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REVUE SPIRITE JOURNAL D'ETUDES PSYCHOLOGIQUES - 1868 > Septembre
Septembre
Accroissement ou décroissement du volume de la terre
A propos de la genèse
Notre correspondant de Sens, dont nous avons publié dans le précédent numéro l'observation sur le parti spirite, en ajoutait une autre, dans sa lettre, sur l'accroissement du volume de la terre, et que l'abondance des matières nous a forcé d'ajourner.
« Je vous demande encore, monsieur, la permission de vous soumettre une réflexion qui m'est venue en lisant votre dernier ouvrage sur la Genèse. A la page 161 il y a ceci : « A l'époque où le globe terrestre était une masse incandescente, il ne contenait pas un atome de plus ni de moins qu'aujourd'hui. » Cependant des Esprits ont dit qu'il n'y a pas deux lois différentes pour la formation des corps principaux et des corps secondaires ; et puis, j'ai lu quelque part, que les plantes rendent à la terre plus qu'elles ne lui empruntent. Je ne sais si cela est bien constaté et scientifiquement démontré, mais d'après cette donnée et d'autres, sans parler des aérolithes qui sont aujourd'hui un fait incontesté, ne pourrait-il se faire qu'on découvrît un jour que notre globe acquiert encore du volume, ce qui contredirait cette assertion ? »
Il est très vrai que les plantes rendent au sol plus qu'elles n'en tirent ; mais le globe ne se compose pas seulement de la partie solide, l'atmosphère en fait partie intégrante ; or, il est prouvé que les plantes se nourrissent autant, et même plus, des fluides aériformes puisés dans l'atmosphère que des éléments solides absorbés par les racines. Vu la quantité de plantes qui ont vécu sur la terre depuis son origine, sans parler des animaux, les fluides atmosphériques seraient depuis longtemps épuisés s'ils ne s'alimentaient à une source permanente ; cette source est dans la décomposition des matières solides, organiques et inorganiques, qui rendent à l'atmosphère l'oxygène, l'hydrogène, l'azote, le carbone et les autres gaz qu'ils en avaient soutirés. C'est donc un échange constant, une transformation perpétuelle qui s'accomplissent à la surface du globe. Il en est exactement ici comme de l'eau qui s'élève en vapeurs et retombe en pluie, et dont la quantité est toujours la même. L'accroissement des végétaux et des animaux, s'opérant à l'aide des éléments constitutifs du globe, leurs débris, quelque considérables qu'ils soient, n'ajoutent pas un atome à la masse. Si la partie solide du globe augmentait, par cette cause, d'une manière permanente, ce serait aux dépens de l'atmosphère qui diminuerait d'autant, et finirait par être impropre à la vie.
A l'origine de la terre, les premières couches géologiques se sont formées des matières solides momentanément volatilisées par l'effet de la haute température, et qui, plus tard, condensées par le refroidissement, se sont précipitées. Elles ont incontestablement élevé quelque peu la surface du sol, qui, sans cela, se serait arrêtée à la couche granitique, mais sans rien ajouter à la masse totale, puisque ce n'était qu'un déplacement de matière. Lorsque l'atmosphère, purgée des éléments étrangers qu'elle tenait en suspension, s'est trouvée à son état normal, les choses ont suivi le cours régulier qu'elles ont eu depuis. Aujourd'hui, la moindre modification dans la constitution de l'atmosphère amènerait forcément la destruction des êtres vivants actuels ; mais alors, probablement, il se formerait de nouvelles races dans d'autres conditions de vitalité.
Considérée à ce point de vue, la masse du globe, c'est-à-dire la somme des molécules qui composent l'ensemble de ses parties solides, liquides et gazeuses, est incontestablement la même depuis son origine. S'il éprouvait une dilatation ou une condensation, son volume augmenterait ou diminuerait, sans que la masse subît aucune altération. Si donc la terre augmentait de masse par l'adjonction de nouvelles molécules, ce serait par l'effet d'une cause étrangère, puisqu'elle ne pourrait puiser en elle-même les éléments nécessaires à son accroissement.
Quelques personnes pensent que la chute des aérolithes peut être une cause d'augmentation du volume de la terre ; d'autres, sans s'occuper des voies et moyens, se fondent sur ce principe que, puisque les animaux et les plantes naissent, grandissent et meurent, les corps planétaires doivent être soumis à la même loi.
D'abord, l'origine des aérolithes est encore problématique ; on a même longtemps pensé qu'ils pouvaient se former dans les régions supérieures de l'atmosphère terrestre, par la condensation des matières gazéifiées provenant de la terre même ; mais en supposant qu'ils aient une source étrangère à notre globe, qu'ils proviennent des débris de quelques planètes brisées, ou qu'ils se forment spontanément par la condensation de la matière cosmique interplanétaire, auquel cas on pourrait les considérer comme des avortons de planètes, leur chute accidentelle ne pourrait donner lieu à un accroissement sensible, et encore moins régulier de notre globe.
D'un autre côté, l'assimilation que l'on prétendrait faire entre les plantes et les planètes manque de justesse, car ce serait faire de ces dernières des êtres organiques, ce qui n'est pas admissible.
Selon une autre opinion, le globe peut augmenter par l'afflux de la matière cosmique interplanétaire qu'il puise dans sa course à travers l'espace, et qui dépose incessamment à sa surface de nouvelles molécules. Cette doctrine n'a rien d'irrationnel, car, dans ce cas, l'accroissement aurait lieu par adjonction et superposition, comme pour tous les corps inorganiques ; mais, outre qu'on pourrait se demander où s'arrêterait cet accroissement, elle est encore trop hypothétique pour être admise en principe. Ce n'est qu'un système combattu par des systèmes contraires, car, selon d'autres, la terre, au lieu d'acquérir, dépense, par l'effet de son mouvement, c'est-à-dire qu'elle abandonne à l'espace une partie de ses molécules, et qu'ainsi, au lieu d'augmenter, elle diminue. Entre ces deux théories, la science positive ne s'est point encore prononcée, et il est probable qu'elle ne le pourra pas de sitôt, faute de moyens matériels d'observation. On en est donc réduit à formuler des raisonnements basés sur les lois connues, ce qui peut donner des probabilités, mais non encore des certitudes.
Voici, en réponse à la question proposée, l'opinion motivée de l'éminent Esprit qui a dicté les savantes études uranographiques rapportées au chapitre VI de la Genèse.
Société de Paris, juillet 1868. - Médium, M. Desliens
« Les mondes s'épuisent en vieillissant et tendent à se dissoudre pour servir d'éléments de formation à d'autres univers. Ils rendent peu à peu au fluide cosmique universel de l'espace ce qu'ils en ont tiré pour se former. En outre, tous les corps s'usent par le frottement ; le mouvement rapide et incessant du globe à travers le fluide cosmique a pour effet d'en diminuer constamment la masse, bien que d'une quantité inappréciable dans un temps donné[1].
L'existence des mondes peut, selon moi, se diviser en trois périodes. Première période : Condensation de la matière pendant laquelle le volume du globe diminue considérablement, la masse restant la même ; c'est la période de l'enfance. - Seconde période : Contraction, solidification de l'écorce, éclosion des germes, développement de la vie jusqu'à l'apparition du type le plus perfectible. A ce moment le globe est dans toute sa plénitude : c'est l'âge de la virilité ; il perd, mais très peu, de ses éléments constitutifs. A mesure que ses habitants progressent spirituellement, il passe à la période de décroissance matérielle ; il perd, non seulement par suite du frottement, mais aussi par la désagrégation des molécules, comme une pierre dure qui, rongée par le temps, finit par tomber en poussière. Dans son double mouvement de rotation et de translation, il laisse à l'espace des parcelles fluidifiées de sa substance, jusqu'au moment où sa dissolution sera complète.
Mais alors comme la puissance attractive est en raison de la masse, - je ne dis pas du volume, - la masse diminuant, ses conditions d'équilibre dans l'espace sont modifiées ; dominé par des globes plus puissants auxquels il ne peut plus faire contrepoids, il s'ensuit des déviations dans ses mouvements, dans sa position à l'égard du soleil ; il subit de nouvelles influences, et de là naissent des changements dans les conditions d'existence de ses habitants, en attendant qu'il disparaisse de la scène du monde.
Ainsi, naissance, vie et mort ; enfance, virilité et décrépitude, telles sont les trois phases par lesquelles passe toute agglomération de matière organique ou inorganique. L'esprit seul, qui n'est point matière, est indestructible. »
Galilée.
Que deviennent les habitants d'un monde détruit ? Ils font ce que font les habitants d'une maison qu'on démolit : ils vont s'établir ailleurs dans de meilleures conditions ; les globes ne sont, pour eux, que des stations temporaires ; mais il est probable que lorsqu'un globe est arrivé à sa période de dissolution, il a depuis longtemps cessé d'être habité, car alors il ne peut plus fournir les éléments nécessaires à l'entretien de la vie.
Tout est problème insoluble dans la nature, si l'on fait abstraction de l'élément spirituel ; tout s'explique, au contraire, clairement et logiquement, si l'on tient compte de cet élément.
Il est à remarquer que, selon l'ordre d'idées exprimées dans la communication ci-dessus, la fin d'un monde coïnciderait avec la plus grande somme de progrès de ses habitants, compatible avec la nature de ce monde, au lieu d'être le signal d'une réprobation qui les vouerait, pour la plus grande partie, à la damnation éternelle.
[1] Dans son mouvement de translation autour du soleil, la vitesse de la terre est de 400 lieues par minute. La terre ayant 9,000 lieues de circonférence à l'équateur, dans son mouvement de rotation sur son axe, chaque point de l'équateur parcourt, par conséquent, 9,000 lieues en vingt-quatre heures, ou 6,3 lieues par minute.
Notre correspondant de Sens, dont nous avons publié dans le précédent numéro l'observation sur le parti spirite, en ajoutait une autre, dans sa lettre, sur l'accroissement du volume de la terre, et que l'abondance des matières nous a forcé d'ajourner.
« Je vous demande encore, monsieur, la permission de vous soumettre une réflexion qui m'est venue en lisant votre dernier ouvrage sur la Genèse. A la page 161 il y a ceci : « A l'époque où le globe terrestre était une masse incandescente, il ne contenait pas un atome de plus ni de moins qu'aujourd'hui. » Cependant des Esprits ont dit qu'il n'y a pas deux lois différentes pour la formation des corps principaux et des corps secondaires ; et puis, j'ai lu quelque part, que les plantes rendent à la terre plus qu'elles ne lui empruntent. Je ne sais si cela est bien constaté et scientifiquement démontré, mais d'après cette donnée et d'autres, sans parler des aérolithes qui sont aujourd'hui un fait incontesté, ne pourrait-il se faire qu'on découvrît un jour que notre globe acquiert encore du volume, ce qui contredirait cette assertion ? »
Il est très vrai que les plantes rendent au sol plus qu'elles n'en tirent ; mais le globe ne se compose pas seulement de la partie solide, l'atmosphère en fait partie intégrante ; or, il est prouvé que les plantes se nourrissent autant, et même plus, des fluides aériformes puisés dans l'atmosphère que des éléments solides absorbés par les racines. Vu la quantité de plantes qui ont vécu sur la terre depuis son origine, sans parler des animaux, les fluides atmosphériques seraient depuis longtemps épuisés s'ils ne s'alimentaient à une source permanente ; cette source est dans la décomposition des matières solides, organiques et inorganiques, qui rendent à l'atmosphère l'oxygène, l'hydrogène, l'azote, le carbone et les autres gaz qu'ils en avaient soutirés. C'est donc un échange constant, une transformation perpétuelle qui s'accomplissent à la surface du globe. Il en est exactement ici comme de l'eau qui s'élève en vapeurs et retombe en pluie, et dont la quantité est toujours la même. L'accroissement des végétaux et des animaux, s'opérant à l'aide des éléments constitutifs du globe, leurs débris, quelque considérables qu'ils soient, n'ajoutent pas un atome à la masse. Si la partie solide du globe augmentait, par cette cause, d'une manière permanente, ce serait aux dépens de l'atmosphère qui diminuerait d'autant, et finirait par être impropre à la vie.
A l'origine de la terre, les premières couches géologiques se sont formées des matières solides momentanément volatilisées par l'effet de la haute température, et qui, plus tard, condensées par le refroidissement, se sont précipitées. Elles ont incontestablement élevé quelque peu la surface du sol, qui, sans cela, se serait arrêtée à la couche granitique, mais sans rien ajouter à la masse totale, puisque ce n'était qu'un déplacement de matière. Lorsque l'atmosphère, purgée des éléments étrangers qu'elle tenait en suspension, s'est trouvée à son état normal, les choses ont suivi le cours régulier qu'elles ont eu depuis. Aujourd'hui, la moindre modification dans la constitution de l'atmosphère amènerait forcément la destruction des êtres vivants actuels ; mais alors, probablement, il se formerait de nouvelles races dans d'autres conditions de vitalité.
Considérée à ce point de vue, la masse du globe, c'est-à-dire la somme des molécules qui composent l'ensemble de ses parties solides, liquides et gazeuses, est incontestablement la même depuis son origine. S'il éprouvait une dilatation ou une condensation, son volume augmenterait ou diminuerait, sans que la masse subît aucune altération. Si donc la terre augmentait de masse par l'adjonction de nouvelles molécules, ce serait par l'effet d'une cause étrangère, puisqu'elle ne pourrait puiser en elle-même les éléments nécessaires à son accroissement.
Quelques personnes pensent que la chute des aérolithes peut être une cause d'augmentation du volume de la terre ; d'autres, sans s'occuper des voies et moyens, se fondent sur ce principe que, puisque les animaux et les plantes naissent, grandissent et meurent, les corps planétaires doivent être soumis à la même loi.
D'abord, l'origine des aérolithes est encore problématique ; on a même longtemps pensé qu'ils pouvaient se former dans les régions supérieures de l'atmosphère terrestre, par la condensation des matières gazéifiées provenant de la terre même ; mais en supposant qu'ils aient une source étrangère à notre globe, qu'ils proviennent des débris de quelques planètes brisées, ou qu'ils se forment spontanément par la condensation de la matière cosmique interplanétaire, auquel cas on pourrait les considérer comme des avortons de planètes, leur chute accidentelle ne pourrait donner lieu à un accroissement sensible, et encore moins régulier de notre globe.
D'un autre côté, l'assimilation que l'on prétendrait faire entre les plantes et les planètes manque de justesse, car ce serait faire de ces dernières des êtres organiques, ce qui n'est pas admissible.
Selon une autre opinion, le globe peut augmenter par l'afflux de la matière cosmique interplanétaire qu'il puise dans sa course à travers l'espace, et qui dépose incessamment à sa surface de nouvelles molécules. Cette doctrine n'a rien d'irrationnel, car, dans ce cas, l'accroissement aurait lieu par adjonction et superposition, comme pour tous les corps inorganiques ; mais, outre qu'on pourrait se demander où s'arrêterait cet accroissement, elle est encore trop hypothétique pour être admise en principe. Ce n'est qu'un système combattu par des systèmes contraires, car, selon d'autres, la terre, au lieu d'acquérir, dépense, par l'effet de son mouvement, c'est-à-dire qu'elle abandonne à l'espace une partie de ses molécules, et qu'ainsi, au lieu d'augmenter, elle diminue. Entre ces deux théories, la science positive ne s'est point encore prononcée, et il est probable qu'elle ne le pourra pas de sitôt, faute de moyens matériels d'observation. On en est donc réduit à formuler des raisonnements basés sur les lois connues, ce qui peut donner des probabilités, mais non encore des certitudes.
Voici, en réponse à la question proposée, l'opinion motivée de l'éminent Esprit qui a dicté les savantes études uranographiques rapportées au chapitre VI de la Genèse.
Société de Paris, juillet 1868. - Médium, M. Desliens
« Les mondes s'épuisent en vieillissant et tendent à se dissoudre pour servir d'éléments de formation à d'autres univers. Ils rendent peu à peu au fluide cosmique universel de l'espace ce qu'ils en ont tiré pour se former. En outre, tous les corps s'usent par le frottement ; le mouvement rapide et incessant du globe à travers le fluide cosmique a pour effet d'en diminuer constamment la masse, bien que d'une quantité inappréciable dans un temps donné[1].
L'existence des mondes peut, selon moi, se diviser en trois périodes. Première période : Condensation de la matière pendant laquelle le volume du globe diminue considérablement, la masse restant la même ; c'est la période de l'enfance. - Seconde période : Contraction, solidification de l'écorce, éclosion des germes, développement de la vie jusqu'à l'apparition du type le plus perfectible. A ce moment le globe est dans toute sa plénitude : c'est l'âge de la virilité ; il perd, mais très peu, de ses éléments constitutifs. A mesure que ses habitants progressent spirituellement, il passe à la période de décroissance matérielle ; il perd, non seulement par suite du frottement, mais aussi par la désagrégation des molécules, comme une pierre dure qui, rongée par le temps, finit par tomber en poussière. Dans son double mouvement de rotation et de translation, il laisse à l'espace des parcelles fluidifiées de sa substance, jusqu'au moment où sa dissolution sera complète.
Mais alors comme la puissance attractive est en raison de la masse, - je ne dis pas du volume, - la masse diminuant, ses conditions d'équilibre dans l'espace sont modifiées ; dominé par des globes plus puissants auxquels il ne peut plus faire contrepoids, il s'ensuit des déviations dans ses mouvements, dans sa position à l'égard du soleil ; il subit de nouvelles influences, et de là naissent des changements dans les conditions d'existence de ses habitants, en attendant qu'il disparaisse de la scène du monde.
Ainsi, naissance, vie et mort ; enfance, virilité et décrépitude, telles sont les trois phases par lesquelles passe toute agglomération de matière organique ou inorganique. L'esprit seul, qui n'est point matière, est indestructible. »
Galilée.
Que deviennent les habitants d'un monde détruit ? Ils font ce que font les habitants d'une maison qu'on démolit : ils vont s'établir ailleurs dans de meilleures conditions ; les globes ne sont, pour eux, que des stations temporaires ; mais il est probable que lorsqu'un globe est arrivé à sa période de dissolution, il a depuis longtemps cessé d'être habité, car alors il ne peut plus fournir les éléments nécessaires à l'entretien de la vie.
Tout est problème insoluble dans la nature, si l'on fait abstraction de l'élément spirituel ; tout s'explique, au contraire, clairement et logiquement, si l'on tient compte de cet élément.
Il est à remarquer que, selon l'ordre d'idées exprimées dans la communication ci-dessus, la fin d'un monde coïnciderait avec la plus grande somme de progrès de ses habitants, compatible avec la nature de ce monde, au lieu d'être le signal d'une réprobation qui les vouerait, pour la plus grande partie, à la damnation éternelle.
[1] Dans son mouvement de translation autour du soleil, la vitesse de la terre est de 400 lieues par minute. La terre ayant 9,000 lieues de circonférence à l'équateur, dans son mouvement de rotation sur son axe, chaque point de l'équateur parcourt, par conséquent, 9,000 lieues en vingt-quatre heures, ou 6,3 lieues par minute.
L'âme de la terre
La question précédente nous amène naturellement à celle de l'âme de la terre, souvent débattue et diversement interprétée.
L'âme de la terre joue un rôle principal dans la théorie de la formation de notre globe par l'incrustation de quatre planètes ; théorie dont nous avons démontré l'impossibilité matérielle d'après les observations géologiques et les données de la science expérimentale (voir la Genèse, chap. VII, nos 4 et suivants). Pour ce qui concerne l'âme, nous nous appuierons également sur les faits.
Cette question en préjuge une autre : La terre est-elle un être vivant ? Nous savons que certains philosophes, plus systématiques que pratiques, considèrent la terre et toutes les planètes comme des êtres animés, se fondant sur le principe que tout vit dans la nature, depuis le minéral jusqu'à l'homme. Nous croyons d'abord qu'il y a une différence capitale entre le mouvement moléculaire d'attraction et de répulsion, d'agrégation et de désagrégation du minéral et le principe vital de la plante ; il y a là des effets différents qui accusent des causes différentes, ou tout au moins une modification profonde dans la cause première si elle est unique. (Genèse, chap. X, nos 16 à 19.)
Mais admettons pour un instant que le principe de la vie ait sa source dans le mouvement moléculaire, on ne saurait contester qu'il soit plus rudimentaire encore dans le minéral que dans la plante ; or, de là à une âme dont l'attribut essentiel est l'intelligence, la distance est grande ; personne, croyons-nous, n'a songé à doter un caillou ou un morceau de fer de la faculté de penser, de vouloir et de comprendre. En faisant même toutes les concessions possibles à ce système, c'est-à-dire en nous plaçant au point de vue de ceux qui confondent le principe vital avec l'âme proprement dite, l'âme du minéral n'y serait qu'à l'état de germe latent, puisqu'elle ne s'y révèle par aucune manifestation.
Un fait non moins patent que celui dont nous venons de parler, c'est que le développement organique est toujours en rapport avec le développement du principe intelligent ; l'organisme se complète à mesure que les facultés de l'âme se multiplient. L'échelle organique suit constamment, dans tous les êtres, la progression de l'intelligence, depuis le polype jusqu'à l'homme ; il n'en pouvait être autrement, puisqu'il faut à l'âme un instrument approprié à l'importance des fonctions qu'elle doit remplir. Que servirait à l'huître d'avoir l'intelligence du singe sans les organes nécessaires à sa manifestation ? Si donc la terre était un être animé servant de corps à une âme spéciale, cette âme devrait être encore plus rudimentaire que celle du polype, puisque la terre n'a pas même la vitalité de la plante, tandis que, par le rôle qu'on attribue à cette âme, surtout dans la théorie de l'incrustation, on en fait un être doué de raison et du libre arbitre le plus complet, un Esprit supérieur, en un mot, ce qui n'est ni rationnel, ni conforme à la loi générale, car jamais Esprit n'eût été plus emprisonné et plus mal partagé. L'idée de l'âme de la terre, entendue dans ce sens, aussi bien que celle qui fait de la terre un animal, doit donc être rangée parmi les conceptions systématiques et chimériques.
L'animal le plus infime, d'ailleurs, a la liberté de ses mouvements ; il va où il veut et marche quand cela lui plaît ; tandis que les astres, ces êtres soi-disant vivants et animés par des intelligences supérieures, seraient astreints à des mouvements perpétuellement automatiques, sans jamais pouvoir s'écarter de leur route ; ils seraient, en vérité, bien moins favorisés que le dernier puceron. Si, d'après la théorie de l'incrustation, les âmes des quatre planètes qui ont formé la terre, ont eu la liberté de réunir leurs enveloppes, elles avaient donc celle d'aller où elles voulaient, de changer à leur gré les lois de la mécanique céleste ; pourquoi ne l'ont-elles plus ?
Il y a des idées qui se réfutent d'elles-mêmes, et des systèmes qui tombent dès qu'on en scrute sérieusement les conséquences. Le Spiritisme serait à bon droit ridiculisé par ses adversaires s'il se faisait l'éditeur responsable d'utopies qui ne supportent pas l'examen. Si le ridicule ne l'a pas tué, c'est qu'il ne tue que ce qui est ridicule.
Par l'âme de la terre, on peut entendre, plus rationnellement, la collectivité des Esprits chargés de l'élaboration et de la direction de ses éléments constitutifs, ce qui suppose déjà un certain degré d'avancement et de développement intellectuel ; ou, mieux encore, l'Esprit auquel est confiée la haute direction des destinées morales et du progrès de ses habitants, mission qui ne peut être dévolue qu'à un être éminemment supérieur en savoir et en sagesse. Dans ce cas, ce n'est pas, à proprement parler, l'âme de la terre, car cet Esprit n'y est ni incarné, ni subordonné à son état matériel ; c'est un chef préposé à sa direction, comme un général est préposé à la conduite d'une armée. Un Esprit, chargé d'une mission aussi importante que celle du gouvernement d'un monde, ne saurait avoir de caprices, ou Dieu serait bien imprévoyant de confier l'exécution de ses décrets souverains à des êtres capables de les faire échouer par leur mauvais vouloir ; or, selon la doctrine de l'incrustation, ce serait le mauvais vouloir de l'âme de la lune qui serait cause que la terre est restée incomplète.
De nombreuses communications, données en divers lieux, sont venues confirmer cette manière d'envisager la question de l'âme de la terre ; nous n'en citerons qu'une seule qui les résume toutes en peu de mots.
Société spirite de Bordeaux, avril 1862.
La terre n'a pas d'âme lui appartenant en propre, parce que ce n'est pas un être organisé comme ceux qui sont doués de la vie ; elle en a des millions qui sont les Esprits chargés de son équilibre, de son harmonie, de sa végétation, de sa chaleur, de sa lumière, des saisons, de l'incarnation des animaux qu'ils surveillent ainsi que celle des hommes. Ce n'est pas à dire que ces Esprits sont la cause de ces phénomènes : ils y président comme les fonctionnaires d'un gouvernement président à chacun des rouages de l'administration.
La terre a progressé à mesure qu'elle s'est formée ; elle progresse toujours, sans jamais s'arrêter, jusqu'au moment où elle aura atteint son maximum de perfection. Tout ce qui est vie et matière en elle, progresse en même temps, car, à mesure que le progrès s'accomplit, les Esprits chargés de veiller sur elle et sur ses produits, progressent de leur côté par le travail qui leur incombe, ou cèdent la place à des Esprits plus avancés. En ce moment, elle touche à une transition du mal au bien, du médiocre au beau.
Dieu, créateur, est l'âme de l'univers, de tous les mondes qui gravitent dans l'infini, et les Esprits chargés, dans chaque monde, de l'exécution de ses lois, sont les agents de sa volonté, sous la direction d'un délégué supérieur. Ce délégué appartient nécessairement à l'ordre des Esprits les plus élevés, car ce serait faire injure à la sagesse divine de croire qu'elle abandonnerait à la fantaisie d'une créature imparfaite le soin de veiller à l'accomplissement de la destinée de millions de ses propres créatures.
Demande. - Les Esprits chargés de la direction et de l'élaboration des éléments constitutifs de notre globe peuvent-ils s'y incarner ?
Réponse. - Certainement, car, à l'état d'incarnation, ayant une action plus directe sur la matière, ils peuvent faire ce qui leur serait impossible comme Esprits, de même que certaines fonctions, par leur nature, incombent plus spécialement à l'état spirituel. A chaque état sont dévolues des missions particulières.
Est-ce que les habitants de la terre ne travaillent pas à son amélioration matérielle ? Considérez donc tous les Esprits incarnés comme faisant partie de ceux qui sont chargés de la faire progresser en même temps qu'ils progressent eux-mêmes. C'est la collectivité de toutes ces intelligences, incarnées et désincarnées, y compris le délégué supérieur, qui constitue à proprement parler l'âme de la terre, dont chacun de vous fait partie. Incarnés et désincarnés sont les abeilles qui travaillent à l'édification de la ruche, sous la direction de l'Esprit chef ; celui-ci est la tête, les autres sont les bras.
Demande. - Est-ce que cet Esprit chef peut aussi s'incarner ?
Réponse. - Sans aucun doute, quand il en reçoit la mission, ce qui a lieu quand sa présence parmi les hommes est jugée nécessaire au progrès.
Un de vos guides spirituels.
L'âme de la terre joue un rôle principal dans la théorie de la formation de notre globe par l'incrustation de quatre planètes ; théorie dont nous avons démontré l'impossibilité matérielle d'après les observations géologiques et les données de la science expérimentale (voir la Genèse, chap. VII, nos 4 et suivants). Pour ce qui concerne l'âme, nous nous appuierons également sur les faits.
Cette question en préjuge une autre : La terre est-elle un être vivant ? Nous savons que certains philosophes, plus systématiques que pratiques, considèrent la terre et toutes les planètes comme des êtres animés, se fondant sur le principe que tout vit dans la nature, depuis le minéral jusqu'à l'homme. Nous croyons d'abord qu'il y a une différence capitale entre le mouvement moléculaire d'attraction et de répulsion, d'agrégation et de désagrégation du minéral et le principe vital de la plante ; il y a là des effets différents qui accusent des causes différentes, ou tout au moins une modification profonde dans la cause première si elle est unique. (Genèse, chap. X, nos 16 à 19.)
Mais admettons pour un instant que le principe de la vie ait sa source dans le mouvement moléculaire, on ne saurait contester qu'il soit plus rudimentaire encore dans le minéral que dans la plante ; or, de là à une âme dont l'attribut essentiel est l'intelligence, la distance est grande ; personne, croyons-nous, n'a songé à doter un caillou ou un morceau de fer de la faculté de penser, de vouloir et de comprendre. En faisant même toutes les concessions possibles à ce système, c'est-à-dire en nous plaçant au point de vue de ceux qui confondent le principe vital avec l'âme proprement dite, l'âme du minéral n'y serait qu'à l'état de germe latent, puisqu'elle ne s'y révèle par aucune manifestation.
Un fait non moins patent que celui dont nous venons de parler, c'est que le développement organique est toujours en rapport avec le développement du principe intelligent ; l'organisme se complète à mesure que les facultés de l'âme se multiplient. L'échelle organique suit constamment, dans tous les êtres, la progression de l'intelligence, depuis le polype jusqu'à l'homme ; il n'en pouvait être autrement, puisqu'il faut à l'âme un instrument approprié à l'importance des fonctions qu'elle doit remplir. Que servirait à l'huître d'avoir l'intelligence du singe sans les organes nécessaires à sa manifestation ? Si donc la terre était un être animé servant de corps à une âme spéciale, cette âme devrait être encore plus rudimentaire que celle du polype, puisque la terre n'a pas même la vitalité de la plante, tandis que, par le rôle qu'on attribue à cette âme, surtout dans la théorie de l'incrustation, on en fait un être doué de raison et du libre arbitre le plus complet, un Esprit supérieur, en un mot, ce qui n'est ni rationnel, ni conforme à la loi générale, car jamais Esprit n'eût été plus emprisonné et plus mal partagé. L'idée de l'âme de la terre, entendue dans ce sens, aussi bien que celle qui fait de la terre un animal, doit donc être rangée parmi les conceptions systématiques et chimériques.
L'animal le plus infime, d'ailleurs, a la liberté de ses mouvements ; il va où il veut et marche quand cela lui plaît ; tandis que les astres, ces êtres soi-disant vivants et animés par des intelligences supérieures, seraient astreints à des mouvements perpétuellement automatiques, sans jamais pouvoir s'écarter de leur route ; ils seraient, en vérité, bien moins favorisés que le dernier puceron. Si, d'après la théorie de l'incrustation, les âmes des quatre planètes qui ont formé la terre, ont eu la liberté de réunir leurs enveloppes, elles avaient donc celle d'aller où elles voulaient, de changer à leur gré les lois de la mécanique céleste ; pourquoi ne l'ont-elles plus ?
Il y a des idées qui se réfutent d'elles-mêmes, et des systèmes qui tombent dès qu'on en scrute sérieusement les conséquences. Le Spiritisme serait à bon droit ridiculisé par ses adversaires s'il se faisait l'éditeur responsable d'utopies qui ne supportent pas l'examen. Si le ridicule ne l'a pas tué, c'est qu'il ne tue que ce qui est ridicule.
Par l'âme de la terre, on peut entendre, plus rationnellement, la collectivité des Esprits chargés de l'élaboration et de la direction de ses éléments constitutifs, ce qui suppose déjà un certain degré d'avancement et de développement intellectuel ; ou, mieux encore, l'Esprit auquel est confiée la haute direction des destinées morales et du progrès de ses habitants, mission qui ne peut être dévolue qu'à un être éminemment supérieur en savoir et en sagesse. Dans ce cas, ce n'est pas, à proprement parler, l'âme de la terre, car cet Esprit n'y est ni incarné, ni subordonné à son état matériel ; c'est un chef préposé à sa direction, comme un général est préposé à la conduite d'une armée. Un Esprit, chargé d'une mission aussi importante que celle du gouvernement d'un monde, ne saurait avoir de caprices, ou Dieu serait bien imprévoyant de confier l'exécution de ses décrets souverains à des êtres capables de les faire échouer par leur mauvais vouloir ; or, selon la doctrine de l'incrustation, ce serait le mauvais vouloir de l'âme de la lune qui serait cause que la terre est restée incomplète.
De nombreuses communications, données en divers lieux, sont venues confirmer cette manière d'envisager la question de l'âme de la terre ; nous n'en citerons qu'une seule qui les résume toutes en peu de mots.
Société spirite de Bordeaux, avril 1862.
La terre n'a pas d'âme lui appartenant en propre, parce que ce n'est pas un être organisé comme ceux qui sont doués de la vie ; elle en a des millions qui sont les Esprits chargés de son équilibre, de son harmonie, de sa végétation, de sa chaleur, de sa lumière, des saisons, de l'incarnation des animaux qu'ils surveillent ainsi que celle des hommes. Ce n'est pas à dire que ces Esprits sont la cause de ces phénomènes : ils y président comme les fonctionnaires d'un gouvernement président à chacun des rouages de l'administration.
La terre a progressé à mesure qu'elle s'est formée ; elle progresse toujours, sans jamais s'arrêter, jusqu'au moment où elle aura atteint son maximum de perfection. Tout ce qui est vie et matière en elle, progresse en même temps, car, à mesure que le progrès s'accomplit, les Esprits chargés de veiller sur elle et sur ses produits, progressent de leur côté par le travail qui leur incombe, ou cèdent la place à des Esprits plus avancés. En ce moment, elle touche à une transition du mal au bien, du médiocre au beau.
Dieu, créateur, est l'âme de l'univers, de tous les mondes qui gravitent dans l'infini, et les Esprits chargés, dans chaque monde, de l'exécution de ses lois, sont les agents de sa volonté, sous la direction d'un délégué supérieur. Ce délégué appartient nécessairement à l'ordre des Esprits les plus élevés, car ce serait faire injure à la sagesse divine de croire qu'elle abandonnerait à la fantaisie d'une créature imparfaite le soin de veiller à l'accomplissement de la destinée de millions de ses propres créatures.
Demande. - Les Esprits chargés de la direction et de l'élaboration des éléments constitutifs de notre globe peuvent-ils s'y incarner ?
Réponse. - Certainement, car, à l'état d'incarnation, ayant une action plus directe sur la matière, ils peuvent faire ce qui leur serait impossible comme Esprits, de même que certaines fonctions, par leur nature, incombent plus spécialement à l'état spirituel. A chaque état sont dévolues des missions particulières.
Est-ce que les habitants de la terre ne travaillent pas à son amélioration matérielle ? Considérez donc tous les Esprits incarnés comme faisant partie de ceux qui sont chargés de la faire progresser en même temps qu'ils progressent eux-mêmes. C'est la collectivité de toutes ces intelligences, incarnées et désincarnées, y compris le délégué supérieur, qui constitue à proprement parler l'âme de la terre, dont chacun de vous fait partie. Incarnés et désincarnés sont les abeilles qui travaillent à l'édification de la ruche, sous la direction de l'Esprit chef ; celui-ci est la tête, les autres sont les bras.
Demande. - Est-ce que cet Esprit chef peut aussi s'incarner ?
Réponse. - Sans aucun doute, quand il en reçoit la mission, ce qui a lieu quand sa présence parmi les hommes est jugée nécessaire au progrès.
Un de vos guides spirituels.
De la protection de l'Esprit des saints patrons
La question suivante nous était proposée dernièrement par un de nos abonnés :
Tout préjugé de secte et d'idée mystique à part, la qualification de saint dénote une certaine supériorité spirituelle, car, pour mériter ce titre, il faut s'être distingué par des actes méritoires quelconques. D'après cela, et la chose étant considérée au point de vue spirite, les saints, sous l'invocation desquels on nous place à notre naissance, ne deviennent-ils pas nos protecteurs naturels, et lorsqu'on célèbre la fête patronymique de quelqu'un, celui dont-il porte le nom n'y est-il pas attiré par sympathie, et ne s'y associe-t-il pas au moins par la pensée, si ce n'est par sa présence ?
Tout préjugé de secte et d'idée mystique à part, la qualification de saint dénote une certaine supériorité spirituelle, car, pour mériter ce titre, il faut s'être distingué par des actes méritoires quelconques. D'après cela, et la chose étant considérée au point de vue spirite, les saints, sous l'invocation desquels on nous place à notre naissance, ne deviennent-ils pas nos protecteurs naturels, et lorsqu'on célèbre la fête patronymique de quelqu'un, celui dont-il porte le nom n'y est-il pas attiré par sympathie, et ne s'y associe-t-il pas au moins par la pensée, si ce n'est par sa présence ?
Il y a dans cette question deux points à considérer, qu'il faut examiner séparément.
Mieux que personne, les Spirites savent que la pensée attire la pensée, et que la sympathie des Esprits, qu'ils soient béatifiés ou non, est sollicitée par nos sentiments à leur égard. Or, qu'est-ce qui détermine, en général, le choix des noms ? Est-ce une vénération particulière pour le saint qui le portait ? l'admiration pour ses vertus ? la confiance en ses mérites ? la pensée de le donner pour modèle au nouveau-né ? Demandez à la plupart de ceux qui le choisissent s'ils savent ce qu'il était, ce qu'il a fait, quand il a vécu, par quoi il s'est distingué, s'ils connaissent une seule de ses actions. Si l'on en excepte quelques saints dont l'histoire est populaire, presque tous sont totalement inconnus, et, sans le calendrier, le public ne saurait même pas s'ils ont existé. Rien ne peut donc solliciter sa pensée vers l'un plutôt que vers l'autre. Nous admettons que, pour certaines personnes, le titre de saint suffit, et qu'on peut prendre un nom de confiance du moment qu'il est sur la liste des bienheureux dressée par l'Eglise, sans qu'il soit besoin d'en savoir davantage : c'est une question de foi.
Mais alors, pour ces personnes mêmes, quels sont les motifs déterminants ? Il y en a deux qui prédominent presque toujours. Le premier est souvent le désir de complaire à quelque parent ou ami dont on veut flatter l'amour-propre en donnant son nom au nouveau-né, surtout si l'on en attend quelque chose, car si c'était un pauvre diable, sans crédit et sans consistance, on ne lui ferait pas cet honneur. En cela on vise bien plus à la protection de l'homme qu'à celle du saint.
Le second motif est encore plus mondain. Ce que l'on cherche presque toujours dans un nom, c'est la forme gracieuse, une consonance agréable ; dans un certain monde surtout, on veut des noms bien portés, qui aient un cachet de distinction. Il y en a que l'on repousse impitoyablement, parce qu'ils ne flattent ni l'oreille ni la vanité, fussent-ils ceux des saints ou des saintes les plus dignes de vénération. Et puis, le nom est souvent une question de mode comme la forme d'une coiffure.
Mieux que personne, les Spirites savent que la pensée attire la pensée, et que la sympathie des Esprits, qu'ils soient béatifiés ou non, est sollicitée par nos sentiments à leur égard. Or, qu'est-ce qui détermine, en général, le choix des noms ? Est-ce une vénération particulière pour le saint qui le portait ? l'admiration pour ses vertus ? la confiance en ses mérites ? la pensée de le donner pour modèle au nouveau-né ? Demandez à la plupart de ceux qui le choisissent s'ils savent ce qu'il était, ce qu'il a fait, quand il a vécu, par quoi il s'est distingué, s'ils connaissent une seule de ses actions. Si l'on en excepte quelques saints dont l'histoire est populaire, presque tous sont totalement inconnus, et, sans le calendrier, le public ne saurait même pas s'ils ont existé. Rien ne peut donc solliciter sa pensée vers l'un plutôt que vers l'autre. Nous admettons que, pour certaines personnes, le titre de saint suffit, et qu'on peut prendre un nom de confiance du moment qu'il est sur la liste des bienheureux dressée par l'Eglise, sans qu'il soit besoin d'en savoir davantage : c'est une question de foi.
Mais alors, pour ces personnes mêmes, quels sont les motifs déterminants ? Il y en a deux qui prédominent presque toujours. Le premier est souvent le désir de complaire à quelque parent ou ami dont on veut flatter l'amour-propre en donnant son nom au nouveau-né, surtout si l'on en attend quelque chose, car si c'était un pauvre diable, sans crédit et sans consistance, on ne lui ferait pas cet honneur. En cela on vise bien plus à la protection de l'homme qu'à celle du saint.
Le second motif est encore plus mondain. Ce que l'on cherche presque toujours dans un nom, c'est la forme gracieuse, une consonance agréable ; dans un certain monde surtout, on veut des noms bien portés, qui aient un cachet de distinction. Il y en a que l'on repousse impitoyablement, parce qu'ils ne flattent ni l'oreille ni la vanité, fussent-ils ceux des saints ou des saintes les plus dignes de vénération. Et puis, le nom est souvent une question de mode comme la forme d'une coiffure.
Il faut convenir que ces saints personnages doivent en général être peu touchés des motifs de la préférence qu'on leur accorde ; ils n'ont en réalité aucune raison spéciale de s'intéresser, plus qu'à
d'autres, à ceux qui portent leurs noms, vis-à-vis desquels ils sont comme ces parents éloignés dont on ne se souvient que lorsqu'on en attend un héritage.
Les Spirites, qui comprennent le principe des relations affectueuses entre le monde corporel et le monde spirituel, agiraient autrement en pareille circonstance. A la naissance d'un enfant, les parents choisiraient, parmi les Esprits, béatifiés ou non, anciens ou modernes, amis, parents ou étrangers à la famille, un de ceux qui ont, à leur connaissance, donné des preuves irrécusables de leur supériorité, par leur vie exemplaire, les actes méritoires qu'ils ont accomplis, la pratique des vertus recommandées par le Christ : la charité, l'humilité, l'abnégation, le dévouement désintéressé à la cause de l'humanité, en un mot par tout ce qu'ils savent être une cause d'avancement dans le monde des Esprits ; ils l'invoqueraient solennellement et avec ferveur, en le priant de se joindre à l'ange gardien de l'enfant pour le protéger dans la vie qu'il va parcourir, le guider par ses conseils et ses bonnes inspirations ; et en signe d'alliance, ils donneraient à l'enfant le nom de cet Esprit. L'Esprit verrait dans ce choix une preuve de sympathie, et il accepterait avec joie une mission qui serait un témoignage d'estime et de confiance.
Puis, à mesure que l'enfant grandirait, on lui apprendrait l'histoire de son protecteur ; on lui redirait ses bonnes actions ; il saurait pourquoi il porte ce nom, et ce nom lui rappellerait sans cesse un beau modèle à suivre. C'est alors qu'à la fête anniversaire le protecteur invisible ne manquerait pas de s'associer, parce qu'il aurait sa place dans le cœur des assistants.
d'autres, à ceux qui portent leurs noms, vis-à-vis desquels ils sont comme ces parents éloignés dont on ne se souvient que lorsqu'on en attend un héritage.
Les Spirites, qui comprennent le principe des relations affectueuses entre le monde corporel et le monde spirituel, agiraient autrement en pareille circonstance. A la naissance d'un enfant, les parents choisiraient, parmi les Esprits, béatifiés ou non, anciens ou modernes, amis, parents ou étrangers à la famille, un de ceux qui ont, à leur connaissance, donné des preuves irrécusables de leur supériorité, par leur vie exemplaire, les actes méritoires qu'ils ont accomplis, la pratique des vertus recommandées par le Christ : la charité, l'humilité, l'abnégation, le dévouement désintéressé à la cause de l'humanité, en un mot par tout ce qu'ils savent être une cause d'avancement dans le monde des Esprits ; ils l'invoqueraient solennellement et avec ferveur, en le priant de se joindre à l'ange gardien de l'enfant pour le protéger dans la vie qu'il va parcourir, le guider par ses conseils et ses bonnes inspirations ; et en signe d'alliance, ils donneraient à l'enfant le nom de cet Esprit. L'Esprit verrait dans ce choix une preuve de sympathie, et il accepterait avec joie une mission qui serait un témoignage d'estime et de confiance.
Puis, à mesure que l'enfant grandirait, on lui apprendrait l'histoire de son protecteur ; on lui redirait ses bonnes actions ; il saurait pourquoi il porte ce nom, et ce nom lui rappellerait sans cesse un beau modèle à suivre. C'est alors qu'à la fête anniversaire le protecteur invisible ne manquerait pas de s'associer, parce qu'il aurait sa place dans le cœur des assistants.
Le fauteuil des ancêtres
On nous a dit que, chez un écrivain poète en grand renom, existe un usage qui paraîtra bizarre à tout autre qu'à des Spirites. A la table de famille il y a toujours un fauteuil vide ; ce fauteuil est fermé par un cadenas, et personne ne s'y assoit : c'est la place des ancêtres, des grands parents et des amis qui ont quitté ce monde ; il est là comme un respectueux témoignage d'affection, un pieux souvenir, un appel à leur présence, et pour leur dire qu'ils vivent toujours dans l'esprit des survivants.
La personne qui nous citait ce fait, comme le tenant de bonne source, ajoutait : « Les Spirites repoussent avec raison les choses de pure forme ; mais s'il en est une qu'ils puissent adopter sans déroger à leurs principes, c'est sans contredit celle-ci. »
Assurément c'est là une pensée qui ne naîtra jamais dans le cerveau d'un matérialiste ; elle atteste non seulement l'idée spiritualiste, mais elle est éminemment Spirite, et elle ne nous surprend nullement de la part d'un homme qui, sans arborer ouvertement le drapeau du Spiritisme, a maintes fois affirmé sa croyance aux vérités fondamentales qui en découlent.
Il y a, dans cet usage, quelque chose de touchant, de patriarcal, et qui impose le respect. Qui, en effet, oserait le tourner en ridicule ? ce n'est pas une de ces formules stériles qui ne disent rien à l'âme : c'est l'expression d'un sentiment qui part du cœur, le signe sensible du lien qui unit les présents aux absents. Ce siège, vide en apparence, mais que la pensée occupe, est toute une profession de foi, et de plus, tout un enseignement pour les grands aussi bien que pour les petits. Pour les enfants, c'est une éloquente leçon, quoique muette, et qui ne peut manquer de laisser de salutaires impressions. Ceux qui seront élevés dans ces idées ne seront jamais incrédules, parce que, plus tard, la raison viendra confirmer les croyances dont ils auront été bercés. L'idée de la présence, autour d'eux, de leurs grands parents ou de personnes vénérées, sera pour eux un frein plus puissant que la crainte du diable.
La personne qui nous citait ce fait, comme le tenant de bonne source, ajoutait : « Les Spirites repoussent avec raison les choses de pure forme ; mais s'il en est une qu'ils puissent adopter sans déroger à leurs principes, c'est sans contredit celle-ci. »
Assurément c'est là une pensée qui ne naîtra jamais dans le cerveau d'un matérialiste ; elle atteste non seulement l'idée spiritualiste, mais elle est éminemment Spirite, et elle ne nous surprend nullement de la part d'un homme qui, sans arborer ouvertement le drapeau du Spiritisme, a maintes fois affirmé sa croyance aux vérités fondamentales qui en découlent.
Il y a, dans cet usage, quelque chose de touchant, de patriarcal, et qui impose le respect. Qui, en effet, oserait le tourner en ridicule ? ce n'est pas une de ces formules stériles qui ne disent rien à l'âme : c'est l'expression d'un sentiment qui part du cœur, le signe sensible du lien qui unit les présents aux absents. Ce siège, vide en apparence, mais que la pensée occupe, est toute une profession de foi, et de plus, tout un enseignement pour les grands aussi bien que pour les petits. Pour les enfants, c'est une éloquente leçon, quoique muette, et qui ne peut manquer de laisser de salutaires impressions. Ceux qui seront élevés dans ces idées ne seront jamais incrédules, parce que, plus tard, la raison viendra confirmer les croyances dont ils auront été bercés. L'idée de la présence, autour d'eux, de leurs grands parents ou de personnes vénérées, sera pour eux un frein plus puissant que la crainte du diable.
Cercle de la morale Spirite à Toulouse
Nous sommes heureux d'annoncer qu'une société vient d'être officiellement autorisée à Toulouse sous le titre de Cercle de la morale Spirite. Nous félicitons les fondateurs du choix de ce titre qui montre clairement le but qu'ils se sont proposé, en même temps qu'il résume parfaitement le caractère essentiel de la doctrine. S'il est vrai que noblesse oblige, il ne l'est pas moins de dire que titre oblige, à moins de mentir à son drapeau ; nous sommes convaincu que les membres de cette réunion sauront le justifier. Par la sévérité même de leur règlement, dont nous avons pris connaissance, ils prouvent leur ferme intention d'agir en vrais spirites.
Il y a eu jadis, à Paris, une société longtemps très florissante de la morale chrétienne ; pourquoi n'y aurait-il pas des sociétés de la morale Spirite ? Ce serait le meilleur moyen d'imposer silence aux railleurs, et de faire taire les préventions que nourrissent, contre le Spiritisme, ceux qui ne le connaissent pas. La qualité de membre d'une société qui s'occupe de morale théorique et pratique, est un titre à l'estime et à la confiance, même pour les incrédules, car c'est l'équivalent de celle de membre d'une société d'honnêtes gens, et tout Spirite sincère doit tenir à honneur d'en faire partie. Les mauvais plaisants oseront-ils dire que ce sont des sociétés de niais, de fous ou d'imbéciles ?
Le mot cercle, adopté par la société de Toulouse, indique qu'elle ne se borne pas à des séances ordinaires, mais que c'est en outre un lieu de réunion, où les membres peuvent venir s'entretenir de l'objet spécial de leurs études.
Il y a eu jadis, à Paris, une société longtemps très florissante de la morale chrétienne ; pourquoi n'y aurait-il pas des sociétés de la morale Spirite ? Ce serait le meilleur moyen d'imposer silence aux railleurs, et de faire taire les préventions que nourrissent, contre le Spiritisme, ceux qui ne le connaissent pas. La qualité de membre d'une société qui s'occupe de morale théorique et pratique, est un titre à l'estime et à la confiance, même pour les incrédules, car c'est l'équivalent de celle de membre d'une société d'honnêtes gens, et tout Spirite sincère doit tenir à honneur d'en faire partie. Les mauvais plaisants oseront-ils dire que ce sont des sociétés de niais, de fous ou d'imbéciles ?
Le mot cercle, adopté par la société de Toulouse, indique qu'elle ne se borne pas à des séances ordinaires, mais que c'est en outre un lieu de réunion, où les membres peuvent venir s'entretenir de l'objet spécial de leurs études.
Les Mémoires d'un mari Par M. Fernand Duplessis
Les traces que l'on trouve partout du Spiritisme sont comme les inscriptions et les médailles antiques qui attestent, à travers les siècles, le mouvement de l'esprit humain. Les croyances populaires contiennent sans contredit les traces, ou mieux les germes des idées spirites à toutes les époques et chez tous les peuples, mais mêlées aux légendes superstitieuses, comme l'or des mines est mêlé à la gangue. Ce n'est pas là seulement qu'il faut aller les chercher, c'est dans l'expression des sentiments intimes, car c'est là qu'on les trouve souvent à l'état de pureté. Si l'on pouvait sonder toutes les archives de la pensée, on serait surpris de voir jusqu'à quel point elles sont enracinées dans le cœur humain, depuis la vague intuition jusqu'aux principes nettement formulés. Or, qui donc les y a fait naître avant l'apparition du Spiritisme ? Dira-t-on que c'est une influence de coterie ? Elles y sont nées spontanément, parce qu'elles sont dans la nature ; mais souvent elles ont été étouffées ou dénaturées par l'ignorance et le fanatisme. Aujourd'hui le Spiritisme, passé à l'état de philosophie, vient arracher ces plantes parasites, et constituer un corps de doctrine de ce qui n'était qu'une vague aspiration.
Un de nos correspondants de Joinville-sur-Marne, M. Petit-Jean, auquel nous devons déjà de nombreux documents sur ce sujet, nous en adresse un des plus intéressants, que nous sommes heureux d'ajouter à ceux que nous avons déjà publiés.
« Joinville, 16 juillet 1868.
Voici encore des pensées Spirites ! Celles-là ont d'autant plus d'importance qu'elles ne sont point, comme beaucoup d'autres, le produit de l'imagination, ou une idée exploitée par les romanciers ; c'est l'exposé d'une croyance partagée par la famille d'un conventionnel, et exprimé dans la circonstance la plus grave de la vie, où l'on ne songe pas à jouer sur les mots.
Je les ai puisées dans une œuvre littéraire ayant pour titre : Les Mémoires d'un Mari, qui ne sont autres que le récit détaillé de la vie de M. Fernand Duplessis. Ces Mémoires ont été édités en 1849, par Eugène Sue, auquel M. Fernand Duplessis les a remis, avec mission de les livrer à la publicité, à titre, selon ses propres expressions, d'expiation pour lui et d'enseignement pour les autres. Je vous donne l'analyse des passages qui ont le plus de rapport avec notre croyance. »
Madame Raymond, ainsi que son fils, prisonniers politiques, reçoivent la visite de M. Fernand Duplessis, leur ami. Cette visite donne lieu à une conversation, à la suite de laquelle Madame Raymond tient le langage suivant à son fils (page 121) :
« Voyons, mon enfant, - reprit madame Raymond d'un ton d'affectueux reproche, - est-ce d'hier que nous avons fait nos premiers pas dans cette carrière où l'on doit remercier Dieu d'un jour sans angoisses ? Est-ce qu'on poursuit, est-ce qu'on atteint le but où nous tendons sans douleur, sans périls, et souvent sans martyre ? Est-ce que nous ne nous sommes pas dit cent fois que notre vie n'est pas à nous, mais à cette sainte cause de la liberté pour laquelle ton père est mort sur l'échafaud ? Est-ce que depuis que tu as l'âge de raison nous ne nous sommes pas habitués à cette pensée qu'un jour je pouvais avoir à clore tes paupières comme tu pouvais clore les miennes ? Est-ce qu'il y a de quoi s'attrister d'avance ? Me vois-tu jamais sombre, éplorée, parce que je vis toujours avec le souvenir cher et sacré de ton père, dont j'ai baisé le front sanglant, et que j'ai enseveli de mes mains ? N'avons-nous pas foi, comme nos pères les Gaulois, à la renaissance indéfinie de nos corps et de nos âmes, qui vont tour à tour peupler l'immensité des mondes ? Pour nous, qu'est-ce que la mort ? le commencement d'une autre vie, rien de plus. Nous sommes de ce côté-ci du rideau, nous passons de l'autre, où des perspectives immenses attendent nos regards. Quant à moi, je ne sais si c'est parce que je suis fille d'Eve, ajouta madame Raymond avec un demi-sourire, mais le phénomène de la mort ne m'a jamais inspiré qu'une excessive curiosité. »
Page 208. - « La pensée de la mort excitait, surtout chez Jean, une très vive curiosité. Spiritualiste par essence, il partageait avec sa mère, son oncle et Charpentier, la virile croyance qui fut celle de nos pères les Gaulois. Selon l'admirable dogme druidique, l'homme étant immortel, âme et corps, esprit et matière, il allait ainsi, âme et corps, incessamment renaître et vivre de monde en monde, s'élevant à chaque migration nouvelle vers une perfection infinie comme celle du Créateur.
Cette vaillante croyance expliquait seule, à mes yeux, le détachement superbe avec lequel Jean et sa mère envisageaient ces terribles problèmes qui jettent tant de trouble et d'épouvante dans les âmes faibles, habituées à voir dans la mort le néant ou la fin de la vie physique, tandis que la mort n'est que l'heure d'une renaissance complète qu'une autre vie attend avec ses nouveautés mystérieuses. »
Mais, hélas ! il ne m'était pas donné de partager cette croyance ; je voyais, avec un douloureux effroi, s'approcher le jour fatal où Jean serait jugé par la Cour des Pairs. Ce jour venu, madame Raymond me pria de l'accompagner à cette redoutable séance ; en vain je voulus la détourner de ce dessein, dans ma crainte d'une condamnation à mort portée contre Jean ; je n'osais cependant lui exprimer mes appréhensions ; elle devina ma pensée. Mon cher monsieur Duplessis, me dit-elle, le père de mon fils est mort sur l'échafaud pour la liberté ; je l'ai pieusement enseveli de mes mains… si mon fils doit aussi mourir pour la même cause, je saurai accomplir mon devoir d'une main ferme… Vous croyez qu'on peut condamner Jean à mort ?… Je crois, moi, qu'on ne peut le condamner qu'à l'immortalité. (Textuel.) Donnez-moi votre bras, monsieur Duplessis… Calmez votre émotion, et rendons-nous à la Chambre des Pairs.
Jean fut condamné à mort et devait être exécuté le surlendemain. Je fus le voir dans sa prison, et j'espérais à peine avoir la force de résister à cette dernière et funèbre entrevue. Lorsque j'entrai, il faisait, sous la surveillance d'un gendarme, sa toilette du matin avec un soin aussi minutieux que s'il eût été chez lui. Il vint à moi en me tendant les mains ; puis, me regardant en face, il me dit avec anxiété : - Mon Dieu ! mon bon Fernand, comme tu es pâle !… Qu'as-tu donc ? - Ce que j'ai ! m'écriai-je en fondant en larmes et en me jetant à son cou, tu me le demandes ! - Pauvre Fernand ! me répondit-il, ému de mon émotion, calme-toi… du courage ! - Et c'est toi, toi qui m'encourages en ce moment suprême ! lui dis-je ; mais tu es donc, comme ta mère, doué d'une force surhumaine?
- Surhumaine! non; tu nous fais trop d'honneur, reprit-il en souriant; mais ma mère et moi nous savons ce que c'est que la mort… et elle ne nous effraie pas… Notre âme change de corps, comme nos corps changent de vêtements ; nous allons revivre ailleurs et attendre ou rejoindre ceux que nous avons aimés. Grâce à cette croyance, mon ami, et à la curiosité de voir des mondes nouveaux, mystérieux; enfin, grâce à la conscience de l'avènement prochain de nos idées et à la certitude de laisser après soi la mémoire d'un honnête homme, tu l'avoueras, le départ de ce monde n'offre rien du tout d'effrayant, au contraire.
Jean Raymond ne fut pas exécuté ; sa peine fut commuée en une détention perpétuelle, et il fut transféré à la citadelle de Doullens. »
Un de nos correspondants de Joinville-sur-Marne, M. Petit-Jean, auquel nous devons déjà de nombreux documents sur ce sujet, nous en adresse un des plus intéressants, que nous sommes heureux d'ajouter à ceux que nous avons déjà publiés.
« Joinville, 16 juillet 1868.
Voici encore des pensées Spirites ! Celles-là ont d'autant plus d'importance qu'elles ne sont point, comme beaucoup d'autres, le produit de l'imagination, ou une idée exploitée par les romanciers ; c'est l'exposé d'une croyance partagée par la famille d'un conventionnel, et exprimé dans la circonstance la plus grave de la vie, où l'on ne songe pas à jouer sur les mots.
Je les ai puisées dans une œuvre littéraire ayant pour titre : Les Mémoires d'un Mari, qui ne sont autres que le récit détaillé de la vie de M. Fernand Duplessis. Ces Mémoires ont été édités en 1849, par Eugène Sue, auquel M. Fernand Duplessis les a remis, avec mission de les livrer à la publicité, à titre, selon ses propres expressions, d'expiation pour lui et d'enseignement pour les autres. Je vous donne l'analyse des passages qui ont le plus de rapport avec notre croyance. »
Madame Raymond, ainsi que son fils, prisonniers politiques, reçoivent la visite de M. Fernand Duplessis, leur ami. Cette visite donne lieu à une conversation, à la suite de laquelle Madame Raymond tient le langage suivant à son fils (page 121) :
« Voyons, mon enfant, - reprit madame Raymond d'un ton d'affectueux reproche, - est-ce d'hier que nous avons fait nos premiers pas dans cette carrière où l'on doit remercier Dieu d'un jour sans angoisses ? Est-ce qu'on poursuit, est-ce qu'on atteint le but où nous tendons sans douleur, sans périls, et souvent sans martyre ? Est-ce que nous ne nous sommes pas dit cent fois que notre vie n'est pas à nous, mais à cette sainte cause de la liberté pour laquelle ton père est mort sur l'échafaud ? Est-ce que depuis que tu as l'âge de raison nous ne nous sommes pas habitués à cette pensée qu'un jour je pouvais avoir à clore tes paupières comme tu pouvais clore les miennes ? Est-ce qu'il y a de quoi s'attrister d'avance ? Me vois-tu jamais sombre, éplorée, parce que je vis toujours avec le souvenir cher et sacré de ton père, dont j'ai baisé le front sanglant, et que j'ai enseveli de mes mains ? N'avons-nous pas foi, comme nos pères les Gaulois, à la renaissance indéfinie de nos corps et de nos âmes, qui vont tour à tour peupler l'immensité des mondes ? Pour nous, qu'est-ce que la mort ? le commencement d'une autre vie, rien de plus. Nous sommes de ce côté-ci du rideau, nous passons de l'autre, où des perspectives immenses attendent nos regards. Quant à moi, je ne sais si c'est parce que je suis fille d'Eve, ajouta madame Raymond avec un demi-sourire, mais le phénomène de la mort ne m'a jamais inspiré qu'une excessive curiosité. »
Page 208. - « La pensée de la mort excitait, surtout chez Jean, une très vive curiosité. Spiritualiste par essence, il partageait avec sa mère, son oncle et Charpentier, la virile croyance qui fut celle de nos pères les Gaulois. Selon l'admirable dogme druidique, l'homme étant immortel, âme et corps, esprit et matière, il allait ainsi, âme et corps, incessamment renaître et vivre de monde en monde, s'élevant à chaque migration nouvelle vers une perfection infinie comme celle du Créateur.
Cette vaillante croyance expliquait seule, à mes yeux, le détachement superbe avec lequel Jean et sa mère envisageaient ces terribles problèmes qui jettent tant de trouble et d'épouvante dans les âmes faibles, habituées à voir dans la mort le néant ou la fin de la vie physique, tandis que la mort n'est que l'heure d'une renaissance complète qu'une autre vie attend avec ses nouveautés mystérieuses. »
Mais, hélas ! il ne m'était pas donné de partager cette croyance ; je voyais, avec un douloureux effroi, s'approcher le jour fatal où Jean serait jugé par la Cour des Pairs. Ce jour venu, madame Raymond me pria de l'accompagner à cette redoutable séance ; en vain je voulus la détourner de ce dessein, dans ma crainte d'une condamnation à mort portée contre Jean ; je n'osais cependant lui exprimer mes appréhensions ; elle devina ma pensée. Mon cher monsieur Duplessis, me dit-elle, le père de mon fils est mort sur l'échafaud pour la liberté ; je l'ai pieusement enseveli de mes mains… si mon fils doit aussi mourir pour la même cause, je saurai accomplir mon devoir d'une main ferme… Vous croyez qu'on peut condamner Jean à mort ?… Je crois, moi, qu'on ne peut le condamner qu'à l'immortalité. (Textuel.) Donnez-moi votre bras, monsieur Duplessis… Calmez votre émotion, et rendons-nous à la Chambre des Pairs.
Jean fut condamné à mort et devait être exécuté le surlendemain. Je fus le voir dans sa prison, et j'espérais à peine avoir la force de résister à cette dernière et funèbre entrevue. Lorsque j'entrai, il faisait, sous la surveillance d'un gendarme, sa toilette du matin avec un soin aussi minutieux que s'il eût été chez lui. Il vint à moi en me tendant les mains ; puis, me regardant en face, il me dit avec anxiété : - Mon Dieu ! mon bon Fernand, comme tu es pâle !… Qu'as-tu donc ? - Ce que j'ai ! m'écriai-je en fondant en larmes et en me jetant à son cou, tu me le demandes ! - Pauvre Fernand ! me répondit-il, ému de mon émotion, calme-toi… du courage ! - Et c'est toi, toi qui m'encourages en ce moment suprême ! lui dis-je ; mais tu es donc, comme ta mère, doué d'une force surhumaine?
- Surhumaine! non; tu nous fais trop d'honneur, reprit-il en souriant; mais ma mère et moi nous savons ce que c'est que la mort… et elle ne nous effraie pas… Notre âme change de corps, comme nos corps changent de vêtements ; nous allons revivre ailleurs et attendre ou rejoindre ceux que nous avons aimés. Grâce à cette croyance, mon ami, et à la curiosité de voir des mondes nouveaux, mystérieux; enfin, grâce à la conscience de l'avènement prochain de nos idées et à la certitude de laisser après soi la mémoire d'un honnête homme, tu l'avoueras, le départ de ce monde n'offre rien du tout d'effrayant, au contraire.
Jean Raymond ne fut pas exécuté ; sa peine fut commuée en une détention perpétuelle, et il fut transféré à la citadelle de Doullens. »
Bibliographie
Le Régiment fantastique par Victor Dazur[1]
Nous empruntons les passages suivants au compte rendu que le Siècle a donné de cet ouvrage dans son feuilleton du 22 juin 1868 :
« C'est une sorte de roman philosophique, où la plupart des questions qui passionnent actuellement les esprits sont traitées sous une forme originale et dramatique ; le spiritualisme et le matérialisme, l'immortalité de l'âme et le néant, le libre arbitre et le fatalisme, la responsabilité et l'irresponsabilité, les peines éternelles et l'expiation, puis la guerre, la paix universelle, les armées permanentes, etc.
Toutes ces questions ne sont pas discutées avec beaucoup de méthode et de profondeur, mais elles le sont toutes avec une certaine érudition, avec une bonne foi évidente, avec gaieté presque toujours, avec esprit souvent, et quelquefois avec éloquence.
En somme, l'ouvrage est d'un homme libéral, ami du progrès, de la perfectibilité et du spiritualisme, ami de la paix, quoique évidemment militaire.
Voici, du reste, comment l'auteur parle de lui-même :
L'auteur, qui s'est donné dans ce livre le nom de François Pamphile, avait l'insigne honneur d'être caporal dans l'armée française, lorsqu'il fit le songe étrange qui forme le canevas de l'ouvrage que vous allez lire, si vous n'avez rien de mieux à faire. Plus tard notre militaire écrivit son rêve, et ensuite s'amusa à l'embellir quand il en avait le temps. »
Le Régiment fantastique, de Victor Dazur, est donc un rêve comme le Paris en Amérique, de M. Laboulaye, mais c'est un rêve qui vous transporte dans un monde tout imaginaire.
Le caporal François Pamphile rentre à sa caserne, après avoir pris, avec quelques camarades, sa part des réjouissances d'une fête publique à Paris. Rassasié de bruit, de musique, de spectacles en plein vent, d'illuminations, de feux d'artifice, l'estomac bien lesté et la conscience tranquille, n'ayant eu de querelle avec personne, n'ayant frappé de son sabre aucun civil, il s'endort d'un profond sommeil. Au bout d'un temps qu'il ne peut apprécier, il lui semble que son lit est enlevé comme s'il était suspendu à un ballon en guise de nacelle.
Il ouvre les yeux et se voit dans l'espace ; un panorama mobile s'étend au-dessous de lui ; il voit disparaître Paris, puis la campagne, puis la terre. Il lui semble faire un des voyages aérostatiques de notre collaborateur Flammarion dont il se déclare un lecteur assidu, et dont il loue avec enthousiasme le beau livre spiritualiste qui a pour titre la Pluralité des Mondes habités.
Tout à coup l'air lui manque ; il suffoque ; mais il entre dans une autre atmosphère ; sa respiration reprend ; il aperçoit un autre globe que ses études astronomiques lui font reconnaître pour la planète Mars. Il se sent attiré vers cette planète dont le globe grossit rapidement à ses yeux. Il tremble, en y tombant selon les lois de la pesanteur, d'y être écrasé ; il redoute un choc terrible ; mais non ! Le voici étendu sur un épais gazon, aux pieds d'arbres merveilleux remplis d'oiseaux non moins merveilleux.
Il se croit dans un monde nouveau, passé du grade de caporal au grade de premier homme. Il appelle une Ève. C'est la chanson du Roi Dagobert qui lui répond.
L'étonnement du bon caporal redouble en voyant que le chanteur est un grand gaillard revêtu de l'uniforme de sergent-major de l'infanterie de ligne française.
- Qui êtes-vous ? lui dit ce sergent, qui a l'air aussi surpris que lui.
- Major, répond François Pamphile, je suis caporal ; je viens de la planète Terre que j'ai quittée involontairement cette nuit ; et je voudrais que vous eussiez l'obligeance de me dire le nom de la planète où je suis tombé.
- Cette planète, c'est Soraï-Kanor, parbleu !
- Soraï-Kanor ?… Je supposais que c'était la planète Mars. Il paraît que je me suis trompé.
- Vous ne vous êtes point trompé. Seulement notre planète, que les terriens nomment Mars, est nommée par nos astronomes Soraï-Kanor.
Le caporal s'étonne que le sergent sache le nom donné par les habitants de la terre à sa planète. Mais le sergent lui apprend qu'il n'a quitté la terre qu'après sa mort terrestre, et qu'il y était roi de France.
A cette réponse inattendue, le caporal se découvre, c'est-à-dire ôte le bonnet de coton qu'il a sur la tête.
Le roi sergent-major lui dit de ne pas lui rendre tant d'honneurs, puisqu'il n'est plus qu'un simple sous-officier. Sur terre, il s'appelait François Ier ; sur Mars, il appartient au régiment fantastique, un régiment composé de la plupart des souverains qui ont régné sur le globe terrestre. Le colonel est Alexandre le Grand ; le lieutenant-colonel Jules César (qui n'a pas régné, à proprement parler), et le major Périclès (qui a moins régné encore). Le régiment compte trois bataillons, et chaque bataillon huit compagnies. Le commandant du premier bataillon est Sésostris et l'adjudant major Attila ; le commandant du deuxième bataillon, Charlemagne et l'adjudant major Charles-Quint ; le commandant du troisième bataillon, Annibal ; et l'adjudant major Mithridate.
Chaque compagnie est composée des souverains d'une même nation. La compagnie française est la première du deuxième bataillon et a pour capitaine Louis XIV, ce qui prouve, par parenthèse, que la faveur domine sur Mars comme sur la terre ; car François Ier, qui n'est que sergent-major, était assurément un plus grand capitaine que Louis XIV, et il avait de plus pour lui l'ancienneté.
Les cantinières du régiment fantastique sont Sémiramis, Cléopâtre, Élisabeth, Catherine II. De même que tous les officiers et les soldats du régiment sont d'anciens souverains ou des hommes ayant exercé la souveraineté, toutes les cantinières et les servantes de cantine sont d'anciennes souveraines. Les musiciens seuls sont d'anciens compositeurs : Beethoven, Mozart, Glück, Piccini, Haydn, Bellini. Le régiment n'a adopté l'uniforme français que depuis le règne de Napoléon Ier, dont les campagnes ont enthousiasmé Alexandre le Grand. Depuis, le régiment a suivi toutes les variations de notre costume militaire, ce qui n'est pas peu dire. C'est aussi depuis le règne de Napoléon Ier que la langue française est adoptée comme la langue réglementaire du régiment. Ce n'est pourtant pas sous l'empire que la langue française a le plus brillé. Du reste, le vainqueur d'Austerlitz n'est pas au nombre des militaires du régiment fantastique. Il n'est point sur Mars ; peut-être est-il dans un monde supérieur, peut-être dans un monde inférieur : François Ier l'ignore.
D'autres souverains n'ont jamais figuré dans le régiment fantastique ; d'autres l'ont quitté après plusieurs siècles de service ; quelques-uns, après plusieurs milliers de siècles. Le régiment ne change jamais de garnison, et ne fait jamais la guerre. C'est une sorte de régiment pénitentiaire où les souverains, hommes et femmes, ne sont placés que pour expier les forfaits qu'ils ont commis pendant leurs règnes.
A la bonne heure, mais les musiciens Beethoven, Mozart et les autres, quels forfaits ont-ils commis pour être retenus dans ce régiment expiatoire ? C'est ce que l'auteur néglige de nous apprendre.
Le supplice habituel des militaires et des cantinières du régiment, c'est le supplice de Tantale. Les guerriers qui, sur la terre, se plaisaient dans le sang et dans le carnage, ont gardé leurs belliqueux instincts que le son du clairon réveille sans cesse et que les exercices et les simulacres de combat surexcitent sans qu'il leur soit jamais possible de se satisfaire ; car la puissance divine, qui, sur la terre, permet la guerre, l'interdit sur Mars.
Les voluptueux et les voluptueuses souffrent un supplice semblable. Tous, hommes et femmes, conservent la beauté dont ils jouissaient à la plus belle époque de leur vie, mais ils sont soumis à une cause physiologique qui les condamne à une chasteté absolue.
Un autre châtiment, qui les désole plus encore, c'est le supplice des souvenirs. Une mémoire extraordinairement lucide leur rappelle les actes de leur vie terrestre. Une occupation continuelle parvient seule à les distraire ; mais la discipline est rigoureuse ; à chaque instant, ils sont condamnés à la salle de police, à la prison ou à la salle des souvenirs. A la salle de police et à la prison, on leur permet encore quelques distractions, mais à la salle des souvenirs on ne leur en permet aucune. Ils se trouvent là enfermés au milieu de tous les instruments de supplice et de torture employés sous tous les règnes ; sur les murs, sont peints à fresque toutes les souffrances et tous les meurtres ordonnés par les rois.
Quand Louis XI est enfermé dans la salle des souvenirs, il est mis dans une cage de fer en usage sous son règne, et placé en face de l'échafaud de Nemours dont le sang dégoutte sur la tête de ses enfants. Philippe le Bel est étendu sur un bûcher d'où il voit le supplice des Templiers. Ferdinand le Catholique est attaché sur un chevalet, la tête tournée vers un autodafé.
Notre caporal entend Néron se plaindre en ces termes à son camarade Caligula :
- Les trois quarts du temps, je suis puni de consigne ou de salle de police. Si je réclame contre une punition, on me l'augmente. Quand je ne suis pas à la salle de police, je suis au peloton de punition, et quand je ne suis pas au peloton de punition, je suis à la corvée de quartier. Enfin, je suis accablé de vexations de toutes sortes, sans compter mes autres souffrances. Voilà bien des siècles que cela dure. Quand cela finira-t-il ? »
- Mais c'est un enfer que votre régiment fantastique, dit le bon Pamphile à François Ier.
- Non, lui répond celui-ci, car les peines n'y sont pas éternelles. Le grand Inconnu, qui est la justice suprême, ne prononce pas de condamnation éternelle, attendu que des fautes finies, si grandes qu'elles soient, ne sauraient mériter des peines infinies. Notre planète et certaines autres ne sont pas des enfers, mais des purgatoires où les hommes, dans une ou plusieurs existences successives, payent les dettes morales qu'ils ont contractées dans une existence antérieure.
En devisant ainsi tantôt avec le sergent-major François Ier, tantôt avec le simple fantassin Charles V, tantôt avec son confrère le caporal Charles VII, le caporal Pamphile reçoit des instructions et des révélations sur ce qui intéresse au plus haut degré l'humanité. Enfin, dans une audience que lui accorde le colonel Alexandre le Grand, au cercle des officiers, l'ancien conquérant lui expose un projet de congrès international universel qu'il le charge de proposer à la terre pour établir à jamais sur notre globe la paix, la concorde et la fraternité.
- Mon colonel, s'écrie Pamphile enthousiasmé, votre projet est si logique, il me paraît tellement indispensable et l'idée en est si naturelle, qu'il me semble qu'aussitôt qu'il sera connu sur la terre, tout le monde dira là-bas : Comment se fait-il que l'on n'ait pas pensé plus tôt à établir un congrès universel ?
Malgré l'espoir du bon caporal, nous doutons que les différents gouvernements de notre planète se hâtent d'accueillir le projet d'Alexandre ; mais le congrès de la paix, qui s'assemblera à Berne en septembre prochain, ne peut manquer de le prendre en considération. Nous le recommandons spécialement au rapporteur chargé d'étudier quelle pourrait être la constitution des Etats unis de l'Europe.
E.-D. de Bièville. »
Si M. Victor Dazur (ce nom est sans doute un pseudonyme) s'est inspiré de la Pluralité des mondes habités de M. Flammarion, dont il se déclare un lecteur assidu, il a aussi largement glané dans les ouvrages spirites. Sauf le cadre dont il s'est servi, sa théorie philosophique des peines futures, de la pluralité des existences, de l'état des Esprits dégagés du corps, de la responsabilité morale, etc., est évidemment puisée dans la doctrine du Spiritisme, dont il reproduit non seulement l'idée, mais souvent même la forme.
Les passages suivants ne peuvent laisser de doute sur ce point.
« Tu rêves, mon ami, pensai-je ; tu rêves ! Tous ces souverains de la terre qui recommencent une nouvelle existence sur la planète Mars, ce génie au corps diaphane et aux ailes d'azur, tout cela sent le Spiritisme… Et cependant, quand tu es éveillé, tu ne crois pas à cette invention. Puis, m'adressant à François Ier, je lui dis :
- Major, il me vient à l'esprit une idée singulière ; cette idée me fait supposer que tout ce que je vois et tout ce que j'entends depuis que je suis arrivé ici n'est que l'effet d'un songe. Dites-moi, je vous prie, votre opinion. Pensez-vous, comme moi, que je rêve ?
- Mais non ! vous ne rêvez pas, me répondit François Ier d'un air aussi indigné que si je lui avais fait une demande très stupide. Non, vous ne rêvez pas ! Si vous rêviez, il défilerait devant votre esprit une foule de chimères sans queue ni tête. Les évènements dont vous seriez témoins n'auraient entre eux aucun rapport raisonnable.
- Mais, ce n'est pas tout, major. Ce qui me fait croire encore que je rêve, c'est que je me suis tâté, et que je ne me suis point trouvé de corps… Je me tâte encore maintenant, et je ne m'en trouve pas davantage. Cependant, je me sens vivre et je me vois des bras et des jambes. Il va sans dire que ces bras et ces jambes étant impalpables, ce ne sont que des apparences fantastiques. Je pourrais bien expliquer ces apparences, mais pour cela il me faudrait, moi qui ne crois pas au Spiritisme, admettre certaine théorie Spirite, qui, vraie ou fausse, est, dans tous les cas, assez ingénieuse.
Cette théorie prétend que l'Esprit d'un corps est entouré d'un périsprit, c'est-à-dire d'une enveloppe semi matérielle, qui peut prendre la forme de ce corps et devenir visible dans certains cas. Une fois le périsprit admis, la même théorie prétend qu'un individu peut quelquefois être vu au même instant dans deux endroits, même très éloignés l'un de l'autre, le corps dormant d'une part et l'apparence du corps, c'est-à-dire le périsprit, agissant d'autre part.
Si cette assertion était vraie, je me trouverais mettre en pratique la théorie dont je viens de parler. On pourrait voir en ce moment mon corps dormir à Paris pendant que vous voyez mon périsprit comme mon corps pourrait le faire. Mais je ne croirais une chose aussi extraordinaire que si elle était éprouvée.
Ce serait encore adopter le Spiritisme que d'admettre comme réelle cette réunion de potentats assemblés ici, à ce qu'ils prétendent, pour expier les méfaits qu'ils ont commis étant sur la terre.
- Si vous le voulez, me dit François Ier, ne croyez pas à ce que vous avez devant les yeux. Supposez un instant qu'au lieu d'être sur cette planète, vous êtes dans le domaine idéal de la raison, et dites-moi si vous croyez que les hommes qui font le mal, quel que soit leur rang dans la société, puissent être exempts du purgatoire après leur mort terrestre ? - Major, je ne sais que vous répondre. - Mais, je sais pourtant ce que vous pensez. Vous pensez que le purgatoire existe n'importe où, mais seulement pour les gens qui occupent les degrés les plus élevés de l'échelle sociale. Et ce qui vous porte à penser cela, c'est que les fautes des gens haut placés dans le monde, sont bien plus apparentes que celles des simples particuliers. Mais vous allez tout de suite modifier cette idée en songeant que, pour l'Etre suprême, il n'est pas de fautes cachées. En effet, le Grand Inconnu voit constamment sur la terre de simples particuliers qui font, relativement, autant de mal dans leur petite sphère d'action, qu'en ont fait dans leurs États certains tyrans flétris par l'histoire. Les simples particuliers dont je parle, au lieu d'exercer leur tyrannie dans un royaume, l'exercent dans leur famille et dans leur entourage, faisant souffrir sans pitié femme, enfants et subordonnés. Ces tyranneaux n'ont qu'un souci, qui est de jouir de la vie en échappant au code pénal du pays qu'ils habitent. Or, je vous le demande, croyez-vous que ces gens malfaisants, qui passent quelquefois pour être vertueux aux yeux de quiconque ne connaît pas leur vie, croyez-vous, dis-je, que ces êtres malfaisants sont aussitôt transportés dans un séjour de délices ? - Non, je ne le crois pas. - N'admettez-vous pas qu'ils ont contracté, en faisant le mal, une certaine dette morale ? - Si, major, je l'admets. - Eh bien ! alors, vous ne devez pas vous étonner que certaines planètes soient de vrais purgatoires où les hommes, dans une ou plusieurs existences, payent les dettes qu'ils ont contractées dans une existence antérieure.
- Mais, major, les souffrances que tout homme éprouve dans le cours de sa vie ne payent-elles pas suffisamment le mal qu'il peut faire depuis l'âge de raison jusqu'à la mort ?
- Cela ne se pourrait que pour un bien petit nombre d'individus ; car, le plus souvent, le mal qu'un homme fait rejaillit sur un certain nombre de ses semblables, ce qui multiplie d'autant la somme du mal personnel, et rend presque toujours la dette si forte que cet homme ne saurait la payer dans le cours de sa courte existence. Or, quand on n'a pas pu payer ses dettes dans une vie, il faut forcément les payer dans une autre ; car, en fait de dettes criminelles, le Grand Inconnu a disposé les choses de manière qu'il n'est pas de banqueroute possible.
Cela étant admis, vous admettrez bien aussi qu'il est impossible que des monstres comme Néron, Caligula, Héliogabale, Borgia et tant d'autres dont on ne peut nombrer les crimes, aient pu payer de pareilles dettes par le peu de maux qu'ils ont soufferts dans leur vie. Or, de deux choses l'une : ces hommes, à leur mort, sont tombés dans le néant, ou bien ils ont recommencé une nouvelle existence ; si l'on admet qu'ils soient tombés dans le néant, on admet tout naturellement qu'ils ont dû faire une banqueroute énorme. Vous conviendrez que l'idée d'une semblable banqueroute révolte l'esprit, tandis que si l'on admet qu'ils ont recommencé chacun une nouvelle existence, l'esprit se trouve satisfait en pensant que ces nouvelles vies ne peuvent être que des existences d'expiation ou, pour mieux dire, de purification[2].
- Major, n'est-il pas plus simple d'admettre la damnation éternelle pour les monstres dont vous parlez ? - Je conviens que c'est plus simple, mais non plus logique. La logique, qui doit être l'âme de la justice, refuse d'admettre la damnation éternelle, parce que des fautes finies ne sauraient mériter des peines infinies. »
Suit une dissertation des plus saisissantes et des plus logiques que nous ayons lues contre l'enfer et les peines éternelles, sur la justice de la proportionnalité des peines, et sur la doctrine du travail, mais que son étendue ne nous permet pas de reproduire.
« - Major, dit le caporal Pamphile, je vous ferai remarquer que la négation de l'enfer éternel, ainsi que la proportionnalité des peines, est le fond même de la doctrine des Spirites ; or, je vous l'ai déjà dit, je ne crois pas au Spiritisme. - Alors… croyez à l'enfer éternel si cela vous fait plaisir. »
Parmi les souverains que le caporal Pamphile trouve dans la planète Mars, il y en a qui vivaient du temps du déluge, des rois d'Assyrie, au temps de la tour de Babel, des Pharaons au temps du passage de la mer Rouge par les Hébreux, etc., et chacun donne sur ces évènements des explications qui, pour la plupart, ont le mérite, sinon de la preuve matérielle, du moins celui de la logique.
En somme, le cadre choisi par l'auteur pour émettre ses idées est heureux, jusqu'à sa négation même du Spiritisme qui aboutit, en définitive, à une affirmation indirecte. Nous dirons, comme le Siècle, que, sous une forme en apparence légère, toutes les questions y sont traitées avec une certaine érudition, avec une bonne foi évidente, avec gaieté presque toujours, avec esprit souvent, et quelquefois avec éloquence. Nous ajouterons que, ne connaissant point l'auteur, si ce numéro lui tombe sous la main, nous désirons qu'il y trouve l'expression de nos sincères félicitations, car il a fait un livre intéressant et très utile.
Conférences sur l'âme par M. Alexandre Chaseray[3]
Les ouvrages modernes où le principe de la pluralité des existences est affirmé incidemment sont innombrables ; mais celui dont nous parlons nous paraît un de ceux où il est traité de la manière la plus complète ; l'auteur s'attache en outre à démontrer que l'idée grandit et s'impose chaque jour davantage aux Esprits éclairés.
Dans les fragments que nous rapportons ci-après, les notes sont de l'auteur.
« La transmigration des âmes, dit M. Chaseray, est une idée philosophique à la fois des plus anciennes et des plus nouvelles. La métempsycose fait le fond de la religion des Indiens, religion bien antérieure au judaïsme, et Pythagore a pu tenir cette croyance des Brahmanes, s'il est vrai qu'il ait pénétré dans l'Inde ; mais il est plus probable qu'il la rapporta de l'Égypte où il séjourna longtemps. La civilisation régnait sur les bords du Nil plusieurs milliers d'années avant la naissance de Moïse, et, au dire d'Hérodote, les prêtres égyptiens ont annoncé les premiers que l'âme est immortelle et qu'elle passe successivement dans toutes les espèces d'animaux avant d'entrer dans un corps d'homme.
Les Grecs, de leur côté, n'abandonnèrent jamais complètement la métempsycose. Ceux d'entre eux qui n'admettaient pas dans son entier la doctrine de Pythagore, croyaient vaguement avec Platon que l'âme immortelle avait existé quelque part, avant de se manifester sous forme humaine, ou croyaient au fleuve Léthé et à la renaissance de l'homme dans l'humanité. Parmi les premiers chrétiens, beaucoup de néophytes entendaient retenir de leurs anciens dogmes ce qui leur en paraissait bon ; les Manichéens, par exemple, avaient conservé les deux principes du bien et du mal et la migration des âmes ; c'est ainsi que les hérésiarques venant à se multiplier, les Pères et les Conciles eurent tant à faire pour ramener les esprits à une foi uniforme. Définitivement victorieuse, l'Église apostolique bannit de son empire la métempsycose, à laquelle se substitua le dogme du jugement irrévocable et du partage des humains en élus et en damnés. Le purgatoire fut introduit plus tard comme correctif d'une décision par trop inflexible.
De même que je n'ai pas trop considéré comme un progrès le spiritualisme de saint Thomas dont on ne voit nulle trace dans les livres saints, de même encore je ne juge ni heureuse ni conforme à l'antique doctrine du péché originel, qui établit une solidarité si étroite entre toutes les générations d'hommes, l'affirmation dogmatique consistant à dire que l'existence de chacun de nous est sans racines dans le passé et aboutit à un paradis ou à un enfer éternels. C'est là, suivant moi, une hérésie philosophique contre laquelle l'esprit moderne réagit avec force.
On revient de toutes parts à la transmigration des âmes. Mais on conçoit généralement de nos jours une métempsycose plus large que celle dont on attribuait la croyance aux Anciens. L'esprit d'induction, ayant franchi les limites de la terre et reconnu dans les soleils et les planètes des mondes habitables, n'a plus borné les destinées de l'homme au globe terrestre. Au lieu de voir l'âme parcourant sans cesse le cercle des plantes, des animaux et de l'espèce humaine ou renaissant constamment dans l'humanité, on a pu se la figurer prenant son essor vers les mondes infinis[4].
Je n'ai que l'embarras du choix en fait de citations pour montrer que la foi a une série d'existences, les unes antérieures, les autres postérieures à la vie présente, grandit et s'impose chaque jour davantage aux esprits éclairés.
Commençons par Jean Reynaud. Ce philosophe insiste sur la liaison naturelle que présentent les deux idées de préexistence et de vie future.
Si l'on examinait, dit-il, tous les hommes qui ont passé sur la terre, depuis que l'ère des religions savantes y a commencé, on verrait que la grande majorité a vécu dans la conscience plus ou moins arrêtée d'une existence prolongée par des voies invisibles en deçà comme au delà des limites de cette vie. Il y a, en effet, une sorte de symétrie si logique qu'elle a dû séduire les imaginations à première vue ; le passé y fait équilibre à l'avenir, et le présent n'est que le pivot entre ce qui n'est plus et ce qui n'est pas encore. Le platonisme a réveillé cette lumière précédemment agitée par Pythagore, et s'en est servi pour éclairer les plus belles âmes qui aient honoré les temps anciens[5]. »
Ce jugement de Jean Reynaud se trouve pleinement confirmé par la note suivante de Lagrange, l'élégant traducteur du poème de Lucrèce :
De tous les philosophes qui ont vécu avant le christianisme, aucun n'a soutenu l'immortalité de l'âme sans établir préalablement sa préexistence ; l'un de ces dogmes était regardé comme la conséquence naturelle de l'autre. On croyait que l'âme devait toujours exister, parce qu'elle avait toujours existé ; et l'on était persuadé, au contraire, qu'en accordant qu'elle avait été engendrée avec le corps, on n'était plus en droit de nier qu'elle dût mourir avec lui. « - Notre âme, dit Platon, existait quelque part avant d'être dans cette forme d'hommes ; voilà pourquoi je ne doute pas qu'elle ne soit immortelle. »
Le vieux druidisme, poursuit l'auteur de Terre et Ciel, parle à mon cœur. Ce même sol que nous habitons aujourd'hui a porté avant nous un peuple de héros, qui tous étaient habitués à se considérer comme ayant pratiqué l'univers de longue date avant leur incarnation actuelle, fondant ainsi l'espérance de leur immortalité sur la conviction de leur préexistence.
Un de nos meilleurs historiens donne aussi de grands éloges au principal enseignement des druides ; Henri Martin est d'avis que nos pères, les Gaulois, représentaient dans le monde antique « la plus ferme, la plus claire notion de l'immortalité qui fut jamais[6]. »
Eugène Sue dit à son tour de la foi druidique :
« Selon cette sublime croyance, l'homme immortel, esprit et matière, venu d'en bas, allant en haut, transitait par cette terre, y demeurait passagèrement, ainsi qu'il avait demeuré et devait demeurer dans ces autres sphères qui brillent innombrables, au milieu des abîmes de l'espace[7]. »
Déjà, au dix-septième siècle, Cyrano de Bergerac disait à l'imitation des prêtres gaulois :
« Nous mourons plus d'une fois ; et, comme nous ne sommes que des parties de cet univers, nous changeons de forme pour reprendre vie ailleurs ; ce qui n'est point un mal, puisque c'est un chemin pour perfectionner son être et pour arriver à un nombre infini de connaissances. »
Plusieurs de nos contemporains, sans paraître s'inspirer des druides, annoncent cependant aussi que la destinée de l'âme est de voyager de mondes en mondes.
On lit, par exemple, dans la Profession de foi du dix-neuvième siècle, d'Eugène Pelletan :
« Par l'irrésistible logique de l'idée, je crois pouvoir affirmer que la vie mortelle aura l'espace infini pour lieu de pèlerinage… L'homme ira donc toujours de soleil en soleil, montant toujours, comme sur l'échelle de Jacob, la hiérarchie de l'existence ; passant toujours, selon son mérite et selon son progrès, de l'homme à l'ange, de l'ange à l'archange. »
Et dans la Rénovation religieuse, de M. Patrice Larroque, ancien recteur à l'Académie :
On peut conjecturer que la plupart des autres globes qui se meuvent dans l'espace, portent, comme la terre, des êtres organisés et animés, et que ces globes seront les théâtres successifs de nos vies futures.
Lamennais exprime l'idée de renaissance d'une manière tout aussi précise quoique plus restreinte :
« Le progrès, dit-il, possible à l'individu sous sa forme organique actuelle étant accompli, il rend à la masse élémentaire cet organisme usé, il en revêt un autre plus parfait[8]. »
Signalons encore le trait suivant du discours prononcé par M. Guéroult, de l'Opinion nationale, sur la tombe du père Enfantin :
« Nul ne fut plus religieux qu'Enfantin ; nul n'a vécu, autant que lui, en présence de la vie éternelle dont cette vie qui nous échappe à chaque instant n'est qu'une des étapes innombrables. »
Un de nos romanciers les plus célèbres donne à penser qu'il croit au passage des êtres inférieurs dans les espèces supérieures, et, nommément, des animaux dans l'humanité :
Expliquera qui voudra, dit George Sand, ces affinités entre l'homme et certains êtres secondaires dans la création. Elles sont tout aussi réelles que les antipathies et les terreurs insurmontables que nous inspirent certains animaux inoffensifs… C'est peut-être que tous les types, départis chacun spécialement à chaque race d'animaux, se retrouvent dans l'homme. Les physionomistes ont constaté des ressemblances physiques ; qui peut nier les ressemblances morales ? N'y a-t-il pas parmi nous des renards, des loups, des lions, des aigles, des hannetons, des mouches ? La grossièreté humaine est souvent basse et féroce comme l'appétit du pourceau…
George Sand se montre plus explicite à l'égard de la migration des âmes dans les lignes suivantes du même ouvrage[9] :
Si nous ne devons pas aspirer à la béatitude des purs esprits du pays des chimères, si nous devons entrevoir toujours au delà de cette vie un travail, un devoir, des épreuves et une organisation limitée dans ses facultés vis-à-vis de l'infini, du moins il nous est permis par la raison, et il nous est commandé par le cœur, de compter sur une suite d'existences progressives en raison de nos bons désirs… Nous pouvons regarder cette terre comme un lieu de passage et compter sur un réveil plus doux dans le berceau qui nous attend ailleurs. De mondes en mondes, nous pouvons, en nous dégageant de l'animalité qui combat ici-bas notre spiritualisme, nous rendre propres à revêtir un corps plus pur, plus approprié aux besoins de l'âme, moins combattu et moins entravé par les infirmités de la vie humaine telle que nous la subissons ici-bas.
Citons encore un romancier, Balzac. Les romanciers de cet ordre, de même que les poètes hors ligne, abordent les questions les plus élevées, et savent semer de traits profonds leurs écrits d'une forme agréable et légère. C'est ainsi que, dans les Misérables, Victor Hugo laisse tomber de sa plume cette vague interrogation : « D'où venons-nous ? et est-il bien sûr que nous n'ayons rien fait avant d'être né ? » Ce n'est qu'en pensant, et sans parti pris de soutenir une thèse philosophique, que l'auteur de la Comédie humaine parle des existences successives. Aussi ne puis-je que saisir cette pensée au vol de plusieurs de ses romans.
Voici, par exemple, quelques lignes du Lys dans la vallée :
« L'homme est composé de matière et d'esprit ; l'animalité vient aboutir en lui, et l'ange commence en lui. De là cette lutte que nous éprouvons tous entre une destinée future que nous pressentons et les souvenirs de nos instincts extérieurs, dont nous ne sommes pas entièrement détachés : un amour charnel et un amour divin. »
Et je trouve dans Séraphita, ce roman mystique où Balzac expose avec un intérêt et un charme si puissants la doctrine religieuse du Suédois Swedenborg :
« Les qualités acquises et qui se développent lentement en nous sont des liens invisibles qui rattachent chacun de nos existences l'un à l'autre. »
Enfin, dans les Comédiens sans le savoir, la sibylle, madame Fontaine, demande à Gazonal :
- Quelle fleur aimez-vous ?
- La rose.
- Quelle couleur affectionnez-vous ?
- Le bleu.
- Quel animal préférez-vous ?
- Le cheval. Pourquoi ces questions ? demande-t-il à son tour.
- L'homme tient à toutes les formes par ses états antérieurs, dit-elle sentencieusement ; de là viennent ses instincts, et ses instincts dominent sa destinée. »
Michelet témoigne de sa sympathie pour les mêmes idées, quand il appelle le chien un candidat à l'humanité, et lorsqu'il dit en parlant des oiseaux :
« Que sont-ils ? des âmes ébauchées, des âmes spécialisées encore dans telles fonctions de l'existence, des candidats à la vie plus générale et plus vastement harmonique où est arrivée l'âme humaine[10]. »
Pierre Leroux ne croit pas que l'homme ait passé par les types inférieurs des animaux et des plantes. Suivant lui, les individus se perpétuent au sein de l'espèce et l'homme renaît indéfiniment dans l'humanité. La solidarité entre tous les membres de la famille humaine est alors évidente ; le bien qu'un homme fait à ses semblables tourne à son propre avantage, puisqu'il ne s'en sépare à la mort que pour revenir bientôt se mêler à eux. En soutenant la perpétuité de l'être au sein de l'espèce, Pierre Leroux s'écarte des auteurs que je viens de citer et ne rencontre pas beaucoup d'approbateurs[11] ; mais il n'en est pas moins un défenseur ardent de l'idée générale et d'une importance extrême qui rattache la vie actuelle à une série d'existences.
Après avoir dit que l'enfant venant au monde n'est pas, comme le prétendait l'école de Locke, une table rase ; et que c'est faire injure à la Divinité de supposer qu'elle tire du néant de nouvelles créatures, qu'elle embellit au hasard de ses dons ou frappe au hasard de sa colère, Pierre Leroux conclut par ces mots :
Ainsi, de toute nécessité, il faut admettre ou le système indéterminé des métempsycoses, ou le système déterminé de renaissance dans l'humanité que je soutiens[12].
Je suis loin de repousser d'une manière absolue le système de renaissance dans l'humanité ; mais l'humanité a eu un commencement, postérieur même à celui de la plupart des espèces animales et végétales qui couvrent notre globe ; l'humanité aura une fin ; et, puisque l'âme ne périt pas, il faut que l'être permanent, le moi, plonge ses racines ailleurs que dans l'humanité, et trouve son développement futur ailleurs que dans l'humanité, forme transitoire. »
Les nombreuses citations que fait l'auteur, et qui sont loin d'être complètes, prouvent combien est générale l'idée de la pluralité des existences, et qu'avant peu elle sera passée à l'état de vérité acquise. Sur d'autres points, il s'écarte complètement de la doctrine spirite ; nous sommes loin de partager son opinion sur toutes les questions qu'il traite dans son livre, notamment en ce qui concerne la divinité à laquelle il attribue un rôle secondaire, et la nature intime de l'âme dont il conteste la spiritualité. Son système est une sorte de panthéisme qui côtoie le Spiritisme, et semble être un terme moyen pour certaines gens qui ne veulent ni de l'athéisme, ni du néantisme, ni du spiritualisme dogmatique. Quelque incomplet qu'il soit, ce n'en est pas moins un notable progrès sur les idées matérialistes dont il est beaucoup plus éloigné que des nôtres. Sauf quelques points très controversables, l'ouvrage contient des vues très profondes et très justes auxquelles le Spiritisme ne peut que s'associer.
[1] Un fort vol. in-12, Prix : 3 fr. 50 c. ; par la poste, 4 fr. Cet ouvrage a été imprimé à Lyon et ne porte aucun nom d'éditeur ; il est dit simplement qu'il se trouve à Paris, chez tous les libraires. Nous nous le sommes procuré à la librairie Internationale, 15, boulevard Montmartre.
[2] Si l'effet de l'injustice ou du mal qu'un homme commet à l'égard d'un autre homme, s'arrête à l'individu, la nécessité de la réparation sera individuelle ; mais si, par coutre coup, ce mal préjudicie, de proche en proche, à cent individus, sa dette sera centuplée, car ce seront cent réparations à accomplir. Plus il aura fait de victimes, directement ou indirectement, plus il y aura d'individus qui lui demanderont compte de sa conduite. C'est ainsi que la responsabilité, et le nombre des réparations augmentant avec l'étendue de l'autorité dont on est revêtu, on est responsable vis-à-vis d'individus que l'on n'a jamais connus, mais qui n'en ont pas moins souffert des conséquences de nos actes.
[3] Petit volume in-12 ; prix, 1 fr. 50 ; par la poste, 1 fr. 75. Chez Germer-Baillière, 17, rue de l'Ecole de médecine.
[4] Il était si naturel de profiter de l'issue glorieuse ouverte à l'âme par les découvertes astronomiques, que je ne puis croire que la métempsycose de Pythagore ait été réellement ce que le vulgaire en pensait ; car Pythagore connaissait le vrai système du monde ; le double mouvement de rotation et de translation de la terre ; l'immobilité relative du soleil ; l'importance des étoiles fixes, dont chacune est un soleil et le centre d'un groupe de planètes très probablement habitées ; la marche et le retour des comètes : rien de tout cela n'était ignoré de Pythagore. Ce philosophe, instruit par les savants prêtres égyptiens qui ne révélaient leurs secrets qu'à un petit nombre d'initiés, crut devoir, à leur exemple, tenir secrète cette partie de sa science. Un de ses disciples, moins scrupuleux, la divulgua ; mais comme les preuves faisaient défaut et que les vérités se trouvaient perdues au milieu d'erreurs et de rêveries mystiques, la révélation passa inaperçue. Il ne suffit pas d'émettre une idée juste, il faut savoir la faire accepter ; aussi Copernic et Galilée, les vulgarisateurs du véritable système cosmologique, en sont-ils regardés comme les inventeurs, quoique la notion première s'en perde dans la nuit des temps.
[5] Terre et Ciel.
[6] Histoire de France, 4e édit., t. I.
[7] Feuilleton de la Presse, du 19 octobre 1854. Les anciens auteurs n'ont pas tous méconnu le beau côté de la religion des druides, témoin ces vers de Lucain :
Vobis auctoribus, umbræ
Non tacitas Erebi sedes, Ditisque profundi
Pallida regna petunt : regit idem spiritus artus
Orbe alio : longæ (canitis si cognita) vitæ
Mors media est.
« Selon vous, Druides, les ombres ne descendent pas dans les silencieuses demeures de l'Erèbe, dans les pâles royaumes du dieu de l'abîme. Le même Esprit anime un nouveau corps dans une autre sphère. La mort (si vos hymnes contiennent la vérité) est le milieu d'une longue vie. »
[8] De la société première et de ses lois, liv. III.
[9] Histoire de ma vie.
[10] L'Oiseau.
[11] Goethe paraissait partager cette manière de voir, lorsqu'il s'écriait dans une de ses lettres à la charmante madame de Stein : « Pourquoi le destin nous a-t-il liés si étroitement ? Ah ! dans des temps écoulés, tu fus ma sœur ou mon épouse ! Tu as connu le moindre de mes traits, tu as épié la vibration de la plus pure de mes fibres, tu m'as su lire d'un regard, moi qu'un œil humain pénètre difficilement ! » (Revue germanique, décembre 1865.)
Victor Meunier n'est pas éloigné de croire aussi à la renaissance de l'homme sur la terre : « Le sort de ceux qui viendront après nous, dit-il, ne me trouve point indifférent, loin de là ! D'autant qu'il ne m'est pas démontré que nous ne nous succéderons point à nous-mêmes. » (La Science et les savants en 1865, 2e semestre.)
[12] De l'Humanité.
Nous empruntons les passages suivants au compte rendu que le Siècle a donné de cet ouvrage dans son feuilleton du 22 juin 1868 :
« C'est une sorte de roman philosophique, où la plupart des questions qui passionnent actuellement les esprits sont traitées sous une forme originale et dramatique ; le spiritualisme et le matérialisme, l'immortalité de l'âme et le néant, le libre arbitre et le fatalisme, la responsabilité et l'irresponsabilité, les peines éternelles et l'expiation, puis la guerre, la paix universelle, les armées permanentes, etc.
Toutes ces questions ne sont pas discutées avec beaucoup de méthode et de profondeur, mais elles le sont toutes avec une certaine érudition, avec une bonne foi évidente, avec gaieté presque toujours, avec esprit souvent, et quelquefois avec éloquence.
En somme, l'ouvrage est d'un homme libéral, ami du progrès, de la perfectibilité et du spiritualisme, ami de la paix, quoique évidemment militaire.
Voici, du reste, comment l'auteur parle de lui-même :
L'auteur, qui s'est donné dans ce livre le nom de François Pamphile, avait l'insigne honneur d'être caporal dans l'armée française, lorsqu'il fit le songe étrange qui forme le canevas de l'ouvrage que vous allez lire, si vous n'avez rien de mieux à faire. Plus tard notre militaire écrivit son rêve, et ensuite s'amusa à l'embellir quand il en avait le temps. »
Le Régiment fantastique, de Victor Dazur, est donc un rêve comme le Paris en Amérique, de M. Laboulaye, mais c'est un rêve qui vous transporte dans un monde tout imaginaire.
Le caporal François Pamphile rentre à sa caserne, après avoir pris, avec quelques camarades, sa part des réjouissances d'une fête publique à Paris. Rassasié de bruit, de musique, de spectacles en plein vent, d'illuminations, de feux d'artifice, l'estomac bien lesté et la conscience tranquille, n'ayant eu de querelle avec personne, n'ayant frappé de son sabre aucun civil, il s'endort d'un profond sommeil. Au bout d'un temps qu'il ne peut apprécier, il lui semble que son lit est enlevé comme s'il était suspendu à un ballon en guise de nacelle.
Il ouvre les yeux et se voit dans l'espace ; un panorama mobile s'étend au-dessous de lui ; il voit disparaître Paris, puis la campagne, puis la terre. Il lui semble faire un des voyages aérostatiques de notre collaborateur Flammarion dont il se déclare un lecteur assidu, et dont il loue avec enthousiasme le beau livre spiritualiste qui a pour titre la Pluralité des Mondes habités.
Tout à coup l'air lui manque ; il suffoque ; mais il entre dans une autre atmosphère ; sa respiration reprend ; il aperçoit un autre globe que ses études astronomiques lui font reconnaître pour la planète Mars. Il se sent attiré vers cette planète dont le globe grossit rapidement à ses yeux. Il tremble, en y tombant selon les lois de la pesanteur, d'y être écrasé ; il redoute un choc terrible ; mais non ! Le voici étendu sur un épais gazon, aux pieds d'arbres merveilleux remplis d'oiseaux non moins merveilleux.
Il se croit dans un monde nouveau, passé du grade de caporal au grade de premier homme. Il appelle une Ève. C'est la chanson du Roi Dagobert qui lui répond.
L'étonnement du bon caporal redouble en voyant que le chanteur est un grand gaillard revêtu de l'uniforme de sergent-major de l'infanterie de ligne française.
- Qui êtes-vous ? lui dit ce sergent, qui a l'air aussi surpris que lui.
- Major, répond François Pamphile, je suis caporal ; je viens de la planète Terre que j'ai quittée involontairement cette nuit ; et je voudrais que vous eussiez l'obligeance de me dire le nom de la planète où je suis tombé.
- Cette planète, c'est Soraï-Kanor, parbleu !
- Soraï-Kanor ?… Je supposais que c'était la planète Mars. Il paraît que je me suis trompé.
- Vous ne vous êtes point trompé. Seulement notre planète, que les terriens nomment Mars, est nommée par nos astronomes Soraï-Kanor.
Le caporal s'étonne que le sergent sache le nom donné par les habitants de la terre à sa planète. Mais le sergent lui apprend qu'il n'a quitté la terre qu'après sa mort terrestre, et qu'il y était roi de France.
A cette réponse inattendue, le caporal se découvre, c'est-à-dire ôte le bonnet de coton qu'il a sur la tête.
Le roi sergent-major lui dit de ne pas lui rendre tant d'honneurs, puisqu'il n'est plus qu'un simple sous-officier. Sur terre, il s'appelait François Ier ; sur Mars, il appartient au régiment fantastique, un régiment composé de la plupart des souverains qui ont régné sur le globe terrestre. Le colonel est Alexandre le Grand ; le lieutenant-colonel Jules César (qui n'a pas régné, à proprement parler), et le major Périclès (qui a moins régné encore). Le régiment compte trois bataillons, et chaque bataillon huit compagnies. Le commandant du premier bataillon est Sésostris et l'adjudant major Attila ; le commandant du deuxième bataillon, Charlemagne et l'adjudant major Charles-Quint ; le commandant du troisième bataillon, Annibal ; et l'adjudant major Mithridate.
Chaque compagnie est composée des souverains d'une même nation. La compagnie française est la première du deuxième bataillon et a pour capitaine Louis XIV, ce qui prouve, par parenthèse, que la faveur domine sur Mars comme sur la terre ; car François Ier, qui n'est que sergent-major, était assurément un plus grand capitaine que Louis XIV, et il avait de plus pour lui l'ancienneté.
Les cantinières du régiment fantastique sont Sémiramis, Cléopâtre, Élisabeth, Catherine II. De même que tous les officiers et les soldats du régiment sont d'anciens souverains ou des hommes ayant exercé la souveraineté, toutes les cantinières et les servantes de cantine sont d'anciennes souveraines. Les musiciens seuls sont d'anciens compositeurs : Beethoven, Mozart, Glück, Piccini, Haydn, Bellini. Le régiment n'a adopté l'uniforme français que depuis le règne de Napoléon Ier, dont les campagnes ont enthousiasmé Alexandre le Grand. Depuis, le régiment a suivi toutes les variations de notre costume militaire, ce qui n'est pas peu dire. C'est aussi depuis le règne de Napoléon Ier que la langue française est adoptée comme la langue réglementaire du régiment. Ce n'est pourtant pas sous l'empire que la langue française a le plus brillé. Du reste, le vainqueur d'Austerlitz n'est pas au nombre des militaires du régiment fantastique. Il n'est point sur Mars ; peut-être est-il dans un monde supérieur, peut-être dans un monde inférieur : François Ier l'ignore.
D'autres souverains n'ont jamais figuré dans le régiment fantastique ; d'autres l'ont quitté après plusieurs siècles de service ; quelques-uns, après plusieurs milliers de siècles. Le régiment ne change jamais de garnison, et ne fait jamais la guerre. C'est une sorte de régiment pénitentiaire où les souverains, hommes et femmes, ne sont placés que pour expier les forfaits qu'ils ont commis pendant leurs règnes.
A la bonne heure, mais les musiciens Beethoven, Mozart et les autres, quels forfaits ont-ils commis pour être retenus dans ce régiment expiatoire ? C'est ce que l'auteur néglige de nous apprendre.
Le supplice habituel des militaires et des cantinières du régiment, c'est le supplice de Tantale. Les guerriers qui, sur la terre, se plaisaient dans le sang et dans le carnage, ont gardé leurs belliqueux instincts que le son du clairon réveille sans cesse et que les exercices et les simulacres de combat surexcitent sans qu'il leur soit jamais possible de se satisfaire ; car la puissance divine, qui, sur la terre, permet la guerre, l'interdit sur Mars.
Les voluptueux et les voluptueuses souffrent un supplice semblable. Tous, hommes et femmes, conservent la beauté dont ils jouissaient à la plus belle époque de leur vie, mais ils sont soumis à une cause physiologique qui les condamne à une chasteté absolue.
Un autre châtiment, qui les désole plus encore, c'est le supplice des souvenirs. Une mémoire extraordinairement lucide leur rappelle les actes de leur vie terrestre. Une occupation continuelle parvient seule à les distraire ; mais la discipline est rigoureuse ; à chaque instant, ils sont condamnés à la salle de police, à la prison ou à la salle des souvenirs. A la salle de police et à la prison, on leur permet encore quelques distractions, mais à la salle des souvenirs on ne leur en permet aucune. Ils se trouvent là enfermés au milieu de tous les instruments de supplice et de torture employés sous tous les règnes ; sur les murs, sont peints à fresque toutes les souffrances et tous les meurtres ordonnés par les rois.
Quand Louis XI est enfermé dans la salle des souvenirs, il est mis dans une cage de fer en usage sous son règne, et placé en face de l'échafaud de Nemours dont le sang dégoutte sur la tête de ses enfants. Philippe le Bel est étendu sur un bûcher d'où il voit le supplice des Templiers. Ferdinand le Catholique est attaché sur un chevalet, la tête tournée vers un autodafé.
Notre caporal entend Néron se plaindre en ces termes à son camarade Caligula :
- Les trois quarts du temps, je suis puni de consigne ou de salle de police. Si je réclame contre une punition, on me l'augmente. Quand je ne suis pas à la salle de police, je suis au peloton de punition, et quand je ne suis pas au peloton de punition, je suis à la corvée de quartier. Enfin, je suis accablé de vexations de toutes sortes, sans compter mes autres souffrances. Voilà bien des siècles que cela dure. Quand cela finira-t-il ? »
- Mais c'est un enfer que votre régiment fantastique, dit le bon Pamphile à François Ier.
- Non, lui répond celui-ci, car les peines n'y sont pas éternelles. Le grand Inconnu, qui est la justice suprême, ne prononce pas de condamnation éternelle, attendu que des fautes finies, si grandes qu'elles soient, ne sauraient mériter des peines infinies. Notre planète et certaines autres ne sont pas des enfers, mais des purgatoires où les hommes, dans une ou plusieurs existences successives, payent les dettes morales qu'ils ont contractées dans une existence antérieure.
En devisant ainsi tantôt avec le sergent-major François Ier, tantôt avec le simple fantassin Charles V, tantôt avec son confrère le caporal Charles VII, le caporal Pamphile reçoit des instructions et des révélations sur ce qui intéresse au plus haut degré l'humanité. Enfin, dans une audience que lui accorde le colonel Alexandre le Grand, au cercle des officiers, l'ancien conquérant lui expose un projet de congrès international universel qu'il le charge de proposer à la terre pour établir à jamais sur notre globe la paix, la concorde et la fraternité.
- Mon colonel, s'écrie Pamphile enthousiasmé, votre projet est si logique, il me paraît tellement indispensable et l'idée en est si naturelle, qu'il me semble qu'aussitôt qu'il sera connu sur la terre, tout le monde dira là-bas : Comment se fait-il que l'on n'ait pas pensé plus tôt à établir un congrès universel ?
Malgré l'espoir du bon caporal, nous doutons que les différents gouvernements de notre planète se hâtent d'accueillir le projet d'Alexandre ; mais le congrès de la paix, qui s'assemblera à Berne en septembre prochain, ne peut manquer de le prendre en considération. Nous le recommandons spécialement au rapporteur chargé d'étudier quelle pourrait être la constitution des Etats unis de l'Europe.
E.-D. de Bièville. »
Si M. Victor Dazur (ce nom est sans doute un pseudonyme) s'est inspiré de la Pluralité des mondes habités de M. Flammarion, dont il se déclare un lecteur assidu, il a aussi largement glané dans les ouvrages spirites. Sauf le cadre dont il s'est servi, sa théorie philosophique des peines futures, de la pluralité des existences, de l'état des Esprits dégagés du corps, de la responsabilité morale, etc., est évidemment puisée dans la doctrine du Spiritisme, dont il reproduit non seulement l'idée, mais souvent même la forme.
Les passages suivants ne peuvent laisser de doute sur ce point.
« Tu rêves, mon ami, pensai-je ; tu rêves ! Tous ces souverains de la terre qui recommencent une nouvelle existence sur la planète Mars, ce génie au corps diaphane et aux ailes d'azur, tout cela sent le Spiritisme… Et cependant, quand tu es éveillé, tu ne crois pas à cette invention. Puis, m'adressant à François Ier, je lui dis :
- Major, il me vient à l'esprit une idée singulière ; cette idée me fait supposer que tout ce que je vois et tout ce que j'entends depuis que je suis arrivé ici n'est que l'effet d'un songe. Dites-moi, je vous prie, votre opinion. Pensez-vous, comme moi, que je rêve ?
- Mais non ! vous ne rêvez pas, me répondit François Ier d'un air aussi indigné que si je lui avais fait une demande très stupide. Non, vous ne rêvez pas ! Si vous rêviez, il défilerait devant votre esprit une foule de chimères sans queue ni tête. Les évènements dont vous seriez témoins n'auraient entre eux aucun rapport raisonnable.
- Mais, ce n'est pas tout, major. Ce qui me fait croire encore que je rêve, c'est que je me suis tâté, et que je ne me suis point trouvé de corps… Je me tâte encore maintenant, et je ne m'en trouve pas davantage. Cependant, je me sens vivre et je me vois des bras et des jambes. Il va sans dire que ces bras et ces jambes étant impalpables, ce ne sont que des apparences fantastiques. Je pourrais bien expliquer ces apparences, mais pour cela il me faudrait, moi qui ne crois pas au Spiritisme, admettre certaine théorie Spirite, qui, vraie ou fausse, est, dans tous les cas, assez ingénieuse.
Cette théorie prétend que l'Esprit d'un corps est entouré d'un périsprit, c'est-à-dire d'une enveloppe semi matérielle, qui peut prendre la forme de ce corps et devenir visible dans certains cas. Une fois le périsprit admis, la même théorie prétend qu'un individu peut quelquefois être vu au même instant dans deux endroits, même très éloignés l'un de l'autre, le corps dormant d'une part et l'apparence du corps, c'est-à-dire le périsprit, agissant d'autre part.
Si cette assertion était vraie, je me trouverais mettre en pratique la théorie dont je viens de parler. On pourrait voir en ce moment mon corps dormir à Paris pendant que vous voyez mon périsprit comme mon corps pourrait le faire. Mais je ne croirais une chose aussi extraordinaire que si elle était éprouvée.
Ce serait encore adopter le Spiritisme que d'admettre comme réelle cette réunion de potentats assemblés ici, à ce qu'ils prétendent, pour expier les méfaits qu'ils ont commis étant sur la terre.
- Si vous le voulez, me dit François Ier, ne croyez pas à ce que vous avez devant les yeux. Supposez un instant qu'au lieu d'être sur cette planète, vous êtes dans le domaine idéal de la raison, et dites-moi si vous croyez que les hommes qui font le mal, quel que soit leur rang dans la société, puissent être exempts du purgatoire après leur mort terrestre ? - Major, je ne sais que vous répondre. - Mais, je sais pourtant ce que vous pensez. Vous pensez que le purgatoire existe n'importe où, mais seulement pour les gens qui occupent les degrés les plus élevés de l'échelle sociale. Et ce qui vous porte à penser cela, c'est que les fautes des gens haut placés dans le monde, sont bien plus apparentes que celles des simples particuliers. Mais vous allez tout de suite modifier cette idée en songeant que, pour l'Etre suprême, il n'est pas de fautes cachées. En effet, le Grand Inconnu voit constamment sur la terre de simples particuliers qui font, relativement, autant de mal dans leur petite sphère d'action, qu'en ont fait dans leurs États certains tyrans flétris par l'histoire. Les simples particuliers dont je parle, au lieu d'exercer leur tyrannie dans un royaume, l'exercent dans leur famille et dans leur entourage, faisant souffrir sans pitié femme, enfants et subordonnés. Ces tyranneaux n'ont qu'un souci, qui est de jouir de la vie en échappant au code pénal du pays qu'ils habitent. Or, je vous le demande, croyez-vous que ces gens malfaisants, qui passent quelquefois pour être vertueux aux yeux de quiconque ne connaît pas leur vie, croyez-vous, dis-je, que ces êtres malfaisants sont aussitôt transportés dans un séjour de délices ? - Non, je ne le crois pas. - N'admettez-vous pas qu'ils ont contracté, en faisant le mal, une certaine dette morale ? - Si, major, je l'admets. - Eh bien ! alors, vous ne devez pas vous étonner que certaines planètes soient de vrais purgatoires où les hommes, dans une ou plusieurs existences, payent les dettes qu'ils ont contractées dans une existence antérieure.
- Mais, major, les souffrances que tout homme éprouve dans le cours de sa vie ne payent-elles pas suffisamment le mal qu'il peut faire depuis l'âge de raison jusqu'à la mort ?
- Cela ne se pourrait que pour un bien petit nombre d'individus ; car, le plus souvent, le mal qu'un homme fait rejaillit sur un certain nombre de ses semblables, ce qui multiplie d'autant la somme du mal personnel, et rend presque toujours la dette si forte que cet homme ne saurait la payer dans le cours de sa courte existence. Or, quand on n'a pas pu payer ses dettes dans une vie, il faut forcément les payer dans une autre ; car, en fait de dettes criminelles, le Grand Inconnu a disposé les choses de manière qu'il n'est pas de banqueroute possible.
Cela étant admis, vous admettrez bien aussi qu'il est impossible que des monstres comme Néron, Caligula, Héliogabale, Borgia et tant d'autres dont on ne peut nombrer les crimes, aient pu payer de pareilles dettes par le peu de maux qu'ils ont soufferts dans leur vie. Or, de deux choses l'une : ces hommes, à leur mort, sont tombés dans le néant, ou bien ils ont recommencé une nouvelle existence ; si l'on admet qu'ils soient tombés dans le néant, on admet tout naturellement qu'ils ont dû faire une banqueroute énorme. Vous conviendrez que l'idée d'une semblable banqueroute révolte l'esprit, tandis que si l'on admet qu'ils ont recommencé chacun une nouvelle existence, l'esprit se trouve satisfait en pensant que ces nouvelles vies ne peuvent être que des existences d'expiation ou, pour mieux dire, de purification[2].
- Major, n'est-il pas plus simple d'admettre la damnation éternelle pour les monstres dont vous parlez ? - Je conviens que c'est plus simple, mais non plus logique. La logique, qui doit être l'âme de la justice, refuse d'admettre la damnation éternelle, parce que des fautes finies ne sauraient mériter des peines infinies. »
Suit une dissertation des plus saisissantes et des plus logiques que nous ayons lues contre l'enfer et les peines éternelles, sur la justice de la proportionnalité des peines, et sur la doctrine du travail, mais que son étendue ne nous permet pas de reproduire.
« - Major, dit le caporal Pamphile, je vous ferai remarquer que la négation de l'enfer éternel, ainsi que la proportionnalité des peines, est le fond même de la doctrine des Spirites ; or, je vous l'ai déjà dit, je ne crois pas au Spiritisme. - Alors… croyez à l'enfer éternel si cela vous fait plaisir. »
Parmi les souverains que le caporal Pamphile trouve dans la planète Mars, il y en a qui vivaient du temps du déluge, des rois d'Assyrie, au temps de la tour de Babel, des Pharaons au temps du passage de la mer Rouge par les Hébreux, etc., et chacun donne sur ces évènements des explications qui, pour la plupart, ont le mérite, sinon de la preuve matérielle, du moins celui de la logique.
En somme, le cadre choisi par l'auteur pour émettre ses idées est heureux, jusqu'à sa négation même du Spiritisme qui aboutit, en définitive, à une affirmation indirecte. Nous dirons, comme le Siècle, que, sous une forme en apparence légère, toutes les questions y sont traitées avec une certaine érudition, avec une bonne foi évidente, avec gaieté presque toujours, avec esprit souvent, et quelquefois avec éloquence. Nous ajouterons que, ne connaissant point l'auteur, si ce numéro lui tombe sous la main, nous désirons qu'il y trouve l'expression de nos sincères félicitations, car il a fait un livre intéressant et très utile.
Conférences sur l'âme par M. Alexandre Chaseray[3]
Les ouvrages modernes où le principe de la pluralité des existences est affirmé incidemment sont innombrables ; mais celui dont nous parlons nous paraît un de ceux où il est traité de la manière la plus complète ; l'auteur s'attache en outre à démontrer que l'idée grandit et s'impose chaque jour davantage aux Esprits éclairés.
Dans les fragments que nous rapportons ci-après, les notes sont de l'auteur.
« La transmigration des âmes, dit M. Chaseray, est une idée philosophique à la fois des plus anciennes et des plus nouvelles. La métempsycose fait le fond de la religion des Indiens, religion bien antérieure au judaïsme, et Pythagore a pu tenir cette croyance des Brahmanes, s'il est vrai qu'il ait pénétré dans l'Inde ; mais il est plus probable qu'il la rapporta de l'Égypte où il séjourna longtemps. La civilisation régnait sur les bords du Nil plusieurs milliers d'années avant la naissance de Moïse, et, au dire d'Hérodote, les prêtres égyptiens ont annoncé les premiers que l'âme est immortelle et qu'elle passe successivement dans toutes les espèces d'animaux avant d'entrer dans un corps d'homme.
Les Grecs, de leur côté, n'abandonnèrent jamais complètement la métempsycose. Ceux d'entre eux qui n'admettaient pas dans son entier la doctrine de Pythagore, croyaient vaguement avec Platon que l'âme immortelle avait existé quelque part, avant de se manifester sous forme humaine, ou croyaient au fleuve Léthé et à la renaissance de l'homme dans l'humanité. Parmi les premiers chrétiens, beaucoup de néophytes entendaient retenir de leurs anciens dogmes ce qui leur en paraissait bon ; les Manichéens, par exemple, avaient conservé les deux principes du bien et du mal et la migration des âmes ; c'est ainsi que les hérésiarques venant à se multiplier, les Pères et les Conciles eurent tant à faire pour ramener les esprits à une foi uniforme. Définitivement victorieuse, l'Église apostolique bannit de son empire la métempsycose, à laquelle se substitua le dogme du jugement irrévocable et du partage des humains en élus et en damnés. Le purgatoire fut introduit plus tard comme correctif d'une décision par trop inflexible.
De même que je n'ai pas trop considéré comme un progrès le spiritualisme de saint Thomas dont on ne voit nulle trace dans les livres saints, de même encore je ne juge ni heureuse ni conforme à l'antique doctrine du péché originel, qui établit une solidarité si étroite entre toutes les générations d'hommes, l'affirmation dogmatique consistant à dire que l'existence de chacun de nous est sans racines dans le passé et aboutit à un paradis ou à un enfer éternels. C'est là, suivant moi, une hérésie philosophique contre laquelle l'esprit moderne réagit avec force.
On revient de toutes parts à la transmigration des âmes. Mais on conçoit généralement de nos jours une métempsycose plus large que celle dont on attribuait la croyance aux Anciens. L'esprit d'induction, ayant franchi les limites de la terre et reconnu dans les soleils et les planètes des mondes habitables, n'a plus borné les destinées de l'homme au globe terrestre. Au lieu de voir l'âme parcourant sans cesse le cercle des plantes, des animaux et de l'espèce humaine ou renaissant constamment dans l'humanité, on a pu se la figurer prenant son essor vers les mondes infinis[4].
Je n'ai que l'embarras du choix en fait de citations pour montrer que la foi a une série d'existences, les unes antérieures, les autres postérieures à la vie présente, grandit et s'impose chaque jour davantage aux esprits éclairés.
Commençons par Jean Reynaud. Ce philosophe insiste sur la liaison naturelle que présentent les deux idées de préexistence et de vie future.
Si l'on examinait, dit-il, tous les hommes qui ont passé sur la terre, depuis que l'ère des religions savantes y a commencé, on verrait que la grande majorité a vécu dans la conscience plus ou moins arrêtée d'une existence prolongée par des voies invisibles en deçà comme au delà des limites de cette vie. Il y a, en effet, une sorte de symétrie si logique qu'elle a dû séduire les imaginations à première vue ; le passé y fait équilibre à l'avenir, et le présent n'est que le pivot entre ce qui n'est plus et ce qui n'est pas encore. Le platonisme a réveillé cette lumière précédemment agitée par Pythagore, et s'en est servi pour éclairer les plus belles âmes qui aient honoré les temps anciens[5]. »
Ce jugement de Jean Reynaud se trouve pleinement confirmé par la note suivante de Lagrange, l'élégant traducteur du poème de Lucrèce :
De tous les philosophes qui ont vécu avant le christianisme, aucun n'a soutenu l'immortalité de l'âme sans établir préalablement sa préexistence ; l'un de ces dogmes était regardé comme la conséquence naturelle de l'autre. On croyait que l'âme devait toujours exister, parce qu'elle avait toujours existé ; et l'on était persuadé, au contraire, qu'en accordant qu'elle avait été engendrée avec le corps, on n'était plus en droit de nier qu'elle dût mourir avec lui. « - Notre âme, dit Platon, existait quelque part avant d'être dans cette forme d'hommes ; voilà pourquoi je ne doute pas qu'elle ne soit immortelle. »
Le vieux druidisme, poursuit l'auteur de Terre et Ciel, parle à mon cœur. Ce même sol que nous habitons aujourd'hui a porté avant nous un peuple de héros, qui tous étaient habitués à se considérer comme ayant pratiqué l'univers de longue date avant leur incarnation actuelle, fondant ainsi l'espérance de leur immortalité sur la conviction de leur préexistence.
Un de nos meilleurs historiens donne aussi de grands éloges au principal enseignement des druides ; Henri Martin est d'avis que nos pères, les Gaulois, représentaient dans le monde antique « la plus ferme, la plus claire notion de l'immortalité qui fut jamais[6]. »
Eugène Sue dit à son tour de la foi druidique :
« Selon cette sublime croyance, l'homme immortel, esprit et matière, venu d'en bas, allant en haut, transitait par cette terre, y demeurait passagèrement, ainsi qu'il avait demeuré et devait demeurer dans ces autres sphères qui brillent innombrables, au milieu des abîmes de l'espace[7]. »
Déjà, au dix-septième siècle, Cyrano de Bergerac disait à l'imitation des prêtres gaulois :
« Nous mourons plus d'une fois ; et, comme nous ne sommes que des parties de cet univers, nous changeons de forme pour reprendre vie ailleurs ; ce qui n'est point un mal, puisque c'est un chemin pour perfectionner son être et pour arriver à un nombre infini de connaissances. »
Plusieurs de nos contemporains, sans paraître s'inspirer des druides, annoncent cependant aussi que la destinée de l'âme est de voyager de mondes en mondes.
On lit, par exemple, dans la Profession de foi du dix-neuvième siècle, d'Eugène Pelletan :
« Par l'irrésistible logique de l'idée, je crois pouvoir affirmer que la vie mortelle aura l'espace infini pour lieu de pèlerinage… L'homme ira donc toujours de soleil en soleil, montant toujours, comme sur l'échelle de Jacob, la hiérarchie de l'existence ; passant toujours, selon son mérite et selon son progrès, de l'homme à l'ange, de l'ange à l'archange. »
Et dans la Rénovation religieuse, de M. Patrice Larroque, ancien recteur à l'Académie :
On peut conjecturer que la plupart des autres globes qui se meuvent dans l'espace, portent, comme la terre, des êtres organisés et animés, et que ces globes seront les théâtres successifs de nos vies futures.
Lamennais exprime l'idée de renaissance d'une manière tout aussi précise quoique plus restreinte :
« Le progrès, dit-il, possible à l'individu sous sa forme organique actuelle étant accompli, il rend à la masse élémentaire cet organisme usé, il en revêt un autre plus parfait[8]. »
Signalons encore le trait suivant du discours prononcé par M. Guéroult, de l'Opinion nationale, sur la tombe du père Enfantin :
« Nul ne fut plus religieux qu'Enfantin ; nul n'a vécu, autant que lui, en présence de la vie éternelle dont cette vie qui nous échappe à chaque instant n'est qu'une des étapes innombrables. »
Un de nos romanciers les plus célèbres donne à penser qu'il croit au passage des êtres inférieurs dans les espèces supérieures, et, nommément, des animaux dans l'humanité :
Expliquera qui voudra, dit George Sand, ces affinités entre l'homme et certains êtres secondaires dans la création. Elles sont tout aussi réelles que les antipathies et les terreurs insurmontables que nous inspirent certains animaux inoffensifs… C'est peut-être que tous les types, départis chacun spécialement à chaque race d'animaux, se retrouvent dans l'homme. Les physionomistes ont constaté des ressemblances physiques ; qui peut nier les ressemblances morales ? N'y a-t-il pas parmi nous des renards, des loups, des lions, des aigles, des hannetons, des mouches ? La grossièreté humaine est souvent basse et féroce comme l'appétit du pourceau…
George Sand se montre plus explicite à l'égard de la migration des âmes dans les lignes suivantes du même ouvrage[9] :
Si nous ne devons pas aspirer à la béatitude des purs esprits du pays des chimères, si nous devons entrevoir toujours au delà de cette vie un travail, un devoir, des épreuves et une organisation limitée dans ses facultés vis-à-vis de l'infini, du moins il nous est permis par la raison, et il nous est commandé par le cœur, de compter sur une suite d'existences progressives en raison de nos bons désirs… Nous pouvons regarder cette terre comme un lieu de passage et compter sur un réveil plus doux dans le berceau qui nous attend ailleurs. De mondes en mondes, nous pouvons, en nous dégageant de l'animalité qui combat ici-bas notre spiritualisme, nous rendre propres à revêtir un corps plus pur, plus approprié aux besoins de l'âme, moins combattu et moins entravé par les infirmités de la vie humaine telle que nous la subissons ici-bas.
Citons encore un romancier, Balzac. Les romanciers de cet ordre, de même que les poètes hors ligne, abordent les questions les plus élevées, et savent semer de traits profonds leurs écrits d'une forme agréable et légère. C'est ainsi que, dans les Misérables, Victor Hugo laisse tomber de sa plume cette vague interrogation : « D'où venons-nous ? et est-il bien sûr que nous n'ayons rien fait avant d'être né ? » Ce n'est qu'en pensant, et sans parti pris de soutenir une thèse philosophique, que l'auteur de la Comédie humaine parle des existences successives. Aussi ne puis-je que saisir cette pensée au vol de plusieurs de ses romans.
Voici, par exemple, quelques lignes du Lys dans la vallée :
« L'homme est composé de matière et d'esprit ; l'animalité vient aboutir en lui, et l'ange commence en lui. De là cette lutte que nous éprouvons tous entre une destinée future que nous pressentons et les souvenirs de nos instincts extérieurs, dont nous ne sommes pas entièrement détachés : un amour charnel et un amour divin. »
Et je trouve dans Séraphita, ce roman mystique où Balzac expose avec un intérêt et un charme si puissants la doctrine religieuse du Suédois Swedenborg :
« Les qualités acquises et qui se développent lentement en nous sont des liens invisibles qui rattachent chacun de nos existences l'un à l'autre. »
Enfin, dans les Comédiens sans le savoir, la sibylle, madame Fontaine, demande à Gazonal :
- Quelle fleur aimez-vous ?
- La rose.
- Quelle couleur affectionnez-vous ?
- Le bleu.
- Quel animal préférez-vous ?
- Le cheval. Pourquoi ces questions ? demande-t-il à son tour.
- L'homme tient à toutes les formes par ses états antérieurs, dit-elle sentencieusement ; de là viennent ses instincts, et ses instincts dominent sa destinée. »
Michelet témoigne de sa sympathie pour les mêmes idées, quand il appelle le chien un candidat à l'humanité, et lorsqu'il dit en parlant des oiseaux :
« Que sont-ils ? des âmes ébauchées, des âmes spécialisées encore dans telles fonctions de l'existence, des candidats à la vie plus générale et plus vastement harmonique où est arrivée l'âme humaine[10]. »
Pierre Leroux ne croit pas que l'homme ait passé par les types inférieurs des animaux et des plantes. Suivant lui, les individus se perpétuent au sein de l'espèce et l'homme renaît indéfiniment dans l'humanité. La solidarité entre tous les membres de la famille humaine est alors évidente ; le bien qu'un homme fait à ses semblables tourne à son propre avantage, puisqu'il ne s'en sépare à la mort que pour revenir bientôt se mêler à eux. En soutenant la perpétuité de l'être au sein de l'espèce, Pierre Leroux s'écarte des auteurs que je viens de citer et ne rencontre pas beaucoup d'approbateurs[11] ; mais il n'en est pas moins un défenseur ardent de l'idée générale et d'une importance extrême qui rattache la vie actuelle à une série d'existences.
Après avoir dit que l'enfant venant au monde n'est pas, comme le prétendait l'école de Locke, une table rase ; et que c'est faire injure à la Divinité de supposer qu'elle tire du néant de nouvelles créatures, qu'elle embellit au hasard de ses dons ou frappe au hasard de sa colère, Pierre Leroux conclut par ces mots :
Ainsi, de toute nécessité, il faut admettre ou le système indéterminé des métempsycoses, ou le système déterminé de renaissance dans l'humanité que je soutiens[12].
Je suis loin de repousser d'une manière absolue le système de renaissance dans l'humanité ; mais l'humanité a eu un commencement, postérieur même à celui de la plupart des espèces animales et végétales qui couvrent notre globe ; l'humanité aura une fin ; et, puisque l'âme ne périt pas, il faut que l'être permanent, le moi, plonge ses racines ailleurs que dans l'humanité, et trouve son développement futur ailleurs que dans l'humanité, forme transitoire. »
Les nombreuses citations que fait l'auteur, et qui sont loin d'être complètes, prouvent combien est générale l'idée de la pluralité des existences, et qu'avant peu elle sera passée à l'état de vérité acquise. Sur d'autres points, il s'écarte complètement de la doctrine spirite ; nous sommes loin de partager son opinion sur toutes les questions qu'il traite dans son livre, notamment en ce qui concerne la divinité à laquelle il attribue un rôle secondaire, et la nature intime de l'âme dont il conteste la spiritualité. Son système est une sorte de panthéisme qui côtoie le Spiritisme, et semble être un terme moyen pour certaines gens qui ne veulent ni de l'athéisme, ni du néantisme, ni du spiritualisme dogmatique. Quelque incomplet qu'il soit, ce n'en est pas moins un notable progrès sur les idées matérialistes dont il est beaucoup plus éloigné que des nôtres. Sauf quelques points très controversables, l'ouvrage contient des vues très profondes et très justes auxquelles le Spiritisme ne peut que s'associer.
[1] Un fort vol. in-12, Prix : 3 fr. 50 c. ; par la poste, 4 fr. Cet ouvrage a été imprimé à Lyon et ne porte aucun nom d'éditeur ; il est dit simplement qu'il se trouve à Paris, chez tous les libraires. Nous nous le sommes procuré à la librairie Internationale, 15, boulevard Montmartre.
[2] Si l'effet de l'injustice ou du mal qu'un homme commet à l'égard d'un autre homme, s'arrête à l'individu, la nécessité de la réparation sera individuelle ; mais si, par coutre coup, ce mal préjudicie, de proche en proche, à cent individus, sa dette sera centuplée, car ce seront cent réparations à accomplir. Plus il aura fait de victimes, directement ou indirectement, plus il y aura d'individus qui lui demanderont compte de sa conduite. C'est ainsi que la responsabilité, et le nombre des réparations augmentant avec l'étendue de l'autorité dont on est revêtu, on est responsable vis-à-vis d'individus que l'on n'a jamais connus, mais qui n'en ont pas moins souffert des conséquences de nos actes.
[3] Petit volume in-12 ; prix, 1 fr. 50 ; par la poste, 1 fr. 75. Chez Germer-Baillière, 17, rue de l'Ecole de médecine.
[4] Il était si naturel de profiter de l'issue glorieuse ouverte à l'âme par les découvertes astronomiques, que je ne puis croire que la métempsycose de Pythagore ait été réellement ce que le vulgaire en pensait ; car Pythagore connaissait le vrai système du monde ; le double mouvement de rotation et de translation de la terre ; l'immobilité relative du soleil ; l'importance des étoiles fixes, dont chacune est un soleil et le centre d'un groupe de planètes très probablement habitées ; la marche et le retour des comètes : rien de tout cela n'était ignoré de Pythagore. Ce philosophe, instruit par les savants prêtres égyptiens qui ne révélaient leurs secrets qu'à un petit nombre d'initiés, crut devoir, à leur exemple, tenir secrète cette partie de sa science. Un de ses disciples, moins scrupuleux, la divulgua ; mais comme les preuves faisaient défaut et que les vérités se trouvaient perdues au milieu d'erreurs et de rêveries mystiques, la révélation passa inaperçue. Il ne suffit pas d'émettre une idée juste, il faut savoir la faire accepter ; aussi Copernic et Galilée, les vulgarisateurs du véritable système cosmologique, en sont-ils regardés comme les inventeurs, quoique la notion première s'en perde dans la nuit des temps.
[5] Terre et Ciel.
[6] Histoire de France, 4e édit., t. I.
[7] Feuilleton de la Presse, du 19 octobre 1854. Les anciens auteurs n'ont pas tous méconnu le beau côté de la religion des druides, témoin ces vers de Lucain :
Vobis auctoribus, umbræ
Non tacitas Erebi sedes, Ditisque profundi
Pallida regna petunt : regit idem spiritus artus
Orbe alio : longæ (canitis si cognita) vitæ
Mors media est.
« Selon vous, Druides, les ombres ne descendent pas dans les silencieuses demeures de l'Erèbe, dans les pâles royaumes du dieu de l'abîme. Le même Esprit anime un nouveau corps dans une autre sphère. La mort (si vos hymnes contiennent la vérité) est le milieu d'une longue vie. »
[8] De la société première et de ses lois, liv. III.
[9] Histoire de ma vie.
[10] L'Oiseau.
[11] Goethe paraissait partager cette manière de voir, lorsqu'il s'écriait dans une de ses lettres à la charmante madame de Stein : « Pourquoi le destin nous a-t-il liés si étroitement ? Ah ! dans des temps écoulés, tu fus ma sœur ou mon épouse ! Tu as connu le moindre de mes traits, tu as épié la vibration de la plus pure de mes fibres, tu m'as su lire d'un regard, moi qu'un œil humain pénètre difficilement ! » (Revue germanique, décembre 1865.)
Victor Meunier n'est pas éloigné de croire aussi à la renaissance de l'homme sur la terre : « Le sort de ceux qui viendront après nous, dit-il, ne me trouve point indifférent, loin de là ! D'autant qu'il ne m'est pas démontré que nous ne nous succéderons point à nous-mêmes. » (La Science et les savants en 1865, 2e semestre.)
[12] De l'Humanité.
Instruction des Esprits
Qu'a-t-on fait de moi ?
Nous extrayons la communication suivante du journal Spirite le Salut, qui se publie à la Nouvelle-Orléans, numéro du 1er juin 1868 :
- Enfants, je vous ai écrit : « Quand votre bonne union m'appellera, je viendrai à vous ; » et votre bonne union m'a appelé, et me voici.
Vous voilà maintenant comme mes apôtres de jadis. Faites comme les bons et ne faites pas comme les mauvais ; que nul ne renie, que nul ne trahisse ! vous allez vous asseoir à la même table qui réunissait les amis de ma foi et de mon cœur ; que nul ne soit ni Pierre, ni Judas !
Oh ! mes bons enfants, regardez autour de vous et voyez ! ma croix, l'instrument glorieux de mon supplice vil, domine les édifices de la tyrannie… et moi, je n'étais venu que pour prêcher la liberté et le bonheur. Avec ma croix, on a noyé les corps dans le sang, et les consciences dans le mensonge ! Avec ma croix, on a dit aux hommes : « Obéissez à vos maîtres ; courbez-vous devant les oppresseurs ! « Et moi je disais : « Vous êtes tous les enfants d'un même père, sans distinction que celle de vos mérites, résultant de votre liberté.
J'avais dit aux grands : « Abaissez-vous ! » et aux petits : « Relevez-vous ! » et l'on a rehaussé les grands et abaissé les petits.
Qu'a-t-on fait de moi, de ma mémoire, de mon souvenir, de mon apostolat ? Un sabre ! - Oui, et il y en a encore qui se sont faits les agents de cette infamie !… Oh ! si l'on pouvait souffrir au séjour céleste, je souffrirais !… et vous, vous devez souffrir… et vous devez être prêts à tout pour la rédemption que j'ai commencée, ne serait-ce que pour arborer sur la même montagne le même signal de ralliement !… Il sera vu et compris, et on laissera tout pour le défendre, pour le bénir et l'aimer.
Enfants, allez vers le ciel avec la foi, et toute l'humanité vous suivra sans crainte et avec amour ! Vous saurez vite, dans la pratique, ce que c'est que le monde, si la théorie ne vous l'a pas enseigné.
Tout ce qui vous a été dit pour la pratique du vrai christianisme n'est que l'ombre de la vérité ! Le triomphe qui vous attend est autant au-dessus des triomphes humains et de ceux de vos pensées, que les étoiles du ciel sont au-dessus des erreurs de la terre !
Oh ! quand ils verront comme Thomas ! Quand ils auront touché !… Vous verrez ! vous verrez ! Les passions vous feront obstacles, puis elles vous feront secours, parce que ce seront les bonnes passions après les mauvaises passions.
Pensez à moi, quand vous allez briser mon pain et boire mon vin, en vous disant que vous arborerez, pour l'éternité, le drapeau des mondes… Oh ! oui, des mondes, car il ralliera le passé, le présent et l'avenir à Dieu.
JÉsus.
Le journal publie cette communication sans donner de renseignement sur les circonstances dans lesquelles elle a été obtenue ; il semble, cependant, qu'elle a dû l'être dans une fête commémorative de la cène, ou quelque agape fraternelle entre adeptes. Quoi qu'il en soit, elle porte, dans la forme et le fond des pensées, dans la simplicité jointe à la noblesse du style, un cachet d'identité qu'on ne saurait méconnaître. Elle atteste, de la part des assistants, des dispositions de nature à leur mériter cette faveur, et nous ne pouvons que les en féliciter. On peut voir que les instructions données en Amérique sur la charité et la fraternité, ne le cèdent en rien à celles qui sont données en Europe ; c'est le lien qui unira les habitants des deux mondes.
Nous extrayons la communication suivante du journal Spirite le Salut, qui se publie à la Nouvelle-Orléans, numéro du 1er juin 1868 :
- Enfants, je vous ai écrit : « Quand votre bonne union m'appellera, je viendrai à vous ; » et votre bonne union m'a appelé, et me voici.
Vous voilà maintenant comme mes apôtres de jadis. Faites comme les bons et ne faites pas comme les mauvais ; que nul ne renie, que nul ne trahisse ! vous allez vous asseoir à la même table qui réunissait les amis de ma foi et de mon cœur ; que nul ne soit ni Pierre, ni Judas !
Oh ! mes bons enfants, regardez autour de vous et voyez ! ma croix, l'instrument glorieux de mon supplice vil, domine les édifices de la tyrannie… et moi, je n'étais venu que pour prêcher la liberté et le bonheur. Avec ma croix, on a noyé les corps dans le sang, et les consciences dans le mensonge ! Avec ma croix, on a dit aux hommes : « Obéissez à vos maîtres ; courbez-vous devant les oppresseurs ! « Et moi je disais : « Vous êtes tous les enfants d'un même père, sans distinction que celle de vos mérites, résultant de votre liberté.
J'avais dit aux grands : « Abaissez-vous ! » et aux petits : « Relevez-vous ! » et l'on a rehaussé les grands et abaissé les petits.
Qu'a-t-on fait de moi, de ma mémoire, de mon souvenir, de mon apostolat ? Un sabre ! - Oui, et il y en a encore qui se sont faits les agents de cette infamie !… Oh ! si l'on pouvait souffrir au séjour céleste, je souffrirais !… et vous, vous devez souffrir… et vous devez être prêts à tout pour la rédemption que j'ai commencée, ne serait-ce que pour arborer sur la même montagne le même signal de ralliement !… Il sera vu et compris, et on laissera tout pour le défendre, pour le bénir et l'aimer.
Enfants, allez vers le ciel avec la foi, et toute l'humanité vous suivra sans crainte et avec amour ! Vous saurez vite, dans la pratique, ce que c'est que le monde, si la théorie ne vous l'a pas enseigné.
Tout ce qui vous a été dit pour la pratique du vrai christianisme n'est que l'ombre de la vérité ! Le triomphe qui vous attend est autant au-dessus des triomphes humains et de ceux de vos pensées, que les étoiles du ciel sont au-dessus des erreurs de la terre !
Oh ! quand ils verront comme Thomas ! Quand ils auront touché !… Vous verrez ! vous verrez ! Les passions vous feront obstacles, puis elles vous feront secours, parce que ce seront les bonnes passions après les mauvaises passions.
Pensez à moi, quand vous allez briser mon pain et boire mon vin, en vous disant que vous arborerez, pour l'éternité, le drapeau des mondes… Oh ! oui, des mondes, car il ralliera le passé, le présent et l'avenir à Dieu.
JÉsus.
Le journal publie cette communication sans donner de renseignement sur les circonstances dans lesquelles elle a été obtenue ; il semble, cependant, qu'elle a dû l'être dans une fête commémorative de la cène, ou quelque agape fraternelle entre adeptes. Quoi qu'il en soit, elle porte, dans la forme et le fond des pensées, dans la simplicité jointe à la noblesse du style, un cachet d'identité qu'on ne saurait méconnaître. Elle atteste, de la part des assistants, des dispositions de nature à leur mériter cette faveur, et nous ne pouvons que les en féliciter. On peut voir que les instructions données en Amérique sur la charité et la fraternité, ne le cèdent en rien à celles qui sont données en Europe ; c'est le lien qui unira les habitants des deux mondes.
Sous Presse
Pour paraître à la fin de septembro
Le SPIRITISME DANS LA BIBLE, essai sur tes idées psycho!ogiques chez les anciens hébreux; par Henri Stecki, de St. Pétersbourg. Brochure de 150 à 200 pages; format du Qu' est·ce que le Spiritisme
Le SPIRITISME DANS LA BIBLE, essai sur tes idées psycho!ogiques chez les anciens hébreux; par Henri Stecki, de St. Pétersbourg. Brochure de 150 à 200 pages; format du Qu' est·ce que le Spiritisme
Ligue Internationale de la Paix
Nous sommes priés de porter à la connaissance des lecteurs de la Revue Spirite que les adhésions et
souscriptions à la Ligue internationale de la paix sont reçues chez MM. Dolfus, Mieg et Ce,
trésoriers de la ligue, rue Saint-Fiacre n° 9, et au secrétariat, rue Roquépine, n° 18, où l'on peut
également se procurer tous renseignements et adresser toutes communications. Nous avons en
même temps reçu une brochure contenant le compte rendu de la première assemblée générale, les
discours des orateurs, et divers documents utiles pour faire connaître le but de cette association. Elle
se trouve à la librairie Guillaumin, rue Richelieu, 14, prix, 1 fr.
Nous déférons d'autant plus volontiers à l'invitation qui nous est faite, que tous les Spirites sont, par principes, les amis de la paix, et qu'ils sympathisent avec toutes les institutions ou projets ayant pour but de faire disparaître le fléau de la guerre. Leur doctrine, qui conduit à la fraternité universelle, en faisant disparaître les antagonismes de races, de peuples et de cultes, est par elle- même un puissant élément pour la paix générale.
Nous déférons d'autant plus volontiers à l'invitation qui nous est faite, que tous les Spirites sont, par principes, les amis de la paix, et qu'ils sympathisent avec toutes les institutions ou projets ayant pour but de faire disparaître le fléau de la guerre. Leur doctrine, qui conduit à la fraternité universelle, en faisant disparaître les antagonismes de races, de peuples et de cultes, est par elle- même un puissant élément pour la paix générale.