Il n'est pas à notre connaissance que M. Home
ait fait apparaître, du moins visiblement pour tout le monde, d'autres parties
du corps que des mains. On cite cependant un général mort en Crimée, qui serait
apparu à sa veuve et visible pour elle seule ; mais nous n'avons pas été à
même de constater la réalité du fait, en ce qui concerne surtout l'intervention
de M. Home dans cette circonstance. Nous nous bornons à ce que nous pouvons
affirmer. Pourquoi des mains plutôt que des pieds ou une tête ? C'est ce
que nous ignorons et ce qu'il ignore lui-même. Les Esprits interrogés à ce
sujet ont répondu que d'autres médiums pourraient faire apparaître la totalité
du corps ; du reste, ce n'est pas là le point le plus important ; si
les mains seules apparaissent, les autres parties du corps n'en sont pas moins
patentes, comme on le verra tout à l'heure.
L'apparition d'une main se manifeste
généralement en premier lieu sous le tapis de la table, par les ondulations
qu'elle produit en en parcourant toute la surface ; puis elle se montre
sur le bord du tapis qu'elle soulève ; quelquefois elle vient se poser sur
le tapis au milieu même de la table ; souvent elle saisit un objet qu'elle
emporte dessous. Cette main, visible pour tout le monde, n'est ni vaporeuse ni
translucide ; elle a la couleur et l'opacité naturelles ; au poignet,
elle se termine par le vague. Si on la touche avec précaution, confiance et
sans arrière-pensée hostile, elle offre la résistance, la solidité et
l'impression d'une main vivante ; sa chaleur est douce, moite, et
comparable à celle d'un pigeon tué depuis une demi-heure. Elle n'est point
inerte, car elle agit, se prête aux mouvements qu'on lui imprime, ou résiste,
vous caresse ou vous étreint. Si, au contraire, vous voulez la saisir brusquement
et par surprise, vous ne touchez que le vide. Un témoin oculaire nous a raconté
le fait suivant qui lui est personnel. Il tenait entre ses doigts une sonnette
de table ; une main, d'abord invisible, puis après parfaitement apparente,
vint la prendre en faisant des efforts pour la lui arracher ; n'y pouvant
parvenir, elle passa par-dessus pour la faire glisser ; l'effort de
traction était aussi sensible que si c'eût été une main humaine ; ayant
voulu saisir vivement cette main, la sienne ne rencontra que l'air ; ayant
écarté les doigts, la sonnette resta suspendue dans l'espace et vint lentement
se poser sur le parquet.
Quelquefois il y a plusieurs mains. Le même
témoin nous a rapporté le fait suivant. Plusieurs personnes étaient réunies
autour d'une de ces tables de salle à manger qui se séparent en deux. Des coups
sont frappés ; la table s'agite, s'ouvre d'elle-même, et, à travers la
fente, apparaissent trois mains, l'une de grandeur naturelle, une autre très
grande, et une troisième toute velue ; on les touche, on les palpe, elles
vous serrent, puis s'évanouissent. Chez un de nos amis qui avait perdu un
enfant en bas âge, c'est la main d'un enfant nouveau-né qui apparaît ;
tout le monde peut la voir et la toucher ; cet enfant se pose sur sa mère,
qui sent distinctement l'impression de tout le corps sur ses genoux.
Souvent la main vient se poser sur vous, vous
la voyez, ou, si vous ne la voyez pas, vous sentez la pression des
doigts ; quelquefois elle vous caresse, d'autres fois elle vous pince
jusqu'à la douleur. M. Home, en présence de plusieurs personnes, se sentit
ainsi saisir le poignet, et les assistants purent voir la peau tirée. Un
instant après il se sentit mordre, et la trace de l'empreinte de deux dents fut
visiblement marquée pendant plus d'une heure.
La main qui apparaît peut aussi écrire.
Quelquefois elle se pose au milieu de la table, prend le crayon et trace des
caractères sur le papier disposé à cet effet. Le plus souvent elle emporte le
papier sous la table et le rapporte tout écrit. Si la main demeure invisible,
l'écriture semble s'être produite toute seule. On obtient par ce moyen des
réponses aux diverses questions que l'on peut adresser.
Un autre genre de manifestations non moins
remarquable, mais qui s'explique par ce que nous venons de dire, est celui des
instruments de musique jouant seuls. Ce sont ordinairement des pianos ou des
accordéons. Dans cette circonstance, on voit distinctement les touches s'agiter
et le soufflet se mouvoir. La main qui joue est tantôt visible, tantôt invisible ;
l'air qui se fait entendre peut être un air connu exécuté sur la demande qui en
est faite. Si l'artiste invisible est laissé à lui-même, il produit des accords
harmonieux, dont l'ensemble rappelle la vague et suave mélodie de la harpe éolienne.
Chez un de nos abonnés où ces phénomènes se sont produits maintes fois,
l'Esprit qui se manifestait ainsi était celui d'un jeune homme mort depuis
quelque temps et ami de la famille, et qui de son vivant avait un remarquable
talent comme musicien ; la nature des airs qu'il faisait entendre de
préférence ne pouvait laisser aucun doute sur son identité pour les personnes
qui l'avaient connu.
Le fait le plus extraordinaire dans ce genre
de manifestations n'est pas, à notre avis, celui de l'apparition. Si cette apparition
était toujours aériforme, elle s'accorderait avec la nature éthéréenne que nous
attribuons aux Esprits ; or, rien ne s'opposerait à ce que cette matière
éthérée devînt perceptible à la vue par une sorte de condensation, sans perdre
sa propriété vaporeuse. Ce qu'il y a de plus étrange, c'est la solidification
de cette même matière, assez résistante pour laisser une empreinte visible sur
nos organes. Nous donnerons, dans notre prochain numéro, l'explication de ce
singulier phénomène telle qu'elle résulte de l'enseignement même des Esprits.
Aujourd'hui, nous nous bornerons à en déduire une conséquence relative au jeu
spontané des instruments de musique. En effet, dès l'instant que la tangibilité
temporaire de cette matière éthérée est un fait acquis, que dans cet état une
main, apparente ou non, offre assez de résistance pour faire une pression sur
les corps solides, il n'y a rien d'étonnant à ce qu'elle puisse exercer une
pression suffisante pour faire mouvoir les touches d'un instrument. D'autre part,
des faits non moins positifs prouvent que cette main appartient à un être
intelligent ; rien d'étonnant non plus à ce que cette intelligence se
manifeste par des sons musicaux, comme elle peut le faire par l'écriture ou le
dessin. Une fois entré dans cet ordre d'idées, les coups frappés, le mouvement
des objets et tous les phénomènes spirites de l'ordre matériel s'expliquent
tout naturellement.