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REVUE SPIRITE JOURNAL D'ETUDES PSYCHOLOGIQUES - 1864 > Mai
Mai
Comment
la connaissance de l'avenir est-elle possible ? On comprend les prévisions
des événements qui sont la conséquence de l'état présent, mais non de ceux qui
n'y ont aucun rapport, et encore moins de ceux que l'on attribue au hasard. Les
choses futures, dit-on, n'existent pas ; elles sont encore dans le
néant ; comment alors savoir qu'elles arriveront ? Les exemples de
prédictions réalisées sont cependant assez nombreux, d'où il faut conclure
qu'il se passe là un phénomène dont on n'a pas la clef, car il n'y a pas d'effet
sans cause ; c'est cette cause que nous allons essayer de chercher, et
c'est encore le Spiritisme, clef lui-même de tant de mystères, qui nous la
fournira, et qui, de plus, nous montrera que le fait même des prédictions ne
sort pas des lois naturelles.
Prenons, comme comparaison, un exemple dans les choses usuelles, et qui aidera à faire comprendre le principe que nous aurons à développer.
Supposons un homme placé sur une haute montagne et considérant la vaste étendue de la plaine. Dans cette situation, l'espace d'une lieue sera peu de chose, et il pourra facilement embrasser d'un seul coup d'œil tous les accidents du terrain, depuis le commencement jusqu'à la fin de la route. Le voyageur qui suit cette route pour la première fois, sait qu'en marchant il arrivera au bout : c'est là une simple prévision de la conséquence de sa marche ; mais les accidents du terrain, les montées et les descentes, les rivières à franchir, les bois à traverser, les précipices où il peut tomber, les voleurs apostés pour le dévaliser, les maisons hospitalières où il pourra se reposer, tout cela est indépendant de sa personne : c'est pour lui l'inconnu, l'avenir, parce que sa vue ne s'étend pas au delà du petit cercle qui l'entoure. Quant à la durée, il la mesure par le temps qu'il met à parcourir le chemin ; ôtez-lui les points de repère et la durée s'efface. Pour l'homme qui est sur la montagne et qui suit de l'œil le voyageur, tout cela est le présent. Supposons que cet homme descende auprès du voyageur, et lui dise : « A tel moment vous rencontrerez telle chose, vous serez attaqué et secouru, » il lui prédira l'avenir ; l'avenir est pour le voyageur ; pour l'homme de la montagne, cet avenir est le présent.
Si nous sortons maintenant du cercle des choses purement matérielles, et si nous entrons, par la pensée, dans le domaine de la vie spirituelle, nous verrons ce phénomène se produire sur une plus grande échelle. Les Esprits dématérialisés sont comme l'homme de la montagne ; l'espace et la durée s'effacent pour eux. Mais l'étendue et la pénétration de leur vue sont proportionnées à leur épuration et à leur élévation dans la hiérarchie spirituelle ; ils sont, par rapport aux Esprits inférieurs, comme l'homme armé d'un puissant télescope, à côté de celui qui n'a que ses yeux. Chez ces derniers, la vue est circonscrite, non seulementparce qu'ils ne peuvent que difficilement s'éloigner du globe auquel ils sont attachés, mais parce que la grossièreté de leur périsprit voile les choses éloignées, comme le fait un brouillard pour les yeux du corps.
On comprend donc que, selon le degré de perfection, un Esprit puisse embrasser une période de quelques années, de quelques siècles et même de plusieurs milliers d'années, car, qu'est-ce qu'un siècle en présence de l'infini ? Les événements ne se déroulent point successivement devant lui, comme les incidents de la route du voyageur ; il voit simultanément le commencement et la fin de la période ; tous les événements qui, dans cette période, sont l'avenir pour l'homme de la terre, sont pour lui le présent. Il pourrait donc venir nous dire avec certitude : Telle chose arrivera à telle époque, parce qu'il voit cette chose comme l'homme de la montagne voit ce qui attend le voyageur sur la route. S'il ne le fait pas, c'est parce que la connaissance de l'avenir serait nuisible à l'homme ; elle entraverait son libre arbitre ; elle le paralyserait dans le travail qu'il doit accomplir pour son progrès ; le bien et le mal qui l'attendent étant dans l'inconnu, sont pour lui l'épreuve.
Si une telle faculté, même restreinte, peut être dans les attributs de la créature, à quel degré de puissance ne doit-elle pas s'élever dans le Créateur qui embrasse l'infini ? Pour lui, le temps n'existe pas : le commencement et la fin des mondes sont le présent. Dans cet immense panorama, qu'est-ce que la durée de la vie d'un homme, d'une génération, d'un peuple ?
Cependant, comme l'homme doit concourir au progrès général, et que certains événements doivent résulter de sa coopération, il peut être utile, dans certains cas, qu'il soit pressenti sur ces événements, afin qu'il en prépare les voies, et se tienne prêt à agir quand le moment sera venu ; c'est pourquoi Dieu permet parfois qu'un coin du voile soit soulevé ; mais c'est toujours dans un but utile, et jamais pour satisfaire une vaine curiosité. Cette mission peut donc être donnée, non à tous les Esprits, puisqu'il en est qui ne connaissent pas mieux l'avenir que les hommes, mais à quelques Esprits suffisamment avancés pour cela ; or, il est à remarquer que ces sortes de révélations sont toujours faites spontanément, et jamais, ou bien rarement du moins, en réponse à une demande directe.
Cette mission peut également être dévolue à certains hommes, et voici de quelle manière.
Celui à qui est confié le soin de révéler une chose cachée peut en recevoir, à son insu, l'inspiration des Esprits qui la connaissent, et alors il la transmet machinalement, sans s'en rendre compte. On sait en outre que, soit pendant le sommeil, soit à l'état de veille, dans les extases de la double vue, l'âme se dégage et possède à un degré plus ou moins grand les facultés de l'Esprit libre. Si c'est un Esprit avancé, s'il a surtout, comme les prophètes, reçu une mission spéciale à cet effet, il jouit, dans ces moments d'émancipation de l'âme, de la faculté d'embrasser, par lui-même, une période plus ou moins étendue, et voit, comme présents, les événements de cette période. Il peut alors les révéler à l'instant même, ou en conserver la mémoire à son réveil. Si ces événements doivent rester dans le secret, il en perdra le souvenir ou il ne lui en restera qu'une vague intuition, suffisante pour le guider instinctivement. C'est ainsi qu'on voit cette faculté se développer providentiellement dans certaines occasions, dans des dangers imminents, dans les grandes calamités, dans les révolutions, et que la plupart des sectes persécutées ont eu de nombreux voyants ; c'est encore ainsi que l'on voit de grands capitaines marcher résolument à l'ennemi, avec la certitude de la victoire ; des hommes de génie, comme Christophe Colomb, par exemple, poursuivre un but en prédisant pour ainsi dire le moment où ils l'atteindront : c'est qu'ils ont vu ce but, qui n'est pas l'inconnu pour leur Esprit.
Tous les phénomènes dont la cause était ignorée ont été réputés merveilleux ; la loi selon laquelle ils s'accomplissent une fois connue, ils rentrent dans l'ordre des choses naturelles. Le don de prédiction n'est pas plus surnaturel qu'une foule d'autres phénomènes ; il repose sur les propriétés de l'âme et la loi des rapports du monde visible et du monde invisible que le Spiritisme vient faire connaître. Mais comment admettre l'existence d'un monde invisible, si l'on n'admet pas l'âme, ou si on l'admet sans individualité après la mort ? L'incrédule qui nie la prescience est conséquent avec lui-même ; reste à savoir s'il est lui-même conséquent avec la loi naturelle.
Cette théorie de la prescience ne résout peut-être pas d'une manière absolue tous les cas que peut présenter la prévision de l'avenir, mais on ne peut disconvenir qu'elle en pose le principe fondamental. Si l'on ne peut tout s'expliquer, c'est par la difficulté, pour l'homme, de se placer à ce point de vue extra-terrestre ; par son infériorité même, sa pensée, incessamment ramenée dans le sentier de la vie matérielle, est souvent impuissante à se détacher du sol. A cet égard, certains hommes sont comme les jeunes oiseaux dont les ailes trop faibles ne leur permettent pas de s'élever dans l'air, ou comme ceux dont la vue est trop courte pour voir au loin, ou enfin comme ceux qui manquent d'un sens pour certaines perceptions. Cependant, avec quelques efforts et l'habitude de la réflexion, on y parvient : les Spirites plus facilement que d'autres, parce que, mieux que d'autres, ils peuvent s'identifier avec la vie spirituelle qu'ils comprennent.
Pour comprendre les choses spirituelles, c'est-à-dire pour s'en faire une idée aussi nette que celle que nous nous faisons d'un paysage qui est sous nos yeux, il nous manque véritablement un sens, exactement comme à l'aveugle il manque le sens nécessaire pour comprendre les effets de la lumière, des couleurs et de la vue à distance. Aussi n'est-ce que par un effort de l'imagination que nous y parvenons, et à l'aide de comparaisons puisées dans les choses qui nous sont familières. Mais des choses matérielles ne peuvent donner que des idées très imparfaites des choses spirituelles ; c'est pour cela qu'il ne faudrait pas prendre ces comparaisons à la lettre, et croire, par exemple, dans le cas dont il s'agit, que l'étendue des facultés perceptives des Esprits tient à leur élévation effective, et qu'ils ont besoin d'être sur une montagne ou au-dessus des nuages pour embrasser le temps et l'espace. Cette faculté est inhérente à l'état de spiritualisation, ou si l'on veut de dématérialisation ; c'est-à-dire que la spiritualisation produit un effet que l'on peut comparer, quoique très imparfaitement, à celui de la vue d'ensemble de l'homme qui est sur la montagne ; cette comparaison avait simplement pour but de montrer que des événements qui sont dans l'avenir pour les uns, sont dans le présent pour d'autres, et peuvent ainsi être prédits, ce qui n'implique pas que l'effet se produise de la même manière.
Pour jouir de cette perception, l'Esprit n'a donc pas besoin de se transporter sur un point quelconque de l'espace ; celui qui est sur la terre, à nos côtés, peut la posséder dans sa plénitude, tout aussi bien que s'il en était à mille lieues, tandis que nous ne voyons rien en dehors de l'horizon visuel. La vue, chez les Esprits, ne se produisant pas de la même manière ni avec les mêmes éléments que chez l'homme, leur horizon visuel est tout autre ; or, c'est précisément là le sens qui nous manque pour le concevoir ; l'Esprit, à côté de l'incarné, est comme le voyant à côté d'un aveugle.
Il faut bien se figurer, en outre, que cette perception ne se borne pas à l'étendue, mais qu'elle comprend la pénétration de toutes choses ; c'est, nous le répétons, une faculté inhérente et proportionnée à l'état de dématérialisation. Cette faculté est amortie par l'incarnation, mais elle n'est pas complètement annulée, parce que l'âme n'est pas enfermée dans le corps comme dans une boîte. L'incarné la possède, en raison de l'avancement de l'Esprit, quoique toujours à un moindre degré que lorsqu'il est entièrement dégagé ; c'est ce qui donne à certains hommes une puissance de pénétration qui manque totalement à d'autres, une plus grande justesse dans le coup d'œil moral, une compréhension plus facile des choses extra-matérielles ; non seulement l'Esprit perçoit, mais il se souvient de ce qu'il a vu à l'état d'Esprit, et ce souvenir est comme un tableau qui se retrace à sa pensée. Dans l'incarnation il voit, mais vaguement et comme à travers un voile ; à l'état de liberté il voit et conçoit clairement. Le principe de la vue n'est pas hors de lui, mais en lui ; c'est pour cela qu'il n'a pas besoin de notre lumière extérieure ; par le développement moral, le cercle des idées et de la conception s'élargit ; par la dématérialisation graduelle du périsprit, celui-ci se purifie des éléments grossiers qui altéraient la délicatesse des perceptions ; d'où il est aisé de comprendre que l'extension de toutes les facultés suit le progrès de l'Esprit.
C'est le degré de l'extension des facultés de l'Esprit qui, dans l'incarnation, le rend plus ou moins apte à concevoir les choses spirituelles. Toutefois, cette aptitude n'est pas la conséquence nécessaire du développement intellectuel ; la science vulgaire ne la donne pas ; c'est pour cela qu'on voit des hommes d'une grande intelligence et d'un grand savoir aussi aveugles pour les choses spirituelles que d'autres le sont pour les choses matérielles ; ils y sont réfractaires, parce qu'ils ne les comprennent pas ; cela tient à ce que leur progrès ne s'est pas encore accompli dans ce sens, tandis qu'on voit des personnes d'une instruction et d'une intelligence vulgaires les saisir avec la plus grande facilité, ce qui prouve qu'elles en avaient l'intuition préalable.
La faculté de changer son point de vue et de le prendre d'en haut ne donne pas seulement la solution du problème de la prescience ; c'est en outre la clef de la vraie foi, de la foi solide ; c'est aussi le plus puissant élément de force et de résignation, car, de là, la vie terrestre, apparaissant comme un point dans l'immensité, on comprend le peu de valeur des choses qui, vues d'en bas, paraissent si importantes ; les incidents, les misères, les vanités de la vie s'amoindrissent à mesure que se déroule l'immense et splendide horizon de l'avenir. Celui qui voit ainsi les choses de ce monde n'est que peu ou point atteint par les vicissitudes, et, par cela même, il est aussi heureux qu'on peut l'être ici-bas. Il faut donc plaindre ceux qui concentrent leurs pensées dans l'étroite sphère terrestre, parce qu'ils ressentent, dans toute sa force, le contre-coup de toutes les tribulations, qui, comme autant d'aiguillons, les harcèlent sans cesse.
Quant à l'avenir du Spiritisme, les Esprits, comme on le sait, sont unanimes pour en affirmer le triomphe prochain, malgré les entraves qu'on lui oppose ; cette prévision leur est facile, d'abord, parce que sa propagation est leur œuvre personnelle, et qu'ils savent, par conséquent, ce qu'ils doivent faire ; en second lieu, qu'il leur suffit d'embrasser une période de courte durée, et que, dans cette période, ils voient sur sa route les puissants auxiliaires que Dieu lui suscite, et qui ne tarderont pas à se manifester. Sans être Esprits désincarnés, que les Spirites se portent seulement à trente ans en avant, au milieu de la génération qui s'élève ; que, de là, ils considèrent ce qui se passe aujourd'hui ; qu'ils en suivent la filière, et ils verront se consumer en vains efforts ceux qui se croient appelés à le renverser ; ils les verront peu à peu disparaître de la scène, à côté de l'arbre qui grandit et dont les racines s'étendent chaque jour davantage.
Nous compléterons cette étude par celle des rapports qui existent entre la prescience et la fatalité. Nous renvoyons, en attendant, à ce qui est dit sur ce dernier point, dans le Livre des Esprits, nos 851 et suivants.
Prenons, comme comparaison, un exemple dans les choses usuelles, et qui aidera à faire comprendre le principe que nous aurons à développer.
Supposons un homme placé sur une haute montagne et considérant la vaste étendue de la plaine. Dans cette situation, l'espace d'une lieue sera peu de chose, et il pourra facilement embrasser d'un seul coup d'œil tous les accidents du terrain, depuis le commencement jusqu'à la fin de la route. Le voyageur qui suit cette route pour la première fois, sait qu'en marchant il arrivera au bout : c'est là une simple prévision de la conséquence de sa marche ; mais les accidents du terrain, les montées et les descentes, les rivières à franchir, les bois à traverser, les précipices où il peut tomber, les voleurs apostés pour le dévaliser, les maisons hospitalières où il pourra se reposer, tout cela est indépendant de sa personne : c'est pour lui l'inconnu, l'avenir, parce que sa vue ne s'étend pas au delà du petit cercle qui l'entoure. Quant à la durée, il la mesure par le temps qu'il met à parcourir le chemin ; ôtez-lui les points de repère et la durée s'efface. Pour l'homme qui est sur la montagne et qui suit de l'œil le voyageur, tout cela est le présent. Supposons que cet homme descende auprès du voyageur, et lui dise : « A tel moment vous rencontrerez telle chose, vous serez attaqué et secouru, » il lui prédira l'avenir ; l'avenir est pour le voyageur ; pour l'homme de la montagne, cet avenir est le présent.
Si nous sortons maintenant du cercle des choses purement matérielles, et si nous entrons, par la pensée, dans le domaine de la vie spirituelle, nous verrons ce phénomène se produire sur une plus grande échelle. Les Esprits dématérialisés sont comme l'homme de la montagne ; l'espace et la durée s'effacent pour eux. Mais l'étendue et la pénétration de leur vue sont proportionnées à leur épuration et à leur élévation dans la hiérarchie spirituelle ; ils sont, par rapport aux Esprits inférieurs, comme l'homme armé d'un puissant télescope, à côté de celui qui n'a que ses yeux. Chez ces derniers, la vue est circonscrite, non seulementparce qu'ils ne peuvent que difficilement s'éloigner du globe auquel ils sont attachés, mais parce que la grossièreté de leur périsprit voile les choses éloignées, comme le fait un brouillard pour les yeux du corps.
On comprend donc que, selon le degré de perfection, un Esprit puisse embrasser une période de quelques années, de quelques siècles et même de plusieurs milliers d'années, car, qu'est-ce qu'un siècle en présence de l'infini ? Les événements ne se déroulent point successivement devant lui, comme les incidents de la route du voyageur ; il voit simultanément le commencement et la fin de la période ; tous les événements qui, dans cette période, sont l'avenir pour l'homme de la terre, sont pour lui le présent. Il pourrait donc venir nous dire avec certitude : Telle chose arrivera à telle époque, parce qu'il voit cette chose comme l'homme de la montagne voit ce qui attend le voyageur sur la route. S'il ne le fait pas, c'est parce que la connaissance de l'avenir serait nuisible à l'homme ; elle entraverait son libre arbitre ; elle le paralyserait dans le travail qu'il doit accomplir pour son progrès ; le bien et le mal qui l'attendent étant dans l'inconnu, sont pour lui l'épreuve.
Si une telle faculté, même restreinte, peut être dans les attributs de la créature, à quel degré de puissance ne doit-elle pas s'élever dans le Créateur qui embrasse l'infini ? Pour lui, le temps n'existe pas : le commencement et la fin des mondes sont le présent. Dans cet immense panorama, qu'est-ce que la durée de la vie d'un homme, d'une génération, d'un peuple ?
Cependant, comme l'homme doit concourir au progrès général, et que certains événements doivent résulter de sa coopération, il peut être utile, dans certains cas, qu'il soit pressenti sur ces événements, afin qu'il en prépare les voies, et se tienne prêt à agir quand le moment sera venu ; c'est pourquoi Dieu permet parfois qu'un coin du voile soit soulevé ; mais c'est toujours dans un but utile, et jamais pour satisfaire une vaine curiosité. Cette mission peut donc être donnée, non à tous les Esprits, puisqu'il en est qui ne connaissent pas mieux l'avenir que les hommes, mais à quelques Esprits suffisamment avancés pour cela ; or, il est à remarquer que ces sortes de révélations sont toujours faites spontanément, et jamais, ou bien rarement du moins, en réponse à une demande directe.
Cette mission peut également être dévolue à certains hommes, et voici de quelle manière.
Celui à qui est confié le soin de révéler une chose cachée peut en recevoir, à son insu, l'inspiration des Esprits qui la connaissent, et alors il la transmet machinalement, sans s'en rendre compte. On sait en outre que, soit pendant le sommeil, soit à l'état de veille, dans les extases de la double vue, l'âme se dégage et possède à un degré plus ou moins grand les facultés de l'Esprit libre. Si c'est un Esprit avancé, s'il a surtout, comme les prophètes, reçu une mission spéciale à cet effet, il jouit, dans ces moments d'émancipation de l'âme, de la faculté d'embrasser, par lui-même, une période plus ou moins étendue, et voit, comme présents, les événements de cette période. Il peut alors les révéler à l'instant même, ou en conserver la mémoire à son réveil. Si ces événements doivent rester dans le secret, il en perdra le souvenir ou il ne lui en restera qu'une vague intuition, suffisante pour le guider instinctivement. C'est ainsi qu'on voit cette faculté se développer providentiellement dans certaines occasions, dans des dangers imminents, dans les grandes calamités, dans les révolutions, et que la plupart des sectes persécutées ont eu de nombreux voyants ; c'est encore ainsi que l'on voit de grands capitaines marcher résolument à l'ennemi, avec la certitude de la victoire ; des hommes de génie, comme Christophe Colomb, par exemple, poursuivre un but en prédisant pour ainsi dire le moment où ils l'atteindront : c'est qu'ils ont vu ce but, qui n'est pas l'inconnu pour leur Esprit.
Tous les phénomènes dont la cause était ignorée ont été réputés merveilleux ; la loi selon laquelle ils s'accomplissent une fois connue, ils rentrent dans l'ordre des choses naturelles. Le don de prédiction n'est pas plus surnaturel qu'une foule d'autres phénomènes ; il repose sur les propriétés de l'âme et la loi des rapports du monde visible et du monde invisible que le Spiritisme vient faire connaître. Mais comment admettre l'existence d'un monde invisible, si l'on n'admet pas l'âme, ou si on l'admet sans individualité après la mort ? L'incrédule qui nie la prescience est conséquent avec lui-même ; reste à savoir s'il est lui-même conséquent avec la loi naturelle.
Cette théorie de la prescience ne résout peut-être pas d'une manière absolue tous les cas que peut présenter la prévision de l'avenir, mais on ne peut disconvenir qu'elle en pose le principe fondamental. Si l'on ne peut tout s'expliquer, c'est par la difficulté, pour l'homme, de se placer à ce point de vue extra-terrestre ; par son infériorité même, sa pensée, incessamment ramenée dans le sentier de la vie matérielle, est souvent impuissante à se détacher du sol. A cet égard, certains hommes sont comme les jeunes oiseaux dont les ailes trop faibles ne leur permettent pas de s'élever dans l'air, ou comme ceux dont la vue est trop courte pour voir au loin, ou enfin comme ceux qui manquent d'un sens pour certaines perceptions. Cependant, avec quelques efforts et l'habitude de la réflexion, on y parvient : les Spirites plus facilement que d'autres, parce que, mieux que d'autres, ils peuvent s'identifier avec la vie spirituelle qu'ils comprennent.
Pour comprendre les choses spirituelles, c'est-à-dire pour s'en faire une idée aussi nette que celle que nous nous faisons d'un paysage qui est sous nos yeux, il nous manque véritablement un sens, exactement comme à l'aveugle il manque le sens nécessaire pour comprendre les effets de la lumière, des couleurs et de la vue à distance. Aussi n'est-ce que par un effort de l'imagination que nous y parvenons, et à l'aide de comparaisons puisées dans les choses qui nous sont familières. Mais des choses matérielles ne peuvent donner que des idées très imparfaites des choses spirituelles ; c'est pour cela qu'il ne faudrait pas prendre ces comparaisons à la lettre, et croire, par exemple, dans le cas dont il s'agit, que l'étendue des facultés perceptives des Esprits tient à leur élévation effective, et qu'ils ont besoin d'être sur une montagne ou au-dessus des nuages pour embrasser le temps et l'espace. Cette faculté est inhérente à l'état de spiritualisation, ou si l'on veut de dématérialisation ; c'est-à-dire que la spiritualisation produit un effet que l'on peut comparer, quoique très imparfaitement, à celui de la vue d'ensemble de l'homme qui est sur la montagne ; cette comparaison avait simplement pour but de montrer que des événements qui sont dans l'avenir pour les uns, sont dans le présent pour d'autres, et peuvent ainsi être prédits, ce qui n'implique pas que l'effet se produise de la même manière.
Pour jouir de cette perception, l'Esprit n'a donc pas besoin de se transporter sur un point quelconque de l'espace ; celui qui est sur la terre, à nos côtés, peut la posséder dans sa plénitude, tout aussi bien que s'il en était à mille lieues, tandis que nous ne voyons rien en dehors de l'horizon visuel. La vue, chez les Esprits, ne se produisant pas de la même manière ni avec les mêmes éléments que chez l'homme, leur horizon visuel est tout autre ; or, c'est précisément là le sens qui nous manque pour le concevoir ; l'Esprit, à côté de l'incarné, est comme le voyant à côté d'un aveugle.
Il faut bien se figurer, en outre, que cette perception ne se borne pas à l'étendue, mais qu'elle comprend la pénétration de toutes choses ; c'est, nous le répétons, une faculté inhérente et proportionnée à l'état de dématérialisation. Cette faculté est amortie par l'incarnation, mais elle n'est pas complètement annulée, parce que l'âme n'est pas enfermée dans le corps comme dans une boîte. L'incarné la possède, en raison de l'avancement de l'Esprit, quoique toujours à un moindre degré que lorsqu'il est entièrement dégagé ; c'est ce qui donne à certains hommes une puissance de pénétration qui manque totalement à d'autres, une plus grande justesse dans le coup d'œil moral, une compréhension plus facile des choses extra-matérielles ; non seulement l'Esprit perçoit, mais il se souvient de ce qu'il a vu à l'état d'Esprit, et ce souvenir est comme un tableau qui se retrace à sa pensée. Dans l'incarnation il voit, mais vaguement et comme à travers un voile ; à l'état de liberté il voit et conçoit clairement. Le principe de la vue n'est pas hors de lui, mais en lui ; c'est pour cela qu'il n'a pas besoin de notre lumière extérieure ; par le développement moral, le cercle des idées et de la conception s'élargit ; par la dématérialisation graduelle du périsprit, celui-ci se purifie des éléments grossiers qui altéraient la délicatesse des perceptions ; d'où il est aisé de comprendre que l'extension de toutes les facultés suit le progrès de l'Esprit.
C'est le degré de l'extension des facultés de l'Esprit qui, dans l'incarnation, le rend plus ou moins apte à concevoir les choses spirituelles. Toutefois, cette aptitude n'est pas la conséquence nécessaire du développement intellectuel ; la science vulgaire ne la donne pas ; c'est pour cela qu'on voit des hommes d'une grande intelligence et d'un grand savoir aussi aveugles pour les choses spirituelles que d'autres le sont pour les choses matérielles ; ils y sont réfractaires, parce qu'ils ne les comprennent pas ; cela tient à ce que leur progrès ne s'est pas encore accompli dans ce sens, tandis qu'on voit des personnes d'une instruction et d'une intelligence vulgaires les saisir avec la plus grande facilité, ce qui prouve qu'elles en avaient l'intuition préalable.
La faculté de changer son point de vue et de le prendre d'en haut ne donne pas seulement la solution du problème de la prescience ; c'est en outre la clef de la vraie foi, de la foi solide ; c'est aussi le plus puissant élément de force et de résignation, car, de là, la vie terrestre, apparaissant comme un point dans l'immensité, on comprend le peu de valeur des choses qui, vues d'en bas, paraissent si importantes ; les incidents, les misères, les vanités de la vie s'amoindrissent à mesure que se déroule l'immense et splendide horizon de l'avenir. Celui qui voit ainsi les choses de ce monde n'est que peu ou point atteint par les vicissitudes, et, par cela même, il est aussi heureux qu'on peut l'être ici-bas. Il faut donc plaindre ceux qui concentrent leurs pensées dans l'étroite sphère terrestre, parce qu'ils ressentent, dans toute sa force, le contre-coup de toutes les tribulations, qui, comme autant d'aiguillons, les harcèlent sans cesse.
Quant à l'avenir du Spiritisme, les Esprits, comme on le sait, sont unanimes pour en affirmer le triomphe prochain, malgré les entraves qu'on lui oppose ; cette prévision leur est facile, d'abord, parce que sa propagation est leur œuvre personnelle, et qu'ils savent, par conséquent, ce qu'ils doivent faire ; en second lieu, qu'il leur suffit d'embrasser une période de courte durée, et que, dans cette période, ils voient sur sa route les puissants auxiliaires que Dieu lui suscite, et qui ne tarderont pas à se manifester. Sans être Esprits désincarnés, que les Spirites se portent seulement à trente ans en avant, au milieu de la génération qui s'élève ; que, de là, ils considèrent ce qui se passe aujourd'hui ; qu'ils en suivent la filière, et ils verront se consumer en vains efforts ceux qui se croient appelés à le renverser ; ils les verront peu à peu disparaître de la scène, à côté de l'arbre qui grandit et dont les racines s'étendent chaque jour davantage.
Nous compléterons cette étude par celle des rapports qui existent entre la prescience et la fatalité. Nous renvoyons, en attendant, à ce qui est dit sur ce dernier point, dans le Livre des Esprits, nos 851 et suivants.
Cet
ouvrage est trop connu aujourd'hui pour qu'il soit besoin d'en donner une
analyse ; nous nous bornerons donc à examiner le point de vue auquel
l'auteur s'est placé, et à en déduire quelques conséquences.
La touchante dédicace à l'âme de sa sœur, que M. Renan met en tête du volume, quoique très courte, est, à notre avis, un morceau capital, car c'est toute une profession de foi. Nous la citons intégralement, parce qu'elle nous donnera lieu de faire quelques remarques importantes, d'un intérêt général.
A l’âme pure de ma sœur Henriette morte à Byblos, le 24 septembre 1861.
« Te souviens-tu, du sein de Dieu où tu reposes, de ces longues journées de Ghazir, ou, seul avec toi, j'écrivais ces pages inspirées par les lieux que nous venions de parcourir ? Silencieuse à côté de moi, tu relisais chaque feuille et la recopiais sitôt écrite, pendant que la mer, les villages, les ravins, les montagnes, se déroulaient à nos pieds. Quand l'accablante lumière avait fait place à l'innombrable armée des étoiles, tes questions fines et délicates, tes doutes discrets, me ramenaient à l'objet sublime de nos communes pensées. Tu me disais un jour que ce livre-ci tu l'aimerais, d'abord parce qu'il avait été fait avec toi, et aussi parce qu'il te plaisait. Si parfois tu craignais pour lui les étroits jugements de l'homme frivole, toujours tu fus persuadée que les âmes vraiment religieuses finiraient par s'y plaire. Au milieu de ces douces méditations, la mort nous frappa tous les deux de son aile ; le sommeil de la fièvre nous prit à la même heure ; je me réveillai seul !… Tu dors maintenant dans la terre d'Adonis, près de la sainte Byblos et des eaux sacrées où les femmes des mystères antiques venaient mêler leurs larmes. Révèle-moi, ô bon génie, à moi que tu aimais, ces vérités qui dominent la mort, empêchent de la craindre, et la font presque aimer. »
A moins de supposer que M. Renan ait joué une indigne comédie, il est impossible que de telles paroles viennent sous la plume d'un homme qui croit au néant. On voit sans doute des écrivains, au talent souple, jouer avec les idées et les croyances les plus contradictoires, au point de faire illusion sur leurs propres sentiments ; c'est que, comme l'acteur, ils possèdent l'art de l'imitation. Une idée n'a pas besoin d'être pour eux un article de foi ; c'est un thème sur lequel ils travaillent, pour peu qu'elle prête à l'imagination, et qu'ils arrangent, tantôt d'une façon, tantôt d'une autre, selon les besoins de la circonstance. Mais il est des sujets auxquels l'incrédule le plus endurci ne saurait toucher sans se sentir sacrilège ; tel est celui de la dédicace de M. Renan. En pareil cas, un homme de cœur s'abstient plutôt que de parler contre sa conviction ; ce ne sont pas ceux que l'on choisit pour faire de l'effet.
En prenant les formes de cette dédicace pour l'expression consciencieuse de la pensée de l'auteur, on y trouve plus qu'une vague pensée spiritualiste. En effet, ce n'est pas l'âme perdue dans les profondeurs de l'espace, absorbée dans une éternelle et béate contemplation, ou dans des douleurs sans fin ; ce n'est pas non plus l'âme du panthéiste, s'annihilant dans l'océan de l'intelligence universelle ; c'est le tableau de l'âme individuelle, ayant le souvenir de ses affections et de ses occupations terrestres, revenant dans les lieux qu'elle a habités, auprès des personnes aimées. M. Renan ne parlerait pas ainsi à un mythe, à un être abîmé dans le néant ; pour lui, l'âme de sa sœur est à ses côtés ; elle le voit, elle l'inspire, elle s'intéresse à ses travaux ; il y a entre elle et lui échange de pensées, communication spirituelle ; sans s'en douter, il fait, comme tant d'autres, une véritable évocation. Que manque-t-il à cette croyance pour être complètement spirite ? La communication matérielle. Pourquoi donc M. Renan la rejette-t-il parmi les croyances superstitieuses ? Parce qu'il n'admet ni surnaturel ni merveilleux. Mais s'il connaissait l'état réel de l'âme après la mort, les propriétés de son enveloppe périspritale, il comprendrait que le phénomène des manifestations spirites ne sort pas des lois naturelles, et qu'il n'est pas besoin pour cela de recourir au merveilleux ; que dès lors ce phénomène a dû se produire dans tous les temps et chez tous les peuples, et qu’il est à la source d'une foule de faits faussement qualifiés de surnaturels par les uns, ou attribués à l'imagination par les autres ; qu'il n'est au pouvoir de personne d'empêcher ces manifestations, et qu'il est possible de les provoquer dans certains cas. Que fait donc le Spiritisme, sinon nous révéler une nouvelle loi de la nature ? Il fait, à l'égard d'un certain ordre de phénomènes, ce qu'a fait pour d'autres la découverte des lois de l'électricité, de la gravitation, de l'affinité moléculaire, etc. La science aurait-elle donc la prétention d'avoir le dernier mot de la nature ? Y a-t-il rien de plus surprenant, de plus merveilleux en apparence que de correspondre en quelques minutes avec une personne qui est à cinq cents lieues ? Avant la connaissance de la loi de l'électricité, un tel fait eût passé pour de la magie, de la sorcellerie, de la diablerie, ou pour un miracle ; sans aucun doute, un savant à qui on l'aurait raconté l'aurait repoussé, et n'aurait pas manqué d'excellentes raisons pour démontrer qu'il était matériellement impossible. Impossible, sans doute, selon les lois alors connues, mais très possible d'après une loi qu'on ne connaissait pas. Pourquoi donc serait-il plutôt possible de communiquer instantanément avec un être vivant dont le corps est à cinq cents lieues, qu'avec l'âme de ce même être qui est à côté de nous ? C'est, dit-on, qu'il n'a plus de corps. Et qui vous dit qu'il n'en a plus ? C'est précisément le contraire que vient prouver le Spiritisme, en démontrant que si son âme n'a plus l'enveloppe matérielle, compacte, pondérable, elle en a une fluidique, impondérable, mais qui n'en est pas moins une sorte de matière ; que cette enveloppe, invisible dans son état normal, peut, dans des circonstances données et par une sorte de modification moléculaire, devenir visible, comme la vapeur par la condensation ; il n'y a là, comme on le voit, qu'un phénomène très naturel, dont le Spiritisme donne la clef par la loi qui régit les rapports du monde visible et du monde invisible.
M. Renan, persuadé que l'âme de sa sœur, ou son Esprit, ce qui est la même chose, était auprès de lui, le voyait et l'entendait, devait croire que cette âme était quelque chose. Si quelqu'un fût venu lui dire : Cette âme dont votre pensée devine la présence n'est pas un être vague et indéfini ; c'est un être limité et circonscrit par un corps fluidique, invisible comme la plupart des fluides ; la mort n'a été pour elle que la destruction de son enveloppe corporelle, mais elle a conservé son enveloppe éthérée indestructible ; de sorte que vous avez près de vous votre sœur, telle qu'elle était de son vivant, moins le corps qu'elle a laissé sur la terre, comme le papillon laisse sa chrysalide ; en mourant elle n'a fait que se dépouiller du grossier vêtement qui ne pouvait plus lui servir, qui la retenait à la surface du sol, mais elle a conservé un vêtement léger qui lui permet de se transporter partout où elle veut, de franchir l'espace avec la rapidité de l'éclair ; au moral, c'est la même personne avec les mêmes pensées, les mêmes affections, la même intelligence, mais avec des perceptions nouvelles, plus étendues, plus subtiles, ses facultés n'étant plus comprimées par la matière lourde et compacte à travers laquelle elles devaient se transmettre ; dites si ce tableau a rien de déraisonnable ? Le Spiritisme, en prouvant qu'il est réel, est-il donc aussi ridicule que quelques-uns le prétendent ? Que fait-il, en définitive ? Il démontre d'une manière patente l'existence de l'âme ; en prouvant que c'est un être défini, il donne un but réel à nos souvenirs et à nos affections. Si la pensée de M. Renan n'était qu'un rêve, une fiction poétique, le Spiritisme vient faire de cette fiction une réalité.
La philosophie s'est de tout temps attachée à la recherche de l'âme, de sa nature, de ses facultés, de son origine et de sa destinée ; d'innombrables théories ont été faites à ce sujet, et la question est toujours restée indécise. Pourquoi cela ? Apparemment qu'aucune n'a trouvé le nœud du problème, et ne l'a résolu d'une manière assez satisfaisante pour convaincre tout le monde. Le Spiritisme vient à son tour donner la sienne ; il s'appuie sur la psychologie expérimentale ; il étudie l'âme, non seulement pendant la vie, mais après la mort ; il l'observe à l'état d'isolement ; il la voit agir en liberté, tandis que la philosophie ordinaire ne la voit que dans son union avec le corps, soumise aux entraves de la matière, c'est pourquoi elle confond trop souvent la cause avec l'effet. Elle s'efforce de démontrer l'existence et les attributs de l'âme par des formules abstraites, inintelligibles pour les masses ; le Spiritisme en donne des preuves palpables et la fait pour ainsi dire toucher au doigt et à l'œil ; il s'exprime en termes clairs, à la portée de tout le monde. Est-ce que la simplicité du langage lui ôterait le caractère philosophique, ainsi que le prétendent certains savants ?
La philosophie spirite a cependant un tort grave aux yeux de beaucoup de gens, et ce tort est dans un seul mot. Le mot âme, même pour les incrédules, a quelque chose de respectable et qui impose ; le mot Esprit, au contraire, réveille en eux les idées fantastiques des légendes, des contes de fées, des feux follets, des loups-garous, etc. ; ils admettent volontiers qu'on puisse croire à l'âme, quoique n'y croyant pas eux-mêmes, mais ils ne peuvent comprendre qu'avec du bon sens on puisse croire aux Esprits. De la une prévention qui leur fait regarder cette science comme puérile et indigne de leur attention ; la jugeant sur l'étiquette, ils la croient inséparable de la magie et de la sorcellerie. Si le Spiritisme se fût abstenu de prononcer le mot Esprit, et s'il y eût en toutes circonstances substitué le mot âme, l'impression, pour eux, eût été tout autre. A la grande rigueur, ces profonds philosophes, ces libres penseurs, admettront bien que l'âme d'un être qui nous fut cher entende nos regrets et vienne nous inspirer, mais ils n'admettront pas qu'il en soit de même de son Esprit. M. Renan a pu mettre en tête de sa dédicace : A l'âme pure de ma sœur Henriette ; il n'aurait pas mis : A l'Esprit pur.
Pourquoi donc le Spiritisme s'est-il servi du mot Esprit ? Est-ce une faute ? Non, au contraire. D'abord, ce mot était consacré dès les premières manifestations, avant la création de la philosophie spirite ; puisqu'il s'agissait de déduire les conséquences morales de ces manifestations, il y avait utilité à conserver une dénomination passée en usage, afin de montrer la connexité de ces deux parties de la science. Il était en outre évident que la prévention attachée à ce mot, circonscrite à une catégorie spéciale de personnes, devait s'effacer avec le temps ; l'inconvénient ne pouvait qu'être momentané.
En second lieu, si le mot Esprit était un repoussoir pour quelques individus, il était un attrait pour les masses, et devait contribuer plus que l'autre à populariser la doctrine. Il fallait donc préférer le plus grand nombre au plus petit.
Un troisième motif est plus sérieux que les deux autres. Les mots âme et Esprit, bien que synonymes et employés indifféremment, n'expriment pas exactement la même idée. L'âme est à proprement parler le principe intelligent, principe insaisissable et indéfini comme la pensée. Dans l'état de nos connaissances, nous ne pouvons le concevoir isolé de la matière d'une façon absolue. Le périsprit, quoique formé de matière subtile, en fait un être limité, défini, et circonscrit son individualité spirituelle ; d'où l'on peut formuler cette proposition : L'union de l'âme, du périsprit et du corps matériel constitue l'homme ; l'âme et le périsprit séparés du corps constituent l'être appelé Esprit. Dans les manifestations, ce n'est donc pas l'âme seule qui se présente ; elle est toujours revêtue de son enveloppe fluidique ; cette enveloppe est l'intermédiaire nécessaire à l'aide duquel elle agit sur la matière compacte. Dans les apparitions, ce n'est pas l'âme qu'on voit, mais le périsprit ; de même que lorsqu'on voit un homme on voit son corps, mais on ne voit pas la pensée, la force, le principe qui le fait agir.
En résumé, l'âme est l'être simple, primitif ; l'Esprit est l'être double ; l'homme est l'être triple ; si l'on confond l'homme avec ses vêtements, on aura un être quadruple. Dans la circonstance dont il s'agit, le mot Esprit est celui qui correspond le mieux à la chose exprimée. Par la pensée, on se représente un Esprit, on ne se représente pas une âme.
M. Renan, convaincu que l'âme de sa sœur le voyait et l'entendait, ne pouvait supposer qu'elle fût seule dans l'espace ; une simple réflexion devait lui dire qu'il doit en être de même de toutes celles qui quittent la terre. Les âmes ou Esprits ainsi répandus dans l'immensité constituent le monde invisible qui nous entoure et au milieu duquel nous vivons ; de sorte que ce monde n'est point composé d'êtres fantastiques, de gnomes, de farfadets, de démons cornus et à pieds fourchus, mais des êtres mêmes qui ont formé l'humanité terrestre. Qu'y a-t-il là d'absurde ? Le monde visible et le monde invisible se trouvant ainsi perpétuellement en contact, il en résulte une réaction incessante de l'un sur l'autre ; de là une foule de phénomènes qui rentrent dans l'ordre des faits naturels. Le Spiritisme moderne ne les a ni découverts ni inventés ; il les a mieux étudiés et mieux observés ; il en a recherché les lois et les a, par cela même, rayés de l'ordre des faits merveilleux.
Les faits qui se rattachent au monde invisible et à ses rapports avec le monde visible, plus ou moins bien observés à toutes les époques, se lient à l'histoire de presque tous les peuples, et surtout à l'histoire religieuse ; c'est pourquoi il y est fait allusion dans maints passages des écrivains sacrés et profanes. C'est faute de connaître cette relation que tant de passages sont demeurés inintelligibles, et ont été si diversement et si faussement interprétés.
C'est par la même raison que M. Renan s'est si étrangement mépris sur la nature des faits rapportés dans l'Évangile, sur le sens des paroles du Christ, son rôle et son véritable caractère, ainsi que nous le démontrerons dans un prochain article. Ces réflexions, auxquelles nous ont conduit son préambule, étaient nécessaires pour apprécier les conséquences qu'il a tirées du point de vue où il s'est placé.
La touchante dédicace à l'âme de sa sœur, que M. Renan met en tête du volume, quoique très courte, est, à notre avis, un morceau capital, car c'est toute une profession de foi. Nous la citons intégralement, parce qu'elle nous donnera lieu de faire quelques remarques importantes, d'un intérêt général.
A l’âme pure de ma sœur Henriette morte à Byblos, le 24 septembre 1861.
« Te souviens-tu, du sein de Dieu où tu reposes, de ces longues journées de Ghazir, ou, seul avec toi, j'écrivais ces pages inspirées par les lieux que nous venions de parcourir ? Silencieuse à côté de moi, tu relisais chaque feuille et la recopiais sitôt écrite, pendant que la mer, les villages, les ravins, les montagnes, se déroulaient à nos pieds. Quand l'accablante lumière avait fait place à l'innombrable armée des étoiles, tes questions fines et délicates, tes doutes discrets, me ramenaient à l'objet sublime de nos communes pensées. Tu me disais un jour que ce livre-ci tu l'aimerais, d'abord parce qu'il avait été fait avec toi, et aussi parce qu'il te plaisait. Si parfois tu craignais pour lui les étroits jugements de l'homme frivole, toujours tu fus persuadée que les âmes vraiment religieuses finiraient par s'y plaire. Au milieu de ces douces méditations, la mort nous frappa tous les deux de son aile ; le sommeil de la fièvre nous prit à la même heure ; je me réveillai seul !… Tu dors maintenant dans la terre d'Adonis, près de la sainte Byblos et des eaux sacrées où les femmes des mystères antiques venaient mêler leurs larmes. Révèle-moi, ô bon génie, à moi que tu aimais, ces vérités qui dominent la mort, empêchent de la craindre, et la font presque aimer. »
A moins de supposer que M. Renan ait joué une indigne comédie, il est impossible que de telles paroles viennent sous la plume d'un homme qui croit au néant. On voit sans doute des écrivains, au talent souple, jouer avec les idées et les croyances les plus contradictoires, au point de faire illusion sur leurs propres sentiments ; c'est que, comme l'acteur, ils possèdent l'art de l'imitation. Une idée n'a pas besoin d'être pour eux un article de foi ; c'est un thème sur lequel ils travaillent, pour peu qu'elle prête à l'imagination, et qu'ils arrangent, tantôt d'une façon, tantôt d'une autre, selon les besoins de la circonstance. Mais il est des sujets auxquels l'incrédule le plus endurci ne saurait toucher sans se sentir sacrilège ; tel est celui de la dédicace de M. Renan. En pareil cas, un homme de cœur s'abstient plutôt que de parler contre sa conviction ; ce ne sont pas ceux que l'on choisit pour faire de l'effet.
En prenant les formes de cette dédicace pour l'expression consciencieuse de la pensée de l'auteur, on y trouve plus qu'une vague pensée spiritualiste. En effet, ce n'est pas l'âme perdue dans les profondeurs de l'espace, absorbée dans une éternelle et béate contemplation, ou dans des douleurs sans fin ; ce n'est pas non plus l'âme du panthéiste, s'annihilant dans l'océan de l'intelligence universelle ; c'est le tableau de l'âme individuelle, ayant le souvenir de ses affections et de ses occupations terrestres, revenant dans les lieux qu'elle a habités, auprès des personnes aimées. M. Renan ne parlerait pas ainsi à un mythe, à un être abîmé dans le néant ; pour lui, l'âme de sa sœur est à ses côtés ; elle le voit, elle l'inspire, elle s'intéresse à ses travaux ; il y a entre elle et lui échange de pensées, communication spirituelle ; sans s'en douter, il fait, comme tant d'autres, une véritable évocation. Que manque-t-il à cette croyance pour être complètement spirite ? La communication matérielle. Pourquoi donc M. Renan la rejette-t-il parmi les croyances superstitieuses ? Parce qu'il n'admet ni surnaturel ni merveilleux. Mais s'il connaissait l'état réel de l'âme après la mort, les propriétés de son enveloppe périspritale, il comprendrait que le phénomène des manifestations spirites ne sort pas des lois naturelles, et qu'il n'est pas besoin pour cela de recourir au merveilleux ; que dès lors ce phénomène a dû se produire dans tous les temps et chez tous les peuples, et qu’il est à la source d'une foule de faits faussement qualifiés de surnaturels par les uns, ou attribués à l'imagination par les autres ; qu'il n'est au pouvoir de personne d'empêcher ces manifestations, et qu'il est possible de les provoquer dans certains cas. Que fait donc le Spiritisme, sinon nous révéler une nouvelle loi de la nature ? Il fait, à l'égard d'un certain ordre de phénomènes, ce qu'a fait pour d'autres la découverte des lois de l'électricité, de la gravitation, de l'affinité moléculaire, etc. La science aurait-elle donc la prétention d'avoir le dernier mot de la nature ? Y a-t-il rien de plus surprenant, de plus merveilleux en apparence que de correspondre en quelques minutes avec une personne qui est à cinq cents lieues ? Avant la connaissance de la loi de l'électricité, un tel fait eût passé pour de la magie, de la sorcellerie, de la diablerie, ou pour un miracle ; sans aucun doute, un savant à qui on l'aurait raconté l'aurait repoussé, et n'aurait pas manqué d'excellentes raisons pour démontrer qu'il était matériellement impossible. Impossible, sans doute, selon les lois alors connues, mais très possible d'après une loi qu'on ne connaissait pas. Pourquoi donc serait-il plutôt possible de communiquer instantanément avec un être vivant dont le corps est à cinq cents lieues, qu'avec l'âme de ce même être qui est à côté de nous ? C'est, dit-on, qu'il n'a plus de corps. Et qui vous dit qu'il n'en a plus ? C'est précisément le contraire que vient prouver le Spiritisme, en démontrant que si son âme n'a plus l'enveloppe matérielle, compacte, pondérable, elle en a une fluidique, impondérable, mais qui n'en est pas moins une sorte de matière ; que cette enveloppe, invisible dans son état normal, peut, dans des circonstances données et par une sorte de modification moléculaire, devenir visible, comme la vapeur par la condensation ; il n'y a là, comme on le voit, qu'un phénomène très naturel, dont le Spiritisme donne la clef par la loi qui régit les rapports du monde visible et du monde invisible.
M. Renan, persuadé que l'âme de sa sœur, ou son Esprit, ce qui est la même chose, était auprès de lui, le voyait et l'entendait, devait croire que cette âme était quelque chose. Si quelqu'un fût venu lui dire : Cette âme dont votre pensée devine la présence n'est pas un être vague et indéfini ; c'est un être limité et circonscrit par un corps fluidique, invisible comme la plupart des fluides ; la mort n'a été pour elle que la destruction de son enveloppe corporelle, mais elle a conservé son enveloppe éthérée indestructible ; de sorte que vous avez près de vous votre sœur, telle qu'elle était de son vivant, moins le corps qu'elle a laissé sur la terre, comme le papillon laisse sa chrysalide ; en mourant elle n'a fait que se dépouiller du grossier vêtement qui ne pouvait plus lui servir, qui la retenait à la surface du sol, mais elle a conservé un vêtement léger qui lui permet de se transporter partout où elle veut, de franchir l'espace avec la rapidité de l'éclair ; au moral, c'est la même personne avec les mêmes pensées, les mêmes affections, la même intelligence, mais avec des perceptions nouvelles, plus étendues, plus subtiles, ses facultés n'étant plus comprimées par la matière lourde et compacte à travers laquelle elles devaient se transmettre ; dites si ce tableau a rien de déraisonnable ? Le Spiritisme, en prouvant qu'il est réel, est-il donc aussi ridicule que quelques-uns le prétendent ? Que fait-il, en définitive ? Il démontre d'une manière patente l'existence de l'âme ; en prouvant que c'est un être défini, il donne un but réel à nos souvenirs et à nos affections. Si la pensée de M. Renan n'était qu'un rêve, une fiction poétique, le Spiritisme vient faire de cette fiction une réalité.
La philosophie s'est de tout temps attachée à la recherche de l'âme, de sa nature, de ses facultés, de son origine et de sa destinée ; d'innombrables théories ont été faites à ce sujet, et la question est toujours restée indécise. Pourquoi cela ? Apparemment qu'aucune n'a trouvé le nœud du problème, et ne l'a résolu d'une manière assez satisfaisante pour convaincre tout le monde. Le Spiritisme vient à son tour donner la sienne ; il s'appuie sur la psychologie expérimentale ; il étudie l'âme, non seulement pendant la vie, mais après la mort ; il l'observe à l'état d'isolement ; il la voit agir en liberté, tandis que la philosophie ordinaire ne la voit que dans son union avec le corps, soumise aux entraves de la matière, c'est pourquoi elle confond trop souvent la cause avec l'effet. Elle s'efforce de démontrer l'existence et les attributs de l'âme par des formules abstraites, inintelligibles pour les masses ; le Spiritisme en donne des preuves palpables et la fait pour ainsi dire toucher au doigt et à l'œil ; il s'exprime en termes clairs, à la portée de tout le monde. Est-ce que la simplicité du langage lui ôterait le caractère philosophique, ainsi que le prétendent certains savants ?
La philosophie spirite a cependant un tort grave aux yeux de beaucoup de gens, et ce tort est dans un seul mot. Le mot âme, même pour les incrédules, a quelque chose de respectable et qui impose ; le mot Esprit, au contraire, réveille en eux les idées fantastiques des légendes, des contes de fées, des feux follets, des loups-garous, etc. ; ils admettent volontiers qu'on puisse croire à l'âme, quoique n'y croyant pas eux-mêmes, mais ils ne peuvent comprendre qu'avec du bon sens on puisse croire aux Esprits. De la une prévention qui leur fait regarder cette science comme puérile et indigne de leur attention ; la jugeant sur l'étiquette, ils la croient inséparable de la magie et de la sorcellerie. Si le Spiritisme se fût abstenu de prononcer le mot Esprit, et s'il y eût en toutes circonstances substitué le mot âme, l'impression, pour eux, eût été tout autre. A la grande rigueur, ces profonds philosophes, ces libres penseurs, admettront bien que l'âme d'un être qui nous fut cher entende nos regrets et vienne nous inspirer, mais ils n'admettront pas qu'il en soit de même de son Esprit. M. Renan a pu mettre en tête de sa dédicace : A l'âme pure de ma sœur Henriette ; il n'aurait pas mis : A l'Esprit pur.
Pourquoi donc le Spiritisme s'est-il servi du mot Esprit ? Est-ce une faute ? Non, au contraire. D'abord, ce mot était consacré dès les premières manifestations, avant la création de la philosophie spirite ; puisqu'il s'agissait de déduire les conséquences morales de ces manifestations, il y avait utilité à conserver une dénomination passée en usage, afin de montrer la connexité de ces deux parties de la science. Il était en outre évident que la prévention attachée à ce mot, circonscrite à une catégorie spéciale de personnes, devait s'effacer avec le temps ; l'inconvénient ne pouvait qu'être momentané.
En second lieu, si le mot Esprit était un repoussoir pour quelques individus, il était un attrait pour les masses, et devait contribuer plus que l'autre à populariser la doctrine. Il fallait donc préférer le plus grand nombre au plus petit.
Un troisième motif est plus sérieux que les deux autres. Les mots âme et Esprit, bien que synonymes et employés indifféremment, n'expriment pas exactement la même idée. L'âme est à proprement parler le principe intelligent, principe insaisissable et indéfini comme la pensée. Dans l'état de nos connaissances, nous ne pouvons le concevoir isolé de la matière d'une façon absolue. Le périsprit, quoique formé de matière subtile, en fait un être limité, défini, et circonscrit son individualité spirituelle ; d'où l'on peut formuler cette proposition : L'union de l'âme, du périsprit et du corps matériel constitue l'homme ; l'âme et le périsprit séparés du corps constituent l'être appelé Esprit. Dans les manifestations, ce n'est donc pas l'âme seule qui se présente ; elle est toujours revêtue de son enveloppe fluidique ; cette enveloppe est l'intermédiaire nécessaire à l'aide duquel elle agit sur la matière compacte. Dans les apparitions, ce n'est pas l'âme qu'on voit, mais le périsprit ; de même que lorsqu'on voit un homme on voit son corps, mais on ne voit pas la pensée, la force, le principe qui le fait agir.
En résumé, l'âme est l'être simple, primitif ; l'Esprit est l'être double ; l'homme est l'être triple ; si l'on confond l'homme avec ses vêtements, on aura un être quadruple. Dans la circonstance dont il s'agit, le mot Esprit est celui qui correspond le mieux à la chose exprimée. Par la pensée, on se représente un Esprit, on ne se représente pas une âme.
M. Renan, convaincu que l'âme de sa sœur le voyait et l'entendait, ne pouvait supposer qu'elle fût seule dans l'espace ; une simple réflexion devait lui dire qu'il doit en être de même de toutes celles qui quittent la terre. Les âmes ou Esprits ainsi répandus dans l'immensité constituent le monde invisible qui nous entoure et au milieu duquel nous vivons ; de sorte que ce monde n'est point composé d'êtres fantastiques, de gnomes, de farfadets, de démons cornus et à pieds fourchus, mais des êtres mêmes qui ont formé l'humanité terrestre. Qu'y a-t-il là d'absurde ? Le monde visible et le monde invisible se trouvant ainsi perpétuellement en contact, il en résulte une réaction incessante de l'un sur l'autre ; de là une foule de phénomènes qui rentrent dans l'ordre des faits naturels. Le Spiritisme moderne ne les a ni découverts ni inventés ; il les a mieux étudiés et mieux observés ; il en a recherché les lois et les a, par cela même, rayés de l'ordre des faits merveilleux.
Les faits qui se rattachent au monde invisible et à ses rapports avec le monde visible, plus ou moins bien observés à toutes les époques, se lient à l'histoire de presque tous les peuples, et surtout à l'histoire religieuse ; c'est pourquoi il y est fait allusion dans maints passages des écrivains sacrés et profanes. C'est faute de connaître cette relation que tant de passages sont demeurés inintelligibles, et ont été si diversement et si faussement interprétés.
C'est par la même raison que M. Renan s'est si étrangement mépris sur la nature des faits rapportés dans l'Évangile, sur le sens des paroles du Christ, son rôle et son véritable caractère, ainsi que nous le démontrerons dans un prochain article. Ces réflexions, auxquelles nous ont conduit son préambule, étaient nécessaires pour apprécier les conséquences qu'il a tirées du point de vue où il s'est placé.
Messieurs et chers collègues,
La Société commence sa septième année, et cette durée n'est pas sans signification quand il s'agit d'une science nouvelle. Un fait qui n'a pas une moindre portée, c'est qu'elle a constamment suivi une marche ascendante. Toutefois, vous le savez, messieurs, c'est moins dans le sens matériel que dans le sens moral que son progrès s'est accompli. Non seulement elle n'a point ouvert ses portes au premier venu, ni sollicité qui que ce soit d'en faire partie, mais elle a plutôt visé à se circonscrire qu'à s'étendre indéfiniment.
Le nombre des membres actifs est en effet une question secondaire pour toute société qui, comme celle-ci, ne vise pas à thésauriser ; ce ne sont pas des souscripteurs qu'elle cherche, voilà pourquoi elle ne tient pas à la quantité ; ainsi le veut la nature même de ses travaux, exclusivement scientifiques, pour lesquels il lui faut le calme et le recueillement, et non le mouvement de la foule.
Le signe de prospérité de la Société n'est donc ni dans le chiffre de son personnel, ni dans celui de son encaisse ; il est tout entier dans la progression de ses études, dans la considération qu'elle s'est acquise, dans l'ascendant moral qu'elle exerce au dehors, enfin dans le nombre des adeptes qui se rallient aux principes qu'elle professe, sans pour cela en faire partie. Sous ce rapport, messieurs, vous savez que le résultat a dépassé toutes les prévisions ; et, chose remarquable, ce n'est pas seulement en France qu'elle exerce cet ascendant, mais à l'étranger, parce que, pour les vrais Spirites, tous les hommes sont frères, à quelque nation qu'ils appartiennent. Vous en avez la preuve matérielle par le nombre des sociétés et des groupes qui, de divers pays, viennent se placer sous son patronage et réclamer ses conseils. Ceci est un fait notoire et d'autant plus caractéristique que cette convergence vers elle se fait spontanément, car il n'est pas moins notoire qu'elle ne l'a ni provoquée ni sollicitée. C'est donc bien volontairement qu'on vient de ranger sous la bannière qu'elle a arborée. A quoi cela tient-il ? Les causes en sont multiples ; il n'est pas inutile de les examiner, car cela rentre dans l'histoire du Spiritisme.
L'une de ces causes vient naturellement de ce que, la première régulièrement constituée, elle est aussi la première qui ait élargi le cercle de ses études et embrassé toutes les parties de la science spirite. Quand le Spiritisme sortait à peine de la période de curiosité et des tables tournantes, elle est entrée résolument dans la période philosophique, qu'elle a en quelque sorte inaugurée ; par cela même, elle a tout d'abord fixé l'attention des gens sérieux.
Mais cela n'eût servi à rien si elle était restée en dehors des principes enseignés par la généralité des Esprits. Si elle n'avait professé que ses propres idées, jamais elle ne les aurait imposées à l'immense majorité des adeptes de tous les pays. La Société représente les principes formulés dans le Livre des Esprits ; ces principes étant partout enseignés, on s'est tout naturellement rallié au centre d'où ils partaient, tandis que ceux qui se sont placés en dehors de ce centre, sont restés isolés, parce qu'ils n'ont pas trouvé d'échos parmi les Esprits.
Je répéterai ici ce que j'ai dit ailleurs, car on ne saurait trop le redire : La force du Spiritisme ne réside pas dans l'opinion d'un homme ni d'un Esprit ; elle est dans l'universalité de l'enseignement donné par ces derniers ; le contrôle universel, comme le suffrage universel, tranchera dans l'avenir toutes les questions litigieuses ; il fondera l'unité de la doctrine bien mieux qu'un concile d'hommes. Ce principe, soyez-en certains, messieurs, fera son chemin, comme celui de : Hors la charité, point de salut, parce qu'il est fondé sur la plus rigoureuse logique et l'abdication de la personnalité. Il ne pourra contrarier que les adversaires du Spiritisme, et ceux qui n'ont foi qu'en leurs lumières personnelles.
C'est parce que la Société de Paris ne s'est jamais écartée en rien de cette voie tracée par la saine raison qu'elle a conquis le rang qu'elle occupe ; on a confiance en elle, parce qu'on sait qu'elle n'avance rien légèrement, qu'elle n'impose point ses propres idées, et que, par sa position, elle est, plus que qui que ce soit, à même de constater le sens dans lequel se prononce ce qu'on peut justement appeler le suffrage universel des Esprits. Si jamais elle se plaçait à côté de la majorité, elle cesserait forcément d'être le point de ralliement. Le Spiritisme ne tomberait pas, parce qu'il a son point d'appui partout, mais la Société, n'ayant plus le sien partout, tomberait. Le Spiritisme, en effet, par sa nature tout exceptionnelle, ne repose pas plus sur une société que sur un individu ; celle de Paris n'a jamais dit : Hors de moi, point de Spiritisme ; elle viendrait donc à cesser d'exister, qu'il n'en suivrait pas moins son cours, car il a ses racines dans la multitude innombrable des interprètes des Esprits dans le monde entier, et non dans une réunion quelconque dont l'existence est toujours éventuelle.
Les témoignages que reçoit la Société prouvent qu'elle est estimée et considérée, et certes, c'est ce dont elle se félicite le plus. Si la cause première en est à la nature de ses travaux, il est juste d'ajouter qu'elle le doit aussi à la bonne opinion qu'ont emportée de ses séances les nombreux étrangers qui sont venus la visiter ; l'ordre, la tenue, la gravité, les sentiments de fraternité qu'ils y ont vus régner, les ont mieux convaincus que toutes les paroles de son caractère éminemment sérieux.
Telle est, messieurs, la position que, comme fondateur de la Société, j'ai tenu à lui assurer ; telle est aussi la raison pour laquelle je n'ai jamais cédé à aucune incitation tendant à la faire dévier de la voie de la prudence. J'ai laissé dire et faire les impatients de bonne ou de mauvaise foi ; vous savez ce qu'ils sont devenus, tandis que la Société est encore debout.
La mission de la société n'est point de faire des adeptes par elle-même, c'est pour cela qu'elle ne convoque jamais le public ; le but de ses travaux, comme l'indique son titre, est le progrès de la science spirite. A cet effet, elle met à profit, non seulement ses propres observations, mais celles qui se font ailleurs ; elle recueille les documents qui lui arrivent de toutes parts ; elle les étudie, les scrute et les compare, pour en déduire les principes et en tirer les instructions qu'elle répand, mais qu'elle ne donne jamais à la légère. C'est ainsi que ses travaux profitent à tous, et s'ils ont acquis quelque autorité, c'est parce qu'on les sait consciencieusement faits, sans prévention systématique contre les personnes ou les choses.
On comprend donc que, pour atteindre ce but, un nombre de membres plus ou moins considérable est chose indifférente ; le résultat serait obtenu avec une douzaine de personnes aussi bien et mieux encore qu'avec plusieurs centaines. N'ayant en vue aucun intérêt matériel, c'est la raison pour laquelle elle ne cherche pas le nombre ; son but étant grave et sérieux, elle ne fait rien en vue de la curiosité ; enfin, comme les éléments de la science ne lui apprendraient rien de nouveau, elle ne perd pas son temps à répéter ce qu'elle sait déjà. Son rôle, comme nous l'avons dit, est de travailler au progrès de la science par l'étude ; ce n'est pas auprès d'elle que ceux qui ne savent rien viennent se convaincre, mais que les adeptes déjà initiés viennent puiser de nouvelles instructions ; tel est son véritable caractère. Ce qu'il lui faut, ce qui lui est indispensable, ce sont des relations étendues qui lui permettent de voir de haut le mouvement général, pour juger de l'ensemble, s'y conformer et le faire connaître ; or, ces relations, elle les possède ; elles lui sont venues d'elles-mêmes, et s'augmentent tous les jours, ainsi que vous en avez la preuve par la correspondance.
Le nombre des réunions qui se forment sous ses auspices et sollicitent son patronage par les motifs développés ci-dessus, est le fait le plus caractéristique de l'année sociale qui vient de s'écouler. Ce fait n'est pas seulement très honorable pour la Société, il est en outre d'une importance capitale, en ce qu'il témoigne à la fois de l'extension de la doctrine et du sens dans lequel tend à s'établir l'unité.
Ceux qui nous connaissent savent la nature des relations qui existent entre la Société de Paris et les sociétés étrangères, mais il est essentiel que tout le monde le sache, pour éviter les méprises auxquelles les allégations de la malveillance pourraient donner lieu. Il n'est donc pas superflu de répéter : Que les Spirites ne forment entre eux ni une congrégation, ni une association ; qu'entre les diverses sociétés il n'y a ni solidarité matérielle, ni affiliation occulte ou ostensible ; qu'elles n'obéissent à aucun mot d'ordre secret ; que ceux qui en font partie sont toujours libres de se retirer si cela leur convient ; que si elles n'ouvrent pas leurs portes au public, ce n'est pas qu'il s'y passe rien de mystérieux ni de caché, mais parce qu'elles ne veulent pas être troublées par les curieux et les importuns ; loin d'agir dans l'ombre, elles sont toujours prêtes, au contraire, à se soumettre aux investigations de l'autorité légale et aux prescriptions qui leur seront imposées. Celle de Paris n'a sur les autres que l'autorité morale qu'elle tient de sa position et de ses études et qu'on veut bien lui accorder. Elle donne les conseils qu'on réclame de son expérience, mais elle ne s'impose à aucune ; le seul mot d'ordre qu'elle donne, comme signe de reconnaissance entre les vrais Spirites, est celui-ci : Charité pour tous, même pour nos ennemis. Elle déclinerait donc toute solidarité morale avec celles qui s'écarteraient de ce principe, qui auraient un mobile d'intérêt matériel, qui, au lieu de maintenir l'union et la bonne harmonie, tendraient à semer la division entre les adeptes, parce qu'elles se placeraient, par cela même, en dehors de la doctrine.
La Société de Paris ne peut encourir la responsabilité des abus que, par ignorance ou autres causes, on peut faire du Spiritisme ; elle n'entend, en aucune façon, couvrir de son manteau ceux qui les commettent ; elle ne peut ni ne doit prendre leur défense vis-à-vis de l'autorité, en cas de poursuite, parce que ce serait approuver ce que la doctrine désavoue. Lorsque la critique s'adresse à ces abus, nous n'avons pas à la réfuter, mais seulement à répondre : Si vous vous donniez la peine d'étudier le Spiritisme, vous sauriez ce qu'il dit, et ne l'accuseriez pas de ce qu'il condamne. C'est donc aux Spirites sincères d'éviter avec soin tout ce qui pourrait donner lieu à une critique fondée ; ils y parviendront sûrement en se renfermant dans les préceptes de la doctrine. Ce n'est pas parce qu'une réunion s'intitule groupe, cercle ou société spirite, qu'elle doit nécessairement avoir nos sympathies ; l'étiquette n'a jamais été une garantie absolue de la qualité de la marchandise ; mais, d'après la maxime : « On reconnaît l'arbre à son fruit, » nous l'apprécions en raison des sentiments qui l'animent, du mobile qui la dirige, et nous la jugeons à ses œuvres. La Société de Paris se félicite quand elle peut inscrire sur la liste de ses adhérents des réunions qui offrent toutes les garanties désirables d'ordre, de bonne tenue, de sincérité, de dévouement et d'abnégation personnelle, et qu'elle peut les offrir comme modèles à ses frères en croyance.
La position de la Société de Paris est donc exclusivement morale, et elle n'en a jamais ambitionné d'autre. Ceux de nos antagonistes qui prétendent que tous les Spirites sont ses tributaires ; qu'elle s'enrichit à leurs dépens en leur soutirant l'argent à son profit ; qui supputent ses prétendus revenus sur le nombre des adeptes, prouvent, ou une insigne mauvaise foi, ou l'ignorance la plus absolue de ce dont ils parlent. Elle a sans doute pour elle sa conscience, mais elle a de plus, pour confondre l'imposture, ses archives, qui témoigneront toujours de la vérité, dans le présent comme dans l'avenir.
Sans dessein prémédité, et par la force des choses, la Société est devenue un centre où aboutissent les renseignements de toute nature concernant le Spiritisme ; elle se trouve, sous ce rapport, dans une position qu'on peut dire exceptionnelle, par les éléments qu'elle possède pour asseoir son opinion. Mieux que qui ce soit, elle peut donc connaître l'état réel des progrès de la doctrine dans chaque contrée, et apprécier les causes locales qui peuvent en favoriser ou en retarder le développement. Cette statistique ne sera pas un des éléments les moins précieux de l'histoire du Spiritisme, en même temps qu'elle permet d'étudier les manœuvres de ses adversaires, et de calculer la portée des coups qu'ils frappent pour le renverser. Cette observation suffirait seule pour faire prévoir le résultat définitif et inévitable de la lutte, comme on juge l'issue d'une bataille en voyant le mouvement de deux armées.
On peut dire en toute vérité que, sous ce rapport, nous sommes au premier rang pour observer, non seulement la tactique des hommes, mais encore celle des Esprits. Nous voyons en effet de la part de ceux-ci, une unité de vue et de plan savamment et providentiellement combinée, devant laquelle doivent forcément se briser tous les efforts humains, car les Esprits peuvent atteindre les hommes et les frapper, tandis qu'ils échappent à ces derniers. Comme on le voit, la partie n'est pas égale.
L'histoire du Spiritisme moderne sera une chose vraiment curieuse, parce que ce sera celle de la lutte du monde visible et du monde invisible ; les Anciens auraient dit : La guerre des hommes contre les dieux. Ce sera aussi celle des faits, mais surtout et forcément celle des hommes qui y auront joué un rôle actif, dans un sens comme dans l'autre, des vrais soutiens, comme des adversaires de la cause. Il faut que les générations futures sachent à qui elles devront un juste tribut de reconnaissance ; il faut qu'elles consacrent la mémoire des véritables pionniers de l'œuvre régénératrice, et qu'il n'y ait pas de gloires usurpées.
Ce qui donnera à cette histoire un caractère particulier, c'est qu'au lieu d'être faite, comme beaucoup d'autres, des années ou des siècles après coup, sur la foi de la tradition et de la légende, elle se fait au fur et à mesure des événements, et sur des pièces authentiques dont nous possédons, par une correspondance incessante venue de tous les pays où s'implante la doctrine, le recueil le plus vaste et le plus complet qui soit au monde.
Sans doute le Spiritisme, en lui-même, ne peut être atteint par les allégations mensongères de ses adversaires, à l'aide desquelles ils essayent de le travestir ; mais elles pourraient cependant donner une fausse idée de ses débuts et de ses moyens d'action, en dénaturant les actes et le caractère des hommes qui y auront coopéré, si l'on n'en donnait une contre-partie officielle. Ces archives seront, pour l'avenir, la lumière qui lèvera tous les doutes, une mine où les commentateurs futurs pourront puiser avec certitude. Vous voyez, messieurs, de quelle importance est ce travail, dans l'intérêt de la vérité historique ; notre Société elle-même y est intéressée en raison de la part qu'elle prend au mouvement.
Il y a un proverbe qui dit : « Noblesse oblige ; » la position de la Société lui impose aussi des obligations pour conserver son crédit et son ascendant moral. La première est de ne point s'écarter, quant à la théorie, de la ligne qu'elle a suivie jusqu'à ce jour, puisqu'elle en recueille les fruits ; la seconde est dans le bon exemple qu'elle doit donner en justifiant, par la pratique, la bonté de la doctrine qu'elle professe. Cet exemple, on le sait, en prouvant l'influence moralisatrice du Spiritisme, est un puissant élément de propagande, en même temps que le meilleur moyen de fermer la bouche des détracteurs. Un incrédule, qui ne connaissait que la philosophie de la doctrine, disait, qu'avec de tels principes, un Spirite devait nécessairement être un honnête homme. Cette parole est profondément vraie ; mais, pour être complète, il faudrait ajouter qu'un vrai Spirite doit nécessairement être bon et bienveillant pour ses semblables, c'est-à-dire pratiquer la charité évangélique dans sa plus large acception.
C'est la grâce que nous devons tous demander à Dieu de nous accorder, en nous rendant dociles aux conseils des bons Esprits qui nous assistent. Prions également ceux-ci de nous continuer leur protection pendant l'année qui vient de s'ouvrir, et de nous donner la force de nous en rendre dignes ; c'est le plus sûr moyen de justifier et de conserver la position que la société s'est acquise.
Allan Kardec
La Société commence sa septième année, et cette durée n'est pas sans signification quand il s'agit d'une science nouvelle. Un fait qui n'a pas une moindre portée, c'est qu'elle a constamment suivi une marche ascendante. Toutefois, vous le savez, messieurs, c'est moins dans le sens matériel que dans le sens moral que son progrès s'est accompli. Non seulement elle n'a point ouvert ses portes au premier venu, ni sollicité qui que ce soit d'en faire partie, mais elle a plutôt visé à se circonscrire qu'à s'étendre indéfiniment.
Le nombre des membres actifs est en effet une question secondaire pour toute société qui, comme celle-ci, ne vise pas à thésauriser ; ce ne sont pas des souscripteurs qu'elle cherche, voilà pourquoi elle ne tient pas à la quantité ; ainsi le veut la nature même de ses travaux, exclusivement scientifiques, pour lesquels il lui faut le calme et le recueillement, et non le mouvement de la foule.
Le signe de prospérité de la Société n'est donc ni dans le chiffre de son personnel, ni dans celui de son encaisse ; il est tout entier dans la progression de ses études, dans la considération qu'elle s'est acquise, dans l'ascendant moral qu'elle exerce au dehors, enfin dans le nombre des adeptes qui se rallient aux principes qu'elle professe, sans pour cela en faire partie. Sous ce rapport, messieurs, vous savez que le résultat a dépassé toutes les prévisions ; et, chose remarquable, ce n'est pas seulement en France qu'elle exerce cet ascendant, mais à l'étranger, parce que, pour les vrais Spirites, tous les hommes sont frères, à quelque nation qu'ils appartiennent. Vous en avez la preuve matérielle par le nombre des sociétés et des groupes qui, de divers pays, viennent se placer sous son patronage et réclamer ses conseils. Ceci est un fait notoire et d'autant plus caractéristique que cette convergence vers elle se fait spontanément, car il n'est pas moins notoire qu'elle ne l'a ni provoquée ni sollicitée. C'est donc bien volontairement qu'on vient de ranger sous la bannière qu'elle a arborée. A quoi cela tient-il ? Les causes en sont multiples ; il n'est pas inutile de les examiner, car cela rentre dans l'histoire du Spiritisme.
L'une de ces causes vient naturellement de ce que, la première régulièrement constituée, elle est aussi la première qui ait élargi le cercle de ses études et embrassé toutes les parties de la science spirite. Quand le Spiritisme sortait à peine de la période de curiosité et des tables tournantes, elle est entrée résolument dans la période philosophique, qu'elle a en quelque sorte inaugurée ; par cela même, elle a tout d'abord fixé l'attention des gens sérieux.
Mais cela n'eût servi à rien si elle était restée en dehors des principes enseignés par la généralité des Esprits. Si elle n'avait professé que ses propres idées, jamais elle ne les aurait imposées à l'immense majorité des adeptes de tous les pays. La Société représente les principes formulés dans le Livre des Esprits ; ces principes étant partout enseignés, on s'est tout naturellement rallié au centre d'où ils partaient, tandis que ceux qui se sont placés en dehors de ce centre, sont restés isolés, parce qu'ils n'ont pas trouvé d'échos parmi les Esprits.
Je répéterai ici ce que j'ai dit ailleurs, car on ne saurait trop le redire : La force du Spiritisme ne réside pas dans l'opinion d'un homme ni d'un Esprit ; elle est dans l'universalité de l'enseignement donné par ces derniers ; le contrôle universel, comme le suffrage universel, tranchera dans l'avenir toutes les questions litigieuses ; il fondera l'unité de la doctrine bien mieux qu'un concile d'hommes. Ce principe, soyez-en certains, messieurs, fera son chemin, comme celui de : Hors la charité, point de salut, parce qu'il est fondé sur la plus rigoureuse logique et l'abdication de la personnalité. Il ne pourra contrarier que les adversaires du Spiritisme, et ceux qui n'ont foi qu'en leurs lumières personnelles.
C'est parce que la Société de Paris ne s'est jamais écartée en rien de cette voie tracée par la saine raison qu'elle a conquis le rang qu'elle occupe ; on a confiance en elle, parce qu'on sait qu'elle n'avance rien légèrement, qu'elle n'impose point ses propres idées, et que, par sa position, elle est, plus que qui que ce soit, à même de constater le sens dans lequel se prononce ce qu'on peut justement appeler le suffrage universel des Esprits. Si jamais elle se plaçait à côté de la majorité, elle cesserait forcément d'être le point de ralliement. Le Spiritisme ne tomberait pas, parce qu'il a son point d'appui partout, mais la Société, n'ayant plus le sien partout, tomberait. Le Spiritisme, en effet, par sa nature tout exceptionnelle, ne repose pas plus sur une société que sur un individu ; celle de Paris n'a jamais dit : Hors de moi, point de Spiritisme ; elle viendrait donc à cesser d'exister, qu'il n'en suivrait pas moins son cours, car il a ses racines dans la multitude innombrable des interprètes des Esprits dans le monde entier, et non dans une réunion quelconque dont l'existence est toujours éventuelle.
Les témoignages que reçoit la Société prouvent qu'elle est estimée et considérée, et certes, c'est ce dont elle se félicite le plus. Si la cause première en est à la nature de ses travaux, il est juste d'ajouter qu'elle le doit aussi à la bonne opinion qu'ont emportée de ses séances les nombreux étrangers qui sont venus la visiter ; l'ordre, la tenue, la gravité, les sentiments de fraternité qu'ils y ont vus régner, les ont mieux convaincus que toutes les paroles de son caractère éminemment sérieux.
Telle est, messieurs, la position que, comme fondateur de la Société, j'ai tenu à lui assurer ; telle est aussi la raison pour laquelle je n'ai jamais cédé à aucune incitation tendant à la faire dévier de la voie de la prudence. J'ai laissé dire et faire les impatients de bonne ou de mauvaise foi ; vous savez ce qu'ils sont devenus, tandis que la Société est encore debout.
La mission de la société n'est point de faire des adeptes par elle-même, c'est pour cela qu'elle ne convoque jamais le public ; le but de ses travaux, comme l'indique son titre, est le progrès de la science spirite. A cet effet, elle met à profit, non seulement ses propres observations, mais celles qui se font ailleurs ; elle recueille les documents qui lui arrivent de toutes parts ; elle les étudie, les scrute et les compare, pour en déduire les principes et en tirer les instructions qu'elle répand, mais qu'elle ne donne jamais à la légère. C'est ainsi que ses travaux profitent à tous, et s'ils ont acquis quelque autorité, c'est parce qu'on les sait consciencieusement faits, sans prévention systématique contre les personnes ou les choses.
On comprend donc que, pour atteindre ce but, un nombre de membres plus ou moins considérable est chose indifférente ; le résultat serait obtenu avec une douzaine de personnes aussi bien et mieux encore qu'avec plusieurs centaines. N'ayant en vue aucun intérêt matériel, c'est la raison pour laquelle elle ne cherche pas le nombre ; son but étant grave et sérieux, elle ne fait rien en vue de la curiosité ; enfin, comme les éléments de la science ne lui apprendraient rien de nouveau, elle ne perd pas son temps à répéter ce qu'elle sait déjà. Son rôle, comme nous l'avons dit, est de travailler au progrès de la science par l'étude ; ce n'est pas auprès d'elle que ceux qui ne savent rien viennent se convaincre, mais que les adeptes déjà initiés viennent puiser de nouvelles instructions ; tel est son véritable caractère. Ce qu'il lui faut, ce qui lui est indispensable, ce sont des relations étendues qui lui permettent de voir de haut le mouvement général, pour juger de l'ensemble, s'y conformer et le faire connaître ; or, ces relations, elle les possède ; elles lui sont venues d'elles-mêmes, et s'augmentent tous les jours, ainsi que vous en avez la preuve par la correspondance.
Le nombre des réunions qui se forment sous ses auspices et sollicitent son patronage par les motifs développés ci-dessus, est le fait le plus caractéristique de l'année sociale qui vient de s'écouler. Ce fait n'est pas seulement très honorable pour la Société, il est en outre d'une importance capitale, en ce qu'il témoigne à la fois de l'extension de la doctrine et du sens dans lequel tend à s'établir l'unité.
Ceux qui nous connaissent savent la nature des relations qui existent entre la Société de Paris et les sociétés étrangères, mais il est essentiel que tout le monde le sache, pour éviter les méprises auxquelles les allégations de la malveillance pourraient donner lieu. Il n'est donc pas superflu de répéter : Que les Spirites ne forment entre eux ni une congrégation, ni une association ; qu'entre les diverses sociétés il n'y a ni solidarité matérielle, ni affiliation occulte ou ostensible ; qu'elles n'obéissent à aucun mot d'ordre secret ; que ceux qui en font partie sont toujours libres de se retirer si cela leur convient ; que si elles n'ouvrent pas leurs portes au public, ce n'est pas qu'il s'y passe rien de mystérieux ni de caché, mais parce qu'elles ne veulent pas être troublées par les curieux et les importuns ; loin d'agir dans l'ombre, elles sont toujours prêtes, au contraire, à se soumettre aux investigations de l'autorité légale et aux prescriptions qui leur seront imposées. Celle de Paris n'a sur les autres que l'autorité morale qu'elle tient de sa position et de ses études et qu'on veut bien lui accorder. Elle donne les conseils qu'on réclame de son expérience, mais elle ne s'impose à aucune ; le seul mot d'ordre qu'elle donne, comme signe de reconnaissance entre les vrais Spirites, est celui-ci : Charité pour tous, même pour nos ennemis. Elle déclinerait donc toute solidarité morale avec celles qui s'écarteraient de ce principe, qui auraient un mobile d'intérêt matériel, qui, au lieu de maintenir l'union et la bonne harmonie, tendraient à semer la division entre les adeptes, parce qu'elles se placeraient, par cela même, en dehors de la doctrine.
La Société de Paris ne peut encourir la responsabilité des abus que, par ignorance ou autres causes, on peut faire du Spiritisme ; elle n'entend, en aucune façon, couvrir de son manteau ceux qui les commettent ; elle ne peut ni ne doit prendre leur défense vis-à-vis de l'autorité, en cas de poursuite, parce que ce serait approuver ce que la doctrine désavoue. Lorsque la critique s'adresse à ces abus, nous n'avons pas à la réfuter, mais seulement à répondre : Si vous vous donniez la peine d'étudier le Spiritisme, vous sauriez ce qu'il dit, et ne l'accuseriez pas de ce qu'il condamne. C'est donc aux Spirites sincères d'éviter avec soin tout ce qui pourrait donner lieu à une critique fondée ; ils y parviendront sûrement en se renfermant dans les préceptes de la doctrine. Ce n'est pas parce qu'une réunion s'intitule groupe, cercle ou société spirite, qu'elle doit nécessairement avoir nos sympathies ; l'étiquette n'a jamais été une garantie absolue de la qualité de la marchandise ; mais, d'après la maxime : « On reconnaît l'arbre à son fruit, » nous l'apprécions en raison des sentiments qui l'animent, du mobile qui la dirige, et nous la jugeons à ses œuvres. La Société de Paris se félicite quand elle peut inscrire sur la liste de ses adhérents des réunions qui offrent toutes les garanties désirables d'ordre, de bonne tenue, de sincérité, de dévouement et d'abnégation personnelle, et qu'elle peut les offrir comme modèles à ses frères en croyance.
La position de la Société de Paris est donc exclusivement morale, et elle n'en a jamais ambitionné d'autre. Ceux de nos antagonistes qui prétendent que tous les Spirites sont ses tributaires ; qu'elle s'enrichit à leurs dépens en leur soutirant l'argent à son profit ; qui supputent ses prétendus revenus sur le nombre des adeptes, prouvent, ou une insigne mauvaise foi, ou l'ignorance la plus absolue de ce dont ils parlent. Elle a sans doute pour elle sa conscience, mais elle a de plus, pour confondre l'imposture, ses archives, qui témoigneront toujours de la vérité, dans le présent comme dans l'avenir.
Sans dessein prémédité, et par la force des choses, la Société est devenue un centre où aboutissent les renseignements de toute nature concernant le Spiritisme ; elle se trouve, sous ce rapport, dans une position qu'on peut dire exceptionnelle, par les éléments qu'elle possède pour asseoir son opinion. Mieux que qui ce soit, elle peut donc connaître l'état réel des progrès de la doctrine dans chaque contrée, et apprécier les causes locales qui peuvent en favoriser ou en retarder le développement. Cette statistique ne sera pas un des éléments les moins précieux de l'histoire du Spiritisme, en même temps qu'elle permet d'étudier les manœuvres de ses adversaires, et de calculer la portée des coups qu'ils frappent pour le renverser. Cette observation suffirait seule pour faire prévoir le résultat définitif et inévitable de la lutte, comme on juge l'issue d'une bataille en voyant le mouvement de deux armées.
On peut dire en toute vérité que, sous ce rapport, nous sommes au premier rang pour observer, non seulement la tactique des hommes, mais encore celle des Esprits. Nous voyons en effet de la part de ceux-ci, une unité de vue et de plan savamment et providentiellement combinée, devant laquelle doivent forcément se briser tous les efforts humains, car les Esprits peuvent atteindre les hommes et les frapper, tandis qu'ils échappent à ces derniers. Comme on le voit, la partie n'est pas égale.
L'histoire du Spiritisme moderne sera une chose vraiment curieuse, parce que ce sera celle de la lutte du monde visible et du monde invisible ; les Anciens auraient dit : La guerre des hommes contre les dieux. Ce sera aussi celle des faits, mais surtout et forcément celle des hommes qui y auront joué un rôle actif, dans un sens comme dans l'autre, des vrais soutiens, comme des adversaires de la cause. Il faut que les générations futures sachent à qui elles devront un juste tribut de reconnaissance ; il faut qu'elles consacrent la mémoire des véritables pionniers de l'œuvre régénératrice, et qu'il n'y ait pas de gloires usurpées.
Ce qui donnera à cette histoire un caractère particulier, c'est qu'au lieu d'être faite, comme beaucoup d'autres, des années ou des siècles après coup, sur la foi de la tradition et de la légende, elle se fait au fur et à mesure des événements, et sur des pièces authentiques dont nous possédons, par une correspondance incessante venue de tous les pays où s'implante la doctrine, le recueil le plus vaste et le plus complet qui soit au monde.
Sans doute le Spiritisme, en lui-même, ne peut être atteint par les allégations mensongères de ses adversaires, à l'aide desquelles ils essayent de le travestir ; mais elles pourraient cependant donner une fausse idée de ses débuts et de ses moyens d'action, en dénaturant les actes et le caractère des hommes qui y auront coopéré, si l'on n'en donnait une contre-partie officielle. Ces archives seront, pour l'avenir, la lumière qui lèvera tous les doutes, une mine où les commentateurs futurs pourront puiser avec certitude. Vous voyez, messieurs, de quelle importance est ce travail, dans l'intérêt de la vérité historique ; notre Société elle-même y est intéressée en raison de la part qu'elle prend au mouvement.
Il y a un proverbe qui dit : « Noblesse oblige ; » la position de la Société lui impose aussi des obligations pour conserver son crédit et son ascendant moral. La première est de ne point s'écarter, quant à la théorie, de la ligne qu'elle a suivie jusqu'à ce jour, puisqu'elle en recueille les fruits ; la seconde est dans le bon exemple qu'elle doit donner en justifiant, par la pratique, la bonté de la doctrine qu'elle professe. Cet exemple, on le sait, en prouvant l'influence moralisatrice du Spiritisme, est un puissant élément de propagande, en même temps que le meilleur moyen de fermer la bouche des détracteurs. Un incrédule, qui ne connaissait que la philosophie de la doctrine, disait, qu'avec de tels principes, un Spirite devait nécessairement être un honnête homme. Cette parole est profondément vraie ; mais, pour être complète, il faudrait ajouter qu'un vrai Spirite doit nécessairement être bon et bienveillant pour ses semblables, c'est-à-dire pratiquer la charité évangélique dans sa plus large acception.
C'est la grâce que nous devons tous demander à Dieu de nous accorder, en nous rendant dociles aux conseils des bons Esprits qui nous assistent. Prions également ceux-ci de nous continuer leur protection pendant l'année qui vient de s'ouvrir, et de nous donner la force de nous en rendre dignes ; c'est le plus sûr moyen de justifier et de conserver la position que la société s'est acquise.
Allan Kardec
Quelques
personnes demandent pourquoi la doctrine spirite n'est pas la même dans
l'ancien et le nouveau continent, et en quoi consiste la différence. C'est ce
que nous allons essayer d'expliquer.
Les manifestations, comme on le sait, ont eu lieu dans tous les temps, aussi bien en Europe qu'en Amérique, et aujourd'hui qu'on se rend compte de la chose, on se rappelle une multitude de faits qui étaient passés inaperçus, et l'on en retrouve une foule consignés dans des écrits authentiques. Mais ces faits étaient isolés ; dans ces derniers temps, ils se sont produits aux États-Unis sur une échelle assez vaste pour éveiller l'attention générale des deux côtés de l'Atlantique. L'extrême liberté qui existe dans ce pays y a favorisé l'éclosion des idées nouvelles, et c'est pour cela que les Esprits l'ont choisi pour le premier théâtre de leurs enseignements.
Or, il arrive souvent qu'une idée prend naissance dans une contrée, et se développe dans une autre, ainsi qu'on le voit pour les sciences et l'industrie. Sous ce rapport le génie américain a fait ses preuves, et n'a rien à envier à l'Europe ; mais s'il excelle en tout ce qui concerne le commerce et les arts mécaniques, on ne peut refuser à l'Europe celui des sciences morales et philosophiques. Par suite de cette différence dans le caractère normal des peuples, le Spiritisme expérimental était sur son terrain en Amérique, tandis que la partie théorique et philosophique trouvait en Europe des éléments plus propices à son développement ; aussi est-ce là qu'elle a pris naissance : en peu d'années elle y a conquis la première place. Les faits y ont d'abord éveillé la curiosité ; mais les faits constatés et la curiosité satisfaite, on s'est bientôt lassé d'expériences matérielles sans résultats positifs ; il n'en a plus été de même dès que se sont déroulés les conséquences morales de ces mêmes faits pour l'avenir de l'humanité ; de ce moment le Spiritisme a pris rang parmi les sciences philosophiques ; il a marché à pas de géant, malgré les obstacles qu'on lui a suscités, parce qu'il satisfaisait les aspirations des masses, car on a promptement compris qu'il venait combler un vide immense dans les croyances, et résoudre ce qui jusqu'alors paraissait insoluble.
L'Amérique a donc été le berceau du Spiritisme, mais c'est en Europe qu'il a grandi et fait ses humanités. L'Amérique a-t-elle lieu d'en être jalouse ? Non, car sur d'autres points elle a eu l'avantage. N'est-ce pas en Europe que les machines à vapeur ont pris naissance, et n'est-ce pas d'Amérique qu'elles sont revenues dans des conditions pratiques ? A chacun son rôle selon ses aptitudes, et à chaque peuple le sien, selon son génie particulier.
Ce qui distingue principalement l'école spirite dite américaine de l'école européenne, c'est la prédominance, dans la première, de la partie phénoménale, à laquelle on s'attache plus spécialement, et, dans la seconde, de la partie philosophique. La philosophie spirite d'Europe s'est promptement répandue, parce qu'elle a offert, dès l'abord, un ensemble complet, qu'elle a montré le but et élargi l'horizon des idées ; c'est incontestablement celle qui prévaut aujourd'hui dans le monde entier. Les États-Unis se sont, jusqu'à ce jour, peu écartés de leurs idées premières ; est-ce à dire que, seuls, ils resteront en arrière du mouvement général ? Ce serait faire injure à l'intelligence de ce peuple. Les Esprits, d'ailleurs, sont là pour le pousser dans la voie commune, en y donnant l'enseignement qu'ils donnent ailleurs ; ils triompheront peu à peu des résistances qui pourraient naître de l'amour-propre national. Si les Américains repoussaient la théorie européenne, parce qu'elle vient d'Europe, ils l'accepteront quand elle surgira au milieu d'eux par la voix même des Esprits ; ils céderont à l'ascendant, non de l'opinion de quelques hommes, mais à celui du contrôle universel de l'enseignement des Esprits, ce puissant critérium, ainsi que nous l'avons démontré dans notre article sur l'autorité de la doctrine spirite ; ce n'est qu'une question de temps, surtout quand les questions de personnes auront disparu.
De tous les principes de la doctrine, celui qui a rencontré le plus d'opposition en Amérique, et par l'Amérique il faut entendre exclusivement les États-Unis, c'est celui de la réincarnation ; on peut même dire que c'est la seule divergence capitale, les autres tenant plutôt à la forme qu'au fond, et cela, parce que les Esprits ne l'y ont pas enseigné ; nous en avons expliqué les motifs. Les Esprits procèdent partout avec sagesse et prudence ; pour se faire accepter, ils évitent de choquer trop brusquement les idées reçues ; ils n'iront pas dire de but en blanc à un musulman que Mahomet est un imposteur. Aux États-Unis, le dogme de la réincarnation serait venu se heurter contre les préjugés de couleur, si profondément enracinés dans ce pays ; l'essentiel était de faire accepter le principe fondamental de la communication du monde visible et du monde invisible ; les questions de détail devaient venir en leur temps. Or, il n'est pas douteux que cet obstacle finira par disparaître, et qu'un des résultats de la guerre actuelle sera l'affaiblissement graduel de préjugés qui sont une anomalie chez une nation aussi libérale.
Si l'idée de la réincarnation n'est pas encore acceptée aux États-Unis d'une manière générale, elle l'est individuellement par quelques-uns, sinon comme principe absolu, du moins avec certaines restrictions, ce qui est déjà quelque chose. Quant aux Esprits, jugeant sans doute que le moment devient propice, ils commencent à l'enseigner avec ménagement dans certains endroits, et carrément dans d'autres ; la question, une fois soulevée, fera son chemin. Du reste, nous avons sous les yeux des communications déjà anciennes obtenues dans ce pays, où, sans y être formellement exprimée, la pluralité des existences est la conséquence forcée des principes émis ; on y voit poindre l'idée. Il n'est donc pas douteux que, dans un temps donné, ce que l'on appelle encore aujourd'hui l'école américaine se fondra dans la grande unité qui s'établit de toutes parts.
Comme preuve de ce que nous avançons, nous citerons l'article suivant, publié dans l'Union, journal de San Francisco, et un extrait de la lettre d'envoi qui l'accompagnait.
« Monsieur Allan Kardec,
Quoique je n'aie point l'honneur d'être connue de vous, je prends, comme médium, la liberté de vous adresser la notice ci-jointe que ces messieurs du journal ont un peu abrégée ; néanmoins, telle qu'elle est, beaucoup de personnes paraissent désirer en savoir davantage ; aussi tous vos livres se répandent, et nos libraires auront bientôt à faire de nouvelles demandes…
Recevez, etc.
Pauline Boulay. »
Les manifestations, comme on le sait, ont eu lieu dans tous les temps, aussi bien en Europe qu'en Amérique, et aujourd'hui qu'on se rend compte de la chose, on se rappelle une multitude de faits qui étaient passés inaperçus, et l'on en retrouve une foule consignés dans des écrits authentiques. Mais ces faits étaient isolés ; dans ces derniers temps, ils se sont produits aux États-Unis sur une échelle assez vaste pour éveiller l'attention générale des deux côtés de l'Atlantique. L'extrême liberté qui existe dans ce pays y a favorisé l'éclosion des idées nouvelles, et c'est pour cela que les Esprits l'ont choisi pour le premier théâtre de leurs enseignements.
Or, il arrive souvent qu'une idée prend naissance dans une contrée, et se développe dans une autre, ainsi qu'on le voit pour les sciences et l'industrie. Sous ce rapport le génie américain a fait ses preuves, et n'a rien à envier à l'Europe ; mais s'il excelle en tout ce qui concerne le commerce et les arts mécaniques, on ne peut refuser à l'Europe celui des sciences morales et philosophiques. Par suite de cette différence dans le caractère normal des peuples, le Spiritisme expérimental était sur son terrain en Amérique, tandis que la partie théorique et philosophique trouvait en Europe des éléments plus propices à son développement ; aussi est-ce là qu'elle a pris naissance : en peu d'années elle y a conquis la première place. Les faits y ont d'abord éveillé la curiosité ; mais les faits constatés et la curiosité satisfaite, on s'est bientôt lassé d'expériences matérielles sans résultats positifs ; il n'en a plus été de même dès que se sont déroulés les conséquences morales de ces mêmes faits pour l'avenir de l'humanité ; de ce moment le Spiritisme a pris rang parmi les sciences philosophiques ; il a marché à pas de géant, malgré les obstacles qu'on lui a suscités, parce qu'il satisfaisait les aspirations des masses, car on a promptement compris qu'il venait combler un vide immense dans les croyances, et résoudre ce qui jusqu'alors paraissait insoluble.
L'Amérique a donc été le berceau du Spiritisme, mais c'est en Europe qu'il a grandi et fait ses humanités. L'Amérique a-t-elle lieu d'en être jalouse ? Non, car sur d'autres points elle a eu l'avantage. N'est-ce pas en Europe que les machines à vapeur ont pris naissance, et n'est-ce pas d'Amérique qu'elles sont revenues dans des conditions pratiques ? A chacun son rôle selon ses aptitudes, et à chaque peuple le sien, selon son génie particulier.
Ce qui distingue principalement l'école spirite dite américaine de l'école européenne, c'est la prédominance, dans la première, de la partie phénoménale, à laquelle on s'attache plus spécialement, et, dans la seconde, de la partie philosophique. La philosophie spirite d'Europe s'est promptement répandue, parce qu'elle a offert, dès l'abord, un ensemble complet, qu'elle a montré le but et élargi l'horizon des idées ; c'est incontestablement celle qui prévaut aujourd'hui dans le monde entier. Les États-Unis se sont, jusqu'à ce jour, peu écartés de leurs idées premières ; est-ce à dire que, seuls, ils resteront en arrière du mouvement général ? Ce serait faire injure à l'intelligence de ce peuple. Les Esprits, d'ailleurs, sont là pour le pousser dans la voie commune, en y donnant l'enseignement qu'ils donnent ailleurs ; ils triompheront peu à peu des résistances qui pourraient naître de l'amour-propre national. Si les Américains repoussaient la théorie européenne, parce qu'elle vient d'Europe, ils l'accepteront quand elle surgira au milieu d'eux par la voix même des Esprits ; ils céderont à l'ascendant, non de l'opinion de quelques hommes, mais à celui du contrôle universel de l'enseignement des Esprits, ce puissant critérium, ainsi que nous l'avons démontré dans notre article sur l'autorité de la doctrine spirite ; ce n'est qu'une question de temps, surtout quand les questions de personnes auront disparu.
De tous les principes de la doctrine, celui qui a rencontré le plus d'opposition en Amérique, et par l'Amérique il faut entendre exclusivement les États-Unis, c'est celui de la réincarnation ; on peut même dire que c'est la seule divergence capitale, les autres tenant plutôt à la forme qu'au fond, et cela, parce que les Esprits ne l'y ont pas enseigné ; nous en avons expliqué les motifs. Les Esprits procèdent partout avec sagesse et prudence ; pour se faire accepter, ils évitent de choquer trop brusquement les idées reçues ; ils n'iront pas dire de but en blanc à un musulman que Mahomet est un imposteur. Aux États-Unis, le dogme de la réincarnation serait venu se heurter contre les préjugés de couleur, si profondément enracinés dans ce pays ; l'essentiel était de faire accepter le principe fondamental de la communication du monde visible et du monde invisible ; les questions de détail devaient venir en leur temps. Or, il n'est pas douteux que cet obstacle finira par disparaître, et qu'un des résultats de la guerre actuelle sera l'affaiblissement graduel de préjugés qui sont une anomalie chez une nation aussi libérale.
Si l'idée de la réincarnation n'est pas encore acceptée aux États-Unis d'une manière générale, elle l'est individuellement par quelques-uns, sinon comme principe absolu, du moins avec certaines restrictions, ce qui est déjà quelque chose. Quant aux Esprits, jugeant sans doute que le moment devient propice, ils commencent à l'enseigner avec ménagement dans certains endroits, et carrément dans d'autres ; la question, une fois soulevée, fera son chemin. Du reste, nous avons sous les yeux des communications déjà anciennes obtenues dans ce pays, où, sans y être formellement exprimée, la pluralité des existences est la conséquence forcée des principes émis ; on y voit poindre l'idée. Il n'est donc pas douteux que, dans un temps donné, ce que l'on appelle encore aujourd'hui l'école américaine se fondra dans la grande unité qui s'établit de toutes parts.
Comme preuve de ce que nous avançons, nous citerons l'article suivant, publié dans l'Union, journal de San Francisco, et un extrait de la lettre d'envoi qui l'accompagnait.
« Monsieur Allan Kardec,
Quoique je n'aie point l'honneur d'être connue de vous, je prends, comme médium, la liberté de vous adresser la notice ci-jointe que ces messieurs du journal ont un peu abrégée ; néanmoins, telle qu'elle est, beaucoup de personnes paraissent désirer en savoir davantage ; aussi tous vos livres se répandent, et nos libraires auront bientôt à faire de nouvelles demandes…
Recevez, etc.
Pauline Boulay. »
« Il
suffit d'exprimer tout haut des idées que tout le monde ne comprend pas pour
être traité d'exalté, d'extravagant et de fou. Il n'est pas nécessaire d'être
un bas-bleu pour écrire ce que le cœur et l'âme nous dictent.
Un esprit fort disait à une dame médium : Comment vous, qui êtes intelligente, pouvez-vous croire aux Esprits invisibles et à la pluralité des existences ? ‑ C'est peut-être parce que je suis intelligente que j'y crois, répondit la dame ; ce que je ressens m'inspire plus de confiance que ce que je vois, attendu que ce que nous voyons nous trompe quelquefois, ce que nous ressentons ne nous trompe jamais ; libre à vous de ne pas y croire. Ceux qui croient à la pluralité des existences ne sont point méchants et sont plus désintéressés que ceux qui n'y croient pas : les incrédules les traitent de fous, cela ne prouve pas qu'ils disent vrai ; au contraire ; douter de la puissance de Dieu c'est l'offenser, nier ce qui existe au delà de ce que nous pouvons palper est un outrage adressé au Créateur.
On a l'habitude, lorsqu'il nous arrive quelque chose d'extraordinaire, de l'attribuer au hasard. Je me demande qu'est-ce que le hasard ? Le néant, répond la voix de la vérité ; or donc, le néant ne pouvant rien produire, ce qui existe nous vient d'une source productive : il ne serait que très juste de penser que ce qui arrive indépendamment de notre volonté est l'œuvre de la Providence, dirigée par le Maître de nos destinées.
Quoi que vous disiez, quoi que vous fassiez, esprits forts, vous ne détruirez jamais cette doctrine, qui a toujours existé. L'ignorance des âmes primitives ne leur permettant pas d'en comprendre toute l'étendue, ils s'imaginent qu'après cette vie tout est fini. Erreur ! Nous autres médiums, plus ou moins avancés, nous finirons par vous convaincre.
Non seulement le Spiritisme est une consolation, mais encore il développe l'intelligence, détruit toute pensée d'égoïsme, d'orgueil et d'avarice, nous met en communication avec ceux qui nous sont chers, et prépare le progrès ; progrès immense qui détruira insensiblement tous les abus, les révolutions et les guerres.
L'âme a besoin de se réincarner pour se perfectionner, elle ne peut en une seule vie matérielle apprendre tout ce qu'elle doit savoir pour comprendre l'œuvre du Tout-Puissant. Le corps n'est qu'une enveloppe passagère dans laquelle Dieu envoie une âme pour se perfectionner et subir les épreuves nécessaires à son avancement et à l'accomplissement de la grande œuvre du Créateur, que nous sommes tous appelés à servir lorsque nous aurons fait nos preuves et que nous aurons acquis toutes les perfections. Toutes nos célébrités contemporaines sont autant d'âmes qui ont progressé par le renouvellement des incarnations ; beaucoup d'entre eux sont des médiums écrivains, des génies qui apportent à chaque existence nouvelle les progrès de la science et des arts.
La liste des hommes de génie augmente chaque année : ce sont autant de guides que Dieu place au milieu de nous pour nous éclairer, nous instruire, en un mot, nous apprendre ce que nous ignorons et qu'il faut absolument que nous sachions ; ils nous montrent la plaie sociale, ils tâchent de détruire nos préjugés, ils mettent au grand jour et sous nos yeux tout le mal produit par l'égoïsme et l'ignorance. Ces génies sont animés par des Esprits supérieurs ; ils ont plus fait pour le progrès et la civilisation que toutes vos fusillades et vos canons, et font verser plus de larmes de reconnaissance et d'attendrissement que tous vos beaux faits d'armes.
Réfléchissez donc sérieusement au Spiritisme, hommes intelligents, vous y trouverez de grands enseignements ; il n'y a pas de charlatanisme dans cette loi divine, tout y est beau, grand, sublime ; elle seule tend à nous conduire vers la perfection et le véritable bonheur moral.
Le livre écrit par les médiums, sous la dictée des Esprits supérieurs et errants, est un livre de haute philosophie et d'une instruction aussi profonde qu'éthérée, il traite de tout. Il est vrai que tout le monde n'est pas encore préparé à cette croyance, et pour la comprendre il est nécessaire que l'âme se soit déjà réincarnée plusieurs fois.
Lorsque tout le monde comprendra le Spiritisme, nos grands poètes seront plus appréciés et on les lira avec attention et respect. Tous nos littérateurs seront compris par tous les peuples, on les admirera sans en être jaloux, parce qu'on connaîtra la cause et les effets.
L'étude de la science est la plus noble des occupations, le Spiritisme en est la divinité ; par lui nous nous associons au génie, et, comme l'a dit un de nos savants, après l'homme de génie vient celui qui sait le comprendre.
L'instruction fait de l'Esprit ce qu'un habile bijoutier fait du spécimen, elle lui donne le poli, le brillant qui charme et séduit en rehaussant sa valeur.
L'âme n'a point de forme proprement dite, c'est une sorte de lumière qui diffère par son intensité suivant le degré de perfection qu'elle a acquise. Plus l'âme a progressé, plus sa couleur est lumineuse.
vous serez tous médiums, vous pourrez vous entretenir avec les Esprits comme nous le faisons déjà, ils vous diront qu'ils sont plus heureux que nous ; ils nous voient, nous entendent, ils assistent à nos réunions, s'entretiennent avec notre âme pendant notre sommeil, ils se transportent et pénètrent partout où Dieu les envoie.
Pauline Boulay. »
Nota. ‑ Le principe de la réincarnation se trouve également dans un manuscrit qui nous est adressé de Montréal (Canada), et dont nous parlerons prochainement.
Un esprit fort disait à une dame médium : Comment vous, qui êtes intelligente, pouvez-vous croire aux Esprits invisibles et à la pluralité des existences ? ‑ C'est peut-être parce que je suis intelligente que j'y crois, répondit la dame ; ce que je ressens m'inspire plus de confiance que ce que je vois, attendu que ce que nous voyons nous trompe quelquefois, ce que nous ressentons ne nous trompe jamais ; libre à vous de ne pas y croire. Ceux qui croient à la pluralité des existences ne sont point méchants et sont plus désintéressés que ceux qui n'y croient pas : les incrédules les traitent de fous, cela ne prouve pas qu'ils disent vrai ; au contraire ; douter de la puissance de Dieu c'est l'offenser, nier ce qui existe au delà de ce que nous pouvons palper est un outrage adressé au Créateur.
On a l'habitude, lorsqu'il nous arrive quelque chose d'extraordinaire, de l'attribuer au hasard. Je me demande qu'est-ce que le hasard ? Le néant, répond la voix de la vérité ; or donc, le néant ne pouvant rien produire, ce qui existe nous vient d'une source productive : il ne serait que très juste de penser que ce qui arrive indépendamment de notre volonté est l'œuvre de la Providence, dirigée par le Maître de nos destinées.
Quoi que vous disiez, quoi que vous fassiez, esprits forts, vous ne détruirez jamais cette doctrine, qui a toujours existé. L'ignorance des âmes primitives ne leur permettant pas d'en comprendre toute l'étendue, ils s'imaginent qu'après cette vie tout est fini. Erreur ! Nous autres médiums, plus ou moins avancés, nous finirons par vous convaincre.
Non seulement le Spiritisme est une consolation, mais encore il développe l'intelligence, détruit toute pensée d'égoïsme, d'orgueil et d'avarice, nous met en communication avec ceux qui nous sont chers, et prépare le progrès ; progrès immense qui détruira insensiblement tous les abus, les révolutions et les guerres.
L'âme a besoin de se réincarner pour se perfectionner, elle ne peut en une seule vie matérielle apprendre tout ce qu'elle doit savoir pour comprendre l'œuvre du Tout-Puissant. Le corps n'est qu'une enveloppe passagère dans laquelle Dieu envoie une âme pour se perfectionner et subir les épreuves nécessaires à son avancement et à l'accomplissement de la grande œuvre du Créateur, que nous sommes tous appelés à servir lorsque nous aurons fait nos preuves et que nous aurons acquis toutes les perfections. Toutes nos célébrités contemporaines sont autant d'âmes qui ont progressé par le renouvellement des incarnations ; beaucoup d'entre eux sont des médiums écrivains, des génies qui apportent à chaque existence nouvelle les progrès de la science et des arts.
La liste des hommes de génie augmente chaque année : ce sont autant de guides que Dieu place au milieu de nous pour nous éclairer, nous instruire, en un mot, nous apprendre ce que nous ignorons et qu'il faut absolument que nous sachions ; ils nous montrent la plaie sociale, ils tâchent de détruire nos préjugés, ils mettent au grand jour et sous nos yeux tout le mal produit par l'égoïsme et l'ignorance. Ces génies sont animés par des Esprits supérieurs ; ils ont plus fait pour le progrès et la civilisation que toutes vos fusillades et vos canons, et font verser plus de larmes de reconnaissance et d'attendrissement que tous vos beaux faits d'armes.
Réfléchissez donc sérieusement au Spiritisme, hommes intelligents, vous y trouverez de grands enseignements ; il n'y a pas de charlatanisme dans cette loi divine, tout y est beau, grand, sublime ; elle seule tend à nous conduire vers la perfection et le véritable bonheur moral.
Le livre écrit par les médiums, sous la dictée des Esprits supérieurs et errants, est un livre de haute philosophie et d'une instruction aussi profonde qu'éthérée, il traite de tout. Il est vrai que tout le monde n'est pas encore préparé à cette croyance, et pour la comprendre il est nécessaire que l'âme se soit déjà réincarnée plusieurs fois.
Lorsque tout le monde comprendra le Spiritisme, nos grands poètes seront plus appréciés et on les lira avec attention et respect. Tous nos littérateurs seront compris par tous les peuples, on les admirera sans en être jaloux, parce qu'on connaîtra la cause et les effets.
L'étude de la science est la plus noble des occupations, le Spiritisme en est la divinité ; par lui nous nous associons au génie, et, comme l'a dit un de nos savants, après l'homme de génie vient celui qui sait le comprendre.
L'instruction fait de l'Esprit ce qu'un habile bijoutier fait du spécimen, elle lui donne le poli, le brillant qui charme et séduit en rehaussant sa valeur.
L'âme n'a point de forme proprement dite, c'est une sorte de lumière qui diffère par son intensité suivant le degré de perfection qu'elle a acquise. Plus l'âme a progressé, plus sa couleur est lumineuse.
vous serez tous médiums, vous pourrez vous entretenir avec les Esprits comme nous le faisons déjà, ils vous diront qu'ils sont plus heureux que nous ; ils nous voient, nous entendent, ils assistent à nos réunions, s'entretiennent avec notre âme pendant notre sommeil, ils se transportent et pénètrent partout où Dieu les envoie.
Pauline Boulay. »
Nota. ‑ Le principe de la réincarnation se trouve également dans un manuscrit qui nous est adressé de Montréal (Canada), et dont nous parlerons prochainement.
Il
ne s'agit pas ici, comme on pourrait le croire, d'une démonstration approbative
de la doctrine, mais au contraire d'une nouvelle forme d'attaque, sous un titre
attrayant et quelque peu trompeur, car celui qui, sur la foi de l'affiche,
irait là croyant assister à des leçons de spiritisme, serait fort désappointé.
Les sermons sont loin d'avoir eu le résultat qu'on en attendait ; ils ne
s'adressent d'ailleurs qu'aux fidèles ; puis ils exigent une forme trop
solennelle, trop exclusivement religieuse ; tandis que la tribune
enseignante permet des allures plus libres, plus familières ; l'orateur
ecclésiastique fait abstraction de sa qualité de prêtre : il devient
professeur. Ce moyen réussira-t-il ? L'avenir nous l'apprendra.
M. l'abbé Barricand, professeur à la Faculté de théologie de Lyon, a commencé au Petit-Collège une série de leçons publiques sur, ou mieux contre le magnétisme et le spiritisme. Le journal la Vérité, dans son numéro du 10 avril 1864, donne l'analyse d'une séance consacrée au spiritisme, et relève plusieurs assertions de l'orateur ; il promet de tenir ses lecteurs au courant de la suite, en même temps qu'il se charge de le réfuter, ce dont, nous n'en doutons pas, il s'acquittera à merveille, à en juger par son début. La convenance et la modération dont il a fait preuve jusqu'à ce jour dans sa polémique, nous sont garants qu'il ne s'en départira pas en cette circonstance, dans le cas même où son contradicteur s'en écarterait.
Tant que M. l'abbé Barricand restera sur le terrain de la discussion des principes de la doctrine, il sera dans son droit ; nous ne pouvons lui savoir mauvais gré de n'être pas de notre avis, de le dire, et de chercher à prouver qu'il a raison. Nous voudrions qu'en général le clergé fût aussi partisan du libre examen que nous le sommes nous-mêmes. Ce qui est en dehors du droit de discussion, ce sont les attaques personnelles, et surtout les personnalités malveillantes ; c'est lorsque, pour les besoins de sa cause, un adversaire dénature les faits et les principes qu'il veut combattre, les paroles et les actes de ceux qui les défendent. De pareils moyens sont toujours une preuve de faiblesse et témoignent du peu de confiance qu'on a dans les arguments tirés de la chose même. Ce sont ces écarts de vérité qu'il est essentiel de relever à l'occasion, tout en restant dans la limite des convenances et de l'urbanité.
La Vérité résume ainsi qu'il suit une partie de l'argumentation de M. l'abbé Barricand :
« Quant aux Spirites qui sont beaucoup plus nombreux, je me fais également fort de vous prouver qu'ils descendent aujourd'hui du prétentieux piédestal sur lequel M. A. Kardec les faisait trôner en 1862. En 1861, en effet, M Kardec effectuait un voyage dans toute la France, voyage dont il rendait complaisamment compte au public. Oh ! alors, messieurs, tout était pour le mieux; les adeptes de cette école se comptaient par trente mille à Lyon, par deux ou trois mille à Bordeaux, etc., etc. Le Spiritisme semblait avoir envahi toute l'Europe ! Or, que se passe-t-il en 1863 ? M. A. Kardec ne fait plus de voyage…, plus de compte rendu emphatique ! C'est qu'il a probablement constaté bon nombre de désertions, et qu'afin de ne pas décourager ce qu'il peut rester encore de Spirites, par un état peu en leur faveur, il a jugé prudent et adroit de s'abstenir. Pardon, messieurs, je me trompe, M. A. Kardec consacre quelques pages de sa Revue spirite (janvier 1864), à nous donner quelques renseignements généraux sur la campagne de 1863. Mais ici, plus de chiffres ambitieux ! Il s'en donne bien garde et pour cause !… M. Kardec se contente de nous annoncer que le Spiritisme est toujours florissant, plus florissant que jamais. Comme preuves à l'appui, il cite la création de deux nouveaux organes de l'école, la Ruche de Bordeaux et la Vérité de Lyon ; la Vérité surtout, qui est venue, dit-il, se poser en athlète redoutable, par ses articles d'une logique si serrée, qu'ils ne laissent aucune prise à la critique. J'espère, messieurs, vous démontrer vendredi que la Vérité n'est pas aussi terrible qu'on veut bien le dire.
Il est facile à M. Allan Kardec de poser cette assertion : Le Spiritisme est plus puissant que jamais, et de citer comme principale preuve la création de la Ruche et de la Vérité ! Messieurs, comédie que tout cela !… Ces deux journaux peuvent bien exister, sans être précisément obligé de conclure que le Spiritisme a fait un pas en avant ?… Si vous m'objectiez que ces journaux ont des frais et que pour les payer il faut des abonnés ou s'imposer des sacrifices par trop écrasants, je vous répondrai encore : Comédie !… La caisse de M. A. Kardec est bien fournie, dit-on ; n'est-il pas juste, rationnel, qu'il vienne en aide à ses disciples ? »
Le rédacteur de la Vérité, M. Edoux, accompagne cette citation de la note suivante : « Au sortir du cours, nous avons eu un moment d'entretien avec M. l'abbé Barricand qui, du reste, nous a reçu d'une manière très courtoise. Notre but était de lui offrir une collection de la Vérité, afin de lui faciliter les moyens d'en parler tout à son aise. »
Nous verrons si M. Barricand sera plus heureux que ses confrères, et s'il trouvera enfin ce que tant d'autres ont inutilement cherché : des arguments écrasants contre le Spiritisme. Mais à quoi bon tant de peine, puisque celui-ci se meurt ? Puisque M. Barricand le croit, laissons-lui cette douce croyance, car il n'en sera ni plus ni moins. Nous n'avons aucun intérêt à le dissuader. Nous dirons seulement que s'il n'a pas des motifs de sécurité plus sérieux que ceux qu'il fait valoir, ses raisons ne sont guère concluantes, et si tous ses arguments contre le Spiritisme sont de la même force, nous pouvons dormir tranquilles.
On peut s'étonner qu'un homme grave tire des conséquences aussi hasardées de ce que nous n'avons pas fait de voyage l'année dernière, et s'immisce dans nos actes privés en supposant la pensée que nous avons dû avoir pour voyager ou non. D'une supposition, il tire une conséquence absolue, ce qui n'est pas d'une logique bien rigoureuse, car, si les prémisses ne sont pas certaines, la conclusion ne saurait l'être. Ce n'est pas répondre, direz-vous ; mais nous n'avons nulle intention de satisfaire la curiosité de qui ce soit ; le Spiritisme est une question humanitaire ; son avenir est dans la main de Dieu, et ne dépend pas de telle ou telle démarche d'un homme. Nous regrettons que M. l'abbé Barricand le voie à un point de vue si étroit.
Quant à savoir si notre caisse est bien ou mal fournie, il nous semble que supputer ce qu'il y a au fond de la bourse de quelqu'un qui n'a pas donné le droit d'y regarder, pourrait passer pour de l'indiscrétion ; en faire le texte d'un enseignement public, est une violation de la vie privée ; supposer l'usage qu'une personne a dû faire de ce qu'on suppose qu'elle doit posséder, peut, selon les circonstances, friser la calomnie.
Il paraît que le système de M. Barricand est de procéder par suppositions et par insinuations ; avec un pareil système, on peut s'exposer à recevoir des démentis ; or, nous lui en donnons un formel au sujet de toutes les allégations, suppositions et déductions ci-dessus relatées. Discutez tant que vous voudrez les principes du Spiritisme, mais ce que nous faisons ou ne faisons pas, ce que nous avons ou n'avons pas, est étranger à la question. Un cours n'est pas une diatribe ; c'est un exposé sérieux, complet et consciencieux du sujet que l'on traite ; s'il est contradictoire, la loyauté veut que l'on place en regard les arguments pour et contre, afin que le public juge de leur valeur réciproque ; à des preuves, il faut opposer des preuves plus prépondérantes ; c'est donner une pauvre idée de la force de ses propres arguments, que de chercher à jeter le discrédit sur les personnes. Voilà comment nous comprenons un cours, surtout de la part d'un professeur de théologie qui doit avant tout chercher la vérité.
Bordeaux a aussi son cours public de Spiritisme, c'est-à-dire contre le Spiritisme, par le R.-P. Delaporte, professeur à la faculté de théologie de cette ville. La Ruche l'annonce en ces termes :
« Nous avons assisté mercredi dernier, 13 courant, au cours public de dogme, dans lequel le R.-P. Delaporte traitait cette question : De l'hypothèse d'une nouvelle religion révélée par les Esprits, ou le Spiritisme. Le savant professeur n'ayant pas encore conclu, nous suivrons avec attention ses leçons, et nous en rendrons compte avec cette impartialité et cette modération dont un Spirite ne dois jamais se départir. »
Le Sauveur des peuples, dans ses numéros des 17 et 24 avril, donne le compte rendu des deux premières leçons et en fait une critique sérieuse et serrée qui ne doit pas laisser de causer quelques embarras à l'orateur. Ainsi voilà deux professeurs de théologie d'un incontestable talent, qui, dans les deux principaux centres du Spiritisme en France, entreprennent contre lui une guerre nouvelle, et se trouvent aux prises, sur les deux points, avec des champions qui ont de quoi leur répondre. C'est qu'aujourd'hui on trouve ce qui était plus rare il y a quelques années : des hommes qui l'ont étudié sérieusement, et ne craignent pas de se mettre sur la brèche. Qu'en sortira-t-il ? Un premier résultat inévitable : l'examen plus approfondi de la question par tout le monde ; ceux qui n'ont pas lu voudront lire ; ceux qui n'ont pas vu voudront voir. Un second résultat sera de le faire prendre au sérieux par ceux qui n'y voient encore qu'une mystification, puisque de savants théologiens la jugent digne de faire le sujet d'une discussion publique sérieuse. Un troisième résultat enfin sera de faire taire la crainte du ridicule qui retient encore beaucoup de gens. Quand une chose est publiquement discutée par des hommes de valeur, pour et contre, on ne craint plus d'en parler soi-même.
De la chaire religieuse, la discussion passera tout aussi sérieusement dans la chaire scientifique et philosophique. Cette discussion, par l'élite des hommes intelligents, aura pour effet d'épuiser les arguments contradictoires qui ne pourront résister à l'évidence des faits.
L'idée spirite est sans doute très répandue ; mais on peut dire qu'elle est encore à l'état d'opinion individuelle ; ce qui se passe aujourd'hui tend à lui donner une assiette dans l'opinion générale, et lui assignera, dans un temps prochain, un rang officiel parmi les croyances reçues.
Nous profitons avec bonheur de l'occasion qui nous est offerte pour adresser nos félicitations et nos encouragements à tous ceux qui, bravant toute crainte, prennent résolument en main la cause du Spiritisme ; nous sommes heureux de voir le nombre s'en accroître tous les jours. Qu'ils persévèrent, et ils verront bientôt les appuis se multiplier autour deux ; mais qu'ils se persuadent bien aussi que la lutte n'est pas terminée, et que la guerre à ciel ouvert n'est pas la plus à craindre ; l'ennemi le plus dangereux est celui qui agit dans l'ombre, et souvent se cache sous un faux masque. Nous leur dirons donc : Méfiez-vous des apparences ; jugez les hommes non à leurs paroles, mais à leurs actes ; craignez surtout les pièges.
M. l'abbé Barricand, professeur à la Faculté de théologie de Lyon, a commencé au Petit-Collège une série de leçons publiques sur, ou mieux contre le magnétisme et le spiritisme. Le journal la Vérité, dans son numéro du 10 avril 1864, donne l'analyse d'une séance consacrée au spiritisme, et relève plusieurs assertions de l'orateur ; il promet de tenir ses lecteurs au courant de la suite, en même temps qu'il se charge de le réfuter, ce dont, nous n'en doutons pas, il s'acquittera à merveille, à en juger par son début. La convenance et la modération dont il a fait preuve jusqu'à ce jour dans sa polémique, nous sont garants qu'il ne s'en départira pas en cette circonstance, dans le cas même où son contradicteur s'en écarterait.
Tant que M. l'abbé Barricand restera sur le terrain de la discussion des principes de la doctrine, il sera dans son droit ; nous ne pouvons lui savoir mauvais gré de n'être pas de notre avis, de le dire, et de chercher à prouver qu'il a raison. Nous voudrions qu'en général le clergé fût aussi partisan du libre examen que nous le sommes nous-mêmes. Ce qui est en dehors du droit de discussion, ce sont les attaques personnelles, et surtout les personnalités malveillantes ; c'est lorsque, pour les besoins de sa cause, un adversaire dénature les faits et les principes qu'il veut combattre, les paroles et les actes de ceux qui les défendent. De pareils moyens sont toujours une preuve de faiblesse et témoignent du peu de confiance qu'on a dans les arguments tirés de la chose même. Ce sont ces écarts de vérité qu'il est essentiel de relever à l'occasion, tout en restant dans la limite des convenances et de l'urbanité.
La Vérité résume ainsi qu'il suit une partie de l'argumentation de M. l'abbé Barricand :
« Quant aux Spirites qui sont beaucoup plus nombreux, je me fais également fort de vous prouver qu'ils descendent aujourd'hui du prétentieux piédestal sur lequel M. A. Kardec les faisait trôner en 1862. En 1861, en effet, M Kardec effectuait un voyage dans toute la France, voyage dont il rendait complaisamment compte au public. Oh ! alors, messieurs, tout était pour le mieux; les adeptes de cette école se comptaient par trente mille à Lyon, par deux ou trois mille à Bordeaux, etc., etc. Le Spiritisme semblait avoir envahi toute l'Europe ! Or, que se passe-t-il en 1863 ? M. A. Kardec ne fait plus de voyage…, plus de compte rendu emphatique ! C'est qu'il a probablement constaté bon nombre de désertions, et qu'afin de ne pas décourager ce qu'il peut rester encore de Spirites, par un état peu en leur faveur, il a jugé prudent et adroit de s'abstenir. Pardon, messieurs, je me trompe, M. A. Kardec consacre quelques pages de sa Revue spirite (janvier 1864), à nous donner quelques renseignements généraux sur la campagne de 1863. Mais ici, plus de chiffres ambitieux ! Il s'en donne bien garde et pour cause !… M. Kardec se contente de nous annoncer que le Spiritisme est toujours florissant, plus florissant que jamais. Comme preuves à l'appui, il cite la création de deux nouveaux organes de l'école, la Ruche de Bordeaux et la Vérité de Lyon ; la Vérité surtout, qui est venue, dit-il, se poser en athlète redoutable, par ses articles d'une logique si serrée, qu'ils ne laissent aucune prise à la critique. J'espère, messieurs, vous démontrer vendredi que la Vérité n'est pas aussi terrible qu'on veut bien le dire.
Il est facile à M. Allan Kardec de poser cette assertion : Le Spiritisme est plus puissant que jamais, et de citer comme principale preuve la création de la Ruche et de la Vérité ! Messieurs, comédie que tout cela !… Ces deux journaux peuvent bien exister, sans être précisément obligé de conclure que le Spiritisme a fait un pas en avant ?… Si vous m'objectiez que ces journaux ont des frais et que pour les payer il faut des abonnés ou s'imposer des sacrifices par trop écrasants, je vous répondrai encore : Comédie !… La caisse de M. A. Kardec est bien fournie, dit-on ; n'est-il pas juste, rationnel, qu'il vienne en aide à ses disciples ? »
Le rédacteur de la Vérité, M. Edoux, accompagne cette citation de la note suivante : « Au sortir du cours, nous avons eu un moment d'entretien avec M. l'abbé Barricand qui, du reste, nous a reçu d'une manière très courtoise. Notre but était de lui offrir une collection de la Vérité, afin de lui faciliter les moyens d'en parler tout à son aise. »
Nous verrons si M. Barricand sera plus heureux que ses confrères, et s'il trouvera enfin ce que tant d'autres ont inutilement cherché : des arguments écrasants contre le Spiritisme. Mais à quoi bon tant de peine, puisque celui-ci se meurt ? Puisque M. Barricand le croit, laissons-lui cette douce croyance, car il n'en sera ni plus ni moins. Nous n'avons aucun intérêt à le dissuader. Nous dirons seulement que s'il n'a pas des motifs de sécurité plus sérieux que ceux qu'il fait valoir, ses raisons ne sont guère concluantes, et si tous ses arguments contre le Spiritisme sont de la même force, nous pouvons dormir tranquilles.
On peut s'étonner qu'un homme grave tire des conséquences aussi hasardées de ce que nous n'avons pas fait de voyage l'année dernière, et s'immisce dans nos actes privés en supposant la pensée que nous avons dû avoir pour voyager ou non. D'une supposition, il tire une conséquence absolue, ce qui n'est pas d'une logique bien rigoureuse, car, si les prémisses ne sont pas certaines, la conclusion ne saurait l'être. Ce n'est pas répondre, direz-vous ; mais nous n'avons nulle intention de satisfaire la curiosité de qui ce soit ; le Spiritisme est une question humanitaire ; son avenir est dans la main de Dieu, et ne dépend pas de telle ou telle démarche d'un homme. Nous regrettons que M. l'abbé Barricand le voie à un point de vue si étroit.
Quant à savoir si notre caisse est bien ou mal fournie, il nous semble que supputer ce qu'il y a au fond de la bourse de quelqu'un qui n'a pas donné le droit d'y regarder, pourrait passer pour de l'indiscrétion ; en faire le texte d'un enseignement public, est une violation de la vie privée ; supposer l'usage qu'une personne a dû faire de ce qu'on suppose qu'elle doit posséder, peut, selon les circonstances, friser la calomnie.
Il paraît que le système de M. Barricand est de procéder par suppositions et par insinuations ; avec un pareil système, on peut s'exposer à recevoir des démentis ; or, nous lui en donnons un formel au sujet de toutes les allégations, suppositions et déductions ci-dessus relatées. Discutez tant que vous voudrez les principes du Spiritisme, mais ce que nous faisons ou ne faisons pas, ce que nous avons ou n'avons pas, est étranger à la question. Un cours n'est pas une diatribe ; c'est un exposé sérieux, complet et consciencieux du sujet que l'on traite ; s'il est contradictoire, la loyauté veut que l'on place en regard les arguments pour et contre, afin que le public juge de leur valeur réciproque ; à des preuves, il faut opposer des preuves plus prépondérantes ; c'est donner une pauvre idée de la force de ses propres arguments, que de chercher à jeter le discrédit sur les personnes. Voilà comment nous comprenons un cours, surtout de la part d'un professeur de théologie qui doit avant tout chercher la vérité.
Bordeaux a aussi son cours public de Spiritisme, c'est-à-dire contre le Spiritisme, par le R.-P. Delaporte, professeur à la faculté de théologie de cette ville. La Ruche l'annonce en ces termes :
« Nous avons assisté mercredi dernier, 13 courant, au cours public de dogme, dans lequel le R.-P. Delaporte traitait cette question : De l'hypothèse d'une nouvelle religion révélée par les Esprits, ou le Spiritisme. Le savant professeur n'ayant pas encore conclu, nous suivrons avec attention ses leçons, et nous en rendrons compte avec cette impartialité et cette modération dont un Spirite ne dois jamais se départir. »
Le Sauveur des peuples, dans ses numéros des 17 et 24 avril, donne le compte rendu des deux premières leçons et en fait une critique sérieuse et serrée qui ne doit pas laisser de causer quelques embarras à l'orateur. Ainsi voilà deux professeurs de théologie d'un incontestable talent, qui, dans les deux principaux centres du Spiritisme en France, entreprennent contre lui une guerre nouvelle, et se trouvent aux prises, sur les deux points, avec des champions qui ont de quoi leur répondre. C'est qu'aujourd'hui on trouve ce qui était plus rare il y a quelques années : des hommes qui l'ont étudié sérieusement, et ne craignent pas de se mettre sur la brèche. Qu'en sortira-t-il ? Un premier résultat inévitable : l'examen plus approfondi de la question par tout le monde ; ceux qui n'ont pas lu voudront lire ; ceux qui n'ont pas vu voudront voir. Un second résultat sera de le faire prendre au sérieux par ceux qui n'y voient encore qu'une mystification, puisque de savants théologiens la jugent digne de faire le sujet d'une discussion publique sérieuse. Un troisième résultat enfin sera de faire taire la crainte du ridicule qui retient encore beaucoup de gens. Quand une chose est publiquement discutée par des hommes de valeur, pour et contre, on ne craint plus d'en parler soi-même.
De la chaire religieuse, la discussion passera tout aussi sérieusement dans la chaire scientifique et philosophique. Cette discussion, par l'élite des hommes intelligents, aura pour effet d'épuiser les arguments contradictoires qui ne pourront résister à l'évidence des faits.
L'idée spirite est sans doute très répandue ; mais on peut dire qu'elle est encore à l'état d'opinion individuelle ; ce qui se passe aujourd'hui tend à lui donner une assiette dans l'opinion générale, et lui assignera, dans un temps prochain, un rang officiel parmi les croyances reçues.
Nous profitons avec bonheur de l'occasion qui nous est offerte pour adresser nos félicitations et nos encouragements à tous ceux qui, bravant toute crainte, prennent résolument en main la cause du Spiritisme ; nous sommes heureux de voir le nombre s'en accroître tous les jours. Qu'ils persévèrent, et ils verront bientôt les appuis se multiplier autour deux ; mais qu'ils se persuadent bien aussi que la lutte n'est pas terminée, et que la guerre à ciel ouvert n'est pas la plus à craindre ; l'ennemi le plus dangereux est celui qui agit dans l'ombre, et souvent se cache sous un faux masque. Nous leur dirons donc : Méfiez-vous des apparences ; jugez les hommes non à leurs paroles, mais à leurs actes ; craignez surtout les pièges.
Variétés
Les
bruits qui avaient mis en émoi la ville de Poitiers ont complètement cessé,
d'après ce qui nous a été dit, mais il paraîtrait que les Esprits tapageurs ont
transporté le théâtre de leurs exploits dans les environs. Voici ce qu'on lit à
ce sujet dans le Pays :
« Les Esprits frappeurs de Poitiers commencent à faire lignée, et peuplent les campagnes environnantes. On écrit de la Ville-au-Moine, le 24 février, au Courrier de la Vienne (ne pas confondre avec le Journal de la Vienne, spécial pour la maison d'O.) :
« Monsieur le rédacteur,
Depuis quelques jours notre contrée est préoccupée de la présence, au Bois-de-Dœuil, d'Esprits frappeurs qui répandent la terreur dans nos bourgades. La maison du sieur Perroche est leur lieu de rendez-vous : tous les soirs, entre onze heures et minuit, l'Esprit se manifeste par neuf, onze ou treize coups frappés par deux et un, et à six heures du matin par le même tapage.
Notez, monsieur, que ces coups se font entendre au dossier d'un lit dans lequel couche une femme, moitié morte de frayeur, qui prétend recevoir les communications d'un oncle de son mari, décédé dans notre village il y a un mois. C'est à n'y pas croire : aussi avons-nous, plusieurs de mes amis et moi, voulu connaître la vérité, et pour cela, nous nous sommes rendus coucher au Bois-de-Dœuil, où nous avons été témoins des faits qu'on nous avait signalés ; nous avons même entendu agiter dans le sens de sa longueur le berceau d'un enfant qui paraissait n'être en communication avec personne.
Nous avions d'abord pris la chose en riant ; mais en voyant que toutes les précautions que nous avions prises pour découvrir un stratagème n'avaient abouti à rien, nous nous sommes retirés avec plus de stupeur que d'envie de rire.
Si le bruit se continue, la maison du sieur Perroche ne sera plus assez grande pour recevoir les curieux, car de Marsais, Priaire, Migré, Dœuil et même de Villeneuve-la-Comtesse, on s'y rend par bandes de plusieurs individus pour y passer les nuits et tâcher de découvrir les profondeurs de ce mystère.
Agréez, etc. »
Nous ne ferons sur ces événements qu'une courte réflexion. Le Journal de la Vienne, en les relatant, avait annoncé à plusieurs reprises qu'on était sur les traces du ou des mauvais plaisants qui causaient ces perturbations, et qu'on ne tarderait pas à les saisir. Si on ne l'a pas fait, on ne peut s'en prendre à la négligence de l'autorité. Comment se fait-il que, dans une maison occupée du haut en bas par ses agents, ces mauvais plaisants aient pu continuer leurs manœuvres en leur présence, sans qu'on ait pu mettre la main dessus ? Il faut convenir qu'ils avaient à la fois bien de l'audace et bien de l'adresse, puisqu'ils ont pu saisir un brigadier sans être vus. Il faut, en outre, que cette bande d'espiègles soit bien nombreuse, puisqu'ils font les mêmes tours en différentes villes et à des années de distance, sans avoir jamais pu être saisis ; car les affaires de la rue des Grès et de la rue des Noyers à Paris, des Grandes-Ventes, près Dieppe, et tant d'autres, n'ont pas amené plus de résultats. Comment se fait-il que la police, qui possède de si grandes ressources et dépiste les malfaiteurs les plus adroits et les plus rusés, ne puisse avoir raison de quelques tapageurs ? A-t-on bien réfléchi à cela ?
Au reste, ces faits ne sont pas nouveaux, ainsi qu'on peut le voir par le récit suivant.
« Les Esprits frappeurs de Poitiers commencent à faire lignée, et peuplent les campagnes environnantes. On écrit de la Ville-au-Moine, le 24 février, au Courrier de la Vienne (ne pas confondre avec le Journal de la Vienne, spécial pour la maison d'O.) :
« Monsieur le rédacteur,
Depuis quelques jours notre contrée est préoccupée de la présence, au Bois-de-Dœuil, d'Esprits frappeurs qui répandent la terreur dans nos bourgades. La maison du sieur Perroche est leur lieu de rendez-vous : tous les soirs, entre onze heures et minuit, l'Esprit se manifeste par neuf, onze ou treize coups frappés par deux et un, et à six heures du matin par le même tapage.
Notez, monsieur, que ces coups se font entendre au dossier d'un lit dans lequel couche une femme, moitié morte de frayeur, qui prétend recevoir les communications d'un oncle de son mari, décédé dans notre village il y a un mois. C'est à n'y pas croire : aussi avons-nous, plusieurs de mes amis et moi, voulu connaître la vérité, et pour cela, nous nous sommes rendus coucher au Bois-de-Dœuil, où nous avons été témoins des faits qu'on nous avait signalés ; nous avons même entendu agiter dans le sens de sa longueur le berceau d'un enfant qui paraissait n'être en communication avec personne.
Nous avions d'abord pris la chose en riant ; mais en voyant que toutes les précautions que nous avions prises pour découvrir un stratagème n'avaient abouti à rien, nous nous sommes retirés avec plus de stupeur que d'envie de rire.
Si le bruit se continue, la maison du sieur Perroche ne sera plus assez grande pour recevoir les curieux, car de Marsais, Priaire, Migré, Dœuil et même de Villeneuve-la-Comtesse, on s'y rend par bandes de plusieurs individus pour y passer les nuits et tâcher de découvrir les profondeurs de ce mystère.
Agréez, etc. »
Nous ne ferons sur ces événements qu'une courte réflexion. Le Journal de la Vienne, en les relatant, avait annoncé à plusieurs reprises qu'on était sur les traces du ou des mauvais plaisants qui causaient ces perturbations, et qu'on ne tarderait pas à les saisir. Si on ne l'a pas fait, on ne peut s'en prendre à la négligence de l'autorité. Comment se fait-il que, dans une maison occupée du haut en bas par ses agents, ces mauvais plaisants aient pu continuer leurs manœuvres en leur présence, sans qu'on ait pu mettre la main dessus ? Il faut convenir qu'ils avaient à la fois bien de l'audace et bien de l'adresse, puisqu'ils ont pu saisir un brigadier sans être vus. Il faut, en outre, que cette bande d'espiègles soit bien nombreuse, puisqu'ils font les mêmes tours en différentes villes et à des années de distance, sans avoir jamais pu être saisis ; car les affaires de la rue des Grès et de la rue des Noyers à Paris, des Grandes-Ventes, près Dieppe, et tant d'autres, n'ont pas amené plus de résultats. Comment se fait-il que la police, qui possède de si grandes ressources et dépiste les malfaiteurs les plus adroits et les plus rusés, ne puisse avoir raison de quelques tapageurs ? A-t-on bien réfléchi à cela ?
Au reste, ces faits ne sont pas nouveaux, ainsi qu'on peut le voir par le récit suivant.
On
nous écrit de Saint-Pétersbourg :
« Vénérable maître, ayant lu dans le premier numéro de la Revue spirite de 1864 le fait d'un Esprit frappeur au seizième siècle, je m'en suis rappelé un autre ; peut-être le jugerez vous digne d'obtenir une petite place dans votre journal. Je l'extrais d'une notice sur la vie et le caractère du Tasse, écrite par M. Suard, secrétaire perpétuel de la classe de la langue et de la littérature françaises, et insérée dans la traduction de la Jérusalem délivrée, publiée en 1803.
Après avoir dit que les sentiments religieux du Tasse, exaltés par suite de sa disposition mélancolique et des malheurs qui en furent le résultat, l'amenèrent à se persuader sérieusement qu'il était l'objet des persécutions d'un Esprit follet qui renversait tout chez lui, lui volait son argent, et lui enlevait de dessus sa table et sous ses yeux tout ce qu'on lui servait, il ajoute, avec son historien : Voici la manière dont le Tasse lui-même rend compte de cette persécution :
Le frère R… (mande-t-il à un de ses amis) m'a apporté deux lettres de vous, mais l'une des deux a disparu depuis que je l'ai lue, et je crois que l'Esprit follet l'a emportée, d'autant plus que c'était celle où vous parliez de lui. C'est un de ces prodiges dont j'ai été souvent témoin dans l'hôpital, ce qui ne permet pas de douter qu'ils soient l'ouvrage de quelque magicien, et j'en ai beaucoup d'autres preuves. Aujourd'hui même, il a enlevé un pain de devant moi, l'autre jour un plat de fruits. »
Il se plaint ensuite des livres et des papiers qu'on lui dérobe, et il ajoute : « Ceux qui ont disparu pendant que je n'y étais pas, peuvent avoir été pris par des hommes qui, je crois, ont les clefs de toutes mes cassettes, en sorte que je n'ai plus rien que je puisse défendre contre les entreprises de mes ennemis ou de celles du diable, si ce n'est ma volonté, qui ne consentira jamais à rien apprendre de lui ou de ses sectateurs, ni à contracter aucune familiarité avec lui ou ses magiciens. »
Dans une autre lettre, il dit : « Tout va de mal en pis ; ce diable qui ne me quittait jamais, soit que je dormisse ou que je me promenasse, voyant qu'il ne pouvait obtenir de moi l'accord qu'il désirait, a pris le parti de me voler ouvertement mon argent. »
D'autres fois, continue l'auteur de la notice, il crut voir la Vierge Marie lui apparaître, et l'abbé Serassi raconte que dans une maladie qu'il eut en prison, le Tasse se recommanda avec tant d'ardeur à la sainte Vierge, qu'elle lui apparut et le guérit. Le Tasse a consacré ce miracle par un sonnet.
Dans la suite, l'Esprit follet se changea en un démon plus traitable avec qui le Tasse prétendait causer familièrement, et qui lui apprenait des choses merveilleuses. Cependant, peu flatté de cet étrange commerce, le Tasse en attribuait l'origine à l'imprudence qu'il avait eue dans sa jeunesse de composer un dialogue où il se supposait en conversation avec un Esprit ; « ce que je n'aurais pas voulu faire sérieusement, ajoute-t-il, quand même cela m'eût été possible. »
M. Suard termine ce récit en disant : « On ne peut se défendre d'une triste réflexion en songeant que c'est à trente ans, après avoir écrit un immortel ouvrage, que l'infortuné fut choisi pour donner le plus déplorable exemple de la faiblesse de l'esprit. »
Mais vous, monsieur, grâce à la lumière du Spiritisme, vous porterez un tout autre jugement, et vous verrez, j'en suis sûr, dans ces faits, un anneau de plus dans la chaîne des phénomènes spirites qui relient les temps anciens et l'époque actuelle. »
Sans aucun doute, les faits qui se passent aujourd'hui, parfaitement avérés et expliqués, prouvent que le Tasse pouvait se trouver sous l'empire d'une de ces obsessions dont nous sommes journellement témoins, et qui n'ont rien de surnaturel. S'il en avait connu la véritable cause, il n'en aurait pas été plus impressionné qu'on ne l'est maintenant ; mais, à cette époque, l'idée du diable, des sorciers et des magiciens était dans toute sa force, et comme, loin de la combattre, on ne cherchait qu'à l'entretenir, elle pouvait réagir d'une manière fâcheuse sur les cerveaux faibles. Il est donc plus que probable que le Tasse n'était pas plus fou que ne le sont les obsédés de nos jours, auxquels il faut des soins moraux et non des médicaments.
« Vénérable maître, ayant lu dans le premier numéro de la Revue spirite de 1864 le fait d'un Esprit frappeur au seizième siècle, je m'en suis rappelé un autre ; peut-être le jugerez vous digne d'obtenir une petite place dans votre journal. Je l'extrais d'une notice sur la vie et le caractère du Tasse, écrite par M. Suard, secrétaire perpétuel de la classe de la langue et de la littérature françaises, et insérée dans la traduction de la Jérusalem délivrée, publiée en 1803.
Après avoir dit que les sentiments religieux du Tasse, exaltés par suite de sa disposition mélancolique et des malheurs qui en furent le résultat, l'amenèrent à se persuader sérieusement qu'il était l'objet des persécutions d'un Esprit follet qui renversait tout chez lui, lui volait son argent, et lui enlevait de dessus sa table et sous ses yeux tout ce qu'on lui servait, il ajoute, avec son historien : Voici la manière dont le Tasse lui-même rend compte de cette persécution :
Le frère R… (mande-t-il à un de ses amis) m'a apporté deux lettres de vous, mais l'une des deux a disparu depuis que je l'ai lue, et je crois que l'Esprit follet l'a emportée, d'autant plus que c'était celle où vous parliez de lui. C'est un de ces prodiges dont j'ai été souvent témoin dans l'hôpital, ce qui ne permet pas de douter qu'ils soient l'ouvrage de quelque magicien, et j'en ai beaucoup d'autres preuves. Aujourd'hui même, il a enlevé un pain de devant moi, l'autre jour un plat de fruits. »
Il se plaint ensuite des livres et des papiers qu'on lui dérobe, et il ajoute : « Ceux qui ont disparu pendant que je n'y étais pas, peuvent avoir été pris par des hommes qui, je crois, ont les clefs de toutes mes cassettes, en sorte que je n'ai plus rien que je puisse défendre contre les entreprises de mes ennemis ou de celles du diable, si ce n'est ma volonté, qui ne consentira jamais à rien apprendre de lui ou de ses sectateurs, ni à contracter aucune familiarité avec lui ou ses magiciens. »
Dans une autre lettre, il dit : « Tout va de mal en pis ; ce diable qui ne me quittait jamais, soit que je dormisse ou que je me promenasse, voyant qu'il ne pouvait obtenir de moi l'accord qu'il désirait, a pris le parti de me voler ouvertement mon argent. »
D'autres fois, continue l'auteur de la notice, il crut voir la Vierge Marie lui apparaître, et l'abbé Serassi raconte que dans une maladie qu'il eut en prison, le Tasse se recommanda avec tant d'ardeur à la sainte Vierge, qu'elle lui apparut et le guérit. Le Tasse a consacré ce miracle par un sonnet.
Dans la suite, l'Esprit follet se changea en un démon plus traitable avec qui le Tasse prétendait causer familièrement, et qui lui apprenait des choses merveilleuses. Cependant, peu flatté de cet étrange commerce, le Tasse en attribuait l'origine à l'imprudence qu'il avait eue dans sa jeunesse de composer un dialogue où il se supposait en conversation avec un Esprit ; « ce que je n'aurais pas voulu faire sérieusement, ajoute-t-il, quand même cela m'eût été possible. »
M. Suard termine ce récit en disant : « On ne peut se défendre d'une triste réflexion en songeant que c'est à trente ans, après avoir écrit un immortel ouvrage, que l'infortuné fut choisi pour donner le plus déplorable exemple de la faiblesse de l'esprit. »
Mais vous, monsieur, grâce à la lumière du Spiritisme, vous porterez un tout autre jugement, et vous verrez, j'en suis sûr, dans ces faits, un anneau de plus dans la chaîne des phénomènes spirites qui relient les temps anciens et l'époque actuelle. »
Sans aucun doute, les faits qui se passent aujourd'hui, parfaitement avérés et expliqués, prouvent que le Tasse pouvait se trouver sous l'empire d'une de ces obsessions dont nous sommes journellement témoins, et qui n'ont rien de surnaturel. S'il en avait connu la véritable cause, il n'en aurait pas été plus impressionné qu'on ne l'est maintenant ; mais, à cette époque, l'idée du diable, des sorciers et des magiciens était dans toute sa force, et comme, loin de la combattre, on ne cherchait qu'à l'entretenir, elle pouvait réagir d'une manière fâcheuse sur les cerveaux faibles. Il est donc plus que probable que le Tasse n'était pas plus fou que ne le sont les obsédés de nos jours, auxquels il faut des soins moraux et non des médicaments.
(Extrait
de la Cyropédie de Xénophon, liv. VIII, ch. VII.)
Je vous conjure donc, mes enfants, au nom des dieux de notre patrie, d'avoir des égards l'un pour l'autre, si vous conservez quelque désir de me plaire : car je ne m'imagine pas que vous regardiez comme certain que je ne serai plus rien quand j'aurai cessé de vivre. Mon âme a été jusqu'ici cachée à vos yeux ; mais à ses opérations, vous reconnaissiez qu'elle existait.
N'avez-vous pas remarqué de même de quelles terreurs sont agités les homicides par les âmes des innocents qu'ils ont fait mourir, et quelles vengeances elles tirent de ces impies ? Pensez-vous que le culte qu'on rend aux morts se fût constamment soutenu si l'on eût cru leurs âmes destituées de toute puissance ? Pour moi, mes enfants, je n'ai jamais pu me persuader que l'âme, qui vit tant qu'elle est dans un corps mortel, s'éteigne dès qu'elle en est sortie ; car je vois que c'est elle qui vivifie ces corps destructibles, tant qu'elle les habite. Je n'ai jamais pu non plus me persuader qu'elle perd sa faculté de raisonner au moment où elle se sépare d'un corps incapable de raisonnement ; il est naturel de croire que l'âme, alors plus pure et dégagée de la matière, jouit pleinement de son intelligence. Quand un homme est mort, on voit les différentes parties qui le composaient se joindre aux éléments auxquels elles appartiennent : l'âme seule échappe aux regards, soit durant son séjour dans le corps, soit lorsqu'elle le quitte.
Vous savez que c'est pendant le sommeil, image de la mort, que l'âme approche le plus de la Divinité, et que dans cet état, souvent elle prévoit l'avenir, sans doute parce qu'alors elle est entièrement libre.
Or, si les choses sont comme je le pense, et que l'âme survive au corps qu'elle abandonne, faites, par respect pour la mienne, ce que je vous recommande ; si je suis dans l'erreur, si l'âme demeure avec le corps et périt avec lui, craignez du moins les dieux qui ne meurent point, qui voient tout, qui peuvent tout, qui entretiennent dans l'univers cet ordre immuable, inaltérable, invariable, dont la magnificence et la majesté sont au-dessus de l'expression.
Que cette crainte vous préserve de toute action, de toute pensée qui blesse la piété ou la justice… Mais je sens que mon âme m'abandonne ; je le sens aux symptômes qui annoncent ordinairement notre dissolution.
Remarque. ‑ Un Spirite aurait bien peu de chose à ajouter à ces remarquables paroles, dignes d'un philosophe chrétien, et où se trouvent admirablement décrits les attributs spéciaux du corps et de l'âme : le corps matériel, destructible, dont les éléments se dispersent pour s'unir aux éléments similaires, et qui, pendant la vie, n'agit que par l'impulsion du principe intelligent ; puis l'âme survivant au corps, conservant son individualité, et jouissant de plus grandes perceptions lorsqu'elle est dégagée de la matière ; la liberté de l'âme pendant le sommeil ; enfin l'action de l'âme des morts sur les vivants.
On peut, en outre, remarquer qu'il y est fait une distinction entre les dieux et la Divinité proprement dite. Les dieux n'étaient autres que les Esprits à différents degrés d'élévation, chargés de présider, chacun dans sa spécialité, à toutes les closes de ce monde, dans l'ordre moral ou dans l'ordre matériel. Les dieux de la patrie étaient les Esprits protecteurs de la patrie, comme les dieux lares étaient les protecteurs de la famille. Les dieux, ou Esprits supérieurs, ne se communiquaient aux hommes que par l'intermédiaire d'Esprits subalternes, appelés démons. Le vulgaire n'allait pas au delà ; mais les philosophes et les initiés reconnaissaient un Être suprême, créateur et ordonnateur de toutes choses.
Je vous conjure donc, mes enfants, au nom des dieux de notre patrie, d'avoir des égards l'un pour l'autre, si vous conservez quelque désir de me plaire : car je ne m'imagine pas que vous regardiez comme certain que je ne serai plus rien quand j'aurai cessé de vivre. Mon âme a été jusqu'ici cachée à vos yeux ; mais à ses opérations, vous reconnaissiez qu'elle existait.
N'avez-vous pas remarqué de même de quelles terreurs sont agités les homicides par les âmes des innocents qu'ils ont fait mourir, et quelles vengeances elles tirent de ces impies ? Pensez-vous que le culte qu'on rend aux morts se fût constamment soutenu si l'on eût cru leurs âmes destituées de toute puissance ? Pour moi, mes enfants, je n'ai jamais pu me persuader que l'âme, qui vit tant qu'elle est dans un corps mortel, s'éteigne dès qu'elle en est sortie ; car je vois que c'est elle qui vivifie ces corps destructibles, tant qu'elle les habite. Je n'ai jamais pu non plus me persuader qu'elle perd sa faculté de raisonner au moment où elle se sépare d'un corps incapable de raisonnement ; il est naturel de croire que l'âme, alors plus pure et dégagée de la matière, jouit pleinement de son intelligence. Quand un homme est mort, on voit les différentes parties qui le composaient se joindre aux éléments auxquels elles appartiennent : l'âme seule échappe aux regards, soit durant son séjour dans le corps, soit lorsqu'elle le quitte.
Vous savez que c'est pendant le sommeil, image de la mort, que l'âme approche le plus de la Divinité, et que dans cet état, souvent elle prévoit l'avenir, sans doute parce qu'alors elle est entièrement libre.
Or, si les choses sont comme je le pense, et que l'âme survive au corps qu'elle abandonne, faites, par respect pour la mienne, ce que je vous recommande ; si je suis dans l'erreur, si l'âme demeure avec le corps et périt avec lui, craignez du moins les dieux qui ne meurent point, qui voient tout, qui peuvent tout, qui entretiennent dans l'univers cet ordre immuable, inaltérable, invariable, dont la magnificence et la majesté sont au-dessus de l'expression.
Que cette crainte vous préserve de toute action, de toute pensée qui blesse la piété ou la justice… Mais je sens que mon âme m'abandonne ; je le sens aux symptômes qui annoncent ordinairement notre dissolution.
Remarque. ‑ Un Spirite aurait bien peu de chose à ajouter à ces remarquables paroles, dignes d'un philosophe chrétien, et où se trouvent admirablement décrits les attributs spéciaux du corps et de l'âme : le corps matériel, destructible, dont les éléments se dispersent pour s'unir aux éléments similaires, et qui, pendant la vie, n'agit que par l'impulsion du principe intelligent ; puis l'âme survivant au corps, conservant son individualité, et jouissant de plus grandes perceptions lorsqu'elle est dégagée de la matière ; la liberté de l'âme pendant le sommeil ; enfin l'action de l'âme des morts sur les vivants.
On peut, en outre, remarquer qu'il y est fait une distinction entre les dieux et la Divinité proprement dite. Les dieux n'étaient autres que les Esprits à différents degrés d'élévation, chargés de présider, chacun dans sa spécialité, à toutes les closes de ce monde, dans l'ordre moral ou dans l'ordre matériel. Les dieux de la patrie étaient les Esprits protecteurs de la patrie, comme les dieux lares étaient les protecteurs de la famille. Les dieux, ou Esprits supérieurs, ne se communiquaient aux hommes que par l'intermédiaire d'Esprits subalternes, appelés démons. Le vulgaire n'allait pas au delà ; mais les philosophes et les initiés reconnaissaient un Être suprême, créateur et ordonnateur de toutes choses.
La
Guerre au diable et à l'enfer, la maladresse du diable, le diable
converti par Jean de la Veuze. Brochure in-18, prix, 1 fr. ‑ Bordeaux, chez
Ferrel, libraire. ‑ Paris, chez Didier et Ce, 35, quai des Augustins ;
Ledoyen, Palais-Royal.
L'auteur, partant de ce point que le Spiritisme est une conception du diable en vue d'attirer à lui un plus grand nombre d'âmes, en trace une rapide esquisse depuis les premières manifestations d'Amérique jusqu'à ce jour, et montre que le diable s'est trompé dans ses calculs, puisqu'il sauve les âmes qui étaient perdues, et laisse maladroitement échapper celles qui étaient à lui ; ce que voyant, il se convertit lui-même, ainsi qu'une partie de ses acolytes. C'est une critique spirituelle et gaie du rôle qu'on fait jouer au diable dans ces derniers temps, mais où des pensées sérieuses, profondes et d'une parfaite justesse, ressortent à travers le ton de la plaisanterie.
Ce petit livre sera lu, nous n'en doutons pas, avec plaisir, nous ne disons pas par tout le monde.
Lettres aux ignorants, philosophie du bon sens ; par V. Tournier. Brochure in‑18, prix, 1 fr. ‑ Chez Dentu, Palais-Royal.
L'auteur, Spirite fervent et éclairé, a reproduit en vers les principes fondamentaux de la doctrine spirite selon le Livre des Esprits. Nous le félicitons sincèrement de l'intention qui a présidé à son travail ; sous quelque forme que la doctrine se présente, c'est toujours un indice de la vulgarisation de l'idée, et autant de semences répandues qui fructifient plus ou moins selon la forme dont elles sont revêtues ; l'essentiel est que le fond soit exact, et c'est ici le cas.
L'auteur, partant de ce point que le Spiritisme est une conception du diable en vue d'attirer à lui un plus grand nombre d'âmes, en trace une rapide esquisse depuis les premières manifestations d'Amérique jusqu'à ce jour, et montre que le diable s'est trompé dans ses calculs, puisqu'il sauve les âmes qui étaient perdues, et laisse maladroitement échapper celles qui étaient à lui ; ce que voyant, il se convertit lui-même, ainsi qu'une partie de ses acolytes. C'est une critique spirituelle et gaie du rôle qu'on fait jouer au diable dans ces derniers temps, mais où des pensées sérieuses, profondes et d'une parfaite justesse, ressortent à travers le ton de la plaisanterie.
Ce petit livre sera lu, nous n'en doutons pas, avec plaisir, nous ne disons pas par tout le monde.
Lettres aux ignorants, philosophie du bon sens ; par V. Tournier. Brochure in‑18, prix, 1 fr. ‑ Chez Dentu, Palais-Royal.
L'auteur, Spirite fervent et éclairé, a reproduit en vers les principes fondamentaux de la doctrine spirite selon le Livre des Esprits. Nous le félicitons sincèrement de l'intention qui a présidé à son travail ; sous quelque forme que la doctrine se présente, c'est toujours un indice de la vulgarisation de l'idée, et autant de semences répandues qui fructifient plus ou moins selon la forme dont elles sont revêtues ; l'essentiel est que le fond soit exact, et c'est ici le cas.