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REVUE SPIRITE JOURNAL D'ETUDES PSYCHOLOGIQUES - 1868 > Novembre
Novembre
Épidémie de l'île Maurice
Nous avons décrit, dans la revue de juillet 1867, page 208, la terrible maladie qui ravage l'île Maurice (ancienne île de France) depuis deux ans. Le dernier courrier nous apporte des lettres de deux de nos frères en croyance de ce pays. Dans l'une se trouve le passage suivant :
« Veuillez m'excuser d'être restée si longtemps sans vous donner de mes nouvelles ; certes, ce n'était pas le désir qui me manquait, mais bien la possibilité ; car mon temps étant divisé en deux parts, l'une pour le travail qui me fait vivre, l'autre pour la maladie qui nous tue, j'ai bien peu d'instants à employer selon mes goûts. Cependant je suis un peu plus tranquille ; voilà un mois que je n'ai eu la fièvre ; il est vrai que c'est à cette époque qu'elle semble s'apaiser un peu ; mais, hélas ! c'est reculer pour mieux sauter, car les prochaines chaleurs vont sans doute lui rendre encore sa vigueur première. Aussi, bien convaincue de la certitude de cette perspective, je vis au jour le jour, me détachant autant que possible des vanités humaines, afin de faciliter mon passage dans le monde des Esprits où, franchement, je ne serais nullement fâchée de me trouver, dans de bonnes conditions, bien entendu. »
Un incrédule disait un jour, à propos d'une personne qui exprimait une pensée analogue au sujet de la mort : « Il faut être Spirite pour avoir de ces idées-là ! » Sans le vouloir, il faisait le plus bel éloge du Spiritisme. N'est-ce pas un grand bienfait que le calme avec lequel il fait considérer le terme fatal de la vie que tant de gens voient approcher avec effroi ? Que d'angoisses et de tourments sont épargnés à ceux qui envisagent la mort comme une transformation de leur être, une transition instantanée, sans interruption de la vie spirituelle ! Ils attendent le départ avec sérénité, parce qu'ils savent où ils vont et ce qu'ils seront ; ce qui ajoute à leur tranquillité, c'est la certitude, non seulement de retrouver ceux qui leur sont chers, mais de n'être point séparés de ceux qui restent après eux ; de les voir et de les aider plus facilement et mieux que de leur vivant ; ils ne regrettent point les joies de ce monde, parce qu'ils savent qu'ils en auront de plus grandes, de plus suaves, sans mélange de tribulations. Ce qui cause les appréhensions de la mort, c'est l'inconnu ; or, pour les Spirites, la mort n'a plus de mystères.
La seconde lettre contient ce qui suit :
« C'est avec un sentiment de profonde gratitude que je viens vous remercier des solides principes que vous avez inculqués dans mon esprit, et qui, seuls, m'ont donné la force et le courage d'accepter avec calme et résignation les rudes épreuves que j'ai eu à subir depuis un an par le fait de la terrible épidémie qui décime notre population. Il y a déjà soixante mille âmes de parties !
Comme vous devez l'imaginer, la plupart des membres formant, à Port-Louis, notre petit groupe qui commençait à si bien fonctionner, ont eu à souffrir, comme moi, dans ce désastre général. Par une communication spontanée du 25 juillet 1866, il nous fut annoncé que nous allions être obligés de suspendre nos travaux ; trois mois après, nous fûmes forcés de discontinuer, par suite de la maladie de plusieurs d'entre nous, et la mort de nos parents et de nos amis. Jusqu'à cette heure nous n'avons pas pu recommencer, bien que tous nos médiums soient existants, ainsi que les principaux membres de notre groupe. Nous avons plusieurs fois essayé de nous réunir de nouveau, mais sans pouvoir réussir. C'est pourquoi chacun de nous a été obligé de prendre connaissance isolément de votre lettre, en date du 26 octobre 1867 à madame de G… où se trouve la communication du docteur Demeure qui nous donne de grands et très justes enseignements sur tout ce qui nous arrive ; chacun de nous a pu en apprécier la justesse pour ce qui le concerne ; car il est à constater que la maladie a pris tant de formes multiples, que les médecins n'ont jamais pu tomber d'accord : chacun a suivi une méthode particulière.
Pourtant, le jeune docteur Labonté semble être celui qui a le mieux défini la maladie ; je puis croire qu'il est dans le vrai au point de vue matériel, puisqu'il a passé par toutes les souffrances dont il s'est fait le narrateur[1]. A notre point de vue spiritualiste, nous pourrions y voir une application de la préface de l'Evangile selon le Spiritisme, car la période néfaste que nous traversons a été marquée, au début, par une pluie extraordinaire d'étoiles filantes, tombée à Maurice dans la nuit du 13 au 14 novembre 1866. Bien que ce phénomène soit connu pour avoir été assez fréquent de septembre à novembre, à certaines époques périodiques, il n'est pas moins remarquable que, cette fois, les étoiles filantes ont été si nombreuses, qu'elles ont impressionné et fait tressaillir ceux qui les ont observées. Cet imposant spectacle restera gravé dans notre mémoire, parce que c'est précisément après cet événement que la maladie a pris un caractère affligeant. Dès ce moment, elle est devenue générale et mortelle, ce qui, aujourd'hui, peut nous autoriser à penser, comme nous le dit le docteur Demeure, que nous sommes arrivés à la période de la transformation des habitants de la terre, pour leur avancement moral.
A propos de calmants que recommande le docteur Demeure, vous avez parlé de marrons d'Inde dont l'emploi serait plus avantageux que la quinine qui affecte les organes cérébraux. Nous ne connaissons pas cette plante ici ; mais après la lecture de votre lettre où il en est fait mention, le nom d'une autre plante m'est venu à l'esprit par intuition ; c'est le Croton tiglium, vulgairement appelé à Maurice Pion d'Inde ; je l'ai employé comme sudorifique, avec beaucoup de succès ; les feuilles seulement, car la graine est un poison violent. Veuillez, je vous prie, demander au docteur Demeure ce qu'il pense de cette plante, et s'il approuve l'emploi que j'en ai fait, comme calmant, car je partage complètement son opinion sur le caractère de cette maladie bizarre, qui me paraît une variante du ramannenzaa ou fièvre de Madagascar, moins les manifestations extérieures. »
Si l'on pouvait douter un seul instant de la vulgarisation universelle de la doctrine spirite, le doute disparaîtrait en voyant les heureux qu'elle fait, les consolations qu'elle procure, la force et le courage qu'elle donne dans les moments les plus pénibles de la vie, parce qu'il est dans la nature de l'homme de rechercher ce qui peut assurer son bonheur et sa tranquillité. C'est là le plus puissant élément de propagation du Spiritisme, et que personne ne lui enlèvera, à moins de donner plus qu'il ne donne. Pour nous, c'est une grande satisfaction de voir les bienfaits qu'il répand ; chaque affligé consolé, chaque courage abattu relevé, chaque progrès moral opéré, nous paye au centuple de nos peines et de nos fatigues ; c'est là aussi une satisfaction qu'il n'est au pouvoir de personne de nous enlever.
Ces lettres, lues à la Société de Paris, ont donné lieu aux communications suivantes qui traitent la question au double point de vue local et général, matériel et moral.
Société de Paris, 16 octobre 1868
Dans tous les temps, on a fait précéder les grands cataclysmes physiologiques de signes manifestes de la colère des dieux. Des phénomènes particuliers devançaient l'irruption du mal, comme un avertissement de se préparer au danger. Ces manifestations ont eu lieu, en effet, non comme présage surnaturel, mais comme symptômes de l'imminence de la perturbation.
Comme on a eu raison de vous le dire, dans les crises en apparence les plus anormales qui déciment tour à tour les différentes contrées du globe, rien n'est laissé au hasard ; elles sont la conséquence des influences des mondes et des éléments les uns sur les autres (octobre 1868, page 313) ; elles sont préparées de longue main, et la cause en est, par conséquent, parfaitement normale.
La santé est le résultat de l'équilibre des forces naturelles ; si une maladie épidémique sévit quelque part, elle ne peut être que la conséquence d'une rupture de cet équilibre ; de là, l'état particulier de l'atmosphère et les phénomènes singuliers qu'on y peut observer.
Les météores connus sous le nom d'étoiles filantes sont composés d'éléments matériels comme tout ce qui tombe sous les sens ; ils n'apparaissent que grâce à la phosphorescence de ces éléments en combustion, et dont la nature spéciale développe parfois dans l'air respirable des influences délétères et morbifiques. Les étoiles filantes étaient à Maurice, non le présage, mais la cause seconde du fléau. Pourquoi leur action s'est-elle exercée en particulier sur cette contrée ? D'abord, parce qu'elle est un des moyens destinés, comme l'a fort bien dit votre correspondant, à régénérer l'humanité et la terre proprement dite, en provoquant le départ des incarnés et la modification des éléments matériels ; et aussi, parce que les causes qui déterminent ces sortes d'épidémie à Madagascar, au Sénégal et partout où la fièvre paludéenne et la fièvre jaune exercent leurs ravages, n'existant pas à Maurice, la violence et la persistance du mal devaient déterminer la recherche sérieuse de sa source, et attirer l'attention sur la part que pouvaient y prendre les influences de l'ordre psychologique.
Ceux qui ont survécu, en contact forcé avec les malades et les mourants, ont été témoins de scènes dont ils ne se sont pas tout d'abord rendu compte, mais dont le souvenir leur reviendra avec le calme, et qui ne peuvent être expliquées que par la science spirite. Les faits d'apparitions, de communications avec les morts, de prévisions suivies de réalisation, y ont été très communs. Le désastre apaisé, la mémoire de tous ces faits surgira et provoquera des réflexions qui amèneront peu à peu à accepter nos croyances.
Maurice va renaître ! l'année nouvelle verra s'éteindre le fléau dont elle a été la victime, non par l'effet des remèdes, mais parce que la cause y aura produit son effet ; d'autres climats subiront à leur tour les étreintes d'un mal de même nature ou de toute autre, déterminant les mêmes désastres et conduisant aux mêmes résultats.
Une épidémie universelle aurait semé l'épouvante dans l'humanité entière et arrêté pour longtemps l'essor de tout progrès ; une épidémie restreinte, attaquant tour à tour et sous des formes multiples chaque centre de civilisation, produira les mêmes effets salutaires et régénérateurs, mais laissera intacts les moyens d'action dont la science peut disposer. Ceux qui meurent sont frappés d'impuissance ; mais ceux qui voient la mort à leur porte cherchent de nouveaux moyens de la combattre. Le péril rend inventif ; et, lorsque tous les moyens matériels seront épuisés, chacun sera bien contraint de demander le salut aux moyens spirituels.
Il est effrayant sans doute de songer à des dangers de cette nature, mais puisqu'ils sont nécessaires et n'auront que d'heureuses conséquences, il est préférable, au lieu de les attendre en tremblant, de se préparer à les affronter sans crainte, quels qu'en soient les résultats. Pour le matérialiste, c'est la mort hideuse et le néant à sa suite ; pour le spiritualiste et en particulier pour le Spirite, qu'importe ce qui arrivera ! S'il échappe au péril, l'épreuve le trouvera toujours inébranlable ; s'il meurt, ce qu'il connaît de l'autre vie lui fera envisager le passage sans pâlir.
Préparez-vous donc à tout, et quelles que soient l'heure et la nature du danger, soyez pénétrés de cette vérité : que la mort n'est qu'un vain mot, et qu'il n'est aucune souffrance que ne puissent dominer les forces humaines. Ceux auxquels le mal sera insupportable, seront ceux-là seuls qui l'auront reçu le rire aux lèvres et l'insouciance au cœur, c'est-à-dire qui se croiront forts de leur incrédulité.
Clélie Duplantier.
Société, Paris, 23 octobre 1868
Le croton Tiglium peut certainement être employé avec succès, surtout à doses homœopathiques pour calmer les crampes et rétablir la circulation normale du fluide nerveux ; on peut également en faire usage d'une manière locale, en frictionnant la peau avec une infusion légère, mais il ne serait pas prudent d'en généraliser l'usage. Ce n'est pas ici un médicament applicable à tous les malades, ni à toutes les phases de la maladie. Dans le cas où il serait d'usage public, il ne devrait être appliqué que sur l'indication de personnes pouvant en constater l'utilité et en apprécier les effets ; autrement, celui qui en aurait déjà éprouvé l'action salutaire, pourrait, dans un cas donné, y être tout à fait insensible, ou même en éprouver des inconvénients. Ce n'est pas un de ces médicaments neutres qui ne font aucun mal lorsqu'ils ne produisent pas de bien. Il ne doit être employé que dans des cas spéciaux et sous la direction de personnes possédant des connaissances suffisantes pour en diriger l'action.
J'espère, d'ailleurs, qu'il ne sera pas nécessaire d'en éprouver l'efficacité, et qu'une ère plus calme se prépare pour les malheureux habitants de Maurice. Ils ne sont pas encore délivrés, tant s'en faut ; mais, sauf exception, les attaques ne sont en général pas mortelles, à moins que des incidents d'autres natures ne viennent leur donner un caractère de gravité particulière. La maladie en elle-même touche à sa fin. L'île entre dans la période de convalescence ; il peut y avoir quelques petites recrudescences, mais j'ai tout lieu de croire que l'épidémie ira désormais en s'amoindrissant jusqu'à l'extinction complète des symptômes qui la caractérisent.
Mais quelle sera son influence sur ceux des habitants de Maurice qui auront survécu au désastre ? Quelles conséquences déduiront-ils des manifestations de toutes natures dont ils ont été les témoins involontaires ? Les apparitions, dont un grand nombre ont été l'objet, produiront-elles l'effet qu'on est en droit d'en attendre ? Les résolutions prises sous l'empire de la crainte, du remords et des reproches d'une conscience troublée, ne seront-elles pas réduites à néant lorsque la tranquillité renaîtra ?
Il serait à désirer que le souvenir de ces scènes lugubres se gravât d'une manière indélébile dans leur esprit, et les obligeât à modifier leur conduite en redressant leurs croyances ; car ils doivent être bien persuadés que l'équilibre ne se rétablira d'une manière complète que lorsque les Esprits seront autant dépouillés de leur iniquité, que l'atmosphère sera purifiée des miasmes délétères qui ont provoqué la naissance et le développement du mal.
Nous entrons chaque jour davantage dans la période transitoire qui doit amener la transformation organique de la terre et la régénération de ses habitants. Les fléaux sont les instruments dont se sert le grand chirurgien de l'univers pour extirper du monde, destiné à marcher en avant, les éléments gangrenés qui y provoqueraient des désordres incompatibles avec son nouvel état. Chaque organe, ou pour mieux dire chaque contrée, sera tour à tour fouillée par des fléaux de natures diverses. Ici, l'épidémie sous toutes ses formes, ailleurs la guerre, la famine. Chacun doit donc se préparer à supporter l'épreuve dans les meilleures conditions possibles en s'améliorant et en s'instruisant, afin de ne pas être surpris à l'improviste. Déjà, quelques contrées ont été éprouvées, mais leurs habitants seraient dans une complète erreur s'ils se fiaient à l'ère de calme qui va succéder à la tempête pour retomber dans leurs anciens errements. C'est un temps de répit qui leur est accordé pour entrer dans une meilleure voie ; s'ils n'en profitent pas, l'instrument de mort les éprouvera jusqu'à les amener à résipiscence. Bienheureux ceux que l'épreuve a frappés tout d'abord, car ils auront pour s'instruire, non seulement les maux qu'ils ont subis, mais le spectacle de ceux dont leurs frères en humanité seront frappés à leur tour. Nous espérons qu'un tel exemple leur sera salutaire, et qu'ils entreront, sans hésiter, dans la voie nouvelle qui leur permettra de marcher de concert avec le progrès.
Il serait à désirer que les habitants de Maurice ne soient pas des derniers à mettre à profit la sévère leçon qu'ils ont reçue.
Docteur Demeure.
[1] M. le docteur Labonté a décrit l'épidémie de l'île Saint-Maurice dans une brochure que nous avons lue avec intérêt, et où se révèle l'observateur sérieux et judicieux. C'est un homme dévoué à son art, et autant qu'on en peut juger de loin, par analogie, il nous paraît avoir bien caractérisé cette singulière maladie, au point de vue physiologique ; malheureusement, en ce qui concerne la thérapeutique, elle déjoue toutes les prévisions de la science. Dans un cas exceptionnel, comme celui-ci, l'insuccès ne préjugerait rien contre le savoir du médecin. Le Spiritisme ouvre à la science médicale des horizons tout nouveaux en démontrant le rôle prépondérant de l'élément spirituel dans l'économie et dans un grand nombre d'affections, où la médecine échoue, parce qu'elle s'obstine à n'en chercher la cause que dans la matière tangible. La connaissance de l'action du périsprit sur l'organisme ajoutera une nouvelle branche à la pathologie, et modifiera profondément le mode de traitement de certaines maladies, dont la véritable cause ne sera plus un problème.
« Veuillez m'excuser d'être restée si longtemps sans vous donner de mes nouvelles ; certes, ce n'était pas le désir qui me manquait, mais bien la possibilité ; car mon temps étant divisé en deux parts, l'une pour le travail qui me fait vivre, l'autre pour la maladie qui nous tue, j'ai bien peu d'instants à employer selon mes goûts. Cependant je suis un peu plus tranquille ; voilà un mois que je n'ai eu la fièvre ; il est vrai que c'est à cette époque qu'elle semble s'apaiser un peu ; mais, hélas ! c'est reculer pour mieux sauter, car les prochaines chaleurs vont sans doute lui rendre encore sa vigueur première. Aussi, bien convaincue de la certitude de cette perspective, je vis au jour le jour, me détachant autant que possible des vanités humaines, afin de faciliter mon passage dans le monde des Esprits où, franchement, je ne serais nullement fâchée de me trouver, dans de bonnes conditions, bien entendu. »
Un incrédule disait un jour, à propos d'une personne qui exprimait une pensée analogue au sujet de la mort : « Il faut être Spirite pour avoir de ces idées-là ! » Sans le vouloir, il faisait le plus bel éloge du Spiritisme. N'est-ce pas un grand bienfait que le calme avec lequel il fait considérer le terme fatal de la vie que tant de gens voient approcher avec effroi ? Que d'angoisses et de tourments sont épargnés à ceux qui envisagent la mort comme une transformation de leur être, une transition instantanée, sans interruption de la vie spirituelle ! Ils attendent le départ avec sérénité, parce qu'ils savent où ils vont et ce qu'ils seront ; ce qui ajoute à leur tranquillité, c'est la certitude, non seulement de retrouver ceux qui leur sont chers, mais de n'être point séparés de ceux qui restent après eux ; de les voir et de les aider plus facilement et mieux que de leur vivant ; ils ne regrettent point les joies de ce monde, parce qu'ils savent qu'ils en auront de plus grandes, de plus suaves, sans mélange de tribulations. Ce qui cause les appréhensions de la mort, c'est l'inconnu ; or, pour les Spirites, la mort n'a plus de mystères.
La seconde lettre contient ce qui suit :
« C'est avec un sentiment de profonde gratitude que je viens vous remercier des solides principes que vous avez inculqués dans mon esprit, et qui, seuls, m'ont donné la force et le courage d'accepter avec calme et résignation les rudes épreuves que j'ai eu à subir depuis un an par le fait de la terrible épidémie qui décime notre population. Il y a déjà soixante mille âmes de parties !
Comme vous devez l'imaginer, la plupart des membres formant, à Port-Louis, notre petit groupe qui commençait à si bien fonctionner, ont eu à souffrir, comme moi, dans ce désastre général. Par une communication spontanée du 25 juillet 1866, il nous fut annoncé que nous allions être obligés de suspendre nos travaux ; trois mois après, nous fûmes forcés de discontinuer, par suite de la maladie de plusieurs d'entre nous, et la mort de nos parents et de nos amis. Jusqu'à cette heure nous n'avons pas pu recommencer, bien que tous nos médiums soient existants, ainsi que les principaux membres de notre groupe. Nous avons plusieurs fois essayé de nous réunir de nouveau, mais sans pouvoir réussir. C'est pourquoi chacun de nous a été obligé de prendre connaissance isolément de votre lettre, en date du 26 octobre 1867 à madame de G… où se trouve la communication du docteur Demeure qui nous donne de grands et très justes enseignements sur tout ce qui nous arrive ; chacun de nous a pu en apprécier la justesse pour ce qui le concerne ; car il est à constater que la maladie a pris tant de formes multiples, que les médecins n'ont jamais pu tomber d'accord : chacun a suivi une méthode particulière.
Pourtant, le jeune docteur Labonté semble être celui qui a le mieux défini la maladie ; je puis croire qu'il est dans le vrai au point de vue matériel, puisqu'il a passé par toutes les souffrances dont il s'est fait le narrateur[1]. A notre point de vue spiritualiste, nous pourrions y voir une application de la préface de l'Evangile selon le Spiritisme, car la période néfaste que nous traversons a été marquée, au début, par une pluie extraordinaire d'étoiles filantes, tombée à Maurice dans la nuit du 13 au 14 novembre 1866. Bien que ce phénomène soit connu pour avoir été assez fréquent de septembre à novembre, à certaines époques périodiques, il n'est pas moins remarquable que, cette fois, les étoiles filantes ont été si nombreuses, qu'elles ont impressionné et fait tressaillir ceux qui les ont observées. Cet imposant spectacle restera gravé dans notre mémoire, parce que c'est précisément après cet événement que la maladie a pris un caractère affligeant. Dès ce moment, elle est devenue générale et mortelle, ce qui, aujourd'hui, peut nous autoriser à penser, comme nous le dit le docteur Demeure, que nous sommes arrivés à la période de la transformation des habitants de la terre, pour leur avancement moral.
A propos de calmants que recommande le docteur Demeure, vous avez parlé de marrons d'Inde dont l'emploi serait plus avantageux que la quinine qui affecte les organes cérébraux. Nous ne connaissons pas cette plante ici ; mais après la lecture de votre lettre où il en est fait mention, le nom d'une autre plante m'est venu à l'esprit par intuition ; c'est le Croton tiglium, vulgairement appelé à Maurice Pion d'Inde ; je l'ai employé comme sudorifique, avec beaucoup de succès ; les feuilles seulement, car la graine est un poison violent. Veuillez, je vous prie, demander au docteur Demeure ce qu'il pense de cette plante, et s'il approuve l'emploi que j'en ai fait, comme calmant, car je partage complètement son opinion sur le caractère de cette maladie bizarre, qui me paraît une variante du ramannenzaa ou fièvre de Madagascar, moins les manifestations extérieures. »
Si l'on pouvait douter un seul instant de la vulgarisation universelle de la doctrine spirite, le doute disparaîtrait en voyant les heureux qu'elle fait, les consolations qu'elle procure, la force et le courage qu'elle donne dans les moments les plus pénibles de la vie, parce qu'il est dans la nature de l'homme de rechercher ce qui peut assurer son bonheur et sa tranquillité. C'est là le plus puissant élément de propagation du Spiritisme, et que personne ne lui enlèvera, à moins de donner plus qu'il ne donne. Pour nous, c'est une grande satisfaction de voir les bienfaits qu'il répand ; chaque affligé consolé, chaque courage abattu relevé, chaque progrès moral opéré, nous paye au centuple de nos peines et de nos fatigues ; c'est là aussi une satisfaction qu'il n'est au pouvoir de personne de nous enlever.
Ces lettres, lues à la Société de Paris, ont donné lieu aux communications suivantes qui traitent la question au double point de vue local et général, matériel et moral.
Société de Paris, 16 octobre 1868
Dans tous les temps, on a fait précéder les grands cataclysmes physiologiques de signes manifestes de la colère des dieux. Des phénomènes particuliers devançaient l'irruption du mal, comme un avertissement de se préparer au danger. Ces manifestations ont eu lieu, en effet, non comme présage surnaturel, mais comme symptômes de l'imminence de la perturbation.
Comme on a eu raison de vous le dire, dans les crises en apparence les plus anormales qui déciment tour à tour les différentes contrées du globe, rien n'est laissé au hasard ; elles sont la conséquence des influences des mondes et des éléments les uns sur les autres (octobre 1868, page 313) ; elles sont préparées de longue main, et la cause en est, par conséquent, parfaitement normale.
La santé est le résultat de l'équilibre des forces naturelles ; si une maladie épidémique sévit quelque part, elle ne peut être que la conséquence d'une rupture de cet équilibre ; de là, l'état particulier de l'atmosphère et les phénomènes singuliers qu'on y peut observer.
Les météores connus sous le nom d'étoiles filantes sont composés d'éléments matériels comme tout ce qui tombe sous les sens ; ils n'apparaissent que grâce à la phosphorescence de ces éléments en combustion, et dont la nature spéciale développe parfois dans l'air respirable des influences délétères et morbifiques. Les étoiles filantes étaient à Maurice, non le présage, mais la cause seconde du fléau. Pourquoi leur action s'est-elle exercée en particulier sur cette contrée ? D'abord, parce qu'elle est un des moyens destinés, comme l'a fort bien dit votre correspondant, à régénérer l'humanité et la terre proprement dite, en provoquant le départ des incarnés et la modification des éléments matériels ; et aussi, parce que les causes qui déterminent ces sortes d'épidémie à Madagascar, au Sénégal et partout où la fièvre paludéenne et la fièvre jaune exercent leurs ravages, n'existant pas à Maurice, la violence et la persistance du mal devaient déterminer la recherche sérieuse de sa source, et attirer l'attention sur la part que pouvaient y prendre les influences de l'ordre psychologique.
Ceux qui ont survécu, en contact forcé avec les malades et les mourants, ont été témoins de scènes dont ils ne se sont pas tout d'abord rendu compte, mais dont le souvenir leur reviendra avec le calme, et qui ne peuvent être expliquées que par la science spirite. Les faits d'apparitions, de communications avec les morts, de prévisions suivies de réalisation, y ont été très communs. Le désastre apaisé, la mémoire de tous ces faits surgira et provoquera des réflexions qui amèneront peu à peu à accepter nos croyances.
Maurice va renaître ! l'année nouvelle verra s'éteindre le fléau dont elle a été la victime, non par l'effet des remèdes, mais parce que la cause y aura produit son effet ; d'autres climats subiront à leur tour les étreintes d'un mal de même nature ou de toute autre, déterminant les mêmes désastres et conduisant aux mêmes résultats.
Une épidémie universelle aurait semé l'épouvante dans l'humanité entière et arrêté pour longtemps l'essor de tout progrès ; une épidémie restreinte, attaquant tour à tour et sous des formes multiples chaque centre de civilisation, produira les mêmes effets salutaires et régénérateurs, mais laissera intacts les moyens d'action dont la science peut disposer. Ceux qui meurent sont frappés d'impuissance ; mais ceux qui voient la mort à leur porte cherchent de nouveaux moyens de la combattre. Le péril rend inventif ; et, lorsque tous les moyens matériels seront épuisés, chacun sera bien contraint de demander le salut aux moyens spirituels.
Il est effrayant sans doute de songer à des dangers de cette nature, mais puisqu'ils sont nécessaires et n'auront que d'heureuses conséquences, il est préférable, au lieu de les attendre en tremblant, de se préparer à les affronter sans crainte, quels qu'en soient les résultats. Pour le matérialiste, c'est la mort hideuse et le néant à sa suite ; pour le spiritualiste et en particulier pour le Spirite, qu'importe ce qui arrivera ! S'il échappe au péril, l'épreuve le trouvera toujours inébranlable ; s'il meurt, ce qu'il connaît de l'autre vie lui fera envisager le passage sans pâlir.
Préparez-vous donc à tout, et quelles que soient l'heure et la nature du danger, soyez pénétrés de cette vérité : que la mort n'est qu'un vain mot, et qu'il n'est aucune souffrance que ne puissent dominer les forces humaines. Ceux auxquels le mal sera insupportable, seront ceux-là seuls qui l'auront reçu le rire aux lèvres et l'insouciance au cœur, c'est-à-dire qui se croiront forts de leur incrédulité.
Clélie Duplantier.
Société, Paris, 23 octobre 1868
Le croton Tiglium peut certainement être employé avec succès, surtout à doses homœopathiques pour calmer les crampes et rétablir la circulation normale du fluide nerveux ; on peut également en faire usage d'une manière locale, en frictionnant la peau avec une infusion légère, mais il ne serait pas prudent d'en généraliser l'usage. Ce n'est pas ici un médicament applicable à tous les malades, ni à toutes les phases de la maladie. Dans le cas où il serait d'usage public, il ne devrait être appliqué que sur l'indication de personnes pouvant en constater l'utilité et en apprécier les effets ; autrement, celui qui en aurait déjà éprouvé l'action salutaire, pourrait, dans un cas donné, y être tout à fait insensible, ou même en éprouver des inconvénients. Ce n'est pas un de ces médicaments neutres qui ne font aucun mal lorsqu'ils ne produisent pas de bien. Il ne doit être employé que dans des cas spéciaux et sous la direction de personnes possédant des connaissances suffisantes pour en diriger l'action.
J'espère, d'ailleurs, qu'il ne sera pas nécessaire d'en éprouver l'efficacité, et qu'une ère plus calme se prépare pour les malheureux habitants de Maurice. Ils ne sont pas encore délivrés, tant s'en faut ; mais, sauf exception, les attaques ne sont en général pas mortelles, à moins que des incidents d'autres natures ne viennent leur donner un caractère de gravité particulière. La maladie en elle-même touche à sa fin. L'île entre dans la période de convalescence ; il peut y avoir quelques petites recrudescences, mais j'ai tout lieu de croire que l'épidémie ira désormais en s'amoindrissant jusqu'à l'extinction complète des symptômes qui la caractérisent.
Mais quelle sera son influence sur ceux des habitants de Maurice qui auront survécu au désastre ? Quelles conséquences déduiront-ils des manifestations de toutes natures dont ils ont été les témoins involontaires ? Les apparitions, dont un grand nombre ont été l'objet, produiront-elles l'effet qu'on est en droit d'en attendre ? Les résolutions prises sous l'empire de la crainte, du remords et des reproches d'une conscience troublée, ne seront-elles pas réduites à néant lorsque la tranquillité renaîtra ?
Il serait à désirer que le souvenir de ces scènes lugubres se gravât d'une manière indélébile dans leur esprit, et les obligeât à modifier leur conduite en redressant leurs croyances ; car ils doivent être bien persuadés que l'équilibre ne se rétablira d'une manière complète que lorsque les Esprits seront autant dépouillés de leur iniquité, que l'atmosphère sera purifiée des miasmes délétères qui ont provoqué la naissance et le développement du mal.
Nous entrons chaque jour davantage dans la période transitoire qui doit amener la transformation organique de la terre et la régénération de ses habitants. Les fléaux sont les instruments dont se sert le grand chirurgien de l'univers pour extirper du monde, destiné à marcher en avant, les éléments gangrenés qui y provoqueraient des désordres incompatibles avec son nouvel état. Chaque organe, ou pour mieux dire chaque contrée, sera tour à tour fouillée par des fléaux de natures diverses. Ici, l'épidémie sous toutes ses formes, ailleurs la guerre, la famine. Chacun doit donc se préparer à supporter l'épreuve dans les meilleures conditions possibles en s'améliorant et en s'instruisant, afin de ne pas être surpris à l'improviste. Déjà, quelques contrées ont été éprouvées, mais leurs habitants seraient dans une complète erreur s'ils se fiaient à l'ère de calme qui va succéder à la tempête pour retomber dans leurs anciens errements. C'est un temps de répit qui leur est accordé pour entrer dans une meilleure voie ; s'ils n'en profitent pas, l'instrument de mort les éprouvera jusqu'à les amener à résipiscence. Bienheureux ceux que l'épreuve a frappés tout d'abord, car ils auront pour s'instruire, non seulement les maux qu'ils ont subis, mais le spectacle de ceux dont leurs frères en humanité seront frappés à leur tour. Nous espérons qu'un tel exemple leur sera salutaire, et qu'ils entreront, sans hésiter, dans la voie nouvelle qui leur permettra de marcher de concert avec le progrès.
Il serait à désirer que les habitants de Maurice ne soient pas des derniers à mettre à profit la sévère leçon qu'ils ont reçue.
Docteur Demeure.
[1] M. le docteur Labonté a décrit l'épidémie de l'île Saint-Maurice dans une brochure que nous avons lue avec intérêt, et où se révèle l'observateur sérieux et judicieux. C'est un homme dévoué à son art, et autant qu'on en peut juger de loin, par analogie, il nous paraît avoir bien caractérisé cette singulière maladie, au point de vue physiologique ; malheureusement, en ce qui concerne la thérapeutique, elle déjoue toutes les prévisions de la science. Dans un cas exceptionnel, comme celui-ci, l'insuccès ne préjugerait rien contre le savoir du médecin. Le Spiritisme ouvre à la science médicale des horizons tout nouveaux en démontrant le rôle prépondérant de l'élément spirituel dans l'économie et dans un grand nombre d'affections, où la médecine échoue, parce qu'elle s'obstine à n'en chercher la cause que dans la matière tangible. La connaissance de l'action du périsprit sur l'organisme ajoutera une nouvelle branche à la pathologie, et modifiera profondément le mode de traitement de certaines maladies, dont la véritable cause ne sera plus un problème.
Le Spiritisme partout
L'amitié après la mort, par madame Rowe
Rien n'est plus instructif et en même temps plus concluant en faveur du
Spiritisme, que de voir les idées sur lesquelles il s'appuie, professées
par des gens étrangers à la doctrine, et avant même son apparition. Un
de nos correspondants d'Anvers, qui nous a déjà transmis de précieux
documents sous ce rapport, nous adresse l'extrait suivant d'un ouvrage
anglais, dont la traduction, sur la 5e édition, a été publiée à
Amsterdam en 1753. Jamais peut-être les principes du Spiritisme n'ont
été formulés avec autant de précision. Il est intitulé :
L'amitié après la mort, contenant les lettres des morts aux vivants par Madame Rowe.
Page 7. - Les Esprits bienheureux s'intéressent encore au bonheur des mortels, et rendent de fréquentes visites à leurs amis. Ils pourraient même paraître à leurs yeux, si les lois du monde matériel ne le leur défendaient. La splendeur de leurs véhicules[1], et l'empire qu'ils ont sur les puissances qui gouvernent les choses matérielles et sur les organes de la vue, pourraient aisément leur servir à se rendre visibles. Nous regardons souvent comme une espèce de miracle que vous ne nous aperceviez pas, car nous ne sommes point éloignés de vous par rapport au lieu que nous occupons, mais seulement par la différence d'état où nous sommes.
Page 12, lettre III : d'un fils unique, mort à l'âge de deux ans, à sa mère. - Dès le moment que mon âme fut délivrée de son incommode prison, je me trouvai un être actif et raisonnable. Étonné de vous voir pleurer pour une petite masse, à peine capable de respirer, que je venais de quitter, et dont j'étais charmé de me trouver débarrassé, il me semblait que vous étiez fâchée de mon heureuse délivrance. Je trouvais une si juste proportion, tant d'agilité, et un éclat si brillant dans le nouveau véhicule qui accompagnait mon Esprit, que je ne pouvais assez m'étonner que vous vous affligeassiez de l'heureux échange que j'avais fait. Alors je connaissais si peu la différence des corps matériels et immatériels, que je m'imaginais être tout aussi visible pour vous que vous l'étiez pour moi.
Page 37, lettre VIII. - Les génies célestes qui prennent soin de vous n'ont rien négligé pendant votre sommeil pour arracher de votre cœur cet impie dessein. Quelquefois ils vous ont conduite dans des lieux couverts d'une ombre lugubre ; là vous avez ouï les plaintes amères des Esprits infortunés. D'autres fois, les récompenses de la constance et de la résignation ont développé à vos yeux la gloire qui vous attend, si, fidèle à votre devoir, vous vous attachez patiemment à la vertu.
Page 50, lettre X. - Comment, ma chère Léonore, avez-vous pu me craindre ? Lorsque j'étais mortel, c'est-à-dire capable de folie et d'erreur, je ne vous ai jamais fait de mal ; beaucoup moins vous en ferai-je en l'état de perfection et de bonheur où je suis. Il ne reste pas la moindre tache de vice ni de malice dans les Esprits vertueux ; lorsqu'ils ont rompu leur prison terrestre, tout est en eux aimable et bienfaisant ; l'intérêt qu'ils prennent à la félicité des mortels est infiniment plus tendre et plus pur qu'auparavant.
L'effroi qu'on a généralement pour nous dans le monde nous paraîtrait incroyable, si nous ne nous souvenions de nos folies et de nos préjugés ; mais nous ne faisons que badiner sur vos ridicules appréhensions. N'auriez-vous pas plus de raison de vous effrayer et de vous fuir les uns les autres, que de nous craindre, nous qui n'avons ni le pouvoir ni la volonté de vous inquiéter ? Tandis que vous méconnaissez vos bienfaiteurs, nous travaillons à détourner mille dangers qui vous menacent, et à avancer vos intérêts avec l'ardeur la plus généreuse. Si vos organes étaient perfectionnés et que vos perceptions eussent acquis le haut degré de délicatesse où elles parviendront un jour, alors vous connaîtriez que les Esprits éthérés, ornés de la fleur d'une beauté divine et d'une vie immortelle, ne sont pas faits pour produire en vous la terreur, mais de l'amour et des plaisirs. Je voudrais vous guérir de vos injustes préventions, en vous réconciliant avec la société des Esprits, afin d'être mieux en état de vous avertir des dangers et des périls qui menacent votre jeunesse.
Page 54, lettre XI. - Votre rétablissement surprit les anges mêmes, qui, s'ils ignorent les diverses bornes que le souverain dispensateur a mises à la vie humaine, ne laissent pas de faire souvent de justes conjectures sur le cours des causes secondes, et sur la période de la vie des humains.
Page 68, lettre XIV. - Depuis que j'ai quitté le monde, j'ai souvent eu le bonheur de tenir la place de votre ange gardien. Témoin invisible des larmes que vous a arrachées ma mort, il m'a enfin été permis d'adoucir vos douleurs, en vous apprenant que je suis heureux.
Page 73, lettre XVI. - Comme les êtres immatériels peuvent, sans être aperçus, se mêler dans les compagnies, j'eus la curiosité, la nuit dernière, de découvrir vos pensées sur ce qui vous était arrivé la nuit précédente. A cet effet, je me trouvai au milieu de cette assemblée où vous étiez. Là, j'entendis que vous badiniez avec quelques-uns de vos amis familiers sur le pouvoir de la prévention et la force de votre imagination. Cependant, mylord, vous n'êtes point aussi visionnaire et aussi extravagant que vous le dites. Il n'y a rien de plus réel que ce que vous avez vu et entendu, et vous devez en croire vos sens, autrement vous faites dégénérer en vice votre défiance et votre modestie. Vous n'avez plus, mon cher frère, que quelques semaines à vivre ; vos jours sont comptés. J'ai eu la permission, ce qui arrive rarement, de vous donner quelque avertissement de votre destin qui approche. Votre vie, je le sais, n'a été souillée par aucune action basse ou injuste ; cependant il paraît dans vos mœurs certaines légèretés qui demandent de votre part une prompte et sincère réforme. Des fautes, qui d'abord paraissent une bagatelle, dégénèrent en crimes énormes.
Epître dédicatoire, page 27. - La terre que vous habitez serait un séjour délicieux, si tous les hommes, pleins d'estime pour la vertu, en pratiquaient fidèlement les saintes maximes. Jugez donc de l'excès de notre bonheur, puisque, en même temps que nous profitons de tous les avantages d'une vertu généreuse et parfaite, nous ressentons des plaisirs autant au-dessus de ceux dont vous jouissez, que le ciel l'est de la terre, le temps de l'éternité et le fini de l'infini. Les mondains sont incapables de jouir de ces délices. Quel goût trouverait, dans nos augustes assemblées, un voluptueux ? Le vin et la viande en sont bannis, l'envieux y sécherait de douleur en contemplant notre félicité ; l'avare n'y trouverait point de richesses ; le joueur désœuvré s'ennuierait mortellement de ne plus trouver le moyen de tuer le temps. Comment une âme intéressée pourrait-elle trouver du plaisir dans l'amitié tendre et sincère qu'on peut envisager comme un des principaux avantages que nous possédons dans le ciel ? c'est le vrai séjour de l'amitié.
Le traducteur dit, dans sa préface, page 7 :
« J'espère que la lecture de son livre pourra ramener à la religion chrétienne un certain ordre de gens, dont le nombre ne se trouve que trop grand dans ce royaume, qui, sans égard aux principes de la religion naturelle et révélée, traitent l'immortalité de l'âme de pure chimère. C'est à établir la certitude de cette immortalité que notre auteur s'attache principalement. »
Page 9 : - « Ce n'était pas proprement pour les philosophes incrédules qu'elle écrivait ; c'était, comme nous l'avons dit, pour une certaine classe de gens, très nombreuse parmi le beau monde, qui, occupés tout entiers des amusements frivoles du siècle, ont trouvé l'art funeste d'oublier l'immortalité de l'âme, de s'étourdir sur les vérités de la foi, et d'éloigner de leur esprit des idées si consolantes. Il lui suffisait donc, pour remplir ce dessein, d'inventer des espèces de fables et d'apologues remplis de traits vifs, etc. »
Remarque. Le traducteur ne paraît pas croire à la communication des Esprits, puisqu'il pense que les récits de madame Rowe sont des fables ou apologues inventés par l'auteur à l'appui de sa thèse. Cependant il a trouvé ce livre si utile qu'il le juge capable de ramener les incrédules à la foi en l'immortalité de l'âme. Mais il y a là une singulière contradiction, car pour prouver qu'une chose existe, il faut en montrer la réalité et non la fiction ; or, c'est précisément l'abus des fictions qui a détruit la foi chez les incrédules. Le simple bon sens dit que ce n'est pas avec un roman de l'immortalité, quelque ingénieux qu'il soit, qu'on prouvera l'immortalité. Si, de nos jours, les manifestations des Esprits combattent l'incrédulité avec tant de succès, c'est parce qu'elles sont une réalité.
D'après la parfaite concordance de forme et de fond qui existe entre les idées développées dans le livre de madame Rowe et l'enseignement actuel des Esprits, on ne peut douter que ce qu'elle a écrit ne soit le produit de communications réelles.
Comment se fait-il qu'un livre si singulier, de nature à piquer la curiosité au plus haut degré, assez répandu, puisqu'il était parvenu à sa cinquième édition, et qu'il a été traduit, ait produit si peu de sensation, et qu'une idée si consolante, si rationnelle et si féconde en résultats, soit restée à l'état de lettre morte, tandis que, de nos jours, il a suffi de quelques années pour qu'elle fît le tour du monde ? On pourrait en dire autant d'une foule d'inventions et de découvertes précieuses qui tombent dans l'oubli à leur apparition, et fleurissent quelques siècles plus tard quand le besoin s'en fait sentir. C'est la confirmation de ce principe que : les meilleures idées avortent, quand elles viennent prématurément, avant que les esprits ne soient mûrs pour les accepter.
Nous avons dit maintes fois que, si le Spiritisme fût venu un siècle plus tôt, il n'aurait eu aucun succès ; en voici la preuve évidente, car ce livre est assurément du plus pur et du plus profond Spiritisme. Pour qu'on pût le comprendre et l'apprécier, il fallait les crises morales par lesquelles l'esprit humain a passé depuis un siècle, et qui lui ont appris à discuter ses croyances ; mais il fallait aussi que le néantisme, sous ses différentes formes, comme transition entre la foi aveugle et la foi raisonnée, prouvât son impuissance à satisfaire les besoins sociaux et les légitimes aspirations de l'humanité. La rapide propagation du Spiritisme à notre époque, prouve qu'il est venu en son temps.
Si l'on voit encore aujourd'hui des personnes qui ont sous les yeux toutes les preuves, matérielles et morales, de la réalité des faits spirites, et qui, malgré cela, se refusent à l'évidence et au raisonnement, à plus forte raison devait-on en trouver beaucoup plus il y a un siècle ; c'est que leur esprit est encore impropre à s'assimiler cet ordre d'idées ; elles voient, entendent et ne comprennent pas, ce qui n'accuse pas un manque d'intelligence, mais un défaut d'aptitude spéciale ; elles sont comme les gens à qui, quoique très intelligents, manque le sens musical pour comprendre et sentir les beautés de la musique ; c'est ce qu'il faut entendre quand on dit que leur heure n'est pas venue.
L'amitié après la mort, contenant les lettres des morts aux vivants par Madame Rowe.
Page 7. - Les Esprits bienheureux s'intéressent encore au bonheur des mortels, et rendent de fréquentes visites à leurs amis. Ils pourraient même paraître à leurs yeux, si les lois du monde matériel ne le leur défendaient. La splendeur de leurs véhicules[1], et l'empire qu'ils ont sur les puissances qui gouvernent les choses matérielles et sur les organes de la vue, pourraient aisément leur servir à se rendre visibles. Nous regardons souvent comme une espèce de miracle que vous ne nous aperceviez pas, car nous ne sommes point éloignés de vous par rapport au lieu que nous occupons, mais seulement par la différence d'état où nous sommes.
Page 12, lettre III : d'un fils unique, mort à l'âge de deux ans, à sa mère. - Dès le moment que mon âme fut délivrée de son incommode prison, je me trouvai un être actif et raisonnable. Étonné de vous voir pleurer pour une petite masse, à peine capable de respirer, que je venais de quitter, et dont j'étais charmé de me trouver débarrassé, il me semblait que vous étiez fâchée de mon heureuse délivrance. Je trouvais une si juste proportion, tant d'agilité, et un éclat si brillant dans le nouveau véhicule qui accompagnait mon Esprit, que je ne pouvais assez m'étonner que vous vous affligeassiez de l'heureux échange que j'avais fait. Alors je connaissais si peu la différence des corps matériels et immatériels, que je m'imaginais être tout aussi visible pour vous que vous l'étiez pour moi.
Page 37, lettre VIII. - Les génies célestes qui prennent soin de vous n'ont rien négligé pendant votre sommeil pour arracher de votre cœur cet impie dessein. Quelquefois ils vous ont conduite dans des lieux couverts d'une ombre lugubre ; là vous avez ouï les plaintes amères des Esprits infortunés. D'autres fois, les récompenses de la constance et de la résignation ont développé à vos yeux la gloire qui vous attend, si, fidèle à votre devoir, vous vous attachez patiemment à la vertu.
Page 50, lettre X. - Comment, ma chère Léonore, avez-vous pu me craindre ? Lorsque j'étais mortel, c'est-à-dire capable de folie et d'erreur, je ne vous ai jamais fait de mal ; beaucoup moins vous en ferai-je en l'état de perfection et de bonheur où je suis. Il ne reste pas la moindre tache de vice ni de malice dans les Esprits vertueux ; lorsqu'ils ont rompu leur prison terrestre, tout est en eux aimable et bienfaisant ; l'intérêt qu'ils prennent à la félicité des mortels est infiniment plus tendre et plus pur qu'auparavant.
L'effroi qu'on a généralement pour nous dans le monde nous paraîtrait incroyable, si nous ne nous souvenions de nos folies et de nos préjugés ; mais nous ne faisons que badiner sur vos ridicules appréhensions. N'auriez-vous pas plus de raison de vous effrayer et de vous fuir les uns les autres, que de nous craindre, nous qui n'avons ni le pouvoir ni la volonté de vous inquiéter ? Tandis que vous méconnaissez vos bienfaiteurs, nous travaillons à détourner mille dangers qui vous menacent, et à avancer vos intérêts avec l'ardeur la plus généreuse. Si vos organes étaient perfectionnés et que vos perceptions eussent acquis le haut degré de délicatesse où elles parviendront un jour, alors vous connaîtriez que les Esprits éthérés, ornés de la fleur d'une beauté divine et d'une vie immortelle, ne sont pas faits pour produire en vous la terreur, mais de l'amour et des plaisirs. Je voudrais vous guérir de vos injustes préventions, en vous réconciliant avec la société des Esprits, afin d'être mieux en état de vous avertir des dangers et des périls qui menacent votre jeunesse.
Page 54, lettre XI. - Votre rétablissement surprit les anges mêmes, qui, s'ils ignorent les diverses bornes que le souverain dispensateur a mises à la vie humaine, ne laissent pas de faire souvent de justes conjectures sur le cours des causes secondes, et sur la période de la vie des humains.
Page 68, lettre XIV. - Depuis que j'ai quitté le monde, j'ai souvent eu le bonheur de tenir la place de votre ange gardien. Témoin invisible des larmes que vous a arrachées ma mort, il m'a enfin été permis d'adoucir vos douleurs, en vous apprenant que je suis heureux.
Page 73, lettre XVI. - Comme les êtres immatériels peuvent, sans être aperçus, se mêler dans les compagnies, j'eus la curiosité, la nuit dernière, de découvrir vos pensées sur ce qui vous était arrivé la nuit précédente. A cet effet, je me trouvai au milieu de cette assemblée où vous étiez. Là, j'entendis que vous badiniez avec quelques-uns de vos amis familiers sur le pouvoir de la prévention et la force de votre imagination. Cependant, mylord, vous n'êtes point aussi visionnaire et aussi extravagant que vous le dites. Il n'y a rien de plus réel que ce que vous avez vu et entendu, et vous devez en croire vos sens, autrement vous faites dégénérer en vice votre défiance et votre modestie. Vous n'avez plus, mon cher frère, que quelques semaines à vivre ; vos jours sont comptés. J'ai eu la permission, ce qui arrive rarement, de vous donner quelque avertissement de votre destin qui approche. Votre vie, je le sais, n'a été souillée par aucune action basse ou injuste ; cependant il paraît dans vos mœurs certaines légèretés qui demandent de votre part une prompte et sincère réforme. Des fautes, qui d'abord paraissent une bagatelle, dégénèrent en crimes énormes.
Epître dédicatoire, page 27. - La terre que vous habitez serait un séjour délicieux, si tous les hommes, pleins d'estime pour la vertu, en pratiquaient fidèlement les saintes maximes. Jugez donc de l'excès de notre bonheur, puisque, en même temps que nous profitons de tous les avantages d'une vertu généreuse et parfaite, nous ressentons des plaisirs autant au-dessus de ceux dont vous jouissez, que le ciel l'est de la terre, le temps de l'éternité et le fini de l'infini. Les mondains sont incapables de jouir de ces délices. Quel goût trouverait, dans nos augustes assemblées, un voluptueux ? Le vin et la viande en sont bannis, l'envieux y sécherait de douleur en contemplant notre félicité ; l'avare n'y trouverait point de richesses ; le joueur désœuvré s'ennuierait mortellement de ne plus trouver le moyen de tuer le temps. Comment une âme intéressée pourrait-elle trouver du plaisir dans l'amitié tendre et sincère qu'on peut envisager comme un des principaux avantages que nous possédons dans le ciel ? c'est le vrai séjour de l'amitié.
Le traducteur dit, dans sa préface, page 7 :
« J'espère que la lecture de son livre pourra ramener à la religion chrétienne un certain ordre de gens, dont le nombre ne se trouve que trop grand dans ce royaume, qui, sans égard aux principes de la religion naturelle et révélée, traitent l'immortalité de l'âme de pure chimère. C'est à établir la certitude de cette immortalité que notre auteur s'attache principalement. »
Page 9 : - « Ce n'était pas proprement pour les philosophes incrédules qu'elle écrivait ; c'était, comme nous l'avons dit, pour une certaine classe de gens, très nombreuse parmi le beau monde, qui, occupés tout entiers des amusements frivoles du siècle, ont trouvé l'art funeste d'oublier l'immortalité de l'âme, de s'étourdir sur les vérités de la foi, et d'éloigner de leur esprit des idées si consolantes. Il lui suffisait donc, pour remplir ce dessein, d'inventer des espèces de fables et d'apologues remplis de traits vifs, etc. »
Remarque. Le traducteur ne paraît pas croire à la communication des Esprits, puisqu'il pense que les récits de madame Rowe sont des fables ou apologues inventés par l'auteur à l'appui de sa thèse. Cependant il a trouvé ce livre si utile qu'il le juge capable de ramener les incrédules à la foi en l'immortalité de l'âme. Mais il y a là une singulière contradiction, car pour prouver qu'une chose existe, il faut en montrer la réalité et non la fiction ; or, c'est précisément l'abus des fictions qui a détruit la foi chez les incrédules. Le simple bon sens dit que ce n'est pas avec un roman de l'immortalité, quelque ingénieux qu'il soit, qu'on prouvera l'immortalité. Si, de nos jours, les manifestations des Esprits combattent l'incrédulité avec tant de succès, c'est parce qu'elles sont une réalité.
D'après la parfaite concordance de forme et de fond qui existe entre les idées développées dans le livre de madame Rowe et l'enseignement actuel des Esprits, on ne peut douter que ce qu'elle a écrit ne soit le produit de communications réelles.
Comment se fait-il qu'un livre si singulier, de nature à piquer la curiosité au plus haut degré, assez répandu, puisqu'il était parvenu à sa cinquième édition, et qu'il a été traduit, ait produit si peu de sensation, et qu'une idée si consolante, si rationnelle et si féconde en résultats, soit restée à l'état de lettre morte, tandis que, de nos jours, il a suffi de quelques années pour qu'elle fît le tour du monde ? On pourrait en dire autant d'une foule d'inventions et de découvertes précieuses qui tombent dans l'oubli à leur apparition, et fleurissent quelques siècles plus tard quand le besoin s'en fait sentir. C'est la confirmation de ce principe que : les meilleures idées avortent, quand elles viennent prématurément, avant que les esprits ne soient mûrs pour les accepter.
Nous avons dit maintes fois que, si le Spiritisme fût venu un siècle plus tôt, il n'aurait eu aucun succès ; en voici la preuve évidente, car ce livre est assurément du plus pur et du plus profond Spiritisme. Pour qu'on pût le comprendre et l'apprécier, il fallait les crises morales par lesquelles l'esprit humain a passé depuis un siècle, et qui lui ont appris à discuter ses croyances ; mais il fallait aussi que le néantisme, sous ses différentes formes, comme transition entre la foi aveugle et la foi raisonnée, prouvât son impuissance à satisfaire les besoins sociaux et les légitimes aspirations de l'humanité. La rapide propagation du Spiritisme à notre époque, prouve qu'il est venu en son temps.
Si l'on voit encore aujourd'hui des personnes qui ont sous les yeux toutes les preuves, matérielles et morales, de la réalité des faits spirites, et qui, malgré cela, se refusent à l'évidence et au raisonnement, à plus forte raison devait-on en trouver beaucoup plus il y a un siècle ; c'est que leur esprit est encore impropre à s'assimiler cet ordre d'idées ; elles voient, entendent et ne comprennent pas, ce qui n'accuse pas un manque d'intelligence, mais un défaut d'aptitude spéciale ; elles sont comme les gens à qui, quoique très intelligents, manque le sens musical pour comprendre et sentir les beautés de la musique ; c'est ce qu'il faut entendre quand on dit que leur heure n'est pas venue.
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[1] On verra plus loin que, par véhicule, l'auteur entend le corps fluidique.
On lit ce qui suit dans le tome II de cet ouvrage, qui a eu un succès populaire dans les deux mondes :
Page 10. - Mon père était un aristocrate. Je crois que, dans quelque existence antérieure, il avait dû appartenir aux classes de l'ordre social le plus élevé, et qu'il avait apporté avec lui, dans celle-ci, tout l'orgueil de son ancienne caste ; car cet orgueil lui était inhérent ; c'était dans la moelle de ses os, bien qu'il fût d'une famille pauvre et roturière.
Page 128. - Evidemment les paroles qu'il avait chantées le soir même traversaient son esprit, paroles de supplications adressées à l'infinie miséricorde. Ses lèvres remuaient faiblement, et, à de rares intervalles, un mot s'en échappait. - Son esprit s'égare, dit le docteur. - Non, il revient à lui, dit Saint-Clare avec énergie.
Cet effort l'épuisa. La pâleur de la mort se répandit sur son visage, mais avec elle une admirable expression de paix, comme si quelque Esprit miséricordieux l'eût abrité sous ses ailes. Il ressemblait à un enfant qui s'endort de fatigue.
Il demeura ainsi quelques instants ; une main toute-puissante reposait sur lui. Mais, au moment où l'Esprit allait prendre son essor, il ouvrit ses yeux qu'illumina soudain une lueur de joie, comme s'il reconnaissait un être aimé, et il murmura tout bas : « Ma mère !… son âme s'était envolée ! »
Page 200. - Oh ! comment l'âme perverse ose-t-elle pénétrer dans ce monde ténébreux du sommeil, dont les limites incertaines avoisinent de si près les scènes effrayantes et mystérieuses de la rétribution !
Remarque. Il est impossible d'exprimer plus clairement l'idée de la réincarnation, de l'origine de nos penchants et de l'expiation subie dans les existences postérieures, puisqu'il est dit que celui qui a été riche et puissant peut renaître dans la pauvreté. Il est remarquable que cet ouvrage a été publié aux Etats-Unis, où le principe de la pluralité des existences terrestres a longtemps été repoussé. Il a paru vers 1850, à l'époque des premières manifestations spirites, alors que la doctrine de la réincarnation n'était pas encore proclamée en Europe ; madame Beecher Stowe l'avait donc puisée dans sa propre intuition ; elle y trouvait la seule raison plausible des aptitudes et des propensions innées.
Le second fragment cité est bien la peinture de l'âme qui entrevoit le monde des Esprits au moment de sa délivrance.
Page 10. - Mon père était un aristocrate. Je crois que, dans quelque existence antérieure, il avait dû appartenir aux classes de l'ordre social le plus élevé, et qu'il avait apporté avec lui, dans celle-ci, tout l'orgueil de son ancienne caste ; car cet orgueil lui était inhérent ; c'était dans la moelle de ses os, bien qu'il fût d'une famille pauvre et roturière.
Page 128. - Evidemment les paroles qu'il avait chantées le soir même traversaient son esprit, paroles de supplications adressées à l'infinie miséricorde. Ses lèvres remuaient faiblement, et, à de rares intervalles, un mot s'en échappait. - Son esprit s'égare, dit le docteur. - Non, il revient à lui, dit Saint-Clare avec énergie.
Cet effort l'épuisa. La pâleur de la mort se répandit sur son visage, mais avec elle une admirable expression de paix, comme si quelque Esprit miséricordieux l'eût abrité sous ses ailes. Il ressemblait à un enfant qui s'endort de fatigue.
Il demeura ainsi quelques instants ; une main toute-puissante reposait sur lui. Mais, au moment où l'Esprit allait prendre son essor, il ouvrit ses yeux qu'illumina soudain une lueur de joie, comme s'il reconnaissait un être aimé, et il murmura tout bas : « Ma mère !… son âme s'était envolée ! »
Page 200. - Oh ! comment l'âme perverse ose-t-elle pénétrer dans ce monde ténébreux du sommeil, dont les limites incertaines avoisinent de si près les scènes effrayantes et mystérieuses de la rétribution !
Remarque. Il est impossible d'exprimer plus clairement l'idée de la réincarnation, de l'origine de nos penchants et de l'expiation subie dans les existences postérieures, puisqu'il est dit que celui qui a été riche et puissant peut renaître dans la pauvreté. Il est remarquable que cet ouvrage a été publié aux Etats-Unis, où le principe de la pluralité des existences terrestres a longtemps été repoussé. Il a paru vers 1850, à l'époque des premières manifestations spirites, alors que la doctrine de la réincarnation n'était pas encore proclamée en Europe ; madame Beecher Stowe l'avait donc puisée dans sa propre intuition ; elle y trouvait la seule raison plausible des aptitudes et des propensions innées.
Le second fragment cité est bien la peinture de l'âme qui entrevoit le monde des Esprits au moment de sa délivrance.
Du péché originel selon le Judaïsme.
Il peut être intéressant, pour ceux qui l'ignorent, de connaître la doctrine des Juifs touchant le péché originel ; nous empruntons l'explication suivante au journal israélite, la Famille de Jacob, qui se publie à Avignon sous la direction du grand rabbin Benjamin Massé ; numéro de juillet 1868.
« Le dogme du péché originel est loin d'être au nombre des principes du Judaïsme. La légende profonde que rapporte le Talmud (Nida XXXI, 2) et qui représente les anges faisant prêter à l'âme humaine, au moment où elle va s'incarner dans un corps terrestre, le serment de se maintenir pure durant son séjour sur cette planète, afin de retourner pure auprès du Créateur, est une poétique affirmation de notre innocence native et de notre indépendance morale de la faute de nos premiers parents. Cette affirmation, contenue dans nos livres traditionnels, est conforme au véritable esprit du Judaïsme.
Pour définir le dogme du péché originel, il nous suffira de dire que l'on prend à la lettre le récit de la Genèse, dont on méconnaît le caractère légendaire, et que, partant de ce point de vue erroné, on accepte aveuglément toutes les conséquences qui en découlent, sans se soucier de leur incompatibilité avec la nature humaine et avec les attributs nécessaires et éternels que la raison rapporte à la nature divine.
Esclave de la lettre, on affirme que la première femme fut séduite par le serpent, qu'elle mangea d'un fruit défendu par Dieu, qu'elle en fit manger à son époux, et que, par cet acte de révolte ouverte contre la volonté divine, le premier homme et la première femme ont encouru la malédiction du ciel, non seulement pour eux, mais pour leurs enfants, mais pour leur race, mais pour l'humanité entière, pour l'humanité complice à quelque éloignement de la durée qu'elle se trouve des coupables, complice de leur crime, dont elle est, par conséquent, responsable dans tous ses membres présents et à venir.
D'après cette doctrine, la chute et la condamnation de nos premiers parents ont été une chute et une condamnation pour leur postérité ; dès lors, pour le genre humain, des maux innombrables qui eussent été sans fin, sans la médiation d'un Rédempteur aussi incompréhensible que le crime et la condamnation qui l'appellent. De même que le péché d'un seul a été commis par tous, de même l'expiation d'un seul sera l'expiation de tous ; l'humanité, perdue par un seul, sera sauvée par un seul : la rédemption est la conséquence inévitable du péché originel.
On comprend que nous ne discutions pas ces prémisses avec leurs conséquences, qui ne sont pour nous pas plus acceptables au point de vue dogmatique qu'au point de vue moral.
Notre raison et notre conscience ne s'accommoderont jamais d'une doctrine qui efface et la personnalité humaine et la justice divine, et qui, pour expliquer ses prétentions, nous fait vivre tous ensemble dans l'âme comme dans le corps du premier homme, nous enseignant que, quelque nombreux que nous soyons dans la succession des âges, nous faisons partie d'Adam en esprit et en matière, que nous avons pris part à son crime, et que nous devons avoir notre part dans sa condamnation.
Le sentiment profond de notre liberté morale se refuse à cette assimilation fatale, qui nous enlèverait notre initiative, qui nous enchaînerait malgré nous dans un péché lointain, mystérieux, dont nous n'avons point conscience, et qui nous ferait subir un châtiment inefficace, puisqu'à nos y yeux il ne serait point mérité.
L'idée indéfectible et universelle que nous avons de la justice du Créateur, se refuse bien plus énergiquement encore à croire à l'engagement, dans la faute d'un seul, des êtres libres créés successivement par Dieu dans la suite des siècles.
Si Adam et Ève ont péché, à eux seuls appartient la responsabilité de leur méfait ; à eux seuls leur déchéance, leur expiation, leur rédemption au moyen de leurs efforts personnels pour reconquérir leur noblesse. Mais nous, qui venons après eux, qui, comme eux, avons été l'objet d'un acte identique de la part de la puissance créatrice, et qui devons, à ce titre, être d'un prix égal à celui de notre premier père aux yeux de notre Créateur, nous naissons avec notre pureté et notre innocence, dont nous sommes les seuls maîtres, les seuls dépositaires, et dont la perte ou la conservation ne dépendent absolument que de notre volonté, que des déterminations de notre libre arbitre.
Telle est, sur ce point, la doctrine du Judaïsme, qui ne saurait rien admettre qui ne soit conforme à notre conscience éclairée par la raison. »
B. M.
« Le dogme du péché originel est loin d'être au nombre des principes du Judaïsme. La légende profonde que rapporte le Talmud (Nida XXXI, 2) et qui représente les anges faisant prêter à l'âme humaine, au moment où elle va s'incarner dans un corps terrestre, le serment de se maintenir pure durant son séjour sur cette planète, afin de retourner pure auprès du Créateur, est une poétique affirmation de notre innocence native et de notre indépendance morale de la faute de nos premiers parents. Cette affirmation, contenue dans nos livres traditionnels, est conforme au véritable esprit du Judaïsme.
Pour définir le dogme du péché originel, il nous suffira de dire que l'on prend à la lettre le récit de la Genèse, dont on méconnaît le caractère légendaire, et que, partant de ce point de vue erroné, on accepte aveuglément toutes les conséquences qui en découlent, sans se soucier de leur incompatibilité avec la nature humaine et avec les attributs nécessaires et éternels que la raison rapporte à la nature divine.
Esclave de la lettre, on affirme que la première femme fut séduite par le serpent, qu'elle mangea d'un fruit défendu par Dieu, qu'elle en fit manger à son époux, et que, par cet acte de révolte ouverte contre la volonté divine, le premier homme et la première femme ont encouru la malédiction du ciel, non seulement pour eux, mais pour leurs enfants, mais pour leur race, mais pour l'humanité entière, pour l'humanité complice à quelque éloignement de la durée qu'elle se trouve des coupables, complice de leur crime, dont elle est, par conséquent, responsable dans tous ses membres présents et à venir.
D'après cette doctrine, la chute et la condamnation de nos premiers parents ont été une chute et une condamnation pour leur postérité ; dès lors, pour le genre humain, des maux innombrables qui eussent été sans fin, sans la médiation d'un Rédempteur aussi incompréhensible que le crime et la condamnation qui l'appellent. De même que le péché d'un seul a été commis par tous, de même l'expiation d'un seul sera l'expiation de tous ; l'humanité, perdue par un seul, sera sauvée par un seul : la rédemption est la conséquence inévitable du péché originel.
On comprend que nous ne discutions pas ces prémisses avec leurs conséquences, qui ne sont pour nous pas plus acceptables au point de vue dogmatique qu'au point de vue moral.
Notre raison et notre conscience ne s'accommoderont jamais d'une doctrine qui efface et la personnalité humaine et la justice divine, et qui, pour expliquer ses prétentions, nous fait vivre tous ensemble dans l'âme comme dans le corps du premier homme, nous enseignant que, quelque nombreux que nous soyons dans la succession des âges, nous faisons partie d'Adam en esprit et en matière, que nous avons pris part à son crime, et que nous devons avoir notre part dans sa condamnation.
Le sentiment profond de notre liberté morale se refuse à cette assimilation fatale, qui nous enlèverait notre initiative, qui nous enchaînerait malgré nous dans un péché lointain, mystérieux, dont nous n'avons point conscience, et qui nous ferait subir un châtiment inefficace, puisqu'à nos y yeux il ne serait point mérité.
L'idée indéfectible et universelle que nous avons de la justice du Créateur, se refuse bien plus énergiquement encore à croire à l'engagement, dans la faute d'un seul, des êtres libres créés successivement par Dieu dans la suite des siècles.
Si Adam et Ève ont péché, à eux seuls appartient la responsabilité de leur méfait ; à eux seuls leur déchéance, leur expiation, leur rédemption au moyen de leurs efforts personnels pour reconquérir leur noblesse. Mais nous, qui venons après eux, qui, comme eux, avons été l'objet d'un acte identique de la part de la puissance créatrice, et qui devons, à ce titre, être d'un prix égal à celui de notre premier père aux yeux de notre Créateur, nous naissons avec notre pureté et notre innocence, dont nous sommes les seuls maîtres, les seuls dépositaires, et dont la perte ou la conservation ne dépendent absolument que de notre volonté, que des déterminations de notre libre arbitre.
Telle est, sur ce point, la doctrine du Judaïsme, qui ne saurait rien admettre qui ne soit conforme à notre conscience éclairée par la raison. »
B. M.
Les loisirs d'un Spirite au désert
Nous reproduisons sans commentaires les passages suivants d'une lettre que nous écrivait, au mois de mars dernier, un de nos correspondants, capitaine dans l'armée d'Afrique.
« Le Spiritisme s'étend dans le nord de l'Afrique, et gagnera le centre si les Français s'y dirigent. Le voilà qui pénètre à Laghouat, sur les bords du Sahara, au 33e degré de latitude. J'ai prêté vos livres ; quelques-uns de mes camarades ont lu ; nous avons discuté, et force et raison sont restées à la doctrine.
Depuis quelques années je me livre à l'étude de l'anatomie, de la physiologie et de la psychologie comparées. Le même courant d'idées m'a entraîné vers l'étude des animaux. J'ai pu me rendre compte, par l'observation, que tous les organes, tous les appareils, se simplifient en descendant vers les races et les espèces inférieures. Comme la nature est belle à étudier ! Combien on sent l'esprit partout répandu ! Quelquefois je passe de longues heures à suivre les habitudes et les mouvements de la vie des insectes et des reptiles de ces régions ; j'assiste à leurs luttes, à leurs efforts, à leurs ruses pour assurer leur existence ; je contemple la bataille des espèces. Le Sahara, sur les bords duquel nous sommes campés depuis plus d'un an, si désert pour mes camarades, me paraît au contraire bien peuplé ; où ils trouvent l'exil, je rencontre la liberté ! C'est que je sais que Dieu est partout, et que chacun porte le bonheur en soi-même. Que je sois au pôle ou à l'équateur, mes amis de l'espace m'y suivront, et je sais que les chers invisibles peuvent peupler les plus tristes solitudes. Ce n'est pas que je dédaigne la société de mes semblables, ni que je sois indifférent aux affections que j'ai conservées en France, oh non ! car il me tarde de revoir et d'embrasser ma famille et tous ceux qui me sont chers, mais c'est seulement pour témoigner qu'on peut être heureux sur quelque point du globe qu'on se trouve, quand on prend Dieu pour guide. Pour le Spirite il n'y a jamais d'isolement ; il se sait, il se sent constamment entouré d'êtres bienveillants avec lesquels il est en communion de pensées.
Votre dernier ouvrage, la Genèse, que je viens de relire, et sur divers chapitres duquel je me suis tout particulièrement arrêté, nous dévoile les mystères de la création et porte un coup terrible aux préjugés. Cette lecture m'a fait un bien immense et ouvert de nouveaux horizons. Je comprenais déjà notre origine, et je voyais dans mon corps matériel le dernier anneau de l'animalité sur la terre ; je savais que l'esprit, pendant sa gestation corporelle, prend une part active à la construction de son nid et approprie son enveloppe à ses nouveaux besoins. Cette théorie de l'origine de l'homme pourra paraître aux orgueilleux attentatoire à la grandeur et à la dignité humaine, mais elle sera acceptée dans l'avenir à cause de sa simplicité et de son ampleur saisissantes.
La géologie, en effet, nous fait lire dans le grand livre de la nature. Par elle, nous trouvons que les espèces d'aujourd'hui auraient pour aïeules les espèces dont les restes se retrouvent dans les couches terrestres ; on ne petit plus nier qu'il y a une progression continuelle dans le développement des formes organiques, quand nous voyons les types les plus simples apparaître les premiers. Ces types ont été modifiés par les instincts des animaux eux-mêmes pourvus d'organes appropriés à leurs nouveaux besoins et à leur développement. Du reste, la nature change les types quand le besoin s'en fait sentir ; la vie multiplie graduellement ses organes et les spécialise. Les espèces sortent les unes des autres, sans qu'il soit nécessaire d'intervention miraculeuse. Adam n'est point sorti armé de toutes pièces des mains du Créateur ; bien certainement qu'un chimpanzé lui donna le jour.
Les espèces ne sont pas absolument indépendantes les unes des autres ; elles se rattachent par une filiation secrète, et l'on peut même les regarder comme solidaires jusqu'à l'humanité. Comme vous le dites si judicieusement, depuis le zoophyte jusqu'à l'homme, il y a une chaîne dont tous les anneaux ont un point de contact avec l'anneau précédent. Et de même que l'esprit monte et ne peut rester stationnaire, de même aussi l'instinct de l'animal progresse, et chaque incarnation lui fait franchir un degré de l'échelle des êtres. Les phases de ces métamorphoses se comptent par des milliers d'anneaux, et les formes rudimentaires, dont quelques échantillons se retrouvent dans les terrains siluriens, nous disent par où est passée l'animalité.
Il ne doit plus y avoir de voile entre la nature et l'homme, et rien ne doit rester caché. La terre est notre domaine : c'est à nous d'en étudier les lois ; c'est l'ignorance et la paresse qui ont créé les mystères. Combien Dieu nous apparaît plus grand dans l'harmonie et l'unité de ses lois !
Je plains sincèrement les gens qui s'ennuient, car c'est une preuve qu'ils ne pensent à personne, et que leur esprit est vide comme l'estomac de l'individu qui a faim. »
« Le Spiritisme s'étend dans le nord de l'Afrique, et gagnera le centre si les Français s'y dirigent. Le voilà qui pénètre à Laghouat, sur les bords du Sahara, au 33e degré de latitude. J'ai prêté vos livres ; quelques-uns de mes camarades ont lu ; nous avons discuté, et force et raison sont restées à la doctrine.
Depuis quelques années je me livre à l'étude de l'anatomie, de la physiologie et de la psychologie comparées. Le même courant d'idées m'a entraîné vers l'étude des animaux. J'ai pu me rendre compte, par l'observation, que tous les organes, tous les appareils, se simplifient en descendant vers les races et les espèces inférieures. Comme la nature est belle à étudier ! Combien on sent l'esprit partout répandu ! Quelquefois je passe de longues heures à suivre les habitudes et les mouvements de la vie des insectes et des reptiles de ces régions ; j'assiste à leurs luttes, à leurs efforts, à leurs ruses pour assurer leur existence ; je contemple la bataille des espèces. Le Sahara, sur les bords duquel nous sommes campés depuis plus d'un an, si désert pour mes camarades, me paraît au contraire bien peuplé ; où ils trouvent l'exil, je rencontre la liberté ! C'est que je sais que Dieu est partout, et que chacun porte le bonheur en soi-même. Que je sois au pôle ou à l'équateur, mes amis de l'espace m'y suivront, et je sais que les chers invisibles peuvent peupler les plus tristes solitudes. Ce n'est pas que je dédaigne la société de mes semblables, ni que je sois indifférent aux affections que j'ai conservées en France, oh non ! car il me tarde de revoir et d'embrasser ma famille et tous ceux qui me sont chers, mais c'est seulement pour témoigner qu'on peut être heureux sur quelque point du globe qu'on se trouve, quand on prend Dieu pour guide. Pour le Spirite il n'y a jamais d'isolement ; il se sait, il se sent constamment entouré d'êtres bienveillants avec lesquels il est en communion de pensées.
Votre dernier ouvrage, la Genèse, que je viens de relire, et sur divers chapitres duquel je me suis tout particulièrement arrêté, nous dévoile les mystères de la création et porte un coup terrible aux préjugés. Cette lecture m'a fait un bien immense et ouvert de nouveaux horizons. Je comprenais déjà notre origine, et je voyais dans mon corps matériel le dernier anneau de l'animalité sur la terre ; je savais que l'esprit, pendant sa gestation corporelle, prend une part active à la construction de son nid et approprie son enveloppe à ses nouveaux besoins. Cette théorie de l'origine de l'homme pourra paraître aux orgueilleux attentatoire à la grandeur et à la dignité humaine, mais elle sera acceptée dans l'avenir à cause de sa simplicité et de son ampleur saisissantes.
La géologie, en effet, nous fait lire dans le grand livre de la nature. Par elle, nous trouvons que les espèces d'aujourd'hui auraient pour aïeules les espèces dont les restes se retrouvent dans les couches terrestres ; on ne petit plus nier qu'il y a une progression continuelle dans le développement des formes organiques, quand nous voyons les types les plus simples apparaître les premiers. Ces types ont été modifiés par les instincts des animaux eux-mêmes pourvus d'organes appropriés à leurs nouveaux besoins et à leur développement. Du reste, la nature change les types quand le besoin s'en fait sentir ; la vie multiplie graduellement ses organes et les spécialise. Les espèces sortent les unes des autres, sans qu'il soit nécessaire d'intervention miraculeuse. Adam n'est point sorti armé de toutes pièces des mains du Créateur ; bien certainement qu'un chimpanzé lui donna le jour.
Les espèces ne sont pas absolument indépendantes les unes des autres ; elles se rattachent par une filiation secrète, et l'on peut même les regarder comme solidaires jusqu'à l'humanité. Comme vous le dites si judicieusement, depuis le zoophyte jusqu'à l'homme, il y a une chaîne dont tous les anneaux ont un point de contact avec l'anneau précédent. Et de même que l'esprit monte et ne peut rester stationnaire, de même aussi l'instinct de l'animal progresse, et chaque incarnation lui fait franchir un degré de l'échelle des êtres. Les phases de ces métamorphoses se comptent par des milliers d'anneaux, et les formes rudimentaires, dont quelques échantillons se retrouvent dans les terrains siluriens, nous disent par où est passée l'animalité.
Il ne doit plus y avoir de voile entre la nature et l'homme, et rien ne doit rester caché. La terre est notre domaine : c'est à nous d'en étudier les lois ; c'est l'ignorance et la paresse qui ont créé les mystères. Combien Dieu nous apparaît plus grand dans l'harmonie et l'unité de ses lois !
Je plains sincèrement les gens qui s'ennuient, car c'est une preuve qu'ils ne pensent à personne, et que leur esprit est vide comme l'estomac de l'individu qui a faim. »
Phénomène de linguistique
« Le Quatterly Journal of psychological medicine publie un rapport fort curieux sur une petite fille qui a substitué à la langue parlée autour d'elle, une série de mots et de verbes formant tout un idiome dont elle se sert, et dont on ne peut la déshabituer.
L'enfant a maintenant près de cinq ans. Jusqu'à l'âge de trois ans, elle est restée sans parler et ne savait prononcer que les mots « papa » et « maman ». Quand elle approcha de sa quatrième année, sa langue se délia tout à coup, et aujourd'hui elle parle avec toute la facilité et la volubilité de son âge. Mais de tout ce qu'elle dit, les deux mots « papa » et « maman, » qu'elle apprit d'abord, sont les seuls empruntés à la langue anglaise. Tous les autres sont nés dans son petit cerveau et sur ses petites lèvres, et n'ont même aucun rapport avec cette corruption de mots dont se servent les enfants qui jouent habituellement avec elle.
Dans son dictionnaire, Gaan signifie God (Dieu) ; migno-migno, water (eau) ; odo, to send for, ou take away (envoyer, ou renvoyer), selon qu'il est placé ; gar, horse (cheval).
Un jour, dit le docteur Hun, il vint à pleuvoir. On fit rentrer l'enfant et on lui défendit de sortir avant que la pluie n'eût cessé. Elle se mit à la fenêtre et dit :
- Gaan odo migno-migno, feu odo. (Dieu, renvoie la pluie, apporte les feux du soleil.)
Le mot feu appliqué dans le même sens que dans la langue à laquelle il appartient me frappa. J'appris que l'enfant n'avait jamais entendu parler français, chose fort singulière, et qu'il serait intéressant de bien constater, car l'enfant a emprunté plusieurs mots à la langue française, tels que « tout », « moi », et la négation « ne pas ».
L'enfant a un frère qui est son aîné d'environ dix-huit mois. Elle lui a appris sa langue, sans lui emprunter aucun des mots dont il se sert.
Ses parents sont fort désolés de ce petit phénomène ; on a essayé souvent de lui apprendre l'anglais, de lui donner le nom anglais des choses qu'elle désigne autrement dans son idiome : elle s'y refuse absolument. On a essayé de l'éloigner des enfants de son âge, de ne la mettre en communication qu'avec des personnes âgées, parlant anglais et ne connaissant rien de son petit jargon. Il y avait lieu d'espérer qu'une enfant qui s'était montrée aussi avide de communiquer ses pensées que d'inventer une langue nouvelle, chercherait à apprendre l'anglais quand elle se trouverait au milieu de gens ne parlant que cette langue. Mais il n'en a rien été.
Aussitôt qu'elle se trouve avec des personnes qu'elle n'a pas l'habitude de voir, elle se met de suite à leur apprendre sa langue, et, momentanément du moins, les parents ont renoncé à l'en déshabituer. »
Ce fait ayant été discuté à la Société spirite de Paris, un Esprit en donna l'explication dans la communication suivante :
Société de Paris, 9 octobre 1868 ; méd., M. Nivard
Le phénomène de la petite anglaise, parlant une langue inconnue à ceux qui l'entourent, et se refusant à se servir de la leur, est le fait le plus extraordinaire qui se soit produit depuis bien des siècles.
Des faits surprenants ont eu lieu dans tous les temps, à toutes les époques, qui ont été l'étonnement des hommes, mais ils avaient des similaires ou des semblables ; cela ne les expliquait pas sans doute, mais on les voyait avec moins de surprise. Celui dont il a été question est peut-être unique dans son genre. L'explication qu'on en peut donner n'est ni plus facile, ni plus difficile que les autres, mais sa singularité est frappante, c'est l'essentiel.
J'ai dit le mot frappante ; c'est bien, non la cause, mais la raison du phénomène. Il frappe d'étonnement : c'est pour cela, qu'il s'est produit. Aujourd'hui que le progrès a fait un certain chemin, on ne se contentera pas de parler du fait, comme on parle de la pluie et du beau temps ; on voudra en chercher la cause. Les médecins n'ont rien à y voir ; la physiologie est étrangère à cette singularité ; si l'enfant était muet, ou ne pouvait que difficilement articuler quelques mots qu'on ne comprendrait pas par suite de l'insuffisance de ses organes vocaux, les savants diraient que cela tient à de mauvaises dispositions physiologiques, et qu'en faisant disparaître ces mauvaises dispositions, on rendrait à l'enfant le libre usage de la parole. Mais tel n'est pas ici le cas ; l'enfant est au contraire loquace, bavarde ; elle parle facilement, appelle les choses à sa façon, les exprime dans la forme qui lui convient et va plus loin : elle enseigne son langage à ses camarades, quand il est prouvé qu'on ne peut lui enseigner sa langue maternelle, et qu'elle ne veut même pas s'y prêter.
La psychologie est donc la seule science dans laquelle on doive chercher l'explication de ce fait. La raison, le but spécial, je viens de le dire : il fallait frapper les esprits et solliciter leurs recherches. Quant à la cause, je vais essayer de vous la dire.
L'Esprit incarné dans le corps de cette enfant a connu la langue, ou plutôt les langues qu'il parle, car il fait un mélange. Néanmoins ce mélange est fait sciemment et constitue une langue dont les diverses expressions sont empruntées à celles que cet Esprit a connues dans d'autres incarnations. Dans sa dernière existence, il avait eu l'idée de créer une langue universelle afin de permettre aux hommes de toutes les nations de s'entendre et d'augmenter ainsi la facilité des relations et le progrès humain. A cet effet, il avait commencé à composer cette langue qu'il constituait de fragments de plusieurs de celles qu'il connaissait et aimait le mieux. La langue anglaise lui était inconnue ; il avait entendu parler des Anglais, mais il trouvait leur langage déplaisant et le détestait. Une fois dans l'erraticité, le but qu'il s'était proposé dans sa vie l'y a poursuivi ; il s'est remis à la besogne et a composé un vocabulaire qui lui est particulier. Il s'est incarné chez les Anglais avec le mépris qu'il avait pour leur langue, et avec la détermination bien arrêtée de ne pas la parler. Il a pris possession d'un corps dont l'organisme flexible lui permet de se tenir parole. Les liens qui le rattachent à ce corps sont assez élastiques pour le tenir dans un état de demi dégagement qui lui laisse le souvenir assez distinct de son passé, et le soutient dans sa résolution. D'un autre côté, il est aidé par son guide spirituel, qui veille à ce que le phénomène ait lieu avec régularité et persévérance, afin d'appeler l'attention des hommes. L'Esprit incarné, du reste, était consentant dans la production du fait. En même temps qu'il affiche le déplaisir de la langue anglaise, il remplit la mission de provoquer les recherches psychologiques.
L. Nivard père.
Remarque. - Si cette explication ne peut être démontrée, elle a du moins pour elle la rationalité et la probabilité. Un Anglais, qui n'admet pas le principe de la pluralité des existences, et qui n'avait point connaissance de la communication ci-dessus, entraîné par l'irrésistible logique, dit, en parlant de ce fait, qu'il ne pourrait s'expliquer que par la réincarnation, s'il était vrai qu'on pût revivre sur la terre.
Voilà donc un phénomène qui, par son étrangeté même, captivant l'attention, provoque l'idée de la réincarnation, comme la seule raison plausible qu'on en puisse donner. Avant que ce principe ne fût à l'ordre du jour, on eût tout simplement trouvé le fait bizarre, et, sans doute, en des temps plus reculés, on aurait regardé cette enfant comme ensorcelée. Nous ne jurerions même pas qu'aujourd'hui ce ne fût l'opinion de certaines personnes. Ce qui n'est pas moins digne de remarque, c'est que ce fait se produit précisément dans un pays encore réfractaire à l'idée de la réincarnation, mais à laquelle il sera amené par la force des choses.
L'enfant a maintenant près de cinq ans. Jusqu'à l'âge de trois ans, elle est restée sans parler et ne savait prononcer que les mots « papa » et « maman ». Quand elle approcha de sa quatrième année, sa langue se délia tout à coup, et aujourd'hui elle parle avec toute la facilité et la volubilité de son âge. Mais de tout ce qu'elle dit, les deux mots « papa » et « maman, » qu'elle apprit d'abord, sont les seuls empruntés à la langue anglaise. Tous les autres sont nés dans son petit cerveau et sur ses petites lèvres, et n'ont même aucun rapport avec cette corruption de mots dont se servent les enfants qui jouent habituellement avec elle.
Dans son dictionnaire, Gaan signifie God (Dieu) ; migno-migno, water (eau) ; odo, to send for, ou take away (envoyer, ou renvoyer), selon qu'il est placé ; gar, horse (cheval).
Un jour, dit le docteur Hun, il vint à pleuvoir. On fit rentrer l'enfant et on lui défendit de sortir avant que la pluie n'eût cessé. Elle se mit à la fenêtre et dit :
- Gaan odo migno-migno, feu odo. (Dieu, renvoie la pluie, apporte les feux du soleil.)
Le mot feu appliqué dans le même sens que dans la langue à laquelle il appartient me frappa. J'appris que l'enfant n'avait jamais entendu parler français, chose fort singulière, et qu'il serait intéressant de bien constater, car l'enfant a emprunté plusieurs mots à la langue française, tels que « tout », « moi », et la négation « ne pas ».
L'enfant a un frère qui est son aîné d'environ dix-huit mois. Elle lui a appris sa langue, sans lui emprunter aucun des mots dont il se sert.
Ses parents sont fort désolés de ce petit phénomène ; on a essayé souvent de lui apprendre l'anglais, de lui donner le nom anglais des choses qu'elle désigne autrement dans son idiome : elle s'y refuse absolument. On a essayé de l'éloigner des enfants de son âge, de ne la mettre en communication qu'avec des personnes âgées, parlant anglais et ne connaissant rien de son petit jargon. Il y avait lieu d'espérer qu'une enfant qui s'était montrée aussi avide de communiquer ses pensées que d'inventer une langue nouvelle, chercherait à apprendre l'anglais quand elle se trouverait au milieu de gens ne parlant que cette langue. Mais il n'en a rien été.
Aussitôt qu'elle se trouve avec des personnes qu'elle n'a pas l'habitude de voir, elle se met de suite à leur apprendre sa langue, et, momentanément du moins, les parents ont renoncé à l'en déshabituer. »
Ce fait ayant été discuté à la Société spirite de Paris, un Esprit en donna l'explication dans la communication suivante :
Société de Paris, 9 octobre 1868 ; méd., M. Nivard
Le phénomène de la petite anglaise, parlant une langue inconnue à ceux qui l'entourent, et se refusant à se servir de la leur, est le fait le plus extraordinaire qui se soit produit depuis bien des siècles.
Des faits surprenants ont eu lieu dans tous les temps, à toutes les époques, qui ont été l'étonnement des hommes, mais ils avaient des similaires ou des semblables ; cela ne les expliquait pas sans doute, mais on les voyait avec moins de surprise. Celui dont il a été question est peut-être unique dans son genre. L'explication qu'on en peut donner n'est ni plus facile, ni plus difficile que les autres, mais sa singularité est frappante, c'est l'essentiel.
J'ai dit le mot frappante ; c'est bien, non la cause, mais la raison du phénomène. Il frappe d'étonnement : c'est pour cela, qu'il s'est produit. Aujourd'hui que le progrès a fait un certain chemin, on ne se contentera pas de parler du fait, comme on parle de la pluie et du beau temps ; on voudra en chercher la cause. Les médecins n'ont rien à y voir ; la physiologie est étrangère à cette singularité ; si l'enfant était muet, ou ne pouvait que difficilement articuler quelques mots qu'on ne comprendrait pas par suite de l'insuffisance de ses organes vocaux, les savants diraient que cela tient à de mauvaises dispositions physiologiques, et qu'en faisant disparaître ces mauvaises dispositions, on rendrait à l'enfant le libre usage de la parole. Mais tel n'est pas ici le cas ; l'enfant est au contraire loquace, bavarde ; elle parle facilement, appelle les choses à sa façon, les exprime dans la forme qui lui convient et va plus loin : elle enseigne son langage à ses camarades, quand il est prouvé qu'on ne peut lui enseigner sa langue maternelle, et qu'elle ne veut même pas s'y prêter.
La psychologie est donc la seule science dans laquelle on doive chercher l'explication de ce fait. La raison, le but spécial, je viens de le dire : il fallait frapper les esprits et solliciter leurs recherches. Quant à la cause, je vais essayer de vous la dire.
L'Esprit incarné dans le corps de cette enfant a connu la langue, ou plutôt les langues qu'il parle, car il fait un mélange. Néanmoins ce mélange est fait sciemment et constitue une langue dont les diverses expressions sont empruntées à celles que cet Esprit a connues dans d'autres incarnations. Dans sa dernière existence, il avait eu l'idée de créer une langue universelle afin de permettre aux hommes de toutes les nations de s'entendre et d'augmenter ainsi la facilité des relations et le progrès humain. A cet effet, il avait commencé à composer cette langue qu'il constituait de fragments de plusieurs de celles qu'il connaissait et aimait le mieux. La langue anglaise lui était inconnue ; il avait entendu parler des Anglais, mais il trouvait leur langage déplaisant et le détestait. Une fois dans l'erraticité, le but qu'il s'était proposé dans sa vie l'y a poursuivi ; il s'est remis à la besogne et a composé un vocabulaire qui lui est particulier. Il s'est incarné chez les Anglais avec le mépris qu'il avait pour leur langue, et avec la détermination bien arrêtée de ne pas la parler. Il a pris possession d'un corps dont l'organisme flexible lui permet de se tenir parole. Les liens qui le rattachent à ce corps sont assez élastiques pour le tenir dans un état de demi dégagement qui lui laisse le souvenir assez distinct de son passé, et le soutient dans sa résolution. D'un autre côté, il est aidé par son guide spirituel, qui veille à ce que le phénomène ait lieu avec régularité et persévérance, afin d'appeler l'attention des hommes. L'Esprit incarné, du reste, était consentant dans la production du fait. En même temps qu'il affiche le déplaisir de la langue anglaise, il remplit la mission de provoquer les recherches psychologiques.
L. Nivard père.
Remarque. - Si cette explication ne peut être démontrée, elle a du moins pour elle la rationalité et la probabilité. Un Anglais, qui n'admet pas le principe de la pluralité des existences, et qui n'avait point connaissance de la communication ci-dessus, entraîné par l'irrésistible logique, dit, en parlant de ce fait, qu'il ne pourrait s'expliquer que par la réincarnation, s'il était vrai qu'on pût revivre sur la terre.
Voilà donc un phénomène qui, par son étrangeté même, captivant l'attention, provoque l'idée de la réincarnation, comme la seule raison plausible qu'on en puisse donner. Avant que ce principe ne fût à l'ordre du jour, on eût tout simplement trouvé le fait bizarre, et, sans doute, en des temps plus reculés, on aurait regardé cette enfant comme ensorcelée. Nous ne jurerions même pas qu'aujourd'hui ce ne fût l'opinion de certaines personnes. Ce qui n'est pas moins digne de remarque, c'est que ce fait se produit précisément dans un pays encore réfractaire à l'idée de la réincarnation, mais à laquelle il sera amené par la force des choses.
Musique de l'espace
Extrait d'une lettre d'un jeune homme à un de ses amis, garde de Paris :
« Mulhouse, 27 mars 1868.
Il y a environ cinq ans, - je n'avais alors que dix-huit ans, et j'ignorais jusqu'au nom du Spiritisme, - je fus le témoin et l'objet d'un phénomène étrange dont je me suis rendu compte il y a quelques mois seulement, après avoir lu le Livre des Esprits et le Livre des médiums ; ce phénomène consistait dans une musique invisible qui se faisait entendre dans l'air ambiant de la chambre, et accompagnait mon violon sur lequel je prenais encore des leçons à cette époque. Ce n'était pas une succession de sons, comme ceux que je produisais sur mon instrument, mais des accords parfaits dont l'harmonie était touchante ; on eût dit une harpe touchée avec délicatesse et sentiment ; nous étions quelquefois une douzaine de personnes réunies, et nous l'entendions tous sans exception ; mais si quelqu'un venait écouter par pure curiosité, tout cessait, et dès que le curieux était parti, l'effet se reproduisait immédiatement. Je me rappelle que le recueillement contribuait beaucoup à l'intensité des sons. Ce qu'il y avait de singulier, c'est que cela n'arrivait qu'entre cinq et huit heures du soir. Cependant, un dimanche, un orgue de Barbarie passait devant la maison vers une heure après midi, et jouait un air qui me rendit attentif ; aussitôt la musique invisible se fit entendre dans la chambre en accompagnant cet air.
Dans ces moments-là, j'éprouvais une agitation nerveuse qui me fatiguait sensiblement et me faisait même souffrir ; c'était comme une sorte d'inquiétude ; en même temps de tout mon corps rayonnait une chaleur qui se faisait sentir à 10 centimètres environ.
Depuis que j'ai lu le Livre des médiums, j'ai essayé d'écrire ; une force presque irrésistible portait ma main de gauche à droite par un mouvement fébrile, accompagné d'une grande agitation nerveuse ; mais je n'ai encore tracé que des caractères inintelligibles. »
Cette lettre nous ayant été communiquée, nous écrivîmes au jeune homme pour lui demander quelques explications complémentaires. Voici les réponses aux questions que nous lui avons adressées, et qui feront facilement préjuger les demandes.
1° Le fait s'est passé à Mulhouse, non dans ma chambre, mais dans celle où je m'exerçais le plus ordinairement, et située dans une maison voisine, en compagnie de deux amis dont l'un jouait de la flûte et l'autre du violon ; ce dernier était celui qui me donnait des leçons. Il ne s'est produit dans aucun autre endroit ;
2° Il était nécessaire que je jouasse ; et si parfois je me reposais trop longtemps, plusieurs sons, et quelquefois plusieurs accords se faisaient entendre comme pour m'inviter à continuer. Cependant le jour où cette musique s'est produite à la suite d'un orgue de Barbarie, je ne jouais pas ;
3° Cette musique avait un caractère assez accentué pour pouvoir être notée ; je n'ai pas eu la pensée de le faire ;
4° Elle semblait venir d'un point bien déterminé, mais qui voyageait constamment dans la chambre ; elle se fixait pendant quelques instants, de sorte que l'on pouvait désigner du doigt l'endroit d'où elle provenait ; mais lorsqu'on cherchait à cet endroit à en découvrir le secret, elle changeait aussitôt de place et se fixait ailleurs, ou se faisait entendre à différentes places ;
5° Cet effet a duré environ trois mois, depuis le mois de février 1862. Voici comment il a cessé :
Un jour nous étions réunis, mon patron, un autre employé et moi ; nous causions de choses et d'autres, lorsque mon patron m'adressa, sans préambule, cette question : « Croyez-vous aux revenants ? - Non, » lui répondis-je. Il continua à me questionner, et je me décidai à lui raconter ce qui se passait. Il m'écoutait avec beaucoup d'admiration ; lorsque j'eus finis, il me frappa sur l'épaule en disant : « On parlera de vous. » Il en parla à un médecin, que l'on dit très savant en physique, et qui lui expliqua le fait en disant que j'étais un sensitif, un magnétisé. Mon patron, cherchant à se rendre compte de la chose, vint un jour me trouver dans la chambre, et me commanda de jouer. J'obéis, et la musique invisible se fit entendre pendant quelques secondes, très distinctement pour moi, vaguement pour le patron et les assistants. Le patron s'y prit de toutes sortes de manières, mais sans rien pouvoir obtenir de plus.
Le dimanche suivant, je retournai dans la chambre ; c'est celui où la musique s'est fait entendre à la suite de l'orgue de Barbarie, sans que je jouasse. Ce fut la dernière fois ; depuis lors rien de semblable ne s'est produit.
Remarque. Avant d'attribuer un fait à l'intervention des Esprits, il faut en étudier soigneusement toutes les circonstances. Celui dont il s'agit ici a bien tous les caractères d'une manifestation ; il est probable qu'il a été produit par quelque Esprit sympathique au jeune homme, dans le but de l'amener aux idées spirites, et d'appeler l'attention d'autres personnes sur ces sortes de phénomènes. Mais alors, dira-t-on, pourquoi cet effet ne s'est-il pas produit d'une manière plus retentissante ? Pourquoi, surtout, a-t-il brusquement cessé ? Les Esprits ne sont pas tenus de rendre compte de tous les motifs qui les font agir ; mais on doit supposer qu'ils ont jugé ce qui s'était passé suffisant pour l'impression qu'ils voulaient produire. D'ailleurs, la cessation du phénomène au moment même où l'on en désirait la continuation, devait avoir pour résultat de prouver que la volonté du jeune homme n'y était pour rien, et qu'il n'y avait pas de supercherie. Cette musique étant entendue des personnes présentes, exclut tout effet d'illusion ou d'imagination, aussi bien que l'idée d'un conte fait à plaisir ; en outre, le jeune homme n'ayant alors aucune notion du Spiritisme, on ne peut supposer qu'il subissait l'influence d'idées préconçues ; ce n'est qu'après plusieurs années qu'il a pu s'expliquer le phénomène. Quantité de personnes sont dans le même cas ; le Spiritisme leur remet en mémoire des faits perdus de vue qu'elles mettaient sur le compte de l'hallucination, et dont elles peuvent désormais se rendre compte. Les phénomènes spontanés sont ce qu'on peut appeler le Spiritisme expérimental naturel.
« Mulhouse, 27 mars 1868.
Il y a environ cinq ans, - je n'avais alors que dix-huit ans, et j'ignorais jusqu'au nom du Spiritisme, - je fus le témoin et l'objet d'un phénomène étrange dont je me suis rendu compte il y a quelques mois seulement, après avoir lu le Livre des Esprits et le Livre des médiums ; ce phénomène consistait dans une musique invisible qui se faisait entendre dans l'air ambiant de la chambre, et accompagnait mon violon sur lequel je prenais encore des leçons à cette époque. Ce n'était pas une succession de sons, comme ceux que je produisais sur mon instrument, mais des accords parfaits dont l'harmonie était touchante ; on eût dit une harpe touchée avec délicatesse et sentiment ; nous étions quelquefois une douzaine de personnes réunies, et nous l'entendions tous sans exception ; mais si quelqu'un venait écouter par pure curiosité, tout cessait, et dès que le curieux était parti, l'effet se reproduisait immédiatement. Je me rappelle que le recueillement contribuait beaucoup à l'intensité des sons. Ce qu'il y avait de singulier, c'est que cela n'arrivait qu'entre cinq et huit heures du soir. Cependant, un dimanche, un orgue de Barbarie passait devant la maison vers une heure après midi, et jouait un air qui me rendit attentif ; aussitôt la musique invisible se fit entendre dans la chambre en accompagnant cet air.
Dans ces moments-là, j'éprouvais une agitation nerveuse qui me fatiguait sensiblement et me faisait même souffrir ; c'était comme une sorte d'inquiétude ; en même temps de tout mon corps rayonnait une chaleur qui se faisait sentir à 10 centimètres environ.
Depuis que j'ai lu le Livre des médiums, j'ai essayé d'écrire ; une force presque irrésistible portait ma main de gauche à droite par un mouvement fébrile, accompagné d'une grande agitation nerveuse ; mais je n'ai encore tracé que des caractères inintelligibles. »
Cette lettre nous ayant été communiquée, nous écrivîmes au jeune homme pour lui demander quelques explications complémentaires. Voici les réponses aux questions que nous lui avons adressées, et qui feront facilement préjuger les demandes.
1° Le fait s'est passé à Mulhouse, non dans ma chambre, mais dans celle où je m'exerçais le plus ordinairement, et située dans une maison voisine, en compagnie de deux amis dont l'un jouait de la flûte et l'autre du violon ; ce dernier était celui qui me donnait des leçons. Il ne s'est produit dans aucun autre endroit ;
2° Il était nécessaire que je jouasse ; et si parfois je me reposais trop longtemps, plusieurs sons, et quelquefois plusieurs accords se faisaient entendre comme pour m'inviter à continuer. Cependant le jour où cette musique s'est produite à la suite d'un orgue de Barbarie, je ne jouais pas ;
3° Cette musique avait un caractère assez accentué pour pouvoir être notée ; je n'ai pas eu la pensée de le faire ;
4° Elle semblait venir d'un point bien déterminé, mais qui voyageait constamment dans la chambre ; elle se fixait pendant quelques instants, de sorte que l'on pouvait désigner du doigt l'endroit d'où elle provenait ; mais lorsqu'on cherchait à cet endroit à en découvrir le secret, elle changeait aussitôt de place et se fixait ailleurs, ou se faisait entendre à différentes places ;
5° Cet effet a duré environ trois mois, depuis le mois de février 1862. Voici comment il a cessé :
Un jour nous étions réunis, mon patron, un autre employé et moi ; nous causions de choses et d'autres, lorsque mon patron m'adressa, sans préambule, cette question : « Croyez-vous aux revenants ? - Non, » lui répondis-je. Il continua à me questionner, et je me décidai à lui raconter ce qui se passait. Il m'écoutait avec beaucoup d'admiration ; lorsque j'eus finis, il me frappa sur l'épaule en disant : « On parlera de vous. » Il en parla à un médecin, que l'on dit très savant en physique, et qui lui expliqua le fait en disant que j'étais un sensitif, un magnétisé. Mon patron, cherchant à se rendre compte de la chose, vint un jour me trouver dans la chambre, et me commanda de jouer. J'obéis, et la musique invisible se fit entendre pendant quelques secondes, très distinctement pour moi, vaguement pour le patron et les assistants. Le patron s'y prit de toutes sortes de manières, mais sans rien pouvoir obtenir de plus.
Le dimanche suivant, je retournai dans la chambre ; c'est celui où la musique s'est fait entendre à la suite de l'orgue de Barbarie, sans que je jouasse. Ce fut la dernière fois ; depuis lors rien de semblable ne s'est produit.
Remarque. Avant d'attribuer un fait à l'intervention des Esprits, il faut en étudier soigneusement toutes les circonstances. Celui dont il s'agit ici a bien tous les caractères d'une manifestation ; il est probable qu'il a été produit par quelque Esprit sympathique au jeune homme, dans le but de l'amener aux idées spirites, et d'appeler l'attention d'autres personnes sur ces sortes de phénomènes. Mais alors, dira-t-on, pourquoi cet effet ne s'est-il pas produit d'une manière plus retentissante ? Pourquoi, surtout, a-t-il brusquement cessé ? Les Esprits ne sont pas tenus de rendre compte de tous les motifs qui les font agir ; mais on doit supposer qu'ils ont jugé ce qui s'était passé suffisant pour l'impression qu'ils voulaient produire. D'ailleurs, la cessation du phénomène au moment même où l'on en désirait la continuation, devait avoir pour résultat de prouver que la volonté du jeune homme n'y était pour rien, et qu'il n'y avait pas de supercherie. Cette musique étant entendue des personnes présentes, exclut tout effet d'illusion ou d'imagination, aussi bien que l'idée d'un conte fait à plaisir ; en outre, le jeune homme n'ayant alors aucune notion du Spiritisme, on ne peut supposer qu'il subissait l'influence d'idées préconçues ; ce n'est qu'après plusieurs années qu'il a pu s'expliquer le phénomène. Quantité de personnes sont dans le même cas ; le Spiritisme leur remet en mémoire des faits perdus de vue qu'elles mettaient sur le compte de l'hallucination, et dont elles peuvent désormais se rendre compte. Les phénomènes spontanés sont ce qu'on peut appeler le Spiritisme expérimental naturel.
Le Spiritualisme et l'Idéal
Dans l’art et la poésie des Grecs par Chassang[1]
Notre numéro du mois d'août contenait la reproduction d'un très remarquable article, tiré du journal le Droit, sur les funestes conséquences du matérialisme, au point de vue de la législation et de l'ordre social ; la Patrie du 30 juillet 1868 donnait le compte rendu d'un ouvrage sur l'influence du spiritualisme dans les arts. Ces deux articles sont le corollaire et le complément l'un de l'autre : dans le premier on prouve les dangers du matérialisme pour la société, et dans le second on démontre la nécessité du spiritualisme, sans lequel les arts et la poésie sont privés de leur élément vital.
En effet, le sublime de l'art et de la poésie est de parler à l'âme, d'élever la pensée au-dessus de la matière qui nous étreint, et dont nous aspirons sans cesse à sortir ; mais pour faire vibrer les cordes de l'âme, il faut avoir une âme qui vibre à l'unisson. Comment celui qui ne croit qu'à la matière, pourrait-il s'inspirer et se rendre l'interprète de pensées et de sentiments qui sont en dehors de la matière ? Son idéal ne sort pas du terre-à-terre, et il est froid, parce qu'il ne parle ni au cœur ni à l'esprit, mais aux sens matériels seuls. Le beau idéal n'est pas dans le monde matériel ; il faut donc le chercher dans le monde spirituel qui est celui de la lumière pour les aveugles ; l'impuissance d'y atteindre a créé l'école réaliste qui ne sort pas de ce monde, parce que là est tout son horizon ; le vrai beau étant hors de la portée de certains artistes, ils déclarent que le beau c'est laid. La fable du renard qui a la queue coupée, reste toujours une vérité.
L'époque où la foi religieuse était ardente et sincère, est aussi celle où l'art religieux a produit les plus beaux chefs-d'œuvre ; l'artiste s'identifiait avec son sujet, parce qu'il le voyait avec les yeux de l'âme et le comprenait ; c'était sa propre pensée qu'il rendait ; mais à mesure que la foi s'en est allée, le génie inspirateur est parti avec elle. Il ne faut donc pas s'étonner si l'art religieux est aujourd'hui en pleine décadence ; ce n'est pas le talent qui fait défaut, c'est le sentiment.
Il en est de même de l'idéal en toutes choses ; les œuvres d'art ne captivent qu'autant qu'elles font penser. On peut admirer le talent plastique de l'artiste, mais il ne peut susciter une pensée qui n'existe pas en lui ; il peint un monde qu'il ne voit, ne sent, ni ne comprend ; aussi tombe-t-il parfois dans le grotesque ; on sent qu'il vise à l'effet, et s'est ingénié à faire du nouveau en torturant la forme : voilà tout.
On peut en dire autant de la musique moderne ; elle fait beaucoup de bruit ; elle exige de l'exécutant une grande agilité des doigts et du gosier, une véritable dislocation ; elle remue les fibres de l'oreille, mais non celles du cœur. Cette tendance de l'art vers la matérialité a perverti le goût du public, dont la délicatesse du sens moral se trouve émoussé[2].
L'ouvrage de M. Chassang est l'application de ces idées à l'art en général, et à l'art grec en particulier. Nous reproduisons avec plaisir ce qu'en dit l'auteur du compte rendu de la Patrie, parce que c'est une preuve de plus de l'énergique réaction qui s'opère en faveur des idées spiritualistes, et que, comme nous l'avons dit, toute défense du spiritualisme rationnel fraye la voie au Spiritisme, qui en est le développement, en combattant ses plus tenaces adversaires : le matérialisme et le fanatisme.
M. Chassang est l'auteur de l'histoire d'Apollonius de Tyane, dont nous avons rendu compte dans la Revue d'octobre 1862, page 289.
« Ce livre, d'un caractère tout spécial, n'a pas été fait à l'occasion des récents débats sur le matérialisme, et c'est à coup sûr indépendamment de la volonté de l'auteur que les circonstances sont venues lui donner une sorte d'actualité. En l'écrivant, M. Chassang n'entendait pas faire œuvre de métaphysicien, mais de simple littérateur. Néanmoins, comme les grandes questions de métaphysique sont éternellement à l'ordre du jour, et que toute œuvre littéraire vraiment digne de ce nom suppose toujours quelque principe philosophique, ce livre, d'une inspiration spiritualiste très décidée, se trouve en corrélation avec les préoccupations du moment.
M. Chassang laisse à d'autres la réfutation du matérialisme au point de vue philosophique pur. Sa thèse est tout esthétique. Ce qu'il entend prouver, c'est que la littérature et l'art ne sont pas moins intéressés que la vie morale au triomphe des doctrines spiritualistes. De même que le matérialisme dépoétise la vie, et se fait un cruel plaisir de désenchanter l'homme en lui ôtant tout espoir, toute consolation au milieu des maux qui l'assiègent, de même il retranche impitoyablement de la littérature et de l'art ce qu'il appelle les illusions ou les mensonges, et, sous prétexte de vérité, proclamant le réalisme, il fait une loi aux artistes et aux écrivains de n'exprimer que ce qui est.
Les doctrines spiritualistes, au contraire, ouvrent en tous sens la vie aux nobles aspirations : elles entretiennent l'homme d'avenir et d'immortalité ; elles disent au poète et à l'artiste qu'il y a un beau idéal dont les plus belles créations humaines ne sont que de pâles reflets, et sur lequel doit toujours fixer les yeux quiconque veut charmer ses contemporains et vivre pour la postérité.
Après avoir, dans son introduction, développé cette donnée au point de vue général, M. Chassang en cherche la preuve dans la plus belle des littératures et dans le plus grand des arts qui aient excité l'admiration des hommes, dans la littérature et dans l'art des anciens Grecs. Pour une semblable démonstration, un ordre rigoureux et didactique est plutôt à fuir qu'à rechercher ; aussi, après l'introduction qui expose les principes, viennent non pas des chapitres étroitement unis et méthodiquement liés, mais des études isolées qui, toutes, se rattachent au même sujet, s'inspirent du même sentiment et convergent au même but. Le livre a ainsi à la fois l'unité dans l'ensemble et la variété dans les parties.
C'est d'abord un traité sur ce que l'auteur appelle avec à-propos le spiritualisme populaire chez les Anciens, c'est-à-dire les croyances des Grecs et des Romains sur la destinée des âmes après la mort. Il montre que si, parmi ces croyances, il est des erreurs évidentes, ces erreurs reposent néanmoins toutes sur l'espoir d'une autre vie. Le culte des morts ne contient-il pas, en effet, implicitement une profession de foi spiritualiste ? La dernière victoire du matérialisme serait de le supprimer, et ses adeptes devraient logiquement en arriver là ; autrement, à quoi bon élever la pierre du tombeau ? à quoi bon surtout entourer la tombe de respect, s'il n'y a rien derrière ? Ainsi parle M. Chassang. »
Octave Sachot.
[1] 1 vol. in-12, 3 fr. 50 c. Chez MM. Didier et Ce, 35, quai des Augustins.
[2] Voir la Revue de décembre 1860, page 366, et janvier 1861, page 4 : L'art païen, l'art chrétien et l'art spirite.
Notre numéro du mois d'août contenait la reproduction d'un très remarquable article, tiré du journal le Droit, sur les funestes conséquences du matérialisme, au point de vue de la législation et de l'ordre social ; la Patrie du 30 juillet 1868 donnait le compte rendu d'un ouvrage sur l'influence du spiritualisme dans les arts. Ces deux articles sont le corollaire et le complément l'un de l'autre : dans le premier on prouve les dangers du matérialisme pour la société, et dans le second on démontre la nécessité du spiritualisme, sans lequel les arts et la poésie sont privés de leur élément vital.
En effet, le sublime de l'art et de la poésie est de parler à l'âme, d'élever la pensée au-dessus de la matière qui nous étreint, et dont nous aspirons sans cesse à sortir ; mais pour faire vibrer les cordes de l'âme, il faut avoir une âme qui vibre à l'unisson. Comment celui qui ne croit qu'à la matière, pourrait-il s'inspirer et se rendre l'interprète de pensées et de sentiments qui sont en dehors de la matière ? Son idéal ne sort pas du terre-à-terre, et il est froid, parce qu'il ne parle ni au cœur ni à l'esprit, mais aux sens matériels seuls. Le beau idéal n'est pas dans le monde matériel ; il faut donc le chercher dans le monde spirituel qui est celui de la lumière pour les aveugles ; l'impuissance d'y atteindre a créé l'école réaliste qui ne sort pas de ce monde, parce que là est tout son horizon ; le vrai beau étant hors de la portée de certains artistes, ils déclarent que le beau c'est laid. La fable du renard qui a la queue coupée, reste toujours une vérité.
L'époque où la foi religieuse était ardente et sincère, est aussi celle où l'art religieux a produit les plus beaux chefs-d'œuvre ; l'artiste s'identifiait avec son sujet, parce qu'il le voyait avec les yeux de l'âme et le comprenait ; c'était sa propre pensée qu'il rendait ; mais à mesure que la foi s'en est allée, le génie inspirateur est parti avec elle. Il ne faut donc pas s'étonner si l'art religieux est aujourd'hui en pleine décadence ; ce n'est pas le talent qui fait défaut, c'est le sentiment.
Il en est de même de l'idéal en toutes choses ; les œuvres d'art ne captivent qu'autant qu'elles font penser. On peut admirer le talent plastique de l'artiste, mais il ne peut susciter une pensée qui n'existe pas en lui ; il peint un monde qu'il ne voit, ne sent, ni ne comprend ; aussi tombe-t-il parfois dans le grotesque ; on sent qu'il vise à l'effet, et s'est ingénié à faire du nouveau en torturant la forme : voilà tout.
On peut en dire autant de la musique moderne ; elle fait beaucoup de bruit ; elle exige de l'exécutant une grande agilité des doigts et du gosier, une véritable dislocation ; elle remue les fibres de l'oreille, mais non celles du cœur. Cette tendance de l'art vers la matérialité a perverti le goût du public, dont la délicatesse du sens moral se trouve émoussé[2].
L'ouvrage de M. Chassang est l'application de ces idées à l'art en général, et à l'art grec en particulier. Nous reproduisons avec plaisir ce qu'en dit l'auteur du compte rendu de la Patrie, parce que c'est une preuve de plus de l'énergique réaction qui s'opère en faveur des idées spiritualistes, et que, comme nous l'avons dit, toute défense du spiritualisme rationnel fraye la voie au Spiritisme, qui en est le développement, en combattant ses plus tenaces adversaires : le matérialisme et le fanatisme.
M. Chassang est l'auteur de l'histoire d'Apollonius de Tyane, dont nous avons rendu compte dans la Revue d'octobre 1862, page 289.
« Ce livre, d'un caractère tout spécial, n'a pas été fait à l'occasion des récents débats sur le matérialisme, et c'est à coup sûr indépendamment de la volonté de l'auteur que les circonstances sont venues lui donner une sorte d'actualité. En l'écrivant, M. Chassang n'entendait pas faire œuvre de métaphysicien, mais de simple littérateur. Néanmoins, comme les grandes questions de métaphysique sont éternellement à l'ordre du jour, et que toute œuvre littéraire vraiment digne de ce nom suppose toujours quelque principe philosophique, ce livre, d'une inspiration spiritualiste très décidée, se trouve en corrélation avec les préoccupations du moment.
M. Chassang laisse à d'autres la réfutation du matérialisme au point de vue philosophique pur. Sa thèse est tout esthétique. Ce qu'il entend prouver, c'est que la littérature et l'art ne sont pas moins intéressés que la vie morale au triomphe des doctrines spiritualistes. De même que le matérialisme dépoétise la vie, et se fait un cruel plaisir de désenchanter l'homme en lui ôtant tout espoir, toute consolation au milieu des maux qui l'assiègent, de même il retranche impitoyablement de la littérature et de l'art ce qu'il appelle les illusions ou les mensonges, et, sous prétexte de vérité, proclamant le réalisme, il fait une loi aux artistes et aux écrivains de n'exprimer que ce qui est.
Les doctrines spiritualistes, au contraire, ouvrent en tous sens la vie aux nobles aspirations : elles entretiennent l'homme d'avenir et d'immortalité ; elles disent au poète et à l'artiste qu'il y a un beau idéal dont les plus belles créations humaines ne sont que de pâles reflets, et sur lequel doit toujours fixer les yeux quiconque veut charmer ses contemporains et vivre pour la postérité.
Après avoir, dans son introduction, développé cette donnée au point de vue général, M. Chassang en cherche la preuve dans la plus belle des littératures et dans le plus grand des arts qui aient excité l'admiration des hommes, dans la littérature et dans l'art des anciens Grecs. Pour une semblable démonstration, un ordre rigoureux et didactique est plutôt à fuir qu'à rechercher ; aussi, après l'introduction qui expose les principes, viennent non pas des chapitres étroitement unis et méthodiquement liés, mais des études isolées qui, toutes, se rattachent au même sujet, s'inspirent du même sentiment et convergent au même but. Le livre a ainsi à la fois l'unité dans l'ensemble et la variété dans les parties.
C'est d'abord un traité sur ce que l'auteur appelle avec à-propos le spiritualisme populaire chez les Anciens, c'est-à-dire les croyances des Grecs et des Romains sur la destinée des âmes après la mort. Il montre que si, parmi ces croyances, il est des erreurs évidentes, ces erreurs reposent néanmoins toutes sur l'espoir d'une autre vie. Le culte des morts ne contient-il pas, en effet, implicitement une profession de foi spiritualiste ? La dernière victoire du matérialisme serait de le supprimer, et ses adeptes devraient logiquement en arriver là ; autrement, à quoi bon élever la pierre du tombeau ? à quoi bon surtout entourer la tombe de respect, s'il n'y a rien derrière ? Ainsi parle M. Chassang. »
Octave Sachot.
[1] 1 vol. in-12, 3 fr. 50 c. Chez MM. Didier et Ce, 35, quai des Augustins.
[2] Voir la Revue de décembre 1860, page 366, et janvier 1861, page 4 : L'art païen, l'art chrétien et l'art spirite.
Instructions des Esprits
De la régénération des peuples d'Orient
Nous avons reçu de Syrie une très
intéressante lettre sur l'état moral des peuples de l'Orient, et les
moyens de coopérer à leur régénération. La spécialité de cette lettre ne
nous permet pas de la publier dans notre Revue ; nous dirons seulement
que notre honorable correspondant, initié aux connaissances des peuples
de l'Europe, envisage la question en profond philosophe, en homme dégagé
de tout préjugé de secte, qui connaît le terrain et ne se fait aucune
illusion sur les difficultés que présente un pareil sujet.
Il voit dans le Spiritisme, qu'il a sérieusement étudié, un puissant levier pour combattre les préjugés qui s'opposent à l'émancipation morale et intellectuelle de ses compatriotes, en raison même des idées qui constituent le fond de leurs croyances et auxquelles il faudrait donner une direction plus rationnelle. En vue de concourir à cette œuvre, ou du moins d'en poser les premières bases, il a conçu un projet qu'il a bien voulu nous soumettre, en nous priant de solliciter aussi l'avis des bons Esprits.
La communication qui nous a été donnée à ce sujet est instructive pour tout le monde, surtout dans les circonstances actuelles, c'est pourquoi nous avons cru devoir la publier. Elle contient une sage appréciation des choses, et des conseils dont d'autres pourront faire leur profit à l'occasion, et qui, en les spécialisant, trouvent aussi leur application dans la manière la plus profitable de propager le Spiritisme.
Paris, 18 septembre 1868
Ce n'est pas seulement l'Orient, c'est l'Europe, c'est le monde entier qu'agite une sourde fermentation que la plus petite cause peut transformer en conflagration universelle, lorsque le moment sera arrivé. Comme le dit avec raison M. X…, c'est sur des ruines que l'on a édifié les choses nouvelles, et avant que la grande rénovation soit un fait accompli, les travaux humains et l'intervention des éléments doivent achever de déblayer le sol de la pensée des erreurs du passé. Tout concourt à cette œuvre immense ; l'heure de l'action approche rapidement, et l'on doit encourager toutes les intelligences qui se préparent à la lutte. L'humanité quitte ses langes pour ceindre la robe virile ; elle secoue le joug séculaire ; le moment ne saurait donc être plus propice. Mais il ne faut pas se dissimuler que la tâche est rude, et que plus d'un artisan sera broyé par la machine qu'il aura mise en mouvement, pour n'avoir pas su découvrir le frein capable de maîtriser la fougue de l'humanité trop brusquement émancipée.
Avoir la raison, la vérité pour soi, travailler en vue du bien général, sacrifier son bien-être particulier à l'intérêt de tous, c'est bien, mais ce n'est pas suffisant. On ne peut donner tout d'un coup toutes les libertés à un esclave façonné par les siècles à un joug sévère. Ce n'est que graduellement, et en mesurant la longueur des lisières aux progrès intelligents et surtout moraux de l'humanité, que la régénération pourra s'accomplir. L'orage qui dissipe les miasmes délétères dont une contrée est infectée, est un bienfaisant cataclysme ; mais celui qui rompt toutes les digues, et qui, n'obéissant à aucun frein, bouleverse tout sur son passage, est déplorable, et sans aucune conséquence utile. Il augmente les difficultés au lieu de contribuer à les faire disparaître.
Tous ceux qui désirent concourir utilement au travail régénérateur, doivent donc, avant tout, se préoccuper de la nature des éléments sur lesquels il leur est possible d'agir, et combiner leurs actions en raison du caractère, des mœurs, des croyances de ceux qu'ils veulent transformer. Ainsi pour atteindre, en Orient, le but que poursuivent en Amérique et dans l'Europe occidentale tous les esprits d'élite, il faut suivre une marche identique quant à l'ensemble, mais essentiellement différente dans les détails, c'est-à-dire qu'en semant l'instruction, en développant la moralité, en combattant les abus consacrés par le temps, on arrivera à un même résultat, en quelque endroit qu'on agisse, mais le choix des moyens devra surtout être déterminé par le génie particulier de ceux auxquels on s'adressera.
L'esprit de réforme souffle dans toute l'Asie ; il a laissé en Syrie, en Perse, et dans toutes les contrées avoisinantes, de sanglantes épaves ; l'idée nouvelle y a germé, arrosée du sang des martyrs ; il faut profiter de l'élan donné aux intelligences, mais éviter de retomber dans les fautes qui ont provoqué ces persécutions. On n'instruit pas l'homme en heurtant de front ses préjugés, mais en les tournant, en modifiant l'ameublement de son esprit d'une manière tellement graduée, qu'il en arrive à renoncer de lui-même à des erreurs pour lesquelles naguère il eût sacrifié sa vie. Il ne faut point lui dire : « Ceci est mauvais, cela est bien, » mais l'amener, par l'enseignement littéraire et par l'exemple, à apprécier chaque chose sous son véritable aspect. On n'impose pas à un peuple des idées nouvelles ; pour qu'il les accepte sans perturbation regrettable, il faut l'y habituer peu à peu en lui en faisant reconnaître les avantages, et ne les poser en principes que lorsqu'on est certain qu'elles auront pour elles une imposante majorité.
Il y a beaucoup à faire en Orient, mais l'action de l'homme seul serait impuissante pour opérer une transformation radicale. Les évènements auxquels nous touchons contribueront pour une part à cette transformation. Ils habitueront les Orientaux à un nouveau genre d'existence ; ils saperont, dans leurs bases, les préjugés qui président à la législation de la famille. C'est après cela seulement que l'enseignement viendra leur porter le dernier coup.
Nous applaudissons de toutes nos forces à l'œuvre de M. X…, à l'esprit dans lequel elle est conçue ; nous lui promettons, en outre, notre assistance, et lui conseillons de recourir à nous toutes les fois qu'il rencontrera quelques difficultés embarrassantes. Qu'il se hâte de se mettre à l'œuvre ; les évènements vont vite, et c'est à peine si son travail sera terminé lorsque le moment propice sera arrivé ! Qu'il ne perde point de temps et qu'il compte sur notre concours, qui lui est acquis comme à tous ceux qui poursuivent avec désintéressement l'accomplissement des desseins providentiels.
Clélie Duplantier.
Il voit dans le Spiritisme, qu'il a sérieusement étudié, un puissant levier pour combattre les préjugés qui s'opposent à l'émancipation morale et intellectuelle de ses compatriotes, en raison même des idées qui constituent le fond de leurs croyances et auxquelles il faudrait donner une direction plus rationnelle. En vue de concourir à cette œuvre, ou du moins d'en poser les premières bases, il a conçu un projet qu'il a bien voulu nous soumettre, en nous priant de solliciter aussi l'avis des bons Esprits.
La communication qui nous a été donnée à ce sujet est instructive pour tout le monde, surtout dans les circonstances actuelles, c'est pourquoi nous avons cru devoir la publier. Elle contient une sage appréciation des choses, et des conseils dont d'autres pourront faire leur profit à l'occasion, et qui, en les spécialisant, trouvent aussi leur application dans la manière la plus profitable de propager le Spiritisme.
Paris, 18 septembre 1868
Ce n'est pas seulement l'Orient, c'est l'Europe, c'est le monde entier qu'agite une sourde fermentation que la plus petite cause peut transformer en conflagration universelle, lorsque le moment sera arrivé. Comme le dit avec raison M. X…, c'est sur des ruines que l'on a édifié les choses nouvelles, et avant que la grande rénovation soit un fait accompli, les travaux humains et l'intervention des éléments doivent achever de déblayer le sol de la pensée des erreurs du passé. Tout concourt à cette œuvre immense ; l'heure de l'action approche rapidement, et l'on doit encourager toutes les intelligences qui se préparent à la lutte. L'humanité quitte ses langes pour ceindre la robe virile ; elle secoue le joug séculaire ; le moment ne saurait donc être plus propice. Mais il ne faut pas se dissimuler que la tâche est rude, et que plus d'un artisan sera broyé par la machine qu'il aura mise en mouvement, pour n'avoir pas su découvrir le frein capable de maîtriser la fougue de l'humanité trop brusquement émancipée.
Avoir la raison, la vérité pour soi, travailler en vue du bien général, sacrifier son bien-être particulier à l'intérêt de tous, c'est bien, mais ce n'est pas suffisant. On ne peut donner tout d'un coup toutes les libertés à un esclave façonné par les siècles à un joug sévère. Ce n'est que graduellement, et en mesurant la longueur des lisières aux progrès intelligents et surtout moraux de l'humanité, que la régénération pourra s'accomplir. L'orage qui dissipe les miasmes délétères dont une contrée est infectée, est un bienfaisant cataclysme ; mais celui qui rompt toutes les digues, et qui, n'obéissant à aucun frein, bouleverse tout sur son passage, est déplorable, et sans aucune conséquence utile. Il augmente les difficultés au lieu de contribuer à les faire disparaître.
Tous ceux qui désirent concourir utilement au travail régénérateur, doivent donc, avant tout, se préoccuper de la nature des éléments sur lesquels il leur est possible d'agir, et combiner leurs actions en raison du caractère, des mœurs, des croyances de ceux qu'ils veulent transformer. Ainsi pour atteindre, en Orient, le but que poursuivent en Amérique et dans l'Europe occidentale tous les esprits d'élite, il faut suivre une marche identique quant à l'ensemble, mais essentiellement différente dans les détails, c'est-à-dire qu'en semant l'instruction, en développant la moralité, en combattant les abus consacrés par le temps, on arrivera à un même résultat, en quelque endroit qu'on agisse, mais le choix des moyens devra surtout être déterminé par le génie particulier de ceux auxquels on s'adressera.
L'esprit de réforme souffle dans toute l'Asie ; il a laissé en Syrie, en Perse, et dans toutes les contrées avoisinantes, de sanglantes épaves ; l'idée nouvelle y a germé, arrosée du sang des martyrs ; il faut profiter de l'élan donné aux intelligences, mais éviter de retomber dans les fautes qui ont provoqué ces persécutions. On n'instruit pas l'homme en heurtant de front ses préjugés, mais en les tournant, en modifiant l'ameublement de son esprit d'une manière tellement graduée, qu'il en arrive à renoncer de lui-même à des erreurs pour lesquelles naguère il eût sacrifié sa vie. Il ne faut point lui dire : « Ceci est mauvais, cela est bien, » mais l'amener, par l'enseignement littéraire et par l'exemple, à apprécier chaque chose sous son véritable aspect. On n'impose pas à un peuple des idées nouvelles ; pour qu'il les accepte sans perturbation regrettable, il faut l'y habituer peu à peu en lui en faisant reconnaître les avantages, et ne les poser en principes que lorsqu'on est certain qu'elles auront pour elles une imposante majorité.
Il y a beaucoup à faire en Orient, mais l'action de l'homme seul serait impuissante pour opérer une transformation radicale. Les évènements auxquels nous touchons contribueront pour une part à cette transformation. Ils habitueront les Orientaux à un nouveau genre d'existence ; ils saperont, dans leurs bases, les préjugés qui président à la législation de la famille. C'est après cela seulement que l'enseignement viendra leur porter le dernier coup.
Nous applaudissons de toutes nos forces à l'œuvre de M. X…, à l'esprit dans lequel elle est conçue ; nous lui promettons, en outre, notre assistance, et lui conseillons de recourir à nous toutes les fois qu'il rencontrera quelques difficultés embarrassantes. Qu'il se hâte de se mettre à l'œuvre ; les évènements vont vite, et c'est à peine si son travail sera terminé lorsque le moment propice sera arrivé ! Qu'il ne perde point de temps et qu'il compte sur notre concours, qui lui est acquis comme à tous ceux qui poursuivent avec désintéressement l'accomplissement des desseins providentiels.
Clélie Duplantier.
La meilleure propagande
Société de Paris ; 23 octobre 1868. Médium, M. Nivard
S'il y a peu de médiums, ce soir, il s'en faut qu'il y ait pénurie
d'Esprits ; ils sont, au contraire, fort nombreux ; les uns sont des
habitués qui viennent vous instruire ou s'instruire eux-mêmes ; les
autres, en grand nombre, sont des nouveaux venus pour vous. Ils sont
venus sans carte d'entrée, c'est vrai ; mais avec l'agrément et sur
l'invitation des Esprits habitués. Beaucoup de ces Esprits sont heureux
d'assister à la séance, et le sont surtout d'y voir plusieurs Spirites
qu'ils aiment et qu'ils dirigent, et qui ont eu la pensée de se rendre
parmi vous.
Il y a beaucoup de Spirites dans le monde, mais leur degré d'instruction sur la doctrine est loin d'être suffisant pour se faire classer parmi les Spirites éclairés. Ils ont des lumières, sans doute, mais la pratique leur fait généralement défaut ; ou s'ils pratiquent, ils ont besoin d'être secondés, afin d'apporter, dans les efforts qu'ils tentent, plus de persuasion et moins d'enthousiasme. Quand je parle de pratique du Spiritisme, je veux dire la partie qui concerne la propagande ; eh bien ! pour cette partie, plus difficile qu'on ne le croit, il faut, pour l'exercer avec efficacité, être bien pénétré de la philosophie du Spiritisme et aussi de sa partie morale. La partie morale est facile à connaître ; elle demande pour cela peu d'efforts ; en revanche, c'est la plus difficile à pratiquer, car l'exemple seul peut la bien faire comprendre. Vous ferez mieux comprendre la vertu en donnant l'exemple qu'en la définissant. Etre vertueux, c'est faire comprendre et aimer la vertu. Il n'y a rien à répondre à celui qui fait ce qu'il engage les autres à faire. Donc, pour la partie morale du Spiritisme, aucune difficulté dans la théorie, beaucoup dans la pratique.
La partie philosophique présente plus de difficultés pour être comprise, et, par conséquent, demande plus d'efforts. Les adeptes qui essaient d'être militants, doivent se mettre à l'œuvre pour la bien connaître, car c'est l'arme avec laquelle ils combattront avec le plus de succès. Il est utile qu'ils ne s'extasient point sur les phénomènes matériels, et qu'ils en donnent l'explication sans trop de développement. Ils doivent réserver ces développements pour l'analyse des faits de l'ordre intelligent, sans cependant en trop dire, car il ne faut pas fatiguer l'esprit des personnes novices dans le Spiritisme. Explications concises, exemples bien choisis, s'adaptant bien à la question qu'on discute, voilà tout ce qu'il faut. Mais, je le répète, pour être concis, il n'en faut pas moins savoir ; pour donner des exemples ou des explications bien appropriés au sujet, il est nécessaire de posséder à fond la philosophie du Spiritisme. Cette philosophie est résumée dans le Livre des Esprits, et le côté pratique dans le Livre des Médiums. Si vous connaissez bien la substance de ces deux ouvrages, qui sont l'œuvre des Esprits, vous aurez certainement le bonheur d'amener beaucoup de vos frères à cette croyance si consolante, et beaucoup de ceux qui croient seront placés sur son vrai terrain : celui de l'amour et de la charité.
Ainsi donc, mes amis, ceux d'entre vous qui désirent, et tous doivent le désirer, faire partager leurs croyances à leurs frères, qui veulent les appeler au banquet de consolation que le Spiritisme offre à tous ses enfants, doivent moralement prêcher le Spiritisme en pratiquant la morale, et intellectuellement en répandant autour d'eux les lumières qu'ils ont puisées ou puiseront dans les communications des Esprits.
Tout cela est facile, il ne faut que le vouloir. Eh bien ! mes chers amis, au nom de votre bonheur, de votre tranquillité, au nom de l'union et de la charité, je vous engage à le vouloir.
Un Esprit.
Il y a beaucoup de Spirites dans le monde, mais leur degré d'instruction sur la doctrine est loin d'être suffisant pour se faire classer parmi les Spirites éclairés. Ils ont des lumières, sans doute, mais la pratique leur fait généralement défaut ; ou s'ils pratiquent, ils ont besoin d'être secondés, afin d'apporter, dans les efforts qu'ils tentent, plus de persuasion et moins d'enthousiasme. Quand je parle de pratique du Spiritisme, je veux dire la partie qui concerne la propagande ; eh bien ! pour cette partie, plus difficile qu'on ne le croit, il faut, pour l'exercer avec efficacité, être bien pénétré de la philosophie du Spiritisme et aussi de sa partie morale. La partie morale est facile à connaître ; elle demande pour cela peu d'efforts ; en revanche, c'est la plus difficile à pratiquer, car l'exemple seul peut la bien faire comprendre. Vous ferez mieux comprendre la vertu en donnant l'exemple qu'en la définissant. Etre vertueux, c'est faire comprendre et aimer la vertu. Il n'y a rien à répondre à celui qui fait ce qu'il engage les autres à faire. Donc, pour la partie morale du Spiritisme, aucune difficulté dans la théorie, beaucoup dans la pratique.
La partie philosophique présente plus de difficultés pour être comprise, et, par conséquent, demande plus d'efforts. Les adeptes qui essaient d'être militants, doivent se mettre à l'œuvre pour la bien connaître, car c'est l'arme avec laquelle ils combattront avec le plus de succès. Il est utile qu'ils ne s'extasient point sur les phénomènes matériels, et qu'ils en donnent l'explication sans trop de développement. Ils doivent réserver ces développements pour l'analyse des faits de l'ordre intelligent, sans cependant en trop dire, car il ne faut pas fatiguer l'esprit des personnes novices dans le Spiritisme. Explications concises, exemples bien choisis, s'adaptant bien à la question qu'on discute, voilà tout ce qu'il faut. Mais, je le répète, pour être concis, il n'en faut pas moins savoir ; pour donner des exemples ou des explications bien appropriés au sujet, il est nécessaire de posséder à fond la philosophie du Spiritisme. Cette philosophie est résumée dans le Livre des Esprits, et le côté pratique dans le Livre des Médiums. Si vous connaissez bien la substance de ces deux ouvrages, qui sont l'œuvre des Esprits, vous aurez certainement le bonheur d'amener beaucoup de vos frères à cette croyance si consolante, et beaucoup de ceux qui croient seront placés sur son vrai terrain : celui de l'amour et de la charité.
Ainsi donc, mes amis, ceux d'entre vous qui désirent, et tous doivent le désirer, faire partager leurs croyances à leurs frères, qui veulent les appeler au banquet de consolation que le Spiritisme offre à tous ses enfants, doivent moralement prêcher le Spiritisme en pratiquant la morale, et intellectuellement en répandant autour d'eux les lumières qu'ils ont puisées ou puiseront dans les communications des Esprits.
Tout cela est facile, il ne faut que le vouloir. Eh bien ! mes chers amis, au nom de votre bonheur, de votre tranquillité, au nom de l'union et de la charité, je vous engage à le vouloir.
Un Esprit.
Le vrai recueillement
(Société de Paris, 16 octobre 1868 ; médium M. Bertrand.)
Si vous pouviez voir le recueillement
des Esprits de tous ordres qui assistent à vos séances, et cela pendant
la lecture de vos prières, non seulement vous seriez touchés, mais vous
seriez honteux de voir que votre recueillement, que je qualifie
seulement de silence, est bien loin d'approcher de celui des Esprits,
dont un bon nombre vous sont inférieurs. Ce que vous appelez vous
recueillir pendant la lecture de vos belles prières, c'est d'observer un
silence que personne ne trouble ; mais si vos lèvres ne remuent point,
si votre corps est immobile, votre Esprit vagabonde et laisse de côté
les sublimes paroles que vous devriez prononcer du plus profond de votre
cœur en vous les assimilant par la pensée.
Votre matière observe le silence ; certes, ce serait vous faire injure de dire le contraire ; mais votre Esprit babillard ne l'observe point, et trouble, en cet instant, par vos pensées diverses, le recueillement des Esprits qui vous entourent. Ah ! si vous les voyiez prosternés devant l'Eternel, demandant l'accomplissement de chacune des paroles que vous lisez, votre âme en serait émue, et regrettant son peu d'attention passée, ferait un retour sur elle-même, et demanderait à Dieu, de tout cœur, l'accomplissement de ces mêmes paroles qu'elle ne prononçait que des lèvres. Vous demanderiez aux Esprits de vous rendre dociles à leurs conseils ; et moi, Esprit qui vous parle, après la lecture de vos prières, et des paroles que je viens de répéter, je pourrais en signaler plus d'un qui s'en ira tout aussi peu docile aux conseils que je viens de donner, et avec des sentiments tout aussi peu charitables pour son prochain.
Je suis sans doute un peu dur ; mais je crois ne l'être que pour ceux qui le méritent et dont les plus secrètes pensées ne peuvent être cachées aux Esprits. Je ne m'adresse donc qu'à ceux qui viennent ici en pensant à toute autre chose qu'aux leçons qu'ils doivent venir chercher et aux sentiments qu'ils doivent y apporter. Mais ceux qui prient du fond de leur âme prieront aussi, après la lecture de ma communication, pour ceux qui viennent ici et en partent sans avoir prié.
Quoi qu'il en soit, je demande à ceux qui ont bien voulu me prêter une oreille attentive, de continuer à mettre en pratique les enseignements et les conseils des Esprits ; je les y convie dans leur intérêt, car ils ne savent pas tout ce qu'ils peuvent perdre à ne pas le faire.
De Courson.
Votre matière observe le silence ; certes, ce serait vous faire injure de dire le contraire ; mais votre Esprit babillard ne l'observe point, et trouble, en cet instant, par vos pensées diverses, le recueillement des Esprits qui vous entourent. Ah ! si vous les voyiez prosternés devant l'Eternel, demandant l'accomplissement de chacune des paroles que vous lisez, votre âme en serait émue, et regrettant son peu d'attention passée, ferait un retour sur elle-même, et demanderait à Dieu, de tout cœur, l'accomplissement de ces mêmes paroles qu'elle ne prononçait que des lèvres. Vous demanderiez aux Esprits de vous rendre dociles à leurs conseils ; et moi, Esprit qui vous parle, après la lecture de vos prières, et des paroles que je viens de répéter, je pourrais en signaler plus d'un qui s'en ira tout aussi peu docile aux conseils que je viens de donner, et avec des sentiments tout aussi peu charitables pour son prochain.
Je suis sans doute un peu dur ; mais je crois ne l'être que pour ceux qui le méritent et dont les plus secrètes pensées ne peuvent être cachées aux Esprits. Je ne m'adresse donc qu'à ceux qui viennent ici en pensant à toute autre chose qu'aux leçons qu'ils doivent venir chercher et aux sentiments qu'ils doivent y apporter. Mais ceux qui prient du fond de leur âme prieront aussi, après la lecture de ma communication, pour ceux qui viennent ici et en partent sans avoir prié.
Quoi qu'il en soit, je demande à ceux qui ont bien voulu me prêter une oreille attentive, de continuer à mettre en pratique les enseignements et les conseils des Esprits ; je les y convie dans leur intérêt, car ils ne savent pas tout ce qu'ils peuvent perdre à ne pas le faire.
De Courson.
Bibliographie
Le Spiritisme dans la Bible
On sait que la Bible contient une foule de passages en rapport avec les
principes du Spiritisme ; mais comment les trouver dans ce labyrinthe ?
Il faudrait faire de ce livre une lecture attentive, ce que peu de
personnes ont le temps et la patience de faire. Dans quelques-uns même,
en raison surtout du langage le plus souvent figuré, l'idée spirite
n'apparaît d'une manière claire qu'après réflexion.
L'auteur de ce livre a fait de la Bible une étude approfondie, et la connaissance du Spiritisme lui a, seule, donné la clef de choses qui lui semblaient inexplicables ou inintelligibles auparavant. C'est ainsi qu'il a pu se renseigner avec certitude sur les idées psychologiques des anciens Hébreux, point sur lequel les commentateurs n'étaient pas d'accord. Nous devons donc lui savoir gré d'avoir mis ces passages en lumière, dans un résumé succinct, et d'avoir ainsi épargné au lecteur des recherches longues et fastidieuses. Aux citations, il ajoute des commentaires nécessaires à l'intelligence du texte, et qui révèlent en lui le Spirite éclairé, mais non fanatique de ses idées, et qui voit du Spiritisme partout.
Le nom de l'auteur indique qu'il n'est pas Français ; il dit dans sa préface qu'il est Polonais, et il explique dans quelles circonstances il a été amené au Spiritisme, et les secours moraux qu'il a puisés dans cette doctrine. Quoique étranger, il écrit le français, comme du reste la plupart des peuples du Nord, principalement les Polonais et les Russes, avec une parfaite pureté ; son livre est écrit avec clarté, ce qui est un grand mérite en matières philosophiques, car rien n'est moins propre à la vulgarisation des idées qu'un auteur veut propager, que ces livres dont la lecture fatigue au point de donner le mal de tête, et dont les propositions sont une suite d'énigmes indéchiffrables pour le commun des lecteurs.
En résumé, M. Stecki a fait un livre utile, dont tous les Spirites lui sauront gré.
Nous le remercions personnellement de la gracieuse épître dédicatoire qu'il a bien voulu placer en tête de son ouvrage.
L'auteur de ce livre a fait de la Bible une étude approfondie, et la connaissance du Spiritisme lui a, seule, donné la clef de choses qui lui semblaient inexplicables ou inintelligibles auparavant. C'est ainsi qu'il a pu se renseigner avec certitude sur les idées psychologiques des anciens Hébreux, point sur lequel les commentateurs n'étaient pas d'accord. Nous devons donc lui savoir gré d'avoir mis ces passages en lumière, dans un résumé succinct, et d'avoir ainsi épargné au lecteur des recherches longues et fastidieuses. Aux citations, il ajoute des commentaires nécessaires à l'intelligence du texte, et qui révèlent en lui le Spirite éclairé, mais non fanatique de ses idées, et qui voit du Spiritisme partout.
Le nom de l'auteur indique qu'il n'est pas Français ; il dit dans sa préface qu'il est Polonais, et il explique dans quelles circonstances il a été amené au Spiritisme, et les secours moraux qu'il a puisés dans cette doctrine. Quoique étranger, il écrit le français, comme du reste la plupart des peuples du Nord, principalement les Polonais et les Russes, avec une parfaite pureté ; son livre est écrit avec clarté, ce qui est un grand mérite en matières philosophiques, car rien n'est moins propre à la vulgarisation des idées qu'un auteur veut propager, que ces livres dont la lecture fatigue au point de donner le mal de tête, et dont les propositions sont une suite d'énigmes indéchiffrables pour le commun des lecteurs.
En résumé, M. Stecki a fait un livre utile, dont tous les Spirites lui sauront gré.
Nous le remercions personnellement de la gracieuse épître dédicatoire qu'il a bien voulu placer en tête de son ouvrage.
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[1] Un petit volume in-12 ; prix, 1 fr. ; par la poste, 1 fr. 25 c. Chez MM. Lacroix et Ce, Librairie Internationale, 15, boulevard Montmartre, à Paris ; et au bureau de la Revue spirite.
Le Spiritisme à Lyon
Ce journal, qui paraît depuis le 15 février, et dont nous avons parlé
plusieurs fois, poursuit sa route avec succès, grâce au zèle et au
dévouement de ses directeurs. Leur œuvre est d'autant plus méritoire
que, novices en ce qui concerne la manutention d'un journal, ils ont eu à
lutter contre les difficultés de l'inexpérience. Mais en forgeant on
devient forgeron, aussi avons-nous suivi avec un vif intérêt les progrès
de ce journal qui a considérablement gagné, depuis son origine, pour la
forme et pour le fond. Nous le féliciterions de l'esprit de tolérance
et de modération dont il s'est fait une loi, si ce n'était une des
qualités sans lesquelles on ne saurait se dire vraiment Spirite, et une
conséquence de la maxime qu'il prend pour devise : Hors la charité point
de salut ; aussi faisons-nous des vœux sincères pour sa prospérité. Le
dernier numéro, celui du 15 octobre, contient plusieurs articles très
intéressants sur lesquels nous appelons l'attention de nos lecteurs.
Des destinées de l'âme
Avec des considérations prophétiques pour reconnaître le temps présent
et les signes de l'approche des derniers jours ; nouvelle édition,
précédée d'un appel aux catholiques de bonne foi et au futur concile.
Par A. D'Orient [1]
Dans cet ouvrage, d'une importance capitale, l'auteur s'appuie sur la pluralité des existences, comme la théorie la plus rationnelle, sur le progrès indéfini de l'âme par le travail accompli dans les existences successives, la responsabilité de chacun selon ses œuvres, la non éternité absolue des peines, le corps fluidique, etc., en un mot, sur les principes qui font la base du Spiritisme ; et, cependant, il a été publié en 1845, nouvelle preuve du mouvement qui s'opérait déjà dans ce sens avant même l'apparition de la doctrine spirite, qui est venue sanctionner par les faits, et coordonner ces idées éparses. L'auteur s'était flatté d'y rallier le clergé, en respectant les dogmes catholiques, tout en les interprétant d'une manière plus logique ; son espoir a été déçu, car son livre a été mis à l'index. Nous nous bornons à l'annoncer, nous réservant d'y consacrer un article spécial, lorsque nous aurons eu le temps de l'examiner à fond.
En attendant, nous citerons le paragraphe suivant de l'introduction, qui spécifie le but que s'est proposé l'auteur.
« Résurrection des corps, prescience de Dieu, vies successives ou purgatoire des âmes, telles sont les trois questions, où tout ce qui tient aux destinées de notre âme se rattache, que nous nous proposons de présenter, sous de nouveaux rapports, aux méditations des catholiques et de tous les hommes qui aiment à réfléchir sur eux-mêmes. Ce que nous avons à dire ne touche point aux vérités essentielles qu'il importe à tout le genre humain de connaître et de croire avec une entière certitude : ces vérités, qui sont du domaine de la foi, sont aussi complètes et assurées qu'il est nécessaire qu'elles le soient, et nous n'avons pas la prétention d'y rien ajouter de nous-même. Nous ne voulons que proposer humainement sur ces matières, des théories humaines, qu'il est bien permis d'ignorer ou de ne pas croire sans préjudice pour son âme ; et tous nos efforts n'ont d'autre but que d'éclairer du flambeau de la science des faits obscurs, où les lumières de la révélation manquent, et que la foi n'a point complètement définis. »
Dans cet ouvrage, d'une importance capitale, l'auteur s'appuie sur la pluralité des existences, comme la théorie la plus rationnelle, sur le progrès indéfini de l'âme par le travail accompli dans les existences successives, la responsabilité de chacun selon ses œuvres, la non éternité absolue des peines, le corps fluidique, etc., en un mot, sur les principes qui font la base du Spiritisme ; et, cependant, il a été publié en 1845, nouvelle preuve du mouvement qui s'opérait déjà dans ce sens avant même l'apparition de la doctrine spirite, qui est venue sanctionner par les faits, et coordonner ces idées éparses. L'auteur s'était flatté d'y rallier le clergé, en respectant les dogmes catholiques, tout en les interprétant d'une manière plus logique ; son espoir a été déçu, car son livre a été mis à l'index. Nous nous bornons à l'annoncer, nous réservant d'y consacrer un article spécial, lorsque nous aurons eu le temps de l'examiner à fond.
En attendant, nous citerons le paragraphe suivant de l'introduction, qui spécifie le but que s'est proposé l'auteur.
« Résurrection des corps, prescience de Dieu, vies successives ou purgatoire des âmes, telles sont les trois questions, où tout ce qui tient aux destinées de notre âme se rattache, que nous nous proposons de présenter, sous de nouveaux rapports, aux méditations des catholiques et de tous les hommes qui aiment à réfléchir sur eux-mêmes. Ce que nous avons à dire ne touche point aux vérités essentielles qu'il importe à tout le genre humain de connaître et de croire avec une entière certitude : ces vérités, qui sont du domaine de la foi, sont aussi complètes et assurées qu'il est nécessaire qu'elles le soient, et nous n'avons pas la prétention d'y rien ajouter de nous-même. Nous ne voulons que proposer humainement sur ces matières, des théories humaines, qu'il est bien permis d'ignorer ou de ne pas croire sans préjudice pour son âme ; et tous nos efforts n'ont d'autre but que d'éclairer du flambeau de la science des faits obscurs, où les lumières de la révélation manquent, et que la foi n'a point complètement définis. »
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[1] Un fort vol. grand in-8. Prix : 7 fr. 50. Chez MM. Didier et Ce, 35, quai des Augustins, et Ad. Lainé, 19, rue des Saints-Pères.
Avis
MM. les abonnés qui ne voudront pas éprouver de retard dans l'envoi de la Revue, sont priés de renouveler leur abonnement avant le 31 décembre.
Allan Kardec