REVUE SPIRITE JOURNAL D'ETUDES PSYCHOLOGIQUES - 1867

Allan Kardec

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Mars

De l'homéopathie dans les maladies morales

L'homéopathie peut-elle modifier les dispositions morales ? Telle est la question que se sont posée certains médecins homéopathes, et à laquelle ils n'hésitent pas à répandre affirmativement, en s'appuyant sur des faits. Vu son extrême gravité, nous allons l'examiner avec soin à un point de vue qui nous semble avoir été négligé par ces messieurs, tout Spiritualistes et même Spirites qu'ils sont sans doute, car il y a bien peu de médecins homéopathes qui ne soient l'un et l'autre. Mais pour l'intelligence de nos conclusions, quelques explications préliminaires sur les modifications des organes cérébraux sont nécessaires, surtout pour les personnes étrangères à la physiologie.

Un principe que la simple raison fait admettre, que la science constate chaque jour, c'est qu'il n'y a rien d'inutile dans la nature, que, jusque dans les plus imperceptibles détails, tout a un but, une raison d'être, une destination. Ce principe est particulièrement évident pour ce qui se rattache à l'organisme des êtres vivants.

De tout temps, le cerveau a été considéré comme l'organe de la transmission de la pensée, et le siège des facultés intellectuelles et morales. Il est aujourd'hui reconnu que certaines parties du cerveau ont des fonctions spéciales, et sont affectées à un ordre particulier de pensées et de sentiments, au moins en ce qui concerne la généralité ; c'est ainsi qu'instinctivement on place, dans la partie antérieure, les facultés qui sont du domaine de l'intelligence, et qu'un front fortement déprimé et rétréci est pour tout le monde un signe d'infériorité intellectuelle. Les facultés affectives, les sentiments et les passions se trouvent par cela même avoir leur siège dans les autres parties du cerveau.

Or, si l'on considère que les pensées et les sentiments sont excessivement multiples, et en partant de ce principe que tout a sa destination et son utilité, il est permis de conclure que, non seulement chaque faisceau fibreux du cerveau correspond à une faculté générale distincte, mais que chaque fibre correspond à la manifestation d'une des nuances de cette faculté, comme chaque corde d'un instrument correspond à un son particulier. C'est une hypothèse sans doute, mais qui a tous les caractères de la probabilité, et dont la négation n'infirmerait pas les conséquences que nous déduirons du principe général ; elle nous aidera dans notre explication.

La pensée est-elle indépendante de l'organisme ? Nous n'avons pas à discuter ici cette question, ni à réfuter l'opinion matérialiste selon laquelle la pensée est sécrétée par le cerveau, comme la bile l'est par le foie, naît et meurt avec cet organe ; outre ses funestes conséquences morales, cette doctrine a contre elle de ne rien expliquer.

Selon les doctrines spiritualistes, qui sont celles de l'immense majorité des hommes, la matière ne pouvant produire la pensée, celle-ci est un attribut de l'Esprit, de l'être intelligent, qui, lorsqu'il est uni au corps, se sert des organes spécialement affectés à sa transmission, comme il se sert des yeux pour voir, des pieds pour marcher. L'Esprit survivant au corps, la pensée lui survit aussi.

Selon la doctrine spirite, non-seulement l'Esprit survit, mais préexiste au corps ; ce n'est point un être nouveau ; il apporte en naissant les idées, les qualités et les imperfections qu'il possédait ; ainsi s'expliquent les idées, les aptitudes et les penchants innés. La pensée est donc préexistante et survivante à l'organisme. Ce point est capital, et c'est faute de l'avoir reconnu que tant de questions sont demeurées insolubles.

Toutes les facultés et toutes les aptitudes étant dans la nature, le cerveau renferme les organes, ou au moins le germe des organes nécessaires à la manifestation de toutes les pensées. L'activité de la pensée de l'Esprit sur un point déterminé pousse au développement de la fibre ou, si l'on veut, de l'organe correspondant ; si une faculté n'existe pas chez l'Esprit, ou si, existant, elle doit rester à l'état latent, l'organe correspondant, étant inactif, ne se développe pas ou s'atrophie. Si l'organe est atrophié congénitalement, la faculté ne pouvant se manifester, l'Esprit semble en être privé, bien qu'il la possède en réalité, puisqu'elle lui est inhérente. Enfin, si l'organe primitivement dans son état normal, se détériore dans le cours de la vie, la faculté, de brillante qu'elle était, se ternit, puis s'efface, mais ne se détruit pas ; ce n'est qu'un voile qui l'obscurcit.

Selon les individus, il y a des facultés, des aptitudes, des tendances qui se manifestent dès le début même de la vie, d'autres se révèlent à des époques plus tardives, et produisent les changements de caractère et de dispositions que l'on remarque chez certaines personnes. Dans ce dernier cas, ce ne sont généralement pas des dispositions nouvelles, mais des aptitudes préexistantes qui sommeillaient jusqu'à ce qu'une circonstance vienne les stimuler et les réveiller. On peut être certain que les dispositions vicieuses qui se manifestent parfois subitement et tardivement, avaient leur germe préexistant dans les imperfections de l'esprit, car celui-ci, marchant toujours au progrès, s'il est foncièrement bon, ne peut devenir mauvais, tandis que de mauvais il peut devenir bon.

Le développement ou la dépression des organes cérébraux suit le mouvement qui s'opère dans l'Esprit. Ces modifications sont favorisées à tout âge, mais surtout dans le jeune âge, par le travail intime de rénovation qui s'opère incessamment dans l'organisme de la manière suivante :

Les principaux éléments de l'organisme sont, comme on le sait, l'oxygène, l'hydrogène, l'azote et le carbone qui, par leurs combinaisons multiples, forment le sang, les nerfs, les muscles, les humeurs, et les différentes variétés de substances. Par l'activité des fonctions vitales, les molécules organiques sont incessamment expulsées du corps par la transpiration, l'exhalation et toutes les sécrétions, de sorte que si elles n'étaient pas remplacées, le corps s'amoindrirait et finirait par dépérir. La nourriture et l'aspiration apportent sans cesse de nouvelles molécules destinées à remplacer celles qui s'en vont ; d'où il suit qu'en un temps donné, toutes les molécules organiques sont entièrement renouvelées, et qu'à un certain âge, il n'en existe plus une seule de celles qui formaient le corps à son origine. C'est le cas d'une maison dont on arracherait les pierres une à une en les remplaçant à mesure par une nouvelle pierre de même forme et de même grandeur, et ainsi de suite jusqu'à la dernière. On aurait toujours la même maison, mais formée de pierres différentes.

Ainsi en est-il du corps dont les éléments constitutifs sont, disent les physiologistes, totalement renouvelés tous les sept ans. Les diverses parties de l'organisme subsistent toujours, mais les matériaux sont changés. De ces changements généraux ou partiels naissent les modifications qui surviennent, avec l'âge, dans l'état sanitaire de certains organes, les variations que subissent les tempéraments, les goûts, les désirs qui influent sur le caractère.

Les acquisitions et les pertes ne sont pas toujours en parfait équilibre. Si les acquisitions l'emportent sur les pertes, le corps grandit ou grossit ; si le contraire a lieu, le corps diminue. Ainsi s'expliquent la croissance, l'obésité, l'amaigrissement, la décrépitude.

La même cause produit l'expansion ou l'arrêt de développement des organes cérébraux, selon les modifications qui s'opèrent dans les préoccupations habituelles, les idées et le caractère. Si les circonstances et les causes qui agissent directement sur l'Esprit, provoquant l'exercice d'une aptitude ou d'une passion, restée jusqu'alors à l'état d'inertie, l'activité qui se produit dans l'organe correspondant, y fait affluer le sang et avec lui les molécules constitutives de l'organe qui croît et prend de la force en proportion de cette activité. Par la même raison, l'inactivité de la faculté produit l'affaiblissement de l'organe ; comme aussi une activité trop grande et trop persistante peut en amener la désorganisation ou l'affaiblissement, par une sorte d'usure, ainsi qu'il arrive à une corde trop tendue.

Les aptitudes de l'Esprit sont donc toujours une cause, et l'état des organes un effet. Il peut arriver cependant que l'état des organes soit modifié par une cause étrangère à l'Esprit, telle que maladie, accident, influence atmosphérique ou climatérique ; ce sont alors les organes qui réagissent sur l'Esprit, non en altérant ses facultés, mais en en troublant la manifestation.

Un effet semblable peut résulter des substances ingérées dans l'estomac comme aliments ou médicaments. Ces substances s'y décomposent, et les principes essentiels qu'elles renferment, mêlés au sang, sont portés, par le courant de la circulation dans toutes les parties du corps. Il est reconnu, par l'expérience, que les principes actifs de certaines substances se portent plus particulièrement sur tel ou tel viscère : le cœur, le foie, les poumons, etc., et y produisent des effets réparateurs ou délétères selon leur nature et leurs propriétés spéciales. Quelques-unes, agissant de cette manière sur le cerveau, peuvent exercer sur l'ensemble ou sur des parties déterminées, une action stimulante ou stupéfiante, suivant la dose et le tempérament, comme par exemple, les boissons alcooliques, l'opium et autres.

Nous nous sommes quelque peu étendu sur les détails qui précèdent, afin de faire comprendre le principe sur lequel peut s'appuyer, avec une apparence de logique, la théorie des modifications de l'état moral par des moyens thérapeutiques. Ce principe est celui de l'action directe d'une substance sur une partie de l'organisme cérébral ayant pour fonction spéciale de servir à la manifestation d'une faculté, d'un sentiment ou d'une passion, car il ne peut venir à la pensée de personne que cette substance puisse agir sur l'Esprit.

Étant donc admis que le principe des facultés est dans l'Esprit, et non dans la matière, supposons que l'on reconnaisse à une substance la propriété de modifier les dispositions morales, de neutraliser un mauvais penchant, ce ne pourrait être que par son action sur l'organe correspondant à ce penchant, action qui aurait pour effet d'arrêter le développement de cet organe, de l'atrophier ou de le paralyser s'il est développé ; il demeure évident que, dans ce cas, on ne supprime pas le penchant, mais sa manifestation, absolument comme si l'on ôtait à un musicien son instrument.

Ce sont probablement des effets de cette nature qu'ont observés certains homéopathes, et leur ont fait croire à la possibilité de corriger, à l'aide de médicaments appropriés, les vices tels que la jalousie, la haine, l'orgueil, la colère, etc. Une telle doctrine, si elle était vraie, serait la négation de toute responsabilité morale, la sanction du matérialisme, car alors la cause de nos imperfections serait dans la matière seule ; l'éducation morale se réduirait à un traitement médical ; l'homme le plus mauvais pourrait devenir bon sans grands efforts, et l'humanité pourrait être régénérée à l'aide de quelques pilules. Si, au contraire, comme cela n'est pas douteux, les imperfections sont inhérentes à l'infériorité même de l'Esprit, on ne l'améliorera pas plus en modifiant son enveloppe charnelle, qu'on ne redresserait un bossu, en dissimulant sa difformité sous la coupe de ses habits.

Nous ne doutons pas cependant que de tels résultats aient été obtenus dans quelques cas particuliers, car, pour affirmer un fait aussi grave, il faut avoir observé ; mais nous sommes convaincu qu'on s'est mépris sur la cause et sur l'effet. Les médicaments homéopathiques, par leur nature éthérée, ont une action en quelque sorte moléculaire ; ils peuvent sans contredit, plus que d'autres, agir sur les parties élémentaires et fluidiques des organes, et en modifier la constitution intime. Si donc, comme il est rationnel de l'admettre, tous les sentiments de l'âme ont leur fibre cérébrale correspondante pour leur manifestation, un médicament qui agirait sur cette fibre, soit pour la paralyser, soit pour en exalter la sensibilité, paralyserait ou exalterait par cela même l'expression du sentiment dont elle serait l'instrument, mais le sentiment n'en subsisterait pas moins. L'individu serait dans la position d'un meurtrier auquel on ôterait la possibilité de commettre des meurtres en lui coupant les bras, mais qui n'en conserverait pas moins le désir de tuer. Ce serait donc un palliatif, mais non un remède curatif. On ne peut agir sur l'être spirituel que par des moyens spirituels ; l'utilité des moyens matériels, si l'effet ci-dessus était constaté, serait peut-être de dominer plus facilement l'Esprit, de le rendre plus souple, plus docile et plus accessible aux influences morales ; mais on se bercerait d'illusions si l'on attendait d'une médication quelconque un résultat définitif et durable.

Il en serait autrement s'il s'agissait d'aider à la manifestation d'une faculté existante. Supposons un Esprit intelligent incarné, n'ayant à son service qu'un cerveau atrophié, et ne pouvant, par conséquent, manifester ses idées, il sera pour nous un idiot. En admettant, ce que nous croyons possible à l'homéopathie plus qu'à tout autre genre de médication, qu'on puisse donner plus de flexibilité et de sensibilité aux fibres cérébrales, l'Esprit manifesterait sa pensée, comme un muet auquel on aurait délié la langue. Mais si l'Esprit était idiot par lui-même, eût-il à son service le cerveau du plus grand génie, il n'en serait pas moins idiot. Un médicament quelconque ne pouvant agir sur l'Esprit, ne saurait ni lui donner ce qu'il n'a pas, ni lui ôter ce qu'il a ; mais en agissant sur l'organe de transmission de la pensée, il peut faciliter cette transmission sans que, pour cela, rien soit changé à l'état de l'Esprit. Ce qui est difficile, le plus souvent même impossible chez l'idiot de naissance, parce qu'il y a arrêt complet et presque toujours général de développement dans les organes, devient possible lorsque l'altération est accidentelle et partielle. Dans ce cas, ce n'est pas l'Esprit que l'on perfectionne, ce sont ses moyens de communication.

Exploitation des idées spirites

A propos des Comptes rendus de Mirette

Plusieurs journaux ont rendu compte avec éloge du roman de Mirette dont nous avons parlé dans la Revue de février 1867. Nous ne pouvons que féliciter les écrivains que n'ont pas arrêtés les idées contenues dans cet ouvrage, quoique contraires à leurs convictions. C'est un progrès, car il fut un temps où la seule couleur spirite eût été un motif de réprobation. On a vu avec quelle parcimonie et quelle contenance embarrassée les amis même de Théophile Gautier ont parlé de son roman de Spirite. Il est vrai qu'en dehors de ce qui touche au monde spirituel, le caractère essentiellement moral de Mirette, prêtait peu le flanc à la raillerie. Quelque sceptique que l'on soit, on ne rit pas de ce qui a pour conséquence le bien.

La critique a principalement porté sur ce point : Pourquoi mêler le surnaturel à ce simple récit ? Était-il utile à l'action de s'appuyer sur des faits de visions et d'apparitions ? Quel besoin avait l'auteur de transporter ses héros dans le monde imaginaire de la vie spirituelle pour arriver à l'accomplissement de la réparation décrétée par la Providence ? N'avons-nous pas des milliers d'histoires très édifiantes sans l'emploi de pareils ressorts ?

Assurément cela n'était pas nécessaire ; mais nous dirons à ces messieurs : si M. Sauvage eût fait un roman catholique, lui feriez-vous, tout sceptiques que vous êtes, un reproche d'employer comme ressort de l'action l'enfer, le paradis, les anges, les démons et tous les symboles de la foi ? De faire intervenir les dieux, les déesses, l'Olympe et le Tartare dans un roman païen ? Pourquoi donc trouver mauvais qu'un écrivain, qu'il soit Spirite ou non, utilise les éléments, que lui offre le Spiritisme, qui est une croyance comme une autre, ayant sa place au soleil, si cette croyance se prête à son sujet ? A moins forte raison peut-on le blâmer si, dans sa conviction, il y voit des moyens providentiels pour arriver au châtiment des coupables et à la récompense des bons.

Si donc, dans la pensée de l'écrivain, ces croyances sont des vérités, pourquoi ne les exposerait-il pas dans un roman aussi bien que dans un ouvrage philosophique ? Mais il y a plus : c'est que, comme nous l'avons dit maintes fois, ces mêmes croyances ouvrent à la littérature et aux arts un champ vaste et nouveau d'exploration, où ils puiseront à pleines mains des tableaux saisissants et les situations les plus attachantes. Voyez le parti qu'en a tiré Barbara, tout incrédule qu'il était, dans son roman de l'Assassinat du Pont Rouge. (Revue de janvier 1867, page 14). Seulement, comme il en a été de l'art chrétien, ceux qui auront la foi, les mettront mieux à profit ; ils y trouveront des motifs d'inspiration que n'auront jamais ceux qui ne font que des œuvres de fantaisie.

Les idées spirites sont dans l'air ; elles abondent, comme on le sait, dans la littérature actuelle ; les écrivains les plus sceptiques y ont recours sans s'en douter, poussés, par la force même du raisonnement, à les employer comme explications ou moyens d'action. C'est ainsi que tout récemment M. Ponson du Terrail, qui s'est plus d'une fois égayé aux dépens du Spiritisme et de ses adeptes, dans un roman feuilleton intitulé Mon Village, publié dans le Moniteur du soir (7 janvier 1867), s'exprime ainsi :

« Ces deux enfants s'aimaient déjà, et peut-être n'oseraient-ils jamais se le dire.

L'amour est parfois instantané, et ferait volontiers croire à la transmission des âmes et à la pluralité des existences. Qui sait ? Ces deux âmes qui frémissent au premier contact et qui, naguère, se croyaient inconnues l'une à l'autre, n'ont-elles pas été sœurs autrefois ?

Et, comme ils arrivaient dans la Grand'Rue de Saint-Florentin, ils se croisèrent avec un homme qui marchait assez rapidement et qui, à leur vue, éprouva une espèce de commotion électrique. Cet homme, c'était le Mulot qui sortait du café de l'Univers. Mais M. Anatole et Mignonne ne le virent point. Recueillis et silencieux, vivant pour ainsi dire en eux-mêmes, leurs âmes étaient loin sans doute de cette terre qu'ils foulaient. »

L'auteur a donc vu dans le monde des situations semblables à celles qu'il veut dépeindre, et qui sont un problème pour le moraliste ; il n'y trouve de solution logique qu'en admettant que ces deux âmes incarnées, sollicitées l'une vers l'autre par une irrésistible attraction, ont pu être sœurs dans une autre existence. Où a-t-il puisé cette pensée ? ce n'est sans doute pas dans les ouvrages spirites qu'il n'a probablement pas lus, ainsi que le prouvent les erreurs de fait qu'il a commises chaque fois qu'il a parlé de la doctrine. Il l'a puisée dans ce courant d'idées qui traversent le monde, auxquelles les incrédules eux-mêmes ne peuvent échapper, et qu'ils croient de bonne foi tirer de leur propre fond. Tout en combattant le Spiritisme, ils travaillent sans le vouloir, à en accréditer les principes. Peu importe la voie par laquelle ces principes s'infiltrent ; plus tard on reconnaîtra qu'il n'y manque que le nom.

Sous le titre de Conte de Noël, l'Avenir National du 26 décembre 1866, publiait un article de M. Taxile Delord, écrivain très peu spirite, comme on le sait, dans lequel l'auteur suppose un journaliste assis, la veille de Noël, au coin du feu, se demandant ce qu'était devenue la bonne nouvelle que les anges, à pareil jour, étaient venus, il y a deux mille ans, annoncer au monde. Comme il se livrait à ses réflexions, le journaliste entendit une voix ferme et douce qui lui disait :

« Je suis l'Esprit ; celui de la Révolution ; l'Esprit qui raffermit les individus et les peuples ; travailleurs, debout ! le passé conserve encore un souffle de vie, il défie l'avenir. Le progrès, mensonge ou utopie ! vous crie-t-on ; n'écoutez pas ces voix trompeuses ; pour prendre des forces et marcher en avant, regardez un moment derrière vous.

Le progrès est invincible ; il se sert même de ceux qui lui résistent pour avancer. »

Nous ne suivrons pas le journaliste et l'Esprit dans le dialogue qui s'établit entre eux, et dans lequel ce dernier déroule l'avenir, parce qu'ils marchent sur un terrain qui nous est interdit ; nous ferons seulement remarquer quel ressort emploie l'auteur pour arriver à ses fins. Ce ressort est à ses yeux de pure fantaisie, mais nous ne serions pas surpris qu'un véritable Esprit lui ait soufflé la phrase ci-dessus que nous avons soulignée.

On joue en ce moment, au Théâtre de l'Ambigu, un drame des plus émouvants, intitulé Maxwel, par M. Jules Barbier, et dont voici en deux mots le nœud de l'intrigue.

Un pauvre tisserand, nommé Butler, est accusé du meurtre d'un gentilhomme, et toutes les apparences sont tellement contre lui qu'il est condamné par le juge Maxwel à être pendu. Un homme seul pourrait le justifier, mais on ne sait ce qu'il est devenu. Cependant la femme du tisserand, dans un accès de sommeil somnambulique, a vu cet homme et l'a dépeint ; on pourrait donc le retrouver. Un bon et savant docteur qui croit au somnambulisme, ami du juge Maxwel, vient l'informer de cet incident afin d'obtenir un sursis à l'exécution ; mais Maxwel, sceptique à l'endroit des facultés qu'il regarde comme surnaturelles, maintient son arrêt, et l'exécution a lieu. A quelques semaines de là cet homme reparaît et raconte ce qui s'est passé. L'innocence du condamné est démontrée, et la vision de la somnambule vérifiée.

Cependant le véritable meurtrier est resté inconnu. Quinze ans se passent, durant lesquels s'accomplissent une foule d'incidents. Le juge, accablé de remords, voue sa vie à la recherche du coupable. La veuve de Butler, qui s'est expatriée en emmenant sa fille, est morte de misère. Plus tard cette fille devient courtisane à la mode sous un autre nom. Une circonstance fortuite lui met entre les mains le couteau qui avait servi au meurtre ; comme sa mère, elle entre en somnambulisme, et cet objet, comme un fil conducteur, la reportant au passé, elle raconte toutes les péripéties du crime et révèle le vrai coupable qui n'est autre que le frère même du juge Maxwel.

Ce n'est pas la première fois que le somnambulisme a été mis en scène ; mais ce qui distingue le drame nouveau, c'est qu'il y est représenté sous un jour éminemment sérieux et pratique, sans aucun mélange de merveilleux, et dans ses conséquences les plus graves, puisqu'il y sert de moyen de protestation contre la peine de mort. En prouvant que ce que les hommes ne peuvent voir par les yeux du corps, n'est pas caché aux yeux de l'âme, c'est démontrer l'existence de l'âme, et son action indépendante de la matière. Du somnambulisme au spiritisme la distance n'est pas grande, puisqu'ils s'expliquent, se démontrent, et se complètent l'un par l'autre ; tout ce qui tend à propager l'un, tend également à propager l'autre. Les Esprits ne se sont pas trompés quand ils ont annoncé que l'idée spirite se ferait jour par toutes sortes de voies. La double vue et la pluralité des existences, confirmées par les faits, et accréditées par une foule de publications, entrent chaque jour plus avant dans les croyances, et n'étonnent plus ; ce sont deux portes ouvertes à deux battants au Spiritisme

Robinson Crusoé spirite

Qui se serait douté que l'innocent livre de Robinson fût entaché des principes du Spiritisme, et que la jeunesse entre les mains de laquelle on le met sans défiance, pouvait y puiser la doctrine malsaine de l'existence des Esprits ? Nous l'ignorerions nous-mêmes encore si un de nos abonnés ne nous avait signalé les passages suivants qui se trouvent dans les éditions complètes, mais non dans les éditions abrégées.

Cet ouvrage, dans lequel on a vu principalement des aventures curieuses propres à amuser les petits enfants, est empreint d'une haute philosophie morale et d'un profond sentiment religieux.

On lit, page 161 (édition illustrée par Granville) :

« Ces pensées m'inspiraient une tristesse qui dura assez longtemps ; mais enfin elles prirent une autre direction ; je sentis ce que je devais de reconnaissance au ciel, qui m'avait empêché de me livrer à un danger dont j'ignorais l'existence. Ce sujet fit renaître en moi une réflexion qui m'était déjà venue plus d'une fois, depuis que j'avais reconnu combien, dans tous les dangers de la vie, la Providence montre sa bonté par des dispositions dont nous ne comprenons pas la fin. Souvent, en effet, nous sortons des plus grands périls par des voies merveilleuses ; souvent une impulsion secrète nous décide tout à coup, dans un moment de grave incertitude, à prendre tel chemin plutôt que tel autre qui nous eût conduits à notre perte.

Je me fis donc une loi de ne jamais résister à ces voix mystérieuses qui nous invitent à prendre tel parti, à faire ou à ne pas faire telle chose, bien que nulle raison n'appuie cette impulsion secrète. Je pourrais citer plus d'un exemple où la déférence à de pareils avertissements eut un plein succès, surtout dans la dernière partie de mon séjour en cette île malheureuse, sans compter bien d'autres occasions qui ont dû m'échapper et auxquelles j'aurais fait attention si mes yeux avaient été dès lors ouverts sur ce point. Mais il n'est jamais trop tard pour être sage, et je conseille à tous les hommes réfléchis dont l'existence serait assujettie, comme la mienne, à des accidents extraordinaires, même à des vicissitudes plus communes, de ne jamais négliger ces avis intimes de la Providence, quelle que soit l'intelligence invisible qui nous les transmet.

Page 284 :

« J'avais souvent entendu des gens très sensés dire que tout ce qu'on raconte des revenants et des apparitions s'explique par la force de l'imagination ; que jamais un Esprit n'est apparu à personne ; mais, qu'en songeant assidûment à ceux qu'on a perdus, ils deviennent tellement présents à la pensée, que, dans certaines circonstances, on croit les voir, leur parler, entendre leurs réponses, et que tout cela n'est qu'une illusion, une ombre, un souvenir.

Pour moi, je ne puis dire s'il existe dans le temps présent des apparitions véritables, des spectres, des personnes mortes qui reviennent errer par le monde, ou si les histoires qu'on fait sur ces sortes de faits sont fondées seulement sur les visions de cerveaux malades, d'imaginations exaltées et désordonnées ; mais, je sais que la mienne arriva à un tel point d'excitation, me jeta en de tels excès de vapeurs fantastiques, ou n'importe quel nom on voudra leur donner, que je croyais parfois être dans mon île, dans mon vieux château derrière le bois ; je voyais mon Espagnol, le père de Vendredi, et les réprouvés de matelots que j'avais laissés sur ces bords ; je croyais même causer avec eux, et quoique je fusse bien éveillé, je les regardais fixement, comme s'ils eussent été devant moi. Cela arriva assez souvent pour m'effrayer. Une fois, dans mon sommeil, le premier Espagnol et le vieux sauvage me racontèrent en des termes si naturels et si énergiques les méchancetés des trois matelots pirates, que c'était en effet surprenant. Ils me dirent comment ces hommes pervers avaient tenté d'assassiner les Espagnols, ensuite avaient brûlé toutes leurs provisions, dans le dessein de les faire mourir de faim ; et ce fait, que je ne pouvais savoir alors et qui se trouvait vrai, me fut montré si clairement par mon imagination, que je restai convaincu de sa réalité. J'y crus de même à la suite de ce rêve. J'écoutai les plaintes de l'Espagnol avec une profonde émotion ; je fis venir les trois coupables devant moi, et les condamnai à être pendus. On verra en son lieu ce qu'il y avait d'exact dans ce songe. Mais comment ces faits me furent-ils ainsi révélés ? Par quelle secrète communication des Esprits invisibles, m'étaient-ils apportés ? C'est ce que je ne puis expliquer. Le tout n'était pas littéralement vrai ; mais les points principaux étaient conformes à la réalité, et la conduite infâme de ces trois scélérats endurcis avait été fort au delà de ce que l'on pourrait supposer. Mon rêve, à cet égard, n'avait que trop de ressemblance avec les faits ; de plus, je voulus, quand je me trouvai dans l'île, les punir très sévèrement, et, si je les avais fait pendre, j'aurais été justifié par les lois divines et humaines. »

Page 289 :

« Rien ne démontre plus clairement la réalité d'une vie future et d'un monde invisible que le concours des causes secondes avec certaines idées que nous nous sommes formées intérieurement, sans avoir reçu ni donné à leur sujet aucune communication humaine. »

Tolérance et Charité

Lettre du nouvel archevêque d'Alger

La Vérité de Lyon, du 17 février, publie la lettre suivante, que Mgr Lavigerie, évêque de Nancy, nommé à l'archevêché d'Alger, a écrite à M. le maire d'Alger à la date du 15 janvier dernier :

« Monsieur le Maire,

Je viens d'apprendre, par le Moniteur, la nouvelle officielle de ma promotion à l'archevêché d'Alger, et quoique je ne puisse exercer aucun acte de mon ministère dans le diocèse, sans avoir reçu tout d'abord la mission et l'institution du Saint-Siège, cependant je ne puis rester insensible aux accents douloureux qui retentissent dans toute la France et qui nous arrivent du pied de l'Atlas. L'administration municipale d'Alger a pris la généreuse initiative d'une souscription publique, pour les victimes du dernier tremblement de terre. Permettez-moi de lui envoyer mon obole par votre entremise. Vous trouverez sous ce pli une somme de mille francs : c'est tout ce que ma pauvreté me permet de faire, mais ce peu, je le fais du moins de grand coeur.

Je désire que cette somme soit distribuée également, et sans distinction de races ni de cultes, entre tous ceux qui ont été frappés par le fléau. Si tous ne doivent pas, plus tard, me reconnaître pour leur père, moi, je réclame le privilège de les aimer également comme mes fils. J'ai pris pour devise de mes armes épiscopales un seul mot : charité ! et la charité ne connaît ni Grecs, ni barbares, ni infidèles, ni israélites ; ainsi que parle l'apôtre saint Paul, elle ne voit dans tous les hommes que l'image vivante de Dieu ! Puissé-je, s'il m'appelle bientôt au milieu de vous, donner à tous, par mes actes et par mes paroles, l'exemple et l'amour de cette vertu qui prépare toutes les autres.

Veuillez agréer, Monsieur le Maire, l'expression des sentiments de respectueux dévouement avec lesquels j'ai l'honneur d'être votre humble et obéissant serviteur.

Charles,

Évêque de Nancy, nommé à l'archevêché d'Alger. »



Le nouvel archevêque d'Alger s'annonce par un acte de bienfaisance qui est une digne introduction ; mais ce qui vaut encore mieux, ce qui sera surtout apprécié, ce sont les principes de tolérance par lesquels il inaugure son administration. Au lieu de l'anathème, c'est la charité qui confond tous les hommes dans un même sentiment d'amour, sans distinction de croyance, parce que tous sont la vivante image de Dieu. Ce sont là de véritables paroles évangéliques. Il ne parle pas des Spirites, contre lesquels son prédécesseur avait lancé toutes les foudres de la malédiction. (Voir la Revue de novembre 1863, page 336.) Mais il est probable que si sa tolérance s'étend aux juifs et aux infidèles, elle ne peut faire exception pour ceux qui, en conformité des paroles du Christ, inscrivent sur leur drapeau : Hors la charité, point de salut.

Lincoln et son meurtrier

Extrait du Banner of light de Boston.

Analyse d'une communication d'Abraham Lincoln obtenue par un médium de Ravenswood.

«Lorsque Lincoln revint de son étourdissement, et se réveilla dans le monde des Esprits, il fut très surpris et troublé, car il n'avait pas la moindre idée qu'il fût mort. Le coup qui l'a frappé avait suspendu instantanément toute sensation, et il ne comprit pas ce qui lui était arrivé. Cette confusion et ce trouble ne durèrent cependant pas longtemps. Il était assez spiritualiste pour comprendre ce qu'est la mort, et il ne fut pas, comme bien d'autres, étonné de la nouvelle existence dans laquelle il se trouvait transporté.»

«Il se vit entouré par beaucoup de personnes qu'il savait mortes depuis longtemps, et il apprit bientôt la cause de sa mort. Il fut reçu cordialement par beaucoup de gens pour lesquels il avait eu de la sympathie. Il comprit leur affection pour lui, et d'un coup d'œil il put embrasser le monde heureux dans lequel il était entré. Dans le même instant il éprouva un sentiment d'angoisse pour la douleur que devait éprouver sa famille, et une grande anxiété au sujet des conséquences que sa mort pouvait avoir pour son pays. Ces pensées le ramenèrent violemment sur la terre.»

«Ayant appris que William Booth était mortellement blessé, il vint vers lui et se pencha sur son lit de mort. Dans ce moment, Lincoln avait recouvré la parfaite conscience et la tranquillité de son Esprit, et attendit avec calme le réveil de Booth à la vie spirituelle. Booth ne fut pas étonné en se réveillant, car il s'attendait à sa mort.»

«Le premier Esprit qu'il rencontra fut Lincoln; il le regarda avec une grande hardiesse, et comme s'il se glorifiait de l'acte qu'il avait commis. Le sentiment de Lincoln, à son égard, ne respirait cependant aucune idée de vengeance, bien au contraire; il se montra doux et bon, et sans la moindre animosité à son égard.»

«Booth ne put supporter cet état de choses, et le quitta rempli d'émotion. L'acte qu'il a commis a eu plusieurs mobiles; d'abord son défaut de jugement qui le lui faisait considérer comme méritoire, et ensuite son amour déréglé des louanges l'avait persuadé qu'il serait comblé d'éloges et regardé comme un martyr.»

«Après avoir erré, il se trouva de nouveau attiré vers Lincoln.»

«Quelquefois il est rempli de repentir, d'autres fois son orgueil l'empêche de s'amender. Pourtant il comprend combien son orgueil est vain, sachant surtout qu'il ne peut cacher, comme de son vivant, aucun des sentiments qui l'agitent, et que ses pensées d'orgueil, de honte ou de remords sont connues de ceux qui l'entourent.»

«Toujours en présence de sa victime, et n'en recevoir que des marques de bonté, voilà son état actuel et sa punition.»

«Quant à Lincoln, son bonheur surpasse ce qu'il avait pu espérer.»

Remarque. La situation de ces deux Esprits est de tous points conforme à celle dont nous voyons journellement des exemples dans les récits d'outre-tombe. Elle est parfaitement rationnelle, et en rapport avec le caractère des deux individus.

Poésies Spirites

A Bernard Palissy



Quand sur notre avenir, incertaine et flottante,

Je doutais malgré moi de l'immortalité,

Tu vins à mon appel, et ta main bienfaisante

Déchira le bandeau de l'incrédulité ;

Dis-moi donc : D'où venait la douce sympathie

Qui te faisait quitter un céleste séjour ?

Était-ce un souvenir d'une antérieure vie

Qui laissait dans ton cœur un fraternel amour ?

Peut-être, cher Esprit, dans une autre existence

Fus-tu mon protecteur, mon guide, mon appui.

Mais j'interroge en vain : Dieu, dans sa prévoyance,

A mis sur mes regards le voile de l'oubli

En attendant le temps où je verrai ta sphère,

Où mon Esprit pourra s'élever jusqu'à toi !

Si je dois revenir sur cette triste terre,

Mon bien-aimé Bernard, pense toujours à moi.


Mlle L. O. Lieutaud, de Rouen.
La ligue de l'Enseignement

Plusieurs de nos correspondants se sont étonnés que nous n'ayons pas encore parlé de l'association désignée sons le titre de Ligue de l'enseignement. Par son caractère progressif, ce projet leur semble mériter les sympathies du spiritisme ; cependant, avant d'y prendre part, ils désireraient avoir notre opinion. En les remerciant de ce nouveau témoignage de confiance, nous leur répèterons ce que nous avons dit maintes fois, savoir : que nous n'avons jamais eu la prétention d'enchaîner la liberté de personne, ni d'imposer nos idées à qui que ce soit, ne les considérant pas comme devant faire loi. En gardant le silence, nous avons voulu ne pas préjuger la question et laisser plus entière la liberté de chacun. Quant au motif de notre abstention personnelle nous n'avons aucune raison de le taire, et puisqu'on désire le connaître, nous le dirons franchement.

Notre sympathie, comme celle de tous les Spirites, est naturellement acquise à toutes les idées progressives, et à toutes les institutions qui tendent à les propager ; mais encore faut-il que cette sympathie ait un objet déterminé. Or, jusqu'à présent, la ligue de l'enseignement ne nous offre qu'un titre, séduisant il est vrai, mais aucun programme défini, aucun plan tracé, aucun but précis. Ce titre a même l'inconvénient d'être si élastique, qu'il pourrait se prêter à des combinaisons très divergentes dans leurs tendances et dans leurs résultats. Chacun peut l'entendre à sa guise, et se fait sans doute par anticipation un plan conforme à sa manière de voir ; il pourrait donc se faire que lorsqu'on en sera à l'exécution, la chose ne réponde pas à l'idée que certaines personnes s'en étaient faite ; de là des défections inévitables.

Mais, dit-on, on ne risque rien, puisque ce sont les souscripteurs eux-mêmes qui règleront l'emploi des fonds. – Raison de plus pour qu'on ne s'entende pas, et dans ce conflit d'opinions et de vues diverses il y aura forcément des déceptions.

Avec un but bien défini au contraire, un plan clairement tracé, on sait à quoi l'on s'engage, ou tout au moins on sait si l'on donne son adhésion à une chose praticable ou à une utopie ; on peut apprécier la sincérité de l'intention, la valeur de l'idée, la combinaison plus ou moins heureuse des rouages, les garanties de stabilité, et supputer les chances de réussite ou d'insuccès. Or, dans l'espèce, cette appréciation n'est pas possible, puisque l'idée fondamentale est entourée de mystère, et qu'il faut l'accepter sur parole comme bonne. Nous voulons bien la croire parfaite, nous le désirons sincèrement, et lorsque le bien qui doit en sortir nous sera démontré, et que nous en verrons surtout le côté pratique, nous y applaudirons de tout cœur ; mais avant de donner notre adhésion à quoi que ce soit, nous voulons pouvoir le faire en connaissance de cause ; nous tenons à voir très clair dans tout ce que nous faisons, et à savoir où nous posons le pied. Dans l'état des choses, n'ayant pas les éléments nécessaires pour louer ou blâmer, nous réservons notre jugement.

Cette manière de voir qui est toute personnelle, ne saurait engager ceux qui se croiraient suffisamment éclairés.



Dissertations spirites

Communication collective

Société de Paris, 1er novembre 1 866. Médium M. Bertrand.

Le 1er novembre dernier, la Société s'étant réunie, comme d'habitude, pour la commémoration des morts, reçut un grand nombre de communications, parmi lesquelles une surtout se distinguait par sa facture tout à fait nouvelle, et qui consiste dans une suite de pensées détachées, chacune signée d'un nom différent, qui s'enchaînent et se complètent les unes par les autres. Voici cette communication :

“Mes amis, que d'Esprits autour de vous qui voudraient se communiquer à vous et vous dire qu'ils vous aiment ; et combien vous seriez heureux si le nom de tous ceux qui vous sont chers était prononcé à la table des médiums ! Quel bonheur ! quelle joie, pour chacun de vous, si votre père, votre mère, votre frère, votre sœur, vos enfants et vos amis venaient vous parler ! Mais vous comprenez qu'il est impossible que vous soyez tous satisfaits ; le nombre des médiums n'y suffirait pas ; mais ce qui n'est pas impossible, c'est qu'un Esprit au nom de tous vos parents et amis vienne vous dire : Merci de votre bon souvenir et de vos ferventes prières ; courage ! ayez l'espoir qu'un jour, à la suite de votre délivrance, nous viendrons tous vous tendre la main. Soyez persuadés que ce que vous enseigne le Spiritisme est l'écho des lois du Tout-Puissant ; par l'amour, rendez-vous tous frères, et vous allègerez le lourd fardeau que vous portez.

Maintenant, chers amis, tous vos Esprits protecteurs vont venir donner leur pensée. Toi, médium, écoute, et laisse aller ton crayon suivant leur idée.

La médecine fait ce que font les écrevisses effrayées.

Dr Demeure



Parce que le magnétisme progresse, et qu'en progressant il écrase la médecine actuelle pour la remplacer prochainement.

Mesmer



La guerre est un duel qui ne cessera que lorsque les combattants seront de force égale.

Napoléon



De force égale matériellement et moralement.

Général Bertrand



L'égalité morale règnera lorsque l'orgueil sera destitué.

Général Brune



Les révolutions sont des abus qui détruisent d'autres abus.

Louis XVI



Mais ces abus font naître la liberté.

Pas de nom



Pour être égaux il faut être frères ; sans fraternité, nulle égalité et nulle liberté.

Lafayette



La science est le progrès de l'intelligence.

Newton



Mais ce qui lui est préférable, c'est le progrès moral.

Jean Reynaud



La science restera stationnaire jusqu'à ce que la morale l'ait atteinte.

François Arago



Pour développer la morale, il faut d'abord déraciner le vice.

Béranger



Pour déraciner le vice, il faut le démasquer.

Eugène Sue



C'est ce que tous les Esprits forts et supérieurs cherchent à faire.

Jacques Arago



Trois choses doivent progresser : la musique, la poésie, la peinture. La musique transporte l'âme en frappant l'ouïe.

Meyerbeer



La poésie transporte l'âme en ouvrant le cœur.

Casimir Delavigne



La peinture transporte l'âme en flattant les yeux.

Flandrin



Donc la poésie, la musique et la peinture sont sœurs et se donnent la main ; l'une pour adoucir le cœur, l'autre pour adoucir les mœurs, et la dernière pour ouvrir l'âme ; toutes trois pour vous élever vers votre Créateur.

Alfred de Musset

Mais rien, rien ne doit momentanément plus progresser que la philosophie ; elle doit faire un pas immense, laissant stationner la science et les arts, mais pour les élever si haut, quand il en sera temps, que cette élévation serait trop subite pour vous aujourd'hui.

Au nom de tous,

Saint Louis.



Le 6 Décembre, M. Bertrand obtint, dans le groupe de M. Desliens, une communication du même genre, qui est en quelque sorte la suite de la précédente.

L'amour est une lyre dont les vibrations sont des accords divins.

Héloïse



L'amour a trois cordes à sa lyre : l'émanation divine, la poésie et le chant ; si l'une d'elles manque, les accords sont imparfaits.

Abélard



L'amour vrai est harmonieux ; ses harmonies enivrent le cœur en élevant l'âme. La passion noie les accords en abaissant l'âme.

Bernardin de Saint-Pierre



C'était l'amour que cherchait Diogène en cherchant un homme… qui est venu quelques siècles plus tard, et que la haine, l'orgueil et l'hypocrisie ont crucifié.

Socrate



Les sages de la Grèce le furent quelquefois plus dans leurs écrits et dans leurs paroles que dans leur personne.

Platon



Etre sage, c'est aimer ; cherchons donc l'amour par la voie de la sagesse.

Fénelon



Vous ne pouvez être sages, si vous ne savez vous élever au-dessus de la méchanceté des hommes.

Voltaire



Le sage est celui qui ne croit pas l'être.

Corneille



Qui se croit petit est grand ; qui se croit grand est petit.

Lafontaine



Le savant se croit ignorant, et qui se croit savant est ignorant.

Ésope



L'humilité se croit encore orgueilleuse, et qui se croit humble ne l'est pas.

Racine



Ne confondez pas avec les humbles ceux qui disent, par feinte modestie, ou par intérêt, le contraire de ce qu'ils sont : vous seriez dans l'erreur. Dans ce cas la vérité se tait.

Bonnefond



Le génie se possède par inspiration et ne s'acquiert pas ; Dieu veut que les choses les plus grandes soient découvertes ou inventées par des êtres sans instruction, afin de paralyser l'orgueil, tout en rendant l'homme solidaire de l'homme.

François Arago



On ne traite de fou que ceux dont les idées ne sont pas timbrées par l'autorité de la science ; c'est ainsi que ceux qui croient tout savoir, rejettent les pensées de génie de ceux qui ne savent rien.

Béranger



La critique est le stimulant de l'étude, mais elle est la paralysation du génie.

Molière



La science apprise n'est que l'ébauche de la science innée ; elle ne devient intelligence que dans la nouvelle incarnation.

J.-J. Rousseau



L'incarnation est le sommeil de l'âme ; les péripéties de la vie en sont les rêves.

Balzac



Quelquefois la vie n'est qu'un affreux cauchemar pour l'Esprit, et souvent il lui tarde qu'il soit fini.

La Rochefoucault



Là est son épreuve ; s'il résiste, il fait un pas vers le progrès, sinon il entrave la route qui doit le conduire au port.

Martin



Au réveil de l'âme qui est sortie victorieuse des luttes terrestres, l'Esprit est plus grand et plus élevé ; s'il succombe, il se retrouve tel qu'il était.

Pascal



C'est renier le progrès de vouloir que la langue soit l'emblème de l'immuabilité d'une doctrine religieuse ; de plus, c'est forcer l'homme à prier plus des lèvres que du cœur.

Descartes.



L'immuabilité ne réside pas dans la forme des mots, mais bien dans le verbe de la pensée. Lamennais



Jésus disait à ses apôtres d'aller prêcher l'Évangile dans leur langage, et que tous les peuples les comprendraient.

Lacordaire



La foi désintéressée fait des miracles.

Boileau.



La doctrine de Jésus ne se sent et ne se comprend que par le cœur ; quelle que soit donc la manière dont on la parle, elle est toujours l'amour et la charité.

Bossuet



Les prières dites ou écrites que l'on ne comprend pas, laissent vaguer les pensées, en permettant aux yeux de se distraire par le faste des cérémonies.

Massillon



Tout changera, sans toutefois revenir à la simplicité d'autrefois, ce qui serait la négation du progrès. Les choses se feront sans faste et sans orgueil.

Sibour



L'amour triomphera, et viendront avec lui : la sagesse, la charité, la prudence, la force, la science, l'humilité, le calme, la justice, le génie, la tolérance, l'enthousiasme, et la gloire majestueuse et divine écrasera, par sa splendeur : l'orgueil, l'envie, l'hypocrisie, la méchanceté et la jalousie qui entraînent à leur suite la paresse, la gourmandise et la luxure.

Eug. Sue



L'amour règnera, et pour qu'il ne tarde, il faut, courageux Diogène, prendre d'une main le flambeau du Spiritisme, et montrer aux humains les vers rongeurs qui forment plaie sur leur âme.

Saint Louis



Remarque. Ce genre de communication soulève une question importante. Comment les fluides d'un aussi grand nombre d'Esprits peuvent-ils s'assimiler presque instantanément avec le fluide du médium pour lui transmettre leur pensée, alors que cette assimilation est souvent difficile de la part d'un seul Esprit, et ne s'établit généralement qu'à la longue ?

Le guide spirituel du médium semble l'avoir prévue, car le surlendemain il lui donna spontanément l'explication ci-après :

« La communication que tu as obtenue le jour de la Toussaint, ainsi que la dernière qui en est le complément, quoiqu'il y ait des noms répétés, ont été obtenues de la manière suivante : comme je suis ton Esprit protecteur, mon fluide est similaire du tien. Je me suis placé au-dessus de toi, te transmettant le plus exactement possible les pensées et les noms des Esprits qui désiraient se manifester. Ils ont formé autour de moi une assemblée dont les membres dictaient tour à tour les pensées que je t'ai transmises. Cela a été spontané, et ce qui rendait ce jour-là les communications plus faciles, c'est que les Esprits présents avaient saturé l'appartement de leurs fluides.

Lorsqu'un Esprit se communique à un médium, il le fait avec d'autant plus de facilité que les rapports fluidiques sont mieux établis entre eux, sinon l'Esprit est obligé, pour communiquer son fluide au médium, d'établir une espèce de courant magnétique qui aboutit au cerveau de ce dernier ; et si l'Esprit, en raison de son infériorité, ou de toute autre cause, ne peut établir ce courant lui-même, il a recours à l'assistance du guide du médium, et les rapports s'établissent comme je viens de l'indiquer. »

Slener

Une autre question est celle-ci : Dans le nombre de ces Esprits, n'y en a-t-il point qui soient incarnés en ce monde ou en d'autres, et, dans ce cas, comment peuvent-ils se communiquer ? Voici la réponse qui y a été faite :

« Les Esprits d'un certain degré d'avancement ont un rayonnement qui leur permet de se communiquer simultanément sur plusieurs points. Chez quelques-uns, l'état d'incarnation n'amortit pas ce rayonnement d'une manière assez complète pour leur empêcher de se manifester même à l'état de veille. Plus l'Esprit est avancé, plus sont faibles les liens qui l'unissent à la matière du corps ; il est dans un état presque constant de dégagement, et l'on peut dire qu'il est là où se porte sa pensée. »

Un Esprit.

Mangin le Charlatan

Tout le monde a connu ce vendeur de crayons qui, monté sur une voiture richement décorée, affublé d'un casque brillant et d'un costume étrange a été pendant de longues années, une des célébrités des rues de Paris. Ce n'était pas un charlatan vulgaire, et ceux qui l'ont connu personnellement s'accordaient à lui reconnaître une intelligence peu commune, une certaine élévation dans la pensée, et des qualités morales au-dessus de sa profession nomade. Il est mort l'année dernière, et depuis il s'est communiqué plusieurs fois spontanément à l'un de nos médiums. D'après le caractère qu'on lui a connu, on ne sera pas surpris du vernis philosophique que l'on trouve dans ses communications.


Le crayon

Paris, 20 décembre 1866, groupe de M. Desliens, médium, M. Bertrand.



Le crayon, c'est la parole de la pensée. Sans le crayon la pensée reste muette et incomprise de vos sens grossiers. Le crayon est l'âme offensive et défensive de la pensée ; c'est la main qui parle et se défend.

Le crayon !… et surtout le crayon Mangin !… Oh ! pardon… voilà que je deviens égoïste !… Mais pourquoi ne pourrais-je pas, comme autrefois, faire l'éloge de mes crayons ? Ne sont-ils pas bons ?… Avez-vous à vous en plaindre ? Ah ! si j'étais encore sur mon véhicule français avec mon costume romain… vous me croiriez… Je savais si bien faire mon boniment, et le pauvre badaud croyait blanc ce qui était noir, tout simplement parce que Mangin, le célèbre charlatan, l'avait dit !… J'ai dit charlatan… Non, il faut dire bonisseur… Allons ! les chalands, dénouez les cordons de votre bourse ; achetez de ces superbes crayons plus noirs que l'encre et durs comme pierre… Accourez, accourez, la vente va finir !… Ah ! çà, qu'est-ce que je dis donc ?… Je crois, ma foi, que je me trompe de rôle, et que je finis fort mal, après avoir bien commencé…

Vous tous, armés de crayons, assis autour de cette table, allez dire et prouvez aux journalistes orgueilleux que Mangin n'est pas mort. Allez dire à ceux qui ont oublié ma marchandise, parce que je n'étais plus là pour leur faire croire à ses étonnantes qualités, allez dire à tout ce monde que je vis encore et que, si je suis mort, c'était pour mieux vivre…

Ah ! MM. les journalistes, vous vous moquiez de moi, et pourtant si, au lieu de me considérer comme un charlatan escamotant la monnaie humaine, vous m'eussiez étudié plus attentivement et philosophiquement vous auriez reconnu un être ayant des réminiscences de son passé. Vous auriez compris le pourquoi de mon goût pour ce costume guerrier romain, le pourquoi de cet amour des harangues en place publique. Vous auriez dit alors que, sans doute, j'avais été soldat ou général romain et vous ne vous seriez pas trompés.

Allons ! allons ! achetez donc des crayons, usez-en ; mais servez-vous-en utilement, non comme moi pour pérorer sans motif, mais pour propager cette belle doctrine que beaucoup d'entre vous ne suivent que de trop loin.

Armez-vous donc de vos crayons, et frayez-vous une large route dans ce monde d'incrédulité. Faites toucher du doigt, à tous ces saint Thomas incrédules les sublimes vérités de Spiritisme qui feront qu'un jour tous les hommes seront frères.

Mangin.


Le papier



(Groupe de M. Delanne; 14 janvier 1867, Médium, M. Bertrand).



J'ai parlé de crayon et de charlatanisme, mais je n'ai pas encore parlé du papier. C'est que sans doute je me réservais cela pour ce soir.

Ah ! que je voudrais être papier ; non lorsqu'il s'avilit à faire le mal, mais, au contraire, quand il remplit son véritable rôle qui est de faire le bien ! En effet, le papier est l'instrument qui, de concert avec le crayon, sème çà et là les nobles pensées de l'esprit. Le papier est le livre ouvert où chacun peut puiser du regard les conseils utiles à son voyage terrestre !…

Ah ! que je voudrais être papier, afin de remplir comme lui le rôle de moralisateur et d'instructeur, donnant à chacun les encouragements nécessaires pour supporter courageusement les maux qui sont si souvent causes de tant de honteuses faiblesses !…

Ah ! si j'étais papier, j'abolirais toutes les lois égoïstes et tyranniques, pour ne laisser rayonner que celles qui proclament l'égalité. Je ne voudrais parler que d'amour et de charité. Je voudrais que tous soient humbles et bons, que le méchant devienne meilleur, que l'orgueilleux devienne humble, que le pauvre devienne riche, que l'égalité enfin se fasse jour et soit, dans toutes les bouches, comme l'expression de la vérité, et non dans l'espérance de cacher l'égoïsme et la tyrannie qui possèdent le cœur.

Si j'étais papier, je voudrais être blanc pour l'innocence, vert pour celui qui n'a pas l'espérance d'un soulagement à ses maux. Je voudrais être de l'or dans les mains du pauvre, du bonheur dans les mains de l'affligé, du baume dans celles du malade. Je voudrais être le pardon de toutes les offenses. Je ne condamnerais point, je ne maudirais point, je ne lancerais point l'anathème ; je ne critiquerais point avec malveillance ; je ne dirais rien qui puisse faire tort à autrui. Enfin, je ferais ce que vous faites : je ne voudrais qu'enseigner le bien et parler de cette belle doctrine qui vous réunit tous et sous toutes les formes ; je professerais toujours cette sublime maxime : Aimez-vous les uns et les autres.

Celui qui voudrait revenir sur terre, non charlatan, non pour vendre seulement des crayons, mais pour y joindre la vente du papier, et qui dirait à tous : le crayon ne peut être utile sans le papier et le papier ne peut se passer du crayon.

Mangin.


La Solidarité

Paris, 26 novembre 1866, médium M. Sabb…

Gloire à Dieu, et paix aux hommes de bonne volonté !

L'étude du Spiritisme ne doit pas être vaine. Pour certains hommes légers, elle est un amusement ; pour les hommes sérieux, elle doit être sérieuse.

Réfléchissez à une chose avant toutes. Vous n'êtes pas sur la terre pour y vivre à la façon des bêtes, pour y végéter à la manière des graminées ou des arbres. Les graminées et les arbres ont la vie organique, ils n'ont pas la vie intelligente, de même que les animaux n'ont pas la vie morale. Tout vit, tout respire dans la nature, l'homme seul sent et se sent.

Que ceux-là sont insensés et à plaindre, qui se méprisent assez pour se comparer à un brin d'herbe, ou à un éléphant ! Ne confondons ni les genres ni les espèces. Ce ne sont pas de grands philosophes et de grands naturalistes qui voient dans le Spiritisme, par exemple, une nouvelle édition de la métempsycose, et surtout d'une métempsycose absurde. La métempsycose est le rêve d'un homme d'imagination, elle n'est pas autre chose. Un animal, un végétal produit son congénère, rien de plus ni rien de moins. Ceci soit dit, pour empêcher de vieilles idées fausses de s'accréditer de nouveau, à l'ombre du Spiritisme.

Homme, soyez homme ; sachez d'où vous venez et où vous allez. Vous êtes l'enfant aimé de celui qui a tout fait et qui vous a donné une fin, une destinée que vous devez accomplir sans la connaître absolument. Étiez-vous nécessaire à ses desseins, à sa gloire, à son propre bonheur ? Questions oiseuses, puisqu'elles sont insolubles. Vous Êtes, soyez-en reconnaissant ; mais être n'est pas tout, il faut être selon les lois du Créateur qui sont vos propres lois. Lancé dans l'existence, vous êtes tout à la fois cause et effet. Ni comme cause, ni comme effet, vous ne pouvez, au moins quant à présent, déterminer votre rôle, mais vos lois vous pouvez les suivre. Or, la principale est celle-ci : L'homme n'est pas un être isolé, il est un être collectif. L'homme est solidaire de l'homme. C'est en vain qu'il cherche le complément de son être, c'est-à-dire le bonheur en lui-même ou dans ce qui l'entoure isolément : il ne peut le trouver que dans l'homme ou l'humanité. Vous ne faites donc rien pour être personnellement heureux, tant que le malheur d'un membre de l'humanité, d'une partie de vous-même, pourra vous affliger.

C'est de la morale que je vous enseigne là, me direz-vous, or la morale est un vieux lieu commun. Regardez autour de vous, qu'y a-t-il de plus ordinaire, de plus commun que le retour périodique du jour et de la nuit, que le besoin de vous nourrir et de vous vêtir ? C'est à cela que tendent tous vos soins, tous vos efforts. Il le faut, la partie matérielle de votre être l'exige. Mais votre nature n'est-elle pas double, et n'êtes-vous pas plus esprit que corps ? Comment donc se fait-il qu'il vous soit plus dur de vous entendre rappeler les lois morales que d'appliquer à tout instant les lois physiques ? Si vous étiez moins préoccupés et moins distraits, cette répétition ne serait pas aussi nécessaire.

Ne nous écartons pas de notre sujet : Le Spiritisme bien compris est à la vie de l'âme ce que le travail matériel est à la vie du corps. Occupez-vous-en dans ce but, et tenez pour certain que lorsque vous aurez fait, pour vous améliorer moralement, la moitié de ce que vous faites pour améliorer votre existence matérielle, vous aurez fait faire un grand pas à l'humanité.

un Esprit.

Tout vient en son temps

Odessa, groupe de famille, 1866. Médium, mademoiselle M…

Question. – En lisant, dans la Vérité de 1866, les expériences magnétiques, j'en étais émerveillé, et je pensais en moi-même que cette force si étonnante pouvait peut-être être la cause de toutes les merveilles, de toutes les beautés, incompréhensibles pour nous, des planètes supérieures, et dont les Esprits nous donnent des descriptions. Je prie les bons Esprits de m'éclairer à ce sujet ?

Réponse. – Pauvres hommes ! L'avidité de savoir, l'impatience dévorante de lire dans le livre de la création, tout vous tourne la tête et éblouit vos yeux habitués à l'obscurité, lorsqu'ils tombent sur quelques passages que votre esprit, encore esclave de la matière, ne peut comprendre. Mais, ayez patience, les temps sont arrivés. Déjà le grand architecte commence à dérouler peu à peu devant vos yeux le plan de l'édifice de l'univers, déjà il soulève un coin du voile qui vous cache la vérité, et un rayon de lumière vous éclaire. Contentez-vous de ces prémices ; habituez vos yeux à la douce clarté de l'aurore, jusqu'à ce qu'ils puissent supporter la splendeur du soleil brillant dans tout son éclat.

Remerciez le Tout-Puissant, dont la bonté infinie ménage votre faible vue, en levant graduellement le voile qui la couvre. S'il l'enlevait tout d'un coup, vous seriez éblouis et ne verriez rien ; vous retomberiez dans le doute, dans la confusion, dans l'ignorance dont vous sortez à peine. Il vous a été dit déjà que tout vient en son temps : ne le devancez pas par votre trop grande avidité de tout savoir. Laissez au Maître le choix de la méthode qu'il juge la plus convenable pour vous instruire. Vous avez devant vous un sublime ouvrage : « la nature, son essence, ses forces ; » il commence par l'A B C. Apprenez donc d'abord à épeler, à comprendre ces premières pages ; progressez avec patience et persévérance, et vous arriverez jusqu'à la fin, tandis qu'en sautant des pages et des chapitres, l'ensemble vous paraît incompréhensible. Il n'est pas d'ailleurs dans les desseins du Tout-Puissant que l'homme sache tout. Conformez-vous donc à sa volonté, elle a pour but votre bien.

Lisez dans le grand livre de la nature ; instruisez-vous, éclairez votre esprit, contentez-vous de savoir ce que Dieu juge à propos de vous apprendre pendant votre séjour sur la terre ; vous n'aurez pas le temps d'arriver jusqu'à la dernière page, et vous ne la lirez que lorsque vous serez détachés de la matière, lorsque vos sens spiritualisés vous permettront de le comprendre.

Oui, mes amis, apprenez et instruisez-vous, et, avant tout, progressez en moralité par l'amour du prochain, par la charité, par la foi : c'est l'essentiel, c'est le passeport à la vue duquel les portes du sanctuaire infini vous sont ouvertes.

Humbolt

Respect dû aux croyances passées

Paris, groupe Delanne, 4 février 1867. Médium, M. Morin

La foi aveugle est le plus mauvais de tous les principes ! Croire avec ferveur à un dogme quelconque, lorsque la saine raison se refuse à l'accepter comme une vérité, c'est faire acte de nullité et se priver volontairement du plus beau de tous les dons que nous ait faits le Créateur ; c'est renoncer à la liberté de juger, au libre arbitre qui doit présider à toutes choses dans la mesure de la justice et de la raison.

Généralement, les hommes sont insouciants et ne croient à une religion que par acquit de conscience, et pour ne pas rejeter tout à fait ces bonnes et douces prières qui ont bercé leur jeunesse, et que leur mère leur apprenait auprès du foyer, lorsque le soir apportait avec lui l'heure du sommeil ; mais si ce souvenir se présente quelquefois à leur esprit, c'est le plus souvent avec un sentiment de regret qu'ils font un retour vers ce passé où les soucis de l'âge mûr étaient encore enfouis dans la nuit de l'avenir.

Oui, tout homme regrette cet âge d'insouciance, et bien peu peuvent songer à leurs jeunes années !… Mais qu'en reste-t-il un instant après ?… – Rien !…

J'ai commencé à dire que la foi aveugle était pernicieuse ; mais il ne faudrait pas toujours rejeter comme foncièrement mauvais tout ce qui paraît entaché d'abus, composé d'erreurs et surtout inventé à plaisir pour la gloire des orgueilleux et le bénéfice des intéressés.

Spirites, vous devez savoir mieux que personne que rien ne s'accomplit sans la volonté du Maître suprême ; c'est donc à vous de bien réfléchir avant de formuler votre jugement. Les hommes sont vos frères incarnés, et il est possible que nombre de travaux des temps anciens soient vos œuvres accomplies dans une existence antérieure. Les Spirites doivent avant tout être logiques avec leur enseignement, et ne point jeter la pierre aux institutions et aux croyances d'un autre âge, par cela seul qu'elles sont d'un autre âge. La société actuelle a eu besoin, pour devenir ce qu'elle est, que Dieu lui départît peu à peu la lumière et le savoir.

Il ne vous appartient donc pas de juger si les moyens employés par lui étaient bons ou mauvais. N'acceptez que ce qui vous semble rationnel et logique ; mais n'oubliez pas que les vieilles choses ont eu leur jeunesse, et que ce que vous enseignez aujourd'hui deviendra vieux à son tour. Respect donc à la vieillesse ! Les vieillards sont vos pères, comme les vieilles choses ont été les précurseurs des choses nouvelles. Rien ne vieillit, et si vous manquez à ce principe pour tout ce qui est vénérable, vous manquez à votre devoir, vous mentez à la doctrine que vous professez.

Les vieilles croyances ont élaboré la rénovation qui commence à s'accomplir !… Toutes, en tant qu'elles n'étaient pas exclusivement matérielles, possédaient une étincelle de la vérité. Regrettez les abus qui se sont introduits dans l'enseignement philosophique, mais pardonnez aux erreurs d'un autre âge, si vous voulez à votre tour être excusés dans les vôtres ultérieurement. Ne donnez pas votre foi à ce qui vous paraît mauvais, mais ne croyez pas non plus que tout ce qui vous est enseigné aujourd'hui soit l'expression de la vérité absolue. Croyez qu'à chaque époque Dieu élargit l'horizon des connaissances en raison du développement intellectuel de l'humanité.

Lacordaire.

La Comédie humaine

Paris, groupe Desliens, 29 novembre 1866. Médium, M. Desliens

La vie de l'Esprit incarné est comme un roman, ou plutôt comme une pièce de théâtre, dont chaque jour on parcourrait un feuillet contenant une scène. L'auteur, c'est l'homme ; les personnages sont les passions, les vices et les vertus, la matière et l'intelligence, se disputant la possession du héros qui est l'Esprit. Le public, c'est le monde en général pendant l'incarnation, les Esprits dans l'erraticité, et le censeur qui examine la pièce pour la juger en dernier ressort et décerner un blâme ou une louange à l'auteur, c'est Dieu.

Faites donc en sorte de vous faire applaudir le plus souvent possible et de n'entendre que rarement le bruit du sifflet résonner désagréablement à votre oreille. Que l'intrigue soit toujours simple, et ne cherchez l'intérêt que dans les situations naturelles qui puissent servir à faire triompher la vertu, à développer l'intelligence et à moraliser le public.

Pendant l'exécution de l'œuvre, la cabale mise en mouvement par l'envie, peut essayer de critiquer les meilleurs passages, et n'encenser que ceux qui sont médiocres ou mauvais. Fermez l'oreille à ces flatteries, et souvenez-vous que la postérité vous appréciera à votre juste valeur ! Vous laisserez un nom obscur ou illustre, entaché de hontes ou couvert de gloire selon le monde ; mais, lorsque la pièce sera finie et que le rideau, tiré sur la dernière scène, vous mettra en présence du régisseur universel, du directeur infiniment puissant du théâtre où se passe la comédie humaine, il n'y aura ni flatteurs, ni courtisans, ni envieux, ni jaloux : vous serez seuls avec le juge suprême, impartial, équitable, juste.

Que votre œuvre soit sérieuse et moralisatrice, car c'est la seule qui ait quelque poids dans la balance du Tout-Puissant.

Il faut que chacun rende à la société au moins ce qu'il en reçoit. Celui qui, en ayant reçu l'assistance corporelle et spirituelle qui lui permet de vivre, s'en va sans restituer au moins ce qu'il a dépensé, est un voleur, car il a gaspillé une part du capital intelligent et il n'a rien produit.

Tout le monde ne peut pas être homme de génie, mais tous peuvent et doivent être honnêtes, bons citoyens, et rendre à la société ce que la société leur a prêté.

Pour que le monde soit en progrès, il faut que chacun laisse un souvenir utile de sa personnalité, une scène de plus à ce nombre infini de scènes utiles que les membres de l'humanité ont laissées depuis que votre terre sert de lieu d'habitation à des Esprits.

Faites donc qu'on lise avec intérêt chacun des feuillets de votre roman, et qu'on ne le parcoure pas seulement du regard, pour le fermer avec ennui, avant d'en avoir lu la moitié.

Eugène Sue.




Notices bibliographiques

Lumen, récit d'outre-terre

Par Camille Flammarion, professeur d'astronomie, attaché à l'Observatoire de Paris.

Ceci n'est point un livre, mais un article qui pourrait faire un livre intéressant et surtout instructif, parce que les données en sont fournies par la science positive, et traitées avec la clarté et l'élégance que le jeune savant apporte dans tous ses écrits. M. Camille Flammarion est connu de tous nos lecteurs par son excellent ouvrage sur la Pluralité des mondes habités, et par les articles scientifiques qu'il publie dans le Siècle. Celui dont nous allons rendre compte est publié dans la Revue du XIXe siècle du 1er février 1867. *

L'auteur suppose un entretien entre un individu vivant nommé Sitiens, et l'Esprit d'un de ses amis nommé Lumen, qui lui décrit ses dernières pensées terrestres, les premières sensations de la vie spirituelle, et celles qui accompagnent le phénomène de la séparation. Ce tableau est d'une conformité parfaite avec ce que les Esprits nous ont appris à ce sujet ; c'est le Spiritisme le plus exact, moins le mot qui n'est pas prononcé. On en jugera par les citations suivantes :

«La première sensation d'identité que l'on éprouve après la mort ressemble à celle que l'on ressent au réveil pendant la vie, lorsque, revenant peu à peu à la conscience du matin, on est encore traversé par les visions de la nuit. Sollicité par l'avenir et le passé, l'Esprit cherche à la fois à reprendre pleine possession de lui-même et à saisir les impressions fugitives du rêve évanoui, qui passent encore en lui avec leur cortège de tableaux et d'événements. Parfois, absorbé par cette rétrospection d'un songe captivant, il sent sous la paupière qui se referme, les chaînes de la vision se renouer, et le spectacle se continuer ; il retombe à la fois dans le rêve et dans une sorte de demi-sommeil. Ainsi se balance notre faculté pensante au sortir de cette vie, entre une réalité quelle ne comprend pas encore, et un rêve qui n'est pas complètement disparu.»

Remarque. Dans cette situation de l'Esprit, il n'y a rien d'étonnant à ce que quelques-uns ne croient pas être morts.

«La mort n'est pas. Le fait que vous désignez sous ce nom, la séparation du corps et de l'âme, ne s'effectue pas, à vrai dire, sous une forme matérielle comparable aux séparations chimiques des éléments dissociés que l'on observe dans le monde physique. On ne s'aperçoit guère plus de cette séparation définitive, qui nous semble si cruelle, que l'enfant nouveau-né ne s'aperçoit de sa naissance ; nous sommes enfantés à la vie future comme nous le fûmes à la vie terrestre. Seulement, l'âme n'étant plus enveloppée des langes corporels qui la revêtent ici-bas, acquiert plus promptement la notion de son état et de sa personnalité. Cette faculté de perception varie toutefois essentiellement d'une âme à l'autre. Il en est qui, pendant la vie du corps, ne s'élevèrent jamais vers le ciel et ne se sentirent jamais anxieuses de pénétrer les lois de la création. Celles-là, encore dominées par les appétits corporels, demeurent longtemps à l'état de trouble inconscient. Il en est d'autres, heureusement, qui, dès cette vie, s'envolent sur leurs aspirations ailées vers les cimes du beau éternel ; celles-là voient arriver avec calme et sérénité l'instant de la séparation; elles savent que le progrès est la loi de l'existence et qu'elles entreront, au delà, dans une vie supérieure à celle d'en deçà; elles suivent pas à pas la léthargie qui monte à leur cœur, et lorsque le dernier battement, lent et insensible, l'arrête en son cours, elles sont déjà au-dessus de leur corps, dont elles ont observé l'endormissement, et, se délivrant des liens magnétiques, elles se sentent rapidement emportées, par une force inconnue, vers le point de la création où leurs aspirations, leurs sentiments, leurs espérances, les attirent.»

«Les années, les jours et les heures sont constitués par les mouvements de la terre. En dehors de ces mouvements le temps terrestre n'existe plus dans l'espace ; il est donc absolument impossible d'avoir notion de ce temps.»

Remarque. – Ceci est rigoureusement vrai ; aussi lorsque les Esprits veulent nous spécifier une durée intelligible pour nous, sont-ils obligés de s'identifier à nouveau avec les habitudes terrestres, de se refaire hommes, pour ainsi dire, afin de se servir des mêmes points de comparaison. Aussitôt après sa délivrance, l'Esprit de Lumen est transporté avec la rapidité de la pensée dans le groupe de mondes composant le système de l'étoile désignée en astronomie sous le nom de Capella ou la Chèvre. La théorie qu'il donne de la vue de l'âme est remarquable.

«La vue de mon âme était d'une puissance incomparablement supérieure à celle des yeux de l'organisme terrestre que je venais de quitter ; et, remarque surprenante, sa puissance me paraissait soumise à la volonté. Qu'il me suffise de vous faire pressentir qu'au lieu de voir simplement les étoiles dans le ciel, comme vous les voyez sur la terre, je distinguais clairement les mondes qui gravitent alentour ; lorsque je désirais ne plus voir l'étoile afin de n'être pas gêné pour l'examen de ces mondes, elle disparaissait de ma vision, et me laissait en d'excellentes conditions pour observer l'un de ces mondes. De plus, lorsque ma vue se concentrait sur un monde particulier, j'arrivais à distinguer les détails de sa surface, les continents et les mers, les nuages et les fleuves. Par une intensité particulière de concentration dans la vue de mon âme, je parvenais à voir l'objet sur lequel elle se concentrait, comme par exemple, une ville, une campagne, les édifices, les rues, les maisons, les arbres, les sentiers ; je reconnaissais même les habitants et je suivais les personnes dans les rues et dans les habitations. Il me suffisait, pour cela, de borner ma pensée au quartier, à la maison, ou à l'individu que je voulais observer.»

«Dans le monde à bord duquel je venais d'arriver, les êtres, non incarnés dans une enveloppe grossière comme ici-bas, mais, libres, et doués de facultés d'aperceptions élevées à un éminent degré de puissance, peuvent apercevoir distinctement des détails qui, à cet éloignement, seraient absolument dérobés aux yeux des organisations terrestres.»

«Sitiens. Est-ce qu'ils se servent pour cela d'instruments supérieurs à nos télescopes?»

«Lumen. Si, pour être moins rebelle à l'admission de cette merveilleuse faculté, il vous est plus facile de les concevoir munis d'instruments, vous le pouvez par théorie. Mais je dois vous avertir que ces sortes d'instruments ne sont pas extérieurs à ces êtres, et qu'ils appartiennent à l'organisme même de leur vue. Il est bien entendu que cette construction optique et cette puissance de vue sont naturelles en ces mondes, et non pas surnaturelles. Pensez un peu aux insectes qui jouissent de la propriété de raccourcir ou d'allonger leurs yeux comme les tubes d'une lunette, d'enfler ou d'aplatir leur cristallin pour en faire une loupe de différents degrés, ou encore de concentrer au même foyer une multitude d'yeux braqués comme autant de microscopes pour saisir l'infiniment petit, et vous pourrez plus légitimement admettre la faculté de ces êtres ultra-terrestres.»

Le monde où se trouve Lumen est à une distance telle de la terre que la lumière n'arrive de l'un à l'autre qu'au bout de soixante-douze ans. Or, né en 1793 et mort en 1864, à son arrivée dans Capella, d'où il porte sa vue sur Paris, Lumen ne reconnaît plus le Paris qu'il vient de quitter. Les rayons lumineux partis de la terre, n'arrivant à Capella qu'après soixante-douze ans, lui apportaient l'image de ce qui s'y passait en 1793.

Là est la partie réellement scientifique du récit ; toutes les difficultés y sont résolues de la manière la plus logique. Les données, admises en théorie par la science, y sont démontrées par l'expérience ; mais cette expérience ne pouvant être faite directement par les hommes, l'auteur suppose un Esprit qui rend compte de ses sensations, et placé dans les conditions à pouvoir établir une comparaison entre la terre et le monde qu'il habite.

L'idée est ingénieuse et neuve. C'est la première fois que le Spiritisme vrai et sérieux, quoique sous l'anonyme, est associé à la science positive, et cela par un homme capable d'apprécier l'un et l'autre, et de saisir le trait d'union qui doit les relier un jour. Ce travail, auquel nous reconnaissons, sans restriction, une importance capitale, nous paraît être un de ceux que les Esprits nous ont annoncés comme devant marquer la présente année. Nous analyserons cette seconde partie dans un prochain article.

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* Chaque numéro forme un volume de 160 pages grand in-8. Prix : 2 fr. Paris, librairie internationale, 15, boulevard Montmartre, et 18, avenue Montaigne, Palais Pompéien.




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