doctrine.

L'année n'aurait-elle eu que ces résultats, il faudrait s'en féliciter ; mais elle en a produit de plus effectifs. Le nombre des sociétés ou groupes officiellement connus n'a pas, il est vrai, sensiblement augmenté ; il a même plutôt diminué par suite des intrigues à l'aide desquelles on a cherché à les miner, en y introduisant des éléments de dissolution ; mais, en revanche, le nombre des réunions particulières ou de famille s'est accru dans une très grande proportion.

Il est en outre notoire pour tout le monde, et de l'aveu même de nos adversaires, que les idées spirites ont considérablement gagné du terrain, ainsi que le constate l'auteur de l'ouvrage dont nous rendons compte ci-après. Elles s'infiltrent par une multitude d'issues ; tout y concourt ; les choses qui, au premier abord, y paraissent le plus étrangères, sont des moyens à l'aide desquels ces idées se font jour. C'est que le Spiritisme touche à un si grand nombre de questions qu'il est bien difficile d'aborder quoi que ce soit sans en voir surgir une pensée spirite, de telle sorte que, même dans les milieux réfractaires, ces idées éclosent sous une forme ou sous une autre, comme ces plantes aux couleurs variées qui poussent à travers les pierres. Et comme dans ces milieux on rejette généralement le Spiritisme par esprit de prévention, sans savoir ce qu'il dit, il n'est pas surprenant que, lorsque des pensées spirites y paraissent, on ne les reconnaisse pas, et alors on les acclame parce qu'on les trouve bonnes, sans se douter que c'est du Spiritisme.

La littérature contemporaine, petite ou grande, sérieuse ou légère, sème ces idées à profusion ; elle en est émaillée, et il n'y manque absolument que le nom. Si l'on réunissait toutes les pensées spirites qui courent le monde, on constituerait le Spiritisme complet. Or c'est là un fait considérable, et l'un des plus caractéristiques de l'année qui vient de s'écouler. Il prouve que chacun en possède par de vers soi quelques éléments à l'état d'intuition, et qu'entre ses antagonistes et lui, il n'y a le plus souvent qu'une question de mot. Ceux qui le repoussent en parfaite connaissance de cause sont ceux qui ont intérêt à le combattre.

Mais alors, comment arriver à le faire connaître pour triompher de ces préventions ? Ceci est l'œuvre du temps. Il faut que les circonstances y amènent naturellement, et l'on peut compter pour cela sur les Esprits qui savent les faire naître en temps opportun. Ces circonstances sont particulières ou générales ; les premières agissent sur les individus et les autres sur les masses. Les dernières, par leur retentissement, font l'effet des mines qui, à chaque explosion, enlèvent quelques fragments du rocher.

Que chaque Spirite travaille de son côté sans se décourager par le peu d'importance du résultat obtenu individuellement, et songe qu'à force d'accumuler des grains de sable on forme une montagne.

Parmi les faits matériels qui ont signalé cette année, les guérisons du zouave Jacob tiennent le premier rang ; elles ont eu un retentissement que tout le monde connaît ; et, bien que le Spiritisme n'y ait figuré qu'incidemment, l'attention générale n'en a pas moins été vivement appelée sur un phénomène des plus graves et qui s'y rattache d'une manière directe. Ces faits, se produisant dans des conditions vulgaires, sans appareil mystique, non par un seul individu mais par plusieurs, ont, par cela même, perdu le caractère miraculeux qu'on leur avait attribué jusqu'alors ; ils sont rentrés, comme tant d'autres, dans le domaine des phénomènes naturels. Parmi ceux qui les rejetaient comme miracles, beaucoup sont devenus moins absolus dans la négation du fait, et en ont admis la possibilité comme résultat d'une loi de nature inconnue ; c'était un premier pas dans une voie féconde en conséquences, et plus d'un sceptique a été ébranlé. Certes, tout le monde n'a pas été convaincu, mais cela a fait beaucoup parler ; il en est résulté chez un grand nombre une impression profonde qui a fait réfléchir plus qu'on ne le croit ; ce sont des semences qui, si elles ne donnent pas une abondante moisson immédiate, ne sont pas perdues pour l'avenir.

M. Jacob se tient toujours à l'écart d'une manière absolue ; nous ignorons les motifs de son abstention et s'il doit ou non reprendre le cours de ses séances. S'il y a intermittence dans sa faculté, comme cela arrive souvent en pareil cas, ce serait une preuve qu'elle ne tient pas exclusivement à sa personne, et qu'en dehors de l'individu il y a quelque chose, une volonté indépendante.

Mais, dira-t-on, pourquoi cette suspension, dès l'instant que la production de ces phénomènes était un avantage pour la doctrine ? Les choses ayant été conduites jusqu'ici avec une sagesse qui ne s'est pas démentie, il faut supposer que ceux qui dirigent le mouvement ont jugé l'effet suffisant pour le moment, et qu'il était utile de mettre un temps d'arrêt à l'effervescence ; mais l'idée a été lancée, et l'on peut être certain qu'elle ne restera pas à l'état de lettre morte.

En somme, comme on le voit, l'année a été bonne pour le Spiritisme ; ses phalanges se sont recrutées d'hommes sérieux dont l'opinion est tenue pour quelque chose dans un certain monde. Notre correspondance nous signale de presque partout un mouvement général de l'opinion vers ces idées, et, chose bizarre dans ce siècle positif, celles qui gagnent le plus de terrain sont les idées philosophiques, bien plus que les faits matériels de manifestation que beaucoup de gens s'obstinent encore à rejeter. En sorte que, vis-à-vis du plus grand nombre, le meilleur moyen de faire du prosélytisme, c'est de commencer par la philosophie, et cela se comprend. Les idées fondamentales étant latentes chez la plupart, il suffit de les réveiller ; on les comprend parce qu'on en possède les germes en soi, tandis que les faits, pour être acceptés et compris, demandent une étude et des observations que beaucoup ne veulent pas se donner la peine de faire.

Puis le charlatanisme, qui s'est emparé des faits pour les exploiter à son profit, les a discrédités dans l'opinion de certaines gens en donnant prise à la critique ; il n'en pouvait être ainsi de la philosophie qu'il n'était pas aussi facile de contrefaire, et qui, d'ailleurs, n'est pas matière exploitable.

Le charlatanisme, par sa nature, est remuant et intrigant, sans cela il ne serait pas charlatanisme. La critique, qui se soucie généralement peu d'aller au fond du puits chercher la vérité, a vu le charlatanisme en parade, et s'est efforcée d'y attacher l'étiquette du Spiritisme ; de là, contre ce mot, une prévention qui s'efface à mesure que le Spiritisme vrai est mieux connu, car il n'est personne, qui l'ayant étudié sérieusement, le confonde avec le Spiritisme grotesque de fantaisie, que l'insouciance ou la malveillance cherchent à y substituer. C'est une réaction en ce sens qui s'est manifestée en ces derniers temps.

Les principes qui s'accréditent avec le plus de facilité, sont ceux de la pluralité des mondes habités et de la pluralité des existences, ou réincarnation ; le premier peut être considéré comme admis sans contestation par la science et par l'assentiment unanime, même dans le camp matérialiste ; le second est à l'état d'intuition chez une foule d'individus en qui c'est une croyance innée ; il trouve de nombreuses sympathies, comme principe rationnel de philosophie, en dehors même du Spiritisme. C'est une idée qui sourit à beaucoup d'incrédules, parce qu'ils y trouvent immédiatement la solution des difficultés qui les avaient poussés au doute. Aussi cette croyance tend-elle de plus en plus à se vulgariser. Mais pour quiconque réfléchit, ces deux principes ont des conséquences forcées qui aboutissent en ligne directe au Spiritisme. On peut donc regarder le progrès de ces idées comme un premier pas vers la doctrine, puisqu'elles en sont parties intégrantes.

La presse, qui subit sans doute à son insu l'influence de la diffusion des idées spirites, parce que celles-ci pénètrent jusque dans son sein, s'abstient en général, sinon par sympathie, du moins par prudence ; il n'est presque plus de bon goût de parler des Davenport. On dirait même qu'elle affecte d'éviter d'aborder la question du Spiritisme ; si, de temps à autre, elle lance quelques pointes contre ses adhérents, ce sont comme les dernières fusées perdues d'un bouquet d'artifice ; mais il n'y a plus ce feu roulant d'invectives qu'on entendait il y a deux ans à peine. Bien qu'elle ait fait presque autant de bruit de M. Jacob que des Davenport, son langage a été tout autre, et il est à remarquer, que, dans sa polémique, le nom du Spiritisme n'a figuré que très accessoirement.

Dans l'examen de la situation, il ne faut pas seulement considérer les grands mouvements ostensibles, mais il faut surtout tenir compte de l'état intime de l'opinion et des causes qui peuvent l'influencer. Ainsi que nous l'avons dit ailleurs, si l'on observe attentivement ce qui se passe dans le monde, on reconnaîtra qu'une foule de faits, en apparence étrangers au Spiritisme, semblent venir exprès pour en frayer les voies. C'est dans l'ensemble des circonstances qu'il faut chercher les véritables signes du progrès. A ce point de vue, la situation est donc aussi satisfaisante qu'on peut le désirer. En faut-il conclure que l'opposition est désarmée, et que les choses vont désormais marcher sans encombre ? Gardons-nous de le croire et de nous endormir dans une sécurité trompeuse. L'avenir du Spiritisme est assuré sans contredit, et il faudrait être aveugle pour en douter ; mais ses plus mauvais jours ne sont point passés ; il n'a pas encore reçu le baptême qui consacre toutes les grandes idées. Les Esprits sont unanimes pour nous pressentir contre une lutte inévitable, mais nécessaire, afin de prouver son invulnérabilité et sa puissance ; il en sortira plus grand et plus fort ; c'est alors seulement qu'il conquerra sa place dans le monde, car ceux qui auront voulu le renverser auront préparé son triomphe. Que les Spirites sincères et dévoués se fortifient par l'union et se confondent dans une sainte communion de pensées. Souvenons-nous de la parabole des dix vierges, et veillons pour n'être pas pris au dépourvu.

Nous profitons de cette circonstance pour exprimer toute notre gratitude à ceux de nos frères spirites qui, comme les années précédentes, à l'occasion du renouvellement des abonnements à la Revue, nous donnent de nouveaux témoignages de leur affectueuse sympathie ; nous sommes heureux des gages qu'ils nous donnent de leur dévouement à la cause sacrée que nous défendons tous, et qui est celle de l'humanité et du progrès. A ceux qui nous disent : courage ! nous dirons que nous ne reculerons jamais devant aucune des nécessités de notre position, quelque dures qu'elles soient. Qu'ils comptent sur nous comme nous comptons, au jour de la victoire, trouver en eux des soldats de la veille, et non des soldats du lendemain.

Le Spiritisme devant l'histoire et devant l'Église, son origine, sa nature, sa certitude, ses dangers


Cet ouvrage est une réfutation du Spiritisme au point de vue religieux ; c'est, sans contredit, une des plus complètes et des mieux faites que nous connaissions. Elle est écrite avec modération et convenance, et ne se salit point par les épithètes grossières auxquelles nous ont habitués la plupart des controversistes du même parti ; là, point de déclamations furibondes, point de personnalités outrageantes ; c'est le principe même qui est discuté. On peut ne pas être de l'avis de l'auteur, trouver que les conclusions qu'il tire de ses prémisses sont d'une logique contestable ; dire qu'après avoir démontré, par exemple, pièces en main, que le soleil luit à midi, il a tort de conclure qu'il doit faire nuit, mais on ne lui reprochera pas le défaut d'urbanité dans la forme.

La première partie de l'ouvrage est consacrée à l'historique du Spiritisme dans l'antiquité et au moyen âge ; cette partie est riche en documents tirés des auteurs sacrés et profanes, qui attestent de laborieuses recherches et une étude sérieuse. C'est un travail que nous nous proposions de faire un jour, et nous sommes heureux que M. l'abbé Poussin nous ait épargné cette peine.

Dans la seconde partie, intitulée : Partie doctrinale, l'auteur, discutant les faits qu'il vient de citer, y compris les faits actuels, conclut, d'après l'infaillibilité de l'Eglise et ses propres arguments, que tous les phénomènes magnétiques et spirites sont l'œuvre du démon. C'est une opinion comme une autre, et respectable quand elle est sincère. Or nous croyons à la sincérité des convictions de M. Poussin, quoique nous n'ayons point l'honneur de le connaître. Ce qu'on peut lui reprocher, c'est de n'invoquer en faveur de sa thèse que l'opinion des adversaires connus du Spiritisme, ainsi que les doctrines et allégations qu'il désavoue. On chercherait en vain dans ce livre la mention des ouvrages fondamentaux, non plus qu'une réfutation directe des réponses qui ont été faites aux allégations contradictoires. En un mot, il ne discute pas la doctrine proprement dite ; il n'en prend pas les arguments corps à corps pour les écraser sous le poids d'une logique plus rigoureuse.

On peut, en outre, trouver étrange que M. l'abbé Poussin s'appuie, pour combattre le Spiritisme, sur l'opinion d'homme connus par leurs idées matérialistes, tels que MM. Littré et Figuier ; il fait surtout à ce dernier, qui a plus brillé par ses contradictions que par sa logique, de nombreux emprunts. Ces messieurs, en combattant le principe du Spiritisme, en déniant la cause des phénomènes psychiques, dénient par cela même le principe de la spiritualité ; ils sapent donc la base de la religion pour laquelle ils ne professent pas, comme on le sait, une grande sympathie. En invoquant leur opinion, le choix n'est pas heureux ; on pourrait même dire qu'il est maladroit, car c'est exciter les fidèles à lire des écrits qui ne sont rien moins qu'orthodoxes. En le voyant puiser à de telles sources, on pourrait croire qu'il n'a pas jugé les autres assez prépondérantes.

M. l'abbé Poussin ne conteste aucun des phénomènes spirites ; il en prouve virtuellement l'existence par les faits authentiques qu'il cite, et qu'il puise indifféremment dans l'histoire sacrée et dans l'histoire païenne. En rapprochant les uns et les autres, on ne peut s'empêcher de reconnaître leur analogie ; or, en bonne logique, de la similitude des effets on doit conclure à la similitude des causes. Cependant M. Poussin conclut que les mêmes faits sont miraculeux et de source divine dans certains cas, et diaboliques dans d'autres.

Les hommes qui professent les mêmes croyances que M. Figuier ont aussi sur ces mêmes faits deux opinions : ils les nient carrément et les attribuent à la jonglerie ; quant à ceux qui sont avérés, ils s'efforcent de les rattacher aux seules lois de la matière. Demandez-leur ce qu'ils pensent des miracles du Christ : ils vous diront que ce sont des faits légendaires, des contes inventés pour les besoins de la cause, ou des produits d'imaginations surexcitées et en délire.

Le Spiritisme, il est vrai, ne reconnaît pas aux phénomènes psychiques un caractère surnaturel ; il les explique par les facultés et les attributs de l'âme, et comme l'âme est dans la nature, il les considère comme des effets naturels se produisant en vertu de lois spéciales, jusqu'alors inconnues, et que le Spiritisme fait connaître. Ces phénomènes s'accomplissant sous nos yeux, dans des conditions identiques, accompagnés des mêmes circonstances, et par l'entremise d'individus qui n'ont rien d'exceptionnel, il en conclut à la possibilité de ceux qui se sont passés en des temps plus reculés, et cela par la même cause naturelle.

Le Spiritisme ne s'adresse pas aux gens convaincus de l'existence de ces phénomènes, et qui sont parfaitement libres d'y voir des miracles, si telle est leur opinion, mais à ceux qui les nient précisément à cause du caractère miraculeux qu'on veut leur donner. En prouvant que ces faits n'ont de surnaturel que l'apparence, il les fait accepter par ceux mêmes qui les repoussaient. Les Spirites ont été recrutés en immense majorité parmi les incrédules, et cependant aujourd'hui il n'en est pas un seul qui nie les faits accomplis par le Christ ; or, lequel vaut le mieux de croire à l'existence de ces faits, sans le surnaturel, ou de n'y pas croire du tout ? ceux qui les admettent à un titre quelconque ne sont-ils pas plus près de vous que ceux qui les rejettent complètement ? Dès l'instant que le fait est admis, il ne reste plus qu'à en prouver la source miraculeuse, ce qui doit être plus facile, si cette source est réelle, que lorsque le fait lui-même est contesté.

M. Poussin, s'appuyant pour combattre le Spiritisme sur l'autorité de ceux qui repoussent jusqu'au principe spirituel, serait-il de ceux qui prétendent que l'incrédulité absolue est préférable à la foi acquise par le Spiritisme ?

Nous citons intégralement la préface du livre de M. Poussin, que nous ferons suivre de quelques réflexions :

« Le Spiritisme, il faut bien le reconnaître, enveloppe comme dans un immense réseau la société tout entière, et par ses prophètes, par ses oracles, par ses livres et par son journalisme, s'efforce de miner sourdement l'Eglise catholique. S'il nous a rendu le service de renverser les théories matérialistes du dix-huitième siècle, il nous donne en échange une révélation nouvelle, qui sape par la base tout l'édifice de la révélation chrétienne. Et cependant, par un phénomène étrange, ou mieux, par suite de l'ignorance et de la fascination qu'excite la curiosité, combien de catholiques jouent chaque jour avec le Spiritisme, sans se préoccuper en rien de ses dangers ! Il est bien vrai que les esprits sont encore partagés sur l'essence et même sur la réalité du Spiritisme, et c'est probablement à cause de ces incertitudes, que le plus grand nombre croit pouvoir se former la conscience et user du Spiritisme comme d'un curieux amusement. Néanmoins, au fond des âmes timorées et délicates se manifeste une grande anxiété. Que de fois n'avons-nous point entendu ces questions incessantes : « Dites-nous bien la vérité. Qu'est-ce que le Spiritisme ? Quelle est son origine ? Croyez-vous à cette généalogie qui voudrait relier les phénomènes du Spiritisme à la magie ancienne ? Admettez-vous les faits étranges du magnétisme et des tables tournantes ? Croyez-vous à l'intervention des Esprits et à l'évocation des âmes ; au rôle des anges ou des démons ? Est-il permis d'interroger les tables tournantes, de consulter les Spiritistes ? Que pensent sur toutes ces questions les théologiens, les évêques ?… L'Eglise romaine a-t-elle donné quelques décisions, etc., etc. » ‑ Ces questions, qui retentissent encore à nos oreilles, ont inspiré la pensée de ce livre, qui a pour but de répondre à toutes dans les limites de nos forces. Aussi pour être plus sûrs et plus convaincants, jamais nous n'affirmons rien, sans une autorité grave, et ne décidons rien que les évêques et Rome n'aient décidé. ‑ Parmi ceux qui ont étudié spécialement ces matières, les uns rejettent en masse tous les faits extraordinaires que le Spiritisme s'attribue. D'autres, tout en faisant une large part aux hallucinations et au charlatanisme, reconnaissent qu'il est impossible de ne point admettre certains phénomènes inexplicables et inexpliqués, aussi inconciliables avec les enseignements généraux des sciences naturelles, que déconcertants pour la raison humaine ; cependant, ils cherchent à les interpréter, ou par certaines lois mystérieuses de la physiologie, ou bien par l'intervention de la grande âme de la nature, dont la nôtre n'est qu'une émanation, etc. Plusieurs écrivains catholiques, forcés d'admettre les faits, trouvant la solution naturelle parfois impossible et l'explication panthéiste absurde, n'hésitent point à reconnaître dans certains faits du Spiritisme l'intervention directe du démon. Pour ceux-ci, le Spiritisme n'est que la continuation de cette magie païenne qui apparaît dans toute l'histoire, depuis les magiciens de Pharaon, la pythonisse d'Endor, les oracles de Delphes, les prophéties des sibylles et des devins, jusqu'aux possessions démoniaques de l'Evangile et aux phénomènes extraordinaires et constatés du magnétisme contemporain. L'Eglise ne s'est point prononcée sur les discussions spéculatives ; elle abandonne la question historique des origines du Spiritisme et la question psychologique de ses agents mystérieux, à la vaine dispute des hommes. Des théologiens graves, des évêques et des docteurs particuliers ont soutenu ces dernières opinions ; officiellement, Rome ne les approuve ni ne les blâme. Mais si l'Eglise a gardé prudemment le silence sur les théories, elle a élevé la voix dans les questions pratiques, et en présence des incertitudes de la raison, elle signale des dangers pour la conscience. Une science curieuse et même innocente en soi, peut, à cause des abus fréquents, devenir une source de périls ; aussi Rome a-t-elle condamné comme dangereux pour les mœurs, certaines pratiques et certains abus du magnétisme, dont les Spirites eux-mêmes ne dissimulent pas les graves inconvénients. Bien plus, des évêques ont cru devoir interdire à leurs diocésains, et dans toute hypothèse, comme superstitieux et dangereux pour les mœurs et pour la foi, non seulement les abus du magnétisme, mais l'usage d'interroger les tables tournantes.

Pour nous, dans la question spéculative, mis en présence de ceux qui voient le démon partout et de ceux qui ne le voient nulle part, nous avons voulu, en nous tenant à distance des deux écueils, étudier les origines historiques du Spiritisme, examiner la certitude des faits et discuter impartialement les systèmes psychologiques et panthéistes par lesquels on veut tout interpréter. Evidemment, lorsque nous réfutons plusieurs de ces systèmes, nous ne prétendons imposer à personne nos propres pensées, quoique les autorités sur lesquelles nous nous appuyons nous paraissent de la plus hante gravité. Séparant des opinions libres tout ce qui est de foi, comme l'existence des anges et des démons, les possessions et les obsessions démoniaques de l'Evangile, la légitimité et la puissance des exorcismes dans l'Eglise, etc., nous laissons à chacun le droit, non de nier le commerce volontaire des hommes avec le démon, ce qui serait téméraire, dit le P. Perronne, et conduirait au pyrrhonisme historique ; mais nous reconnaissons à tout catholique le droit de ne point voir dans le Spiritisme l'intervention du démon, si nos arguments paraissent plus spécieux que solides, et si la raison et l'étude plus attentive des faits prouvent le contraire.

Quant à la question pratique, nous ne nous reconnaissons point le droit d'absoudre ce que Rome condamne ; et si quelques âmes hésitaient encore, nous les renverrions simplement aux décisions romaines, aux interdictions épiscopales et même aux décisions théologiques que nous reproduisons tout entières.

Le plan de ce livre est bien simple : la première partie, ou partie historique, après avoir donné l'enseignement des saintes Ecritures et la tradition de tous les peuples sur l'existence et le rôle des Esprits, nous initie aux faits les plus saillants du Spiritisme ou de la magie, depuis l'origine du monde jusqu'à nos jours.

La seconde partie, ou partie doctrinale, expose et discute les divers systèmes imaginés pour découvrir l'agent vrai du Spiritisme ; après avoir précisé de notre mieux l'enseignement de la théologie catholique sur l'intervention générale des Esprits, et donné libre carrière à des opinions libres sur l'agent mystérieux de la magie moderne, nous signalons aux fidèles les dangers du Spiritisme pour la foi, pour les mœurs et même pour la santé ou pour la vie.

Puissent ces pages, en montrant le péril, achever le bien que d'autres ont commencé !… Inutile d'ajouter, qu'enfants dociles de l'Eglise, nous condamnons d'avance tout ce que Rome pourrait désapprouver. »

M. l'abbé Poussin reconnaît deux choses : 1° que le Spiritisme enveloppe, comme dans un immense réseau, la société tout entière ; 2° qu'il a rendu à l'Eglise le service de renverser les théories matérialistes du dix-huitième siècle. Voyons quelles conséquences ressortent de ces deux faits.

Le Spiritisme, comme nous l'avons dit, est en grande majorité recruté parmi les incrédules ; en effet, demandez aux neuf dixièmes des adeptes à quoi ils croyaient avant d'être Spirites ; ils vous répondront qu'ils ne croyaient à rien, ou tout au moins qu'ils doutaient de tout ; l'existence de l'âme était pour eux une hypothèse, désirable sans doute, mais incertaine ; la vie future une chimère ; Christ était un mythe ou tout au plus un philosophe ; Dieu, s'il existait, devait être injuste, cruel et partial, c'est pourquoi ils aimaient autant croire qu'il n'y en a pas.

Aujourd'hui ils croient, et leur foi est inébranlable, parce qu'elle est assise sur l'évidence et la démonstration, et qu'elle satisfait leur raison ; l'avenir n'est plus une espérance, mais une certitude, parce qu'ils voient la vie spirituelle se manifester sous leurs yeux ; ils n'en doutent pas plus qu'ils ne doutent du lever du soleil. Il est vrai qu'ils ne croient ni aux démons, ni aux flammes éternelles de l'enfer, mais en revanche ils croient fermement en un Dieu souverainement juste, bon et miséricordieux ; ils ne croient pas que le mal vienne de lui, qui est la source de tout bien, ni des démons, mais des propres imperfections de l'homme ; que l'homme se réforme, et le mal n'existera plus ; se vaincre soi-même c'est vaincre le démon ; telle est la foi des Spirites, et la preuve de sa puissance, c'est qu'ils s'efforcent de devenir meilleurs, de dompter leurs mauvais penchants, et de mettre en pratique les maximes du Christ, en regardant tous les hommes comme des frères sans acception de races, de castes, ni de sectes, en pardonnant à leurs ennemis, en rendant le bien pour le mal, à l'exemple du divin modèle.

Sur qui le Spiritisme devait-il avoir le plus facile accès ? ce n'est pas sur ceux qui avaient la foi et à qui cette foi suffisait, qui ne demandaient rien et n'avaient besoin de rien ; mais sur ceux à qui la foi faisait défaut. Comme Christ, il est allé aux malades et non aux gens qui se portent bien ; à ceux qui ont faim et non à ceux qui sont rassasiés ; or, les malades sont ceux qui sont torturés par les angoisses du doute et de l'incrédulité.

Et qu'a-t-il fait pour les amener à lui ? Est-ce à grands renforts de réclames ? Est-ce en allant prêcher la doctrine sur les places publiques ? Est-ce en violentant les consciences ? Nullement, car ces moyens sont ceux de la faiblesse, et, s'il en eût usé, il aurait montré qu'il doutait de sa puissance morale. Il a pour règle invariable, conformément à la loi de charité enseignée par le Christ, de ne contraindre personne, de respecter toutes les convictions ; il s'est contenté d'énoncer ses principes, de développer dans ses écrits les bases sur lesquelles sont assises ses croyances, et il a laissé venir à lui ceux qui ont voulu ; s'il en est venu beaucoup, c'est qu'il a convenu à beaucoup, et que beaucoup ont trouvé en lui ce qu'ils n'avaient pas trouvé ailleurs. Comme il s'est principalement recruté parmi les incrédules, si, en quelques années, il a enlacé le monde, cela prouve que les incrédules et ceux qui ne sont pas satisfaits de ce qu'on leur donne sont nombreux, car on n'est attiré que là où l'on trouve quelque chose de mieux que ce que l'on a. Nous l'avons dit cent fois : Veut-on combattre le Spiritisme ? Qu'on donne mieux que lui.

Vous reconnaissez, monsieur l'abbé, que le Spiritisme a rendu à l'Église le service de renverser les théories matérialistes ; c'est un grand résultat, sans doute, et dont il se glorifie ; mais comment l'a-t-il obtenu ? précisément à l'aide de ces moyens que vous appelez diaboliques, des preuves matérielles qu'il donne de l'âme et de la vie future ; c'est avec les manifestations des Esprits qu'il a confondu l'incrédulité, et qu'il triomphera définitivement. Et vous dites que ce service est l'œuvre de Satan ? Mais alors vous ne devriez pas tant lui en vouloir, puisqu'il détruit lui-même la barrière qui retenait ceux qu'il avait accaparés. Rappelez-vous la réponse du Christ aux Pharisiens qui lui tenaient exactement le même langage, en l'accusant de guérir les malades et de chasser les démons par les démons. Rappelez-vous aussi cette parole de Mgr Frayssinous, évêque d'Hermopolis, à ce sujet, dans ses conférences sur la religion : « Certes, un démon qui chercherait à détruire le règne du vice pour établir celui de la vertu serait un étrange démon, car il se détruirait lui-même. »

Si ce résultat obtenu par le Spiritisme est l'ouvrage de Satan, comment se fait-il que l'Eglise lui en ait laissé le mérite et qu'elle ne l'ait pas obtenu elle-même ; qu'elle ait laissé l'incrédulité envahir la société ? Ce ne sont cependant pas les moyens d'action qui lui ont manqué ; n'a-t-elle pas un personnel et des ressources matérielles immenses ? les prédications depuis les capitales jusqu'aux plus petits villages ? La pression qu'elle exerce sur les consciences par la confession ? la terreur des peines éternelles ? L’instruction religieuse qui suit l'enfant pendant tout le cours de son éducation ? le prestige des cérémonies du culte et celui de son ancienneté ? Comment se fait-il qu'une doctrine à peine éclose, qui n'a ni prêtres, ni temples, ni culte, ni prédications ; qui est combattue à outrance par l'Eglise, calomniée, persécutée comme le furent les premiers chrétiens, ait ramené, en aussi peu de temps, à la foi et à la croyance en l'immortalité un si grand nombre d'incrédules ? La chose n'était cependant pas bien difficile, puisqu'il suffit à la plupart de lire quelques livres pour voir s'évanouir leurs doutes.

Tirez de là toutes les conséquences que vous voudrez ; mais convenez que si c'est là l'œuvre du diable, il a fait ce que vous n'avez pas pu faire vous-mêmes, et qu'il s'est acquitté de votre besogne.

Ce qui témoigne contre le Spiritisme, direz-vous sans doute, c'est qu'il n'emploie pas, pour convaincre, les mêmes arguments que vous, et que, s'il triomphe de l'incrédulité, il ne l'amène pas complètement à vous.

Mais le Spiritisme n'a la prétention de marcher ni avec vous, ni avec personne ; il fait ses affaires lui-même et comme il l'entend. De bonne foi, croyez-vous que si l'incrédulité a été réfractaire à vos arguments, le Spiritisme en eût triomphé en s'en servant ? Si un médecin ne guérit pas un malade avec un remède, un autre médecin le guérira-t-il en employant le même remède ?

Le Spiritisme ne cherche pas plus à ramener les incrédules dans le giron absolu du catholicisme que dans celui de tout autre culte. En leur faisant accepter les bases communes à toutes les religions, il détruit le principal obstacle, et leur fait faire la moitié du chemin ; à chacune de faire le reste, en ce qui la concerne ; celles qui échouent donnent une preuve manifeste d'impuissance.

Dès l'instant que l'Eglise reconnaît l'existence de tous les faits de manifestation sur lesquels s'appuie le Spiritisme ; qu'elle les revendique pour elle-même, à titre de miracles divins ; qu'il y a entre les faits qui se passent dans les deux camps une analogie complète, quant aux effets, analogie que M. l'abbé Poussin démontre avec la dernière évidence et pièces à l'appui en les mettant en regard, toute la question se réduit donc à savoir si c'est Dieu qui agit d'un côté et le diable de l'autre ; c'est une question de personne ; or, lorsque deux personnes font exactement la même chose, on en conclut qu'elles sont aussi puissantes l'une que l'autre ; toute l'argumentation de M. Poussin aboutit ainsi à démontrer que le diable est aussi puissant que Dieu.

De deux choses l'une, ou les effets sont identiques, ou ils ne le sont pas ; s'ils sont identiques, c'est qu'ils proviennent d'une même cause, ou de deux causes équivalentes ; s'ils ne le sont pas, montrez en quoi ils diffèrent. Est-ce dans les résultats ? Mais alors la comparaison serait à l'avantage du Spiritisme, puisqu'il ramène à Dieu ceux qui n'y croyaient pas.

Il est donc bien entendu, de par la décision formelle des autorités compétentes, que les Esprits qui se manifestent ne sont et ne peuvent être que des démons. Convenez cependant, monsieur l'abbé, que si ces mêmes Esprits, au lieu de contredire l'Eglise sur quelques points, eussent été en tout de son avis, s'ils fussent venus appuyer toutes ses prétentions temporelles et spirituelles, approuver sans restriction tout ce qu'elle dit et tout ce qu'elle fait, elle ne les appellerait pas des démons, mais bien des Esprits angéliques.

M. l'abbé Poussin a écrit son livre en vue, dit-il, de prémunir les fidèles contre les dangers que peut courir leur foi, par l'étude du Spiritisme. C'est témoigner peu de confiance dans la solidité des bases sur lesquelles cette foi est assise, puisqu'elle peut être ébranlée si facilement. Le Spiritisme n'a pas la même crainte. Tout ce qu'on a pu dire et faire contre lui ne lui a pas fait perdre un pouce de terrain, puisqu'il en gagne tous les jours, et cependant le talent n'a pas manqué à plus d'un de ses adversaires. Les luttes qu'on a engagées contre lui, loin de l'affaiblir, l'ont fortifié ; elles ont puissamment contribué à le répandre plus promptement qu'il ne l'eût fait sans cela ; de telle sorte que ce réseau qui, en quelques années, a enveloppé la société tout entière, est en grande partie l'œuvre de ses antagonistes. Sans aucun des moyens matériels d'action qui font les succès en ce monde, il ne s'est propagé que par la puissance de l'idée. Puisque les arguments à l'aide desquels on l'a combattu ne l'ont pas renversé, c'est, apparemment, qu'on les a trouvés moins convaincants que les siens. Voulez-vous avoir le secret de leur foi ? le voici : c'est qu'avant de croire, ils comprennent.

Le Spiritisme ne craint pas la lumière ; il l'appelle sur ses doctrines, parce qu'il veut être accepté librement et par la raison. Loin de craindre pour la foi des Spirites la lecture des ouvrages qui le combattent, il leur dit : Lisez tout ; le pour et le contre, et choisissez en connaissance de cause. C'est pour cela que nous signalons à leur attention l'ouvrage de M. l'abbé Poussin[1].

Nous donnons ci-après, sans commentaires, quelques fragments tirés de la première partie.

1. ‑ Certains catholiques, même pieux, ont en matière de foi de singulières idées, résultat inévitable du scepticisme ambiant qui, à leur insu, les domine et dont ils subissent la délétère influence. Parlez de Dieu, de Jésus-Christ, ils acceptent tout à l'instant ; mais si vous essayez de leur parler du démon et surtout de l'intervention diabolique dans la vie humaine, ils ne vous entendent plus. Comme nos rationalistes contemporains, ils prendraient volontiers le démon pour un mythe ou une personnification fantastique du génie du mal, les extases des saints pour des phénomènes de catalepsie, et les possessions diaboliques, même celles de l'Évangile, sinon pour de l'épilepsie, du moins pour des paraboles. Saint Thomas, dans son langage précis, répond en deux mots à ce dangereux scepticisme : « Si la facilité à voir parler le démon, dit-il, procède de l'ignorance des lois de la nature et de la crédulité, la tendance générale à ne voir son action nulle part, procède de l'irréligion et de l'incrédulité. » Nier le dé démon, c'est nier le christianisme et nier Dieu.

2. ‑ La croyance à l'existence des Esprits et leur intervention dans le domaine de notre vie, bien plus, le Spiritisme lui-même ou la pratique de l'évocation des Esprits, âmes, anges ou démons, remontent à la plus haute antiquité, et sont aussi anciens que le monde. ‑ Interrogeons d'abord, sur l'existence et le rôle des Esprits, nos livres saints, les plus anciens et les plus incontestés livres d'histoire, en même temps qu'ils sont le code divin de notre foi. Le démon séduisant sous une forme sensible Adam et Ève dans le Paradis ; les chérubins qui en gardaient l'entrée ; les anges qui visitent Abraham et discutent avec lui la question du salut de Sodome ; les anges insultés dans la ville immonde, arrachant Loth à l'incendie ; l'ange d'Isaac, de Jacob, de Moïse et de Tobie ; le démon qui tue les sept maris de Sara ; celui qui torture l'âme et le corps de Job ; l'ange exterminateur des Égyptiens sous Moïse, et des Israélites sous David ; la main invisible qui écrit la sentence de Balthazar ; l'ange qui frappe Héliodore ; l'ange de l'Incarnation, Gabriel, qui annonce saint Jean et Jésus-Christ ; que faut-il de plus pour montrer et l'existence des Esprits, et la croyance à l'intervention de ces Esprits, bons ou mauvais, dans les actes de la vie humaine ? Dieu a fait les Esprits ses ambassadeurs, dit le Psalmite ; ce sont les ministres de Dieu, dit saint Paul ; saint Pierre nous apprend que les démons rôdent sans cesse autour de nous comme des lions rugissants ; saint Paul, tenté par eux, nous déclare que l'air en est rempli.

3. ‑ Remarquons ici que les traditions païennes sont en parfaite harmonie avec les traditions juives et chrétiennes. Le monde, selon Thalès et Pythagore, est rempli de substances spirituelles. Tous ces auteurs les divisent en Esprits bons et mauvais ; Empédocle dit que les démons sont punis des fautes qu'ils ont commises ; Platon parle d'un prince, d'une nature malfaisante, préposé à ces Esprits chassés par les dieux et tombés du ciel, dit Plutarque. Toutes les âmes, ajoute Porphyre, qui ont pour principe l'âme de l'univers, gouvernent les grands pays situés sous la lune : ce sont les bons démons (Esprits) ; et, soyons-en bien convaincus, ils n'agissent que dans l'intérêt de leurs administrés, soit dans le soin qu'ils prennent des animaux, soit qu'ils veillent sur les fruits de la terre, soit qu'ils président aux pluies, aux vents modérés, au beau temps. Il faut encore ranger dans la catégorie des bons démons ceux qui, suivant Platon, sont chargés de porter aux dieux les prières des hommes, et qui rapportent aux hommes les avertissements, les exhortations, les oracles des dieux.

4. ‑ Les Arabes appellent le chef des démons Iba ; les Chaldéens en remplissent l'air ; enfin Confucius enseigne absolument la même doctrine : « Que les vertus des Esprits sont sublimes ! disait-il ; on les regarde et on ne les voit pas ; on les écoute et on ne les entend pas ; unis à la substance des choses, ils ne peuvent s'en séparer ; ils sont cause que tous les hommes dans tout l'univers se purifient et se revêtent d'habits de fête pour offrir des sacrifices ; ils sont répandus comme les flots de l'Océan au-dessus de nous, à notre gauche et à notre droite. »

Le culte des Manitous, répandu parmi les sauvages d'Amérique, n'est que le culte des Esprits.

5. ‑ Les Pères de l'Église, de leur côté, ont admirablement interprété la doctrine des Écritures sur l'existence et l'intervention des Esprits : Il n'y a rien dans le monde visible qui ne soit régi et disposé par la créature invisible, dit saint Grégoire. Chaque être vivant a dans ce monde un ange qui le régit, ajoute saint Augustin. Les anges, dit saint Grégoire de Nazianze, sont les ministres de la volonté de Dieu ; ils ont naturellement et par communication une force extraordinaire ; ils parcourent tous les lieux et se trouvent partout, tant par la promptitude avec laquelle ils exercent leur ministère que par la légèreté de leur nature. Les uns sont chargés de veiller sur quelque partie de l'univers qui leur est marquée de Dieu, de qui ils dépendent en toutes choses ; d'autres sont à la garde des villes et des églises ; ils nous aident dans tout ce que nous faisons de bien.

6. ‑ Par rapport à la raison fondamentale, Dieu gouverne immédiatement l'univers ; mais relativement à l'exécution, il y a des choses qu'il gouverne par d'autres intermédiaires.

7. ‑ Quant à l'évocation elle-même des Esprits, âmes, anges ou démons et à toutes les pratiques de la magie, dont le Spiritisme n'est qu'une forme, plus ou moins enveloppée de charlatanisme, c'est une pratique aussi ancienne que la croyance aux Esprits eux-mêmes.

8. ‑ Saint Cyprien explique ainsi les mystères du Spiritisme païen :

« Les démons, dit-il, s'introduisent dans les statues et dans les simulacres que l'homme adore ; ce sont eux qui animent les fibres des victimes, qui inspirent de leur souffle le cœur des devins et qui donnent une voix aux oracles. Mais comment peuvent-ils guérir ? Lœdunt primo, dit Tertullien, postque lœdere desinunt, et curasse creduntur. Ils blessent d'abord, et, cessant de blesser, ils passent pour guérir. »

Dans l'Inde, ce sont les Lamas et les Brahamites qui, dès la plus haute antiquité, ont le monopole de ces mêmes évocations qui se continuent encore. « Ils faisaient communiquer le ciel avec la terre, l'homme avec la divinité, absolument comme nos médiums actuels. L'origine de ce privilège paraît remonter à la Genèse même des Hindous et appartenir à la caste sacerdotale de ces peuples. Sortie du cerveau de Brahma, la caste sacerdotale doit rester plus près de la nature de ce dieu créateur et entrer plus facilement en communication avec lui, que la caste guerrière, née de ses bras, et, à plus forte raison, que la caste des Parias, formée de la poussière de ses pieds. »

9. ‑ Mais le fait le plus intéressant et le plus authentique de l'histoire, est sans contredit l'évocation de Samuel par le médium de la Pythonisse d'Endor qu'interroge Saül : « Samuel était mort, dit l'Écriture ; tout Israël l'avait pleuré, et il avait été enterré dans la ville de Ramatha, lieu de sa naissance. Et Saül avait chassé les magiciens et les devins de son royaume. Les Philistins, s'étant donc assemblés, vinrent camper à Sunam ; Saül, de son côté, assembla toutes les troupes d'Israël, et vint à Gelboé. Et ayant vu l'armée des Philistins, il fut frappé d'étonnement, et la crainte le saisit jusqu'au fond de son cœur. Il consulta le Seigneur ; mais le Seigneur ne lui répondit ni en songes, ni par les prêtres, ni par les prophètes. Alors, il dit à ses officiers : « Cherchez-moi une femme qui ait un Esprit de Python, afin que je l'aille trouver, et que, par son moyen, je puisse la consulter. » Ses serviteurs lui dirent : « Il y a à Endor une femme qui a un Esprit de Python. » Saül se déguisa donc, changea d'habits, et s'en alla, accompagné de deux hommes seulement. Il vint la nuit chez cette femme, et lui dit : « Consultez pour moi l'Esprit de Python, et évoquez-moi celui que je vous dirai. » Cette femme lui répondit : « Vous savez tout ce qu'a fait Saül, et de quelle manière il a exterminé les magiciens et les devins de toutes ses terres. Pourquoi donc me tendez-vous un piège pour me perdre ? » Saül lui jura par le Seigneur, et lui dit : « Vive le Seigneur ! il ne vous arrivera de ceci aucun mal. » La femme lui dit : « Qui voulez-vous voir ? » Il lui répondit : « Faites-moi venir Samuel. » La femme ayant vu Samuel, jeta un grand cri, et dit à Saül : « Pourquoi m'avez-vous trompée ? car vous êtes Saül. » Le roi lui dit : « Ne craignez point. Qu'avez-vous vu ? ‑ J'ai vu, lui dit-elle, un dieu qui sortait de la terre. » Saül lui dit : « Comment est-il fait ? ‑ C'est, dit-elle, un vieillard couvert d'un manteau. » Saül reconnut donc que c'était Samuel ; et il lui fit une profonde révérence, en se baissant jusqu'à terre. Samuel dit à Saül : « Pourquoi avez-vous troublé mon repos en me faisant évoquer ? » Saül lui répondit : « Je suis dans une étrange extrémité. Les Philistins me font la guerre et Dieu s'est retiré de moi ; il ne m'a voulu répondre ni par les prophètes ni en songes. C'est pourquoi je vous ai fait évoquer, afin que vous m'appreniez ce que je dois faire. » Samuel lui dit : « Pourquoi vous adressez-vous à moi, puisque le Seigneur vous a abandonné, et qu'il est passé à votre rival ? Car le Seigneur vous traitera comme je vous l'ai dit de sa part. Il déchirera votre royaume de vos mains pour le donner à David, votre gendre, parce que vous n'avez ni obéi à la voix du Seigneur, ni exécuté l'arrêt de sa colère contre les Amalécites. C'est pour cela que le Seigneur vous envoie aujourd'hui ce que vous souffrez. Il livrera même Israël avec vous entre les mains des Philistins. Demain vous serez avec moi vous et vos fils ; et le Seigneur abandonnera aux Philistins le camp même d'Israël. » Saül tomba aussitôt, et demeura étendu sur la terre, car les paroles de Samuel l'avaient épouvanté ; et les forces lui manquèrent, parce qu'il n'avait point encore mangé ce jour-là. La magicienne vint à lui dans le trouble où il était, et elle lui dit : « Vous voyez que votre servante vous a obéi, que j'ai exposé ma vie pour vous, et que je me suis rendue à ce que vous désirez de moi. »

« Voici quarante ans que je fais profession d'évoquer des morts au service des étrangers, dit Philon à la suite de ce récit ; mais je n'ai jamais vu de semblable apparition. L'Ecclésiastique s'est chargé de nous prouver qu'il s'agit d'une véritable apparition et non d'une hallucination de Saül : « Samuel après sa mort parla au roi, dit l'Esprit-Saint, lui prédit la fin de sa vie et, sortant de terre, il haussa sa voix pour prophétiser la ruine de sa nation, à cause de son impiété. »

[1] Un vol. in-12 ; prix, 3 fr. Chez Sarlit, libraire, 25, rue Saint-Sulpice, Paris.



Les Aïssaoua ou les convulsionnaires de la rue Le Pelelier

Au nombre des curiosités attirées à Paris par l'Exposition, une des plus étranges est assurément celle des exercices exécutés par des Arabes de la tribu des Aïssaoua. Le Monde illustré, du 19 octobre 1867, donne une relation, accompagnée de plusieurs dessins, des diverses scènes dont l'auteur de l'article a été témoin en Algérie. Il commence ainsi son récit :

«Les Aïssaoua forment une secte religieuse très répandue en Afrique et surtout en Algérie. Leur but, nous ne le connaissons pas ; leur fondation remonte, disent les uns, à Aïssa, l'esclave favori du Prophète ; d'autres prétendent que leur confrérie a été fondée par Aïssa, pieux et savant marabout du seizième siècle. Quoi qu'il en soit, les Aïssaoua soutiennent que leur pieux fondateur leur donne le privilège d'être insensibles à la souffrance.»

Nous empruntons au Petit Journal, du 30 septembre 1867, le récit d'une des séances qu'une compagnie d'Aïssaoua a données à Paris, pendant l'Exposition, d'abord sur le théâtre du Champ-de-Mars, et en dernier lieu dans la salle de l'arène athlétique de la rue Le Peletier. La scène n'a sans doute pas le caractère imposant et terrible de celles qui s'accomplissent dans les mosquées, entourées du prestige des cérémonies religieuses ; mais, à part quelques nuances de détail, les faits sont les mêmes et les résultats identiques, et c'est là l'essentiel. Les choses, d'ailleurs, s'étant passées en plein Paris, sous les yeux d'un nombreux public, le récit ne peut être suspecté d'exagération. C'est M. Timothée Trimm qui parle :

«J'avoue bien que j'ai vu, hier soir, des choses qui laissent fort loin derrière elles les frères Davenport et les prétendus miracles du magnétisme. Les étonnements se produisent dans une petite salle qui n'est pas encore classée dans la hiérarchie des spectacles. Cela se passe dans l'arène athlétique de la rue Le Peletier. Voilà sans doute pourquoi il est si peu question des sorciers dont je parle aujourd'hui.

Il est évident que nous avons affaire à des illuminés, car voilà vingt-six Arabes qui s'accroupissent et se servent d'abord de castagnettes de fer pour accompagner leurs chants.

Du corps de ballet musulman est d'abord sorti, le premier, un jeune Arabe qui a pris un charbon ardent. Je n'ai pas le soupçon que ce pût être un charbon d'une chaleur factice, préparé à plaisir, car j'ai senti son ardeur quand on l'a passé devant moi, et il a brûlé le plancher quand il a échappé aux mains de celui qui le tenait. L'homme a pris ce charbon ardent ; il l'a mis dans sa bouche avec des cris horribles, et il l'y a gardé.

Il est évident pour moi que ces farouches Aïssaoua sont de véritables convulsionnaires mahométans. Au siècle dernier, il y eut les convulsionnaires de Paris. Les Aïssaoua de la rue Le Peletier ont assurément retrouvé cette curieuse découverte du plaisir, de la volupté et de l'extase dans la mortification corporelle.

Théophile Gautier, avec son style inimitable, a dépeint les danses de ces convulsionnaires arabes. Voici ce qu'il en disait dans le Moniteur, du 29 juillet dernier :

Le premier intermède de danse était accompagné de trois grosses caisses et de trois hautbois jouant en mode mineur une cantilène d'une mélancolie nostalgique, soutenue par un de ces rythmes implacables qui finissent par s'emparer de vous et vous donner le vertige. On dirait une âme plaintive que la fatalité force à marcher d'un pas toujours égal vers une fin inconnue, mais qu'on pressent douloureuse.

Bientôt une danseuse se leva de cet air accablé qu'ont les danseuses orientales, comme une morte qu'éveillerait une incantation magique, et par d'imperceptibles déplacements de pieds s'approcha de l'avant-scène ; une de ses compagnes se joignit à elle, et elles commencèrent, en s'animant peu à peu sous la pression de la mesure, ces torsions de hanches, ces ondulations de torse, ces balancements de bras agitant des mouchoirs de soie rayés d'or et cette pantomime langoureusement voluptueuse qui forme le fond de la danse des almées. Lever la jambe pour une pirouette ou un jeté-battu serait, aux yeux de ces danseuses, le comble de l'indécence.

A la fin, toute la troupe se mit de la partie, et nous remarquâmes, parmi les autres, une danseuse d'une beauté farouche et barbare, vêtue de haïks blancs et coiffée d'une sorte de chachia cerclée de cordelettes. Ses sourcils noirs rejoints avec du surmeh à la racine du nez, sa bouche rouge comme un piment au milieu de sa face pâle, lui donnaient une physionomie à la fois terrible et charmante ; mais l'attraction principale de la soirée était la séance des Aïssaoua ou disciples d'Aïssa, à qui le maître a légué le singulier privilège de dévorer impunément tout ce qu'on leur présente.

Ici, pour faire comprendre l'excentricité de nos convulsionnaires algériens, je préfère ma prose simple et sans art, à la phraséologie élégante et savante du maître. Voici donc ce que j'ai vu :

Un Arabe arrive ; on lui donne un carreau de vitre à manger ! Il le prend, il le met dans sa bouche, et il le mange tout entier !… On entend pendant plusieurs minutes ses dents broyer le verre. Le sang paraît à la surface de ses lèvres frémissantes… il avale le carreau de verre broyé, le tout avec force danse et génuflexions, au son des tam-tam obligés.

A celui-là, succède un Arabe qui porte à la main des branches du figuier de Barbarie, le cactus aux longues épines. Chaque aspérité du feuillage est comme une pointe acérée. L'Arabe mange ce piquant feuillage, comme nous mangerions une salade de romaine ou de chicorée.

Quand le feuillage meurtrier du cactus eut été absorbé, il vint un Arabe qui dansait en tenant une lance à la main. Il appuya cette lance sur son œil droit en disant des versets sacrés que devraient bien comprendre nos oculistes… et il sortit son oeil droit tout entier de l'orbite !… Tous les assistants poussèrent aussitôt un cri de terreur !

Alors vint un homme qui se fit serrer le corps avec une corde… vingt hommes tirent ; il lutte, il sent la corde entrer dans ses chairs ; il rit et chante pendant cette agonie.

Voilà un autre énergumène devant lequel on apporte un sabre turc. J'ai passé mes doigts sur sa lame fine et coupante comme celle d'un rasoir. L'homme défait sa ceinture, montre son ventre à nu et se couche sur la lame ; on l'y pousse, mais le damas respecte son épiderme ; l'Arabe a vaincu l'acier.

Je passe sous silence les Aïssaoua qui mangent du feu, tout en plaçant leurs pieds nus sur un brasier ardent. J'ai été voir le brasier dans les coulisses, et j'atteste qu'il est ardent et composé de bois enflammé. J'ai également examiné la bouche de ceux qui sont nommés les mangeurs de feu. Les dents sont brûlées, les gencives sont calcinées, la voûte palatine semble s'être endurcie. Mais c'est bien du feu, tous ces tisons qu'ils avalent, avec des contorsions de damnés, cherchant à s'acclimater dans l'enfer…, qui passe pour un pays chaud.

Ce qui m'a le plus impressionné dans cette étrange exhibition des convulsionnaires de la rue Le Peletier, c'est le mangeur de serpents. Figurez-vous un homme qui ouvre un panier. Dix couleuvres à la tête menaçante en sortent en sifflant. L'Arabe pétrit les serpents, les agace, les fait s'enrouler autour de son torse nu. Puis il choisit le plus gros et le plus vivace, et de ses dents lui mord et lui enlève la queue. Alors, le reptile se tort dans les angoisses de la douleur. Il présente sa tête irritée à l'Arabe qui met sa langue à la hauteur du dard ; et tout à coup, d'un coup de dent, il tranche la tête du serpent et la mange. On entend craquer le corps du reptile sous la dent du sauvage, qui montre à travers ses lèvres ensanglantées le monstre décapité.

Et, durant ce temps, la musique mélancolique des tam-tams continue son rythme sacré. Et le dévoreur de serpents va tomber perdu et étourdi aux pieds des chanteurs mystiques. On n'a, jusqu'à la semaine dernière, expérimenté cet exercice qu'avec des serpents de l'Algérie qui auraient pu se civiliser en route ; mais les serpents algériens s'épuisent comme toutes choses. C'était hier le début des couleuvres de Fontainebleau ; et l'Algérien paraissait plein de défiance à l'endroit de nos reptiles nationaux.

Passe pour le feu dévoré, supporté aux extrémités… à la plante des pieds et aux paumes des mains… mais le broyeur de verre et le mangeur de couleuvres !… ce sont d'inexplicables phénomènes.

Nous les avions vus autrefois dans un douair aux environs de Blidah, dit M. Théophile Gautier et ce sabbat nocturne nous a laissé des souvenirs encore tout frissonnants. Les Aïssaoua, après s'être excités par la musique, la vapeur des parfums et ce balancement de bête fauve qui agite comme une crinière leur immense chevelure, ont mordu des feuilles de cactus, mâché des charbons ardents, léché des pelles rouges, avalé du verre pilé qu'on entendait craquer sous leurs mâchoires, se sont traversé la langue et les joues avec des lardoires, ont fait sauter leurs yeux hors des paupières, ont marché sur le fil d'un yatagan en acier de Damas ; un d'eux, cerclé dans le nœud coulant d'une corde tirée par sept ou huit hommes, semblait coupé en deux ; ce qui ne les a pas empêchés, leurs exercices achevés, de venir nous saluer dans notre loge à la manière orientale et de recevoir leur bacchich.

Des affreuses tortures auxquelles ils venaient de se soumettre, il ne restait aucune marque. Qu'un plus savant que nous explique le prodige, nous y renonçons pour notre part.

Je suis de l'avis de mon illustre collègue et vénéré supérieur dans le grand art d'écrire, tout aussi difficile que celui d'avaler des reptiles. Je ne cherche pas à expliquer ces merveilles ; mais il était de mon devoir de chroniqueur de ne pas les passer sous silence.»

Nous avons assisté nous-même à une séance des Aïssaoua, et nous pouvons dire que ce récit n'a rien d'exagéré ; nous avons vu tout ce qui y est relaté, et de plus, un homme se traversant la joue et le cou avec une broche tranchante en forme de lardoire ; ayant touché l'instrument et examiné la chose de très près, nous nous sommes convaincu qu'il n'y avait aucun subterfuge, et que le fer traversait véritablement les chairs. Mais, chose bizarre, c'est que le sang ne coulait pas, et que la plaie s'est cicatrisée presque instantanément. Nous en avons vu un autre tenir dans sa bouche des charbons ardents de coke, gros comme des œufs, dont il activait la combustion par son souffle en se promenant autour de la salle, et en lançant des étincelles. C'était du feu si réel, que plusieurs spectateurs y ont allumé leurs cigares.

Il ne s'agit donc point ici de tours d'adresse, de simulacres, ni de jongleries, mais de faits positifs ; d'un phénomène physiologique qui déroute les notions les plus vulgaires de la science ; cependant, quelque étrange qu'il soit, il ne peut avoir qu'une cause naturelle. Ce qui est plus étrange encore, c'est que la science semble n'y avoir prêté aucune attention. Comment se fait-il que des savants, qui passent leur vie à la recherche des lois de la vitalité, restent indifférents à la vue de pareils faits et n'en cherchent pas les causes ? On se croit dispensé de toute explication en disant que « ce sont tout simplement des convulsionnaires comme il y en avait au dernier siècle ; » soit, nous sommes de cet avis ; mais alors, expliquez ce qui se passait chez les convulsionnaires. Puisque les mêmes phénomènes se produisent aujourd'hui, sous nos yeux, devant le public, que le premier venu peut les voir et les toucher, ce n'était donc pas une comédie ; ces pauvres convulsionnaires, dont on s'est tant moqué, n'étaient donc pas des jongleurs et des charlatans, comme on l'a prétendu ? Les mêmes effets se reproduisant à volonté par des mécréants au nom d'Allah et de Mahomet, ce ne sont donc pas des miracles, ainsi que d'autres l'ont pensé ? Ce sont des illuminés, dit-on ; soit encore ; mais alors il faudrait expliquer ce que c'est qu'être illuminé. Il faut que l'illumination ne soit pas une qualité aussi illusoire qu'on le suppose, puisqu'elle serait capable de produire des effets matériels aussi singuliers ; ce serait, dans tous les cas, une raison de plus pour l'étudier avec soin. Dès lors que ces effets ne sont ni des miracles, ni des tours de prestidigitation, il en faut conclure que ce sont des effets naturels dont la cause est inconnue, mais qui n'est sans doute pas introuvable. Qui sait si le Spiritisme, qui nous a déjà donné la clef de tant de choses incomprises, ne nous donnera pas encore celle-ci ? C'est ce que nous examinerons dans un prochain article.

Une manifestation avant la mort

La lettre suivante nous a été adressée de Marennes au mois de janvier dernier :

« Monsieur Allan Kardec,

J'aurais cru manquer à mon devoir si, au commencement de cette année, je n'étais venue vous remercier du bon souvenir que vous avez bien voulu conserver de moi, en adressant à Dieu de nouvelles prières pour mon rétablissement. Oui, Monsieur, elles m'ont été salutaires, et je reconnais bien là votre bonne influence, ainsi que celle des bons Esprits qui vous entourent ; car, depuis le 14 mai, j'étais obligée de garder le lit de temps en temps par suite de mauvaises fièvres qui m'avaient mise dans un bien triste état. Depuis un mois, je suis mieux ; je vous remercie mille fois, en vous priant de remercier en mon nom tous nos frères de la Société de Paris qui ont bien voulu joindre leurs prières aux vôtres.

J'ai souvent eu des manifestations, comme vous le savez ; mais une des plus frappantes est celle du fait que je vais vous rapporter.

Au mois de mai dernier, mon père vint à Marennes passer quelques jours avec nous ; à peine arrivé, il tomba malade et mourut au bout de huit jours. Sa mort me causa une douleur d'autant plus vive que j'en avais été avertie six mois à l'avance, mais je n'y avais pas ajouté foi. Voici le fait :

Au mois de décembre précédent, sachant qu'il devait venir, j'avais meublé une petite chambre pour lui, et mon désir était que personne n'y couchât avant lui. Depuis l'instant où je manifestai cette pensée, j'eus l'intuition que celui qui coucherait dans ce lit y mourrait, et cette idée, qui me poursuivait sans cesse, me serrait le cœur au point que je n'osais plus aller dans cette chambre. Cependant, dans l'espoir de m'en débarrasser, j'allai prier auprès du lit. Je crus y voir un corps enseveli ; pour me rassurer, je lève la couverture et ne vois rien ; alors je me dis que tous ces pressentiments ne sont que des illusions ou des résultats d'obsessions. Au même instant, j'entendis des soupirs comme d'une personne qui finit, puis je sens ma main droite pressée fortement par une main tiède et humide. Je sortis de la chambre, et n'osai plus y rentrer seule. Pendant six mois je fus tourmentée par ce triste avertissement, et personne n'y coucha avant l'arrivée de mon père. C'est là qu'il est mort ; ses derniers soupirs ont été les mêmes que ceux que j'avais entendus, et avant de mourir, sans que je le lui demande, il me prit la main droite et me la pressa de la même manière que ce que j'avais ressenti six mois auparavant ; la sienne avait la sueur tiède que j'avais également remarquée. Je ne puis donc douter que ce ne soit un avertissement qui m'a été donné.

J'ai eu beaucoup d'autres preuves de l'intervention des Esprits, mais qu'il serait trop long de vous détailler dans une lettre ; je ne rappellerai que le fait d'une discussion de quatre heures que j'eus au mois d'août dernier avec deux prêtres, et pendant laquelle je me sentis vraiment inspirée, et forcée de parler avec une facilité dont j'étais moi-même surprise. Je regrette de ne pouvoir vous rapporter cette conversation ; cela ne vous étonnerait pas, mais vous amuserait.

Recevez, etc.

Angelina de Ogé



Il y a toute une étude à faire sur cette lettre. Nous y voyons d'abord un encouragement à prier pour les malades, puis une nouvelle preuve de l'assistance des Esprits par l'inspiration des paroles que l'on doit prononcer dans des circonstances où l'on serait fort embarrassé de parler si l'on était livré à ses propres forces. C'est peut-être un des genres de médiumnité les plus communs, et qui viennent confirmer le principe que tout le monde est plus ou moins Médium sans s'en douter. Assurément, si chacun se reportait aux diverses circonstances de sa vie, observait avec soin les effets qu'il ressent ou dont il a été témoin, il n'est personne qui ne reconnaîtrait avoir quelques effets de médiumnité inconsciente

Mais le fait le plus saillant est celui de l'avertissement de la mort du père de madame de Ogé, et du pressentiment dont elle a été poursuivie pendant six mois. Sans doute, lorsqu'elle alla prier dans cette chambre, et qu'elle crut voir un corps dans le lit qu'elle constata être vide, on pourrait, avec quelque vraisemblance, admettre l'effet d'une imagination frappée. Il en pourrait être de même des soupirs qu'elle a entendus. La pression de la main pourrait aussi être attribuée à un effet nerveux, provoqué par la surexcitation de son esprit. Mais comment expliquer la coïncidence de tous ces faits avec ce qui s'est passé à la mort de son père ? L'incrédulité dira : pur effet du hasard ; le Spiritisme dit : phénomène naturel dû à l'action de fluides dont les propriétés ont été inconnues jusqu'à ce jour, soumis à la loi qui régit les rapports du monde spirituel avec le monde corporel.

Le Spiritisme, en rattachant aux lois de la nature la plupart des phénomènes réputés surnaturels, vient précisément combattre le fanatisme et le merveilleux qu'on l'accuse de vouloir faire revivre ; il donne de ceux qui sont possibles une explication rationnelle, et démontre l'impossibilité de ceux qui seraient une dérogation aux lois de la nature. La cause d'une multitude de phénomènes est dans le principe spirituel dont ils viennent prouver l'existence ; mais comment ceux qui nient ce principe peuvent-ils en admettre les conséquences ? Celui qui nie l'âme et la vie extracorporelle, ne peut en reconnaître les effets.

Pour les Spirites, le fait dont il s'agit n'a rien de surprenant, et s'explique, par analogie, comme une foule de faits du même genre dont l'authenticité ne peut être contestée. Cependant les circonstances dans lesquelles il s'est produit présentent une difficulté ; mais le Spiritisme n'a jamais dit qu'il n'avait plus rien à apprendre. Il possède une clef dont il est encore loin de connaître toutes les applications ; c'est à les étudier qu'il s'applique, afin d'arriver à une connaissance aussi complète que possible des forces naturelles et du monde invisible au milieu duquel nous vivons, monde qui nous intéresse tous, parce que tous, sans exception, devons y entrer tôt ou tard, et nous voyons tous les jours, par l'exemple de ceux qui partent, l'avantage qu'il y a à le connaître par avance.

Nous ne saurions trop le répéter, le Spiritisme ne fait aucune théorie préconçue ; il voit, observe, étudie les effets, et des effets il cherche à remonter à la cause, de telle sorte que lorsqu'il formule un principe ou une théorie, il s'appuie toujours sur l'expérience. Il est donc rigoureusement vrai de dire que c'est une science d'observation. Ceux qui affectent de n'y voir qu'une œuvre d'imagination, prouvent qu'ils n'en savent pas le premier mot.

Si le père de madame de Ogé eût été mort, sans qu'elle le sût, à l'époque où elle ressentit les effets dont nous avons parlé, ces effets s'expliqueraient de la manière la plus simple. L'Esprit dégagé du corps serait venu vers elle l'avertir de son départ de ce monde, et attester sa présence par une manifestation sensible, à l'aide de son fluide périspirital ; c'est ce qui est très fréquent. Nous comprenons parfaitement qu'ici l'effet est dû au même principe fluidique, c'est-à-dire à l'action du périsprit ; mais comment l'action matérielle du corps, qui a eu lieu au moment de la mort, a-t-elle pu se produire identiquement six mois avant cette mort, alors que rien d'ostensible, maladie ou autre cause, ne pouvait la faire pressentir ?

Voici, l'explication qui en été donnée à la Société de Paris :

« L'Esprit du père de cette dame, à l'état de dégagement, avait une connaissance anticipée de sa mort, et de la manière dont elle s'accomplirait. Sa vue spirituelle embrassant un certain espace de temps, la chose était, pour lui, comme présente ; mais dans l'état de veille il n'en conservait aucun souvenir. C'est lui-même qui s'était manifesté à sa fille, six mois auparavant, dans les conditions qui devaient se reproduire, afin que, plus tard, elle sût que c'était lui, et qu'étant préparée à une séparation prochaine, elle ne fût pas surprise de son départ. Elle-même, comme Esprit, en avait connaissance, car les deux Esprits communiquaient ensemble dans leurs moments de liberté ; c'est ce qui lui donnait l'intuition que quelqu'un devait mourir dans cette chambre. Cette manifestation a également eu lieu dans le but de fournir un sujet d'instruction touchant la connaissance du monde invisible. »




Variétés

Étrange violation de sépulture, étude psychologique

L'Observateur, d'Avesnes (20 avril 1867) rapporte le fait suivant :

« Il y a trois semaines, un ouvrier de Louvroil, nommé Magnan, âgé de vingt-trois ans, eut le malheur de perdre sa femme, atteinte d'une maladie de poitrine. Le chagrin profond qu'il en ressentit fut bientôt accru par la mort de son enfant, qui ne survécut que quelques jours à sa mère. Magnan parlait sans cesse de sa femme, ne pouvant croire qu'elle l'eût quitté pour toujours et s'imaginant qu'elle ne tarderait pas à revenir ; c'est en vain que ses amis cherchaient à lui offrir quelques consolations, il les repoussait toutes et se renfermait dans son affliction.

Jeudi dernier, après bien des difficultés, ses camarades d'atelier le décidèrent à accompagner jusqu'au chemin de fer un ami commun, militaire en congé qui retournait à son régiment. Mais à peine fut-on arrivé à la gare que Magnan s'esquiva et se rendit seul en ville, plus préoccupé encore que d'habitude. Il prit dans un cabaret quelques verres de bière qui achevèrent de le troubler, et ce fut dans ces dispositions qu'il rentra chez lui vers neuf heures du soir. Se retrouvant seul, la pensée que sa femme n'était plus là le surexcita encore, et il éprouva un désir insurmontable de la revoir. Il prit alors une vieille bêche et une mauvaise rasette, se rendit au cimetière, et, malgré l'obscurité et la pluie affreuse qui tombait en ce moment, il commença aussitôt à enlever la terre qui recouvrait sa chère défunte.

Ce n'est qu'après plusieurs heures d'un travail surhumain qu'il parvint à retirer le cercueil de sa fosse. Avec ses mains seules et en se brisant tous les ongles, il arracha le couvercle, puis, prenant dans ses bras le corps de sa pauvre compagne, il le reporta chez lui et le coucha sur son lit. Il devait être alors trois heures du matin environ. Après avoir allumé un bon feu, il découvrit le visage de la morte, puis, presque joyeux, il courut chez la voisine qui l'avait ensevelie, pour lui dire que sa femme était revenue comme il le lui avait prédit.

Sans ajouter aucune importance aux paroles de Magnan, qui, disait-elle, avait des visions, elle se leva et l'accompagna jusque chez lui afin de le calmer et de le faire coucher. Qu'on juge de sa surprise et de sa frayeur en voyant le corps exhumé. Le malheureux ouvrier parlait à la morte comme si elle eût pu l'entendre et cherchait avec une ténacité touchante à obtenir une réponse, en donnant à sa voix la douceur et toute la persuasion dont il était capable ; cette affection au delà du tombeau offrait un spectacle navrant.

Cependant la voisine eut la présence d'esprit d'engager le pauvre halluciné à reporter sa femme dans son cercueil, ce qu'il promit en voyant le silence obstiné de celle qu'il croyait avoir rappelée à la vie ; c'est sous la foi de cette promesse qu'elle rentra chez elle plus morte que vive.

Mais Magnan ne s'en tint pas là et courut éveiller deux voisins qui se levèrent, comme l'ensevelisseuse, pour chercher à tranquilliser l'infortuné. Comme elle aussi, le premier moment de stupéfaction passé, ils l'engagèrent à reporter la morte au cimetière, et cette fois celui-ci, sans hésiter, prit sa femme dans ses bras et revint la déposer dans la bière d'où il l'avait tirée, la replaça dans la fosse et la recouvrit de terre.

La femme de Magnan était enterrée depuis dix-sept jours ; néanmoins, elle se trouvait encore dans un état parfait de conservation, car l'expression de son visage était exactement le même qu'au moment où elle fut ensevelie.

Quand on a interrogé Magnan le lendemain, il a paru ne pas se rappeler ce qu'il avait fait ni ce qui s'était passé quelques heures auparavant ; il a dit seulement qu'il croyait avoir vu sa femme pendant la nuit. » (Siècle, 29 avril 1867.)

Instruction sur le fait précédent

(Société de Paris, 10 mai 1867 ; médium, M. Morin, en somnambulisme spontané.)

Les faits se montrent de toutes parts, et tout ce qui se produit semble avoir une direction spéciale qui porte aux études spirituelles. Observez bien, et vous verrez à chaque instant des choses qui semblent, au premier abord, des anomalies dans la vie humaine, et dont on chercherait inutilement la cause ailleurs que dans la vie spirituelle. Sans doute, pour beaucoup de gens, ce sont simplement des faits curieux auxquels ils ne songent plus, la page retournée ; mais d'autres pensent plus sérieusement ; ils cherchent une explication, et, à force de voir la vie spirituelle se dresser devant eux, ils seront bien obligés de reconnaître que là seulement est la solution de ce qu'ils ne peuvent comprendre. Vous qui connaissez la vie spirituelle, examinez bien les détails du fait qui vient de vous être lu, et voyez si elle ne s'y montre pas avec évidence.

Ne pensez pas que les études que vous faites sur ces sujets d'actualité et autres soient perdues pour les masses, parce que, jusqu'à présent, elles ne vont guère qu'aux Spirites, à ceux qui sont déjà convaincus ; non. D'abord, soyez certains que les écrits spirites vont ailleurs que chez les adeptes ; il y a des gens trop intéressés à la question pour ne pas se tenir au courant de tout ce que vous faites et de la marche de la doctrine. Sans qu'il y paraisse, la société, qui est le centre où s'élaborent les travaux, est un point de mire, et les solutions sages et raisonnées qui en sortent font réfléchir plus que vous ne croyez. Mais un jour viendra où ces mêmes écrits seront lus, commentés, analysés publiquement ; on y puisera à pleines mains les éléments sur lesquels doivent s'asseoir les nouvelles idées, parce qu'on y trouvera la vérité. Encore une fois, soyez convaincus que rien de ce que vous faites n'est perdu, même pour le présent, à plus forte raison pour l'avenir.

Tout est sujet d'instruction pour l'homme qui réfléchit. Dans le fait qui vous occupe, vous voyez un homme possédant ses facultés intellectuelles, ses forces matérielles, et qui semble, pour un moment, complètement dépouillé des premières ; il fait un acte qui paraît tout d'abord insensé. Eh bien ! il y a là un grand enseignement.

Cela est-il arrivé ? diront quelques personnes. L'homme était-il en état de somnambulisme naturel, ou a-t-il rêvé ? L'Esprit de la femme est-il pour quelque chose là-dedans ? Telles sont les questions qu'on peut se faire à cet égard. Eh bien ! l'Esprit de la femme Magnan a été pour beaucoup dans cette affaire, et pour beaucoup plus que ne pourraient le supposer même les Spirites.

Si on suit l'homme avec attention depuis le moment de la mort de sa femme, on le voit changer peu à peu ; dès les premières heures du départ de sa femme, on voit son Esprit prendre une direction qui s'accentue de plus en plus pour arriver à l'acte de folie de l'exhumation du cadavre. Il y a dans cet acte autre chose que le chagrin ; et, comme l'enseigne le Livre des Esprits, comme l'enseignent toutes les communications : ce n'est pas dans la vie présente, c'est dans le passé qu'il en faut chercher la cause. Nous ne sommes ici-bas que pour accomplir une mission ou payer une dette ; dans le premier cas, on accomplit une tâche volontaire ; dans le second, faites la contrepartie des souffrances que vous éprouvez, et vous aurez la cause de ces souffrances.

Lorsque la femme fut morte, elle resta là en Esprit, et comme le mariage des fluides spirituels et de ceux du corps était difficile à rompre en raison de l'infériorité de l'Esprit, il lui a fallu un certain temps pour reprendre sa liberté d'action, un nouveau travail pour l'assimilation des fluides ; puis, lorsqu'elle a été en mesure, elle s'est emparée du corps de l'homme et l'a possédé. C'est donc, ici, un véritable cas de possession.

L'homme n'est plus lui, et remarquez-le : il n'est plus lui que lorsque la nuit vient. Il faudrait entrer dans de trop longues explications pour vous faire comprendre la cause de cette singularité ; mais, en deux mots : le mélange de certains fluides, comme en chimie, celui de certains gaz, ne peut supporter l'éclat de la lumière. Voilà pourquoi certains phénomènes spontanés ont lieu plus souvent la nuit que le jour.

Elle possède cet homme ; elle lui fait faire ce qu'elle veut ; c'est elle qui l'a conduit au cimetière pour lui faire faire un travail surhumain et le faire souffrir ; et le lendemain, lorsqu'on demande à l'homme ce qui s'est passé, il est tout stupéfait et ne se rappelle que d'avoir rêvé à sa femme. Le rêve était la réalité ; elle avait promis de revenir, et elle est revenue ; elle reviendra et elle l'entraînera.

Dans une autre existence, il y a eu un crime de commis ; celui qui tenait à se venger laissa le premier s'incarner et choisit une existence qui, le mettant en relation avec lui, lui permettait d'accomplir sa vengeance. Vous demanderez pourquoi cette permission ? mais Dieu n'accorde rien qui ne soit juste et logique. L'un veut se venger ; il faut qu'il ait, comme épreuve, l'occasion de surmonter son désir de vengeance, et l'autre doit éprouver et payer ce qu'il a fait souffrir au premier. Le cas est ici le même ; seulement les phénomènes n'étant pas terminés, on ne s'étend pas plus longtemps : il existera autre chose encore.


Bibliographie

EN VENTE LE 6 JANVIER 1868

La Genèse LES MIRACLES ET LES PRÉDICTIONS SELON LE SPIRITISME

Par Allan Kardec *

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TABLE DES MATIÈRES


INTRODUCTION

CHAPITRE I. CARACTÈRES DE LA RÉVÉLATION SPIRITE.


- II. DIEU. - Existence de Dieu. - De la nature divine. - La Providence. - La vue de Dieu.

- III. LE BIEN ET LE MAL - Source du bien et du mal. - L'intelligence et l'instinct. - Destruction des êtres vivants les uns par les autres.

- IV. ROLE DE LA SCIENCE DANS LA GENÈSE.

- V. SYSTÈMES DES MONDES ANCIENS ET MODERNES.

- VI. URANOGRAPHIE GÉNÉRALE. - L'espace et le temps. – La matière. - Les lois et les forces. - La création première. – La création universelle. - Les soleils et les planètes. – Les satellites. – Les comètes. - La voix lactée. - Les étoiles fixes. – Les déserts de l'espace. - Succession éternelle des mondes. - La vie universelle. - La science. - Considérations morales.

- VII. ESQUISSE GÉOLOGIQUE DE LA TERRE. - Périodes géologiques. - Etat primitif du globe. - Période primaire. - Période de transition. - Période secondaire. - Période tertiaire. - Période diluvienne. - Période postdiluvienne ou actuelle. - Naissance de l'homme.

- VIII. THÉORIES DE LA TERRE. - Théorie de la projection (Buffon). -Théorie de la condensation. - Théorie de l'incrustation.

- IX. RÉVOLUTIONS DU GLOBE. - Révolutions générales ou partielles. - Déluge biblique. - Révolutions périodiques. - Cataclysmes futurs.

CHAPITRE X. GENÈSE ORGANIQUE. - Première formation des êtres vivants. – Principe vital. - Génération spontanée. - Echelle des être corporels. - L'homme.

- XI. GENÈSE SPIRITUELLE. - Principe spirituel. - Union du principe spirituel et de la matière. - Hypothèse sur l'origine des corps humains. – Incarnation des Esprits. - Réincarnation. – Emigration et immigration des Esprits. - Race adamique. - Doctrine des anges déchus.

- XII. GENÈSE MOSAÏQUE. - Les six jours. - Le paradis perdu.


Les miracles.

- XIII. CARACTÈRES DES MIRACLES. - XIV. LES FLUIDES. - Nature et propriétés des fluides. – Explication naturelle de quelques faits réputés surnaturels.

- XV. LES MIRACLES DE L'ÉVANGILE. - Observations préliminaires - Songes. - Etoile des Mages. - Double vue. - Guérisons. – Possédés. - Résurrections. - Jésus marche sur l'eau. - Transfiguration. - Tempête apaisée. - Noces de Cana. - Multiplication des pains. - Tentation de Jésus. - Prodiges à la mort de Jésus. - Apparition de Jésus après sa mort. – Disparition du corps de Jésus.


Les prédictions.

- XVI. THÉORIE DE LA PRESCIENCE.

- XVII. PRÉDICTIONS DE L'ÉVANGILE. - Nul n'est prophète en son pays. - Mort et passion de Jésus. - Persécution des apôtres. – Villes impénitentes. - Ruine du Temple et de Jérusalem. - Malédictions aux Pharisiens. - Mes paroles ne passeront point. – La pierre angulaire. - Parabole des vignerons homicides. – Un seul troupeau et un seul pasteur. - Avènement d'Elie. – Annonce du Consolateur. - Second avènement du Christ. - Signes précurseurs. - Vos fils et vos filles prophétiseront. - Jugement dernier.

- XVIII. LES TEMPS SONT ARRIVÉS. - Signes du temps. - La génération nouvelle.


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* Librairie internationale, 15, boulevard Montmartre à Paris. - Un fort volume in-12. Prix : 3 fr. 50, par la poste 4 fr. Les frais de poste pour cet ouvrage, comme pour les autres, sont ceux pour la France et l'Algérie ; pour l'étranger, les frais varient selon les pays, savoir : Belgique, 65 c. - Italie, 75 c. - Angleterre, Suisse, Espagne, Grèce, Constantinople, Egypte, 1 fr. - Prusse, Bavière, 1 fr. 20 c. - Hollande, 1 fr. 50 c. - Portugal, Etats-Unis, Canada, Canaries, Guadeloupe, Cayenne, Mexique, Maurice, Chine, Buenos-Ayres, Montevidéo, 1 fr. 45 c. – Hollande, 1 fr. 50 c. - Brésil, 1 fr. 80 c. - Duché de Bade, 2 fr. 25 c. - Pérou, 2 fr. 60 c. - Autriche, 3 fr. 20 c.




ERRATA

Numéro de juillet 1867, page 196, 10e ligne : Les gens les plus illustres comprennent… - Lisez : illettrés. Numéro de novembre 1867, page 341, 40e ligne : C'est donc le fluide qui agit sans l'impulsion de l'Esprit… - Lisez : sous l'impulsion.


Articles connexes

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