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Revue spirite — Journal d'études psychologiques — 1858 > Octobre
Octobre
On a souvent parlé des dangers du Spiritisme, et il est à remarquer que ceux qui se sont le plus récriés à cet égard sont précisément ceux qui ne le connaissent guère que de nom. Nous avons déjà réfuté les principaux arguments qu'on lui oppose, nous n'y reviendrons pas ; nous ajouterons seulement que si l'on voulait proscrire de la société tout ce qui peut offrir des dangers et donner lieu à des abus, nous ne savons trop ce qui resterait, même des choses de première nécessité, à commencer par le feu, cause de tant de malheurs, puis les chemins de fer, etc., etc.. Si l'on croit que les avantages compensent les inconvénients, il doit en être de même de tout ; l'expérience indique au fur et à mesure les précautions à prendre pour se garantir du danger des choses qu'on ne peut éviter.
Le Spiritisme présente en effet un danger réel, mais ce n'est point celui que l'on croit, et il faut être initié aux principes de la science pour le bien comprendre. Ce n'est point à ceux qui y sont étrangers que nous nous adressons ; c'est aux adeptes mêmes, à ceux qui pratiquent, parce que le danger est pour eux. Il importe qu'ils le connaissent, afin de se tenir sur leurs gardes : danger prévu, on le sait, est à moitié évité. Nous dirons plus : ici, pour quiconque est bien pénétré de la science, il n'existe pas ; il n'est que pour ceux qui croient savoir et ne savent pas ; c'est-à-dire, comme en toutes choses, pour ceux qui manquent de l'expérience nécessaire.
Un désir bien naturel chez tous ceux qui commencent à s'occuper du Spiritisme, c'est d'être médium, mais surtout médium écrivain. C'est en effet le genre qui offre le plus d'attrait par la facilité des communications, et qui peut le mieux se développer par l'exercice. On comprend la satisfaction que doit éprouver celui qui, pour la première fois, voit se former sous sa main des lettres, puis des mots, puis des phrases qui répondent à sa pensée. Ces réponses qu'il trace machinalement sans savoir ce qu'il fait, qui sont le plus souvent en dehors de toutes ses idées personnelles, ne peuvent lui laisser aucun doute sur l'intervention d'une intelligence occulte ; aussi sa joie est grande de pouvoir s'entretenir avec les êtres d'outre-tombe, avec ces êtres mystérieux et invisibles qui peuplent les espaces ; ses parents et ses amis ne sont plus absents ; s'il ne les voit pas par les yeux, ils n'en sont pas moins là ; ils causent avec lui, il les voit par la pensée ; il peut savoir s'ils sont heureux, ce qu'ils font, ce qu'ils désirent, échanger avec eux de bonnes paroles ; il comprend que sa séparation d'avec eux n'est point éternelle, et il hâte de ses voeux l'instant où il pourra les rejoindre dans un monde meilleur. Ce n'est pas tout ; que ne va-t-il pas savoir par le moyen des Esprits qui se communiquent à lui ! Ne vont-ils pas lever le voile de toutes choses ? Dès lors plus de mystères ; il n'a qu'à interroger, il va tout connaître. Il voit déjà l'antiquité secouer devant lui la poussière des temps, fouiller les ruines, interpréter les écritures symboliques et faire revivre à ses yeux les siècles passés. Celui-ci, plus prosaïque, et peu soucieux de sonder l'infini où sa pensée se perd, songe tout simplement à exploiter les Esprits pour faire fortune. Les Esprits qui doivent tout voir, tout savoir, ne peuvent refuser de lui faire découvrir quelque trésor caché ou quelque secret merveilleux. Quiconque s'est donné la peine d'étudier la science spirite ne se laissera jamais séduire par ces beaux rêves ; il sait à quoi s'en tenir sur le pouvoir des Esprits, sur leur nature et sur le but des relations que l'homme peut établir avec eux. Rappelons d'abord, en peu de mots, les points principaux qu'il ne faut jamais perdre de vue, parce qu'ils sont comme la clef de voûte de l'édifice.
1° Les Esprits ne sont égaux ni en puissance, ni en savoir, ni en sagesse. N'étant autre chose que les âmes humaines débarrassées de leur enveloppe corporelle, ils présentent encore plus de variété que nous n'en trouvons parmi les hommes sur la terre, parce qu'ils viennent de tous les mondes ; et que parmi les mondes, la terre n'est ni le plus arriéré, ni le plus avancé. Il y a donc des Esprits très supérieurs, et d'autres très inférieurs ; de très bons et de très mauvais, de très savants et de très ignorants ; il y en a de légers, de malins, de menteurs, de rusés, d'hypocrites, de facétieux, de spirituels, de moqueurs, etc.
2° Nous sommes sans cesse entourés d'un essaim d'Esprits qui, pour être invisibles à nos yeux matériels, n'en sont pas moins dans l'espace, autour de nous, à nos côtés, épiant nos actions, lisant dans nos pensées, les uns pour nous faire du bien, les autres pour nous faire du mal, selon qu'ils sont plus ou moins bons.
3° Par l'infériorité physique et morale de notre globe dans la hiérarchie des mondes, les Esprits inférieurs y sont plus nombreux que les Esprits supérieurs.
4° Parmi les Esprits qui nous entourent, il en est qui s'attachent à nous, qui agissent plus particulièrement sur notre pensée, nous conseillent, et dont nous suivons l'impulsion à notre insu ; heureux si nous n'écoutons que la voix de ceux qui sont bons.
5° Les Esprits inférieurs ne s'attachent qu'à ceux qui les écoutent, auprès desquels ils ont accès, et sur lesquels ils trouvent prise. S'ils parviennent à prendre de l'empire sur quelqu'un, ils s'identifient avec son propre Esprit, le fascinent, l'obsèdent, le subjuguent et le conduisent comme un véritable enfant.
6° L'obsession n'a jamais lieu que par les Esprits inférieurs. Les bons Esprits ne font éprouver aucune contrainte ; ils conseillent, combattent l'influence des mauvais, et si on ne les écoute pas, ils s'éloignent.
7° Le degré de la contrainte et la nature des effets qu'elle produit marquent la différence entre l'obsession, la subjugation et la fascination.
L'obsession est l'action presque permanente d'un Esprit étranger, qui fait qu'on est sollicité par un besoin incessant d'agir dans tel ou tel sens, de faire telle ou telle chose.
La subjugation est une étreinte morale qui paralyse la volonté de celui qui la subit, et le pousse aux actes les plus déraisonnables et souvent les plus contraires à ses intérêts.
La fascination est une sorte d'illusion produite, soit par l'action directe d'un Esprit étranger, soit par ses raisonnements captieux, illusion qui donne le change sur les choses morales, fausse le jugement et fait prendre le mal pour le bien.
8° L'homme peut toujours, par sa volonté, secouer le joug des Esprits imparfaits, parce qu'en vertu de son libre arbitre, il a le choix entre le bien et le mal. Si la contrainte est arrivée au point de paralyser sa volonté, et si la fascination est assez grande pour oblitérer son jugement, la volonté d'une autre personne peut y suppléer.
On donnait jadis le nom de possession à l'empire exercé par de mauvais Esprits, lorsque leur influence allait jusqu'à l'aberration des facultés ; mais l'ignorance et les préjugés ont souvent fait prendre pour une possession ce qui n'était que le résultat d'un état pathologique. La possession serait, pour nous, synonyme de la subjugation. Si nous n'adoptons pas ce terme, c'est pour deux motifs : le premier, qu'il implique la croyance à des êtres créés pour le mal et perpétuellement voués au mal, tandis qu'il n'y a que des êtres plus ou moins imparfaits qui tous peuvent s'améliorer ; le second, qu'il implique également l'idée d'une prise de possession du corps par un Esprit étranger, une sorte de cohabitation, tandis qu'il n'y a que contrainte. Le mot subjugation rend parfaitement la pensée. Ainsi, pour nous, il n'y a pas de possédés dans le sens vulgaire du mot, il n'y a que des obsédés, des subjugués et des fascinés.
C'est par un motif semblable que nous n'adoptons pas le mot démon pour désigner les Esprits imparfaits, quoique ces Esprits ne valent souvent pas mieux que ceux qu'on appelle démons ; c'est uniquement à cause de l'idée de spécialité et de perpétuité qui est attachée à ce mot. Ainsi, quand nous disons qu'il n'y a pas de démons, nous ne prétendons pas dire qu'il n'y a que de bons Esprits ; loin de là ; nous savons pertinemment qu'il y en a de mauvais et de très mauvais, qui nous sollicitent au mal, nous tendent des pièges, et cela n'a rien d'étonnant puisqu'ils ont été des hommes ; nous voulons dire qu'ils ne forment pas une classe à part dans l'ordre de la création, et que Dieu laisse à toutes ses créatures le pouvoir de s'améliorer.
Ceci étant bien entendu, revenons aux médiums. Chez quelques-uns les progrès sont lents, très lents même, et mettent souvent la patience à une rude épreuve. Chez d'autres ils sont rapides, et en peu de temps le médium arrive à écrire avec autant de facilité et quelquefois plus de promptitude qu'il ne le fait dans l'état ordinaire. C'est alors qu'il peut se prendre d'enthousiasme, et là est le danger, car l'enthousiasme rend faible, et avec les Esprits il faut être fort. Dire que l'enthousiasme rend faible, semble un paradoxe ; et pourtant rien de plus vrai. L'enthousiaste, dira-t-on, marche avec une conviction et une confiance qui lui font surmonter tous les obstacles, donc il a plus de force. Sans doute ; mais on s'enthousiasme pour le faux aussi bien que pour le vrai ; abondez dans les idées les plus absurdes de l'enthousiaste et vous en ferez tout ce que vous voudrez ; l'objet de son enthousiasme est donc son côté faible, et par là vous pourrez toujours le dominer. L'homme froid et impassible, au contraire, voit les choses sans miroitage ; il les combine, les pèse, les mûrit et n'est séduit par aucun subterfuge : c'est ce qui lui donne de la force. Les Esprits malins qui savent cela aussi bien et mieux que nous, savent aussi le mettre à profit pour subjuguer ceux qu'ils veulent tenir sous leur dépendance, et la faculté d'écrire comme médium les sert merveilleusement, car c'est un moyen puissant de capter la confiance, aussi ne s'en font-ils pas faute si l'on ne sait se mettre en garde contre eux ; heureusement, comme nous le verrons plus tard, le mal porte en soi son remède.
Soit enthousiasme, soit fascination des Esprits, soit amour-propre, le médium écrivain est généralement porté à croire que les Esprits qui se communiquent à lui sont des Esprits supérieurs, et cela d'autant mieux que ces Esprits, voyant sa propension, ne manquent pas de se parer de titres pompeux, prennent au besoin et selon les circonstances des noms de saints, de savants, d'anges, de la Vierge Marie même, et jouent leur rôle, comme des comédiens affublés du costume des personnages qu'ils représentent ; arrachez-leur le masque, et ils deviennent Gros-Jean comme devant ; c'est là ce qu'il faut savoir faire avec les Esprits comme avec les hommes.
De la croyance aveugle et irréfléchie en la supériorité des Esprits qui se communiquent, à la confiance en leurs paroles, il n'y a qu'un pas, toujours comme parmi les hommes. S'ils parviennent à inspirer cette confiance, ils l'entretiennent par les sophismes et les raisonnements les plus captieux, dans lesquels on donne souvent tête baissée. Les Esprits grossiers sont moins dangereux : on les reconnaît tout de suite, et ils n'inspirent que de la répugnance ; ceux qui sont le plus à craindre, dans leur monde, comme dans le nôtre, sont les Esprits hypocrites ; ils ne parlent jamais qu'avec douceur, flattent les penchants ; ils sont câlins, patelins, prodigues de termes de tendresse, de protestations de dévouement. Il faut être vraiment fort pour résister à de pareilles séductions. Mais où est le danger, dira-t-on, avec des Esprits impalpables ? Le danger est dans les conseils pernicieux qu'ils donnent sous l'apparence de la bienveillance, dans les démarches ridicules, intempestives ou funestes qu'ils font entreprendre. Nous en avons vu faire courir certains individus de pays en pays à la poursuite des choses les plus fantastiques, au risque de compromettre leur santé, leur fortune et même leur vie. Nous en avons vu dicter, avec toutes les apparences de la gravité, les choses les plus burlesques, les maximes les plus étranges. Comme il est bon de mettre l'exemple à côté de la théorie, nous allons rapporter l'histoire d'une personne de notre connaissance qui s'est trouvée sous l'empire d'une fascination semblable.
M. F..., jeune homme instruit, d'une éducation soignée, d'un caractère doux et bienveillant, mais un peu faible et sans résolution prononcée, était devenu promptement très habile médium écrivain. Obsédé par l'Esprit qui s'était emparé de lui et ne lui laissait aucun repos, il écrivait sans cesse ; dès qu'une plume, un crayon lui tombaient sous la main, il les saisissait par un mouvement convulsif et se mettait à remplir des pages entières en quelques minutes. A défaut d'instrument, il faisait le simulacre d'écrire avec son doigt, partout où il se trouvait, dans les rues, sur les murs, sur les portes, etc. Entre autres choses qu'on lui dictait, était celle-ci : « L'homme est composé de trois choses : l'homme, le mauvais Esprit et le bon Esprit. Vous avez tous votre mauvais Esprit qui est attaché au corps par des liens matériels. Pour chasser le mauvais Esprit, il faut briser ces liens, et pour cela il faut affaiblir le corps. Quand le corps est suffisamment affaibli, le lien se rompt, le mauvais Esprit s'en va, et il ne reste que le bon. » En conséquence de cette belle théorie, ils l'ont fait jeûner pendant cinq jours consécutifs et veiller la nuit. Lorsqu'il fut exténué, ils lui dirent : « Maintenant l'affaire est faite, le lien est rompu ; ton mauvais Esprit est parti, il ne reste plus que nous, qu'il faut croire sans réserve. » Et lui, persuadé que son mauvais Esprit avait pris la fuite, ajoutait une foi aveugle à toutes leurs paroles. La subjugation était arrivée à ce point, que s'ils lui eussent dit de se jeter à l'eau ou de partir pour les antipodes, il l'aurait fait. Lorsqu'ils voulaient lui faire faire quelque chose à quoi il répugnait, il se sentait poussé par une force invisible. Nous donnons un échantillon de leur morale ; par là on jugera du reste.
« Pour avoir les meilleures communications, il faut : 1° Prier et jeûner pendant plusieurs jours, les uns plus, les autres moins ; ce jeûne relâche les liens qui existent entre le moi et un démon particulier attaché à chaque moi humain. Ce démon est lié à chaque personne par l'enveloppe qui unit le corps et l'âme. Cette enveloppe, affaiblie par le manque de nourriture, permet aux Esprits d'arracher ce démon. Jésus descend alors dans le coeur de la personne possédée à la place du mauvais Esprit. Cet état de posséder Jésus en soi est le seul moyen d'atteindre toute la vérité, et bien d'autres choses.
« Quand la personne a réussi à remplacer le démon par Jésus, elle n'a pas encore la vérité. Pour avoir la vérité, il faut croire ; Dieu ne donne jamais la vérité à ceux qui doutent : ce serait faire quelque chose d'inutile, et Dieu ne fait rien en vain. Comme la plupart des nouveaux médiums doutent de ce qu'ils disent ou écrivent, les bons Esprits sont forcés, à leur regret, par l'ordre formel de Dieu, de mentir, et ne peuvent que mentir tant que le médium n'est pas convaincu ; mais vient-il à croire fermement un de ces mensonges, aussitôt les Esprits élevés s'empressent de lui dévoiler les secrets du ciel : la vérité tout entière dissipe en un instant ce nuage d'erreurs dont ils avaient été forcés de couvrir leur protégé.
« Le médium arrivé à ce point n'a plus rien à craindre ; les bons Esprits ne le quitteront jamais. Qu'il ne croie point cependant avoir toujours la vérité et rien que la vérité. De bons Esprits, soit pour l'éprouver, soit pour le punir de ses fautes passées, soit pour le châtier des questions égoïstes ou curieuses, lui infligent des corrections physiques et morales, viennent le tourmenter de la part de Dieu. Ces Esprits élevés se plaignent souvent de la triste mission qu'ils accomplissent : un père persécute son fils des semaines entières, un ami son ami, le tout pour le plus grand bonheur du médium. Les nobles Esprits disent alors des folies, des blasphèmes, des turpitudes même. Il faut que le médium se raidisse et dise : Vous me tentez ; je sais que je suis entre les mains charitables d'Esprits doux et affectueux ; que les mauvais ne peuvent plus m'approcher. Bonnes âmes qui me tourmentez, vous ne m'empêcherez pas de croire ce que vous m'aurez dit et ce que vous me direz encore.
« Les catholiques chassent plus facilement le démon (ce jeune homme est protestant), parce qu'il s'est éloigné un instant le jour du baptême. Les catholiques sont jugés par Christ, et les autres par Dieu ; il vaut mieux être jugé par Christ. Les protestants ont tort de ne pas admettre cela : aussi faut-il te faire catholique le plus tôt possible ; en attendant, va prendre de l'eau bénite : ce sera ton baptême. »
Le jeune homme en question étant guéri plus tard de l'obsession dont il était l'objet, par les moyens que nous relaterons, nous lui avions demandé de nous en écrire l'histoire et de nous donner le texte même des préceptes qui lui avaient été dictés. En les transcrivant, il ajouta sur la copie qu'il nous a remise : Je me demande si je n'offense pas Dieu et les bons Esprits en transcrivant de pareilles sottises. A cela nous lui répondîmes : Non, vous n'offensez pas Dieu ; loin de là, puisque vous reconnaissez maintenant le piège dans lequel vous étiez tombé. Si je vous ai demandé la copie de ces maximes perverses, c'est pour les flétrir comme elles le méritent, démasquer les Esprits hypocrites, et mettre sur ses gardes quiconque en recevrait de pareilles.
Un jour ils lui font écrire : Tu mourras ce soir ; à quoi il répond : Je suis fort ennuyé de ce monde ; mourons s'il le faut, je ne demande pas mieux ; que je ne souffre pas, c'est tout ce que je désire. - Le soir il s'endort croyant fermement ne plus se réveiller sur la terre. Le lendemain il est tout surpris et même désappointé de se trouver dans son lit ordinaire. Dans la journée il écrit : « Maintenant que tu as passé par l'épreuve de la mort, que tu as cru fermement mourir, tu es comme mort pour nous ; nous pouvons te dire toute la vérité ; tu sauras tout ; il n'y a rien de caché pour nous ; il n'y aura non plus rien de caché pour toi. Tu es Shakespeare réincarné. Shakespeare n'est-il pas ta bible à toi ? (M. F... sait parfaitement l'anglais, et se complaît dans la lecture des chefs-d'oeuvre de cette langue.)
Le jour suivant il écrit : Tu es Satan. - Ceci devient par trop fort, répond M. F... - N'as-tu pas fait... n'as-tu pas dévoré le Paradis perdu ? Tu as appris la Fille du diable de Béranger ; tu savais que Satan se convertirait : ne l'as-tu pas toujours cru, toujours dit, toujours écrit ? Pour se convertir, il se réincarne. - Je veux bien avoir été un ange rebelle quelconque ; mais le roi des anges... ! - Oui, tu étais l'ange de la fierté ; tu n'es pas mauvais, tu es fier en ton coeur ; c'est cette fierté qu'il faut abattre ; tu es l'ange de l'orgueil, et les hommes l'appellent Satan, qu'importe le nom ! Tu fus le mauvais génie de la terre. Te voilà abaissé... Les hommes vont prendre leur essor... Tu verras des merveilles. Tu as trompé les hommes ; tu as trompé la femme dans la personnification d'Eve, la femme pécheresse. Il est dit que Marie, la personnification de la femme sans tache, t'écrasera la tête ; Marie va venir. - Un instant après il écrit lentement et comme avec douceur : « Marie vient te voir ; Marie, qui a été te chercher au fond de ton royaume de ténèbres, ne t'abandonnera pas. Elève-toi, Satan, et Dieu est prêt à te tendre les bras. Lis l'Enfant prodigue. Adieu. »
Une autre fois il écrit : « Le serpent dit à Eve : Vos yeux seront ouverts et vous serez comme des dieux. Le démon dit à Jésus : Je te donnerai toute puissance. Toi, je te le dis, puisque tu crois à nos paroles : nous t'aimons ; tu sauras tout... Tu seras roi de Pologne.
« Persévère dans les bonnes dispositions où nous t'avons mis. Cette leçon fera faire un grand pas à la science spirite. On verra que les bons Esprits peuvent dire des futilités et des mensonges pour se jouer des sages. Allan Kardec a dit que c'était un mauvais moyen de reconnaître les Esprits, que de leur faire confesser Jésus en chair. Moi je dis que les bons Esprits confessent seuls Jésus en chair et je le confesse. Dis ceci à Kardec. »
L'Esprit a pourtant eu la pudeur de ne pas conseiller à M. F... de faire imprimer ces belles maximes ; s'il le lui eût dit, il l'eût fait sans aucun doute, et c'eût été une mauvaise action, parce qu'il les eût données comme une chose sérieuse.
Nous remplirions un volume de toutes les sottises qui lui furent dictées et de toutes les circonstances qui s'ensuivirent. On lui fit, entre autres choses, dessiner un édifice dont les dimensions étaient telles que les feuilles de papier nécessaires, collées ensemble, occupaient la hauteur de deux étages.
On remarquera que dans tout ceci il n'y a rien de grossier, rien de trivial ; c'est une suite de raisonnements sophistiques qui s'enchaînent avec une apparence de logique. Il y a, dans les moyens employés pour circonvenir, un art vraiment infernal, et si nous avions pu rapporter tous ces entretiens, on aurait vu jusqu'à quel point était poussée l'astuce, et avec quelle adresse les paroles mielleuses étaient prodiguées à propos.
L'Esprit qui jouait le principal rôle dans cette affaire prenait le nom de François Dillois, quand il ne se couvrait pas du masque d'un nom respectable. Nous sûmes plus tard ce que ce Dillois avait été de son vivant, et alors rien ne nous étonna plus dans son langage. Mais au milieu de toutes ces extravagances il était aisé de reconnaître un bon Esprit qui luttait en faisant entendre de temps à autre quelques bonnes paroles pour démentir les absurdités de l'autre ; il y avait combat évident, mais la lutte était inégale ; le jeune homme était tellement subjugué, que la voix de la raison était impuissante sur lui. L'Esprit de son père lui fit notamment écrire ceci : « Oui, mon fils, courage ! Tu subis une rude épreuve qui est pour ton bien à venir ; je ne puis malheureusement rien en ce moment pour t'en affranchir, et cela me coûte beaucoup. Va voir Allan Kardec ; écoute-le, et il te sauvera. »
M. F... vint en effet me trouver ; il me raconta son histoire ; je le fis écrire devant moi, et, dès l'abord, je reconnus sans peine l'influence pernicieuse sous laquelle il se trouvait, soit aux paroles, soit à certains signes matériels que l'expérience fait connaître et qui ne peuvent tromper. Il revint plusieurs fois ; j'employai toute la force de ma volonté pour appeler de bons Esprits par son intermédiaire, toute ma rhétorique, pour lui prouver qu'il était le jouet d'Esprits détestables ; que ce qu'il écrivait n'avait pas le sens commun, et de plus était profondément immoral ; je m'adjoignis pour cette oeuvre charitable un de mes collègues les plus dévoués, M. T..., et, à nous deux, nous parvînmes petit à petit à lui faire écrire des choses sensées. Il prit son mauvais génie en aversion, le repoussa, par sa volonté, chaque fois qu'il tentait de se manifester, et peu à peu les bons Esprits seuls prirent le dessus. Pour détourner ses idées, il se livra du matin au soir, d'après le conseil des Esprits, à un rude travail qui ne lui laissait pas le temps d'écouter les mauvaises suggestions. Dillois lui-même finit par s'avouer vaincu et par exprimer le désir de s'améliorer dans une nouvelle existence ; il confessa le mal qu'il avait voulu faire, et en témoigna du regret. La lutte fut longue, pénible, et offrit des particularités vraiment curieuses pour l'observateur. Aujourd'hui que M. F... se sent délivré, il est heureux ; il lui semble être soulagé d'un fardeau ; il a repris sa gaieté, et nous remercie du service que nous lui avons rendu.
Certaines personnes déplorent qu'il y ait de mauvais Esprits. Ce n'est pas en effet sans un certain désenchantement qu'on trouve la perversité dans ce monde où l'on aimerait à ne rencontrer que des êtres parfaits. Puisque les choses sont ainsi, nous n'y pouvons rien : il faut les prendre telles qu'elles sont. C'est notre propre infériorité qui fait que les Esprits imparfaits pullulent autour de nous ; les choses changeront quand nous serons meilleurs, ainsi que cela a lieu dans les mondes plus avancés. En attendant, et tandis que nous sommes encore dans les bas-fonds de l'univers moral, nous sommes avertis : c'est à nous de nous tenir sur nos gardes et de ne pas accepter, sans contrôle, tout ce que l'on nous dit. L'expérience, en nous éclairant, doit nous rendre circonspects. Voir et comprendre le mal est un moyen de s'en préserver. N'y aurait-il pas cent fois plus de danger à se faire illusion sur la nature des êtres invisibles qui nous entourent ? Il en est de même ici-bas, où nous sommes chaque jour exposés à la malveillance et aux suggestions perfides : ce sont autant d'épreuves auxquelles notre raison, notre conscience et notre jugement nous donnent les moyens de résister. Plus la lutte aura été difficile, plus le mérite du succès sera grand : « A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. »
Cette histoire, qui malheureusement n'est pas la seule à notre connaissance, soulève une question très grave. N'est-ce pas pour ce jeune homme, dira-t-on, une chose fâcheuse d'avoir été médium ? N'est-ce pas cette faculté qui est cause de l'obsession dont il était l'objet ? En un mot, n'est-ce pas une preuve du danger des communications spirites ?
Notre réponse est facile, et nous prions de la méditer avec soin.
Ce ne sont pas les médiums qui ont créé les Esprits, ceux-ci existent de tout temps, et de tout temps ils ont exercé leur influence salutaire ou pernicieuse sur les hommes. Il n'est donc pas besoin d'être médium pour cela. La faculté médianimique n'est pour eux qu'un moyen de se manifester ; à défaut de cette faculté ils le font de mille autres manières. Si ce jeune homme n'eût pas été médium, il n'en aurait pas moins été sous l'influence de ce mauvais Esprit qui lui aurait sans doute fait commettre des extravagances que l'on eût attribuées à toute autre cause. Heureusement pour lui, sa faculté de médium permettant à l'Esprit de se communiquer par des paroles, c'est par ses paroles que l'Esprit s'est trahi ; elles ont permis de connaître la cause d'un mal qui eût pu avoir pour lui des conséquences funestes, et que nous avons détruit, comme on l'a vu, par des moyens bien simples, bien rationnels, et sans exorcisme. La faculté médianimique a permis de voir l'ennemi, si on peut s'exprimer ainsi, face à face et de le combattre avec ses propres armes. On peut donc dire avec une entière certitude, que c'est elle qui l'a sauvé ; quant à nous, nous n'avons été que les médecins, qui, ayant jugé la cause du mal, avons appliqué le remède. Ce serait une grave erreur de croire que les Esprits n'exercent leur influence que par des communications écrites ou verbales ; cette influence est de tous les instants, et ceux qui ne croient pas aux Esprits y sont exposés comme les autres, y sont même plus exposés que d'autres, parce qu'ils n'ont pas de contre-poids. A combien d'actes n'est-on pas poussé pour son malheur, et que l'on eût évités si l'on avait eu un moyen de s'éclairer ! Les plus incrédules ne croient pas être si vrais quand ils disent d'un homme qui se fourvoie avec obstination : C'est son mauvais génie qui le pousse à sa perte.
Règle générale. Quiconque a de mauvaises communications spirites écrites ou verbales est sous une mauvaise influence ; cette influence s'exerce sur lui qu'il écrive ou n'écrive pas, c'est-à-dire qu'il soit ou non médium. L'écriture donne un moyen de s'assurer de la nature des Esprits qui agissent sur lui, et de les combattre, ce que l'on fait encore avec plus de succès quand on parvient à connaître le motif qui les fait agir. S'il est assez aveuglé pour ne pas le comprendre, d'autres peuvent lui ouvrir les yeux. Est-il besoin d'ailleurs d'être médium pour écrire des absurdités ? Et qui dit que parmi toutes les élucubrations ridicules ou dangereuses, il n'en est pas auxquelles les auteurs sont poussés par quelque Esprit malveillant ? Les trois quarts de nos mauvaises actions et de nos mauvaises pensées sont le fruit de cette suggestion occulte.
Si M. F... n'avait pas été médium, demandera-t-on, auriez-vous pu de même faire cesser l'obsession ? Assurément ; seulement les moyens eussent différé selon les circonstances ; mais alors les Esprits n'eussent pas pu nous l'adresser comme ils l'ont fait, et il est probable qu'on se serait mépris sur la cause, s'il n'y avait pas eu de manifestation spirite ostensible. Tout homme qui en a la volonté, et qui est sympathique aux bons Esprits, peut toujours, avec l'aide de ceux-ci, paralyser l'influence des mauvais. Nous disons qu'il doit être sympathique aux bons Esprits, car s'il en attire lui-même d'inférieurs, il est évident que c'est vouloir chasser des loups avec des loups.
En résumé, le danger n'est pas dans le spiritisme en lui-même, puisqu'il peut, au contraire, servir de contrôle, et préserver de celui que nous courons sans cesse à notre insu ; il est dans la propension de certains médiums à se croire trop légèrement les instruments exclusifs d'Esprits supérieurs, et dans l'espèce de fascination qui ne leur permet pas de comprendre les sottises dont ils sont les interprètes. Ceux mêmes qui ne sont pas médiums peuvent s'y laisser prendre. Nous terminerons ce chapitre par les considérations suivantes :
1° Tout médium doit se défier de l'entraînement irrésistible qui le porte à écrire sans cesse et dans les moments inopportuns ; il doit être maître de lui-même et n'écrire que quand il le veut ;
2° On ne maîtrise pas les Esprits supérieurs, ni même ceux qui, sans être supérieurs, sont bons et bienveillants, mais on peut maîtriser et dompter les Esprits inférieurs. Quiconque n'est pas maître de soi-même ne peut l'être des Esprits ;
3° Il n'y a pas d'autre critérium pour discerner la valeur des Esprits que le bon sens. Toute formule donnée à cet effet par les Esprits eux-mêmes est absurde, et ne peut émaner d'Esprits supérieurs ;
4° On juge les Esprits comme les hommes, à leur langage. Toute expression, toute pensée, toute maxime, toute théorie morale ou scientifique qui choque le bon sens, ou ne répond pas à l'idée qu'on se fait d'un Esprit pur et élevé, émane d'un Esprit plus ou moins inférieur ;
5° Les Esprits supérieurs tiennent toujours le même langage avec la même personne et ne se contredisent jamais ;
6° Les Esprits supérieurs sont toujours bons et bienveillants ; il n'y a jamais, dans leur langage, ni acrimonie, ni arrogance, ni aigreur, ni orgueil, ni forfanterie, ni sotte présomption. Ils parlent simplement, conseillent, et se retirent si on ne les écoute pas ;
7° Il ne faut pas juger les Esprits sur la forme matérielle et la correction de leur langage, mais en sonder le sens intime, scruter leurs paroles, les peser froidement, mûrement et sans prévention. Tout écart de bon sens, de raison et de sagesse, ne peut laisser de doute sur leur origine, quel que soit le nom dont s'affuble l'Esprit ;
8° Les Esprits inférieurs redoutent ceux qui scrutent leurs paroles, démasquent leurs turpitudes, et ne se laissent pas prendre à leurs sophismes. Ils peuvent quelquefois essayer de tenir tête, mais ils finissent toujours par lâcher prise quand ils se voient les plus faibles ;
9° Quiconque agit en toutes choses en vue du bien, s'élève par la pensée au-dessus des vanités humaines, chasse de son coeur l'égoïsme, l'orgueil, l'envie, la jalousie, la haine, pardonne à ses ennemis et met en pratique cette maxime du Christ : « Faire aux autres ce qu'on voudrait qui fût fait à soi-même, » sympathise avec les bons Esprits ; les mauvais le craignent et s'écartent de lui.
En suivant ces préceptes on se garantira des mauvaises communications, de la domination des Esprits impurs, et, profitant de tout ce que nous enseignent les Esprits vraiment supérieurs, on contribuera, chacun pour sa part, au progrès moral de l'humanité.
Le Spiritisme présente en effet un danger réel, mais ce n'est point celui que l'on croit, et il faut être initié aux principes de la science pour le bien comprendre. Ce n'est point à ceux qui y sont étrangers que nous nous adressons ; c'est aux adeptes mêmes, à ceux qui pratiquent, parce que le danger est pour eux. Il importe qu'ils le connaissent, afin de se tenir sur leurs gardes : danger prévu, on le sait, est à moitié évité. Nous dirons plus : ici, pour quiconque est bien pénétré de la science, il n'existe pas ; il n'est que pour ceux qui croient savoir et ne savent pas ; c'est-à-dire, comme en toutes choses, pour ceux qui manquent de l'expérience nécessaire.
Un désir bien naturel chez tous ceux qui commencent à s'occuper du Spiritisme, c'est d'être médium, mais surtout médium écrivain. C'est en effet le genre qui offre le plus d'attrait par la facilité des communications, et qui peut le mieux se développer par l'exercice. On comprend la satisfaction que doit éprouver celui qui, pour la première fois, voit se former sous sa main des lettres, puis des mots, puis des phrases qui répondent à sa pensée. Ces réponses qu'il trace machinalement sans savoir ce qu'il fait, qui sont le plus souvent en dehors de toutes ses idées personnelles, ne peuvent lui laisser aucun doute sur l'intervention d'une intelligence occulte ; aussi sa joie est grande de pouvoir s'entretenir avec les êtres d'outre-tombe, avec ces êtres mystérieux et invisibles qui peuplent les espaces ; ses parents et ses amis ne sont plus absents ; s'il ne les voit pas par les yeux, ils n'en sont pas moins là ; ils causent avec lui, il les voit par la pensée ; il peut savoir s'ils sont heureux, ce qu'ils font, ce qu'ils désirent, échanger avec eux de bonnes paroles ; il comprend que sa séparation d'avec eux n'est point éternelle, et il hâte de ses voeux l'instant où il pourra les rejoindre dans un monde meilleur. Ce n'est pas tout ; que ne va-t-il pas savoir par le moyen des Esprits qui se communiquent à lui ! Ne vont-ils pas lever le voile de toutes choses ? Dès lors plus de mystères ; il n'a qu'à interroger, il va tout connaître. Il voit déjà l'antiquité secouer devant lui la poussière des temps, fouiller les ruines, interpréter les écritures symboliques et faire revivre à ses yeux les siècles passés. Celui-ci, plus prosaïque, et peu soucieux de sonder l'infini où sa pensée se perd, songe tout simplement à exploiter les Esprits pour faire fortune. Les Esprits qui doivent tout voir, tout savoir, ne peuvent refuser de lui faire découvrir quelque trésor caché ou quelque secret merveilleux. Quiconque s'est donné la peine d'étudier la science spirite ne se laissera jamais séduire par ces beaux rêves ; il sait à quoi s'en tenir sur le pouvoir des Esprits, sur leur nature et sur le but des relations que l'homme peut établir avec eux. Rappelons d'abord, en peu de mots, les points principaux qu'il ne faut jamais perdre de vue, parce qu'ils sont comme la clef de voûte de l'édifice.
1° Les Esprits ne sont égaux ni en puissance, ni en savoir, ni en sagesse. N'étant autre chose que les âmes humaines débarrassées de leur enveloppe corporelle, ils présentent encore plus de variété que nous n'en trouvons parmi les hommes sur la terre, parce qu'ils viennent de tous les mondes ; et que parmi les mondes, la terre n'est ni le plus arriéré, ni le plus avancé. Il y a donc des Esprits très supérieurs, et d'autres très inférieurs ; de très bons et de très mauvais, de très savants et de très ignorants ; il y en a de légers, de malins, de menteurs, de rusés, d'hypocrites, de facétieux, de spirituels, de moqueurs, etc.
2° Nous sommes sans cesse entourés d'un essaim d'Esprits qui, pour être invisibles à nos yeux matériels, n'en sont pas moins dans l'espace, autour de nous, à nos côtés, épiant nos actions, lisant dans nos pensées, les uns pour nous faire du bien, les autres pour nous faire du mal, selon qu'ils sont plus ou moins bons.
3° Par l'infériorité physique et morale de notre globe dans la hiérarchie des mondes, les Esprits inférieurs y sont plus nombreux que les Esprits supérieurs.
4° Parmi les Esprits qui nous entourent, il en est qui s'attachent à nous, qui agissent plus particulièrement sur notre pensée, nous conseillent, et dont nous suivons l'impulsion à notre insu ; heureux si nous n'écoutons que la voix de ceux qui sont bons.
5° Les Esprits inférieurs ne s'attachent qu'à ceux qui les écoutent, auprès desquels ils ont accès, et sur lesquels ils trouvent prise. S'ils parviennent à prendre de l'empire sur quelqu'un, ils s'identifient avec son propre Esprit, le fascinent, l'obsèdent, le subjuguent et le conduisent comme un véritable enfant.
6° L'obsession n'a jamais lieu que par les Esprits inférieurs. Les bons Esprits ne font éprouver aucune contrainte ; ils conseillent, combattent l'influence des mauvais, et si on ne les écoute pas, ils s'éloignent.
7° Le degré de la contrainte et la nature des effets qu'elle produit marquent la différence entre l'obsession, la subjugation et la fascination.
L'obsession est l'action presque permanente d'un Esprit étranger, qui fait qu'on est sollicité par un besoin incessant d'agir dans tel ou tel sens, de faire telle ou telle chose.
La subjugation est une étreinte morale qui paralyse la volonté de celui qui la subit, et le pousse aux actes les plus déraisonnables et souvent les plus contraires à ses intérêts.
La fascination est une sorte d'illusion produite, soit par l'action directe d'un Esprit étranger, soit par ses raisonnements captieux, illusion qui donne le change sur les choses morales, fausse le jugement et fait prendre le mal pour le bien.
8° L'homme peut toujours, par sa volonté, secouer le joug des Esprits imparfaits, parce qu'en vertu de son libre arbitre, il a le choix entre le bien et le mal. Si la contrainte est arrivée au point de paralyser sa volonté, et si la fascination est assez grande pour oblitérer son jugement, la volonté d'une autre personne peut y suppléer.
On donnait jadis le nom de possession à l'empire exercé par de mauvais Esprits, lorsque leur influence allait jusqu'à l'aberration des facultés ; mais l'ignorance et les préjugés ont souvent fait prendre pour une possession ce qui n'était que le résultat d'un état pathologique. La possession serait, pour nous, synonyme de la subjugation. Si nous n'adoptons pas ce terme, c'est pour deux motifs : le premier, qu'il implique la croyance à des êtres créés pour le mal et perpétuellement voués au mal, tandis qu'il n'y a que des êtres plus ou moins imparfaits qui tous peuvent s'améliorer ; le second, qu'il implique également l'idée d'une prise de possession du corps par un Esprit étranger, une sorte de cohabitation, tandis qu'il n'y a que contrainte. Le mot subjugation rend parfaitement la pensée. Ainsi, pour nous, il n'y a pas de possédés dans le sens vulgaire du mot, il n'y a que des obsédés, des subjugués et des fascinés.
C'est par un motif semblable que nous n'adoptons pas le mot démon pour désigner les Esprits imparfaits, quoique ces Esprits ne valent souvent pas mieux que ceux qu'on appelle démons ; c'est uniquement à cause de l'idée de spécialité et de perpétuité qui est attachée à ce mot. Ainsi, quand nous disons qu'il n'y a pas de démons, nous ne prétendons pas dire qu'il n'y a que de bons Esprits ; loin de là ; nous savons pertinemment qu'il y en a de mauvais et de très mauvais, qui nous sollicitent au mal, nous tendent des pièges, et cela n'a rien d'étonnant puisqu'ils ont été des hommes ; nous voulons dire qu'ils ne forment pas une classe à part dans l'ordre de la création, et que Dieu laisse à toutes ses créatures le pouvoir de s'améliorer.
Ceci étant bien entendu, revenons aux médiums. Chez quelques-uns les progrès sont lents, très lents même, et mettent souvent la patience à une rude épreuve. Chez d'autres ils sont rapides, et en peu de temps le médium arrive à écrire avec autant de facilité et quelquefois plus de promptitude qu'il ne le fait dans l'état ordinaire. C'est alors qu'il peut se prendre d'enthousiasme, et là est le danger, car l'enthousiasme rend faible, et avec les Esprits il faut être fort. Dire que l'enthousiasme rend faible, semble un paradoxe ; et pourtant rien de plus vrai. L'enthousiaste, dira-t-on, marche avec une conviction et une confiance qui lui font surmonter tous les obstacles, donc il a plus de force. Sans doute ; mais on s'enthousiasme pour le faux aussi bien que pour le vrai ; abondez dans les idées les plus absurdes de l'enthousiaste et vous en ferez tout ce que vous voudrez ; l'objet de son enthousiasme est donc son côté faible, et par là vous pourrez toujours le dominer. L'homme froid et impassible, au contraire, voit les choses sans miroitage ; il les combine, les pèse, les mûrit et n'est séduit par aucun subterfuge : c'est ce qui lui donne de la force. Les Esprits malins qui savent cela aussi bien et mieux que nous, savent aussi le mettre à profit pour subjuguer ceux qu'ils veulent tenir sous leur dépendance, et la faculté d'écrire comme médium les sert merveilleusement, car c'est un moyen puissant de capter la confiance, aussi ne s'en font-ils pas faute si l'on ne sait se mettre en garde contre eux ; heureusement, comme nous le verrons plus tard, le mal porte en soi son remède.
Soit enthousiasme, soit fascination des Esprits, soit amour-propre, le médium écrivain est généralement porté à croire que les Esprits qui se communiquent à lui sont des Esprits supérieurs, et cela d'autant mieux que ces Esprits, voyant sa propension, ne manquent pas de se parer de titres pompeux, prennent au besoin et selon les circonstances des noms de saints, de savants, d'anges, de la Vierge Marie même, et jouent leur rôle, comme des comédiens affublés du costume des personnages qu'ils représentent ; arrachez-leur le masque, et ils deviennent Gros-Jean comme devant ; c'est là ce qu'il faut savoir faire avec les Esprits comme avec les hommes.
De la croyance aveugle et irréfléchie en la supériorité des Esprits qui se communiquent, à la confiance en leurs paroles, il n'y a qu'un pas, toujours comme parmi les hommes. S'ils parviennent à inspirer cette confiance, ils l'entretiennent par les sophismes et les raisonnements les plus captieux, dans lesquels on donne souvent tête baissée. Les Esprits grossiers sont moins dangereux : on les reconnaît tout de suite, et ils n'inspirent que de la répugnance ; ceux qui sont le plus à craindre, dans leur monde, comme dans le nôtre, sont les Esprits hypocrites ; ils ne parlent jamais qu'avec douceur, flattent les penchants ; ils sont câlins, patelins, prodigues de termes de tendresse, de protestations de dévouement. Il faut être vraiment fort pour résister à de pareilles séductions. Mais où est le danger, dira-t-on, avec des Esprits impalpables ? Le danger est dans les conseils pernicieux qu'ils donnent sous l'apparence de la bienveillance, dans les démarches ridicules, intempestives ou funestes qu'ils font entreprendre. Nous en avons vu faire courir certains individus de pays en pays à la poursuite des choses les plus fantastiques, au risque de compromettre leur santé, leur fortune et même leur vie. Nous en avons vu dicter, avec toutes les apparences de la gravité, les choses les plus burlesques, les maximes les plus étranges. Comme il est bon de mettre l'exemple à côté de la théorie, nous allons rapporter l'histoire d'une personne de notre connaissance qui s'est trouvée sous l'empire d'une fascination semblable.
M. F..., jeune homme instruit, d'une éducation soignée, d'un caractère doux et bienveillant, mais un peu faible et sans résolution prononcée, était devenu promptement très habile médium écrivain. Obsédé par l'Esprit qui s'était emparé de lui et ne lui laissait aucun repos, il écrivait sans cesse ; dès qu'une plume, un crayon lui tombaient sous la main, il les saisissait par un mouvement convulsif et se mettait à remplir des pages entières en quelques minutes. A défaut d'instrument, il faisait le simulacre d'écrire avec son doigt, partout où il se trouvait, dans les rues, sur les murs, sur les portes, etc. Entre autres choses qu'on lui dictait, était celle-ci : « L'homme est composé de trois choses : l'homme, le mauvais Esprit et le bon Esprit. Vous avez tous votre mauvais Esprit qui est attaché au corps par des liens matériels. Pour chasser le mauvais Esprit, il faut briser ces liens, et pour cela il faut affaiblir le corps. Quand le corps est suffisamment affaibli, le lien se rompt, le mauvais Esprit s'en va, et il ne reste que le bon. » En conséquence de cette belle théorie, ils l'ont fait jeûner pendant cinq jours consécutifs et veiller la nuit. Lorsqu'il fut exténué, ils lui dirent : « Maintenant l'affaire est faite, le lien est rompu ; ton mauvais Esprit est parti, il ne reste plus que nous, qu'il faut croire sans réserve. » Et lui, persuadé que son mauvais Esprit avait pris la fuite, ajoutait une foi aveugle à toutes leurs paroles. La subjugation était arrivée à ce point, que s'ils lui eussent dit de se jeter à l'eau ou de partir pour les antipodes, il l'aurait fait. Lorsqu'ils voulaient lui faire faire quelque chose à quoi il répugnait, il se sentait poussé par une force invisible. Nous donnons un échantillon de leur morale ; par là on jugera du reste.
« Pour avoir les meilleures communications, il faut : 1° Prier et jeûner pendant plusieurs jours, les uns plus, les autres moins ; ce jeûne relâche les liens qui existent entre le moi et un démon particulier attaché à chaque moi humain. Ce démon est lié à chaque personne par l'enveloppe qui unit le corps et l'âme. Cette enveloppe, affaiblie par le manque de nourriture, permet aux Esprits d'arracher ce démon. Jésus descend alors dans le coeur de la personne possédée à la place du mauvais Esprit. Cet état de posséder Jésus en soi est le seul moyen d'atteindre toute la vérité, et bien d'autres choses.
« Quand la personne a réussi à remplacer le démon par Jésus, elle n'a pas encore la vérité. Pour avoir la vérité, il faut croire ; Dieu ne donne jamais la vérité à ceux qui doutent : ce serait faire quelque chose d'inutile, et Dieu ne fait rien en vain. Comme la plupart des nouveaux médiums doutent de ce qu'ils disent ou écrivent, les bons Esprits sont forcés, à leur regret, par l'ordre formel de Dieu, de mentir, et ne peuvent que mentir tant que le médium n'est pas convaincu ; mais vient-il à croire fermement un de ces mensonges, aussitôt les Esprits élevés s'empressent de lui dévoiler les secrets du ciel : la vérité tout entière dissipe en un instant ce nuage d'erreurs dont ils avaient été forcés de couvrir leur protégé.
« Le médium arrivé à ce point n'a plus rien à craindre ; les bons Esprits ne le quitteront jamais. Qu'il ne croie point cependant avoir toujours la vérité et rien que la vérité. De bons Esprits, soit pour l'éprouver, soit pour le punir de ses fautes passées, soit pour le châtier des questions égoïstes ou curieuses, lui infligent des corrections physiques et morales, viennent le tourmenter de la part de Dieu. Ces Esprits élevés se plaignent souvent de la triste mission qu'ils accomplissent : un père persécute son fils des semaines entières, un ami son ami, le tout pour le plus grand bonheur du médium. Les nobles Esprits disent alors des folies, des blasphèmes, des turpitudes même. Il faut que le médium se raidisse et dise : Vous me tentez ; je sais que je suis entre les mains charitables d'Esprits doux et affectueux ; que les mauvais ne peuvent plus m'approcher. Bonnes âmes qui me tourmentez, vous ne m'empêcherez pas de croire ce que vous m'aurez dit et ce que vous me direz encore.
« Les catholiques chassent plus facilement le démon (ce jeune homme est protestant), parce qu'il s'est éloigné un instant le jour du baptême. Les catholiques sont jugés par Christ, et les autres par Dieu ; il vaut mieux être jugé par Christ. Les protestants ont tort de ne pas admettre cela : aussi faut-il te faire catholique le plus tôt possible ; en attendant, va prendre de l'eau bénite : ce sera ton baptême. »
Le jeune homme en question étant guéri plus tard de l'obsession dont il était l'objet, par les moyens que nous relaterons, nous lui avions demandé de nous en écrire l'histoire et de nous donner le texte même des préceptes qui lui avaient été dictés. En les transcrivant, il ajouta sur la copie qu'il nous a remise : Je me demande si je n'offense pas Dieu et les bons Esprits en transcrivant de pareilles sottises. A cela nous lui répondîmes : Non, vous n'offensez pas Dieu ; loin de là, puisque vous reconnaissez maintenant le piège dans lequel vous étiez tombé. Si je vous ai demandé la copie de ces maximes perverses, c'est pour les flétrir comme elles le méritent, démasquer les Esprits hypocrites, et mettre sur ses gardes quiconque en recevrait de pareilles.
Un jour ils lui font écrire : Tu mourras ce soir ; à quoi il répond : Je suis fort ennuyé de ce monde ; mourons s'il le faut, je ne demande pas mieux ; que je ne souffre pas, c'est tout ce que je désire. - Le soir il s'endort croyant fermement ne plus se réveiller sur la terre. Le lendemain il est tout surpris et même désappointé de se trouver dans son lit ordinaire. Dans la journée il écrit : « Maintenant que tu as passé par l'épreuve de la mort, que tu as cru fermement mourir, tu es comme mort pour nous ; nous pouvons te dire toute la vérité ; tu sauras tout ; il n'y a rien de caché pour nous ; il n'y aura non plus rien de caché pour toi. Tu es Shakespeare réincarné. Shakespeare n'est-il pas ta bible à toi ? (M. F... sait parfaitement l'anglais, et se complaît dans la lecture des chefs-d'oeuvre de cette langue.)
Le jour suivant il écrit : Tu es Satan. - Ceci devient par trop fort, répond M. F... - N'as-tu pas fait... n'as-tu pas dévoré le Paradis perdu ? Tu as appris la Fille du diable de Béranger ; tu savais que Satan se convertirait : ne l'as-tu pas toujours cru, toujours dit, toujours écrit ? Pour se convertir, il se réincarne. - Je veux bien avoir été un ange rebelle quelconque ; mais le roi des anges... ! - Oui, tu étais l'ange de la fierté ; tu n'es pas mauvais, tu es fier en ton coeur ; c'est cette fierté qu'il faut abattre ; tu es l'ange de l'orgueil, et les hommes l'appellent Satan, qu'importe le nom ! Tu fus le mauvais génie de la terre. Te voilà abaissé... Les hommes vont prendre leur essor... Tu verras des merveilles. Tu as trompé les hommes ; tu as trompé la femme dans la personnification d'Eve, la femme pécheresse. Il est dit que Marie, la personnification de la femme sans tache, t'écrasera la tête ; Marie va venir. - Un instant après il écrit lentement et comme avec douceur : « Marie vient te voir ; Marie, qui a été te chercher au fond de ton royaume de ténèbres, ne t'abandonnera pas. Elève-toi, Satan, et Dieu est prêt à te tendre les bras. Lis l'Enfant prodigue. Adieu. »
Une autre fois il écrit : « Le serpent dit à Eve : Vos yeux seront ouverts et vous serez comme des dieux. Le démon dit à Jésus : Je te donnerai toute puissance. Toi, je te le dis, puisque tu crois à nos paroles : nous t'aimons ; tu sauras tout... Tu seras roi de Pologne.
« Persévère dans les bonnes dispositions où nous t'avons mis. Cette leçon fera faire un grand pas à la science spirite. On verra que les bons Esprits peuvent dire des futilités et des mensonges pour se jouer des sages. Allan Kardec a dit que c'était un mauvais moyen de reconnaître les Esprits, que de leur faire confesser Jésus en chair. Moi je dis que les bons Esprits confessent seuls Jésus en chair et je le confesse. Dis ceci à Kardec. »
L'Esprit a pourtant eu la pudeur de ne pas conseiller à M. F... de faire imprimer ces belles maximes ; s'il le lui eût dit, il l'eût fait sans aucun doute, et c'eût été une mauvaise action, parce qu'il les eût données comme une chose sérieuse.
Nous remplirions un volume de toutes les sottises qui lui furent dictées et de toutes les circonstances qui s'ensuivirent. On lui fit, entre autres choses, dessiner un édifice dont les dimensions étaient telles que les feuilles de papier nécessaires, collées ensemble, occupaient la hauteur de deux étages.
On remarquera que dans tout ceci il n'y a rien de grossier, rien de trivial ; c'est une suite de raisonnements sophistiques qui s'enchaînent avec une apparence de logique. Il y a, dans les moyens employés pour circonvenir, un art vraiment infernal, et si nous avions pu rapporter tous ces entretiens, on aurait vu jusqu'à quel point était poussée l'astuce, et avec quelle adresse les paroles mielleuses étaient prodiguées à propos.
L'Esprit qui jouait le principal rôle dans cette affaire prenait le nom de François Dillois, quand il ne se couvrait pas du masque d'un nom respectable. Nous sûmes plus tard ce que ce Dillois avait été de son vivant, et alors rien ne nous étonna plus dans son langage. Mais au milieu de toutes ces extravagances il était aisé de reconnaître un bon Esprit qui luttait en faisant entendre de temps à autre quelques bonnes paroles pour démentir les absurdités de l'autre ; il y avait combat évident, mais la lutte était inégale ; le jeune homme était tellement subjugué, que la voix de la raison était impuissante sur lui. L'Esprit de son père lui fit notamment écrire ceci : « Oui, mon fils, courage ! Tu subis une rude épreuve qui est pour ton bien à venir ; je ne puis malheureusement rien en ce moment pour t'en affranchir, et cela me coûte beaucoup. Va voir Allan Kardec ; écoute-le, et il te sauvera. »
M. F... vint en effet me trouver ; il me raconta son histoire ; je le fis écrire devant moi, et, dès l'abord, je reconnus sans peine l'influence pernicieuse sous laquelle il se trouvait, soit aux paroles, soit à certains signes matériels que l'expérience fait connaître et qui ne peuvent tromper. Il revint plusieurs fois ; j'employai toute la force de ma volonté pour appeler de bons Esprits par son intermédiaire, toute ma rhétorique, pour lui prouver qu'il était le jouet d'Esprits détestables ; que ce qu'il écrivait n'avait pas le sens commun, et de plus était profondément immoral ; je m'adjoignis pour cette oeuvre charitable un de mes collègues les plus dévoués, M. T..., et, à nous deux, nous parvînmes petit à petit à lui faire écrire des choses sensées. Il prit son mauvais génie en aversion, le repoussa, par sa volonté, chaque fois qu'il tentait de se manifester, et peu à peu les bons Esprits seuls prirent le dessus. Pour détourner ses idées, il se livra du matin au soir, d'après le conseil des Esprits, à un rude travail qui ne lui laissait pas le temps d'écouter les mauvaises suggestions. Dillois lui-même finit par s'avouer vaincu et par exprimer le désir de s'améliorer dans une nouvelle existence ; il confessa le mal qu'il avait voulu faire, et en témoigna du regret. La lutte fut longue, pénible, et offrit des particularités vraiment curieuses pour l'observateur. Aujourd'hui que M. F... se sent délivré, il est heureux ; il lui semble être soulagé d'un fardeau ; il a repris sa gaieté, et nous remercie du service que nous lui avons rendu.
Certaines personnes déplorent qu'il y ait de mauvais Esprits. Ce n'est pas en effet sans un certain désenchantement qu'on trouve la perversité dans ce monde où l'on aimerait à ne rencontrer que des êtres parfaits. Puisque les choses sont ainsi, nous n'y pouvons rien : il faut les prendre telles qu'elles sont. C'est notre propre infériorité qui fait que les Esprits imparfaits pullulent autour de nous ; les choses changeront quand nous serons meilleurs, ainsi que cela a lieu dans les mondes plus avancés. En attendant, et tandis que nous sommes encore dans les bas-fonds de l'univers moral, nous sommes avertis : c'est à nous de nous tenir sur nos gardes et de ne pas accepter, sans contrôle, tout ce que l'on nous dit. L'expérience, en nous éclairant, doit nous rendre circonspects. Voir et comprendre le mal est un moyen de s'en préserver. N'y aurait-il pas cent fois plus de danger à se faire illusion sur la nature des êtres invisibles qui nous entourent ? Il en est de même ici-bas, où nous sommes chaque jour exposés à la malveillance et aux suggestions perfides : ce sont autant d'épreuves auxquelles notre raison, notre conscience et notre jugement nous donnent les moyens de résister. Plus la lutte aura été difficile, plus le mérite du succès sera grand : « A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. »
Cette histoire, qui malheureusement n'est pas la seule à notre connaissance, soulève une question très grave. N'est-ce pas pour ce jeune homme, dira-t-on, une chose fâcheuse d'avoir été médium ? N'est-ce pas cette faculté qui est cause de l'obsession dont il était l'objet ? En un mot, n'est-ce pas une preuve du danger des communications spirites ?
Notre réponse est facile, et nous prions de la méditer avec soin.
Ce ne sont pas les médiums qui ont créé les Esprits, ceux-ci existent de tout temps, et de tout temps ils ont exercé leur influence salutaire ou pernicieuse sur les hommes. Il n'est donc pas besoin d'être médium pour cela. La faculté médianimique n'est pour eux qu'un moyen de se manifester ; à défaut de cette faculté ils le font de mille autres manières. Si ce jeune homme n'eût pas été médium, il n'en aurait pas moins été sous l'influence de ce mauvais Esprit qui lui aurait sans doute fait commettre des extravagances que l'on eût attribuées à toute autre cause. Heureusement pour lui, sa faculté de médium permettant à l'Esprit de se communiquer par des paroles, c'est par ses paroles que l'Esprit s'est trahi ; elles ont permis de connaître la cause d'un mal qui eût pu avoir pour lui des conséquences funestes, et que nous avons détruit, comme on l'a vu, par des moyens bien simples, bien rationnels, et sans exorcisme. La faculté médianimique a permis de voir l'ennemi, si on peut s'exprimer ainsi, face à face et de le combattre avec ses propres armes. On peut donc dire avec une entière certitude, que c'est elle qui l'a sauvé ; quant à nous, nous n'avons été que les médecins, qui, ayant jugé la cause du mal, avons appliqué le remède. Ce serait une grave erreur de croire que les Esprits n'exercent leur influence que par des communications écrites ou verbales ; cette influence est de tous les instants, et ceux qui ne croient pas aux Esprits y sont exposés comme les autres, y sont même plus exposés que d'autres, parce qu'ils n'ont pas de contre-poids. A combien d'actes n'est-on pas poussé pour son malheur, et que l'on eût évités si l'on avait eu un moyen de s'éclairer ! Les plus incrédules ne croient pas être si vrais quand ils disent d'un homme qui se fourvoie avec obstination : C'est son mauvais génie qui le pousse à sa perte.
Règle générale. Quiconque a de mauvaises communications spirites écrites ou verbales est sous une mauvaise influence ; cette influence s'exerce sur lui qu'il écrive ou n'écrive pas, c'est-à-dire qu'il soit ou non médium. L'écriture donne un moyen de s'assurer de la nature des Esprits qui agissent sur lui, et de les combattre, ce que l'on fait encore avec plus de succès quand on parvient à connaître le motif qui les fait agir. S'il est assez aveuglé pour ne pas le comprendre, d'autres peuvent lui ouvrir les yeux. Est-il besoin d'ailleurs d'être médium pour écrire des absurdités ? Et qui dit que parmi toutes les élucubrations ridicules ou dangereuses, il n'en est pas auxquelles les auteurs sont poussés par quelque Esprit malveillant ? Les trois quarts de nos mauvaises actions et de nos mauvaises pensées sont le fruit de cette suggestion occulte.
Si M. F... n'avait pas été médium, demandera-t-on, auriez-vous pu de même faire cesser l'obsession ? Assurément ; seulement les moyens eussent différé selon les circonstances ; mais alors les Esprits n'eussent pas pu nous l'adresser comme ils l'ont fait, et il est probable qu'on se serait mépris sur la cause, s'il n'y avait pas eu de manifestation spirite ostensible. Tout homme qui en a la volonté, et qui est sympathique aux bons Esprits, peut toujours, avec l'aide de ceux-ci, paralyser l'influence des mauvais. Nous disons qu'il doit être sympathique aux bons Esprits, car s'il en attire lui-même d'inférieurs, il est évident que c'est vouloir chasser des loups avec des loups.
En résumé, le danger n'est pas dans le spiritisme en lui-même, puisqu'il peut, au contraire, servir de contrôle, et préserver de celui que nous courons sans cesse à notre insu ; il est dans la propension de certains médiums à se croire trop légèrement les instruments exclusifs d'Esprits supérieurs, et dans l'espèce de fascination qui ne leur permet pas de comprendre les sottises dont ils sont les interprètes. Ceux mêmes qui ne sont pas médiums peuvent s'y laisser prendre. Nous terminerons ce chapitre par les considérations suivantes :
1° Tout médium doit se défier de l'entraînement irrésistible qui le porte à écrire sans cesse et dans les moments inopportuns ; il doit être maître de lui-même et n'écrire que quand il le veut ;
2° On ne maîtrise pas les Esprits supérieurs, ni même ceux qui, sans être supérieurs, sont bons et bienveillants, mais on peut maîtriser et dompter les Esprits inférieurs. Quiconque n'est pas maître de soi-même ne peut l'être des Esprits ;
3° Il n'y a pas d'autre critérium pour discerner la valeur des Esprits que le bon sens. Toute formule donnée à cet effet par les Esprits eux-mêmes est absurde, et ne peut émaner d'Esprits supérieurs ;
4° On juge les Esprits comme les hommes, à leur langage. Toute expression, toute pensée, toute maxime, toute théorie morale ou scientifique qui choque le bon sens, ou ne répond pas à l'idée qu'on se fait d'un Esprit pur et élevé, émane d'un Esprit plus ou moins inférieur ;
5° Les Esprits supérieurs tiennent toujours le même langage avec la même personne et ne se contredisent jamais ;
6° Les Esprits supérieurs sont toujours bons et bienveillants ; il n'y a jamais, dans leur langage, ni acrimonie, ni arrogance, ni aigreur, ni orgueil, ni forfanterie, ni sotte présomption. Ils parlent simplement, conseillent, et se retirent si on ne les écoute pas ;
7° Il ne faut pas juger les Esprits sur la forme matérielle et la correction de leur langage, mais en sonder le sens intime, scruter leurs paroles, les peser froidement, mûrement et sans prévention. Tout écart de bon sens, de raison et de sagesse, ne peut laisser de doute sur leur origine, quel que soit le nom dont s'affuble l'Esprit ;
8° Les Esprits inférieurs redoutent ceux qui scrutent leurs paroles, démasquent leurs turpitudes, et ne se laissent pas prendre à leurs sophismes. Ils peuvent quelquefois essayer de tenir tête, mais ils finissent toujours par lâcher prise quand ils se voient les plus faibles ;
9° Quiconque agit en toutes choses en vue du bien, s'élève par la pensée au-dessus des vanités humaines, chasse de son coeur l'égoïsme, l'orgueil, l'envie, la jalousie, la haine, pardonne à ses ennemis et met en pratique cette maxime du Christ : « Faire aux autres ce qu'on voudrait qui fût fait à soi-même, » sympathise avec les bons Esprits ; les mauvais le craignent et s'écartent de lui.
En suivant ces préceptes on se garantira des mauvaises communications, de la domination des Esprits impurs, et, profitant de tout ce que nous enseignent les Esprits vraiment supérieurs, on contribuera, chacun pour sa part, au progrès moral de l'humanité.
On écrit de Stockholm, 10 septembre 1858, au Journal des Débats :
« Je n'ai malheureusement rien de bien consolant à vous annoncer au sujet de la maladie dont souffre, depuis bientôt deux ans, notre souverain. Tous les traitements et remèdes que les gens de l'art ont prescrits dans cet intervalle, n'ont apporté aucun soulagement aux souffrances qui accablent le roi Oscar. D'après le conseil de ses médecins, M. Klugenstiern, qui jouit de quelque réputation comme magnétiseur, a été récemment appelé au château de Drottningholm, où continue à résider la famille royale, pour faire subir à l'auguste malade un traitement périodique de magnétisme. On croit même ici que, par une coïncidence assez singulière, le siège de la maladie du roi Oscar se trouve précisément établi dans cet endroit de la tête où est placé le cervelet, comme cela paraît malheureusement être le cas aujourd'hui chez le roi Frédéric-Guillaume IV de Prusse. »
Nous demandons si, il y a vingt-cinq ans seulement, des médecins auraient osé proposer publiquement un pareil moyen, même à un simple particulier, à plus forte raison à une tête couronnée ? A cette époque, toutes les Facultés scientifiques et tous les journaux n'avaient pas assez de sarcasmes pour dénigrer le magnétisme et ses partisans. Les choses ont bien changé dans ce court espace de temps ! Non-seulement on ne rit plus du magnétisme, mais le voilà officiellement reconnu comme agent thérapeutique. Quelle leçon pour ceux qui se rient des idées nouvelles ! Leur fera-t-elle enfin comprendre combien il est imprudent de s'inscrire en faux contre les choses qu'on ne comprend pas ? Nous avons une foule de livres écrits contre le magnétisme par des hommes en évidence ; or, ces livres resteront comme une tache indélébile sur leur haute intelligence. N'eussent-ils pas mieux fait de se taire et d'attendre ? Alors, comme aujourd'hui pour le Spiritisme, on leur opposait l'opinion des hommes les plus éminents, les plus éclairés, les plus consciencieux : rien n'ébranlait leur scepticisme. A leurs yeux, le magnétisme n'était qu'une jonglerie indigne des gens sérieux. Quelle action pouvait avoir un agent occulte, mû par la pensée et la volonté, et dont on ne pouvait faire l'analyse chimique ? Hâtons-nous de dire que les médecins suédois ne sont pas les seuls qui soient revenus sur cette idée étroite, et que partout, en France comme ailleurs, l'opinion a complètement changé à cet égard ; et cela est si vrai que, lorsqu'il se passe un phénomène inexpliqué, on dit : c'est un effet magnétique. On trouve donc dans le magnétisme la raison d'être d'une foule de choses que l'on mettait sur le compte de l'imagination, cette raison si commode pour ceux qui ne savent que dire.
Le magnétisme guérira-t-il le roi Oscar ? C'est une autre question. Il a sans doute opéré des cures prodigieuses et inespérées, mais il a ses limites, comme tout ce qui est dans la nature ; et, d'ailleurs, il faut tenir compte de cette circonstance, qu'on n'y recourt en général qu'in extremis et en désespoir de cause, alors souvent que le mal a fait des progrès irrémédiables, ou a été aggravé par une médication contraire. Quand il triomphe de tels obstacles, il faut qu'il soit bien puissant !
Si l'action du fluide magnétique est aujourd'hui un point généralement admis, il n'en est pas de même à l'égard des facultés somnambuliques, qui rencontrent encore beaucoup d'incrédules dans le monde officiel, surtout en ce qui touche les questions médicales. Toutefois, on conviendra que les préjugés sur ce point se sont singulièrement affaiblis, même parmi les hommes de science : nous en avons la preuve dans le grand nombre de médecins qui font partie de toutes les sociétés magnétiques, soit en France, soit à l'étranger. Les faits se sont tellement vulgarisés, qu'il a bien fallu céder à l'évidence et suivre le torrent, bon gré, mal gré. Il en sera bientôt de la lucidité intuitive comme du fluide magnétique.
Le Spiritisme tient au magnétisme par des liens intimes (ces deux sciences sont solidaires l'une de l'autre) ; et pourtant, qui l'aurait cru ? il rencontre des adversaires acharnés même parmi certains magnétiseurs qui, eux, n'en comptent point parmi les Spirites. Les Esprits ont toujours préconisé le magnétisme, soit comme moyen curatif, soit comme cause première d'une foule de choses ; ils défendent sa cause et viennent lui prêter appui contre ses ennemis. Les phénomènes spirites ont ouvert les yeux à bien des gens, qu'ils ont en même temps ralliés au magnétisme. N'est-il pas bizarre de voir des magnétiseurs oublier sitôt ce qu'ils ont eu à souffrir des préjugés, nier l'existence de leurs défenseurs, et tourner contre eux les traits qu'on leur lançait jadis ? Cela n'est pas grand, cela n'est pas digne d'hommes auxquels la nature, en leur dévoilant un de ses plus sublimes mystères, ôte plus qu'à personne le droit de prononcer le fameux nec plus ultra. Tout prouve, dans le développement rapide du Spiritisme, que lui aussi aura bientôt son droit de bourgeoisie ; en attendant, il applaudit de toutes ses forces au rang que vient de conquérir le magnétisme, comme à un signe incontestable du progrès des idées.
« Je n'ai malheureusement rien de bien consolant à vous annoncer au sujet de la maladie dont souffre, depuis bientôt deux ans, notre souverain. Tous les traitements et remèdes que les gens de l'art ont prescrits dans cet intervalle, n'ont apporté aucun soulagement aux souffrances qui accablent le roi Oscar. D'après le conseil de ses médecins, M. Klugenstiern, qui jouit de quelque réputation comme magnétiseur, a été récemment appelé au château de Drottningholm, où continue à résider la famille royale, pour faire subir à l'auguste malade un traitement périodique de magnétisme. On croit même ici que, par une coïncidence assez singulière, le siège de la maladie du roi Oscar se trouve précisément établi dans cet endroit de la tête où est placé le cervelet, comme cela paraît malheureusement être le cas aujourd'hui chez le roi Frédéric-Guillaume IV de Prusse. »
Nous demandons si, il y a vingt-cinq ans seulement, des médecins auraient osé proposer publiquement un pareil moyen, même à un simple particulier, à plus forte raison à une tête couronnée ? A cette époque, toutes les Facultés scientifiques et tous les journaux n'avaient pas assez de sarcasmes pour dénigrer le magnétisme et ses partisans. Les choses ont bien changé dans ce court espace de temps ! Non-seulement on ne rit plus du magnétisme, mais le voilà officiellement reconnu comme agent thérapeutique. Quelle leçon pour ceux qui se rient des idées nouvelles ! Leur fera-t-elle enfin comprendre combien il est imprudent de s'inscrire en faux contre les choses qu'on ne comprend pas ? Nous avons une foule de livres écrits contre le magnétisme par des hommes en évidence ; or, ces livres resteront comme une tache indélébile sur leur haute intelligence. N'eussent-ils pas mieux fait de se taire et d'attendre ? Alors, comme aujourd'hui pour le Spiritisme, on leur opposait l'opinion des hommes les plus éminents, les plus éclairés, les plus consciencieux : rien n'ébranlait leur scepticisme. A leurs yeux, le magnétisme n'était qu'une jonglerie indigne des gens sérieux. Quelle action pouvait avoir un agent occulte, mû par la pensée et la volonté, et dont on ne pouvait faire l'analyse chimique ? Hâtons-nous de dire que les médecins suédois ne sont pas les seuls qui soient revenus sur cette idée étroite, et que partout, en France comme ailleurs, l'opinion a complètement changé à cet égard ; et cela est si vrai que, lorsqu'il se passe un phénomène inexpliqué, on dit : c'est un effet magnétique. On trouve donc dans le magnétisme la raison d'être d'une foule de choses que l'on mettait sur le compte de l'imagination, cette raison si commode pour ceux qui ne savent que dire.
Le magnétisme guérira-t-il le roi Oscar ? C'est une autre question. Il a sans doute opéré des cures prodigieuses et inespérées, mais il a ses limites, comme tout ce qui est dans la nature ; et, d'ailleurs, il faut tenir compte de cette circonstance, qu'on n'y recourt en général qu'in extremis et en désespoir de cause, alors souvent que le mal a fait des progrès irrémédiables, ou a été aggravé par une médication contraire. Quand il triomphe de tels obstacles, il faut qu'il soit bien puissant !
Si l'action du fluide magnétique est aujourd'hui un point généralement admis, il n'en est pas de même à l'égard des facultés somnambuliques, qui rencontrent encore beaucoup d'incrédules dans le monde officiel, surtout en ce qui touche les questions médicales. Toutefois, on conviendra que les préjugés sur ce point se sont singulièrement affaiblis, même parmi les hommes de science : nous en avons la preuve dans le grand nombre de médecins qui font partie de toutes les sociétés magnétiques, soit en France, soit à l'étranger. Les faits se sont tellement vulgarisés, qu'il a bien fallu céder à l'évidence et suivre le torrent, bon gré, mal gré. Il en sera bientôt de la lucidité intuitive comme du fluide magnétique.
Le Spiritisme tient au magnétisme par des liens intimes (ces deux sciences sont solidaires l'une de l'autre) ; et pourtant, qui l'aurait cru ? il rencontre des adversaires acharnés même parmi certains magnétiseurs qui, eux, n'en comptent point parmi les Spirites. Les Esprits ont toujours préconisé le magnétisme, soit comme moyen curatif, soit comme cause première d'une foule de choses ; ils défendent sa cause et viennent lui prêter appui contre ses ennemis. Les phénomènes spirites ont ouvert les yeux à bien des gens, qu'ils ont en même temps ralliés au magnétisme. N'est-il pas bizarre de voir des magnétiseurs oublier sitôt ce qu'ils ont eu à souffrir des préjugés, nier l'existence de leurs défenseurs, et tourner contre eux les traits qu'on leur lançait jadis ? Cela n'est pas grand, cela n'est pas digne d'hommes auxquels la nature, en leur dévoilant un de ses plus sublimes mystères, ôte plus qu'à personne le droit de prononcer le fameux nec plus ultra. Tout prouve, dans le développement rapide du Spiritisme, que lui aussi aura bientôt son droit de bourgeoisie ; en attendant, il applaudit de toutes ses forces au rang que vient de conquérir le magnétisme, comme à un signe incontestable du progrès des idées.
Nous venons de voir le magnétisme reconnu par la médecine, mais voici une autre adhésion qui, à un autre point de vue, n'en a pas une importance moins capitale, en ce qu'elle est une preuve de l'affaiblissement des préjugés que des idées plus saines font disparaître chaque jour, c'est celle de l'Eglise. Nous avons sous les yeux un petit livre intitulé : Abrégé, en forme de catéchisme, du Cours élémentaire d'instruction chrétienne ; A L'USAGE DES CATECHISMES ET ECOLES CHRETIENNES, par l'abbé Marotte, vicaire général de Mgr. l'évêque de Verdun ; 1853. Cet ouvrage, rédigé par demandes et par réponses, contient tous les principes de la doctrine chrétienne sur le dogme, l'Histoire Sainte, les commandements de Dieu, les sacrements, etc. Dans un des chapitres sur le premier commandement où il est traité des péchés opposés à la religion, et après avoir parlé de la superstition, de la magie et des sortilèges, nous lisons ce qui suit :
« D. Qu'est-ce que le magnétisme ?
« R. C'est une influence réciproque qui s'opère parfois entre des individus, d'après une harmonie de rapports ; soit par la volonté ou l'imagination, soit par la sensibilité physique, et dont les principaux phénomènes sont la somnolence, le sommeil, le somnambulisme, et un état convulsif.
« D. Quels sont les effets du magnétisme ?
« R. Le magnétisme produit ordinairement, dit-on, deux effets principaux : 1° un état de somnambulisme dans lequel le magnétisé, entièrement privé de l'usage de ses sens, voit, entend, parle et répond à toutes les questions qu'on lui adresse ; 2° une intelligence et un savoir qu'il n'a que dans la crise ; il connaît son état, les remèdes convenables à ses maladies, ce que font certaines personnes même éloignées.
« D. Est-il permis en conscience de magnétiser et de se faire magnétiser ?
« R. Si, pour l'opération magnétique, on emploie des moyens, ou si par elle on obtient des effets qui supposent une intervention diabolique, elle est une oeuvre superstitieuse et ne peut jamais être permise ; 2° il en est de même lorsque les communications magnétiques offensent la modestie ; 3° en supposant qu'on prenne soin d'écarter de la pratique du magnétisme tout abus, tout danger pour la foi ou pour les moeurs, tout pacte avec le démon, il est douteux qu'il soit permis d'y recourir comme à un remède naturel et utile. »
Nous regrettons que l'auteur ait mis ce dernier correctif, qui est en contradiction avec ce qui précède. En effet, pourquoi l'usage d'une chose reconnue salutaire ne serait-il pas permis, alors qu'on en écarte tous les inconvénients qu'il signale à son point de vue ? Il est vrai qu'il n'exprime pas une défense formelle, mais un simple doute sur la permission. Quoi qu'il en soit, ceci ne se trouve point dans un livre savant, dogmatique, à l'usage des seuls théologiens, mais dans un livre élémentaire, à l'usage des catéchismes, par conséquent destiné à l'instruction religieuse des masses ; ce n'est point par conséquent une opinion personnelle, c'est une vérité consacrée et reconnue que le magnétisme existe, qu'il produit le somnambulisme, que le somnambule jouit de facultés spéciales, qu'au nombre de ces facultés est celle de voir sans le secours des yeux, même à distance, d'entendre sans le secours des oreilles, de posséder des connaissances qu'il n'a pas dans l'état normal, d'indiquer les remèdes qui lui sont salutaires. La qualité de l'auteur est ici d'un grand poids. Ce n'est pas un homme obscur qui parle, un simple prêtre qui émet son opinion, c'est un vicaire général qui enseigne. Nouvel échec et nouvel avertissement pour ceux qui jugent avec trop de précipitation.
« D. Qu'est-ce que le magnétisme ?
« R. C'est une influence réciproque qui s'opère parfois entre des individus, d'après une harmonie de rapports ; soit par la volonté ou l'imagination, soit par la sensibilité physique, et dont les principaux phénomènes sont la somnolence, le sommeil, le somnambulisme, et un état convulsif.
« D. Quels sont les effets du magnétisme ?
« R. Le magnétisme produit ordinairement, dit-on, deux effets principaux : 1° un état de somnambulisme dans lequel le magnétisé, entièrement privé de l'usage de ses sens, voit, entend, parle et répond à toutes les questions qu'on lui adresse ; 2° une intelligence et un savoir qu'il n'a que dans la crise ; il connaît son état, les remèdes convenables à ses maladies, ce que font certaines personnes même éloignées.
« D. Est-il permis en conscience de magnétiser et de se faire magnétiser ?
« R. Si, pour l'opération magnétique, on emploie des moyens, ou si par elle on obtient des effets qui supposent une intervention diabolique, elle est une oeuvre superstitieuse et ne peut jamais être permise ; 2° il en est de même lorsque les communications magnétiques offensent la modestie ; 3° en supposant qu'on prenne soin d'écarter de la pratique du magnétisme tout abus, tout danger pour la foi ou pour les moeurs, tout pacte avec le démon, il est douteux qu'il soit permis d'y recourir comme à un remède naturel et utile. »
Nous regrettons que l'auteur ait mis ce dernier correctif, qui est en contradiction avec ce qui précède. En effet, pourquoi l'usage d'une chose reconnue salutaire ne serait-il pas permis, alors qu'on en écarte tous les inconvénients qu'il signale à son point de vue ? Il est vrai qu'il n'exprime pas une défense formelle, mais un simple doute sur la permission. Quoi qu'il en soit, ceci ne se trouve point dans un livre savant, dogmatique, à l'usage des seuls théologiens, mais dans un livre élémentaire, à l'usage des catéchismes, par conséquent destiné à l'instruction religieuse des masses ; ce n'est point par conséquent une opinion personnelle, c'est une vérité consacrée et reconnue que le magnétisme existe, qu'il produit le somnambulisme, que le somnambule jouit de facultés spéciales, qu'au nombre de ces facultés est celle de voir sans le secours des yeux, même à distance, d'entendre sans le secours des oreilles, de posséder des connaissances qu'il n'a pas dans l'état normal, d'indiquer les remèdes qui lui sont salutaires. La qualité de l'auteur est ici d'un grand poids. Ce n'est pas un homme obscur qui parle, un simple prêtre qui émet son opinion, c'est un vicaire général qui enseigne. Nouvel échec et nouvel avertissement pour ceux qui jugent avec trop de précipitation.
Problème physiologique adressé à l'Esprit de saint Louis, dans la séance de la Société parisienne des études spirites du 14 septembre 1858.
On lit dans le Moniteur du 26 novembre 1857 :
« On nous communique le fait suivant, qui vient confirmer les observations déjà faites sur l'influence de la peur.
« M. le docteur F..., rentrait hier chez lui après avoir fait quelques visites à ses clients. Dans ses courses on lui avait remis, comme échantillon, une bouteille d'excellent rhum venant authentiquement de la Jamaïque. Le docteur oublia dans la voiture la précieuse bouteille. Mais quelques heures plus tard il se rappelle cet oubli et se rend à la remise, où il déclare au chef de la station qu'il a laissé dans un de ses coupés une bouteille d'un poison très violent, et l'engage à prévenir les cochers de faire la plus grande attention à ne pas faire usage de ce liquide mortel.
« Le docteur F..., était à peine rentré dans son appartement, qu'on vint le prévenir en toute hâte que trois cochers de la station voisine souffraient d'horribles douleurs d'entrailles. Il eut le plus grand mal à les rassurer et à leur persuader qu'ils avaient bu d'excellent rhum, et que leur indélicatesse ne pouvait avoir de suites plus graves qu'une sévère mise à pied, infligée à l'instant même aux coupables. »
1. - Saint Louis pourrait-il nous donner une explication physiologique de cette transformation des propriétés d'une substance inoffensive ? Nous savons que, par l'action magnétique, cette transformation peut avoir lieu ; mais dans le fait rapporté ci-dessus, il n'y a pas eu émission de fluide magnétique ; l'imagination a seule agi et non la volonté.
R. - Votre raisonnement est très juste sous le rapport de l'imagination. Mais les Esprits malins qui ont engagé ces hommes à commettre cet acte d'indélicatesse, font passer dans le sang, dans la matière, un frisson de crainte que vous pourriez appeler frisson magnétique, lequel tend les nerfs, et amène un froid dans certaines régions du corps. Or, vous savez que tout froid dans les régions abdominales peut produire des coliques. C'est donc un moyen de punition qui amuse en même temps les Esprits qui ont fait commettre le larcin, et les fait rire aux dépens de celui qu'ils ont fait pécher. Mais, dans tous les, cas, la mort ne s'ensuivrait pas : il n'y a que leçon pour les coupables et plaisir pour les Esprits légers. Aussi se hâtent-ils de recommencer toutes les fois que l'occasion s'en présente ; ils la cherchent même pour leur satisfaction. Nous pouvons éviter cela (je parle pour vous), en nous élevant vers Dieu par des pensées moins matérielles que celles qui occupaient l'esprit de ces hommes. Les Esprits malins aiment à rire ; prenez-y garde : tel qui croit dire en face une saillie agréable aux personnes qui l'environnent, tel qui amuse une société par ses plaisanteries ou ses actes, se trompe souvent, et même très souvent, lorsqu'il croit que tout cela vient de lui. Les Esprits légers qui l'entourent s'identifient avec lui-même, et souvent tour à tour le trompent sur ses propres pensées, ainsi que ceux qui l'écoutent. Vous croyez dans ce cas avoir affaire à un homme d'esprit, tandis que ce n'est qu'un ignorant. Descendez en vous-même, et vous jugerez mes paroles. Les Esprits supérieurs ne sont pas, pour cela, ennemis de la gaieté ; ils aiment quelquefois à rire aussi pour vous être agréables ; mais chaque chose a son temps.
Remarque. En disant que dans le fait rapporté il n'y avait pas d'émission de fluide magnétique, nous n'étions peut-être pas tout à fait dans le vrai. Nous hasardons ici une supposition. On sait, comme nous l'avons dit, quelle transformation des propriétés de la matière peut s'opérer par l'action du fluide magnétique dirigé par la pensée. Or, ne pourrait-on pas admettre que, par la pensée du médecin qui voulait faire croire à l'existence d'un toxique, et donner aux voleurs les angoisses de l'empoisonnement, il y a eu, quoique à distance, une sorte de magnétisation du liquide qui aurait acquis ainsi de nouvelles propriétés, dont l'action se serait trouvée corroborée par l'état moral des individus, rendus plus impressionnables par la crainte. Cette théorie ne détruirait pas celle de saint Louis sur l'intervention des Esprits légers en pareille circonstance ; nous savons que les Esprits agissent physiquement par des moyens physiques ; ils peuvent donc se servir, pour accomplir leurs desseins, de ceux qu'ils provoquent, ou que nous leur fournissons nous-mêmes à notre insu.
On lit dans le Moniteur du 26 novembre 1857 :
« On nous communique le fait suivant, qui vient confirmer les observations déjà faites sur l'influence de la peur.
« M. le docteur F..., rentrait hier chez lui après avoir fait quelques visites à ses clients. Dans ses courses on lui avait remis, comme échantillon, une bouteille d'excellent rhum venant authentiquement de la Jamaïque. Le docteur oublia dans la voiture la précieuse bouteille. Mais quelques heures plus tard il se rappelle cet oubli et se rend à la remise, où il déclare au chef de la station qu'il a laissé dans un de ses coupés une bouteille d'un poison très violent, et l'engage à prévenir les cochers de faire la plus grande attention à ne pas faire usage de ce liquide mortel.
« Le docteur F..., était à peine rentré dans son appartement, qu'on vint le prévenir en toute hâte que trois cochers de la station voisine souffraient d'horribles douleurs d'entrailles. Il eut le plus grand mal à les rassurer et à leur persuader qu'ils avaient bu d'excellent rhum, et que leur indélicatesse ne pouvait avoir de suites plus graves qu'une sévère mise à pied, infligée à l'instant même aux coupables. »
1. - Saint Louis pourrait-il nous donner une explication physiologique de cette transformation des propriétés d'une substance inoffensive ? Nous savons que, par l'action magnétique, cette transformation peut avoir lieu ; mais dans le fait rapporté ci-dessus, il n'y a pas eu émission de fluide magnétique ; l'imagination a seule agi et non la volonté.
R. - Votre raisonnement est très juste sous le rapport de l'imagination. Mais les Esprits malins qui ont engagé ces hommes à commettre cet acte d'indélicatesse, font passer dans le sang, dans la matière, un frisson de crainte que vous pourriez appeler frisson magnétique, lequel tend les nerfs, et amène un froid dans certaines régions du corps. Or, vous savez que tout froid dans les régions abdominales peut produire des coliques. C'est donc un moyen de punition qui amuse en même temps les Esprits qui ont fait commettre le larcin, et les fait rire aux dépens de celui qu'ils ont fait pécher. Mais, dans tous les, cas, la mort ne s'ensuivrait pas : il n'y a que leçon pour les coupables et plaisir pour les Esprits légers. Aussi se hâtent-ils de recommencer toutes les fois que l'occasion s'en présente ; ils la cherchent même pour leur satisfaction. Nous pouvons éviter cela (je parle pour vous), en nous élevant vers Dieu par des pensées moins matérielles que celles qui occupaient l'esprit de ces hommes. Les Esprits malins aiment à rire ; prenez-y garde : tel qui croit dire en face une saillie agréable aux personnes qui l'environnent, tel qui amuse une société par ses plaisanteries ou ses actes, se trompe souvent, et même très souvent, lorsqu'il croit que tout cela vient de lui. Les Esprits légers qui l'entourent s'identifient avec lui-même, et souvent tour à tour le trompent sur ses propres pensées, ainsi que ceux qui l'écoutent. Vous croyez dans ce cas avoir affaire à un homme d'esprit, tandis que ce n'est qu'un ignorant. Descendez en vous-même, et vous jugerez mes paroles. Les Esprits supérieurs ne sont pas, pour cela, ennemis de la gaieté ; ils aiment quelquefois à rire aussi pour vous être agréables ; mais chaque chose a son temps.
Remarque. En disant que dans le fait rapporté il n'y avait pas d'émission de fluide magnétique, nous n'étions peut-être pas tout à fait dans le vrai. Nous hasardons ici une supposition. On sait, comme nous l'avons dit, quelle transformation des propriétés de la matière peut s'opérer par l'action du fluide magnétique dirigé par la pensée. Or, ne pourrait-on pas admettre que, par la pensée du médecin qui voulait faire croire à l'existence d'un toxique, et donner aux voleurs les angoisses de l'empoisonnement, il y a eu, quoique à distance, une sorte de magnétisation du liquide qui aurait acquis ainsi de nouvelles propriétés, dont l'action se serait trouvée corroborée par l'état moral des individus, rendus plus impressionnables par la crainte. Cette théorie ne détruirait pas celle de saint Louis sur l'intervention des Esprits légers en pareille circonstance ; nous savons que les Esprits agissent physiquement par des moyens physiques ; ils peuvent donc se servir, pour accomplir leurs desseins, de ceux qu'ils provoquent, ou que nous leur fournissons nous-mêmes à notre insu.
M. R..., correspondant de l'Institut de France, et l'un des membres les plus éminents de la Société parisienne des Etudes spirites, a développé les considérations suivantes, dans la séance du 14 septembre, comme corollaire de la théorie qui venait d'être donnée à propos du mal de la peur, et que nous avons rapportée plus haut :
« Il résulte de toutes les communications qui nous sont faites par les Esprits, qu'ils exercent une influence directe sur nos actions, en nous sollicitant, les uns au bien, les autres au mal. Saint Louis vient de nous dire : « Les Esprits malins aiment à rire ; prenez-y garde ; tel qui croit dire en face une saillie agréable aux personnes qui l'environnent, tel qui amuse une société par ses plaisanteries ou ses actes, se trompe souvent, et même très souvent, lorsqu'il croit que tout cela vient de lui. Les Esprits légers qui l'entourent s'identifient avec lui-même, et souvent tour à tour le trompent sur ses propres pensées, ainsi que ceux qui l'écoutent. » Il s'ensuit que ce que nous disons ne vient pas toujours de nous ; que souvent nous ne sommes, comme les médiums parlants, que les interprètes de la pensée d'un Esprit étranger qui s'est identifié avec le nôtre. Les faits viennent à l'appui de cette théorie, et prouvent que très souvent aussi nos actes sont la conséquence de cette pensée qui nous est suggérée. L'homme qui fait mal cède donc à une suggestion, quand il est assez faible pour ne pas résister, et quand il ferme l'oreille à la voix de la conscience qui peut être la sienne propre, ou celle d'un bon Esprit qui combat en lui, par ses avertissements, l'influence d'un mauvais Esprit.
« Selon la doctrine vulgaire, l'homme puiserait tous ses instincts en lui-même ; ils proviendraient, soit de son organisation physique dont il ne saurait être responsable, soit de sa propre nature, dans laquelle il peut chercher une excuse à ses propres yeux, en disant que ce n'est pas sa faute s'il est créé ainsi. La doctrine spirite est évidemment plus morale ; elle admet chez l'homme le libre arbitre dans toute sa plénitude ; et en lui disant que s'il fait mal, il cède à une mauvaise suggestion étrangère, elle lui en laisse toute la responsabilité, puisqu'elle lui reconnaît le pouvoir de résister, chose évidemment plus facile que s'il avait à lutter contre sa propre nature. Ainsi, selon la doctrine spirite, il n'y a pas d'entraînement irrésistible : l'homme peut toujours fermer l'oreille à la voix occulte qui le sollicite au mal dans son for intérieur, comme il peut la fermer à la voix matérielle de celui qui lui parle ; il le peut par sa volonté, en demandant à Dieu la force nécessaire, et en réclamant à cet effet l'assistance des bons Esprits. C'est ce que Jésus nous apprend dans la sublime prière du Pater, quand il nous fait dire : « Ne nous laissez pas succomber à la tentation, mais délivrez-nous du mal. »
Lorsque nous avons pris pour texte d'une de nos questions la petite anecdote que nous avons rapportée, nous ne nous attendions pas aux développements qui allaient en découler. Nous en sommes doublement heureux, par les belles paroles qu'elle nous a values de saint Louis et de notre honorable collègue. Si nous n'étions édifiés depuis longtemps sur la haute capacité de ce dernier, et sur ses profondes connaissances en matière de Spiritisme, nous serions tenté de croire qu'il a été lui-même l'application de sa théorie, et que saint Louis s'est servi de lui pour compléter son enseignement. Nous allons y joindre nos propres réflexions :
Cette théorie de la cause excitante de nos actes ressort évidemment de tout l'enseignement donné par les Esprits ; non seulement elle est sublime de moralité, mais nous ajouterons qu'elle relève l'homme à ses propres yeux ; elle le montre libre de secouer un joug obsesseur, comme il est libre de fermer sa maison aux importuns : ce n'est plus une machine agissant par une impulsion indépendante de sa volonté, c'est un être de raison, qui écoute, qui juge et qui choisit librement entre deux conseils. Ajoutons que, malgré cela, l'homme n'est point privé de son initiative ; il n'en agit pas moins de son propre mouvement, puisqu'en définitive il n'est qu'un Esprit incarné qui conserve, sous l'enveloppe corporelle, les qualités et les défauts qu'il avait comme Esprit. Les fautes que nous commettons ont donc leur source première dans l'imperfection de notre propre Esprit qui n'a pas encore atteint la supériorité morale qu'il aura un jour, mais qui n'en a pas moins son libre arbitre ; la vie corporelle lui est donnée pour se purger de ses imperfections par les épreuves qu'il y subit, et ce sont précisément ces imperfections qui le rendent plus faible et plus accessible aux suggestions des autres Esprits imparfaits, qui en profitent pour tâcher de le faire succomber dans la lutte qu'il a entreprise. S'il sort vainqueur de cette lutte, il s'élève ; s'il échoue, il reste ce qu'il était, ni plus mauvais, ni meilleur : c'est une épreuve à recommencer, et cela peut durer longtemps ainsi. Plus il s'épure, plus ses côtés faibles diminuent, et moins il donne de prise à ceux qui le sollicitent au mal ; sa force morale croît en raison de son élévation, et les mauvais Esprits s'éloignent de lui.
Quels sont donc ces mauvais Esprits ? Sont-ce ce qu'on appelle les démons ? Ce ne sont pas des démons dans l'acception vulgaire du mot, parce qu'on entend par là une classe d'êtres créés pour le mal, et perpétuellement voués au mal. Or, les Esprits nous disent que tous s'améliorent dans un temps plus ou moins long, selon leur volonté ; mais tant qu'ils sont imparfaits, ils peuvent faire le mal, comme l'eau qui n'est pas épurée peut répandre des miasmes putrides et morbides. Dans l'état d'incarnation, ils s'épurent s'ils font ce qu'il faut pour cela ; à l'état d'Esprits, ils subissent les conséquences de ce qu'ils ont fait ou n'ont pas fait pour s'améliorer, conséquences qu'ils subissent aussi sur terre, puisque les vicissitudes de la vie sont à la fois des expiations et des épreuves. Tous ces Esprits, plus ou moins bons, alors qu'ils sont incarnés, constituent l'espèce humaine, et, comme notre terre est un des mondes les moins avancés, il s'y trouve plus de mauvais Esprits que de bons, voilà pourquoi nous y voyons tant de perversité. Faisons donc tous nos efforts pour n'y pas revenir après cette station, et pour mériter d'aller nous reposer dans un monde meilleur, dans un de ces mondes privilégiés où le bien règne sans partage, et où nous ne nous souviendrons de notre passage ici-bas que comme d'un mauvais rêve.
« Il résulte de toutes les communications qui nous sont faites par les Esprits, qu'ils exercent une influence directe sur nos actions, en nous sollicitant, les uns au bien, les autres au mal. Saint Louis vient de nous dire : « Les Esprits malins aiment à rire ; prenez-y garde ; tel qui croit dire en face une saillie agréable aux personnes qui l'environnent, tel qui amuse une société par ses plaisanteries ou ses actes, se trompe souvent, et même très souvent, lorsqu'il croit que tout cela vient de lui. Les Esprits légers qui l'entourent s'identifient avec lui-même, et souvent tour à tour le trompent sur ses propres pensées, ainsi que ceux qui l'écoutent. » Il s'ensuit que ce que nous disons ne vient pas toujours de nous ; que souvent nous ne sommes, comme les médiums parlants, que les interprètes de la pensée d'un Esprit étranger qui s'est identifié avec le nôtre. Les faits viennent à l'appui de cette théorie, et prouvent que très souvent aussi nos actes sont la conséquence de cette pensée qui nous est suggérée. L'homme qui fait mal cède donc à une suggestion, quand il est assez faible pour ne pas résister, et quand il ferme l'oreille à la voix de la conscience qui peut être la sienne propre, ou celle d'un bon Esprit qui combat en lui, par ses avertissements, l'influence d'un mauvais Esprit.
« Selon la doctrine vulgaire, l'homme puiserait tous ses instincts en lui-même ; ils proviendraient, soit de son organisation physique dont il ne saurait être responsable, soit de sa propre nature, dans laquelle il peut chercher une excuse à ses propres yeux, en disant que ce n'est pas sa faute s'il est créé ainsi. La doctrine spirite est évidemment plus morale ; elle admet chez l'homme le libre arbitre dans toute sa plénitude ; et en lui disant que s'il fait mal, il cède à une mauvaise suggestion étrangère, elle lui en laisse toute la responsabilité, puisqu'elle lui reconnaît le pouvoir de résister, chose évidemment plus facile que s'il avait à lutter contre sa propre nature. Ainsi, selon la doctrine spirite, il n'y a pas d'entraînement irrésistible : l'homme peut toujours fermer l'oreille à la voix occulte qui le sollicite au mal dans son for intérieur, comme il peut la fermer à la voix matérielle de celui qui lui parle ; il le peut par sa volonté, en demandant à Dieu la force nécessaire, et en réclamant à cet effet l'assistance des bons Esprits. C'est ce que Jésus nous apprend dans la sublime prière du Pater, quand il nous fait dire : « Ne nous laissez pas succomber à la tentation, mais délivrez-nous du mal. »
Lorsque nous avons pris pour texte d'une de nos questions la petite anecdote que nous avons rapportée, nous ne nous attendions pas aux développements qui allaient en découler. Nous en sommes doublement heureux, par les belles paroles qu'elle nous a values de saint Louis et de notre honorable collègue. Si nous n'étions édifiés depuis longtemps sur la haute capacité de ce dernier, et sur ses profondes connaissances en matière de Spiritisme, nous serions tenté de croire qu'il a été lui-même l'application de sa théorie, et que saint Louis s'est servi de lui pour compléter son enseignement. Nous allons y joindre nos propres réflexions :
Cette théorie de la cause excitante de nos actes ressort évidemment de tout l'enseignement donné par les Esprits ; non seulement elle est sublime de moralité, mais nous ajouterons qu'elle relève l'homme à ses propres yeux ; elle le montre libre de secouer un joug obsesseur, comme il est libre de fermer sa maison aux importuns : ce n'est plus une machine agissant par une impulsion indépendante de sa volonté, c'est un être de raison, qui écoute, qui juge et qui choisit librement entre deux conseils. Ajoutons que, malgré cela, l'homme n'est point privé de son initiative ; il n'en agit pas moins de son propre mouvement, puisqu'en définitive il n'est qu'un Esprit incarné qui conserve, sous l'enveloppe corporelle, les qualités et les défauts qu'il avait comme Esprit. Les fautes que nous commettons ont donc leur source première dans l'imperfection de notre propre Esprit qui n'a pas encore atteint la supériorité morale qu'il aura un jour, mais qui n'en a pas moins son libre arbitre ; la vie corporelle lui est donnée pour se purger de ses imperfections par les épreuves qu'il y subit, et ce sont précisément ces imperfections qui le rendent plus faible et plus accessible aux suggestions des autres Esprits imparfaits, qui en profitent pour tâcher de le faire succomber dans la lutte qu'il a entreprise. S'il sort vainqueur de cette lutte, il s'élève ; s'il échoue, il reste ce qu'il était, ni plus mauvais, ni meilleur : c'est une épreuve à recommencer, et cela peut durer longtemps ainsi. Plus il s'épure, plus ses côtés faibles diminuent, et moins il donne de prise à ceux qui le sollicitent au mal ; sa force morale croît en raison de son élévation, et les mauvais Esprits s'éloignent de lui.
Quels sont donc ces mauvais Esprits ? Sont-ce ce qu'on appelle les démons ? Ce ne sont pas des démons dans l'acception vulgaire du mot, parce qu'on entend par là une classe d'êtres créés pour le mal, et perpétuellement voués au mal. Or, les Esprits nous disent que tous s'améliorent dans un temps plus ou moins long, selon leur volonté ; mais tant qu'ils sont imparfaits, ils peuvent faire le mal, comme l'eau qui n'est pas épurée peut répandre des miasmes putrides et morbides. Dans l'état d'incarnation, ils s'épurent s'ils font ce qu'il faut pour cela ; à l'état d'Esprits, ils subissent les conséquences de ce qu'ils ont fait ou n'ont pas fait pour s'améliorer, conséquences qu'ils subissent aussi sur terre, puisque les vicissitudes de la vie sont à la fois des expiations et des épreuves. Tous ces Esprits, plus ou moins bons, alors qu'ils sont incarnés, constituent l'espèce humaine, et, comme notre terre est un des mondes les moins avancés, il s'y trouve plus de mauvais Esprits que de bons, voilà pourquoi nous y voyons tant de perversité. Faisons donc tous nos efforts pour n'y pas revenir après cette station, et pour mériter d'aller nous reposer dans un monde meilleur, dans un de ces mondes privilégiés où le bien règne sans partage, et où nous ne nous souviendrons de notre passage ici-bas que comme d'un mauvais rêve.
Problème moral
On lit dans la Gazette de Silésie :
« On écrit de Bolkenham, 20 octobre 1857, qu'un crime épouvantable vient d'être commis par un jeune garçon de douze ans. Dimanche dernier, 25 du mois, trois enfants de M. Hubner, cloutier, et deux enfants de M. Fritche, bottier, jouaient ensemble dans le jardin de M. Fritche. Le jeune H..., connu par son mauvais caractère, s'associe à leurs jeux et leur persuade d'entrer dans un coffre déposé dans une maisonnette du jardin, et qui servait au cordonnier à transporter ses marchandises à la foire. Les cinq enfants y peuvent tenir à peine, mais ils s'y pressent et se mettent les uns sur les autres en riant. Sitôt qu'ils y sont entrés, le monstre ferme le coffre, s'assied dessus et reste trois quarts d'heure à écouter d'abord leurs cris, puis leurs gémissements.
« Quand enfin leurs râles ont cessé, qu'il les croit morts, il ouvre le coffre ; les enfants respiraient encore. Il referme le coffre, le verrouille et s'en va jouer au cerf-volant. Mais il fut vu en sortant du jardin par une petite fille. On conçoit l'anxiété des parents, quand ils s'aperçurent de la disparition de leurs enfants, et leur désespoir, quand après de longues recherches, ils les trouvèrent dans le coffre. Un des enfants vivait encore, mais il ne tarda pas à rendre l'âme. Dénoncé par la petite fille qui l'avait vu sortir du jardin, le jeune H... avoua son crime avec le plus grand sang-froid et sans manifester aucun repentir. Les cinq victimes, un garçon et quatre filles de quatre à neuf ans, ont été enterrées ensemble aujourd'hui. »
Remarque. - L'Esprit interrogé est celui de la soeur du médium, morte à douze ans, mais qui a toujours montré de la supériorité comme Esprit.
1. Avez-vous entendu le récit que nous venons de lire du meurtre commis en Silésie par un enfant de douze ans sur cinq autres enfants ? - R. Oui ; ma peine exige que j'écoute encore les abominations de la terre.
2. Quel motif a pu pousser un enfant de cet âge à commettre une action aussi atroce et avec autant de sang-froid ? - R. La méchanceté n'a pas d'âge ; elle est naïve dans un enfant ; elle est raisonnée chez l'homme fait.
3. Lorsqu'elle existe chez un enfant, sans raisonnement, cela ne dénote-t-il pas l'incarnation d'un Esprit très inférieur ? - R. Elle vient alors directement de la perversité du coeur ; c'est son Esprit à lui qui le domine et le pousse à la perversité.
4. Quelle avait pu être l'existence antérieure d'un pareil Esprit ? - R. Horrible.
5. Dans son existence antérieure, appartenait-il à la terre ou à un monde encore plus inférieur ? - R. Je ne le vois pas assez ; mais il devait appartenir à un monde bien plus inférieur que la terre : il a osé venir sur la terre ; il en sera doublement puni.
6. A cet âge l'enfant avait-il bien conscience du crime qu'il commettait, et en a-t-il la responsabilité comme Esprit ? - R. Il avait l'âge de la conscience, c'est assez.
7. Puisque cet esprit avait osé venir sur la terre, qui est trop élevée pour lui, peut-il être contraint de retourner dans un monde en rapport avec sa nature ? - R. La punition est justement de rétrograder ; c'est l'enfer lui-même. C'est la punition de Lucifer, de l'homme spirituel abaissé jusqu'à la matière, c'est-à-dire le voile qui lui cache désormais les dons de Dieu et sa divine protection. Efforcez-vous donc de reconquérir ces biens perdus ; vous aurez regagné le paradis que le Christ est venu vous ouvrir. C'est la présomption, l'orgueil de l'homme qui voulait conquérir ce que Dieu seul pouvait avoir.
Remarque. - Une observation est faite à propos du mot osé dont s'est servi l'Esprit, et des exemples sont cités concernant la situation d'Esprits qui se sont trouvés dans des mondes trop élevés pour eux et qui ont été obligés de revenir dans un monde plus en rapport avec leur nature. Une personne fait remarquer, à ce sujet, qu'il a été dit que les Esprits ne peuvent rétrograder. A cela il est répondu qu'en effet les Esprits ne peuvent rétrograder en ce sens qu'ils ne peuvent perdre ce qu'ils ont acquis en science et en moralité ; mais ils peuvent déchoir comme position. Un homme qui usurpe une position supérieure à celle que lui confèrent ses capacités ou sa fortune peut être contraint de l'abandonner et de revenir à sa place naturelle ; or, ce n'est pas là ce qu'on peut appeler déchoir, puisqu'il ne fait que rentrer dans sa sphère, d'où il était sorti par ambition ou par orgueil. Il en est de même à l'égard des Esprits qui veulent s'élever trop vite dans les mondes où ils se trouvent déplacés.
Des Esprits supérieurs peuvent également s'incarner dans des mondes inférieurs, pour y accomplir une mission de progrès ; cela ne peut s'appeler rétrograder, car c'est du dévouement.
8. En quoi la terre est-elle supérieure au monde auquel appartient l'Esprit dont nous venons de parler ? - R. On y a une faible idée de la justice ; c'est un commencement de progrès.
9. Il en résulte que, dans ces mondes inférieurs à la terre, on n'a aucune idée de la justice ? - R. Non ; les hommes n'y vivent que pour eux, et n'ont pour mobile que la satisfaction de leurs passions et de leurs instincts.
10. Quelle sera la position de cet Esprit dans une nouvelle existence ? - R. Si le repentir vient effacer, sinon entièrement, du moins en partie, l'énormité de ses fautes, alors il restera sur terre ; si, au contraire, il persiste dans ce que vous appelez l'impénitence finale, il ira dans un séjour où l'homme est au niveau de la brute.
11. Ainsi il peut trouver, sur cette terre, les moyens d'expier ses fautes sans être obligé de retourner dans un monde inférieur ? - R. Le repentir est sacré aux yeux de Dieu ; car c'est l'homme qui se juge lui-même, ce qui est rare sur votre planète.
On lit dans la Gazette de Silésie :
« On écrit de Bolkenham, 20 octobre 1857, qu'un crime épouvantable vient d'être commis par un jeune garçon de douze ans. Dimanche dernier, 25 du mois, trois enfants de M. Hubner, cloutier, et deux enfants de M. Fritche, bottier, jouaient ensemble dans le jardin de M. Fritche. Le jeune H..., connu par son mauvais caractère, s'associe à leurs jeux et leur persuade d'entrer dans un coffre déposé dans une maisonnette du jardin, et qui servait au cordonnier à transporter ses marchandises à la foire. Les cinq enfants y peuvent tenir à peine, mais ils s'y pressent et se mettent les uns sur les autres en riant. Sitôt qu'ils y sont entrés, le monstre ferme le coffre, s'assied dessus et reste trois quarts d'heure à écouter d'abord leurs cris, puis leurs gémissements.
« Quand enfin leurs râles ont cessé, qu'il les croit morts, il ouvre le coffre ; les enfants respiraient encore. Il referme le coffre, le verrouille et s'en va jouer au cerf-volant. Mais il fut vu en sortant du jardin par une petite fille. On conçoit l'anxiété des parents, quand ils s'aperçurent de la disparition de leurs enfants, et leur désespoir, quand après de longues recherches, ils les trouvèrent dans le coffre. Un des enfants vivait encore, mais il ne tarda pas à rendre l'âme. Dénoncé par la petite fille qui l'avait vu sortir du jardin, le jeune H... avoua son crime avec le plus grand sang-froid et sans manifester aucun repentir. Les cinq victimes, un garçon et quatre filles de quatre à neuf ans, ont été enterrées ensemble aujourd'hui. »
Remarque. - L'Esprit interrogé est celui de la soeur du médium, morte à douze ans, mais qui a toujours montré de la supériorité comme Esprit.
1. Avez-vous entendu le récit que nous venons de lire du meurtre commis en Silésie par un enfant de douze ans sur cinq autres enfants ? - R. Oui ; ma peine exige que j'écoute encore les abominations de la terre.
2. Quel motif a pu pousser un enfant de cet âge à commettre une action aussi atroce et avec autant de sang-froid ? - R. La méchanceté n'a pas d'âge ; elle est naïve dans un enfant ; elle est raisonnée chez l'homme fait.
3. Lorsqu'elle existe chez un enfant, sans raisonnement, cela ne dénote-t-il pas l'incarnation d'un Esprit très inférieur ? - R. Elle vient alors directement de la perversité du coeur ; c'est son Esprit à lui qui le domine et le pousse à la perversité.
4. Quelle avait pu être l'existence antérieure d'un pareil Esprit ? - R. Horrible.
5. Dans son existence antérieure, appartenait-il à la terre ou à un monde encore plus inférieur ? - R. Je ne le vois pas assez ; mais il devait appartenir à un monde bien plus inférieur que la terre : il a osé venir sur la terre ; il en sera doublement puni.
6. A cet âge l'enfant avait-il bien conscience du crime qu'il commettait, et en a-t-il la responsabilité comme Esprit ? - R. Il avait l'âge de la conscience, c'est assez.
7. Puisque cet esprit avait osé venir sur la terre, qui est trop élevée pour lui, peut-il être contraint de retourner dans un monde en rapport avec sa nature ? - R. La punition est justement de rétrograder ; c'est l'enfer lui-même. C'est la punition de Lucifer, de l'homme spirituel abaissé jusqu'à la matière, c'est-à-dire le voile qui lui cache désormais les dons de Dieu et sa divine protection. Efforcez-vous donc de reconquérir ces biens perdus ; vous aurez regagné le paradis que le Christ est venu vous ouvrir. C'est la présomption, l'orgueil de l'homme qui voulait conquérir ce que Dieu seul pouvait avoir.
Remarque. - Une observation est faite à propos du mot osé dont s'est servi l'Esprit, et des exemples sont cités concernant la situation d'Esprits qui se sont trouvés dans des mondes trop élevés pour eux et qui ont été obligés de revenir dans un monde plus en rapport avec leur nature. Une personne fait remarquer, à ce sujet, qu'il a été dit que les Esprits ne peuvent rétrograder. A cela il est répondu qu'en effet les Esprits ne peuvent rétrograder en ce sens qu'ils ne peuvent perdre ce qu'ils ont acquis en science et en moralité ; mais ils peuvent déchoir comme position. Un homme qui usurpe une position supérieure à celle que lui confèrent ses capacités ou sa fortune peut être contraint de l'abandonner et de revenir à sa place naturelle ; or, ce n'est pas là ce qu'on peut appeler déchoir, puisqu'il ne fait que rentrer dans sa sphère, d'où il était sorti par ambition ou par orgueil. Il en est de même à l'égard des Esprits qui veulent s'élever trop vite dans les mondes où ils se trouvent déplacés.
Des Esprits supérieurs peuvent également s'incarner dans des mondes inférieurs, pour y accomplir une mission de progrès ; cela ne peut s'appeler rétrograder, car c'est du dévouement.
8. En quoi la terre est-elle supérieure au monde auquel appartient l'Esprit dont nous venons de parler ? - R. On y a une faible idée de la justice ; c'est un commencement de progrès.
9. Il en résulte que, dans ces mondes inférieurs à la terre, on n'a aucune idée de la justice ? - R. Non ; les hommes n'y vivent que pour eux, et n'ont pour mobile que la satisfaction de leurs passions et de leurs instincts.
10. Quelle sera la position de cet Esprit dans une nouvelle existence ? - R. Si le repentir vient effacer, sinon entièrement, du moins en partie, l'énormité de ses fautes, alors il restera sur terre ; si, au contraire, il persiste dans ce que vous appelez l'impénitence finale, il ira dans un séjour où l'homme est au niveau de la brute.
11. Ainsi il peut trouver, sur cette terre, les moyens d'expier ses fautes sans être obligé de retourner dans un monde inférieur ? - R. Le repentir est sacré aux yeux de Dieu ; car c'est l'homme qui se juge lui-même, ce qui est rare sur votre planète.
Nous empruntons le fait suivant au Courrier du Palais que M. Frédéric Thomas, avocat à la Cour impériale, a publié dans la Presse du 2 août 1858. Nous citons textuellement, pour ne pas décolorer la narration du spirituel écrivain. Nos lecteurs feront aisément la part de la forme légère qu'il sait si agréablement donner aux choses les plus sérieuses. Après le compte rendu de plusieurs affaires, il ajoute :
« Nous avons un procès bien plus étrange que celui-là à vous offrir dans une perspective prochaine : nous le voyons déjà poindre à l'horizon, à l'horizon du Midi ; mais où aboutira-t-il ? Les fers sont au feu, nous écrit-on ; mais cette assurance ne nous suffit pas. Voici de quoi il s'agit :
Un Parisien lit dans un journal qu'un vieux château est à vendre dans les Pyrénées : il l'achète, et, dès les premiers beaux jours de la belle saison, il va s'y installer avec ses amis.
On soupe gaiement, puis on va se coucher plus gaiement encore. Reste la nuit à passer : la nuit dans un vieux château perdu dans la montagne. Le lendemain, tous les invités se lèvent les yeux hagards, les figures effarées ; ils vont trouver leur hôte, et tous lui font la même question d'un air mystérieux et lugubre : N'avez-vous rien vu cette nuit ?
Le propriétaire ne répond pas, tant il est épouvanté lui-même ; il se contente de faire un signe de tête affirmatif.
Alors on se confie à voix basse les impressions de la nuit : l'un a entendu des voix lamentables, l'autre des bruits de chaînes ; celui-ci a vu la tapisserie se mouvoir, celui-là un bahut le saluer ; plusieurs ont senti des chauves-souris gigantesques s'accroupir sur leurs poitrines : c'est un château de la Dame blanche. Les domestiques déclarent que, comme le fermier Dickson, des fantômes les ont tirés par les pieds. Quoi encore ? Les lits se promènent, les sonnettes carillonnent toutes seules, des mots fulgurants sillonnent les vieilles cheminées.
Décidément ce château est inhabitable : les plus épouvantés prennent la fuite immédiatement, les plus intrépides bravent l'épreuve d'une seconde nuit.
Jusqu'à minuit tout va bien ; mais dès que l'horloge de la tour du nord a jeté dans l'espace ses douze sanglots, aussitôt les apparitions et les bruits recommencent ; de tous les coins s'élancent des fantômes, des monstres à l'oeil de feu, aux dents de crocodile, aux ailes velues : tout cela crie, bondit, grince et fait un sabbat de l'enfer.
Impossible de résister à cette seconde expérience. Cette fois tout le monde quitte le château, et aujourd'hui le propriétaire veut intenter une action en résolution pour vices cachés.
Quel étonnant procès que celui-là ! et quel triomphe pour le grand évocateur des Esprits, M. Home ! Le nommera-t-on expert en ces matières ? Quoi qu'il en soit, comme il n'y a rien de nouveau sous le soleil de la justice, ce procès, qui se croira peut-être une nouveauté, ne sera qu'une vieillerie : il a un pendant qui, pour être âgé de deux cent soixante-trois années, n'en est pas moins curieux.
Donc, en l'an de grâce 1595, devant le sénéchal de Guienne, un locataire, nommé Jean Latapy, plaida contre son propriétaire, Robert de Vigne. Jean Latapy prétendait que la maison que de Vigne lui avait louée, une vieille maison d'une vieille rue de Bordeaux, était inhabitable et qu'il avait dû la quitter ; après quoi il demandait que la résiliation du bail fût prononcée par justice.
Pour quels motifs ? Latapy les donne très naïvement dans ses conclusions.
« Parce qu'il avait trouvé cette maison infestée par des Esprits qui se présentaient tantôt sous la forme de petits enfants, tantôt sous d'autres formes terribles et épouvantables, lesquels opprimaient et inquiétaient les personnes, remuaient les meubles, excitaient des bruits et tintamarres par tous les coins et, avec force et violence, rejetaient des lits ceux qui y reposaient. »
Le propriétaire de Vigne s'opposait très énergiquement à la résiliation du bail. « Vous décriez injustement ma maison, disait-il à Latapy ; vous n'avez probablement que ce que vous méritez, et loin de me faire des reproches, vous devriez au contraire me remercier, car je vous fais gagner le Paradis. »
Voici comment l'avocat du propriétaire établissait cette singulière proposition : « Si les Esprits viennent tourmenter Latapy et l'affliger par la permission de Dieu, il en doit porter la juste peine et dire comme saint Hierosme : Quidquid patimur nostris peccatis meremur, et ne s'en point prendre au propriétaire qui est du tout innocent, mais encore avoir gratitude envers celui-ci qui lui a fourni ainsi matière à se sauver dans ce monde des punitions qui attendaient ses démérites dans l'autre. »
L'avocat, pour être conséquent, aurait dû demander que Latapy payât quelque redevance à de Vigne pour le service rendu. Une place en Paradis ne vaut-elle pas son pesant d'or ? Mais le propriétaire généreux se contentait de conclure à ce que le locataire fût déclaré non recevable en son action, par ce motif qu'avant de l'intenter, Latapy aurait dû commencer lui-même par combattre et chasser les Esprits par les moyens que Dieu et la nature nous ont donnés.
« Que n'usait-il, s'écriait l'avocat du propriétaire, que n'usait-il du laurier, de la rue plantée ou du sel pétillant dans les flammes et charbons ardents, des plumes de la huppe, de la composition de l'herbe dite aerolus vetulus, avec la rhubarbe, avec du vin blanc, du saux suspendu au seuil de la porte de la maison, du cuir du front de l'hyène, du fiel de chien, que l'on dit estre d'une merveilleuse vertu pour chasser les démons ? Que n'usait-il de l'herbe Moly, laquelle Mercure ayant baillé à Ulysse, il s'en servit comme antidote contre les charmes de Circé ?... »
Il est évident que le locataire Latapy avait manqué à tous ses devoirs en ne jetant pas du sel pétillant dans les flammes, et en ne faisant pas usage de fiel de chien et de quelques plumes de la huppe. Mais comme il eût été obligé de se procurer aussi du cuir du front de l'hyène, le sénéchal de Bordeaux trouva que cet objet n'était pas assez commun pour que Latapy ne fût pas excusable d'avoir laissé les hyènes tranquilles, et il ordonna bel et bien la résiliation du bail.
Vous voyez que, dans tout cela, ni propriétaire, ni locataire, ni juges ne mettent en doute l'existence et les tintamarres des Esprits. Il paraîtrait donc qu'il y a plus de deux siècles les hommes étaient déjà presque aussi crédules qu'aujourd'hui ; nous les dépassons en crédulité, cela est dans l'ordre : il faut bien que la civilisation et le progrès se révèlent en quelque endroit. »
Cette question, au point de vue légal, et abstraction faites des accessoires dont le narrateur l'a ornée, ne laisse pas d'avoir son côté embarrassant, car la loi n'a pas prévu le cas où des Esprits tapageurs rendraient une maison inhabitable. Est-ce là un vice rédhibitoire ? A notre avis il y a pour et contre : cela dépend des circonstances. Il s'agit d'abord d'examiner si le tapage est sérieux ou s'il n'est pas simulé dans un intérêt quelconque : question préalable et de bonne foi qui préjuge toutes les autres. Admettant les faits comme réels, il faut savoir s'ils sont de nature à troubler le repos. S'il se passait, par exemple, des choses comme à Bergzabern[1], il est évident que la position ne serait pas tenable. Le père Senger supporte cela, parce que c'est chez lui et qu'il ne peut pas faire autrement ; mais un étranger ne s'accommoderait nullement d'une habitation où l'on entend constamment des bruits assourdissants, où les meubles sont bousculés et renversés, où les portes et les fenêtres s'ouvrent et se ferment sans rime ni raison, où les objets vous sont lancés à la tête par des mains invisibles, etc. Il nous semble qu'en pareille occurrence, il y a incontestablement lieu à réclamation, et qu'en bonne justice, un tel marché ne saurait être validé, si le fait avait été dissimulé. Ainsi, en thèse générale, le procès de 1595 nous semble avoir été bien jugé, mais il est une question subsidiaire importante à éclaircir, et la science spirite pouvait seule la soulever et la résoudre.
Nous savons que les manifestations spontanées des Esprits peuvent avoir lieu sans but déterminé, et sans être dirigées contre tel ou tel individu ; qu'il y a effectivement des lieux hantés par les Esprits tapageurs qui paraissent y élire domicile, et contre lesquels toutes les conjurations mises en usage ont échoué. Disons, en forme de parenthèse, qu'il y a des moyens efficaces de s'en débarrasser, mais que ces moyens ne consistent pas dans l'intervention des personnes connues pour produire à volonté de semblables phénomènes, parce que les Esprits qui sont à leurs ordres, sont précisément de la nature de ceux que l'on veut expulser. Leur présence, loin de les éloigner, ne pourrait qu'en attirer d'autres. Mais nous savons aussi que dans une foule de cas ces manifestations sont dirigées contre certains individus, comme à Bergzabern, par exemple. Les faits ont prouvé que la famille, mais surtout la jeune Philippine, en était l'objet direct ; de telle sorte que nous sommes convaincu que, si cette famille quittait sa demeure, de nouveaux habitants n'auraient rien à redouter, la famille porterait avec elle ses tribulations dans son nouveau domicile. Le point à examiner dans une question légale serait donc celui-ci : les manifestations avaient-elles lieu avant l'entrée ou seulement depuis l'entrée du nouveau propriétaire ? Dans ce dernier cas, il demeurerait évident que c'est celui-ci qui a importé les Esprits perturbateurs, et que la responsabilité lui incombe tout entière ; si, au contraire, les perturbations avaient lieu antérieurement et persistent, c'est qu'elles tiennent au local même, et alors la responsabilité en est au vendeur. L'avocat du propriétaire raisonnait dans la première hypothèse, et son argument ne manquait pas de logique. Reste à savoir si le locataire avait amené avec lui ces hôtes importuns, c'est ce que le procès ne dit pas. Quant au procès actuellement pendant, nous croyons que le moyen de rendre bonne justice serait de faire les constatations dont nous venons de parler. Si elles amènent la preuve de l'antériorité des manifestations, et si le fait a été dissimulé par le vendeur, le cas est celui de tout acquéreur trompé sur la qualité de la chose vendue. Or, maintenir le marché en pareille occurrence, c'est peut-être ruiner l'acquéreur par la dépréciation de l'immeuble ; c'est tout au moins lui causer un préjudice notable, en le contraignant à garder une chose dont il ne peut pas plus faire usage que d'un cheval aveugle qu'on lui aurait vendu pour un bon cheval. Quel qu'il soit, le jugement à intervenir doit avoir des conséquences graves ; que le marché soit résilié, ou qu'il soit maintenu faute de preuves suffisantes, c'est également reconnaître l'existence des faits de manifestations. Repousser la demande de l'acquéreur comme fondée sur une idée ridicule, c'est s'exposer à recevoir tôt ou tard un démenti de l'expérience, comme en ont tant de fois reçu les hommes les plus éclairés qui se sont trop hâtés de nier les choses qu'ils ne comprenaient pas. Si l'on peut reprocher à nos pères d'avoir péché par trop de crédulité, nos descendants nous reprocheront sans doute d'avoir péché par l'excès contraire.
En attendant, voici ce qui vient de se passer sous nos yeux, et dont nous avons été à même de constater la réalité ; nous citons la chronique de la Patrie du 4 septembre 1858 :
« La rue du Bac est en émoi. Il se passe encore par-là quelque diablerie !
« La maison qui porte le n° 65 se compose de deux bâtiments : l'un, qui donne sur la rue, a deux escaliers qui se font face.
« Depuis une semaine, à diverses heures du jour et de la nuit, à tous les étages de cette maison, les sonnettes s'agitent et tintent avec violence ; on va ouvrir : personne sur le palier.
« On crut d'abord à une plaisanterie, et chacun se mit en observation pour en découvrir l'auteur. Un les locataires prit le soin de dépolir une vitre de sa cuisine et fit le guet. Pendant qu'il veillait avec le plus d'attention, sa sonnette s'ébranla : il mit l'oeil à son judas, personne ! Il courut sur l'escalier, personne !
« Il rentra chez lui et enleva le cordon de sa sonnette. Une heure après, au moment où il commençait à triompher, la sonnette se mit à carillonner de plus belle. Il la regarda faire et demeura muet et consterné.
« A d'autres portes, les cordons de sonnettes sont tordus et noués comme des serpents blessés. On cherche une explication, on appelle la police ; quel est donc ce mystère ? On l'ignore encore. »
[1]Voir les numéros de mai, juin et juillet de la Revue spirite.
« Nous avons un procès bien plus étrange que celui-là à vous offrir dans une perspective prochaine : nous le voyons déjà poindre à l'horizon, à l'horizon du Midi ; mais où aboutira-t-il ? Les fers sont au feu, nous écrit-on ; mais cette assurance ne nous suffit pas. Voici de quoi il s'agit :
Un Parisien lit dans un journal qu'un vieux château est à vendre dans les Pyrénées : il l'achète, et, dès les premiers beaux jours de la belle saison, il va s'y installer avec ses amis.
On soupe gaiement, puis on va se coucher plus gaiement encore. Reste la nuit à passer : la nuit dans un vieux château perdu dans la montagne. Le lendemain, tous les invités se lèvent les yeux hagards, les figures effarées ; ils vont trouver leur hôte, et tous lui font la même question d'un air mystérieux et lugubre : N'avez-vous rien vu cette nuit ?
Le propriétaire ne répond pas, tant il est épouvanté lui-même ; il se contente de faire un signe de tête affirmatif.
Alors on se confie à voix basse les impressions de la nuit : l'un a entendu des voix lamentables, l'autre des bruits de chaînes ; celui-ci a vu la tapisserie se mouvoir, celui-là un bahut le saluer ; plusieurs ont senti des chauves-souris gigantesques s'accroupir sur leurs poitrines : c'est un château de la Dame blanche. Les domestiques déclarent que, comme le fermier Dickson, des fantômes les ont tirés par les pieds. Quoi encore ? Les lits se promènent, les sonnettes carillonnent toutes seules, des mots fulgurants sillonnent les vieilles cheminées.
Décidément ce château est inhabitable : les plus épouvantés prennent la fuite immédiatement, les plus intrépides bravent l'épreuve d'une seconde nuit.
Jusqu'à minuit tout va bien ; mais dès que l'horloge de la tour du nord a jeté dans l'espace ses douze sanglots, aussitôt les apparitions et les bruits recommencent ; de tous les coins s'élancent des fantômes, des monstres à l'oeil de feu, aux dents de crocodile, aux ailes velues : tout cela crie, bondit, grince et fait un sabbat de l'enfer.
Impossible de résister à cette seconde expérience. Cette fois tout le monde quitte le château, et aujourd'hui le propriétaire veut intenter une action en résolution pour vices cachés.
Quel étonnant procès que celui-là ! et quel triomphe pour le grand évocateur des Esprits, M. Home ! Le nommera-t-on expert en ces matières ? Quoi qu'il en soit, comme il n'y a rien de nouveau sous le soleil de la justice, ce procès, qui se croira peut-être une nouveauté, ne sera qu'une vieillerie : il a un pendant qui, pour être âgé de deux cent soixante-trois années, n'en est pas moins curieux.
Donc, en l'an de grâce 1595, devant le sénéchal de Guienne, un locataire, nommé Jean Latapy, plaida contre son propriétaire, Robert de Vigne. Jean Latapy prétendait que la maison que de Vigne lui avait louée, une vieille maison d'une vieille rue de Bordeaux, était inhabitable et qu'il avait dû la quitter ; après quoi il demandait que la résiliation du bail fût prononcée par justice.
Pour quels motifs ? Latapy les donne très naïvement dans ses conclusions.
« Parce qu'il avait trouvé cette maison infestée par des Esprits qui se présentaient tantôt sous la forme de petits enfants, tantôt sous d'autres formes terribles et épouvantables, lesquels opprimaient et inquiétaient les personnes, remuaient les meubles, excitaient des bruits et tintamarres par tous les coins et, avec force et violence, rejetaient des lits ceux qui y reposaient. »
Le propriétaire de Vigne s'opposait très énergiquement à la résiliation du bail. « Vous décriez injustement ma maison, disait-il à Latapy ; vous n'avez probablement que ce que vous méritez, et loin de me faire des reproches, vous devriez au contraire me remercier, car je vous fais gagner le Paradis. »
Voici comment l'avocat du propriétaire établissait cette singulière proposition : « Si les Esprits viennent tourmenter Latapy et l'affliger par la permission de Dieu, il en doit porter la juste peine et dire comme saint Hierosme : Quidquid patimur nostris peccatis meremur, et ne s'en point prendre au propriétaire qui est du tout innocent, mais encore avoir gratitude envers celui-ci qui lui a fourni ainsi matière à se sauver dans ce monde des punitions qui attendaient ses démérites dans l'autre. »
L'avocat, pour être conséquent, aurait dû demander que Latapy payât quelque redevance à de Vigne pour le service rendu. Une place en Paradis ne vaut-elle pas son pesant d'or ? Mais le propriétaire généreux se contentait de conclure à ce que le locataire fût déclaré non recevable en son action, par ce motif qu'avant de l'intenter, Latapy aurait dû commencer lui-même par combattre et chasser les Esprits par les moyens que Dieu et la nature nous ont donnés.
« Que n'usait-il, s'écriait l'avocat du propriétaire, que n'usait-il du laurier, de la rue plantée ou du sel pétillant dans les flammes et charbons ardents, des plumes de la huppe, de la composition de l'herbe dite aerolus vetulus, avec la rhubarbe, avec du vin blanc, du saux suspendu au seuil de la porte de la maison, du cuir du front de l'hyène, du fiel de chien, que l'on dit estre d'une merveilleuse vertu pour chasser les démons ? Que n'usait-il de l'herbe Moly, laquelle Mercure ayant baillé à Ulysse, il s'en servit comme antidote contre les charmes de Circé ?... »
Il est évident que le locataire Latapy avait manqué à tous ses devoirs en ne jetant pas du sel pétillant dans les flammes, et en ne faisant pas usage de fiel de chien et de quelques plumes de la huppe. Mais comme il eût été obligé de se procurer aussi du cuir du front de l'hyène, le sénéchal de Bordeaux trouva que cet objet n'était pas assez commun pour que Latapy ne fût pas excusable d'avoir laissé les hyènes tranquilles, et il ordonna bel et bien la résiliation du bail.
Vous voyez que, dans tout cela, ni propriétaire, ni locataire, ni juges ne mettent en doute l'existence et les tintamarres des Esprits. Il paraîtrait donc qu'il y a plus de deux siècles les hommes étaient déjà presque aussi crédules qu'aujourd'hui ; nous les dépassons en crédulité, cela est dans l'ordre : il faut bien que la civilisation et le progrès se révèlent en quelque endroit. »
Cette question, au point de vue légal, et abstraction faites des accessoires dont le narrateur l'a ornée, ne laisse pas d'avoir son côté embarrassant, car la loi n'a pas prévu le cas où des Esprits tapageurs rendraient une maison inhabitable. Est-ce là un vice rédhibitoire ? A notre avis il y a pour et contre : cela dépend des circonstances. Il s'agit d'abord d'examiner si le tapage est sérieux ou s'il n'est pas simulé dans un intérêt quelconque : question préalable et de bonne foi qui préjuge toutes les autres. Admettant les faits comme réels, il faut savoir s'ils sont de nature à troubler le repos. S'il se passait, par exemple, des choses comme à Bergzabern[1], il est évident que la position ne serait pas tenable. Le père Senger supporte cela, parce que c'est chez lui et qu'il ne peut pas faire autrement ; mais un étranger ne s'accommoderait nullement d'une habitation où l'on entend constamment des bruits assourdissants, où les meubles sont bousculés et renversés, où les portes et les fenêtres s'ouvrent et se ferment sans rime ni raison, où les objets vous sont lancés à la tête par des mains invisibles, etc. Il nous semble qu'en pareille occurrence, il y a incontestablement lieu à réclamation, et qu'en bonne justice, un tel marché ne saurait être validé, si le fait avait été dissimulé. Ainsi, en thèse générale, le procès de 1595 nous semble avoir été bien jugé, mais il est une question subsidiaire importante à éclaircir, et la science spirite pouvait seule la soulever et la résoudre.
Nous savons que les manifestations spontanées des Esprits peuvent avoir lieu sans but déterminé, et sans être dirigées contre tel ou tel individu ; qu'il y a effectivement des lieux hantés par les Esprits tapageurs qui paraissent y élire domicile, et contre lesquels toutes les conjurations mises en usage ont échoué. Disons, en forme de parenthèse, qu'il y a des moyens efficaces de s'en débarrasser, mais que ces moyens ne consistent pas dans l'intervention des personnes connues pour produire à volonté de semblables phénomènes, parce que les Esprits qui sont à leurs ordres, sont précisément de la nature de ceux que l'on veut expulser. Leur présence, loin de les éloigner, ne pourrait qu'en attirer d'autres. Mais nous savons aussi que dans une foule de cas ces manifestations sont dirigées contre certains individus, comme à Bergzabern, par exemple. Les faits ont prouvé que la famille, mais surtout la jeune Philippine, en était l'objet direct ; de telle sorte que nous sommes convaincu que, si cette famille quittait sa demeure, de nouveaux habitants n'auraient rien à redouter, la famille porterait avec elle ses tribulations dans son nouveau domicile. Le point à examiner dans une question légale serait donc celui-ci : les manifestations avaient-elles lieu avant l'entrée ou seulement depuis l'entrée du nouveau propriétaire ? Dans ce dernier cas, il demeurerait évident que c'est celui-ci qui a importé les Esprits perturbateurs, et que la responsabilité lui incombe tout entière ; si, au contraire, les perturbations avaient lieu antérieurement et persistent, c'est qu'elles tiennent au local même, et alors la responsabilité en est au vendeur. L'avocat du propriétaire raisonnait dans la première hypothèse, et son argument ne manquait pas de logique. Reste à savoir si le locataire avait amené avec lui ces hôtes importuns, c'est ce que le procès ne dit pas. Quant au procès actuellement pendant, nous croyons que le moyen de rendre bonne justice serait de faire les constatations dont nous venons de parler. Si elles amènent la preuve de l'antériorité des manifestations, et si le fait a été dissimulé par le vendeur, le cas est celui de tout acquéreur trompé sur la qualité de la chose vendue. Or, maintenir le marché en pareille occurrence, c'est peut-être ruiner l'acquéreur par la dépréciation de l'immeuble ; c'est tout au moins lui causer un préjudice notable, en le contraignant à garder une chose dont il ne peut pas plus faire usage que d'un cheval aveugle qu'on lui aurait vendu pour un bon cheval. Quel qu'il soit, le jugement à intervenir doit avoir des conséquences graves ; que le marché soit résilié, ou qu'il soit maintenu faute de preuves suffisantes, c'est également reconnaître l'existence des faits de manifestations. Repousser la demande de l'acquéreur comme fondée sur une idée ridicule, c'est s'exposer à recevoir tôt ou tard un démenti de l'expérience, comme en ont tant de fois reçu les hommes les plus éclairés qui se sont trop hâtés de nier les choses qu'ils ne comprenaient pas. Si l'on peut reprocher à nos pères d'avoir péché par trop de crédulité, nos descendants nous reprocheront sans doute d'avoir péché par l'excès contraire.
En attendant, voici ce qui vient de se passer sous nos yeux, et dont nous avons été à même de constater la réalité ; nous citons la chronique de la Patrie du 4 septembre 1858 :
« La rue du Bac est en émoi. Il se passe encore par-là quelque diablerie !
« La maison qui porte le n° 65 se compose de deux bâtiments : l'un, qui donne sur la rue, a deux escaliers qui se font face.
« Depuis une semaine, à diverses heures du jour et de la nuit, à tous les étages de cette maison, les sonnettes s'agitent et tintent avec violence ; on va ouvrir : personne sur le palier.
« On crut d'abord à une plaisanterie, et chacun se mit en observation pour en découvrir l'auteur. Un les locataires prit le soin de dépolir une vitre de sa cuisine et fit le guet. Pendant qu'il veillait avec le plus d'attention, sa sonnette s'ébranla : il mit l'oeil à son judas, personne ! Il courut sur l'escalier, personne !
« Il rentra chez lui et enleva le cordon de sa sonnette. Une heure après, au moment où il commençait à triompher, la sonnette se mit à carillonner de plus belle. Il la regarda faire et demeura muet et consterné.
« A d'autres portes, les cordons de sonnettes sont tordus et noués comme des serpents blessés. On cherche une explication, on appelle la police ; quel est donc ce mystère ? On l'ignore encore. »
[1]Voir les numéros de mai, juin et juillet de la Revue spirite.
Le Constitutionnel et la Patrie ont rapporté, il y a quelque temps, le fait suivant, d'après les journaux des Etats-Unis :
« La petite ville de Lichtfield, dans le Kentucky, compte de nombreux adeptes aux doctrines de spiritualisme magnétique. Un fait incroyable, qui vient de s'y passer, ne contribuera pas peu, sans doute, à augmenter le nombre des partisans de la religion nouvelle.
« La famille Park, composée du père, de la mère et de trois enfants qui ont déjà l'âge de raison, était fortement imbue des croyances spiritualistes. Par contre, une soeur de madame Park, miss Harris, n'ajoutait aucune foi aux prodiges surnaturels dont on l'entretenait sans cesse. C'était pour la famille tout entière un véritable sujet de chagrin, et plus d'une fois la bonne harmonie des deux soeurs en fut troublée.
« Il y a quelques jours, madame Park fut atteinte tout à coup d'un mal subit que les médecins déclarèrent dès l'abord ne pouvoir pas conjurer. La patiente était en proie à des hallucinations, et une fièvre affreuse la tourmentait constamment. Miss Harris passait toutes les nuits à la veiller. Le quatrième jour de sa maladie, madame Park se leva subitement sur son séant, demanda à boire, et commença à causer avec sa soeur. Circonstance singulière, la fièvre l'avait quittée tout à coup, son pouls était régulier, elle s'exprimait avec la plus grande facilité, et miss Harris, tout heureuse, crut que sa soeur était désormais hors de danger.
« Après avoir parlé de son mari et de ses enfants, madame Park se rapproche encore plus près de sa soeur et lui dit :
« Pauvre soeur, je vais te quitter ; je sens que la mort s'approche. Mais au moins mon départ de ce monde servira à te convertir. Je mourrai dans une heure et l'on m'enterrera demain. Aie grand soin de ne pas suivre mon corps au cimetière, car mon Esprit, revêtu de sa dépouille mortelle, t'apparaîtra encore une fois avant que mon cercueil soit recouvert de terre. Alors tu croiras enfin au spiritualisme. »
« Après avoir achevé ces paroles, la malade se recoucha tranquillement. Mais une heure après, comme elle l'avait annoncé, miss Harris s'apercevait avec douleur que le coeur avait cessé de battre.
« Vivement émue par la coïncidence étonnante qui existait entre cet événement et les paroles prophétiques de la défunte, elle se décida à suivre l'ordre qui lui avait été donné, et le lendemain elle resta seule à la maison pendant que tout le monde prenait le chemin du cimetière. Après avoir fermé les volets de la chambre mortuaire, elle s'établit sur un fauteuil placé près du lit que venait de quitter le corps de sa soeur.
« Cinq minutes étaient à peine écoulées, - raconta plus tard miss Harris, - lorsque je vis comme un nuage blanc se détacher au fond de l'appartement. Peu à peu cette forme se dessina mieux : c'était celle d'une femme à demi voilée ; elle s'approchait lentement de moi ; je discernais le bruit de pas légers sur le plancher ; enfin, mes yeux étonnés se trouvèrent en présence de ma soeur...
« Sa figure, loin d'avoir cette pâleur mate qui frappe si péniblement chez les morts, était radieuse ; ses mains, dont je sentis bientôt la pression sur les miennes, avaient conservé toute la chaleur de la vie. Je fus comme transportée dans une sphère nouvelle par cette merveilleuse apparition. Croyant faire partie déjà du monde des Esprits, je me tâtai la poitrine et la tête pour m'assurer de mon existence ; mais il n'y avait rien de pénible dans cette extase.
« Après être ainsi demeurée devant moi, souriante mais muette, l'espace de quelques minutes, ma soeur, semblant faire un violent effort, me dit d'une voix douce :
« Il est temps que je parte : mon ange conducteur m'attend. Adieu ! J'ai rempli ma promesse. Crois et espère ! »
« Le journal, ajoute la Patrie, auquel nous empruntons ce merveilleux récit, ne dit pas que miss Harris se soit convertie aux doctrines du spiritualisme. Supposons-le, cependant, car beaucoup de gens se laisseraient convaincre à moins. »
Nous ajoutons, pour notre propre compte, que ce récit n'a rien qui doive étonner ceux qui ont étudié les effets et les causes des phénomènes spirites. Les faits authentiques de ce genre sont assez nombreux, et trouvent leur explication dans ce que nous avons dit à ce sujet en maintes circonstances ; nous aurons occasion d'en citer qui viennent de moins loin que celui-ci.
ALLAN KARDEC
« La petite ville de Lichtfield, dans le Kentucky, compte de nombreux adeptes aux doctrines de spiritualisme magnétique. Un fait incroyable, qui vient de s'y passer, ne contribuera pas peu, sans doute, à augmenter le nombre des partisans de la religion nouvelle.
« La famille Park, composée du père, de la mère et de trois enfants qui ont déjà l'âge de raison, était fortement imbue des croyances spiritualistes. Par contre, une soeur de madame Park, miss Harris, n'ajoutait aucune foi aux prodiges surnaturels dont on l'entretenait sans cesse. C'était pour la famille tout entière un véritable sujet de chagrin, et plus d'une fois la bonne harmonie des deux soeurs en fut troublée.
« Il y a quelques jours, madame Park fut atteinte tout à coup d'un mal subit que les médecins déclarèrent dès l'abord ne pouvoir pas conjurer. La patiente était en proie à des hallucinations, et une fièvre affreuse la tourmentait constamment. Miss Harris passait toutes les nuits à la veiller. Le quatrième jour de sa maladie, madame Park se leva subitement sur son séant, demanda à boire, et commença à causer avec sa soeur. Circonstance singulière, la fièvre l'avait quittée tout à coup, son pouls était régulier, elle s'exprimait avec la plus grande facilité, et miss Harris, tout heureuse, crut que sa soeur était désormais hors de danger.
« Après avoir parlé de son mari et de ses enfants, madame Park se rapproche encore plus près de sa soeur et lui dit :
« Pauvre soeur, je vais te quitter ; je sens que la mort s'approche. Mais au moins mon départ de ce monde servira à te convertir. Je mourrai dans une heure et l'on m'enterrera demain. Aie grand soin de ne pas suivre mon corps au cimetière, car mon Esprit, revêtu de sa dépouille mortelle, t'apparaîtra encore une fois avant que mon cercueil soit recouvert de terre. Alors tu croiras enfin au spiritualisme. »
« Après avoir achevé ces paroles, la malade se recoucha tranquillement. Mais une heure après, comme elle l'avait annoncé, miss Harris s'apercevait avec douleur que le coeur avait cessé de battre.
« Vivement émue par la coïncidence étonnante qui existait entre cet événement et les paroles prophétiques de la défunte, elle se décida à suivre l'ordre qui lui avait été donné, et le lendemain elle resta seule à la maison pendant que tout le monde prenait le chemin du cimetière. Après avoir fermé les volets de la chambre mortuaire, elle s'établit sur un fauteuil placé près du lit que venait de quitter le corps de sa soeur.
« Cinq minutes étaient à peine écoulées, - raconta plus tard miss Harris, - lorsque je vis comme un nuage blanc se détacher au fond de l'appartement. Peu à peu cette forme se dessina mieux : c'était celle d'une femme à demi voilée ; elle s'approchait lentement de moi ; je discernais le bruit de pas légers sur le plancher ; enfin, mes yeux étonnés se trouvèrent en présence de ma soeur...
« Sa figure, loin d'avoir cette pâleur mate qui frappe si péniblement chez les morts, était radieuse ; ses mains, dont je sentis bientôt la pression sur les miennes, avaient conservé toute la chaleur de la vie. Je fus comme transportée dans une sphère nouvelle par cette merveilleuse apparition. Croyant faire partie déjà du monde des Esprits, je me tâtai la poitrine et la tête pour m'assurer de mon existence ; mais il n'y avait rien de pénible dans cette extase.
« Après être ainsi demeurée devant moi, souriante mais muette, l'espace de quelques minutes, ma soeur, semblant faire un violent effort, me dit d'une voix douce :
« Il est temps que je parte : mon ange conducteur m'attend. Adieu ! J'ai rempli ma promesse. Crois et espère ! »
« Le journal, ajoute la Patrie, auquel nous empruntons ce merveilleux récit, ne dit pas que miss Harris se soit convertie aux doctrines du spiritualisme. Supposons-le, cependant, car beaucoup de gens se laisseraient convaincre à moins. »
Nous ajoutons, pour notre propre compte, que ce récit n'a rien qui doive étonner ceux qui ont étudié les effets et les causes des phénomènes spirites. Les faits authentiques de ce genre sont assez nombreux, et trouvent leur explication dans ce que nous avons dit à ce sujet en maintes circonstances ; nous aurons occasion d'en citer qui viennent de moins loin que celui-ci.
ALLAN KARDEC