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REVUE SPIRITE JOURNAL D'ETUDES PSYCHOLOGIQUES - 1864 > Mars
Mars
On se demande parfois si Dieu n'aurait pas pu créer les Esprits parfaits pour leur épargner le mal et toutes ses conséquences.
Sans doute Dieu l'aurait pu, puisqu'il est tout-puissant, et s'il ne l'a pas fait, c'est qu'il a jugé, dans sa souveraine sagesse, plus utile qu'il en fût autrement. Il n'appartient pas à l'homme de scruter ses desseins, et encore moins de juger et de condamner ses œuvres. Puisqu'il ne peut admettre Dieu sans l'infini des perfections, sans la souveraine bonté et la souveraine justice, qu'il a incessamment sous les yeux des milliers de preuves de sa sollicitude pour ses créatures, il doit penser que cette sollicitude n'a pu faire défaut à la création des Esprits. L'homme, sur la terre, est comme l'enfant, dont la vue bornée ne s'étend pas au delà du cercle étroit du présent, et ne peut juger de l'utilité de certaines choses. Il doit donc s'incliner devant ce qui est encore au-dessus de sa portée. Toutefois, Dieu lui ayant donné l'intelligence pour se guider, il ne lui est pas défendu de chercher à comprendre, tout en s'arrêtant humblement devant la limite qu'il ne peut franchir. Sur toutes les choses restées dans le secret de Dieu, il ne peut établir que des systèmes plus ou moins probables. Pour juger celui de ces systèmes qui se rapproche le plus de la vérité, il a un critérium sûr, ce sont les attributs essentiels de la Divinité ; toute théorie, toute doctrine philosophique ou religieuse qui tendrait à détruire la plus minime partie d'un seul de ces attributs pécherait par la base, et serait, par cela même, entachée d'erreur ; d'où il suit que le système le plus vrai sera celui qui s'accordera le mieux avec ces attributs.
Dieu étant toute sagesse et toute bonté n'a pu créer le mal pour faire contrepoids au bien ; s'il avait fait du mal une loi nécessaire, il eût volontairement affaibli la puissance du bien, car ce qui est mauvais ne peut qu'altérer et non fortifier ce qui est bien. Il a établi des lois qui sont toutes justes et bonnes ; l'homme serait parfaitement heureux s'il les observait scrupuleusement ; mais la moindre infraction à ces lois cause une perturbation dont il éprouve le contrecoup, de là toutes ses vicissitudes ; c'est donc lui-même qui est la cause du mal par sa désobéissance aux lois de Dieu. Dieu l'a créé libre de choisir sa route ; celui qui a pris la mauvaise l'a fait par sa volonté, et ne peut que s'accuser des conséquences qui en résultent pour lui. Par la destination de la terre, nous ne voyons que les Esprits de cette catégorie, et c'est ce qui a fait croire à la nécessité du mal ; si nous pouvions embrasser l'ensemble des mondes, nous verrions que les Esprits qui sont restés dans la bonne voie parcourent les différentes phases de leur existence dans de tout autres conditions, et que dès lors que le mal n'étant pas général, il ne saurait être indispensable. Mais reste toujours la question de savoir pourquoi Dieu n'a pas créé les Esprits parfaits. Cette question est l'analogue de celle-ci : Pourquoi l'enfant ne naît-il pas tout développé, avec toutes les aptitudes, toute l'expérience et toutes les connaissances de l'âge viril ?
Il est une loi générale qui régit tous les êtres de la création, animés et inanimés : c'est la loi du progrès ; les Esprits y sont soumis par la force des choses, sans cela cette exception eût troublé l'harmonie générale, et Dieu a voulu nous en donner un exemple en abrégé dans la progression de l'enfance. Mais le mal n'existant pas comme nécessité dans l'ordre des choses, puisqu'il n'est le fait que des Esprits prévaricateurs, la loi du progrès ne les oblige nullement à passer par cette filière pour arriver au bien ; elle ne les astreint qu'à passer par l'état d'infériorité intellectuelle, autrement dit par l'enfance spirituelle. Créés simples et ignorants, et par cela même imparfaits, ou, mieux, incomplets, ils doivent acquérir par eux-mêmes et par leur propre activité la science et l'expérience qu'ils ne peuvent avoir au début. Si Dieu les eût créés parfaits, il aurait dû les doter, dès l'instant de leur création, de l'universalité des connaissances ; il les eût ainsi exemptés de tout travail intellectuel ; mais en même temps il leur eût ôté l'activité qu'ils doivent déployer pour acquérir, et par laquelle ils concourent, comme incarnés et désincarnés, au perfectionnement matériel des mondes, travail qui n'incombe plus aux Esprits supérieurs chargés seulement de diriger le perfectionnement moral. Par leur infériorité même ils deviennent un rouage essentiel à l'œuvre générale de la création. D'un autre côté, s'il les eût créés infaillibles, c'est-à-dire exempts de la possibilité de mal faire, ils eussent été fatalement poussés au bien comme des mécaniques bien montées qui accomplissent machinalement des ouvrages de précision ; mais alors plus de libre arbitre, et par conséquent plus d'indépendance ; ils eussent ressemblé à ces hommes qui naissent avec la fortune toute faite, et se croient dispensés de rien faire. En les soumettant à la loi du progrès facultatif, Dieu a voulu qu'ils eussent le mérite de leurs œuvres pour avoir droit à la récompense et jouir de la satisfaction d'avoir eux-mêmes conquis leur position.
Sans la loi universelle du progrès appliquée à tous les êtres, c'eût été un ordre de choses tout autre à établir. Dieu, sans doute, en avait la possibilité ; pourquoi ne l'a-t-il pas fait ? Eût-il mieux fait d'agir autrement ? Dans cette hypothèse il se serait donc trompé ! Or, si Dieu a pu se tromper, c'est qu'il n'est pas parfait ; s'il n'est pas parfait, c'est qu'il n'est pas Dieu. Dès lors qu'on ne peut le concevoir sans la perfection infinie, il en faut conclure que ce qu'il a fait est pour le mieux ; si nous ne sommes pas encore aptes à comprendre ses motifs, nous le pourrons sans doute plus tard, dans un état plus avancé. En attendant, si nous ne pouvons sonder les causes, nous pouvons observer les effets, et reconnaître que tout, dans l'univers, est régi par des lois harmoniques dont la sagesse et l'admirable prévoyance confondent notre entendement. Bien présomptueux serait donc celui qui prétendrait que Dieu aurait dû régler le monde autrement, car cela signifierait qu'à sa place il eût mieux fait que lui. Tels sont les Esprits dont Dieu châtie l'orgueil et l'ingratitude en les reléguant dans les mondes intérieurs, d'où ils ne sortiront que lorsque, courbant la tête sous la main qui les frappe, ils reconnaîtront sa puissance. Dieu ne leur impose point cette reconnaissance ; il veut qu'elle soit volontaire et le fruit de leurs observations, c'est pourquoi il les laisse libres et attend que, vaincus par le mal même qu'ils s'attirent, ils reviennent à lui.
A cela on répond : « On comprend que Dieu n'ait pas créé les Esprits parfaits, mais s'il a jugé à propos de les soumettre tous à la loi du progrès, n'aurait-il pu, tout au moins, les créer heureux, sans les assujettir à toutes les misères de la vie ? A la rigueur, la souffrance se comprend pour l'homme, parce qu'il a pu démériter, mais les animaux souffrent aussi ; ils se mangent entre eux ; les gros dévorent les plus petits. Il en est dont la vie n'est qu'un long martyre ; ont-ils, comme nous, leur libre arbitre, et ont-ils démérité ? »
Telle est encore l'objection que l'on fait quelquefois et à laquelle les arguments ci-dessus peuvent servir de réponse ; nous y ajouterons néanmoins quelques considérations.
Sur le premier point, nous dirons que le bonheur complet est le résultat de la perfection ; puisque les vicissitudes sont le produit de l'imperfection, créer les Esprits parfaitement heureux, c'eût été les créer parfaits.
La question des animaux demande quelques développements. Ils ont un principe intelligent, cela est incontestable. De quelle nature est ce principe ? Quels rapports a-t-il avec celui de l'homme ? Est-il stationnaire dans chaque espèce, ou progressif en passant d'une espèce à l'autre ? Quelle est pour lui la limite du progrès ? Marche-t-il parallèlement à l'homme, ou bien est-ce le même principe qui s'élabore et s'essaye à la vie dans les espèces inférieures, pour recevoir plus tard de nouvelles facultés et subir la transformation humaine ? Ce sont autant de questions restées insolubles jusqu'à ce jour, et si le voile qui couvre ce mystère n'a pas encore été levé par les Esprits, c'est que cela eût été prématuré : l'homme n'est pas encore mûr pour recevoir toute lumière. Plusieurs Esprits ont, il est vrai, donné des théories à ce sujet, mais aucune n'a un caractère assez authentique pour être acceptée comme vérité définitive ; on ne peut donc les considérer, jusqu'à nouvel ordre, que comme des systèmes individuels. La concordance seule peut leur donner une consécration, car là est le seul et véritable contrôle de l'enseignement des Esprits. C'est pourquoi nous sommes loin d'accepter comme des vérités irrécusables tout ce qu'ils enseignent individuellement ; un principe, quel qu'il soit, n'acquiert pour nous d'authenticité que par l'universalité de l'enseignement, c'est-à-dire par des instructions identiques données sur tous les points par des médiums étrangers les uns aux autres et ne subissant point les mêmes influences, notoirement exempts d'obsessions et assistés par des Esprits bons et éclairés ; par Esprits éclairés, il faut entendre ceux qui prouvent leur supériorité par l'élévation de leurs pensées, la haute portée de leurs enseignements, ne se contredisant jamais, et ne disant jamais rien que la logique la plus rigoureuse ne puisse admettre. C'est ainsi qu'ont été contrôlées les diverses parties de la doctrine formulée dans le Livre des Esprits et dans le Livre des Médiums. Tel n'est pas encore le cas de la question des animaux, c'est pourquoi nous ne l'avons point tranchée ; jusqu'à constatation plus sérieuse, il ne faut accepter les théories qui peuvent être données à ce sujet que sous bénéfice d'inventaire, et en attendre la confirmation ou la négation.
En général, on ne saurait apporter trop de prudence en fait de théories nouvelles sur lesquelles on peut se faire illusion ; aussi combien en a-t-on vu, depuis l'origine du Spiritisme, qui, prématurément livrées à la publicité, n'ont eu qu'une existence éphémère ! Ainsi en sera-t-il de toutes celles qui n'auront qu'un caractère individuel et n'auront pas subi le contrôle de la concordance. Dans notre position, recevant les communications de près de mille centres Spirites sérieux disséminés sur les divers points du globe, nous sommes à même de voir les principes sur lesquels cette concordance s'établit ; c'est cette observation qui nous a guidé jusqu'à ce jour, et c'est également celle qui nous guidera dans les nouveaux champs que le Spiritisme est appelé à explorer. C'est ainsi que, depuis quelque temps, nous remarquons dans les communications venues de divers côtés, tant de la France que de l'étranger, une tendance à entrer dans une voie nouvelle, par des révélations d'une nature toute spéciale. Ces révélations, souvent faites à mots couverts, ont passé inaperçues pour beaucoup de ceux qui les ont obtenues ; beaucoup d'autres ont cru les avoir seuls ; prises isolément, elles seraient pour nous sans valeur, mais leur coïncidence leur donne une haute gravité, dont on sera à même de juger plus tard, quand le moment sera venu de les livrer au grand jour de la publicité.
Sans cette concordance, qui est-ce qui pourrait être assuré d'avoir la vérité ? La raison, la logique, le jugement, sont sans doute les premiers moyens de contrôle dont il faut faire usage ; en beaucoup de cas cela suffit ; mais quand il s'agit d'un principe important, de l'émission d'une idée nouvelle, il y aurait présomption à se croire infaillible dans l'appréciation des choses ; c'est d'ailleurs un des caractères distinctifs de la révélation nouvelle, d'être faite sur tous les points à la fois ; ainsi en est-il des diverses parties de la doctrine. L'expérience est là pour prouver que toutes les théories hasardées par des Esprits systématiques et faux savants ont toujours été isolées et localisées ; aucune n'est devenue générale et n'a pu supporter le contrôle de la concordance ; plusieurs même sont tombées sous le ridicule, preuve évidente qu'elles n'étaient pas dans le vrai. Ce contrôle universel est une garantie pour l'unité future de la doctrine.
Cette digression nous a quelque peu écarté de notre sujet, mais elle était utile pour faire connaître de quelle manière nous procédons en fait de théories nouvelles concernant le Spiritisme, qui est loin d'avoir dit son dernier mot sur toutes choses. Nous n'en émettons jamais qui n'aient reçu la sanction dont nous venons de parler, c'est pourquoi quelques personnes, un peu trop impatientes, s'étonnent de notre silence dans certains cas. Comme nous savons que chaque chose doit venir en son temps, nous ne cédons à aucune pression, de quelque part qu'elle vienne, sachant le sort de ceux qui veulent aller trop vite et ont en eux-mêmes et en leurs propres lumières une trop grande confiance ; nous ne voulons pas cueillir un fruit avant sa maturité ; mais on peut être assuré que, lorsqu'il sera mûr, nous ne le laisserons pas tomber.
Ce point établi, il nous reste peu de chose à dire sur la question proposée, le point capital ne pouvant être encore résolu.
Il est constant que les animaux souffrent ; mais est-il rationnel d'imputer ces souffrances à l'imprévoyance du Créateur ou à un manque de bonté de sa part, parce que la cause échappe à notre intelligence, comme l'utilité des devoirs et de la discipline échappe à l'écolier ? A côté de ce mal apparent ne voit-on pas éclater sa sollicitude pour les plus infimes de ses créatures ? Les animaux ne sont-ils pas pourvus des moyens de conservation appropriés au milieu où ils doivent vivre ? Ne voit-on pas leur pelage se fournir plus ou moins selon le climat ? leur outillage de nutrition, leurs armes offensives et défensives proportionnés aux obstacles qu'ils ont à vaincre et aux ennemis qu'ils ont à combattre ? En présence de ces faits si multipliés, et dont les conséquences n'échappent qu'à l'œil du matérialiste, est-on fondé à dire qu'il n'y a pas pour eux de Providence ? Non, certes ; mais bien que notre vue est trop bornée pour juger la loi de l'ensemble. Notre point de vue, restreint au petit cercle qui nous environne, ne nous laisse voir que des irrégularités apparentes ; mais quand nous nous élevons par la pensée au-dessus de l'horizon terrestre, ces irrégularités s'effacent devant l'harmonie générale.
Ce qui choque le plus dans cette observation localisée, c'est la destruction des êtres les uns par les autres. Puisque Dieu prouve sa sagesse et sa bonté en tout ce que nous pouvons comprendre, il faut bien admettre que la même sagesse préside à ce que nous ne comprenons pas. Du reste, on ne s'exagère l'importance de cette destruction que par celle que l'on attache à la matière, toujours par suite du point de vue étroit où l'homme se place. En définitive, il n'y a que l'enveloppe de détruite, mais le principe intelligent n'est point anéanti ; l'Esprit est aussi indifférent à la perte de son corps, que l'homme l'est à celle de son habit. Cette destruction des enveloppes temporaires est nécessaire à la formation et à l'entretien des nouvelles enveloppes qui se constituent avec les mêmes éléments, mais le principe intelligent n'en subit aucune atteinte, pas plus chez les animaux que chez l'homme.
Reste la souffrance qu'entraîne parfois la destruction de cette enveloppe. Le Spiritisme nous apprend et nous prouve que la souffrance, chez l'homme, est utile à son avancement moral ; qui nous dit que celle qu'endurent les animaux n'a pas aussi son utilité ; qu'elle n'est pas, dans leur sphère et selon un certain ordre de choses, une cause de progrès ? Ce n'est qu'une hypothèse, il est vrai, mais qui, au moins, s'appuie sur les attributs de Dieu : la justice et la bonté, tandis que les autres en sont la négation.
La question de la création des êtres parfaits ayant été débattue dans une séance de la Société spirite de Paris, l'Esprit Eraste dicta, à ce sujet, la communication suivante.
Sans doute Dieu l'aurait pu, puisqu'il est tout-puissant, et s'il ne l'a pas fait, c'est qu'il a jugé, dans sa souveraine sagesse, plus utile qu'il en fût autrement. Il n'appartient pas à l'homme de scruter ses desseins, et encore moins de juger et de condamner ses œuvres. Puisqu'il ne peut admettre Dieu sans l'infini des perfections, sans la souveraine bonté et la souveraine justice, qu'il a incessamment sous les yeux des milliers de preuves de sa sollicitude pour ses créatures, il doit penser que cette sollicitude n'a pu faire défaut à la création des Esprits. L'homme, sur la terre, est comme l'enfant, dont la vue bornée ne s'étend pas au delà du cercle étroit du présent, et ne peut juger de l'utilité de certaines choses. Il doit donc s'incliner devant ce qui est encore au-dessus de sa portée. Toutefois, Dieu lui ayant donné l'intelligence pour se guider, il ne lui est pas défendu de chercher à comprendre, tout en s'arrêtant humblement devant la limite qu'il ne peut franchir. Sur toutes les choses restées dans le secret de Dieu, il ne peut établir que des systèmes plus ou moins probables. Pour juger celui de ces systèmes qui se rapproche le plus de la vérité, il a un critérium sûr, ce sont les attributs essentiels de la Divinité ; toute théorie, toute doctrine philosophique ou religieuse qui tendrait à détruire la plus minime partie d'un seul de ces attributs pécherait par la base, et serait, par cela même, entachée d'erreur ; d'où il suit que le système le plus vrai sera celui qui s'accordera le mieux avec ces attributs.
Dieu étant toute sagesse et toute bonté n'a pu créer le mal pour faire contrepoids au bien ; s'il avait fait du mal une loi nécessaire, il eût volontairement affaibli la puissance du bien, car ce qui est mauvais ne peut qu'altérer et non fortifier ce qui est bien. Il a établi des lois qui sont toutes justes et bonnes ; l'homme serait parfaitement heureux s'il les observait scrupuleusement ; mais la moindre infraction à ces lois cause une perturbation dont il éprouve le contrecoup, de là toutes ses vicissitudes ; c'est donc lui-même qui est la cause du mal par sa désobéissance aux lois de Dieu. Dieu l'a créé libre de choisir sa route ; celui qui a pris la mauvaise l'a fait par sa volonté, et ne peut que s'accuser des conséquences qui en résultent pour lui. Par la destination de la terre, nous ne voyons que les Esprits de cette catégorie, et c'est ce qui a fait croire à la nécessité du mal ; si nous pouvions embrasser l'ensemble des mondes, nous verrions que les Esprits qui sont restés dans la bonne voie parcourent les différentes phases de leur existence dans de tout autres conditions, et que dès lors que le mal n'étant pas général, il ne saurait être indispensable. Mais reste toujours la question de savoir pourquoi Dieu n'a pas créé les Esprits parfaits. Cette question est l'analogue de celle-ci : Pourquoi l'enfant ne naît-il pas tout développé, avec toutes les aptitudes, toute l'expérience et toutes les connaissances de l'âge viril ?
Il est une loi générale qui régit tous les êtres de la création, animés et inanimés : c'est la loi du progrès ; les Esprits y sont soumis par la force des choses, sans cela cette exception eût troublé l'harmonie générale, et Dieu a voulu nous en donner un exemple en abrégé dans la progression de l'enfance. Mais le mal n'existant pas comme nécessité dans l'ordre des choses, puisqu'il n'est le fait que des Esprits prévaricateurs, la loi du progrès ne les oblige nullement à passer par cette filière pour arriver au bien ; elle ne les astreint qu'à passer par l'état d'infériorité intellectuelle, autrement dit par l'enfance spirituelle. Créés simples et ignorants, et par cela même imparfaits, ou, mieux, incomplets, ils doivent acquérir par eux-mêmes et par leur propre activité la science et l'expérience qu'ils ne peuvent avoir au début. Si Dieu les eût créés parfaits, il aurait dû les doter, dès l'instant de leur création, de l'universalité des connaissances ; il les eût ainsi exemptés de tout travail intellectuel ; mais en même temps il leur eût ôté l'activité qu'ils doivent déployer pour acquérir, et par laquelle ils concourent, comme incarnés et désincarnés, au perfectionnement matériel des mondes, travail qui n'incombe plus aux Esprits supérieurs chargés seulement de diriger le perfectionnement moral. Par leur infériorité même ils deviennent un rouage essentiel à l'œuvre générale de la création. D'un autre côté, s'il les eût créés infaillibles, c'est-à-dire exempts de la possibilité de mal faire, ils eussent été fatalement poussés au bien comme des mécaniques bien montées qui accomplissent machinalement des ouvrages de précision ; mais alors plus de libre arbitre, et par conséquent plus d'indépendance ; ils eussent ressemblé à ces hommes qui naissent avec la fortune toute faite, et se croient dispensés de rien faire. En les soumettant à la loi du progrès facultatif, Dieu a voulu qu'ils eussent le mérite de leurs œuvres pour avoir droit à la récompense et jouir de la satisfaction d'avoir eux-mêmes conquis leur position.
Sans la loi universelle du progrès appliquée à tous les êtres, c'eût été un ordre de choses tout autre à établir. Dieu, sans doute, en avait la possibilité ; pourquoi ne l'a-t-il pas fait ? Eût-il mieux fait d'agir autrement ? Dans cette hypothèse il se serait donc trompé ! Or, si Dieu a pu se tromper, c'est qu'il n'est pas parfait ; s'il n'est pas parfait, c'est qu'il n'est pas Dieu. Dès lors qu'on ne peut le concevoir sans la perfection infinie, il en faut conclure que ce qu'il a fait est pour le mieux ; si nous ne sommes pas encore aptes à comprendre ses motifs, nous le pourrons sans doute plus tard, dans un état plus avancé. En attendant, si nous ne pouvons sonder les causes, nous pouvons observer les effets, et reconnaître que tout, dans l'univers, est régi par des lois harmoniques dont la sagesse et l'admirable prévoyance confondent notre entendement. Bien présomptueux serait donc celui qui prétendrait que Dieu aurait dû régler le monde autrement, car cela signifierait qu'à sa place il eût mieux fait que lui. Tels sont les Esprits dont Dieu châtie l'orgueil et l'ingratitude en les reléguant dans les mondes intérieurs, d'où ils ne sortiront que lorsque, courbant la tête sous la main qui les frappe, ils reconnaîtront sa puissance. Dieu ne leur impose point cette reconnaissance ; il veut qu'elle soit volontaire et le fruit de leurs observations, c'est pourquoi il les laisse libres et attend que, vaincus par le mal même qu'ils s'attirent, ils reviennent à lui.
A cela on répond : « On comprend que Dieu n'ait pas créé les Esprits parfaits, mais s'il a jugé à propos de les soumettre tous à la loi du progrès, n'aurait-il pu, tout au moins, les créer heureux, sans les assujettir à toutes les misères de la vie ? A la rigueur, la souffrance se comprend pour l'homme, parce qu'il a pu démériter, mais les animaux souffrent aussi ; ils se mangent entre eux ; les gros dévorent les plus petits. Il en est dont la vie n'est qu'un long martyre ; ont-ils, comme nous, leur libre arbitre, et ont-ils démérité ? »
Telle est encore l'objection que l'on fait quelquefois et à laquelle les arguments ci-dessus peuvent servir de réponse ; nous y ajouterons néanmoins quelques considérations.
Sur le premier point, nous dirons que le bonheur complet est le résultat de la perfection ; puisque les vicissitudes sont le produit de l'imperfection, créer les Esprits parfaitement heureux, c'eût été les créer parfaits.
La question des animaux demande quelques développements. Ils ont un principe intelligent, cela est incontestable. De quelle nature est ce principe ? Quels rapports a-t-il avec celui de l'homme ? Est-il stationnaire dans chaque espèce, ou progressif en passant d'une espèce à l'autre ? Quelle est pour lui la limite du progrès ? Marche-t-il parallèlement à l'homme, ou bien est-ce le même principe qui s'élabore et s'essaye à la vie dans les espèces inférieures, pour recevoir plus tard de nouvelles facultés et subir la transformation humaine ? Ce sont autant de questions restées insolubles jusqu'à ce jour, et si le voile qui couvre ce mystère n'a pas encore été levé par les Esprits, c'est que cela eût été prématuré : l'homme n'est pas encore mûr pour recevoir toute lumière. Plusieurs Esprits ont, il est vrai, donné des théories à ce sujet, mais aucune n'a un caractère assez authentique pour être acceptée comme vérité définitive ; on ne peut donc les considérer, jusqu'à nouvel ordre, que comme des systèmes individuels. La concordance seule peut leur donner une consécration, car là est le seul et véritable contrôle de l'enseignement des Esprits. C'est pourquoi nous sommes loin d'accepter comme des vérités irrécusables tout ce qu'ils enseignent individuellement ; un principe, quel qu'il soit, n'acquiert pour nous d'authenticité que par l'universalité de l'enseignement, c'est-à-dire par des instructions identiques données sur tous les points par des médiums étrangers les uns aux autres et ne subissant point les mêmes influences, notoirement exempts d'obsessions et assistés par des Esprits bons et éclairés ; par Esprits éclairés, il faut entendre ceux qui prouvent leur supériorité par l'élévation de leurs pensées, la haute portée de leurs enseignements, ne se contredisant jamais, et ne disant jamais rien que la logique la plus rigoureuse ne puisse admettre. C'est ainsi qu'ont été contrôlées les diverses parties de la doctrine formulée dans le Livre des Esprits et dans le Livre des Médiums. Tel n'est pas encore le cas de la question des animaux, c'est pourquoi nous ne l'avons point tranchée ; jusqu'à constatation plus sérieuse, il ne faut accepter les théories qui peuvent être données à ce sujet que sous bénéfice d'inventaire, et en attendre la confirmation ou la négation.
En général, on ne saurait apporter trop de prudence en fait de théories nouvelles sur lesquelles on peut se faire illusion ; aussi combien en a-t-on vu, depuis l'origine du Spiritisme, qui, prématurément livrées à la publicité, n'ont eu qu'une existence éphémère ! Ainsi en sera-t-il de toutes celles qui n'auront qu'un caractère individuel et n'auront pas subi le contrôle de la concordance. Dans notre position, recevant les communications de près de mille centres Spirites sérieux disséminés sur les divers points du globe, nous sommes à même de voir les principes sur lesquels cette concordance s'établit ; c'est cette observation qui nous a guidé jusqu'à ce jour, et c'est également celle qui nous guidera dans les nouveaux champs que le Spiritisme est appelé à explorer. C'est ainsi que, depuis quelque temps, nous remarquons dans les communications venues de divers côtés, tant de la France que de l'étranger, une tendance à entrer dans une voie nouvelle, par des révélations d'une nature toute spéciale. Ces révélations, souvent faites à mots couverts, ont passé inaperçues pour beaucoup de ceux qui les ont obtenues ; beaucoup d'autres ont cru les avoir seuls ; prises isolément, elles seraient pour nous sans valeur, mais leur coïncidence leur donne une haute gravité, dont on sera à même de juger plus tard, quand le moment sera venu de les livrer au grand jour de la publicité.
Sans cette concordance, qui est-ce qui pourrait être assuré d'avoir la vérité ? La raison, la logique, le jugement, sont sans doute les premiers moyens de contrôle dont il faut faire usage ; en beaucoup de cas cela suffit ; mais quand il s'agit d'un principe important, de l'émission d'une idée nouvelle, il y aurait présomption à se croire infaillible dans l'appréciation des choses ; c'est d'ailleurs un des caractères distinctifs de la révélation nouvelle, d'être faite sur tous les points à la fois ; ainsi en est-il des diverses parties de la doctrine. L'expérience est là pour prouver que toutes les théories hasardées par des Esprits systématiques et faux savants ont toujours été isolées et localisées ; aucune n'est devenue générale et n'a pu supporter le contrôle de la concordance ; plusieurs même sont tombées sous le ridicule, preuve évidente qu'elles n'étaient pas dans le vrai. Ce contrôle universel est une garantie pour l'unité future de la doctrine.
Cette digression nous a quelque peu écarté de notre sujet, mais elle était utile pour faire connaître de quelle manière nous procédons en fait de théories nouvelles concernant le Spiritisme, qui est loin d'avoir dit son dernier mot sur toutes choses. Nous n'en émettons jamais qui n'aient reçu la sanction dont nous venons de parler, c'est pourquoi quelques personnes, un peu trop impatientes, s'étonnent de notre silence dans certains cas. Comme nous savons que chaque chose doit venir en son temps, nous ne cédons à aucune pression, de quelque part qu'elle vienne, sachant le sort de ceux qui veulent aller trop vite et ont en eux-mêmes et en leurs propres lumières une trop grande confiance ; nous ne voulons pas cueillir un fruit avant sa maturité ; mais on peut être assuré que, lorsqu'il sera mûr, nous ne le laisserons pas tomber.
Ce point établi, il nous reste peu de chose à dire sur la question proposée, le point capital ne pouvant être encore résolu.
Il est constant que les animaux souffrent ; mais est-il rationnel d'imputer ces souffrances à l'imprévoyance du Créateur ou à un manque de bonté de sa part, parce que la cause échappe à notre intelligence, comme l'utilité des devoirs et de la discipline échappe à l'écolier ? A côté de ce mal apparent ne voit-on pas éclater sa sollicitude pour les plus infimes de ses créatures ? Les animaux ne sont-ils pas pourvus des moyens de conservation appropriés au milieu où ils doivent vivre ? Ne voit-on pas leur pelage se fournir plus ou moins selon le climat ? leur outillage de nutrition, leurs armes offensives et défensives proportionnés aux obstacles qu'ils ont à vaincre et aux ennemis qu'ils ont à combattre ? En présence de ces faits si multipliés, et dont les conséquences n'échappent qu'à l'œil du matérialiste, est-on fondé à dire qu'il n'y a pas pour eux de Providence ? Non, certes ; mais bien que notre vue est trop bornée pour juger la loi de l'ensemble. Notre point de vue, restreint au petit cercle qui nous environne, ne nous laisse voir que des irrégularités apparentes ; mais quand nous nous élevons par la pensée au-dessus de l'horizon terrestre, ces irrégularités s'effacent devant l'harmonie générale.
Ce qui choque le plus dans cette observation localisée, c'est la destruction des êtres les uns par les autres. Puisque Dieu prouve sa sagesse et sa bonté en tout ce que nous pouvons comprendre, il faut bien admettre que la même sagesse préside à ce que nous ne comprenons pas. Du reste, on ne s'exagère l'importance de cette destruction que par celle que l'on attache à la matière, toujours par suite du point de vue étroit où l'homme se place. En définitive, il n'y a que l'enveloppe de détruite, mais le principe intelligent n'est point anéanti ; l'Esprit est aussi indifférent à la perte de son corps, que l'homme l'est à celle de son habit. Cette destruction des enveloppes temporaires est nécessaire à la formation et à l'entretien des nouvelles enveloppes qui se constituent avec les mêmes éléments, mais le principe intelligent n'en subit aucune atteinte, pas plus chez les animaux que chez l'homme.
Reste la souffrance qu'entraîne parfois la destruction de cette enveloppe. Le Spiritisme nous apprend et nous prouve que la souffrance, chez l'homme, est utile à son avancement moral ; qui nous dit que celle qu'endurent les animaux n'a pas aussi son utilité ; qu'elle n'est pas, dans leur sphère et selon un certain ordre de choses, une cause de progrès ? Ce n'est qu'une hypothèse, il est vrai, mais qui, au moins, s'appuie sur les attributs de Dieu : la justice et la bonté, tandis que les autres en sont la négation.
La question de la création des êtres parfaits ayant été débattue dans une séance de la Société spirite de Paris, l'Esprit Eraste dicta, à ce sujet, la communication suivante.
Société spirite de Paris, 5 février 1864. ‑ Médium, M. d'Ambel
Pourquoi Dieu n'a-t-il pas créé tous les êtres parfaits ? En vertu
même de la loi du progrès. Il est facile de comprendre l'économie de
cette loi. Celui qui marche est dans le mouvement, c'est-à-dire dans la
loi de l'activité humaine ; celui qui ne progresse pas, qui se trouve
par essence stationnaire, n'appartient pas incontestablement à la
gradation ou hiérarchie humanitaire. Je m'explique, et vous comprendrez
facilement mon raisonnement. L'homme, qui naît dans une position plus ou
moins élevée, trouve dans sa situation native un état d'être donné ; eh
bien ! il est certain que si toute sa vie entière s'écoulait dans cette
condition d'être, sans qu'il y soit apporté de modifications par son
fait ou par le fait d'autrui, il déclarerait que son existence est
monotone, ennuyeuse, fatigante, insupportable, en un mot ; j'ajoute
qu'il aurait parfaitement raison, attendu que le bien n'est bien que
relativement à ce qui lui est inférieur. Cela est si vrai, que, si vous
mettez l'homme dans un paradis terrestre, dans un paradis où l'on ne
progresse plus, il trouvera, dans un temps donné, son existence
insoutenable, et ce séjour un impitoyable enfer. Il en résulte d'une
manière absolue que la loi immuable des mondes est le progrès ou le
mouvement en avant ; c'est-à-dire que tout Esprit qui est créé est
soumis inévitablement à cette grande et sublime loi de vie ;
conséquemment, telle est la loi humaine elle-même.
Il n'existe qu'un seul être parfait, et il ne peut en exister qu'un seul : Dieu ! Or, demander à l'Être suprême de créer les Esprits parfaits, ce serait lui demander de créer quelque chose de semblable et d'égal a lui. Emettre une pareille proposition, n'est-ce pas la condamner d'avance ? O hommes ! pourquoi toujours demander la raison d'être de certaines questions insolubles ou au-dessus de l'entendement humain ? Rappelez-vous toujours que Dieu seul peut rester et vivre dans son immobilité gigantesque. Il est le summum et le maximum de toutes choses, l'alpha et l'oméga de toute vie. Ah ! croyez-moi, mes fils, ne cherchez jamais à soulever le voile qui recouvre ce grandiose mystère, que les plus grands Esprits de la création n'abordent qu'en tremblant. Quant à moi, humble pionnier de l'initiation, tout ce que je puis vous affirmer, c'est que l'immobilité est un des attributs de Dieu ou du Créateur, et que l'homme et tout ce qui est créé ont, comme attribut, la mobilité. Comprenez si vous pouvez comprendre, ou alors attendez que l'heure soit venue d'une explication plus intelligible, c'est-à-dire plus à la portée de votre entendement.
Je ne traite que cette partie de la question, ayant voulu vous prouver seulement que je n'étais pas resté étranger à votre discussion ; sur tout le reste, je m'en réfère à ce qui a été dit, puisque tout le monde m'a paru du même avis. Tout à l'heure je parlerai des autres faits qui ont été signalés (les faits de Poitiers).
Éraste.
Il n'existe qu'un seul être parfait, et il ne peut en exister qu'un seul : Dieu ! Or, demander à l'Être suprême de créer les Esprits parfaits, ce serait lui demander de créer quelque chose de semblable et d'égal a lui. Emettre une pareille proposition, n'est-ce pas la condamner d'avance ? O hommes ! pourquoi toujours demander la raison d'être de certaines questions insolubles ou au-dessus de l'entendement humain ? Rappelez-vous toujours que Dieu seul peut rester et vivre dans son immobilité gigantesque. Il est le summum et le maximum de toutes choses, l'alpha et l'oméga de toute vie. Ah ! croyez-moi, mes fils, ne cherchez jamais à soulever le voile qui recouvre ce grandiose mystère, que les plus grands Esprits de la création n'abordent qu'en tremblant. Quant à moi, humble pionnier de l'initiation, tout ce que je puis vous affirmer, c'est que l'immobilité est un des attributs de Dieu ou du Créateur, et que l'homme et tout ce qui est créé ont, comme attribut, la mobilité. Comprenez si vous pouvez comprendre, ou alors attendez que l'heure soit venue d'une explication plus intelligible, c'est-à-dire plus à la portée de votre entendement.
Je ne traite que cette partie de la question, ayant voulu vous prouver seulement que je n'étais pas resté étranger à votre discussion ; sur tout le reste, je m'en réfère à ce qui a été dit, puisque tout le monde m'a paru du même avis. Tout à l'heure je parlerai des autres faits qui ont été signalés (les faits de Poitiers).
Éraste.
Un
de nos correspondants de Maine-et-Loire, M. le docteur C…, nous transmet le
fait suivant :
« Voici un curieux exemple de la faculté médianimique appliquée au dessin, et qui s'est manifesté plusieurs années avant que fût connu le Spiritisme, et même avant les tables tournantes. Il y a trois semaines, étant à Bressuire, j'expliquais le Spiritisme et les rapports des hommes avec le monde invisible, à un avocat de mes amis, qui n'en connaissait pas le premier mot ; or, voici le fait qu'il me raconta comme ayant un grand rapport avec ce que je lui disais. En 1849, dit-il, j'allai avec un ami visiter le village de Saint-Laurent-sur-Sèvres et ses deux couvents, l'un d'hommes et l'autre de femmes. Nous fûmes reçus de la manière la plus cordiale par le Père Dallain, supérieur du premier, et qui avait aussi autorité sur le second. Après nous avoir promenés dans les deux couvents, il nous dit : « Je veux maintenant, messieurs, vous montrer une des choses les plus curieuses du couvent des dames. » Il se fit apporter un album où nous admirâmes, en effet, des aquarelles d'une grande perfection. C'étaient des fleurs, des paysages et des marines. « Ces dessins, si bien réussis, nous dit-il, ont été faits par une de nos jeunes religieuses qui est aveugle. » Et voici ce qu'il nous raconta d'un charmant bouquet de roses dont un bouton était bleu : « Il y a quelque temps, en présence de M. le marquis de La Rochejaquelein et de plusieurs autres visiteurs, j'appelai la religieuse aveugle et la priai de se placer à une table pour dessiner quelque chose. On lui délaya des couleurs, on lui donna du papier, des crayons, des pinceaux, et elle commença immédiatement le bouquet que vous voyez. Pendant son travail, on plaça plusieurs fois un corps opaque, soit carton ou planchette entre ses yeux et le papier, et le pinceau n'en continua pas moins à marcher avec le même calme et la même régularité. Sur l'observation que le bouquet était un peu maigre, elle dit : « Eh bien ! je vais faire partir un bouton de l'aisselle de cette branche. » Pendant qu'elle travaillait à cette rectification, on remplaça le carmin dont elle se servait par du bleu ; elle ne s'aperçut pas du changement, et voilà pourquoi vous voyez un bouton bleu. »
M. l'abbé Dallain, ajoute le narrateur, était aussi remarquable par sa science, sa grande intelligence que par sa haute piété ; je n'ai, dit-il, rencontré personne qui m'ait inspiré plus de sympathie et de vénération. »
Ce fait ne prouve pas, selon nous, d'une manière évidente, une action médianimique. Au langage de la jeune aveugle, il est certain qu'elle voyait, autrement elle n'aurait pas dit : « Je vais faire partir un bouton de l'aisselle de cette branche. » Mais ce qui n'est pas moins certain, c'est qu'elle ne voyait pas par les yeux, puisqu'elle continuait son travail malgré l'obstacle qu'on mettait devant elle. Elle agissait en connaissance de cause, et non machinalement comme un médium. Il paraît donc évident qu'elle était dirigée par la seconde vue ; elle voyait par la vue de l'âme, abstraction faite de la vue du corps ; peut-être même était-elle, d'une manière permanente, dans un état de somnambulisme éveillé.
Des phénomènes analogues ont été maintes fois observés, mais on se contentait de les trouver surprenants. La cause ne pouvait en être découverte, par la raison que, se liant essentiellement à l'âme, il fallait d'abord reconnaître l'existence de l'âme ; mais ce point admis ne suffisait pas encore ; il manquait la connaissance des propriétés de l'âme et celle des lois qui régissent ses rapports avec la matière. Le Spiritisme, en nous révélant l'existence du périsprit, nous a fait connaître, si l'on peut s'exprimer ainsi, la physiologie des Esprits ; par là il nous a donné la clef d'une multitude de phénomènes incompris, qualifiés, à défaut de meilleures raisons, de surnaturels par les uns, et par les autres de bizarreries de la nature. La nature peut-elle avoir des bizarreries ? Non, car des bizarreries sont des caprices ; or, la nature étant l'œuvre de Dieu, Dieu ne peut avoir des caprices, sans cela rien ne serait stable dans l'univers. S'il est une règle sans exceptions, ce doit être assurément celle qui régit les œuvres du Créateur ; les exceptions seraient la destruction de l'harmonie universelle. Tous les phénomènes se relient à une loi générale, et une chose ne nous semble bizarre que parce que nous n'observons qu'un seul point, tandis que si l'on considère l'ensemble, on reconnaît que l'irrégularité de ce point n'est qu'apparente et dépend de notre point de vue borné.
Ceci posé, nous dirons que le phénomène dont il s'agit n'est ni merveilleux ni exceptionnel, c'est ce que nous allons tâcher d'expliquer.
Dans l'état actuel de nos connaissances, nous ne pouvons concevoir l'âme sans son enveloppe fluidique, périspritale. Le principe intelligent échappe complètement à notre analyse ; nous ne le connaissons que par ses manifestations, qui se produisent à l'aide du périsprit ; c'est par le périsprit que l'âme agit, perçoit et transmet. Dégagée de l'enveloppe corporelle, l'âme ou Esprit est encore un être complexe. La théorie, d'accord avec l'expérience, nous apprend que la vue de l'âme, de même que toutes les autres perceptions, est un attribut de l'être entier ; dans le corps elle est circonscrite à l'organe de la vue ; il lui faut le concours de la lumière ; tout ce qui est sur le trajet du rayon lumineux l'intercepte. Il n'en est pas ainsi de l'Esprit, pour lequel il n'y a ni obscurité ni corps opaques. La comparaison suivante peut aider à comprendre cette différence. L'homme, à ciel ouvert, reçoit la lumière de tous côtés ; plongé dans le fluide lumineux, l'horizon visuel s'étend tout alentour. S'il est enfermé dans une boîte à laquelle n'est pratiquée qu'une petite ouverture, tout autour de lui est dans l'obscurité, sauf le point par où arrive le rayon lumineux. La vue de l'Esprit incarné est dans ce dernier cas, celle de l'Esprit désincarné est dans le premier. Cette comparaison est juste quant à l'effet, mais elle ne l'est pas quant à la cause ; car la source de la lumière n'est pas la même pour l'homme et pour l'Esprit, ou, pour mieux dire, ce n'est pas la même lumière qui leur donne la faculté de voir.
L'aveugle dont il s'agit voyait donc par l'âme et non par les yeux ; voilà pourquoi l'écran placé devant son dessin ne la gênait pas plus que si devant les yeux d'un voyant on eût mis un cristal transparent ; c'est aussi pourquoi elle pouvait dessiner la nuit aussi bien que le jour. Le fluide périsprital rayonnant tout autour d'elle, pénétrant tout, apportait l'image, non sur la rétine, mais à son âme. Dans cet état, la vue embrasse-t-elle tout ? Non ; elle peut être générale ou spéciale selon la volonté de l'Esprit ; elle peut être limitée au point où il concentre son attention.
Mais alors, dira-t-on, pourquoi ne s'est-elle pas aperçue de la substitution de couleur ? Il se peut d'abord que l'attention portée sur la place où elle voulait mettre la fleur l'ait détournée de la couleur ; il faut d'ailleurs considérer que la vue de l'âme ne s'opère point par le même mécanisme que la vue corporelle, et qu'ainsi il est des effets dont nous ne saurions nous rendre compte ; puis il faut en outre remarquer que nos couleurs sont produites par la réfraction de notre lumière ; or, les propriétés du périsprit étant différentes de celles de nos fluides ambiants, il est probable que la réfraction n'y produit pas les mêmes effets ; que les couleurs n'ont pas pour l'Esprit la même cause que pour l'incarné ; elle pouvait donc, par la pensée, voir rose ce qui nous paraît bleu. On sait que le phénomène de la substitution des couleurs, est assez fréquent dans la vue ordinaire. Le fait principal est celui de la vue bien constatée sans le concours des organes de la vision. Ce fait, comme on le voit, n'implique point l'action médianimique, mais n'exclut pas non plus, dans certains cas, l'assistance d'un Esprit étranger. Cette jeune fille pouvait donc être ou n'être pas médium, ce qu'une étude plus attentive aurait pu révéler.
Une personne aveugle jouissant de cette faculté était un sujet précieux d'observation ; mais pour cela il aurait fallu connaître à fond la théorie de l'âme, celle du périsprit, et par conséquent le somnambulisme et le Spiritisme. A cette époque on ne connaissait point ces choses-là ; aujourd'hui même ce n'est pas dans les milieux où on les regarde comme diaboliques qu'on pouvait la livrer à ces études. Ce n'est pas non plus dans ceux où l'on nie l'existence de l'âme qu'on peut le faire. Un jour viendra sans doute où l'on reconnaîtra qu'il existe une physique spirituelle, comme on commence à reconnaître l'existence de la médecine spirituelle.
« Voici un curieux exemple de la faculté médianimique appliquée au dessin, et qui s'est manifesté plusieurs années avant que fût connu le Spiritisme, et même avant les tables tournantes. Il y a trois semaines, étant à Bressuire, j'expliquais le Spiritisme et les rapports des hommes avec le monde invisible, à un avocat de mes amis, qui n'en connaissait pas le premier mot ; or, voici le fait qu'il me raconta comme ayant un grand rapport avec ce que je lui disais. En 1849, dit-il, j'allai avec un ami visiter le village de Saint-Laurent-sur-Sèvres et ses deux couvents, l'un d'hommes et l'autre de femmes. Nous fûmes reçus de la manière la plus cordiale par le Père Dallain, supérieur du premier, et qui avait aussi autorité sur le second. Après nous avoir promenés dans les deux couvents, il nous dit : « Je veux maintenant, messieurs, vous montrer une des choses les plus curieuses du couvent des dames. » Il se fit apporter un album où nous admirâmes, en effet, des aquarelles d'une grande perfection. C'étaient des fleurs, des paysages et des marines. « Ces dessins, si bien réussis, nous dit-il, ont été faits par une de nos jeunes religieuses qui est aveugle. » Et voici ce qu'il nous raconta d'un charmant bouquet de roses dont un bouton était bleu : « Il y a quelque temps, en présence de M. le marquis de La Rochejaquelein et de plusieurs autres visiteurs, j'appelai la religieuse aveugle et la priai de se placer à une table pour dessiner quelque chose. On lui délaya des couleurs, on lui donna du papier, des crayons, des pinceaux, et elle commença immédiatement le bouquet que vous voyez. Pendant son travail, on plaça plusieurs fois un corps opaque, soit carton ou planchette entre ses yeux et le papier, et le pinceau n'en continua pas moins à marcher avec le même calme et la même régularité. Sur l'observation que le bouquet était un peu maigre, elle dit : « Eh bien ! je vais faire partir un bouton de l'aisselle de cette branche. » Pendant qu'elle travaillait à cette rectification, on remplaça le carmin dont elle se servait par du bleu ; elle ne s'aperçut pas du changement, et voilà pourquoi vous voyez un bouton bleu. »
M. l'abbé Dallain, ajoute le narrateur, était aussi remarquable par sa science, sa grande intelligence que par sa haute piété ; je n'ai, dit-il, rencontré personne qui m'ait inspiré plus de sympathie et de vénération. »
Ce fait ne prouve pas, selon nous, d'une manière évidente, une action médianimique. Au langage de la jeune aveugle, il est certain qu'elle voyait, autrement elle n'aurait pas dit : « Je vais faire partir un bouton de l'aisselle de cette branche. » Mais ce qui n'est pas moins certain, c'est qu'elle ne voyait pas par les yeux, puisqu'elle continuait son travail malgré l'obstacle qu'on mettait devant elle. Elle agissait en connaissance de cause, et non machinalement comme un médium. Il paraît donc évident qu'elle était dirigée par la seconde vue ; elle voyait par la vue de l'âme, abstraction faite de la vue du corps ; peut-être même était-elle, d'une manière permanente, dans un état de somnambulisme éveillé.
Des phénomènes analogues ont été maintes fois observés, mais on se contentait de les trouver surprenants. La cause ne pouvait en être découverte, par la raison que, se liant essentiellement à l'âme, il fallait d'abord reconnaître l'existence de l'âme ; mais ce point admis ne suffisait pas encore ; il manquait la connaissance des propriétés de l'âme et celle des lois qui régissent ses rapports avec la matière. Le Spiritisme, en nous révélant l'existence du périsprit, nous a fait connaître, si l'on peut s'exprimer ainsi, la physiologie des Esprits ; par là il nous a donné la clef d'une multitude de phénomènes incompris, qualifiés, à défaut de meilleures raisons, de surnaturels par les uns, et par les autres de bizarreries de la nature. La nature peut-elle avoir des bizarreries ? Non, car des bizarreries sont des caprices ; or, la nature étant l'œuvre de Dieu, Dieu ne peut avoir des caprices, sans cela rien ne serait stable dans l'univers. S'il est une règle sans exceptions, ce doit être assurément celle qui régit les œuvres du Créateur ; les exceptions seraient la destruction de l'harmonie universelle. Tous les phénomènes se relient à une loi générale, et une chose ne nous semble bizarre que parce que nous n'observons qu'un seul point, tandis que si l'on considère l'ensemble, on reconnaît que l'irrégularité de ce point n'est qu'apparente et dépend de notre point de vue borné.
Ceci posé, nous dirons que le phénomène dont il s'agit n'est ni merveilleux ni exceptionnel, c'est ce que nous allons tâcher d'expliquer.
Dans l'état actuel de nos connaissances, nous ne pouvons concevoir l'âme sans son enveloppe fluidique, périspritale. Le principe intelligent échappe complètement à notre analyse ; nous ne le connaissons que par ses manifestations, qui se produisent à l'aide du périsprit ; c'est par le périsprit que l'âme agit, perçoit et transmet. Dégagée de l'enveloppe corporelle, l'âme ou Esprit est encore un être complexe. La théorie, d'accord avec l'expérience, nous apprend que la vue de l'âme, de même que toutes les autres perceptions, est un attribut de l'être entier ; dans le corps elle est circonscrite à l'organe de la vue ; il lui faut le concours de la lumière ; tout ce qui est sur le trajet du rayon lumineux l'intercepte. Il n'en est pas ainsi de l'Esprit, pour lequel il n'y a ni obscurité ni corps opaques. La comparaison suivante peut aider à comprendre cette différence. L'homme, à ciel ouvert, reçoit la lumière de tous côtés ; plongé dans le fluide lumineux, l'horizon visuel s'étend tout alentour. S'il est enfermé dans une boîte à laquelle n'est pratiquée qu'une petite ouverture, tout autour de lui est dans l'obscurité, sauf le point par où arrive le rayon lumineux. La vue de l'Esprit incarné est dans ce dernier cas, celle de l'Esprit désincarné est dans le premier. Cette comparaison est juste quant à l'effet, mais elle ne l'est pas quant à la cause ; car la source de la lumière n'est pas la même pour l'homme et pour l'Esprit, ou, pour mieux dire, ce n'est pas la même lumière qui leur donne la faculté de voir.
L'aveugle dont il s'agit voyait donc par l'âme et non par les yeux ; voilà pourquoi l'écran placé devant son dessin ne la gênait pas plus que si devant les yeux d'un voyant on eût mis un cristal transparent ; c'est aussi pourquoi elle pouvait dessiner la nuit aussi bien que le jour. Le fluide périsprital rayonnant tout autour d'elle, pénétrant tout, apportait l'image, non sur la rétine, mais à son âme. Dans cet état, la vue embrasse-t-elle tout ? Non ; elle peut être générale ou spéciale selon la volonté de l'Esprit ; elle peut être limitée au point où il concentre son attention.
Mais alors, dira-t-on, pourquoi ne s'est-elle pas aperçue de la substitution de couleur ? Il se peut d'abord que l'attention portée sur la place où elle voulait mettre la fleur l'ait détournée de la couleur ; il faut d'ailleurs considérer que la vue de l'âme ne s'opère point par le même mécanisme que la vue corporelle, et qu'ainsi il est des effets dont nous ne saurions nous rendre compte ; puis il faut en outre remarquer que nos couleurs sont produites par la réfraction de notre lumière ; or, les propriétés du périsprit étant différentes de celles de nos fluides ambiants, il est probable que la réfraction n'y produit pas les mêmes effets ; que les couleurs n'ont pas pour l'Esprit la même cause que pour l'incarné ; elle pouvait donc, par la pensée, voir rose ce qui nous paraît bleu. On sait que le phénomène de la substitution des couleurs, est assez fréquent dans la vue ordinaire. Le fait principal est celui de la vue bien constatée sans le concours des organes de la vision. Ce fait, comme on le voit, n'implique point l'action médianimique, mais n'exclut pas non plus, dans certains cas, l'assistance d'un Esprit étranger. Cette jeune fille pouvait donc être ou n'être pas médium, ce qu'une étude plus attentive aurait pu révéler.
Une personne aveugle jouissant de cette faculté était un sujet précieux d'observation ; mais pour cela il aurait fallu connaître à fond la théorie de l'âme, celle du périsprit, et par conséquent le somnambulisme et le Spiritisme. A cette époque on ne connaissait point ces choses-là ; aujourd'hui même ce n'est pas dans les milieux où on les regarde comme diaboliques qu'on pouvait la livrer à ces études. Ce n'est pas non plus dans ceux où l'on nie l'existence de l'âme qu'on peut le faire. Un jour viendra sans doute où l'on reconnaîtra qu'il existe une physique spirituelle, comme on commence à reconnaître l'existence de la médecine spirituelle.
Variétés
Nous
connaissons personnellement une dame médium douée d'une remarquable faculté
typtologique : elle obtient facilement, et, ce qui est fort rare, presque
constamment, des choses de précision, comme noms de lieux et de personnes en
diverses langues, dates et faits particuliers, en présence desquels
l'incrédulité a plus d'une fois été confondue. Cette dame, toute dévouée à la
cause du Spiritisme, consacre tout le temps dont elle peut disposer à
l'exercice de sa faculté dans un but de propagande, et cela avec un
désintéressement d'autant plus louable que sa position de fortune touche de
plus près à la médiocrité. Comme le Spiritisme est pour elle une chose
sérieuse, elle procède toujours par une prière dite avec le plus grand
recueillement pour appeler le concours des bons Esprits, prier Dieu d'écarter
les mauvais, et termine ainsi : « Si j'étais tentée d'abuser en quoi
que ce soit de la faculté qu'il a plu à Dieu de m'accorder, je le prie de me la
retirer, plutôt que de permettre qu'elle soit détournée de son but
providentiel. »
Un jour un riche étranger, ‑ c'est de lui-même que nous tenons le fait, ‑ vint trouver cette dame pour la prier de lui donner une communication. Il n'avait pas la plus petite notion du Spiritisme, et encore moins de croyance. Il lui dit, en déposant son portefeuille sur la table : « Madame, voilà dix mille francs que je vous donne si vous me dites le nom de la personne à laquelle je pense. » Cela suffit pour montrer où il en était de la connaissance de la doctrine. Cette dame lui fit à ce sujet les observations que tout vrai Spirite ferait en pareil cas. Néanmoins, elle essaya et n'obtint absolument rien. Or, aussitôt après le départ de ce monsieur, elle eut, pour d'autres personnes, des communications bien autrement difficiles et compliquées que ce qu'il lui avait demandé.
Ce fait devait être pour ce monsieur, ainsi que nous le lui avons dit, une preuve de la sincérité et de la bonne foi du médium, car les charlatans ont toujours des ressources à leur disposition quand il s'agit de gagner de l'argent. Mais il en ressort plusieurs enseignements d'une bien autre gravité. Les Esprits ont voulu lui prouver que ce n'est pas avec de l'argent qu'on les fait parler quand ils ne le veulent pas ; ils ont prouvé en outre que, s'ils n'avaient pas répondu à sa demande, ce n'était pas impuissance de leur part, puisqu'après ils ont dit des choses plus difficiles à des personnes qui n'offraient rien. La leçon était plus grande encore pour le médium ; c'était lui démontrer son impuissance absolue en dehors de leur concours, et lui enseigner l'humilité ; car, si les Esprits eussent été à ses ordres, s'il avait suffi de sa volonté pour les faire parler, c'était le cas ou jamais d'exercer son pouvoir.
C'est là une preuve manifeste à l'appui de ce que nous avons dit dans le numéro de la Revue de février dernier, à propos de M. Home, sur l'impossibilité où sont les médiums de compter sur une faculté qui peut leur faire défaut au moment où elle leur serait nécessaire. Celui qui possède un talent et qui l'exploite est toujours certain de l'avoir à sa disposition, parce qu'il est inhérent à sa personne ; mais la médianimité n'est pas un talent ; elle n'existe que par le concours de tiers ; si ces tiers refusent, il n'y a plus de médianimité. L'aptitude peut subsister, mais l'exercice en est annulé. Un médium sans l'assistance des Esprits est comme un violoniste sans violon.
Le monsieur en question s'est étonné que, venant pour se convaincre, les Esprits ne s'y fussent pas prêtés. A cela nous lui avons répondu que, s'il peut être convaincu, il le sera par d'autres moyens qui ne lui coûteront rien. Les Esprits n'ont pas voulu qu'il pût dire l'avoir été à prix d'argent, car si l'argent était nécessaire pour se convaincre, comment feraient ceux qui ne peuvent pas payer ? C'est pour que la croyance puisse pénétrer dans les plus humbles réduits que la médianimité n'est point un privilège ; elle se trouve partout, afin que tous, pauvres comme riches, puissent avoir la consolation de communiquer avec leurs parents et amis d'outre-tombe. Les Esprits n'ont pas voulu qu'il fût convaincu de cette manière, parce que l'éclat qu'il y eût donné aurait faussé sa propre opinion et celle de ses amis sur le caractère essentiellement moral et religieux du Spiritisme. Ils ne l'ont pas voulu dans l'intérêt du médium et des médiums en général, dont ce résultat aurait surexcité la cupidité, car il se serait dit que, si l'on avait réussi en cette circonstance, on le pouvait également dans d'autres. Ce n'est pas la première fois que des offres semblables ont été faites, que des primes ont été offertes, mais toujours sans succès, attendu que les Esprits ne se mettent pas au concours et ne se donnent pas au plus offrant.
Si cette dame eût réussi, aurait-elle accepté ou refusé ? Nous l'ignorons, car dix mille francs sont bien séduisants, surtout dans certaines positions. Dans tous les cas, la tentation eût été grande ; et qui sait si un refus n'eût pas été suivi d'un regret qui en eût atténué le mérite ? Remarquons que, dans sa prière, elle demande à Dieu de lui retirer sa faculté plutôt que de permettre qu'elle soit tentée de la détourner de son but providentiel ; eh bien ! sa prière a été exaucée ; sa médianimité lui a été retirée pour ce fait spécial, afin de lui épargner le danger de la tentation, et toutes les conséquences fâcheuses qui en auraient été la suite, pour elle-même d'abord, et aussi par le mauvais effet que cela eût produit.
Mais ce n'est pas seulement contre la cupidité que les médiums doivent se tenir en garde ; comme il y en a dans tous les rangs de la société, la plupart sont au-dessus de cette tentation ; mais il est un danger bien autrement grand, parce que tous y sont exposés, c'est l'orgueil, qui en perd un si grand nombre ; c'est contre cet écueil que les plus belles facultés viennent trop souvent se briser. Le désintéressement matériel est sans profit s'il n'est accompagné du désintéressement moral le plus complet. Humilité, dévouement, désintéressement et abnégation sont les qualités du médium aimé des bons Esprits.
Un jour un riche étranger, ‑ c'est de lui-même que nous tenons le fait, ‑ vint trouver cette dame pour la prier de lui donner une communication. Il n'avait pas la plus petite notion du Spiritisme, et encore moins de croyance. Il lui dit, en déposant son portefeuille sur la table : « Madame, voilà dix mille francs que je vous donne si vous me dites le nom de la personne à laquelle je pense. » Cela suffit pour montrer où il en était de la connaissance de la doctrine. Cette dame lui fit à ce sujet les observations que tout vrai Spirite ferait en pareil cas. Néanmoins, elle essaya et n'obtint absolument rien. Or, aussitôt après le départ de ce monsieur, elle eut, pour d'autres personnes, des communications bien autrement difficiles et compliquées que ce qu'il lui avait demandé.
Ce fait devait être pour ce monsieur, ainsi que nous le lui avons dit, une preuve de la sincérité et de la bonne foi du médium, car les charlatans ont toujours des ressources à leur disposition quand il s'agit de gagner de l'argent. Mais il en ressort plusieurs enseignements d'une bien autre gravité. Les Esprits ont voulu lui prouver que ce n'est pas avec de l'argent qu'on les fait parler quand ils ne le veulent pas ; ils ont prouvé en outre que, s'ils n'avaient pas répondu à sa demande, ce n'était pas impuissance de leur part, puisqu'après ils ont dit des choses plus difficiles à des personnes qui n'offraient rien. La leçon était plus grande encore pour le médium ; c'était lui démontrer son impuissance absolue en dehors de leur concours, et lui enseigner l'humilité ; car, si les Esprits eussent été à ses ordres, s'il avait suffi de sa volonté pour les faire parler, c'était le cas ou jamais d'exercer son pouvoir.
C'est là une preuve manifeste à l'appui de ce que nous avons dit dans le numéro de la Revue de février dernier, à propos de M. Home, sur l'impossibilité où sont les médiums de compter sur une faculté qui peut leur faire défaut au moment où elle leur serait nécessaire. Celui qui possède un talent et qui l'exploite est toujours certain de l'avoir à sa disposition, parce qu'il est inhérent à sa personne ; mais la médianimité n'est pas un talent ; elle n'existe que par le concours de tiers ; si ces tiers refusent, il n'y a plus de médianimité. L'aptitude peut subsister, mais l'exercice en est annulé. Un médium sans l'assistance des Esprits est comme un violoniste sans violon.
Le monsieur en question s'est étonné que, venant pour se convaincre, les Esprits ne s'y fussent pas prêtés. A cela nous lui avons répondu que, s'il peut être convaincu, il le sera par d'autres moyens qui ne lui coûteront rien. Les Esprits n'ont pas voulu qu'il pût dire l'avoir été à prix d'argent, car si l'argent était nécessaire pour se convaincre, comment feraient ceux qui ne peuvent pas payer ? C'est pour que la croyance puisse pénétrer dans les plus humbles réduits que la médianimité n'est point un privilège ; elle se trouve partout, afin que tous, pauvres comme riches, puissent avoir la consolation de communiquer avec leurs parents et amis d'outre-tombe. Les Esprits n'ont pas voulu qu'il fût convaincu de cette manière, parce que l'éclat qu'il y eût donné aurait faussé sa propre opinion et celle de ses amis sur le caractère essentiellement moral et religieux du Spiritisme. Ils ne l'ont pas voulu dans l'intérêt du médium et des médiums en général, dont ce résultat aurait surexcité la cupidité, car il se serait dit que, si l'on avait réussi en cette circonstance, on le pouvait également dans d'autres. Ce n'est pas la première fois que des offres semblables ont été faites, que des primes ont été offertes, mais toujours sans succès, attendu que les Esprits ne se mettent pas au concours et ne se donnent pas au plus offrant.
Si cette dame eût réussi, aurait-elle accepté ou refusé ? Nous l'ignorons, car dix mille francs sont bien séduisants, surtout dans certaines positions. Dans tous les cas, la tentation eût été grande ; et qui sait si un refus n'eût pas été suivi d'un regret qui en eût atténué le mérite ? Remarquons que, dans sa prière, elle demande à Dieu de lui retirer sa faculté plutôt que de permettre qu'elle soit tentée de la détourner de son but providentiel ; eh bien ! sa prière a été exaucée ; sa médianimité lui a été retirée pour ce fait spécial, afin de lui épargner le danger de la tentation, et toutes les conséquences fâcheuses qui en auraient été la suite, pour elle-même d'abord, et aussi par le mauvais effet que cela eût produit.
Mais ce n'est pas seulement contre la cupidité que les médiums doivent se tenir en garde ; comme il y en a dans tous les rangs de la société, la plupart sont au-dessus de cette tentation ; mais il est un danger bien autrement grand, parce que tous y sont exposés, c'est l'orgueil, qui en perd un si grand nombre ; c'est contre cet écueil que les plus belles facultés viennent trop souvent se briser. Le désintéressement matériel est sans profit s'il n'est accompagné du désintéressement moral le plus complet. Humilité, dévouement, désintéressement et abnégation sont les qualités du médium aimé des bons Esprits.
Les faits dont nous avons rendu compte dans notre dernier numéro, et sur
lesquels nous avions suspendu notre jugement, paraissent être
définitivement acquis aux phénomènes spirites. Un examen attentif des
circonstances de détail ne permet pas de les confondre avec les actes de
la malveillance ou de l'espièglerie. Il nous paraît difficile que des
malintentionnés puisent échapper à l'activité de la surveillance exercée
par l'autorité, et puissent surtout agir dans le moment même où ils
sont épiés, sous les yeux de ceux qui les cherchent, et qui certes ne
manquent pas de bonne volonté poux les découvrir.
Des exorcismes avaient été faits, mais après quelques jours de suspension, les bruits ont recommencé avec un autre caractère. Voici ce qu'en dit le Journal de la Vienne dans ses numéros des 17 et 18 février :
« On se rappelle qu'au mois de janvier dernier les Esprits frappeurs, faisant leur solennelle apparition à Poitiers, étaient venus assiéger, rue Saint-Paul, la maison située près de l'ancienne église désignée sous ce vocable ; mais leur séjour parmi nous n'avait été que de courte durée, et l'on était en droit de croire que tout était fini, quand, avant-hier, les bruits qui avaient si fort agité la population se sont reproduits avec une nouvelle intensité.
Les diables noirs sont donc revenus dans la maison de mademoiselle d'O… ; seulement ce ne sont plus des Esprits frappeurs, mais des Esprits tireurs, procédant par voie de détonations formidables. Nous célébrerons leur fête le jour de la Sainte-Barbe, patronne des artilleurs. Toujours est-il qu'ils s'en donnent à cœur joie, que les processions de curieux recommencent, et que la police interroge tous les échos pour se guider à travers les brouillards de l'autre monde.
Il faut espérer cependant que cette fois on découvrira les auteurs de ces mystifications de mauvais goût, et que la justice saura bien prouver aux exploiteurs de la crédulité humaine que les meilleurs Esprits ne sont pas ceux qui font le plus de bruit, mais ceux qui savent se taire ou ne parlent qu'à propos.
A. Piogeard.
Nous en revenons toujours à la rue Saint-Paul, sans pouvoir pénétrer le mystère infernal.
Quand nous interrogeons une personne qui se promène d'un air préoccupé devant la maison de mademoiselle d'O…, elle nous répond invariablement : « Pour ma part, je n'ai rien entendu, mais un tel m'a dit que les détonations étaient très fortes. » Ce qui ne laisse pas d'être très embarrassant pour la solution du problème.
Il est certain cependant que les Esprits possèdent quelques pièces d'artillerie et même d'assez fort calibre, car les bruits qui en résultent ont une certaine violence, et ressemblent, dit-on, à ceux que produiraient de petites bombes.
Mais d'où viennent-ils ? Impossible jusqu'à ce jour de déterminer leur direction. Ils ne proviennent pas du sous-sol, attendu que des coups de pistolet tirés dans les caves ne s'entendent pas au premier.
C'est donc dans les régions supérieures qu'il faut s'efforcer de les saisir, et cependant tous les procédés indiqués par la science ou l'expérience pour atteindre ce résultat sont demeurés impuissants.
Il faudrait alors en conclure que les Esprits peuvent impunément tirer leur poudre aux moineaux et troubler le repos des citoyens sans qu'il soit possible de les atteindre ? Cette solution serait trop rigoureuse ; on peut, en effet, par certains procédés, ou en vertu de quelques accidents de terrain, produire des effets qui surprennent au premier abord, mais dont on s'étonne plus tard de n'avoir point compris le mécanisme élémentaire. Ce sont toujours les choses les plus simples qui échappent à l'appréciation de l'homme.
Il est donc fortement à croire que, si ces tirailleurs de l'autre monde ont en ce moment les rieurs de leur côté, ils sont loin d'être insaisissables. Les mystificateurs peuvent en être persuadés ; les mystifiés auront leur tour.
A. Piogeard. »
M. Piogeard nous semble singulièrement se débattre contre l'évidence. On dirait qu'à son insu un doute se glisse dans sa pensée ; qu'il redoute une solution contraire à ses idées ; en un mot, il nous fait l'effet de ces gens qui, en recevant l'avis d'une mauvaise nouvelle, s'écrient : « Non, cela n'est pas ; cela ne se peut pas ; je ne veux pas y croire ! » et qui se bouchent les yeux pour ne pas voir, afin de pouvoir affirmer qu'ils n'ont rien vu. Par l'un des paragraphes ci-dessus il paraît jeter des doutes sur la réalité même des bruits, puisque, selon lui, tous ceux que l'on interroge disent n'avoir rien entendu. Si personne n'avait rien entendu, nous ne comprendrions pas pourquoi tant de rumeur ; il n'y aurait alors pas plus de malveillants que d'Esprits.
Dans un troisième article non signé, et que le journal annonce devoir être le dernier, il donne enfin la solution de ce problème. Si les intéressés ne la trouvent pas concluante, ce sera leur faute et non la sienne.
« Nous recevons depuis quelque temps par chaque courrier des lettres, soit de nos abonnés, soit de personnes étrangères au département, dans lesquelles on nous prie de donner des renseignements plus circonstanciés sur les scènes dont la maison d'O… est le théâtre. Nous avons dit tout ce que nous savons ; nous avons répété dans notre feuille tout ce qui se raconte à Poitiers sur ce sujet. Puisque nos explications n'ont pas paru complètes, voici, pour la dernière fois, notre réponse aux questions qui nous sont adressées :
Il est parfaitement vrai que des bruits singuliers se font entendre chaque soir, de six heures à minuit, rue Saint-Paul, dans la maison d'O… Ces bruits ressemblent à ceux qui seraient produits par les décharges successives d'un fusil à deux coups ; ils ébranlent les portes, les fenêtres et les cloisons. On n'aperçoit ni lumière ni fumée ; aucune odeur ne se fait sentir. Les faits ont été constatés par les personnes les plus dignes de foi de notre ville, par des procès-verbaux de la police et de la gendarmerie, à la requête de la famille de M. le comte d'O…
Il existe à Poitiers une association de Spiritistes ; mais, malgré l'opinion de M. D…, qui nous écrit de Marseille, il n'est venu à la pensée d'aucun de nos concitoyens, trop spirituels pour cela, que les Spiritistes fussent pour quoi que ce soit dans l'apparition des phénomènes. M. H., d'Orange, croit à des causes physiques, à des gaz se dégageant d'un ancien cimetière sur lequel aurait été construite la maison d'O… La maison d'O… est bâtie sur le roc, et il n'existe aucun souterrain y aboutissant.
Nous pensons, pour notre compte, que les faits étranges et inexpliqués encore qui depuis plus d'un mois troublent le repos d'une famille honorable ne resteront pas toujours à l'état de mystère. Nous croyons à une supercherie fort habile, et nous espérons voir bientôt les revenants de la rue Saint-Paul revenir en police correctionnelle. »
Des exorcismes avaient été faits, mais après quelques jours de suspension, les bruits ont recommencé avec un autre caractère. Voici ce qu'en dit le Journal de la Vienne dans ses numéros des 17 et 18 février :
« On se rappelle qu'au mois de janvier dernier les Esprits frappeurs, faisant leur solennelle apparition à Poitiers, étaient venus assiéger, rue Saint-Paul, la maison située près de l'ancienne église désignée sous ce vocable ; mais leur séjour parmi nous n'avait été que de courte durée, et l'on était en droit de croire que tout était fini, quand, avant-hier, les bruits qui avaient si fort agité la population se sont reproduits avec une nouvelle intensité.
Les diables noirs sont donc revenus dans la maison de mademoiselle d'O… ; seulement ce ne sont plus des Esprits frappeurs, mais des Esprits tireurs, procédant par voie de détonations formidables. Nous célébrerons leur fête le jour de la Sainte-Barbe, patronne des artilleurs. Toujours est-il qu'ils s'en donnent à cœur joie, que les processions de curieux recommencent, et que la police interroge tous les échos pour se guider à travers les brouillards de l'autre monde.
Il faut espérer cependant que cette fois on découvrira les auteurs de ces mystifications de mauvais goût, et que la justice saura bien prouver aux exploiteurs de la crédulité humaine que les meilleurs Esprits ne sont pas ceux qui font le plus de bruit, mais ceux qui savent se taire ou ne parlent qu'à propos.
A. Piogeard.
Nous en revenons toujours à la rue Saint-Paul, sans pouvoir pénétrer le mystère infernal.
Quand nous interrogeons une personne qui se promène d'un air préoccupé devant la maison de mademoiselle d'O…, elle nous répond invariablement : « Pour ma part, je n'ai rien entendu, mais un tel m'a dit que les détonations étaient très fortes. » Ce qui ne laisse pas d'être très embarrassant pour la solution du problème.
Il est certain cependant que les Esprits possèdent quelques pièces d'artillerie et même d'assez fort calibre, car les bruits qui en résultent ont une certaine violence, et ressemblent, dit-on, à ceux que produiraient de petites bombes.
Mais d'où viennent-ils ? Impossible jusqu'à ce jour de déterminer leur direction. Ils ne proviennent pas du sous-sol, attendu que des coups de pistolet tirés dans les caves ne s'entendent pas au premier.
C'est donc dans les régions supérieures qu'il faut s'efforcer de les saisir, et cependant tous les procédés indiqués par la science ou l'expérience pour atteindre ce résultat sont demeurés impuissants.
Il faudrait alors en conclure que les Esprits peuvent impunément tirer leur poudre aux moineaux et troubler le repos des citoyens sans qu'il soit possible de les atteindre ? Cette solution serait trop rigoureuse ; on peut, en effet, par certains procédés, ou en vertu de quelques accidents de terrain, produire des effets qui surprennent au premier abord, mais dont on s'étonne plus tard de n'avoir point compris le mécanisme élémentaire. Ce sont toujours les choses les plus simples qui échappent à l'appréciation de l'homme.
Il est donc fortement à croire que, si ces tirailleurs de l'autre monde ont en ce moment les rieurs de leur côté, ils sont loin d'être insaisissables. Les mystificateurs peuvent en être persuadés ; les mystifiés auront leur tour.
A. Piogeard. »
M. Piogeard nous semble singulièrement se débattre contre l'évidence. On dirait qu'à son insu un doute se glisse dans sa pensée ; qu'il redoute une solution contraire à ses idées ; en un mot, il nous fait l'effet de ces gens qui, en recevant l'avis d'une mauvaise nouvelle, s'écrient : « Non, cela n'est pas ; cela ne se peut pas ; je ne veux pas y croire ! » et qui se bouchent les yeux pour ne pas voir, afin de pouvoir affirmer qu'ils n'ont rien vu. Par l'un des paragraphes ci-dessus il paraît jeter des doutes sur la réalité même des bruits, puisque, selon lui, tous ceux que l'on interroge disent n'avoir rien entendu. Si personne n'avait rien entendu, nous ne comprendrions pas pourquoi tant de rumeur ; il n'y aurait alors pas plus de malveillants que d'Esprits.
Dans un troisième article non signé, et que le journal annonce devoir être le dernier, il donne enfin la solution de ce problème. Si les intéressés ne la trouvent pas concluante, ce sera leur faute et non la sienne.
« Nous recevons depuis quelque temps par chaque courrier des lettres, soit de nos abonnés, soit de personnes étrangères au département, dans lesquelles on nous prie de donner des renseignements plus circonstanciés sur les scènes dont la maison d'O… est le théâtre. Nous avons dit tout ce que nous savons ; nous avons répété dans notre feuille tout ce qui se raconte à Poitiers sur ce sujet. Puisque nos explications n'ont pas paru complètes, voici, pour la dernière fois, notre réponse aux questions qui nous sont adressées :
Il est parfaitement vrai que des bruits singuliers se font entendre chaque soir, de six heures à minuit, rue Saint-Paul, dans la maison d'O… Ces bruits ressemblent à ceux qui seraient produits par les décharges successives d'un fusil à deux coups ; ils ébranlent les portes, les fenêtres et les cloisons. On n'aperçoit ni lumière ni fumée ; aucune odeur ne se fait sentir. Les faits ont été constatés par les personnes les plus dignes de foi de notre ville, par des procès-verbaux de la police et de la gendarmerie, à la requête de la famille de M. le comte d'O…
Il existe à Poitiers une association de Spiritistes ; mais, malgré l'opinion de M. D…, qui nous écrit de Marseille, il n'est venu à la pensée d'aucun de nos concitoyens, trop spirituels pour cela, que les Spiritistes fussent pour quoi que ce soit dans l'apparition des phénomènes. M. H., d'Orange, croit à des causes physiques, à des gaz se dégageant d'un ancien cimetière sur lequel aurait été construite la maison d'O… La maison d'O… est bâtie sur le roc, et il n'existe aucun souterrain y aboutissant.
Nous pensons, pour notre compte, que les faits étranges et inexpliqués encore qui depuis plus d'un mois troublent le repos d'une famille honorable ne resteront pas toujours à l'état de mystère. Nous croyons à une supercherie fort habile, et nous espérons voir bientôt les revenants de la rue Saint-Paul revenir en police correctionnelle. »
Nous avons rapporté, dans le précédent numéro (page 46), la remarquable guérison obtenue au moyen de la prière, par les Spirites de Marmande, d'une jeune fille obsédée de cette ville. Une lettre postérieure confirme le résultat de cette cure, aujourd'hui complète. La figure de l'enfant, altérée par huit mois de torture, a repris sa fraîcheur, son embonpoint et sa sérénité.
A quelque opinion qu'on appartienne, quelque idée que l'on ait sur le Spiritisme, toute personne animée d'un sincère amour du prochain a dû se réjouir de voir la tranquillité rentrée dans cette famille, et le contentement succéder à l'affliction. Il est regrettable que M. le curé de la paroisse n'ait pas cru devoir s'associer à ce sentiment, et que cette circonstance lui ait fourni le texte d'un discours peu évangélique dans un de ses prônes. Ses paroles, ayant été dites en public, sont du domaine de la publicité. S'il se fût borné à une critique loyale de la doctrine à son point de vue, nous n'en parlerions pas, mais nous croyons devoir relever les attaques qu'il a dirigées contre les personnes les plus respectables, en les traitant de saltimbanques, à propos du fait ci-dessus.
« Ainsi, a-t-il dit, le premier décrotteur venu pourra donc, s'il est médium, évoquer le membre d'une famille honorable, alors que nul dans cette famille ne pourra le faire ? Ne croyez pas à ces absurdités, mes frères ; c'est de la jonglerie, c'est de la bêtise. Au fait, qui voyez-vous dans ces réunions ? Des charpentiers, des menuisiers, des charrons, que sais-je encore ?… Quelques personnes m'ont demandé si j'avais contribué à la guérison de l'enfant. « Non, leur ai-je répondu ; je n'y suis pour rien ; je ne suis pas médecin. »
« Je ne vois là, disait-il aux parents, qu'une affection organique du ressort de la médecine ; » ajoutant que, s'il avait cru que des prières pussent opérer quelque soulagement, il en aurait fait depuis longtemps.
Si M. le curé ne croit pas à l'efficacité de la prière en pareil cas, il a bien fait de n'en pas dire ; d'où il faut conclure qu'en homme consciencieux, si les parents fussent venus lui demander des messes pour la guérison de leur enfant, il en aurait refusé le prix, car, s'il l'eût accepté, il aurait fait payer une chose qu'il regardait comme sans valeur. Les Spirites croient à l'efficacité des prières pour les maladies et les obsessions ; ils ont prié, ils ont guéri, et ils n'ont rien demandé ; bien plus, si les parents eussent été dans le besoin, ils auraient donné. « Ce sont, dit-il, des charlatans et des jongleurs. » Depuis quand a-t-il vu les charlatans faire leur métier pour rien ? Ont-ils fait porter à la malade des amulettes ? Ont-ils fait des signes cabalistiques ? Ont-ils prononcé des paroles sacramentelles en y attachant une vertu efficace ? Non, car le Spiritisme condamne toute pratique superstitieuse ; ils ont prié avec ferveur, en communion de pensées ; ces prières étaient-elles de la jonglerie ? Apparemment non ; puisqu'elles ont réussi, c'est qu'elles ont été écoutées.
Que M. le curé traite le Spiritisme et les évocations d'absurdités et de bêtises, il en est le maître, si telle est son opinion, et nul n'a rien à lui dire. Mais lorsque, pour dénigrer les réunions spirites, il dit qu'on n'y voit que des charpentiers, des menuisiers, des charrons, etc., n'est-ce pas présenter ces professions comme dégradantes, et ceux qui les exercent comme des gens avilis ? Vous oubliez donc, monsieur le curé, que Jésus était charpentier, et que ses apôtres étaient tous de pauvres artisans ou des pêcheurs. Est-il évangélique de jeter du haut de la chaire le dédain sur la classe des travailleurs que Jésus a voulu honorer en naissant parmi eux ? Avez-vous compris la portée de vos paroles quand vous avez dit : « Le premier décrotteur venu pourra donc évoquer le membre d'une famille honorable ? » Vous le méprisez donc bien, ce pauvre décrotteur, quand il nettoie vos souliers ? Hé quoi ! parce que sa position est humble, vous ne le trouvez pas digne d'évoquer l'âme d'un noble personnage ? Vous craignez donc que cette âme ne soit souillée quand, pour elle, s'étendront vers le ciel des mains noircies par le travail ? Croyez-vous donc que Dieu fait une différence entre l'âme du riche et celle du pauvre ? Jésus n'a-t-il pas dit : Aimez votre prochain comme vous-même ? Or, aimer son prochain comme soi-même, c'est ne faire aucune différence entre soi-même et le prochain ; c'est la consécration du principe : Tous les hommes sont frères, parce qu'ils sont enfants de Dieu. Dieu reçoit-il avec plus de distinction l'âme du grand que celle du petit ? celle de l'homme à qui vous faites un pompeux service, largement payé, que celle du malheureux à qui vous n'octroyez que les plus courtes prières ? Vous parlez au point de vue exclusivement mondain, et vous oubliez que Jésus a dit : « Mon royaume n'est pas de ce monde ; là, les distinctions de la terre n'existent plus ; là, les derniers seront les premiers, et les premiers seront les derniers ? » Quand il a dit : « Il y a plusieurs demeures dans la maison de mon père, » cela signifie-t-il qu'il y en a une pour le riche et une pour le prolétaire ? une pour le maître et une pour le serviteur ? Non ; mais qu'il y en a une pour l'humble et une autre pour l'orgueilleux, car il a dit : « Que celui qui voudra être le premier dans le ciel soit le serviteur de ses frères sur la terre. » Est-ce donc à ceux qu'il vous plaît d'appeler profanes de vous rappeler à l'Évangile ?
Monsieur le curé, en toutes circonstances de telles paroles seraient peu charitables, surtout dans le temple du Seigneur, où ne devraient être prêchées que des paroles de paix et d'union entre tous les membres de la grande famille ; dans l'état actuel de la société, c'est une maladresse, car c'est semer des ferments d'antagonisme. Que vous ayez tenu un tel langage à une époque où les serfs, habitués à plier sous le joug, se croyaient d'une race inférieure, parce qu'on le leur avait dit, on le concevrait ; mais dans la France d'aujourd'hui, où tout honnête homme a le droit de lever la tête, qu'il soit plébéien ou patricien c'est un anachronisme.
Si, comme il est probable, il y avait dans l'auditoire des charpentiers, des menuisiers, des charrons et des décrotteurs, ils ont dû être médiocrement touchés de ce discours ; quant aux Spirites, nous savons qu'ils ont prié Dieu de pardonner à l'orateur ses imprudentes paroles, qu'ils ont eux-mêmes pardonné à celui qui leur disait : Racca ; c'est le conseil que nous donnons à tous nos frères.
Nous
citons purement et simplement le passage de ce mandement concernant le
Spiritisme, sans commentaires et sans réflexions. En donnant son opinion sur ce
sujet, au point de vue théologique, monseigneur est dans son droit, et dès lors
qu'il ne s'attaque qu'à la chose et non aux personnes, il n'y a rien à
dire ; il n'y aurait qu'à discuter sa théorie, or, c'est ce qui a été fait
tant de fois, qu'il est superflu de se répéter, d'autant plus que nous n'y
trouvons aucun argument nouveau. Nous la mettons sous les yeux de nos lecteurs,
afin que tous puissent en prendre connaissance et en faire leur profit selon
qu'ils le jugeront à propos.
« Le démon se cache sous toutes les formes possibles, pour éterniser sa conspiration contre Dieu et les hommes, pour continuer son œuvre de séduction. Au paradis, il s'est déguisé sous la forme du serpent ; s'il le faut, ou si cela peut contribuer à la réalisation de ses projets, il se transforme en ange de lumière, comme le prouvent mille exemples consignés dans l'histoire.
A une époque plus récente, le démon a même retiré de l'arsenal de l'enfer des armes usées par l'âge et couvertes de rouille dont il s'était servi aux temps les plus reculés, mais particulièrement au deuxième et troisième siècle, pour combattre le christianisme. Les tables tournantes, les Esprits frappeurs, les évocations, etc., sont autant d'artifices, et Dieu les permet pour le châtiment des hommes impies, curieux et légers. Si les mauvais génies, comme l'assurent les saintes Écritures, remplissent l'air, s'ils s'unissent aux hommes dans leurs corps et dans leurs âmes (voyez le livre de Job et maints autres passages de l'Écriture), s'ils peuvent faire parler du bois, une pierre, un serpent, des chèvres, une ânesse ; si, près du lac de Génésareth, ils reçoivent, sur leur propre demande, la permission d'entrer dans des animaux immondes, il leur est aussi possible de parler par le moyen des tables, d'écrire avec les pieds d'une table ou d'une chaise, d'adopter le langage et d'imiter la voix des morts ou des absents, de raconter des choses qui nous sont inconnues ou qui nous paraissent impossibles, mais qu'en leur qualité d'Esprits ils peuvent voir et entendre. Toutefois, malheur aux hommes insensés, oisifs, imprévoyants et criminellement indiscrets qui cherchent leur passe-temps dans des jongleries diaboliques, qui ne craignent point de recourir à des moyens superstitieux et défendus pour arriver à la connaissance de l'avenir et d'autres mystères que le démon ignore ou ne connaît qu'imparfaitement ! Qui aime le péril périra dans le péril ; qui joue avec les serpents venimeux n'échappera pas à leur dard meurtrier ; qui se précipite dans les flammes sera réduit en cendres ; qui recherche la société des menteurs et des fourbes deviendra nécessairement leur victime. C'est là un commerce avec les mauvais anges, auquel les prophètes de l'Ancien Testament donnent un nom qu'on ne porte pas volontiers dans une chaire chrétienne. Quand ces évocations ont lieu, le malin Esprit pourra bien dire d'abord l'une ou l'autre vérité, et parler selon les désirs des curieux, afin de gagner leur confiance. Mais les personnes impatientes de pénétrer des mystères sont-elles séduites, éblouies, alors se rapproche de leurs lèvres la coupe empoisonnée ; on les rassasie de toutes sortes de mensonges et d'impiétés, on les dépouille de tous les principes chrétiens, de tous les pieux sentiments. Heureux celui qui s'aperçoit à temps qu'il est tombé entre des mains diaboliques et qui peut, avec le secours de Dieu, repousser les liens dont il allait être chargé !… »
Tant que nos antagonistes resteront sur le terrain de la discussion théologique, nous invitons ceux de nos frères qui veulent bien écouter nos avis, à s'abstenir de toute récrimination, car la liberté d'opinion doit être pour eux comme pour nous. Le Spiritisme ne s'impose pas, il s'accepte ; il donne ses raisons et ne trouve pas mauvais qu'on les combatte, pourvu que ce soit avec des armes loyales, et s'en remet au bon sens public pour prononcer. S'il repose sur la vérité, il triomphera quand même ; si ses arguments sont faux, la violence ne les rendra pas meilleurs. Le Spiritisme ne veut pas être cru sur parole ; il veut le libre examen ; sa propagande se fait en disant : Voyez le pour et le contre ; jugez ce qui satisfait le mieux votre jugement, ce qui répond le mieux à vos espérances et à vos aspirations, ce qui touche le plus votre cœur, et décidez-vous en connaissance de cause.
En blâmant, chez nos adversaires, l'inconvenance des paroles et les personnalités, les Spirites ne doivent pas encourir le même reproche ; la modération a fait leur force ; nous les adjurons de ne s'en point départir. Au nom des principes du Spiritisme, et dans l'intérêt de la cause, nous déclinons toute solidarité avec toute polémique agressive et inconvenante de quelque part qu'elle vienne.
A côté de quelques faits regrettables, comme celui de Marmande, nous en pourrions citer bon nombre d'un tout autre caractère, si nous ne craignions d'attirer des désagréments à leurs auteurs, c'est pourquoi nous ne le faisons qu'avec la plus grande réserve.
Une dame que nous connaissons personnellement, bon médium, fervente Spirite ainsi que son mari, était, il y a six mois, à l'article de la mort ; elle puisait dans sa croyance et dans sa foi en l'avenir une consolante résignation à ce moment suprême, qu'elle voyait approcher sans effroi. Sur sa demande, le curé de la paroisse, respectable vieillard, vint pour l'administrer. Vous savez, lui dit-elle, que nous sommes Spirites ; me donnerez-vous, malgré cela, les sacrements de l'Église ? ‑ Pourquoi pas ? répondit le bon curé ; cette croyance vous console ; elle vous rend tous les deux pieux et charitables ; je ne vois point de mal à cela. Je connais le Livre des Esprits ; je ne vous dirai pas qu'il m'a convaincu sur tous les points, mais il contient la morale que tout chrétien doit suivre, et je ne vous blâme pas de le lire ; seulement, s'il y a de bons Esprits, il y en a aussi de mauvais ; c'est contre ceux-là qu'il faut vous tenir en garde ; ce sont ceux-là qu'il faut vous attacher à distinguer. D'ailleurs, voyez-vous, mon enfant, la vraie religion consiste dans la prière du cœur et dans la pratique des bonnes œuvres ; vous avez foi en Dieu, vous priez avec ferveur, vous assistez votre prochain autant que vous le pouvez, je puis donc vous donner l'absolution. »
« Le démon se cache sous toutes les formes possibles, pour éterniser sa conspiration contre Dieu et les hommes, pour continuer son œuvre de séduction. Au paradis, il s'est déguisé sous la forme du serpent ; s'il le faut, ou si cela peut contribuer à la réalisation de ses projets, il se transforme en ange de lumière, comme le prouvent mille exemples consignés dans l'histoire.
A une époque plus récente, le démon a même retiré de l'arsenal de l'enfer des armes usées par l'âge et couvertes de rouille dont il s'était servi aux temps les plus reculés, mais particulièrement au deuxième et troisième siècle, pour combattre le christianisme. Les tables tournantes, les Esprits frappeurs, les évocations, etc., sont autant d'artifices, et Dieu les permet pour le châtiment des hommes impies, curieux et légers. Si les mauvais génies, comme l'assurent les saintes Écritures, remplissent l'air, s'ils s'unissent aux hommes dans leurs corps et dans leurs âmes (voyez le livre de Job et maints autres passages de l'Écriture), s'ils peuvent faire parler du bois, une pierre, un serpent, des chèvres, une ânesse ; si, près du lac de Génésareth, ils reçoivent, sur leur propre demande, la permission d'entrer dans des animaux immondes, il leur est aussi possible de parler par le moyen des tables, d'écrire avec les pieds d'une table ou d'une chaise, d'adopter le langage et d'imiter la voix des morts ou des absents, de raconter des choses qui nous sont inconnues ou qui nous paraissent impossibles, mais qu'en leur qualité d'Esprits ils peuvent voir et entendre. Toutefois, malheur aux hommes insensés, oisifs, imprévoyants et criminellement indiscrets qui cherchent leur passe-temps dans des jongleries diaboliques, qui ne craignent point de recourir à des moyens superstitieux et défendus pour arriver à la connaissance de l'avenir et d'autres mystères que le démon ignore ou ne connaît qu'imparfaitement ! Qui aime le péril périra dans le péril ; qui joue avec les serpents venimeux n'échappera pas à leur dard meurtrier ; qui se précipite dans les flammes sera réduit en cendres ; qui recherche la société des menteurs et des fourbes deviendra nécessairement leur victime. C'est là un commerce avec les mauvais anges, auquel les prophètes de l'Ancien Testament donnent un nom qu'on ne porte pas volontiers dans une chaire chrétienne. Quand ces évocations ont lieu, le malin Esprit pourra bien dire d'abord l'une ou l'autre vérité, et parler selon les désirs des curieux, afin de gagner leur confiance. Mais les personnes impatientes de pénétrer des mystères sont-elles séduites, éblouies, alors se rapproche de leurs lèvres la coupe empoisonnée ; on les rassasie de toutes sortes de mensonges et d'impiétés, on les dépouille de tous les principes chrétiens, de tous les pieux sentiments. Heureux celui qui s'aperçoit à temps qu'il est tombé entre des mains diaboliques et qui peut, avec le secours de Dieu, repousser les liens dont il allait être chargé !… »
Tant que nos antagonistes resteront sur le terrain de la discussion théologique, nous invitons ceux de nos frères qui veulent bien écouter nos avis, à s'abstenir de toute récrimination, car la liberté d'opinion doit être pour eux comme pour nous. Le Spiritisme ne s'impose pas, il s'accepte ; il donne ses raisons et ne trouve pas mauvais qu'on les combatte, pourvu que ce soit avec des armes loyales, et s'en remet au bon sens public pour prononcer. S'il repose sur la vérité, il triomphera quand même ; si ses arguments sont faux, la violence ne les rendra pas meilleurs. Le Spiritisme ne veut pas être cru sur parole ; il veut le libre examen ; sa propagande se fait en disant : Voyez le pour et le contre ; jugez ce qui satisfait le mieux votre jugement, ce qui répond le mieux à vos espérances et à vos aspirations, ce qui touche le plus votre cœur, et décidez-vous en connaissance de cause.
En blâmant, chez nos adversaires, l'inconvenance des paroles et les personnalités, les Spirites ne doivent pas encourir le même reproche ; la modération a fait leur force ; nous les adjurons de ne s'en point départir. Au nom des principes du Spiritisme, et dans l'intérêt de la cause, nous déclinons toute solidarité avec toute polémique agressive et inconvenante de quelque part qu'elle vienne.
A côté de quelques faits regrettables, comme celui de Marmande, nous en pourrions citer bon nombre d'un tout autre caractère, si nous ne craignions d'attirer des désagréments à leurs auteurs, c'est pourquoi nous ne le faisons qu'avec la plus grande réserve.
Une dame que nous connaissons personnellement, bon médium, fervente Spirite ainsi que son mari, était, il y a six mois, à l'article de la mort ; elle puisait dans sa croyance et dans sa foi en l'avenir une consolante résignation à ce moment suprême, qu'elle voyait approcher sans effroi. Sur sa demande, le curé de la paroisse, respectable vieillard, vint pour l'administrer. Vous savez, lui dit-elle, que nous sommes Spirites ; me donnerez-vous, malgré cela, les sacrements de l'Église ? ‑ Pourquoi pas ? répondit le bon curé ; cette croyance vous console ; elle vous rend tous les deux pieux et charitables ; je ne vois point de mal à cela. Je connais le Livre des Esprits ; je ne vous dirai pas qu'il m'a convaincu sur tous les points, mais il contient la morale que tout chrétien doit suivre, et je ne vous blâme pas de le lire ; seulement, s'il y a de bons Esprits, il y en a aussi de mauvais ; c'est contre ceux-là qu'il faut vous tenir en garde ; ce sont ceux-là qu'il faut vous attacher à distinguer. D'ailleurs, voyez-vous, mon enfant, la vraie religion consiste dans la prière du cœur et dans la pratique des bonnes œuvres ; vous avez foi en Dieu, vous priez avec ferveur, vous assistez votre prochain autant que vous le pouvez, je puis donc vous donner l'absolution. »
Nous
n'aurions pas pris l'initiative du fait suivant, mais nous n'avons aucun motif
de nous abstenir, puisqu'il est reproduit dans plusieurs journaux, entre autres
l'Opinion nationale et le Siècle du 22 février 1864, d'après le Bulletin
diplomatique.
« Une lettre émanant d'une personne bien informée révèle que, récemment, dans un conseil privé, où était agitée la question danoise, la reine (Victoria) déclara qu'elle ne ferait rien sans consulter le prince Albert ; et en effet, après s'être retirée quelque temps dans son cabinet, elle revint en disant : que le prince se prononçait contre la guerre. Ce fait et d'autres semblables ont transpiré et donné naissance à la pensée qu'il serait opportun d'établir une régence. »
Nous avions donc raison quand nous avons écrit que le Spiritisme a des adeptes jusque sur les marches des trônes ; nous aurions pu dire : jusque sur les trônes. Mais on voit que les souverains eux-mêmes n'échappent pas à la qualification donnée à ceux qui croient aux communications d'outre-tombe. Les Spirites, que l'on traite de fous, doivent se consoler d'être en si bonne compagnie. La contagion est donc bien grande, puisqu'elle monte si haut ! Parmi les princes étrangers nous en savons bon nombre qui ont cette prétendue faiblesse, puisqu'il en est qui font partie de la Société spirite de Paris. Comment veut-on que l'idée ne pénètre pas la société tout entière quand elle part de tous les degrés de l'échelle ?
M. le curé de Marmande peut voir par là qu'il n'y a pas des médiums que parmi les décrotteurs.
Le Journal de Poitiers, qui rapporte le même fait, le fait suivre de cette réflexion :
« Tomber ainsi dans le domaine des Esprits, n'est-ce pas abandonner celui des réalités qui seules ont droit de mener le monde ? »
Nous sommes, jusqu'à un certain point, de l'avis du journal, mais à un autre point de vue. Pour lui les Esprits ne sont pas des réalités, car selon certaines personnes, il n'y a de réalités que dans ce qu'on voit et ce qu'on touche ; or, à ce compte, Dieu ne serait pas une réalité, et cependant qui oserait dire qu'il ne mène pas le monde ? qu'il n'y a pas des événements providentiels pour amener tel résultat déterminé ? Eh bien, les Esprits sont les instruments de sa volonté ; ils inspirent les hommes, les sollicitent à leur insu à faire telle ou telle chose, à agir dans un sens plutôt que dans un autre, et cela dans les grandes résolutions comme dans les circonstances de la vie privée. Sous ce rapport donc, nous ne sommes pas de l'opinion du journal.
Si les Esprits inspirent d'une marnière occulte, c'est afin de laisser à l'homme son libre arbitre et la responsabilité de ses actes. S'il reçoit l'inspiration d'un mauvais Esprit, il peut être certain de recevoir en même temps celle d'un bon Esprit, car Dieu ne laisse jamais l'homme sans défense contre les mauvaises suggestions ; c'est à lui de peser et de décider selon sa conscience.
Dans les communications ostensibles par voie médianimique, l'homme ne doit pas davantage faire abnégation de son libre arbitre ; ce serait un tort de régler aveuglément et sans examen tous ses pas et démarches d'après l'avis des Esprits, parce qu'il en est qui peuvent avoir encore les idées et les préjugés de la vie ; il n'y a que les Esprits très supérieurs qui en sont exempts. Les Esprits donnent leur avis, leur opinion ; en cas de doute, on peut discuter avec eux comme on le faisait de leur vivant ; alors on peut peser la force de leurs arguments. Les Esprits vraiment bons ne s'y refusent jamais ; ceux qui repoussent tout examen, qui prescrivent une soumission absolue, prouvent qu'ils comptent peu sur la bonté de leurs raisons pour convaincre, et doivent être tenus pour suspects.
En principe, les Esprits ne viennent pas nous conduire à la lisière ; le but de leurs instructions est de nous rendre meilleurs, de donner la foi à ceux qui ne l'ont pas, et non de nous épargner la peine de penser par nous-mêmes.
Voilà ce que ne savent pas ceux qui critiquent les relations d'outre-tombe ; ils les trouvent absurdes, parce qu'ils les jugent sur l'idée qu'ils s'en font, et non sur la réalité qu'ils ne connaissent pas. Il ne faut pas non plus juger les manifestations sur l'abus ou les fausses applications qu'en peuvent faire quelques personnes, pas plus qu'il ne serait rationnel de juger la religion sur les mauvais prêtres ; or, pour savoir s'il y a bonne ou mauvaise application d'une chose, il faut la connaître, non superficiellement, mais à fond. Si vous allez à un concert pour savoir si la musique est bonne, et si les musiciens l'exécutent bien, il faut avant tout savoir la musique.
Ceci étant posé, peut servir de base pour apprécier le fait dont il s'agit. Blâmerait-on la reine si elle eût dit : « Messieurs, le cas est grave, permettez-moi de me recueillir un instant et de prier Dieu de m'inspirer la résolution que je dois prendre ? » Le prince n'est pas Dieu, c'est vrai ; mais, comme elle est pieuse, il est probable qu'elle aura prié Dieu d'inspirer la réponse du prince, ce qui revient au même ; elle le fait intervenir comme intermédiaire, en raison de l'affection qu'elle lui porte.
Les choses peuvent encore s'être passées d'une autre manière. Si du vivant du prince la reine avait l'habitude de ne rien faire sans son avis, celui-ci étant mort, elle lui demande son opinion comme s'il était vivant, et non parce qu'il est Esprit, car, pour elle, il n'est pas mort ; il est toujours près d'elle, son guide, son conseil officieux ; il n'y a entre elle et lui que le corps de moins ; si le prince vivait, elle aurait fait de même ; il n'y a donc rien de changé dans sa manière d'agir.
Maintenant, la politique du prince-Esprit est-elle bonne ou mauvaise ? c'est ce qu'il ne nous appartient pas d'examiner. Ce que nous devions relever, c'est l'opinion de ceux à qui il paraît bizarre, puéril, stupide même qu'une personne dans son bon sens puisse croire à la réalité de quelqu'un qui n'a plus de corps, parce qu'il leur plaît de penser qu'eux-mêmes, lorsqu'ils seront morts, ne seront plus rien du tout. A leurs yeux, la reine n'a pas fait un acte plus sensé que si elle eût dit : « Messieurs, je vais interroger mes cartes, ou un astrologue. »
Si ce fait est sans grande conséquence pour la politique, il n'en est pas de même au point de vue spirite, par le retentissement qu'il a eu. La reine pouvait assurément s'abstenir de dire le motif de son absence et que tel était l'avis du prince. Le dire dans une circonstance aussi solennelle, c'était faire acte en quelque sorte public de croyance aux Esprits et à leurs manifestations, et se reconnaître médium ; or, quand un tel exemple vient d'une tête couronnée, cela peut bien donner le courage de l'opinion à de moins hauts placés.
On ne peut qu'admirer la fécondité des moyens employés par les Esprits pour obliger les incrédules à parler du Spiritisme et en faire pénétrer l'idée dans tous les rangs de la société. Dans cette circonstance, force leur est de critiquer avec ménagement.
« Une lettre émanant d'une personne bien informée révèle que, récemment, dans un conseil privé, où était agitée la question danoise, la reine (Victoria) déclara qu'elle ne ferait rien sans consulter le prince Albert ; et en effet, après s'être retirée quelque temps dans son cabinet, elle revint en disant : que le prince se prononçait contre la guerre. Ce fait et d'autres semblables ont transpiré et donné naissance à la pensée qu'il serait opportun d'établir une régence. »
Nous avions donc raison quand nous avons écrit que le Spiritisme a des adeptes jusque sur les marches des trônes ; nous aurions pu dire : jusque sur les trônes. Mais on voit que les souverains eux-mêmes n'échappent pas à la qualification donnée à ceux qui croient aux communications d'outre-tombe. Les Spirites, que l'on traite de fous, doivent se consoler d'être en si bonne compagnie. La contagion est donc bien grande, puisqu'elle monte si haut ! Parmi les princes étrangers nous en savons bon nombre qui ont cette prétendue faiblesse, puisqu'il en est qui font partie de la Société spirite de Paris. Comment veut-on que l'idée ne pénètre pas la société tout entière quand elle part de tous les degrés de l'échelle ?
M. le curé de Marmande peut voir par là qu'il n'y a pas des médiums que parmi les décrotteurs.
Le Journal de Poitiers, qui rapporte le même fait, le fait suivre de cette réflexion :
« Tomber ainsi dans le domaine des Esprits, n'est-ce pas abandonner celui des réalités qui seules ont droit de mener le monde ? »
Nous sommes, jusqu'à un certain point, de l'avis du journal, mais à un autre point de vue. Pour lui les Esprits ne sont pas des réalités, car selon certaines personnes, il n'y a de réalités que dans ce qu'on voit et ce qu'on touche ; or, à ce compte, Dieu ne serait pas une réalité, et cependant qui oserait dire qu'il ne mène pas le monde ? qu'il n'y a pas des événements providentiels pour amener tel résultat déterminé ? Eh bien, les Esprits sont les instruments de sa volonté ; ils inspirent les hommes, les sollicitent à leur insu à faire telle ou telle chose, à agir dans un sens plutôt que dans un autre, et cela dans les grandes résolutions comme dans les circonstances de la vie privée. Sous ce rapport donc, nous ne sommes pas de l'opinion du journal.
Si les Esprits inspirent d'une marnière occulte, c'est afin de laisser à l'homme son libre arbitre et la responsabilité de ses actes. S'il reçoit l'inspiration d'un mauvais Esprit, il peut être certain de recevoir en même temps celle d'un bon Esprit, car Dieu ne laisse jamais l'homme sans défense contre les mauvaises suggestions ; c'est à lui de peser et de décider selon sa conscience.
Dans les communications ostensibles par voie médianimique, l'homme ne doit pas davantage faire abnégation de son libre arbitre ; ce serait un tort de régler aveuglément et sans examen tous ses pas et démarches d'après l'avis des Esprits, parce qu'il en est qui peuvent avoir encore les idées et les préjugés de la vie ; il n'y a que les Esprits très supérieurs qui en sont exempts. Les Esprits donnent leur avis, leur opinion ; en cas de doute, on peut discuter avec eux comme on le faisait de leur vivant ; alors on peut peser la force de leurs arguments. Les Esprits vraiment bons ne s'y refusent jamais ; ceux qui repoussent tout examen, qui prescrivent une soumission absolue, prouvent qu'ils comptent peu sur la bonté de leurs raisons pour convaincre, et doivent être tenus pour suspects.
En principe, les Esprits ne viennent pas nous conduire à la lisière ; le but de leurs instructions est de nous rendre meilleurs, de donner la foi à ceux qui ne l'ont pas, et non de nous épargner la peine de penser par nous-mêmes.
Voilà ce que ne savent pas ceux qui critiquent les relations d'outre-tombe ; ils les trouvent absurdes, parce qu'ils les jugent sur l'idée qu'ils s'en font, et non sur la réalité qu'ils ne connaissent pas. Il ne faut pas non plus juger les manifestations sur l'abus ou les fausses applications qu'en peuvent faire quelques personnes, pas plus qu'il ne serait rationnel de juger la religion sur les mauvais prêtres ; or, pour savoir s'il y a bonne ou mauvaise application d'une chose, il faut la connaître, non superficiellement, mais à fond. Si vous allez à un concert pour savoir si la musique est bonne, et si les musiciens l'exécutent bien, il faut avant tout savoir la musique.
Ceci étant posé, peut servir de base pour apprécier le fait dont il s'agit. Blâmerait-on la reine si elle eût dit : « Messieurs, le cas est grave, permettez-moi de me recueillir un instant et de prier Dieu de m'inspirer la résolution que je dois prendre ? » Le prince n'est pas Dieu, c'est vrai ; mais, comme elle est pieuse, il est probable qu'elle aura prié Dieu d'inspirer la réponse du prince, ce qui revient au même ; elle le fait intervenir comme intermédiaire, en raison de l'affection qu'elle lui porte.
Les choses peuvent encore s'être passées d'une autre manière. Si du vivant du prince la reine avait l'habitude de ne rien faire sans son avis, celui-ci étant mort, elle lui demande son opinion comme s'il était vivant, et non parce qu'il est Esprit, car, pour elle, il n'est pas mort ; il est toujours près d'elle, son guide, son conseil officieux ; il n'y a entre elle et lui que le corps de moins ; si le prince vivait, elle aurait fait de même ; il n'y a donc rien de changé dans sa manière d'agir.
Maintenant, la politique du prince-Esprit est-elle bonne ou mauvaise ? c'est ce qu'il ne nous appartient pas d'examiner. Ce que nous devions relever, c'est l'opinion de ceux à qui il paraît bizarre, puéril, stupide même qu'une personne dans son bon sens puisse croire à la réalité de quelqu'un qui n'a plus de corps, parce qu'il leur plaît de penser qu'eux-mêmes, lorsqu'ils seront morts, ne seront plus rien du tout. A leurs yeux, la reine n'a pas fait un acte plus sensé que si elle eût dit : « Messieurs, je vais interroger mes cartes, ou un astrologue. »
Si ce fait est sans grande conséquence pour la politique, il n'en est pas de même au point de vue spirite, par le retentissement qu'il a eu. La reine pouvait assurément s'abstenir de dire le motif de son absence et que tel était l'avis du prince. Le dire dans une circonstance aussi solennelle, c'était faire acte en quelque sorte public de croyance aux Esprits et à leurs manifestations, et se reconnaître médium ; or, quand un tel exemple vient d'une tête couronnée, cela peut bien donner le courage de l'opinion à de moins hauts placés.
On ne peut qu'admirer la fécondité des moyens employés par les Esprits pour obliger les incrédules à parler du Spiritisme et en faire pénétrer l'idée dans tous les rangs de la société. Dans cette circonstance, force leur est de critiquer avec ménagement.
Nous
avons reçu du Havre un faire-part de décès avec cette souscription :
« Prions, Que le Dieu tout-puissant et miséricordieux, et les bons Esprits, veuillent bien l'accueillir favorablement. »
La lettre contenait la mention : « Munie des sacrements de l'Église. »
C'est la première fois, à notre connaissance du moins, qu'une semblable profession de foi publique a été faite en pareille circonstance. Il faut savoir gré à la famille du bon exemple qu'elle vient de donner. Peu de personnes, en général, à l'exception des plus proches parents, tiennent compte de l'invitation contenue dans les faire-part de prier pour le défunt. Nous sommes persuadés que tous les Spirites, même étrangers à la famille, qui auront reçu celui-ci, auront regardé comme un devoir d'accomplir le vœu qui y est exprimé. La prière n'est point pour eux une formule banale ; ils savent l'influence qu'elle exerce au moment de la mort sur le dégagement de l'âme.
« Prions, Que le Dieu tout-puissant et miséricordieux, et les bons Esprits, veuillent bien l'accueillir favorablement. »
La lettre contenait la mention : « Munie des sacrements de l'Église. »
C'est la première fois, à notre connaissance du moins, qu'une semblable profession de foi publique a été faite en pareille circonstance. Il faut savoir gré à la famille du bon exemple qu'elle vient de donner. Peu de personnes, en général, à l'exception des plus proches parents, tiennent compte de l'invitation contenue dans les faire-part de prier pour le défunt. Nous sommes persuadés que tous les Spirites, même étrangers à la famille, qui auront reçu celui-ci, auront regardé comme un devoir d'accomplir le vœu qui y est exprimé. La prière n'est point pour eux une formule banale ; ils savent l'influence qu'elle exerce au moment de la mort sur le dégagement de l'âme.
Conclusion
L'ordre
qui avait été donné à M. Home, par les autorités pontificales, de quitter Rome
sous trois jours, avait d'abord été rapporté, ainsi qu'on l'a vu dans notre
dernier numéro ; mais on ne commande pas à la peur et l'on s'est
ravisé ; le permis de séjour a été définitivement retiré, et M. Home
a dû partir instantanément sous prévention de sorcellerie. Il est bon de dire
que le fait des coups frappés et de la table soulevée pendant l'interrogatoire,
que nous n'avons rapporté que sous forme dubitative, n'en ayant pas la
certitude, est exact ; ce devait être un motif de plus de penser que M.
Home amenait avec lui à Rome le diable, qui n'y a jamais pénétré, à ce qu'il
paraît. Le voilà donc bien et dûment convaincu, de par le gouvernement romain,
d'être un sorcier ; non pas un sorcier pour rire, mais un vrai sorcier,
autrement on n'aurait pas pris la chose au sérieux. Nous avons eu sous les yeux
le long interrogatoire qu'on lui a fait subir, et cette lecture, par la forme
des demandes, nous a involontairement reporté au temps de Jeanne d'Arc ;
il n'y a manqué que la conclusion ordinaire à cette époque pour ces sortes
d'accusations. Les journaux railleurs s'étonnent qu'au dix-neuvième siècle on
croie encore aux sorciers ; c'est qu'il est des gens qui dorment du
sommeil d'Epiménide depuis quatre siècles ; comment d'ailleurs le peuple
n'y croirait-il pas, quand leur existence est attestée par l'autorité qui doit
le mieux s'y connaître, puisqu'elle en a tant fait brûler ? Il faut être
sceptique comme un journaliste pour ne pas se rendre à une preuve aussi
évidente. Ce qui est plus surprenant, c'est qu'on fasse revivre les sorciers
dans les Spirites, eux qui viennent prouver, pièces en mains, qu'il n'y a ni
sorciers ni merveilleux, mais seulement des lois naturelles.
Instructions des Esprits
Nota. ‑ Notre collègue, M. Leymarie, poussé par une force involontaire,
s'étant un de ces jours levé plus tôt que d'habitude, se sentit
involontairement sollicité à écrire, et il obtint la dissertation
spontanée suivante : Une génération d'ouvriers a maudit mon nom ;
avaient-ils raison ? avaient-ils tort ? Hélas ! c'est l'avenir qui
devait répondre. J'avais une idée fixe, celle de perfectionner, et
surtout d'économiser en supprimant quelques mains ; je voulais
simplifier le métier à la Vaucanson, qui prenait l'enfant en bas âge
pour en faire ce paria singulier, pâle, chétif, à l'air étonné, au
langage burlesque, qui formait une population à part de ma ville natale.
Mon Esprit avait une tension continuelle ; je m'endormais pour trouver au réveil un plan nouveau ; au lieu d'images et de sentiments ma pensée était un rouage, un cylindre, des ressorts, des poulies, des leviers ; dans mes rêves je voyais apparaître mon ange gardien qui mettait en mouvement toutes mes inspirations, toutes les œuvres des mains de l'homme. On l'a dit avec raison : « Les mécaniciens sont les poètes de la matière ; » les plus belles machines sont sortit toutes faites du cerveau d'un ouvrier ; les notions mécaniques qu'il ne possède pas, il les recrée de nouveau ; la patience et l'imagination sont ses seules ressources. C'est, il est vrai, une inspiration des bons Esprits méprisée par les académies ou savants de profession ; mais il n'est pas moins vrai que si Archimède et Vaucanson sont les génies de la mécanique, les Virgiles, si vous voulez, ce n'est que cette patience, jointe à une imagination vive, qui crée toutes les découvertes dont s'honore l'humanité, et cela par qui ? par des moines, des potiers de terre, des cardeurs de laine, des bergers, des matelots, un ouvrier en soie, un forgeron ignorant.
Humble ouvrier, je n'étais pas un génie, mais, comme tant d'autres, un prédestiné appelé à simplifier un métier qui disloquait les membres en abrégeant la vie à des milliers d'enfants. J'ai supprimé un supplice physique ; j'ai, tout en servant l'industrie, servi le genre humain.
Il faut admirer la Providence, qui se sert d'un pauvre Jacquard pour transformer un métier qui nourrit des milliers, que dis-je, des millions d'hommes sur la terre ; et c'est un insecte dont le tombeau salarie, transforme et nourrit les deux cinquièmes du globe. Dieu n'est-il pas un mécanicien merveilleux ? Il a créé le ver à soie, cet ingénieux artiste dans lequel il fait trouver le plus vaste problème d'économie politique. Quel enseignement pour les orgueilleux et les indifférents ! Question des machines ! terrible question ! Chaque invention arrache l'outil et le pain à des populations entières ; l'inventeur est donc un ennemi de près, un bienfaiteur à distance ; il décuple la puissance de l'art et de l'industrie ; il multiplie le travail dans l'avenir ; il mérite bien de l'humanité, mais aussi ne cause-t-il pas un mal présent ? Le premier inventeur de la machine à filer a détruit la ressource de bien des gens. Qui filait la matière brute, sinon la mère de famille, la bergère, les vieilles femmes ? Si minime que fût leur salaire, du moins il les habillait, les faisait vivre tant bien que mal.
Semblables aux inventeurs de vérités religieuses, politiques ou morales, les inventeurs de machines révolutionnent la matière ; précurseurs de l'avenir, ils ouvrent violemment leur route à travers les intérêts, foulant sous leurs pieds le passé ; aussi sont-ils, en attendant leur récompense éloignée, maudits par leurs concitoyens. Pauvre humanité ! tu es stupide si tu t'arrêtes, cruelle si tu marches ; tu dois, selon Dieu, ne pas rester stationnaire si tu ne veux perpétuer le mal, mais, pour accomplir le bien, tu es révolutionnaire quand même.
Et c'est pour cela qu'en ce temps de transition Dieu vous dit : Soyez Spirites ; c'est-à-dire profondément imbus d'initiative morale et désintéressée ; c'est-à-dire prêts à tous les sacrifices, afin que votre existence s'accomplisse. Comme le ver à soie, j'ai péniblement rampé, soutenu par les bons Esprits ; comme lui, j'ai filé ma prison, donné tout ce que j'avais ; comme lui, mes contemporains m'ont dédaigné ; mais aussi, comme lui l'Esprit renaît de ses cendres pour vivre vraiment et admirer ce mécanicien des mondes, ce Dieu de lumière et de bonté qui a bien voulu enseigner à ma ville natale cet Esprit de vérité qui la vivifie et la console.
Jacquard.
Cette communication ayant été lue à la société de Paris, dans la séance du 12 février 1864, on évoqua l'Esprit de Jacquard, auquel furent adressées les questions suivantes. Il y fit la réponse ci-après :
Mon Esprit avait une tension continuelle ; je m'endormais pour trouver au réveil un plan nouveau ; au lieu d'images et de sentiments ma pensée était un rouage, un cylindre, des ressorts, des poulies, des leviers ; dans mes rêves je voyais apparaître mon ange gardien qui mettait en mouvement toutes mes inspirations, toutes les œuvres des mains de l'homme. On l'a dit avec raison : « Les mécaniciens sont les poètes de la matière ; » les plus belles machines sont sortit toutes faites du cerveau d'un ouvrier ; les notions mécaniques qu'il ne possède pas, il les recrée de nouveau ; la patience et l'imagination sont ses seules ressources. C'est, il est vrai, une inspiration des bons Esprits méprisée par les académies ou savants de profession ; mais il n'est pas moins vrai que si Archimède et Vaucanson sont les génies de la mécanique, les Virgiles, si vous voulez, ce n'est que cette patience, jointe à une imagination vive, qui crée toutes les découvertes dont s'honore l'humanité, et cela par qui ? par des moines, des potiers de terre, des cardeurs de laine, des bergers, des matelots, un ouvrier en soie, un forgeron ignorant.
Humble ouvrier, je n'étais pas un génie, mais, comme tant d'autres, un prédestiné appelé à simplifier un métier qui disloquait les membres en abrégeant la vie à des milliers d'enfants. J'ai supprimé un supplice physique ; j'ai, tout en servant l'industrie, servi le genre humain.
Il faut admirer la Providence, qui se sert d'un pauvre Jacquard pour transformer un métier qui nourrit des milliers, que dis-je, des millions d'hommes sur la terre ; et c'est un insecte dont le tombeau salarie, transforme et nourrit les deux cinquièmes du globe. Dieu n'est-il pas un mécanicien merveilleux ? Il a créé le ver à soie, cet ingénieux artiste dans lequel il fait trouver le plus vaste problème d'économie politique. Quel enseignement pour les orgueilleux et les indifférents ! Question des machines ! terrible question ! Chaque invention arrache l'outil et le pain à des populations entières ; l'inventeur est donc un ennemi de près, un bienfaiteur à distance ; il décuple la puissance de l'art et de l'industrie ; il multiplie le travail dans l'avenir ; il mérite bien de l'humanité, mais aussi ne cause-t-il pas un mal présent ? Le premier inventeur de la machine à filer a détruit la ressource de bien des gens. Qui filait la matière brute, sinon la mère de famille, la bergère, les vieilles femmes ? Si minime que fût leur salaire, du moins il les habillait, les faisait vivre tant bien que mal.
Semblables aux inventeurs de vérités religieuses, politiques ou morales, les inventeurs de machines révolutionnent la matière ; précurseurs de l'avenir, ils ouvrent violemment leur route à travers les intérêts, foulant sous leurs pieds le passé ; aussi sont-ils, en attendant leur récompense éloignée, maudits par leurs concitoyens. Pauvre humanité ! tu es stupide si tu t'arrêtes, cruelle si tu marches ; tu dois, selon Dieu, ne pas rester stationnaire si tu ne veux perpétuer le mal, mais, pour accomplir le bien, tu es révolutionnaire quand même.
Et c'est pour cela qu'en ce temps de transition Dieu vous dit : Soyez Spirites ; c'est-à-dire profondément imbus d'initiative morale et désintéressée ; c'est-à-dire prêts à tous les sacrifices, afin que votre existence s'accomplisse. Comme le ver à soie, j'ai péniblement rampé, soutenu par les bons Esprits ; comme lui, j'ai filé ma prison, donné tout ce que j'avais ; comme lui, mes contemporains m'ont dédaigné ; mais aussi, comme lui l'Esprit renaît de ses cendres pour vivre vraiment et admirer ce mécanicien des mondes, ce Dieu de lumière et de bonté qui a bien voulu enseigner à ma ville natale cet Esprit de vérité qui la vivifie et la console.
Jacquard.
Cette communication ayant été lue à la société de Paris, dans la séance du 12 février 1864, on évoqua l'Esprit de Jacquard, auquel furent adressées les questions suivantes. Il y fit la réponse ci-après :
(Société Spirite de Paris, 12 février 1864. ‑ Médium, M. Leymarie.)
Demande. ‑ Vous avez dû, sans doute, vous communiquer à Lyon, et cependant je ne me souviens pas d'avoir vu des communications de vous ? Comment se fait-il que vous soyez venu donner la dissertation que nous venons de lire à M. Leymarie, à Paris, plutôt que dans un des centres spirites de Lyon ? Pourquoi M. Leymarie a-t-il été, en quelque sorte, contraint de se lever de grand matin pour écrire cette communication ? Enfin, que pensez-vous du Spiritisme à Lyon ?
Réponse. ‑ Il est naturel que je me sois communiqué à Paris aussi bien que dans ma ville natale, car les parents du médium sont Lyonnais, et j'ai particulièrement connu son grand-père, qui m'a rendu un service important dans une circonstance exceptionnelle. Et puis, ce médium m'a été désigné par l'Esprit de son grand-père, qui remplit dans le monde des Esprits une mission identique à la mienne ; et comme cette mission me laisse un peu d'instants libres, j'ai cru ne pas mésuser du sommeil du médium dont le dévouement, comme celui de tant d'autres, est acquis à la cause qu'il sert. Je désirais aussi que mes compatriotes eussent de mes nouvelles par la Revue Spirite. Etant toujours auprès d'eux, partageant leurs joies et leurs peines, ne cessant de leur dire : « Aimez-vous et estimez-vous, » je voulais, unissant ma voix à d'autres plus influentes que la mienne, les engager, dans ce temps de chômage et de peines, à se préparer contre les éventualités, contre l'ennemi.
Par Lyon, vous pouvez comprendre ce que peut le Spiritisme interprété avec bon sens. Que sont devenues les violences du passé, ces récriminations injustes, ces soulèvements qui ont ensanglanté la ruche lyonnaise ? Et ces cabarets, jadis témoins de scènes licencieuses, pourquoi se vident-ils aujourd'hui ? C'est que la famille a repris ses droits partout où le Spiritisme a pénétré, partout où son influence bienfaisante s'est fait sentir ; et partout les ouvriers spirites sont revenus à l'espérance, à l'ordre, au travail intelligent, au désir de bien faire, à la volonté de progresser.
En mon temps, c'est mon invention qui, ne rendant plus le tisseur esclave de la machine, a pu régénérer tout un monde de travailleurs ; et c'est le Spiritisme, à son tour, qui transforme l'esprit de cette population en lui donnant la véritable initiation à la vie ; c'est toute une légion de bons Esprits qui vient dessiller les yeux et ouvrir à l'intelligence, à l'amour, des cœurs jusqu'alors pervertis.
Aujourd'hui, le Spiritisme entre dans une nouvelle phase, car c'est le temps des aspirations généreuses. La bourgeoisie, soumise encore au haut clergé, reste spectatrice du combat pacifique que l'idée nouvelle livre au non possumus du passé ; et tous attendent la fin de la bataille, afin de se ranger du côté des vainqueurs. Aussi, chers compatriotes, écoutez et suivez les conseils d'Allan Kardec : ce sont ceux de vos Esprits protecteurs. C'est par eux que vous écarterez le danger des collisions et même des coalitions. Plus vous serez humbles et sérieux et plus vous serez forts. Les arrogants baisseront pavillon devant la vérité qui les aveuglera ; et c'est alors qu'aura lieu la transformation spirituelle de cette grande cité que nous aimons tous et que chérit particulièrement la Société spirite de Paris, pour sa foi en l'avenir et les bonnes espérances qu'elle a su réaliser.
Jacquard.
Dans la même séance, et pendant que Jacquard écrivait la communication qu'on vient de lire, un autre médium, M. d'Ambel, en obtenait une sur le même sujet, signé de l'Esprit de Vaucanson.
Demande. ‑ Vous avez dû, sans doute, vous communiquer à Lyon, et cependant je ne me souviens pas d'avoir vu des communications de vous ? Comment se fait-il que vous soyez venu donner la dissertation que nous venons de lire à M. Leymarie, à Paris, plutôt que dans un des centres spirites de Lyon ? Pourquoi M. Leymarie a-t-il été, en quelque sorte, contraint de se lever de grand matin pour écrire cette communication ? Enfin, que pensez-vous du Spiritisme à Lyon ?
Réponse. ‑ Il est naturel que je me sois communiqué à Paris aussi bien que dans ma ville natale, car les parents du médium sont Lyonnais, et j'ai particulièrement connu son grand-père, qui m'a rendu un service important dans une circonstance exceptionnelle. Et puis, ce médium m'a été désigné par l'Esprit de son grand-père, qui remplit dans le monde des Esprits une mission identique à la mienne ; et comme cette mission me laisse un peu d'instants libres, j'ai cru ne pas mésuser du sommeil du médium dont le dévouement, comme celui de tant d'autres, est acquis à la cause qu'il sert. Je désirais aussi que mes compatriotes eussent de mes nouvelles par la Revue Spirite. Etant toujours auprès d'eux, partageant leurs joies et leurs peines, ne cessant de leur dire : « Aimez-vous et estimez-vous, » je voulais, unissant ma voix à d'autres plus influentes que la mienne, les engager, dans ce temps de chômage et de peines, à se préparer contre les éventualités, contre l'ennemi.
Par Lyon, vous pouvez comprendre ce que peut le Spiritisme interprété avec bon sens. Que sont devenues les violences du passé, ces récriminations injustes, ces soulèvements qui ont ensanglanté la ruche lyonnaise ? Et ces cabarets, jadis témoins de scènes licencieuses, pourquoi se vident-ils aujourd'hui ? C'est que la famille a repris ses droits partout où le Spiritisme a pénétré, partout où son influence bienfaisante s'est fait sentir ; et partout les ouvriers spirites sont revenus à l'espérance, à l'ordre, au travail intelligent, au désir de bien faire, à la volonté de progresser.
En mon temps, c'est mon invention qui, ne rendant plus le tisseur esclave de la machine, a pu régénérer tout un monde de travailleurs ; et c'est le Spiritisme, à son tour, qui transforme l'esprit de cette population en lui donnant la véritable initiation à la vie ; c'est toute une légion de bons Esprits qui vient dessiller les yeux et ouvrir à l'intelligence, à l'amour, des cœurs jusqu'alors pervertis.
Aujourd'hui, le Spiritisme entre dans une nouvelle phase, car c'est le temps des aspirations généreuses. La bourgeoisie, soumise encore au haut clergé, reste spectatrice du combat pacifique que l'idée nouvelle livre au non possumus du passé ; et tous attendent la fin de la bataille, afin de se ranger du côté des vainqueurs. Aussi, chers compatriotes, écoutez et suivez les conseils d'Allan Kardec : ce sont ceux de vos Esprits protecteurs. C'est par eux que vous écarterez le danger des collisions et même des coalitions. Plus vous serez humbles et sérieux et plus vous serez forts. Les arrogants baisseront pavillon devant la vérité qui les aveuglera ; et c'est alors qu'aura lieu la transformation spirituelle de cette grande cité que nous aimons tous et que chérit particulièrement la Société spirite de Paris, pour sa foi en l'avenir et les bonnes espérances qu'elle a su réaliser.
Jacquard.
Dans la même séance, et pendant que Jacquard écrivait la communication qu'on vient de lire, un autre médium, M. d'Ambel, en obtenait une sur le même sujet, signé de l'Esprit de Vaucanson.
Autrefois les hommes étaient attelés à la charrue ; ils étaient
sacrifiés à des travaux gigantesques, et la construction des remparts de
Babylone où plusieurs chars marchaient de front, l'édification des
Pyramides et l'installation des Sphinx ont coûté plus que dix sanglantes
batailles. Plus tard, les animaux furent asservis concurremment aux
hommes et l'on vit, dans la jeune Lutèce, des bœufs accouplés sous le
joug traîner le char où se prélassaient les rois fainéants de la seconde
race.
Ce préambule a pour objet de montrer à ceux qui nous écoutent, que toutes les questions posées dans ce centre sympathique aux Esprits obtiennent leur solution, soit par l'un, soit par l'autre d'entre nous. Ce cher Jacquard, cette gloire du métier à tisser, cet artisan ingénieux qui est tombé comme un vaillant soldat au champ d'honneur du travail, a traité un côté des questions économiques qui se rattachent au labeur humanitaire. Il m'a quelque peu mis en cause ; en parlant des modifications que j'avais moi-même apportées à l'art du tisseur et du tisserand, il m'a, pour ainsi dire, appelé à jouer ma partie dans ce concerto spirituel. C'est pourquoi, trouvant parmi vous un médium, né comme moi dans la vieille cité des Allobroges, cette reine du Grésivaudan, je m'en empare avec la permission de ses guides habituels et viens compléter pour une partie l'exposé que mon illustre ami de Lyon vous a donné par un autre médium.
Dans sa dissertation, fort remarquable du reste, il exprime encore certaines plaintes qui, sous l'inventeur, font retrouver l'ouvrier jaloux de son gagne-pain et redoutant le chômage homicide ; on sent que le père de famille s'épouvante d'une suspension de travail duquel dépend la vie des siens ; on devine le citoyen qui frémit devant le désastre qui peut atteindre la majorité de ses compatriotes. Ce sentiment est certes des plus honorables, mais dénote un point de vue d'une certaine étroitesse ; je viens traiter la même question que Jacquard, sinon plus largement que lui, du moins à un peint de vue plus général ; toutefois je dois constater, pour rendre hommage à qui de droit, que la généreuse conclusion de la communication de mon ami rachète amplement le côté défectueux que je signale.
L'homme n'est point fait pour rester un instrument inintelligent de productions : par ses aptitudes et sa place dans la création, par sa destinée, il est appelé à une autre fonction que celle de machine, à un autre rôle que celui de cheval de manège ; il doit, dans les limites posées par son état d'avancement, arriver à produire de plus en plus intellectuellement et s'émanciper enfin de cet état de servilisme et de rouage inintelligent auquel pendant tant de générations il est resté asservi. L'ouvrier est appelé à devenir ingénieur, et à voir substituer à ses bras laborieux des machines plus actives, plus infatigables et plus précises que lui ; l'artisan doit devenir artiste et conduire le travail mécanique par un effort de sa pensée et non plus par un effort de ses bras. Là est la preuve irrécusable de cette loi si large du progrès qui régit toutes les humanités.
Maintenant qu'il vous est permis d'entrevoir, par une échappée sur la vie future, la vérité des destinées humaines ; maintenant que vous êtes convaincus que cette existence n'est qu'un des chaînons de votre vie immortelle, je puis bien m'écrier : Qu'importe que cent mille individus succombent lorsqu'une machine a été découverte pour faire le travail de ces cent mille individus ! Pour le philosophe, qui s'élève au-dessus des préjugés et des intérêts terrestres, ce fait prouve tout uniment que l'homme n'était plus dans sa voie quand il se consacrait à ce labeur condamné par la Providence. En effet, c'est dans le champ de son intelligence que l'homme doit désormais faire passer la herse et la charrue qui fécondent ; et c'est par son intelligence seule qu'il pourra, qu'il devra arriver à mieux.
Ne donnez pas, je vous prie, à mes paroles un sens par trop révolutionnaire ; non ! mais laissez-leur le sens large et supérieur que comporte un enseignement spirite qui s'adresse à des intelligences déjà avancées et prêtes à comprendre toute la portée de nos instructions. Il est constant que si, d'aujourd'hui à demain, l'artisan abandonnait le métier qui le fait vivre, sous prétexte que, dans un temps donné, celui-ci sera remplacé par un mécanisme ou toute autre invention, il est constant qu'il suivrait une voie fatale et contraire à toutes les leçons que le Spiritisme a données.
Mais toutes nos réflexions n'ont qu'un but, c'est de démontrer que nul ne doit crier contre un progrès qui substitue à des bras humains les ressorts et les rouages d'une mécanique. Au surplus, il est bon d'ajouter que l'humanité a payé sa large rançon à la misère, et que, l'instruction pénétrant de plus en plus toutes les couches sociales, chaque individu devient de plus en plus apte aux fonctions si intelligemment nommées libérales.
Il est difficile à un Esprit qui se communique pour la première fois à un médium d'exprimer bien nettement sa pensée ; vous excuserez donc le décousu de ma communication, dont voici la conclusion en deux mots : L'homme est un agent spirituel qui doit arriver dans une période non éloignée à assouplir à son service et pour toutes les opérations matérielles la matière elle-même, en lui donnant pour unique moteur l'intelligence qui s'épanouit dans les cerveaux humains.
Vaucanson.
Ce préambule a pour objet de montrer à ceux qui nous écoutent, que toutes les questions posées dans ce centre sympathique aux Esprits obtiennent leur solution, soit par l'un, soit par l'autre d'entre nous. Ce cher Jacquard, cette gloire du métier à tisser, cet artisan ingénieux qui est tombé comme un vaillant soldat au champ d'honneur du travail, a traité un côté des questions économiques qui se rattachent au labeur humanitaire. Il m'a quelque peu mis en cause ; en parlant des modifications que j'avais moi-même apportées à l'art du tisseur et du tisserand, il m'a, pour ainsi dire, appelé à jouer ma partie dans ce concerto spirituel. C'est pourquoi, trouvant parmi vous un médium, né comme moi dans la vieille cité des Allobroges, cette reine du Grésivaudan, je m'en empare avec la permission de ses guides habituels et viens compléter pour une partie l'exposé que mon illustre ami de Lyon vous a donné par un autre médium.
Dans sa dissertation, fort remarquable du reste, il exprime encore certaines plaintes qui, sous l'inventeur, font retrouver l'ouvrier jaloux de son gagne-pain et redoutant le chômage homicide ; on sent que le père de famille s'épouvante d'une suspension de travail duquel dépend la vie des siens ; on devine le citoyen qui frémit devant le désastre qui peut atteindre la majorité de ses compatriotes. Ce sentiment est certes des plus honorables, mais dénote un point de vue d'une certaine étroitesse ; je viens traiter la même question que Jacquard, sinon plus largement que lui, du moins à un peint de vue plus général ; toutefois je dois constater, pour rendre hommage à qui de droit, que la généreuse conclusion de la communication de mon ami rachète amplement le côté défectueux que je signale.
L'homme n'est point fait pour rester un instrument inintelligent de productions : par ses aptitudes et sa place dans la création, par sa destinée, il est appelé à une autre fonction que celle de machine, à un autre rôle que celui de cheval de manège ; il doit, dans les limites posées par son état d'avancement, arriver à produire de plus en plus intellectuellement et s'émanciper enfin de cet état de servilisme et de rouage inintelligent auquel pendant tant de générations il est resté asservi. L'ouvrier est appelé à devenir ingénieur, et à voir substituer à ses bras laborieux des machines plus actives, plus infatigables et plus précises que lui ; l'artisan doit devenir artiste et conduire le travail mécanique par un effort de sa pensée et non plus par un effort de ses bras. Là est la preuve irrécusable de cette loi si large du progrès qui régit toutes les humanités.
Maintenant qu'il vous est permis d'entrevoir, par une échappée sur la vie future, la vérité des destinées humaines ; maintenant que vous êtes convaincus que cette existence n'est qu'un des chaînons de votre vie immortelle, je puis bien m'écrier : Qu'importe que cent mille individus succombent lorsqu'une machine a été découverte pour faire le travail de ces cent mille individus ! Pour le philosophe, qui s'élève au-dessus des préjugés et des intérêts terrestres, ce fait prouve tout uniment que l'homme n'était plus dans sa voie quand il se consacrait à ce labeur condamné par la Providence. En effet, c'est dans le champ de son intelligence que l'homme doit désormais faire passer la herse et la charrue qui fécondent ; et c'est par son intelligence seule qu'il pourra, qu'il devra arriver à mieux.
Ne donnez pas, je vous prie, à mes paroles un sens par trop révolutionnaire ; non ! mais laissez-leur le sens large et supérieur que comporte un enseignement spirite qui s'adresse à des intelligences déjà avancées et prêtes à comprendre toute la portée de nos instructions. Il est constant que si, d'aujourd'hui à demain, l'artisan abandonnait le métier qui le fait vivre, sous prétexte que, dans un temps donné, celui-ci sera remplacé par un mécanisme ou toute autre invention, il est constant qu'il suivrait une voie fatale et contraire à toutes les leçons que le Spiritisme a données.
Mais toutes nos réflexions n'ont qu'un but, c'est de démontrer que nul ne doit crier contre un progrès qui substitue à des bras humains les ressorts et les rouages d'une mécanique. Au surplus, il est bon d'ajouter que l'humanité a payé sa large rançon à la misère, et que, l'instruction pénétrant de plus en plus toutes les couches sociales, chaque individu devient de plus en plus apte aux fonctions si intelligemment nommées libérales.
Il est difficile à un Esprit qui se communique pour la première fois à un médium d'exprimer bien nettement sa pensée ; vous excuserez donc le décousu de ma communication, dont voici la conclusion en deux mots : L'homme est un agent spirituel qui doit arriver dans une période non éloignée à assouplir à son service et pour toutes les opérations matérielles la matière elle-même, en lui donnant pour unique moteur l'intelligence qui s'épanouit dans les cerveaux humains.
Vaucanson.
Annali dello Spiritismo in Italia
Sous
ce titre, la société spirite de Turin a commencé une publication mensuelle dont
nous avons reçu les deux premiers numéros. Le but éminemment sérieux que se
propose cette société, le talent et les lumières des membres qui en font
partie, font bien augurer de la direction qui sera donnée à ce nouvel organe de
la doctrine ; grâce à lui, et en raison de ce qu'il est écrit dans la
langue nationale, le Spiritisme fera son chemin en Italie, où il trouve déjà de
si nombreuses sympathies. La société et son journal ont nettement arboré le
drapeau de la société de Paris. Le passage suivant, traduit du premier numéro,
est une sorte de profession de foi qui indique suffisamment l'esprit qui
préside à la rédaction.
« … Que celui donc qui voudra se livrer à l'étude du Spiritisme commence, avant de tenter les expériences, par lire les ouvrages qui traitent de la matière, et par les étudier attentivement, pour ne pas faire comme le voyageur qui, traversant un pays inconnu, sans guide ni conseils, risque à chaque pas de s'égarer ; et puisque d'autres ont déjà aplani la voie, la raison veut que l'on s'éclaire de leurs études pour apprendre la manière de distinguer les bons Esprits des mauvais, et pour savoir comment on doit s'y prendre pour se délivrer de ces derniers, pour ne pas être dupe de leurs tromperies, ni victime des maux qui pourraient en résulter.
A cet effet se recommandent comme de la plus haute utilité les ouvrages écrits en français par un infatigable et savant Spirite, M. Allan Kardec, et dans lesquels on ne sait ce qu'on doit le plus louer, de la droiture des intentions, de la hauteur de la philosophie ou de la clarté de la diction. Parmi ces ouvrages, les principaux et les premiers à lire sont le Livre des Esprits et le Livre des Médiums. Dans le premier se trouve la théorie philosophique révélée, ainsi que l'affirme l'auteur, par des Esprits supérieurs, et dans le second un traité complet de la pratique du Spiritisme et de la manière d'acquérir, s'il est possible, la faculté médianimique.
Mais ni l'un ni l'autre de ces ouvrages ne sont encore traduits en italien, et quand même ils pourraient, dans leur texte, être abordés par tout le monde, leur étendue serait un obstacle pour beaucoup. L'auteur lui-même a senti cette difficulté ; c'est pourquoi il a résumé la partie la plus essentielle du Livre des Esprits dans un opuscule intitulé : le Spiritisme à sa plus simple expression, lequel a été traduit dans notre langue et publié à Turin. Cette traduction a fait, on peut le dire, le tour de la péninsule entière, et il en a été vendu un très grand nombre d'exemplaires dans toutes les villes d'Italie.
Mais comme l'auteur n'a pas fait un abrégé du Livre des Médiums, et en attendant que le livre complet puisse être traduit en italien, nous avons eu l'idée d'en publier un résumé qui, s'il ne peut se comparer à celui d'Allan Kardec, contient du moins les principaux avertissements qui sont de première nécessité pour ceux qui ont l'intention de s'appliquer à l'étude du Spiritisme pratique ; il suffira, nous l'espérons, pour indiquer la voie qu'il faut suivre pour réussir à se mettre en relation avec les bons Esprits, et à éloigner les Esprits inférieurs et pervers.
Le spiritisme, étudié avec pureté de sentiment, peut devenir la source des plus douces consolations pour tous les hommes de bien et désireux du progrès. »
Un nouveau journal vient de paraître à Bordeaux, sous le titre de : le Sauveur des peuples, journal du Spiritisme, propagateur de l'unité fraternelle. Directeur-gérant, A. Lefraise. Il paraît toutes les semaines. ‑ Ce titre promet beaucoup et impose de grandes obligations, car aujourd'hui il ne suffit plus de l'étiquette. Nous en reparlerons quand nous aurons pu apprécier la matière dont il le justifiera. S'il vient apporter une pierre utile à l'édifice, s'il vient, comme il le dit, unir au lieu de diviser, si la véritable charité de paroles et d'action est son guide envers ses frères en croyance, si sa polémique avec les adversaires de notre doctrine ne s'écarte pas des bornes de la modération et d'une loyale discussion, il sera le bienvenu, et nous serons heureux de l'encourager et de l'appuyer.
Un nouvel ouvrage de M. Allan Kardec, du même volume environ que le Livre des Esprits, est sous presse depuis la fin de décembre ; il devait paraître en février, mais les retards involontaires dans l'impression, et les soins que celle-ci exige, ne l'ont pas permis. Tout nous fait espérer que nous pourrons en annoncer la mise en vente dans le prochain numéro. Il est destiné à remplacer l'ouvrage annoncé sous le titre : Les voix du monde invisible, et dont le plan primitif a été radicalement changé.
« … Que celui donc qui voudra se livrer à l'étude du Spiritisme commence, avant de tenter les expériences, par lire les ouvrages qui traitent de la matière, et par les étudier attentivement, pour ne pas faire comme le voyageur qui, traversant un pays inconnu, sans guide ni conseils, risque à chaque pas de s'égarer ; et puisque d'autres ont déjà aplani la voie, la raison veut que l'on s'éclaire de leurs études pour apprendre la manière de distinguer les bons Esprits des mauvais, et pour savoir comment on doit s'y prendre pour se délivrer de ces derniers, pour ne pas être dupe de leurs tromperies, ni victime des maux qui pourraient en résulter.
A cet effet se recommandent comme de la plus haute utilité les ouvrages écrits en français par un infatigable et savant Spirite, M. Allan Kardec, et dans lesquels on ne sait ce qu'on doit le plus louer, de la droiture des intentions, de la hauteur de la philosophie ou de la clarté de la diction. Parmi ces ouvrages, les principaux et les premiers à lire sont le Livre des Esprits et le Livre des Médiums. Dans le premier se trouve la théorie philosophique révélée, ainsi que l'affirme l'auteur, par des Esprits supérieurs, et dans le second un traité complet de la pratique du Spiritisme et de la manière d'acquérir, s'il est possible, la faculté médianimique.
Mais ni l'un ni l'autre de ces ouvrages ne sont encore traduits en italien, et quand même ils pourraient, dans leur texte, être abordés par tout le monde, leur étendue serait un obstacle pour beaucoup. L'auteur lui-même a senti cette difficulté ; c'est pourquoi il a résumé la partie la plus essentielle du Livre des Esprits dans un opuscule intitulé : le Spiritisme à sa plus simple expression, lequel a été traduit dans notre langue et publié à Turin. Cette traduction a fait, on peut le dire, le tour de la péninsule entière, et il en a été vendu un très grand nombre d'exemplaires dans toutes les villes d'Italie.
Mais comme l'auteur n'a pas fait un abrégé du Livre des Médiums, et en attendant que le livre complet puisse être traduit en italien, nous avons eu l'idée d'en publier un résumé qui, s'il ne peut se comparer à celui d'Allan Kardec, contient du moins les principaux avertissements qui sont de première nécessité pour ceux qui ont l'intention de s'appliquer à l'étude du Spiritisme pratique ; il suffira, nous l'espérons, pour indiquer la voie qu'il faut suivre pour réussir à se mettre en relation avec les bons Esprits, et à éloigner les Esprits inférieurs et pervers.
Le spiritisme, étudié avec pureté de sentiment, peut devenir la source des plus douces consolations pour tous les hommes de bien et désireux du progrès. »
Un nouveau journal vient de paraître à Bordeaux, sous le titre de : le Sauveur des peuples, journal du Spiritisme, propagateur de l'unité fraternelle. Directeur-gérant, A. Lefraise. Il paraît toutes les semaines. ‑ Ce titre promet beaucoup et impose de grandes obligations, car aujourd'hui il ne suffit plus de l'étiquette. Nous en reparlerons quand nous aurons pu apprécier la matière dont il le justifiera. S'il vient apporter une pierre utile à l'édifice, s'il vient, comme il le dit, unir au lieu de diviser, si la véritable charité de paroles et d'action est son guide envers ses frères en croyance, si sa polémique avec les adversaires de notre doctrine ne s'écarte pas des bornes de la modération et d'une loyale discussion, il sera le bienvenu, et nous serons heureux de l'encourager et de l'appuyer.
Un nouvel ouvrage de M. Allan Kardec, du même volume environ que le Livre des Esprits, est sous presse depuis la fin de décembre ; il devait paraître en février, mais les retards involontaires dans l'impression, et les soins que celle-ci exige, ne l'ont pas permis. Tout nous fait espérer que nous pourrons en annoncer la mise en vente dans le prochain numéro. Il est destiné à remplacer l'ouvrage annoncé sous le titre : Les voix du monde invisible, et dont le plan primitif a été radicalement changé.
M.
P. -F. Mathieu, Ancien pharmacien en chef des armées, membre de plusieurs
Sociétés savantes.
M. Mathieu, mort le 12 février 1864, était très connu dans le monde spirite parisien, où il fréquentait diverses réunions auxquelles il prenait une part active. Il s'était occupé des phénomènes spirites dès leur origine ; nous l'avons connu à l'époque où nous faisions nos premiers travaux préliminaires. La nature de son esprit le portait au doute, et longtemps après avoir expérimenté lui-même à l'aide de la planchette, il se refusait à y reconnaître l'action des Esprits. Depuis, ses idées s'étaient modifiées, et même, dans les derniers temps, il ne se montrait plus aussi radicalement contraire à la réincarnation. M. Mathieu n'admettait que difficilement et à la longue ce qui n'était pas dans ses idées ; mais ce n'était point un adversaire systématique, et, bien qu'il ne partageât pas entièrement les doctrines du Livre des Esprits, nous devons lui rendre cette justice que, dans sa polémique, il ne s'est jamais écarté des bornes d'une parfaite convenance. Sa douceur et l'honorabilité de son caractère l'ont fait estimer et regretter de tous ceux qui l'ont connu. Il est mort au moment où il venait de mettre la dernière main à un important ouvrage sur les convulsionnaires, que MM. Didier et Ce viennent d'éditer.
M. Mathieu, mort le 12 février 1864, était très connu dans le monde spirite parisien, où il fréquentait diverses réunions auxquelles il prenait une part active. Il s'était occupé des phénomènes spirites dès leur origine ; nous l'avons connu à l'époque où nous faisions nos premiers travaux préliminaires. La nature de son esprit le portait au doute, et longtemps après avoir expérimenté lui-même à l'aide de la planchette, il se refusait à y reconnaître l'action des Esprits. Depuis, ses idées s'étaient modifiées, et même, dans les derniers temps, il ne se montrait plus aussi radicalement contraire à la réincarnation. M. Mathieu n'admettait que difficilement et à la longue ce qui n'était pas dans ses idées ; mais ce n'était point un adversaire systématique, et, bien qu'il ne partageât pas entièrement les doctrines du Livre des Esprits, nous devons lui rendre cette justice que, dans sa polémique, il ne s'est jamais écarté des bornes d'une parfaite convenance. Sa douceur et l'honorabilité de son caractère l'ont fait estimer et regretter de tous ceux qui l'ont connu. Il est mort au moment où il venait de mettre la dernière main à un important ouvrage sur les convulsionnaires, que MM. Didier et Ce viennent d'éditer.