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REVUE SPIRITE JOURNAL D'ETUDES PSYCHOLOGIQUES - 1867 > Mai
Mai
Atmosphère spirituelle
Le Spiritisme nous apprend que les Esprits constituent la population invisible du globe, qu'ils sont dans l'espace et parmi nous, nous voyant et nous coudoyant sans cesse, de telle sorte que, lorsque nous nous croyons seuls, nous avons constamment des témoins secrets de nos actions et de nos pensées. Cela peut paraître gênant pour certaines personnes, mais puisque cela est, on ne peut empêcher que cela soit ; c'est à chacun de faire comme le sage qui n'aurait pas craint que sa maison fût de verre. C'est sans aucun doute à cette cause qu'il faut attribuer la révélation de tant de turpitudes et de méfaits que l'on croyait ensevelis dans l'ombre.
Nous savons en outre que, dans une réunion, outre les assistants corporels, il y a toujours des auditeurs invisibles ; que la perméabilité étant une des propriétés de l'organisme des Esprits, ceux-ci peuvent se trouver en nombre illimité dans un espace donné. Souvent, il nous a été dit, qu'à certaines séances ils étaient en quantités innombrables. Dans l'explication donnée à M. Bertrand à propos des communications collectives qu'il a obtenues, il est dit que le nombre des Esprits présents était si grand, que l'atmosphère était pour ainsi dire saturée de leurs fluides. Ceci n'est point nouveau pour les Spirites, mais on n'en a peut-être pas déduit toutes les conséquences.
On sait que les fluides émanant des Esprits sont plus ou moins salutaires selon le degré de leur épuration ; on connaît leur puissance curative en certains cas, et aussi leurs effets morbides d'individu à individu. Or, puisque l'air peut-être saturé de ces fluides, n'est-il pas évident que, suivant la nature des Esprits qui abondent en un lieu déterminé, l'air ambiant se trouve chargé d'éléments salutaires ou malsains, qui doivent exercer une influence sur la santé physique aussi bien que sur la santé morale ? Quand on songe à l'énergie de l'action qu'un Esprit peut exercer sur un homme, peut-on s'étonner de celle qui doit résulter d'une agglomération de centaines ou de milliers d'Esprits ? Cette action sera bonne ou mauvaise selon que les Esprits déverseront dans un milieu donné un fluide bienfaisant ou malfaisant, agissant à la manière des émanations fortifiantes ou des miasmes délétères qui se répandent dans l'air. Ainsi peuvent s'expliquer certains effets collectifs produits sur des masses d'individus, le sentiment de bien-être ou de malaise que l'on éprouve dans certains milieux, et qui n'ont aucune cause apparente connue, l'entraînement collectif vers le bien ou le mal, les élans généraux, l'enthousiasme ou le découragement, parfois l'espèce de vertige qui s'empare de toute une assemblée, de toute une ville, de tout un peuple même. Chaque individu, en raison du degré de sa sensibilité, subit l'influence de cette atmosphère viciée ou vivifiante. Par ce fait, qui paraît hors de doute, et que confirment à la fois la théorie et l'expérience, nous trouvons dans les rapports du monde spirituel avec le monde corporel, un nouveau principe d'hygiène que la science fera sans doute un jour entrer en ligne de compte.
Pouvons-nous donc nous soustraire à ces influences émanant d'une source inaccessible aux moyens matériels ? Sans aucun doute ; car de même que nous assainissons les lieux insalubres en détruisant la source des miasmes pestilentiels, nous pouvons assainir l'atmosphère morale qui nous environne, nous soustraire aux influences pernicieuses des fluides spirituels malsains, et cela plus facilement que nous ne pouvons échapper aux exhalaisons marécageuses, parce que cela dépend uniquement de notre volonté, et là ne sera pas un des moindres bienfaits du Spiritisme lorsqu'il sera universellement compris et surtout pratiqué.
Un principe parfaitement avéré pour tout Spirite, c'est que les qualités du fluide périsprital sont en raison directe des qualités de l'Esprit incarné ou désincarné ; plus ses sentiments sont élevés et dégagés des influences de la matière, plus son fluide est épuré. Selon les pensées qui dominent chez un incarné, il rayonne des fluides imprégnés de ces mêmes pensées qui les vicient ou les assainissent, fluides réellement matériels, quoique impalpables, invisibles pour les yeux du corps, mais perceptibles pour les sens périspritaux, et visibles pour les yeux de l'âme, puisqu'ils impressionnent physiquement et affectent des apparences très différentes pour ceux qui sont doués de la vue spirituelle.
Par le seul fait de la présence des incarnés dans une assemblée, les fluides ambiants seront donc salubres ou insalubres selon que les pensées dominantes seront bonnes ou mauvaises. Quiconque apporte avec soi des pensées de haine, d'envie, de jalousie, d'orgueil, d'égoïsme, d'animosité, de cupidité, de fausseté, d'hypocrisie, de médisance, de malveillance, en un mot des pensées puisées à la source des mauvaises passions, répand autour de soi des effluves fluidiques malsains, qui réagissent sur ceux qui l'entourent. Dans une assemblée, au contraire, où chacun n'apporterait que des sentiments de bonté, de charité, d'humilité, de dévouement désintéressé, de bienveillance et d'amour du prochain, l'air est imprégné d'émanations salubres au milieu desquelles on se sent vivre plus à l'aise.
Si l'on considère maintenant que les pensées attirent les pensées de même nature, que les fluides attirent les fluides similaires, on comprend que chaque individu amène avec soi un cortège d'Esprits sympathiques bons ou mauvais, et qu'ainsi l'air est saturé de fluides en rapport avec les pensées qui prédominent. Si les mauvaises pensées sont en minorité, elles n'empêchent pas les bonnes influences de se produire, mais elles les paralysent. Si elles dominent, elles affaiblissent le rayonnement fluidique des bons Esprits, ou même parfois, empêchent les bons fluides de pénétrer dans ce milieu, comme le brouillard affaiblit ou arrête les rayons du soleil.
Quel est donc le moyen de se soustraire à l'influence des mauvais fluides ? Ce moyen ressort de la cause même qui produit le mal. Que fait-on lorsqu'on a reconnu qu'un aliment est contraire à la santé ? On le rejette, et on le remplace par un aliment plus sain. Puisque ce sont les mauvaises pensées qui engendrent les mauvais fluides et les attirent, il faut s'efforcer de n'en avoir que de bonnes, repousser tout ce qui est mal, comme on repousse une nourriture qui peut nous rendre malades, en un mot travailler à son amélioration morale, et pour nous servir d'une comparaison de l'Évangile, « ne pas seulement nettoyer le vase au dehors, mais le nettoyer surtout au-dedans. »
L'humanité en s'améliorant, verra s'épurer l'atmosphère fluidique au milieu de laquelle elle vit, parce qu'elle ne lui enverra que de bons fluides, et que ces derniers opposeront une barrière à l'invasion des mauvais. Si un jour la terre arrive à n'être peuplée que d'hommes pratiquant entre eux les lois divines d'amour et de charité, nul doute qu'ils ne s'y trouvent dans des conditions d'hygiène physique et morale tout autres que celles qui existent aujourd'hui.
Ce temps est encore loin sans doute, mais en attendant, ces conditions peuvent exister partiellement, et c'est aux assemblées spirites qu'il appartient de donner l'exemple. Ceux qui auront possédé la lumière seront d'autant plus répréhensibles qu'ils auront eu entre les mains les moyens de s'éclairer ; ils encourront la responsabilité des retards que leur exemple et leur mauvais vouloir auront apportés dans l'amélioration générale.
Ceci est-il une utopie, une vaine déclamation ? Non ; c'est une déduction logique des faits mêmes que nous révèle chaque jour le Spiritisme. En effet, le Spiritisme nous prouve que l'élément spirituel, que l'on a jusqu'à présent considéré comme l'antithèse de l'élément matériel, a, avec ce dernier, une connexion intime, d'où résulte une multitude de phénomènes inobservés ou incompris. Lorsque la science se sera assimilé les éléments fournis par le Spiritisme, elle y puisera de nouvelles et importantes ressources pour l'amélioration même matérielle de l'humanité. Chaque jour nous voyons ainsi s'étendre le cercle des applications de la doctrine qui est loin, comme quelques-uns le croient encore, d'être restreinte au puéril phénomène des tables tournantes ou autres effets de pure curiosité. Le Spiritisme n'a réellement pris son essor, que du moment où il est entré dans la voie philosophique ; il est moins amusant pour certaines gens, qui n'y cherchaient qu'une distraction, mais il est mieux apprécié des gens sérieux, et le sera encore plus à mesure qu'il sera mieux compris dans ses conséquences.
Nous savons en outre que, dans une réunion, outre les assistants corporels, il y a toujours des auditeurs invisibles ; que la perméabilité étant une des propriétés de l'organisme des Esprits, ceux-ci peuvent se trouver en nombre illimité dans un espace donné. Souvent, il nous a été dit, qu'à certaines séances ils étaient en quantités innombrables. Dans l'explication donnée à M. Bertrand à propos des communications collectives qu'il a obtenues, il est dit que le nombre des Esprits présents était si grand, que l'atmosphère était pour ainsi dire saturée de leurs fluides. Ceci n'est point nouveau pour les Spirites, mais on n'en a peut-être pas déduit toutes les conséquences.
On sait que les fluides émanant des Esprits sont plus ou moins salutaires selon le degré de leur épuration ; on connaît leur puissance curative en certains cas, et aussi leurs effets morbides d'individu à individu. Or, puisque l'air peut-être saturé de ces fluides, n'est-il pas évident que, suivant la nature des Esprits qui abondent en un lieu déterminé, l'air ambiant se trouve chargé d'éléments salutaires ou malsains, qui doivent exercer une influence sur la santé physique aussi bien que sur la santé morale ? Quand on songe à l'énergie de l'action qu'un Esprit peut exercer sur un homme, peut-on s'étonner de celle qui doit résulter d'une agglomération de centaines ou de milliers d'Esprits ? Cette action sera bonne ou mauvaise selon que les Esprits déverseront dans un milieu donné un fluide bienfaisant ou malfaisant, agissant à la manière des émanations fortifiantes ou des miasmes délétères qui se répandent dans l'air. Ainsi peuvent s'expliquer certains effets collectifs produits sur des masses d'individus, le sentiment de bien-être ou de malaise que l'on éprouve dans certains milieux, et qui n'ont aucune cause apparente connue, l'entraînement collectif vers le bien ou le mal, les élans généraux, l'enthousiasme ou le découragement, parfois l'espèce de vertige qui s'empare de toute une assemblée, de toute une ville, de tout un peuple même. Chaque individu, en raison du degré de sa sensibilité, subit l'influence de cette atmosphère viciée ou vivifiante. Par ce fait, qui paraît hors de doute, et que confirment à la fois la théorie et l'expérience, nous trouvons dans les rapports du monde spirituel avec le monde corporel, un nouveau principe d'hygiène que la science fera sans doute un jour entrer en ligne de compte.
Pouvons-nous donc nous soustraire à ces influences émanant d'une source inaccessible aux moyens matériels ? Sans aucun doute ; car de même que nous assainissons les lieux insalubres en détruisant la source des miasmes pestilentiels, nous pouvons assainir l'atmosphère morale qui nous environne, nous soustraire aux influences pernicieuses des fluides spirituels malsains, et cela plus facilement que nous ne pouvons échapper aux exhalaisons marécageuses, parce que cela dépend uniquement de notre volonté, et là ne sera pas un des moindres bienfaits du Spiritisme lorsqu'il sera universellement compris et surtout pratiqué.
Un principe parfaitement avéré pour tout Spirite, c'est que les qualités du fluide périsprital sont en raison directe des qualités de l'Esprit incarné ou désincarné ; plus ses sentiments sont élevés et dégagés des influences de la matière, plus son fluide est épuré. Selon les pensées qui dominent chez un incarné, il rayonne des fluides imprégnés de ces mêmes pensées qui les vicient ou les assainissent, fluides réellement matériels, quoique impalpables, invisibles pour les yeux du corps, mais perceptibles pour les sens périspritaux, et visibles pour les yeux de l'âme, puisqu'ils impressionnent physiquement et affectent des apparences très différentes pour ceux qui sont doués de la vue spirituelle.
Par le seul fait de la présence des incarnés dans une assemblée, les fluides ambiants seront donc salubres ou insalubres selon que les pensées dominantes seront bonnes ou mauvaises. Quiconque apporte avec soi des pensées de haine, d'envie, de jalousie, d'orgueil, d'égoïsme, d'animosité, de cupidité, de fausseté, d'hypocrisie, de médisance, de malveillance, en un mot des pensées puisées à la source des mauvaises passions, répand autour de soi des effluves fluidiques malsains, qui réagissent sur ceux qui l'entourent. Dans une assemblée, au contraire, où chacun n'apporterait que des sentiments de bonté, de charité, d'humilité, de dévouement désintéressé, de bienveillance et d'amour du prochain, l'air est imprégné d'émanations salubres au milieu desquelles on se sent vivre plus à l'aise.
Si l'on considère maintenant que les pensées attirent les pensées de même nature, que les fluides attirent les fluides similaires, on comprend que chaque individu amène avec soi un cortège d'Esprits sympathiques bons ou mauvais, et qu'ainsi l'air est saturé de fluides en rapport avec les pensées qui prédominent. Si les mauvaises pensées sont en minorité, elles n'empêchent pas les bonnes influences de se produire, mais elles les paralysent. Si elles dominent, elles affaiblissent le rayonnement fluidique des bons Esprits, ou même parfois, empêchent les bons fluides de pénétrer dans ce milieu, comme le brouillard affaiblit ou arrête les rayons du soleil.
Quel est donc le moyen de se soustraire à l'influence des mauvais fluides ? Ce moyen ressort de la cause même qui produit le mal. Que fait-on lorsqu'on a reconnu qu'un aliment est contraire à la santé ? On le rejette, et on le remplace par un aliment plus sain. Puisque ce sont les mauvaises pensées qui engendrent les mauvais fluides et les attirent, il faut s'efforcer de n'en avoir que de bonnes, repousser tout ce qui est mal, comme on repousse une nourriture qui peut nous rendre malades, en un mot travailler à son amélioration morale, et pour nous servir d'une comparaison de l'Évangile, « ne pas seulement nettoyer le vase au dehors, mais le nettoyer surtout au-dedans. »
L'humanité en s'améliorant, verra s'épurer l'atmosphère fluidique au milieu de laquelle elle vit, parce qu'elle ne lui enverra que de bons fluides, et que ces derniers opposeront une barrière à l'invasion des mauvais. Si un jour la terre arrive à n'être peuplée que d'hommes pratiquant entre eux les lois divines d'amour et de charité, nul doute qu'ils ne s'y trouvent dans des conditions d'hygiène physique et morale tout autres que celles qui existent aujourd'hui.
Ce temps est encore loin sans doute, mais en attendant, ces conditions peuvent exister partiellement, et c'est aux assemblées spirites qu'il appartient de donner l'exemple. Ceux qui auront possédé la lumière seront d'autant plus répréhensibles qu'ils auront eu entre les mains les moyens de s'éclairer ; ils encourront la responsabilité des retards que leur exemple et leur mauvais vouloir auront apportés dans l'amélioration générale.
Ceci est-il une utopie, une vaine déclamation ? Non ; c'est une déduction logique des faits mêmes que nous révèle chaque jour le Spiritisme. En effet, le Spiritisme nous prouve que l'élément spirituel, que l'on a jusqu'à présent considéré comme l'antithèse de l'élément matériel, a, avec ce dernier, une connexion intime, d'où résulte une multitude de phénomènes inobservés ou incompris. Lorsque la science se sera assimilé les éléments fournis par le Spiritisme, elle y puisera de nouvelles et importantes ressources pour l'amélioration même matérielle de l'humanité. Chaque jour nous voyons ainsi s'étendre le cercle des applications de la doctrine qui est loin, comme quelques-uns le croient encore, d'être restreinte au puéril phénomène des tables tournantes ou autres effets de pure curiosité. Le Spiritisme n'a réellement pris son essor, que du moment où il est entré dans la voie philosophique ; il est moins amusant pour certaines gens, qui n'y cherchaient qu'une distraction, mais il est mieux apprécié des gens sérieux, et le sera encore plus à mesure qu'il sera mieux compris dans ses conséquences.
De l'emploi du mot miracle
Le journal la Vérité, de Lyon, du 16 septembre 1866, dans un article intitulé, Renan et son école, contenait les réflexions suivantes à propos du mot miracle :
« Renan et son école ne prennent pas même la peine de discuter les faits, ils les rejettent tous à priori, les qualifiant à tort de surnaturels, et partant impossibles et absurdes ; ils leur opposent une fin de non-recevoir absolue, et un dédain transcendant. Renan a dit là-dessus, une parole éminemment vraie et profonde : « Le surnaturel ne serait autre chose que le surdivin. » Nous adhérons de toute notre énergie à cette grande vérité, mais nous faisons observer que le mot même de miracle (mirum, chose étonnante et jusqu'alors inexpliquée) ne veut pas dire, tant s'en faut, interversion des lois de la nature, mais bien plutôt flexibilité de ces mêmes lois encore inconnues de l'esprit humain. Nous disons même qu'il y aura toujours des miracles, car l'ascension de l'humanité vers la connaissance de plus en plus parfaite étant toujours progressive, cette connaissance aura besoin constamment d'être devancée et aiguillonnée par des faits qui paraîtront merveilleux à l'époque où ils se produiront et ne seront compris et expliqués que plus tard. Un écrivain très accrédité de notre école s'est laissé prendre à cette objection ; (Allan Kardec) il répète dans maints passages de ses œuvres qu'il n'y a ni merveilleux, ni miracles ; c'est une inadvertance résultant du faux sens de surnaturel repoussé complètement par l'étymologie du mot. Nous disons, nous, que si le mot miracle n'existait pas, pour qualifier des phénomènes encore à l'étude et sortant de la science vulgaire, il faudrait l'inventer comme le plus approprié et le plus logique.
« Rien n'est surnaturel, nous le répétons, car en dehors de la nature créée et de la nature incréée, il n'y a rien absolument de concevable ; mais il y a du surhumain, c'est-à-dire des phénomènes qui peuvent être produits par des êtres intelligents autres que les hommes, selon les lois de leur nature, ou bien produits, soit médiatement, soit immédiatement par Dieu, selon sa nature encore et d'après ses rapports naturels avec ses créatures.
Philalethès.
Nous n'en sommes pas, Dieu merci, à ignorer le sens étymologique du mot miracle ; nous l'avons prouvé dans maints articles, et notamment dans celui de la Revue du mois de septembre 1860, page 267. Ce n'est donc ni par méprise ni par inadvertance que nous en repoussons l'application aux phénomènes Spirites, quelque extraordinaires qu'ils puisent paraître au premier abord, mais bien en parfaite connaissance de cause et avec intention.
Dans son acception usuelle le mot miracle a perdu sa signification primitive comme tant d'autres, à commencer par le mot philosophie (amour de la sagesse), dont on se sert aujourd'hui pour exprimer les idées les plus diamétralement opposées, depuis le plus pur spiritualisme, jusqu'au matérialisme le plus absolu. Il n'est douteux pour personne que, dans la pensée des masses, miracle implique l'idée d'un fait extranaturel. Demandez à tous ceux qui croient aux miracles s'ils les regardent comme des effets naturels. L'Église est tellement fixée sur ce point qu'elle anathématise ceux qui prétendent expliquer les miracles par les lois de la nature. L'Académie elle-même définit ce mot : Acte de la puissance divine, contraire aux lois connues de la nature. – Vrai, faux miracle. – Miracle avéré. – Opérer des miracles. – Le don des miracles.
Pour être compris de tous, il faut parler comme tout le monde ; or, il est évident que si nous eussions qualifié les phénomènes Spirites de miraculeux, le public se serait mépris sur leur véritable caractère, à moins d'employer chaque fois une circonlocution et de dire que ce sont des miracles qui ne sont pas des miracles comme on l'entend généralement. Puisque la généralité y attache l'idée d'une dérogation aux lois naturelles, et que les phénomènes Spirites ne sont que l'application de ces mêmes lois, il est bien plus simple et surtout plus logique de dire carrément : Non, le Spiritisme ne fait pas de miracles. De cette manière, il n'y a ni méprise, ni fausse interprétation. De même que le progrès des sciences physiques a détruit une foule de préjugés, et fait rentrer dans l'ordre des faits naturels un grand nombre d'effets considérés jadis comme miraculeux, le Spiritisme, par la révélation de nouvelles lois, vient restreindre encore le domaine du merveilleux ; nous disons plus : il lui porte le dernier coup, c'est pourquoi il n'est pas partout en odeur de sainteté, pas plus que l'astronomie et la géologie.
Si ceux qui croient aux miracles entendaient ce mot dans son acception étymologique (chose admirable), ils admireraient le Spiritisme au lieu de lui jeter l'anathème ; au lieu de mettre Galilée en prison pour avoir démontré que Josué n'a pu arrêter le soleil, ils lui auraient tressé des couronnes pour avoir révélé au monde des choses bien autrement admirables, et qui attestent infiniment mieux la grandeur et la puissance de Dieu.
Par les mêmes motifs, nous repoussons le mot surnaturel du vocabulaire spirite. Miracle aurait encore sa raison d'être dans son étymologie, sauf à en déterminer l'acception ; surnaturel est un non-sens au point de vue du Spiritisme.
Le mot surhumain que propose Philatéthès est également impropre, à notre avis, car les êtres qui sont les agents primitifs des phénomènes Spirites, bien qu'à l'état d'Esprits, n'en appartiennent pas moins à l'humanité. Le mot surhumain tendrait à sanctionner l'opinion longtemps accréditée, et détruite par le Spiritisme, que les Esprits sont des créatures à part, en dehors de l'humanité. Une autre raison péremptoire c'est que beaucoup de ces phénomènes sont le produit direct des Esprits incarnés, par conséquent des hommes, et dans tous les cas, requièrent presque toujours le concours d'un incarné ; donc, ils ne sont pas plus surhumains que surnaturels.
Un mot qui s'est aussi complètement écarté de sa signification primitive est celui de démon. On sait que daïmôn se disait, chez les Anciens, des Esprits d'un certain ordre, intermédiaires entre les hommes et ceux que l'on appelait dieux. Cette désignation n'impliquait dans l'origine, aucune mauvaise qualité ; elle était au contraire prise en bonne part ; le démon de Socrate n'était certainement pas un mauvais Esprit ; tandis que selon l'opinion moderne, issue de la théologie catholique, les démons sont des anges déchus, des êtres à part, essentiellement et perpétuellement voués au mal.
Pour être conséquent avec l'opinion de Philatéthès, il faudrait que, par respect pour l'étymologie, le Spiritisme conservât aussi la qualification de démons. Le Spiritisme appelant ses phénomènes des miracles, et les Esprits des démons, ses adversaires auraient eu beau jeu ! Il aurait été repoussé par les trois quarts de ceux qui l'acceptent aujourd'hui, parce qu'ils y auraient vu un retour à des croyances qui ne sont plus de notre temps. Habiller le Spiritisme avec des vêtements usés, eût été une maladresse ; c'eût été porter un coup funeste à la doctrine qui aurait eu de la peine à dissiper les préventions que des appellations impropres auraient entretenues.
« Renan et son école ne prennent pas même la peine de discuter les faits, ils les rejettent tous à priori, les qualifiant à tort de surnaturels, et partant impossibles et absurdes ; ils leur opposent une fin de non-recevoir absolue, et un dédain transcendant. Renan a dit là-dessus, une parole éminemment vraie et profonde : « Le surnaturel ne serait autre chose que le surdivin. » Nous adhérons de toute notre énergie à cette grande vérité, mais nous faisons observer que le mot même de miracle (mirum, chose étonnante et jusqu'alors inexpliquée) ne veut pas dire, tant s'en faut, interversion des lois de la nature, mais bien plutôt flexibilité de ces mêmes lois encore inconnues de l'esprit humain. Nous disons même qu'il y aura toujours des miracles, car l'ascension de l'humanité vers la connaissance de plus en plus parfaite étant toujours progressive, cette connaissance aura besoin constamment d'être devancée et aiguillonnée par des faits qui paraîtront merveilleux à l'époque où ils se produiront et ne seront compris et expliqués que plus tard. Un écrivain très accrédité de notre école s'est laissé prendre à cette objection ; (Allan Kardec) il répète dans maints passages de ses œuvres qu'il n'y a ni merveilleux, ni miracles ; c'est une inadvertance résultant du faux sens de surnaturel repoussé complètement par l'étymologie du mot. Nous disons, nous, que si le mot miracle n'existait pas, pour qualifier des phénomènes encore à l'étude et sortant de la science vulgaire, il faudrait l'inventer comme le plus approprié et le plus logique.
« Rien n'est surnaturel, nous le répétons, car en dehors de la nature créée et de la nature incréée, il n'y a rien absolument de concevable ; mais il y a du surhumain, c'est-à-dire des phénomènes qui peuvent être produits par des êtres intelligents autres que les hommes, selon les lois de leur nature, ou bien produits, soit médiatement, soit immédiatement par Dieu, selon sa nature encore et d'après ses rapports naturels avec ses créatures.
Philalethès.
Nous n'en sommes pas, Dieu merci, à ignorer le sens étymologique du mot miracle ; nous l'avons prouvé dans maints articles, et notamment dans celui de la Revue du mois de septembre 1860, page 267. Ce n'est donc ni par méprise ni par inadvertance que nous en repoussons l'application aux phénomènes Spirites, quelque extraordinaires qu'ils puisent paraître au premier abord, mais bien en parfaite connaissance de cause et avec intention.
Dans son acception usuelle le mot miracle a perdu sa signification primitive comme tant d'autres, à commencer par le mot philosophie (amour de la sagesse), dont on se sert aujourd'hui pour exprimer les idées les plus diamétralement opposées, depuis le plus pur spiritualisme, jusqu'au matérialisme le plus absolu. Il n'est douteux pour personne que, dans la pensée des masses, miracle implique l'idée d'un fait extranaturel. Demandez à tous ceux qui croient aux miracles s'ils les regardent comme des effets naturels. L'Église est tellement fixée sur ce point qu'elle anathématise ceux qui prétendent expliquer les miracles par les lois de la nature. L'Académie elle-même définit ce mot : Acte de la puissance divine, contraire aux lois connues de la nature. – Vrai, faux miracle. – Miracle avéré. – Opérer des miracles. – Le don des miracles.
Pour être compris de tous, il faut parler comme tout le monde ; or, il est évident que si nous eussions qualifié les phénomènes Spirites de miraculeux, le public se serait mépris sur leur véritable caractère, à moins d'employer chaque fois une circonlocution et de dire que ce sont des miracles qui ne sont pas des miracles comme on l'entend généralement. Puisque la généralité y attache l'idée d'une dérogation aux lois naturelles, et que les phénomènes Spirites ne sont que l'application de ces mêmes lois, il est bien plus simple et surtout plus logique de dire carrément : Non, le Spiritisme ne fait pas de miracles. De cette manière, il n'y a ni méprise, ni fausse interprétation. De même que le progrès des sciences physiques a détruit une foule de préjugés, et fait rentrer dans l'ordre des faits naturels un grand nombre d'effets considérés jadis comme miraculeux, le Spiritisme, par la révélation de nouvelles lois, vient restreindre encore le domaine du merveilleux ; nous disons plus : il lui porte le dernier coup, c'est pourquoi il n'est pas partout en odeur de sainteté, pas plus que l'astronomie et la géologie.
Si ceux qui croient aux miracles entendaient ce mot dans son acception étymologique (chose admirable), ils admireraient le Spiritisme au lieu de lui jeter l'anathème ; au lieu de mettre Galilée en prison pour avoir démontré que Josué n'a pu arrêter le soleil, ils lui auraient tressé des couronnes pour avoir révélé au monde des choses bien autrement admirables, et qui attestent infiniment mieux la grandeur et la puissance de Dieu.
Par les mêmes motifs, nous repoussons le mot surnaturel du vocabulaire spirite. Miracle aurait encore sa raison d'être dans son étymologie, sauf à en déterminer l'acception ; surnaturel est un non-sens au point de vue du Spiritisme.
Le mot surhumain que propose Philatéthès est également impropre, à notre avis, car les êtres qui sont les agents primitifs des phénomènes Spirites, bien qu'à l'état d'Esprits, n'en appartiennent pas moins à l'humanité. Le mot surhumain tendrait à sanctionner l'opinion longtemps accréditée, et détruite par le Spiritisme, que les Esprits sont des créatures à part, en dehors de l'humanité. Une autre raison péremptoire c'est que beaucoup de ces phénomènes sont le produit direct des Esprits incarnés, par conséquent des hommes, et dans tous les cas, requièrent presque toujours le concours d'un incarné ; donc, ils ne sont pas plus surhumains que surnaturels.
Un mot qui s'est aussi complètement écarté de sa signification primitive est celui de démon. On sait que daïmôn se disait, chez les Anciens, des Esprits d'un certain ordre, intermédiaires entre les hommes et ceux que l'on appelait dieux. Cette désignation n'impliquait dans l'origine, aucune mauvaise qualité ; elle était au contraire prise en bonne part ; le démon de Socrate n'était certainement pas un mauvais Esprit ; tandis que selon l'opinion moderne, issue de la théologie catholique, les démons sont des anges déchus, des êtres à part, essentiellement et perpétuellement voués au mal.
Pour être conséquent avec l'opinion de Philatéthès, il faudrait que, par respect pour l'étymologie, le Spiritisme conservât aussi la qualification de démons. Le Spiritisme appelant ses phénomènes des miracles, et les Esprits des démons, ses adversaires auraient eu beau jeu ! Il aurait été repoussé par les trois quarts de ceux qui l'acceptent aujourd'hui, parce qu'ils y auraient vu un retour à des croyances qui ne sont plus de notre temps. Habiller le Spiritisme avec des vêtements usés, eût été une maladresse ; c'eût été porter un coup funeste à la doctrine qui aurait eu de la peine à dissiper les préventions que des appellations impropres auraient entretenues.
Revue rétrospective des idées spirites
Punition de l'athée
«Voyage pittoresque et sentimental au Champ du repos sous Montmartre et au Père-Lachaise ; par Ans. Caillot, auteur de l'encyclopédie des jeunes demoiselles, et des nouvelles leçons élémentaires de l'histoire de France.» Tel est le titre d'un livre publié à Paris en 1808 et qui doit être très rare aujourd'hui. L'auteur, après avoir donné l'histoire et la description de ces deux cimetières, cite un grand nombre d'inscriptions tombales sur chacune desquelles il fait des réflexions philosophiques, empreintes d'un profond sentiment religieux, provoquées par la pensée qui les a dictées. Nous y avons d'abord remarqué le passage suivant où se trouve nettement exprimée l'idée de la réincarnation :
«Quel sage et quel homme profondément religieux nomma le premier Champ de repos, le dernier asile de cet être dont l'existence, jusqu'à son dernier soupir, est tourmentée par les êtres qui l'environnent et par lui-même ! Ici tous reposent dans le sein de la mère commune, et dans un sommeil qui n'est que l'avant-coureur du réveil, c'est-à-dire d'une nouvelle existence. Ces débris vénérables, la terre les conserve comme un dépôt sacré ; et, si elle se hâte de les dissoudre, c'est pour en épurer les éléments, et les rendre plus dignes de l'intelligence qui les ranimera un jour pour de nouvelles destinées.»
«Voyage pittoresque et sentimental au Champ du repos sous Montmartre et au Père-Lachaise ; par Ans. Caillot, auteur de l'encyclopédie des jeunes demoiselles, et des nouvelles leçons élémentaires de l'histoire de France.» Tel est le titre d'un livre publié à Paris en 1808 et qui doit être très rare aujourd'hui. L'auteur, après avoir donné l'histoire et la description de ces deux cimetières, cite un grand nombre d'inscriptions tombales sur chacune desquelles il fait des réflexions philosophiques, empreintes d'un profond sentiment religieux, provoquées par la pensée qui les a dictées. Nous y avons d'abord remarqué le passage suivant où se trouve nettement exprimée l'idée de la réincarnation :
«Quel sage et quel homme profondément religieux nomma le premier Champ de repos, le dernier asile de cet être dont l'existence, jusqu'à son dernier soupir, est tourmentée par les êtres qui l'environnent et par lui-même ! Ici tous reposent dans le sein de la mère commune, et dans un sommeil qui n'est que l'avant-coureur du réveil, c'est-à-dire d'une nouvelle existence. Ces débris vénérables, la terre les conserve comme un dépôt sacré ; et, si elle se hâte de les dissoudre, c'est pour en épurer les éléments, et les rendre plus dignes de l'intelligence qui les ranimera un jour pour de nouvelles destinées.»
Plus loin, il dit :
«Oh ! combien l'aveugle et audacieux mortel qui osa te chasser de son esprit et de son cœur (l'athée qui renie Dieu), fut étonné quand son âme comparut devant la Majesté infinie ! Comment ne vit-on pas sa dépouille s'agiter et frémir de surprise et de terreur ? Comment sa langue glacée ne se ranima-t-elle pas pour exprimer l'épouvante dont elle était frappée quand la chair ne se trouva plus entre elle et tes divins regards ! Grand Dieu ! cause universelle, âme de la nature ! tous les êtres te reconnaissent et te célèbrent comme leur unique auteur : l'homme seul détournerait-il de toi l'esprit intelligent et raisonnable que tu lui donnas pour te glorifier ? Ah ! sans doute, et j'aime à le croire, il n'y eut pas un seul des quarante mille mortels dont les corps gisent ici dans la poussière, qui n'eût la conviction de ton existence et le sentiment de tes adorables perfections.»
«Comme j'achevais de prononcer avec émotion ces dernières paroles, un bruit se fit entendre à mon côté. Je jetai les yeux vers l'endroit d'où il venait, et j'aperçus, chose admirable et inouïe ! un spectre qui, enveloppé de son linceul, était sorti d'un tombeau, et s'avançait gravement vers moi pour me parler. Cette apparition ne fut-elle qu'un jeu de mon imagination ? C'est ce qu'il m'est impossible d'assurer ; mais le dialogue suivant, que j'ai bien retenu, me fait croire que je n'étais pas le seul interlocuteur pour deux rôles à la fois.»
Ici nous ferons une petite observation critique, d'abord sur la qualification de spectre donnée par l'auteur à l'apparition, réelle ou supposée ; ce mot rappelle trop les idées lugubres que la superstition attache au phénomène des apparitions, aujourd'hui parfaitement expliqué d'après la connaissance que l'on a de la constitution des êtres spirituels. En second lieu, sur ce qu'il fait sortir cette apparition du tombeau, comme si l'âme en faisait son habitation. Mais ceci n'est qu'un détail de forme qui tient à des préjugés longtemps enracinés ; l'essentiel est dans le tableau qu'il présente de la situation morale de cette âme, situation identique à celle que nous révèlent aujourd'hui les communications avec les Esprits.
L'auteur rapporte ainsi qu'il suit le dialogue qu'il eut avec l'être qui lui était apparu.
«Quand le spectre se fut approché de moi, il me fit entendre ces paroles d'une voix telle qu'il m'est impossible d'en spécifier le son, n'en ayant jamais entendu une pareille parmi les hommes:
Le Spectre. Tu fais bien d'adorer Dieu ; garde-toi de jamais m'imiter, car je fus un athée.
Moi. Tu ne croyais donc pas qu'il existait un Dieu?
Le Spectre. Non ; ou plutôt, je fis semblant de ne pas le croire.
Moi. Quelles raisons avais-tu pour ne pas croire que l'univers a été produit et qu'il est gouverné par une suprême intelligence ?
Le Spectre. Aucune. J'avais beau en chercher, je n'en trouvais point de solides, et j'étais réduit à ne répéter que de vains sophismes que j'avais lus dans les ouvrages de quelques prétendus philosophes.
Moi. Si tu n'avais point de bonnes raisons pour être athée, tu avais donc des motifs pour le paraître ?
Le Spectre. Sans doute. Voyant tous mes semblables pénétrés de l'idée d'un Dieu et du sentiment de son existence, l'orgueil qui m'aveuglait me porta à me distinguer de la multitude, en soutenant à quiconque voulait m'entendre que Dieu n'existait pas, et que l'univers était l'ouvrage du hasard, ou même qu'il avait toujours existé. Je regardais comme une gloire de penser sur ce grand sujet autrement que tous les humains, et je ne trouvais rien de plus flatteur que d'être considéré dans le monde comme un Esprit assez fort pour s'élever contre la croyance commune de tous les hommes et de tous les siècles.
Moi. N'avais-tu pas un autre motif que l'orgueil, pour embrasser l'athéisme?
Le Spectre. Oui.
Moi. Quel était ce motif ! Dis la vérité.
Le Spectre. La vérité ! !… Sans doute, je la dirai ; car il m'est impossible dans l'ordre de choses où j'existe de la combattre ou de la dissimuler.
Comme tous mes semblables je naquis avec le sentiment de l'existence d'un Dieu, auteur et principe de tous les êtres. Ce sentiment, qui n'était d'abord qu'un germe où mon esprit ne découvrait rien, se développa peu à peu ; et quand j'eus atteint l'âge de la raison, et acquis la faculté de réfléchir, je n'eus aucun effort à faire pour m'y livrer. Combien les leçons de mes parents et de mes maîtres me plaisaient, quand Dieu et ses perfections infinies en étaient le sujet ! Comme le spectacle de la nature m'enchantait et quelle douce satisfaction j'éprouvais quand on me parlait de ce grand Dieu qui a tout créé par sa puissance, soutient, gouverne et conserve tout par sa sagesse!
Cependant, je parvins à l'adolescence, et les passions commencèrent à me faire entendre leur voix séductrice. Je formais des liaisons avec des jeunes gens de mon âge ; je suivis leurs funestes conseils et je me conformai à leurs dangereux exemples. Entré dans le monde avec ces coupables dispositions, je ne pensai plus qu'à leur faire le sacrifice de tous les principes de vertu et de sagesse que l'on m'avait d'abord inspirés. Ces principes, chaque jour attaqués par mes passions, se réfugièrent dans le fond de ma conscience et s'y changèrent en remords. Ces remords ne me laissant aucun repos, je résolus d'anéantir, autant qu'il était en moi, la cause qui les avait fait naître. Je trouvai que cette cause n'était autre que l'idée d'un Dieu rémunérateur de la vertu et vengeur du crime ; et je l'attaquai avec tous les sophismes que mon Esprit put inventer ou découvrir dans les ouvrages destinés à étendre la doctrine de l'athéisme.
Moi. Devins-tu plus tranquille quand tu eus entassé sophismes sur sophismes contre l'existence de Dieu?
Le Spectre. J'avais beau faire, le repos me fuyait sans cesse ; j'étais convaincu malgré moi, et quoique ma bouche ne prononçât pas une parole qui ne fût un blasphème, je n'avais pas un sentiment qui ne combattît contre moi, en faveur de Dieu.
Moi. Que se passa-t-il en toi pendant la maladie dont tu mourus?
Le Spectre. Je voulus soutenir jusqu'à la fin le caractère d'esprit fort ; et l'orgueil m'empêchait de faire l'aveu de mon erreur, quoique j'en sentisse intérieurement la pressante nécessité. Ce fut dans cette criminelle et fausse disposition que je cessai d'exister.
Moi. Que t'arriva-t-il quand tes yeux se furent pour toujours fermés à la lumière?
Le Spectre. Je me trouvai tout investi de la majesté de Dieu, et je fus saisi d'une terreur si profonde que je n'ai aucun terme qui puisse t'en donner une juste idée. Je m'attendais bien a être rigoureusement puni ; mais, le souverain juge dont la miséricorde adoucit la justice, me relégua dans une ténébreuse région habitée par les Esprits qui eurent des mains innocentes et un cerveau malade.
Moi. Quel est le sort des athées qui commirent des crimes envers la société de leurs semblables?
«Comme j'achevais de prononcer avec émotion ces dernières paroles, un bruit se fit entendre à mon côté. Je jetai les yeux vers l'endroit d'où il venait, et j'aperçus, chose admirable et inouïe ! un spectre qui, enveloppé de son linceul, était sorti d'un tombeau, et s'avançait gravement vers moi pour me parler. Cette apparition ne fut-elle qu'un jeu de mon imagination ? C'est ce qu'il m'est impossible d'assurer ; mais le dialogue suivant, que j'ai bien retenu, me fait croire que je n'étais pas le seul interlocuteur pour deux rôles à la fois.»
Ici nous ferons une petite observation critique, d'abord sur la qualification de spectre donnée par l'auteur à l'apparition, réelle ou supposée ; ce mot rappelle trop les idées lugubres que la superstition attache au phénomène des apparitions, aujourd'hui parfaitement expliqué d'après la connaissance que l'on a de la constitution des êtres spirituels. En second lieu, sur ce qu'il fait sortir cette apparition du tombeau, comme si l'âme en faisait son habitation. Mais ceci n'est qu'un détail de forme qui tient à des préjugés longtemps enracinés ; l'essentiel est dans le tableau qu'il présente de la situation morale de cette âme, situation identique à celle que nous révèlent aujourd'hui les communications avec les Esprits.
L'auteur rapporte ainsi qu'il suit le dialogue qu'il eut avec l'être qui lui était apparu.
«Quand le spectre se fut approché de moi, il me fit entendre ces paroles d'une voix telle qu'il m'est impossible d'en spécifier le son, n'en ayant jamais entendu une pareille parmi les hommes:
Le Spectre. Tu fais bien d'adorer Dieu ; garde-toi de jamais m'imiter, car je fus un athée.
Moi. Tu ne croyais donc pas qu'il existait un Dieu?
Le Spectre. Non ; ou plutôt, je fis semblant de ne pas le croire.
Moi. Quelles raisons avais-tu pour ne pas croire que l'univers a été produit et qu'il est gouverné par une suprême intelligence ?
Le Spectre. Aucune. J'avais beau en chercher, je n'en trouvais point de solides, et j'étais réduit à ne répéter que de vains sophismes que j'avais lus dans les ouvrages de quelques prétendus philosophes.
Moi. Si tu n'avais point de bonnes raisons pour être athée, tu avais donc des motifs pour le paraître ?
Le Spectre. Sans doute. Voyant tous mes semblables pénétrés de l'idée d'un Dieu et du sentiment de son existence, l'orgueil qui m'aveuglait me porta à me distinguer de la multitude, en soutenant à quiconque voulait m'entendre que Dieu n'existait pas, et que l'univers était l'ouvrage du hasard, ou même qu'il avait toujours existé. Je regardais comme une gloire de penser sur ce grand sujet autrement que tous les humains, et je ne trouvais rien de plus flatteur que d'être considéré dans le monde comme un Esprit assez fort pour s'élever contre la croyance commune de tous les hommes et de tous les siècles.
Moi. N'avais-tu pas un autre motif que l'orgueil, pour embrasser l'athéisme?
Le Spectre. Oui.
Moi. Quel était ce motif ! Dis la vérité.
Le Spectre. La vérité ! !… Sans doute, je la dirai ; car il m'est impossible dans l'ordre de choses où j'existe de la combattre ou de la dissimuler.
Comme tous mes semblables je naquis avec le sentiment de l'existence d'un Dieu, auteur et principe de tous les êtres. Ce sentiment, qui n'était d'abord qu'un germe où mon esprit ne découvrait rien, se développa peu à peu ; et quand j'eus atteint l'âge de la raison, et acquis la faculté de réfléchir, je n'eus aucun effort à faire pour m'y livrer. Combien les leçons de mes parents et de mes maîtres me plaisaient, quand Dieu et ses perfections infinies en étaient le sujet ! Comme le spectacle de la nature m'enchantait et quelle douce satisfaction j'éprouvais quand on me parlait de ce grand Dieu qui a tout créé par sa puissance, soutient, gouverne et conserve tout par sa sagesse!
Cependant, je parvins à l'adolescence, et les passions commencèrent à me faire entendre leur voix séductrice. Je formais des liaisons avec des jeunes gens de mon âge ; je suivis leurs funestes conseils et je me conformai à leurs dangereux exemples. Entré dans le monde avec ces coupables dispositions, je ne pensai plus qu'à leur faire le sacrifice de tous les principes de vertu et de sagesse que l'on m'avait d'abord inspirés. Ces principes, chaque jour attaqués par mes passions, se réfugièrent dans le fond de ma conscience et s'y changèrent en remords. Ces remords ne me laissant aucun repos, je résolus d'anéantir, autant qu'il était en moi, la cause qui les avait fait naître. Je trouvai que cette cause n'était autre que l'idée d'un Dieu rémunérateur de la vertu et vengeur du crime ; et je l'attaquai avec tous les sophismes que mon Esprit put inventer ou découvrir dans les ouvrages destinés à étendre la doctrine de l'athéisme.
Moi. Devins-tu plus tranquille quand tu eus entassé sophismes sur sophismes contre l'existence de Dieu?
Le Spectre. J'avais beau faire, le repos me fuyait sans cesse ; j'étais convaincu malgré moi, et quoique ma bouche ne prononçât pas une parole qui ne fût un blasphème, je n'avais pas un sentiment qui ne combattît contre moi, en faveur de Dieu.
Moi. Que se passa-t-il en toi pendant la maladie dont tu mourus?
Le Spectre. Je voulus soutenir jusqu'à la fin le caractère d'esprit fort ; et l'orgueil m'empêchait de faire l'aveu de mon erreur, quoique j'en sentisse intérieurement la pressante nécessité. Ce fut dans cette criminelle et fausse disposition que je cessai d'exister.
Moi. Que t'arriva-t-il quand tes yeux se furent pour toujours fermés à la lumière?
Le Spectre. Je me trouvai tout investi de la majesté de Dieu, et je fus saisi d'une terreur si profonde que je n'ai aucun terme qui puisse t'en donner une juste idée. Je m'attendais bien a être rigoureusement puni ; mais, le souverain juge dont la miséricorde adoucit la justice, me relégua dans une ténébreuse région habitée par les Esprits qui eurent des mains innocentes et un cerveau malade.
Moi. Quel est le sort des athées qui commirent des crimes envers la société de leurs semblables?
Le Spectre. L'Être des êtres les punit pour avoir été méchants et non pour s'être trompés ; car il méprise les opinions et ne récompense ou ne punit que les actions.
Moi. Tu n'es donc pas puni dans le séjour ténébreux où tu es exilé?
Le Spectre. J'y subis une peine plus cruelle que tu ne peux l'imaginer. Dieu, après m'avoir condamné, s'éloigna de moi ; et aussitôt, je perdis toute idée de son existence, et le néant se présenta devant moi dans toute son horreur.
Moi. Quoi ! tu perdis entièrement l'idée de l'existence de Dieu?
Le Spectre. Oui. C'est le plus grand supplice qu'un Esprit immortel puisse endurer, et rien ne peut faire concevoir l'état d'abandon, de douleur et de désordre dans lequel il se trouve.
Moi. Quelle est donc ton occupation avec les Esprits livrés au même supplice?
Le Spectre. Nous nous disputons sans cesse sans pouvoir nous entendre ; la déraison et la folie président à tous nos débats ; et, dans la profonde obscurité où notre intelligence se trouve ensevelie, il n'est aucune opinion, aucun système qu'elle n'adopte, pour les rejeter bientôt et concevoir de nouvelles extravagances. C'est donc l'agitation perpétuelle de ce flux et de ce reflux d'idées sans fondement, sans suite, sans liaison, que consiste le châtiment des philosophes qui furent des athées.
Moi. Tu raisonnes pourtant en ce moment-ci.
«Le Spectre. C'est parce que mon supplice va bientôt finir. Il a été bien long, ce supplice ; car, quoique l'on ne compte sur la terre que deux années depuis ma mort, j'ai tellement souffert de toutes ces folies que j'ai dites et entendues qu'il me semble avoir déjà passé des milliers de siècles dans la région des systèmes et des disputes.»
«Quand le Spectre eut ainsi parlé, il s'inclina, adora Dieu et disparut.»
«Quand je fus remis de l'émotion que ce que je venais de voir et d'entendre m'avait causée, mes pensées se reportèrent vers les choses étonnantes que le spectre m'avait apprises. Ce qu'il m'a dit du premier Être répond-il à l'idée qu'un si grand nombre d'hommes s'en sont formée? Que viens-je d'entendre? Quoi ! l'athée lui-même, l'horreur de ses semblables, finit par trouver grâce aux yeux de cette Divinité que l'on me représente comme une nature vindicative et jalouse! Eh! qui osera maintenant me dire : Si tu n'adoptes pas telle ou telle opinion, tu seras condamné à d'éternels supplices? Quel barbare osera dire : Hors de ma communion, il n'est point de salut? Être incompréhensible et tout miséricordieux, as-tu chargé quelqu'un du soin de te venger? Est-ce à une vile créature qu'il appartient de dire à ses semblables: pensez comme moi, ou soyez à jamais malheureux! Quelles limites, grand Dieu ! pouvons-nous, êtres bornés que nous sommes, fixer à ta clémence et à ta justice? Et de quel droit te dirais-je: Ici tu récompenseras, là tu puniras? Répondez, ô morts qui gisez dans cette poussière! vous fut-il possible d'avoir tous la croyance dans laquelle je suis né? Vos intelligences furent-elles toutes également frappées des preuves qui établissent les mystères que j'adore et les dogmes que je crois? Eh ! comment les degrés d'une croyance seraient-ils partout les mêmes, ainsi que les degrés de conviction? Homme intolérant et cruel, viens, si tu en as le courage, t'asseoir à mon côté, et ose dire aux victimes de la mort dont je suis venu écouter les leçons, ose leur dire: «Vous êtes ici quarante mille; eh bien ! il n'en est que dix, que cinquante, que cent parmi vous, que le Dieu vengeur n'a pas dévouées aux flammes éternelles!»
«Si ce discours n'était pas d'un insensé, à quoi servirait la religion des tombeaux? Pourquoi devrais-je respecter les cendres de ceux qui n'adorèrent pas le grand Être à ma manière? Est-ce dans cette enceinte, où les ennemis de ma croyance reposent, confondus avec ses sectateurs, que je pourrais entendre les leçons de la véritable sagesse? Et de quelle impiété me rendrais-je coupable en communiquant avec des intelligences réprouvées, aux dépouilles desquelles je viens rendre un hommage inspiré par la religion comme par l'humanité?»
Moi. Tu n'es donc pas puni dans le séjour ténébreux où tu es exilé?
Le Spectre. J'y subis une peine plus cruelle que tu ne peux l'imaginer. Dieu, après m'avoir condamné, s'éloigna de moi ; et aussitôt, je perdis toute idée de son existence, et le néant se présenta devant moi dans toute son horreur.
Moi. Quoi ! tu perdis entièrement l'idée de l'existence de Dieu?
Le Spectre. Oui. C'est le plus grand supplice qu'un Esprit immortel puisse endurer, et rien ne peut faire concevoir l'état d'abandon, de douleur et de désordre dans lequel il se trouve.
Moi. Quelle est donc ton occupation avec les Esprits livrés au même supplice?
Le Spectre. Nous nous disputons sans cesse sans pouvoir nous entendre ; la déraison et la folie président à tous nos débats ; et, dans la profonde obscurité où notre intelligence se trouve ensevelie, il n'est aucune opinion, aucun système qu'elle n'adopte, pour les rejeter bientôt et concevoir de nouvelles extravagances. C'est donc l'agitation perpétuelle de ce flux et de ce reflux d'idées sans fondement, sans suite, sans liaison, que consiste le châtiment des philosophes qui furent des athées.
Moi. Tu raisonnes pourtant en ce moment-ci.
«Le Spectre. C'est parce que mon supplice va bientôt finir. Il a été bien long, ce supplice ; car, quoique l'on ne compte sur la terre que deux années depuis ma mort, j'ai tellement souffert de toutes ces folies que j'ai dites et entendues qu'il me semble avoir déjà passé des milliers de siècles dans la région des systèmes et des disputes.»
«Quand le Spectre eut ainsi parlé, il s'inclina, adora Dieu et disparut.»
«Quand je fus remis de l'émotion que ce que je venais de voir et d'entendre m'avait causée, mes pensées se reportèrent vers les choses étonnantes que le spectre m'avait apprises. Ce qu'il m'a dit du premier Être répond-il à l'idée qu'un si grand nombre d'hommes s'en sont formée? Que viens-je d'entendre? Quoi ! l'athée lui-même, l'horreur de ses semblables, finit par trouver grâce aux yeux de cette Divinité que l'on me représente comme une nature vindicative et jalouse! Eh! qui osera maintenant me dire : Si tu n'adoptes pas telle ou telle opinion, tu seras condamné à d'éternels supplices? Quel barbare osera dire : Hors de ma communion, il n'est point de salut? Être incompréhensible et tout miséricordieux, as-tu chargé quelqu'un du soin de te venger? Est-ce à une vile créature qu'il appartient de dire à ses semblables: pensez comme moi, ou soyez à jamais malheureux! Quelles limites, grand Dieu ! pouvons-nous, êtres bornés que nous sommes, fixer à ta clémence et à ta justice? Et de quel droit te dirais-je: Ici tu récompenseras, là tu puniras? Répondez, ô morts qui gisez dans cette poussière! vous fut-il possible d'avoir tous la croyance dans laquelle je suis né? Vos intelligences furent-elles toutes également frappées des preuves qui établissent les mystères que j'adore et les dogmes que je crois? Eh ! comment les degrés d'une croyance seraient-ils partout les mêmes, ainsi que les degrés de conviction? Homme intolérant et cruel, viens, si tu en as le courage, t'asseoir à mon côté, et ose dire aux victimes de la mort dont je suis venu écouter les leçons, ose leur dire: «Vous êtes ici quarante mille; eh bien ! il n'en est que dix, que cinquante, que cent parmi vous, que le Dieu vengeur n'a pas dévouées aux flammes éternelles!»
«Si ce discours n'était pas d'un insensé, à quoi servirait la religion des tombeaux? Pourquoi devrais-je respecter les cendres de ceux qui n'adorèrent pas le grand Être à ma manière? Est-ce dans cette enceinte, où les ennemis de ma croyance reposent, confondus avec ses sectateurs, que je pourrais entendre les leçons de la véritable sagesse? Et de quelle impiété me rendrais-je coupable en communiquant avec des intelligences réprouvées, aux dépouilles desquelles je viens rendre un hommage inspiré par la religion comme par l'humanité?»
Une expiation terrestre
Le jeune François
Les personnes qui ont lu Ciel et Enfer, se souviennent sans doute de la touchante histoire de Marcel, l'enfant du n 4, rapportée au chapitre VIII des Expiations terrestres. Le fait suivant présente un cas à peu près analogue et non moins instructif, comme application de la souveraine justice, et comme expiation de ce qui souvent paraît inexplicable dans certaines positions de la vie.
Dans une bonne et honnête famille, mourut au mois d'octobre 1866, un jeune enfant de douze ans, dont la vie, pendant neuf ans, n'avait été qu'une souffrance continue que ni les soins affectueux dont il était entouré, ni les secours de la science n'avaient pu même adoucir. Il était atteint de paralysie et d'hydropisie ; son corps était couvert de plaies envahies par la gangrène, et ses chairs tombaient en lambeaux. Souvent, dans le paroxysme de la douleur, il s'écriait : « Qu'ai-je donc fait, mon Dieu, pour mériter de tant souffrir ? Depuis que je suis au monde, je n'ai cependant fait de mal à personne ! » Instinctivement, cet enfant comprenait que la souffrance devait être une expiation, mais dans l'ignorance de la loi de solidarité des existences successives, sa pensée ne remontant pas au delà de la vie présente, il ne se rendait pas compte de la cause qui pouvait justifier en lui un si cruel châtiment.
Une particularité digne de remarque, fut la naissance d'une sœur alors qu'il avait environ trois ans. C'est à cette époque que se déclarèrent les premiers symptômes de la terrible maladie à laquelle il devait succomber. Dès ce moment aussi il conçut pour la nouvelle venue une répulsion telle qu'il ne pouvait supporter sa présence, et que sa vue semblait redoubler ses souffrances. Souvent il se reprochait ce sentiment que rien ne justifiait, car la petite fille ne le partageait pas ; elle était au contraire pour lui douce et aimante. Il disait à sa mère : « Pourquoi donc la vue de ma petite sœur m'est-elle si pénible ? Elle est bonne pour moi, et malgré moi je ne puis m'empêcher de la détester. » Cependant il ne pouvait souffrir qu'on lui fît le moindre mal, ni qu'on la chagrinât ; loin de se réjouir de ses peines, il s'affligeait quand il la voyait pleurer. Il était évident que deux sentiments se combattaient en lui ; il comprenait l'injustice de son antipathie, mais ses efforts pour la surmonter étaient impuissants.
Que de telles infirmités soient, à un certain âge, les suites de l'inconduite, ce serait une chose toute naturelle ; mais de quelles fautes assez graves un enfant de cet âge peut-il s'être rendu coupable pour endurer un pareil martyre ? D'où pouvait en outre provenir cette répulsion pour un être inoffensif ? Ce sont là des problèmes qui se présentent à chaque instant, et qui portent une foule de gens à douter de la justice de Dieu, parce qu'ils n'y trouvent de solution dans aucune religion ; ces anomalies apparentes trouvent au contraire leur complète justification dans la solidarité des existences. Un observateur spirite pouvait donc se dire, avec toute apparence de raison, que ces deux êtres s'étaient connus, et avaient été placés à côté l'un de l'autre dans l'existence actuelle pour quelque expiation et la réparation de quelque tort. De l'état de souffrance du frère, on pouvait conclure qu'il était le coupable, et que les liens de proche parenté qui l'unissaient à l'objet de son antipathie lui étaient imposés pour préparer entre eux les voies d'un rapprochement ; aussi voit-on déjà chez le frère une tendance et des efforts pour surmonter son éloignement qu'il reconnaît injuste. Cette antipathie n'avait point les caractères de la jalousie qu'on remarque parfois chez les enfants d'un même sang ; elle provenait donc, selon toute probabilité, de souvenirs pénibles, et peut-être de remords qu'éveillait la présence de la petite fille. Telles sont les déductions qu'on pouvait rationnellement tirer, par analogie, de l'observation des faits, et qui ont été confirmées par l'Esprit de l'enfant.
Évoqué presque immédiatement après sa mort par une amie de la famille à laquelle il portait beaucoup d'affection, il ne put d'abord s'expliquer d'une manière complète, et promit de donner ultérieurement des détails plus circonstanciés. Parmi les diverses communications qu'il a données, voici les deux qui se rapportent plus particulièrement à la question :
« Vous attendez de moi le récit que je vous ai promis de ce que j'ai été dans une existence antérieure et l'explication de la cause de mes grandes souffrances ; ce sera pour tous un enseignement. Ces enseignements sont partout, je le sais ; il s'en trouve de tous cotés, mais le récit de faits dont on a vu soi-même les suites, est toujours, pour ceux qui existent, une preuve bien plus frappante.
J'ai péché, oui j'ai péché ! Savez-vous ce que c'est que d'avoir été assassin, d'avoir attenté à la vie de son semblable ? Je ne l'ai pas fait de la manière que les assassins emploient en tuant de suite, soit avec une corde, soit avec un couteau, ou tout autre instrument ; non, ce n'est pas de cette marnière. J'ai tué, mais j'ai tué lentement, en faisant souffrir un être que je détestais ! Oui, je le détestais, cet enfant que je croyais ne pas m'appartenir ! Pauvre innocent ! avait-il mérité ce triste sort ? Non, mes pauvres amis, il ne l'avait pas mérité, ou du moins ce n'était pas à moi à lui faire subir ces tourments. Je l'ai fait, pourtant, et voilà pourquoi j'ai été obligé de souffrir comme vous avez vu.
J'ai souffert, mon Dieu ! est-ce assez ? vous êtes trop bon, Seigneur ! oui, en présence de mon crime et de l'expiation, je trouve que vous avez été trop miséricordieux.
Priez pour moi, chers parents, chers amis ; maintenant mes souffrances sont passées. Pauvre madame D…, je vous fais souffrir ! c'est qu'il était bien pénible pour moi de venir faire l'aveu de ce crime immense !
Espérance, mes bons amis, Dieu ma remis ma faute ; je suis maintenant dans la joie, et cependant aussi dans la peine ; voyez-vous ! on a beau être dans un état meilleur, avoir expié : la pensée, le souvenir de ses crimes laissent une telle impression, qu'il est impossible qu'on n'en ressente pas longtemps encore toute l'horreur, car ce n'est pas seulement sur terre que j'ai souffert, mais avant, dans cette vie spirituelle ! Et, quelle peine j'ai eue à me décider à venir souffrir cette expiation terrible ! je ne puis vous narrer tout cela, ce serait trop affreux ! La vue constante de ma victime, et l'autre, la pauvre mère ! Enfin, mes amis : prières pour moi et grâces au Seigneur ! Je vous avais promis ce récit ; il fallait jusqu'au bout que j'acquitasse ma dette, quoi qu'il pût m'en coûter.
(Jusqu'ici le médium avait écrit sous l'empire d'une vive émotion ; il continua avec plus de calme.)
Et maintenant, mes bons parents, un mot de consolation. Merci, oh merci ! à vous qui m'avez aidé dans cette expiation, et qui en avez porté une partie ; vous avez adouci, autant qu'il dépendait de vous, ce qu'il y avait d'amer dans mon état. Ne vous chagrinez pas, c'est une chose passée ; je suis heureux, je vous l'ai dit, surtout en comparant l'état passé à l'état présent. Je vous aime tous ; je vous remercie ; je vous embrasse ; aimez-moi toujours. Nous nous retrouverons, et, tous ensemble, nous continuerons cette vie éternelle, en tâchant que la vie future rachète entièrement la vie passée.
Votre fils, François E.
Dans une autre communication l'Esprit du jeune François compléta les renseignements ci-dessus :
Demande. Cher enfant, tu n'as pas dit d'où venait ton antipathie pour ta petite sœur.
Réponse. Ne le devinez-vous pas ? Cette pauvre et innocente créature était ma victime que Dieu avait attachée à ma dernière existence comme un remords vivant ; voilà pourquoi sa vue me faisait tant souffrir.
Demande. Cependant tu ne savais pas qui elle était.
Réponse. Je ne le savais pas à l'état de veille, sans cela mes tourments eussent été cent fois plus affreux ; aussi affreux qu'ils l'avaient été dans la vie spirituelle où je la voyais sans cesse ; mais croyez-vous que mon Esprit, dans les moments où il était dégagé, ne le savait pas ? C'était la cause de ma répulsion, et si je m'efforçais de la combattre, c'est qu'instinctivement je sentais qu'elle était injuste. Je n'étais pas encore assez fort pour faire du bien à celle que je ne pouvais m'empêcher de détester, mais je ne voulais pas qu'on lui fît du mal : c'était un commencement de réparation. Dieu m'a tenu compte de ce sentiment, c'est pourquoi il a permis que je fusse délivré de bonne heure de ma vie de souffrance, sans cela j'aurais pu vivre encore de longues années dans l'horrible situation où vous m'avez vu.
Bénissez donc ma mort qui a mis un terme à l'expiation, car elle a été le gage de ma réhabilitation.
Demande (au guide du médium). Pourquoi l'expiation et le repentir dans la vie spirituelle ne suffisent-ils pas pour la réhabilitation, sans qu'il soit nécessaire d'y ajouter les souffrances corporelles ?
Réponse. Souffrir dans un monde ou dans un autre, c'est toujours souffrir, et l'on souffre aussi longtemps que la réhabilitation n'est pas complète. Cet enfant a bien souffert sur la terre ; eh bien ! ce n'est rien en comparaison de ce qu'il a enduré dans le monde des Esprits. Ici il avait en compensation les soins et l'affection dont il était entouré. Il y a encore cette différence entre la souffrance corporelle et la souffrance spirituelle, que la première est presque toujours volontairement acceptée comme complément d'expiation, ou comme épreuve pour avancer plus rapidement, tandis que l'autre est imposée.
Mais il y a d'autres motifs à la souffrance corporelle : c'est d'abord afin que la réparation ait lieu dans les mêmes conditions où le mal a été fait ; puis pour servir d'exemple aux incarnés. En voyant leurs semblables souffrir et en en sachant la raison, ils en sont bien autrement impressionnés que de savoir qu'ils sont malheureux comme Esprits ; ils peuvent mieux s'expliquer la cause de leurs propres souffrances ; la justice divine se montre en quelque sorte palpable à leurs yeux. Enfin la souffrance corporelle est une occasion pour les incarnés d'exercer entre eux la charité, une épreuve pour leurs sentiments de commisération, et souvent un moyen de réparer des torts antérieurs ; car, croyez-le bien, lorsqu'un infortuné se trouve sur votre chemin, ce n'est point l'effet du hasard. Pour les parents du jeune François, c'était une grande épreuve d'avoir un enfant dans cette triste position ; eh bien ! ils ont dignement rempli leur mandat, et ils en seront d'autant mieux récompensés qu'ils ont agi spontanément, par la propre impulsion de leur cœur. Si les Esprits ne souffraient pas dans l'incarnation, c'est qu'il n'y aurait que des Esprits parfaits sur la terre.
Les personnes qui ont lu Ciel et Enfer, se souviennent sans doute de la touchante histoire de Marcel, l'enfant du n 4, rapportée au chapitre VIII des Expiations terrestres. Le fait suivant présente un cas à peu près analogue et non moins instructif, comme application de la souveraine justice, et comme expiation de ce qui souvent paraît inexplicable dans certaines positions de la vie.
Dans une bonne et honnête famille, mourut au mois d'octobre 1866, un jeune enfant de douze ans, dont la vie, pendant neuf ans, n'avait été qu'une souffrance continue que ni les soins affectueux dont il était entouré, ni les secours de la science n'avaient pu même adoucir. Il était atteint de paralysie et d'hydropisie ; son corps était couvert de plaies envahies par la gangrène, et ses chairs tombaient en lambeaux. Souvent, dans le paroxysme de la douleur, il s'écriait : « Qu'ai-je donc fait, mon Dieu, pour mériter de tant souffrir ? Depuis que je suis au monde, je n'ai cependant fait de mal à personne ! » Instinctivement, cet enfant comprenait que la souffrance devait être une expiation, mais dans l'ignorance de la loi de solidarité des existences successives, sa pensée ne remontant pas au delà de la vie présente, il ne se rendait pas compte de la cause qui pouvait justifier en lui un si cruel châtiment.
Une particularité digne de remarque, fut la naissance d'une sœur alors qu'il avait environ trois ans. C'est à cette époque que se déclarèrent les premiers symptômes de la terrible maladie à laquelle il devait succomber. Dès ce moment aussi il conçut pour la nouvelle venue une répulsion telle qu'il ne pouvait supporter sa présence, et que sa vue semblait redoubler ses souffrances. Souvent il se reprochait ce sentiment que rien ne justifiait, car la petite fille ne le partageait pas ; elle était au contraire pour lui douce et aimante. Il disait à sa mère : « Pourquoi donc la vue de ma petite sœur m'est-elle si pénible ? Elle est bonne pour moi, et malgré moi je ne puis m'empêcher de la détester. » Cependant il ne pouvait souffrir qu'on lui fît le moindre mal, ni qu'on la chagrinât ; loin de se réjouir de ses peines, il s'affligeait quand il la voyait pleurer. Il était évident que deux sentiments se combattaient en lui ; il comprenait l'injustice de son antipathie, mais ses efforts pour la surmonter étaient impuissants.
Que de telles infirmités soient, à un certain âge, les suites de l'inconduite, ce serait une chose toute naturelle ; mais de quelles fautes assez graves un enfant de cet âge peut-il s'être rendu coupable pour endurer un pareil martyre ? D'où pouvait en outre provenir cette répulsion pour un être inoffensif ? Ce sont là des problèmes qui se présentent à chaque instant, et qui portent une foule de gens à douter de la justice de Dieu, parce qu'ils n'y trouvent de solution dans aucune religion ; ces anomalies apparentes trouvent au contraire leur complète justification dans la solidarité des existences. Un observateur spirite pouvait donc se dire, avec toute apparence de raison, que ces deux êtres s'étaient connus, et avaient été placés à côté l'un de l'autre dans l'existence actuelle pour quelque expiation et la réparation de quelque tort. De l'état de souffrance du frère, on pouvait conclure qu'il était le coupable, et que les liens de proche parenté qui l'unissaient à l'objet de son antipathie lui étaient imposés pour préparer entre eux les voies d'un rapprochement ; aussi voit-on déjà chez le frère une tendance et des efforts pour surmonter son éloignement qu'il reconnaît injuste. Cette antipathie n'avait point les caractères de la jalousie qu'on remarque parfois chez les enfants d'un même sang ; elle provenait donc, selon toute probabilité, de souvenirs pénibles, et peut-être de remords qu'éveillait la présence de la petite fille. Telles sont les déductions qu'on pouvait rationnellement tirer, par analogie, de l'observation des faits, et qui ont été confirmées par l'Esprit de l'enfant.
Évoqué presque immédiatement après sa mort par une amie de la famille à laquelle il portait beaucoup d'affection, il ne put d'abord s'expliquer d'une manière complète, et promit de donner ultérieurement des détails plus circonstanciés. Parmi les diverses communications qu'il a données, voici les deux qui se rapportent plus particulièrement à la question :
« Vous attendez de moi le récit que je vous ai promis de ce que j'ai été dans une existence antérieure et l'explication de la cause de mes grandes souffrances ; ce sera pour tous un enseignement. Ces enseignements sont partout, je le sais ; il s'en trouve de tous cotés, mais le récit de faits dont on a vu soi-même les suites, est toujours, pour ceux qui existent, une preuve bien plus frappante.
J'ai péché, oui j'ai péché ! Savez-vous ce que c'est que d'avoir été assassin, d'avoir attenté à la vie de son semblable ? Je ne l'ai pas fait de la manière que les assassins emploient en tuant de suite, soit avec une corde, soit avec un couteau, ou tout autre instrument ; non, ce n'est pas de cette marnière. J'ai tué, mais j'ai tué lentement, en faisant souffrir un être que je détestais ! Oui, je le détestais, cet enfant que je croyais ne pas m'appartenir ! Pauvre innocent ! avait-il mérité ce triste sort ? Non, mes pauvres amis, il ne l'avait pas mérité, ou du moins ce n'était pas à moi à lui faire subir ces tourments. Je l'ai fait, pourtant, et voilà pourquoi j'ai été obligé de souffrir comme vous avez vu.
J'ai souffert, mon Dieu ! est-ce assez ? vous êtes trop bon, Seigneur ! oui, en présence de mon crime et de l'expiation, je trouve que vous avez été trop miséricordieux.
Priez pour moi, chers parents, chers amis ; maintenant mes souffrances sont passées. Pauvre madame D…, je vous fais souffrir ! c'est qu'il était bien pénible pour moi de venir faire l'aveu de ce crime immense !
Espérance, mes bons amis, Dieu ma remis ma faute ; je suis maintenant dans la joie, et cependant aussi dans la peine ; voyez-vous ! on a beau être dans un état meilleur, avoir expié : la pensée, le souvenir de ses crimes laissent une telle impression, qu'il est impossible qu'on n'en ressente pas longtemps encore toute l'horreur, car ce n'est pas seulement sur terre que j'ai souffert, mais avant, dans cette vie spirituelle ! Et, quelle peine j'ai eue à me décider à venir souffrir cette expiation terrible ! je ne puis vous narrer tout cela, ce serait trop affreux ! La vue constante de ma victime, et l'autre, la pauvre mère ! Enfin, mes amis : prières pour moi et grâces au Seigneur ! Je vous avais promis ce récit ; il fallait jusqu'au bout que j'acquitasse ma dette, quoi qu'il pût m'en coûter.
(Jusqu'ici le médium avait écrit sous l'empire d'une vive émotion ; il continua avec plus de calme.)
Et maintenant, mes bons parents, un mot de consolation. Merci, oh merci ! à vous qui m'avez aidé dans cette expiation, et qui en avez porté une partie ; vous avez adouci, autant qu'il dépendait de vous, ce qu'il y avait d'amer dans mon état. Ne vous chagrinez pas, c'est une chose passée ; je suis heureux, je vous l'ai dit, surtout en comparant l'état passé à l'état présent. Je vous aime tous ; je vous remercie ; je vous embrasse ; aimez-moi toujours. Nous nous retrouverons, et, tous ensemble, nous continuerons cette vie éternelle, en tâchant que la vie future rachète entièrement la vie passée.
Votre fils, François E.
Dans une autre communication l'Esprit du jeune François compléta les renseignements ci-dessus :
Demande. Cher enfant, tu n'as pas dit d'où venait ton antipathie pour ta petite sœur.
Réponse. Ne le devinez-vous pas ? Cette pauvre et innocente créature était ma victime que Dieu avait attachée à ma dernière existence comme un remords vivant ; voilà pourquoi sa vue me faisait tant souffrir.
Demande. Cependant tu ne savais pas qui elle était.
Réponse. Je ne le savais pas à l'état de veille, sans cela mes tourments eussent été cent fois plus affreux ; aussi affreux qu'ils l'avaient été dans la vie spirituelle où je la voyais sans cesse ; mais croyez-vous que mon Esprit, dans les moments où il était dégagé, ne le savait pas ? C'était la cause de ma répulsion, et si je m'efforçais de la combattre, c'est qu'instinctivement je sentais qu'elle était injuste. Je n'étais pas encore assez fort pour faire du bien à celle que je ne pouvais m'empêcher de détester, mais je ne voulais pas qu'on lui fît du mal : c'était un commencement de réparation. Dieu m'a tenu compte de ce sentiment, c'est pourquoi il a permis que je fusse délivré de bonne heure de ma vie de souffrance, sans cela j'aurais pu vivre encore de longues années dans l'horrible situation où vous m'avez vu.
Bénissez donc ma mort qui a mis un terme à l'expiation, car elle a été le gage de ma réhabilitation.
Demande (au guide du médium). Pourquoi l'expiation et le repentir dans la vie spirituelle ne suffisent-ils pas pour la réhabilitation, sans qu'il soit nécessaire d'y ajouter les souffrances corporelles ?
Réponse. Souffrir dans un monde ou dans un autre, c'est toujours souffrir, et l'on souffre aussi longtemps que la réhabilitation n'est pas complète. Cet enfant a bien souffert sur la terre ; eh bien ! ce n'est rien en comparaison de ce qu'il a enduré dans le monde des Esprits. Ici il avait en compensation les soins et l'affection dont il était entouré. Il y a encore cette différence entre la souffrance corporelle et la souffrance spirituelle, que la première est presque toujours volontairement acceptée comme complément d'expiation, ou comme épreuve pour avancer plus rapidement, tandis que l'autre est imposée.
Mais il y a d'autres motifs à la souffrance corporelle : c'est d'abord afin que la réparation ait lieu dans les mêmes conditions où le mal a été fait ; puis pour servir d'exemple aux incarnés. En voyant leurs semblables souffrir et en en sachant la raison, ils en sont bien autrement impressionnés que de savoir qu'ils sont malheureux comme Esprits ; ils peuvent mieux s'expliquer la cause de leurs propres souffrances ; la justice divine se montre en quelque sorte palpable à leurs yeux. Enfin la souffrance corporelle est une occasion pour les incarnés d'exercer entre eux la charité, une épreuve pour leurs sentiments de commisération, et souvent un moyen de réparer des torts antérieurs ; car, croyez-le bien, lorsqu'un infortuné se trouve sur votre chemin, ce n'est point l'effet du hasard. Pour les parents du jeune François, c'était une grande épreuve d'avoir un enfant dans cette triste position ; eh bien ! ils ont dignement rempli leur mandat, et ils en seront d'autant mieux récompensés qu'ils ont agi spontanément, par la propre impulsion de leur cœur. Si les Esprits ne souffraient pas dans l'incarnation, c'est qu'il n'y aurait que des Esprits parfaits sur la terre.
Galilée
Fragments du drame de M. Ponsard
Voir le n° précédent
Un siècle avant Galilée, Copernic avait conçu le système astronomique qui porte son nom[1]. Galilée, à l'aide du télescope qu'il avait inventé, ajoutant l'observation directe à la théorie, compléta les idées de Copernic et en démontra la vérité par le calcul. Avec son instrument, il put étudier la nature des planètes, et de leur similitude avec la terre : il conclut à leur habitabilité. Il avait également reconnu que les étoiles sont autant de soleils disséminés dans l'espace sans bornes, et pensa que chacun devait être le centre de mouvement d'un système planétaire. Il venait de découvrir les quatre satellites de Jupiter, et cet événement mit en émoi le monde savant et le monde religieux. Le poète s'attache à peindre, dans son drame, la diversité des sentiments qu'il excita selon le caractère et les préjugés des individus.
Deux étudiants de l'Université s'entretiennent de la découverte de Galilée, et comme ils ne sont pas d'accord, ils prennent l'avis d'un professeur en renom.
Albert
Sur certain point, docteur, nous sommes en dispute,
Et voudrions savoir ce que vous en pensez.
Pompée
Il sied de demander conseil aux gens sensés,
- Çà, de quoi s'agit-il ?
Vivian
De quatre satellites
Autour de Jupiter décrivant leurs orbites.
Pompée
Ils n'existent pas.
Vivian
Mais…
Pompée
Ne sauraient exister.
Vivian
On peut les voir pourtant et l'on peut les compter.
Pompée
On ne peut les compter puisqu'ils ne sauraient être.
Albert
Tu l'entends, Vivian ?
Vivian
Et pourquoi cela maître ?
Pompée
Parce que, soutenir que Dieu peut avoir fait
Quatre globes en sus des sept globes qu'on sait
Est un propos méchant, un thème chimérique,
Antireligieux, antiphilosophique.
(Apercevant Galilée escorté d'un grand nombre d'étudiants.)
Gobes-mouches niais ! et charlatan infâme !
Albert à Vivian
Tu vois que le docteur Pompée est contre toi.
Vivian
Tant mieux pour la doctrine en laquelle j'ai foi ;
De toute vérité la marche naturelle,
Est d'ameuter d'abord tous les pédants contre elle.
C'est bien là la force de raisonnement de certains négateurs des idées nouvelles : cela n'est pas, parce que cela ne peut pas être. On demandait à un savant : Que diriez-vous si vous voyiez une table s'enlever sans point d'appui ? – Je n'y croirais pas, répondit-il, par que je sais que cela ne se peut pas.
Un moine, haranguant la foule
Écoutez ce que dit l'Apôtre : Dans les cieux
Pourquoi, Galiléens, promenez-vous vos yeux ?
C'est ainsi, que d'avance il lançait l'anathème
Contre toi, Galilée, et contre ton système.
Nous-mêmes, aujourd'hui, nous voyons clairement,
En quelle horreur le ciel a cet enseignement,
Et l'Arno débordé, la grêle sur nos vignes,
Sont du courroux divin les lamentables signes.
- Mes frères, méprisez ces mensonges grossiers ;
Pour que la terre marche, est-ce qu'elle a des pieds ?
Si la lune se meut, c'est qu'un ange la guide ;
Car à chaque planète un conducteur préside ;
Mais la terre, où serait son ange ? – Sur les monts ?
On l'y verrait. – Au centre ? Il loge les démons.
Livie, femme de Galilée, est le type des gens à esprit borné, plus soucieux de la vie matérielle que de la gloire et de la vérité.
Livie à Galilée
. . . . Pourquoi, chauffez-vous les cervelles,
En débitant un tas de maximes nouvelles ?
Toutes ces nouveautés sont, pour trancher le mot,
Invention du diable et sentent le fagot.
A la façon déjà, dont chacun vous regarde,
Cela finira mal, si vous n'y prenez garde.
Oh ! que n'imitez-vous ces dignes professeurs
Qui disent ce qu'ont dit tous leurs prédécesseurs ?
Voilà des gens chez qui l'ordre et le bon sens règnent ;
Ils enseignent sans bruit ce qu'on veut qu'ils enseignent,
Et, sans se travailler à débattre en public
S'il faut croire Aristote ou croire Copernic,
Ils tiennent sagement que l'opinion vraie
Doit être celle-là pour laquelle on les paie,
Et que, puisque Aristote ouvre le coffre-fort,
Aristote à raison, et Copernic à tort.
Aussi ne se font-ils d'affaire avec personne ;
Ils emboursent en paix les florins qu'on leur donne ;
Ils prospèrent ; ils sont bien logés, bien nourris ;
Leurs filles ont des dots et trouvent des maris ;
Leur auditoire est doux et jamais ne s'attroupe ;
Ils rentrent au logis aux heures où l'on soupe ;
Mais vous, vous faites rage, et l'on vous applaudit,
Et, pendant ce temps-là, le dîner refroidit.
Fragments du monologue de Galilée au commencement du second acte :
Non, les temps ne sont plus où, reine solitaire,
Sur son trône immobile on asseyait la terre ;
Non, le rapide char, portant l'astre du jour,
De l'aurore au couchant ne décrit plus son tour ;
Le firmament n'est plus la voûte cristalline,
Qui, comme un plafond bleu, de lustres s'illumine ;
Ce n'est plus pour nous seuls que Dieu fit l'univers ;
Mais loin de nous tenir abaissés, soyons fiers !
Car, si nous abdiquons une royauté fausse,
Jusqu'au règne du vrai la science nous hausse ;
Plus le corps s'amoindrit, plus l'Esprit devient grand ;
Notre noblesse croît où détroit notre rang.
Il est plus beau pour l'homme, infime créature,
De saisir les secrets voilés par la nature,
Et d'oser embrasser dans sa conception
L'universelle loi de la création,
Que d'être, comme aux jours d'un vaniteux mensonge,
Roi d'une illusion et possesseur d'un songe,
Centre ignorant d'un tout qu'il croyait fait pour lui,
Et que par la pensée il conquiert aujourd'hui.
Soleil, globe de feu, gigantesque fournaise,
Chaos incandescent où bout une genèse,
Océan furieux où flottent éperdus
Les liquides granits et les métaux fondus,
Heurtant, brisant, mêlant leurs vagues enflammées
Sous de noirs ouragans tout chargés de fumées,
Houle ardente, où parfois nage un îlot vermeil,
Tache aujourd'hui, demain écorce du soleil ;
Autour de toi se meut, ô fécond incendie,
La terre, notre mère, à peine refroidie,
Et, refroidis comme elle, et, comme elle habités,
Mars sanglant, et Vénus, l'astre aux blanches clartés ;
Dans tes proches splendeurs, Mercure qui se baigne,
Et Saturne en exil aux confins de ton règne,
Et par Dieu, puis par moi, couronné dans l'éther
D'un quadruple bandeau de lunes, Jupiter.
Mais, astre souverain, centre de tous ces mondes,
Par delà ton empire aux limites profondes,
Des milliers de soleils, si nombreux, si touffus,
Qu'on ne peut les compter dans leurs groupes confus,
Prolongent, comme toi, leurs immenses cratères,
Font mouvoir, comme toi, des mondes planétaires,
Qui tournent autour d'eux, qui composent leur cour,
Et tiennent de leur roi la chaleur et le jour.
Oh ! oui, vous êtes mieux que des lampes nocturnes,
Qu'allumeraient pour nous des veilleurs taciturnes,
Innombrables lueurs, étoiles qui poudrez,
De votre sable d'or les chemins azurés ;
Chez vous palpite aussi la vie universelle,
Grands foyers, où notre œil ne voit qu'une étincelle.
Et partout l'action, le mouvement et l'âme !
Partout, roulant autour de leurs centres en flamme,
Des globes habités, dont les êtres pensants,
Vivent comme je vis, sentent ce que je sens,
Les uns plus abaissés, et les autres peut-être
Plus élevés que nous sur les degrés de l'être !
Que c'est grand ! que c'est beau ! Dans quel culte profond
L'Esprit, plein de stupeur, s'abîme et se confond !
Inépuisable auteur, que ta toute-puissance
S'y montre dans sa gloire et sa magnificence !
Que la vie, épanchée à flots dans l'infini,
Proclame vastement ton nom partout béni !
Allez, persécuteurs ! lancez vos anathèmes !
Je suis religieux beaucoup plus que vous-mêmes.
Dieu, que vous invoquez, mieux que vous je le sers :
Ce petit tas de boue est pour vous l'univers ;
Pour moi sur tous les points l'œuvre divine éclate ;
Vous la rétrécissez, et moi, je la dilate ;
Comme on mettait des rois au char triomphateur,
Je mets des univers aux pieds du Créateur.
Fragments du dialogue entre l'inquisiteur et Galilée.
L'inquisiteur
Il n'est de vérité que dans les Écritures ;
Tout le reste est erreur, visions, impostures ;
Ce qu'on croit de contraire à leur enseignement
N'est pas une clarté, c'est un aveuglement.
Galilée
Oui, la foi du chrétien par leur règle est régie ;
Leur seule autorité règne en théologie,
Et l'adoration doit courber nos esprits
Sous les dogmes divins que l'on y voit inscrits ;
Mais le monde physique échappe à leur domaine ;
Dieu le livre en entier à la dispute humaine ;
Comme il s'agit d'objets qui tombent sous les sens,
Les sens et la raison s'y montrent tout-puissants ;
L'autorité se tait ; nul ordre ne peut faire
Des rayons inégaux au centre de la sphère,
Nul ne peut d'hérésie accuser le compas,
Ni décréter qu'un corps tournant ne tourne pas.
L'œil est juge, en un mot, de l'univers visible.
Si le dogme immuable est fixé par la Bible,
La science répugne à l'immobilité,
Et, mourant dans les fers, vit par la liberté.
L'inquisiteur
Or, ne vois-tu donc pas que ton nouveau système,
Troublant l'astronomie, ébranle la foi même ?
L'erreur matérielle, admise sur un point,
Dans tout le Testament rend suspect le témoin ;
Qui peut avoir failli n'est donc plus infaillible ;
Le doute est donc permis, l'examen est possible,
Et l'on conclut bientôt, dès qu'on ose juger,
De la fausse physique au dogme mensonger.
Galilée
Moi, détruire la foi, quand j'agrandis le culte !
Montrer Dieu dans son œuvre, est-ce lui faire insulte ?
Ah ! la comprendre mieux, c'est la mieux adorer,
Et c'est l'honorer mal que la défigurer.
Les cieux, selon la Bible en qui nous devons croire,
Les cieux de leur auteur nous racontent la gloire ;
Eh bien, j'ai mieux qu'un autre écouté leur récit,
Et je l'ai répété comme les cieux l'ont dit.
Peut-on barrer le cours d'une vérité neuve ?
Arrêter une goutte, est-ce arrêter un fleuve ?
Croyez-moi, respectez ces aspirations,
Elles ont trop d'élans et trop d'expansions
Pour souffrir qu'un geôlier les tienne prisonnières ;
Laissez-leur le champ libre, ou malheur aux barrières !
- Ah ! Rome, aux premiers jours de ton culte proscrit,
Tu disais n'opposer au glaive que l'esprit ;
N'as-tu donc triomphé que pour changer de rôle,
Et toi-même opposer le glaive à la parole ?
Antonia, fille de Galilée, voyant son père proscrit, lui dit :
Voici ton Antigone. Oui, mon amour pieux
Conduira le proscrit, vainqueur du sphinx des cieux.
Dirigeant ton bâton de vallée en vallée,
Je dirai : « Donnez-moi du pain pour Galilée,
Pour celui qui, privé d'un toit par des chrétiens,
Aurait eu des autels chez les peuples païens. »
Galilée sonda les profondeurs des cieux et révéla la pluralité des mondes matériels. Ce fut, comme nous l'avons dit, toute une révolution dans les idées ; un nouveau champ d'exploration fut ouvert à la science. Le Spiritisme vient en opérer une non moins grande en révélant l'existence du monde spirituel qui nous environne ; grâce à lui l'homme connaît son passé et sa véritable destinée. Galilée a renversé les barrières qui circonscrivaient l'univers : le Spiritisme le peuple et comble le vide des espaces infinis. Quoique plus de deux siècles nous séparent des découvertes de Galilée, bien des préjugés sont encore vivaces ; la nouvelle doctrine émancipatrice rencontre les mêmes obstacles ; on l'attaque avec les mêmes armes, on lui oppose les mêmes arguments. En lisant le drame de M. Ponsard, on pourrait mettre des noms propres modernes à chacun de ses personnages. Cependant le mauvais vouloir et la persécution n'ont pas empêché la doctrine de Galilée de triompher parce qu'elle était la vérité ; il en sera de même du Spiritisme, parce que c'est aussi une vérité. Ses détracteurs seront regardés, par la génération future, du même œil que nous regardons ceux de Galilée
[1] Copernic, astronome polonais, né à Thorn (États prussiens) en 1473, mort en 1543. - Galilée, né à Florence en 1564, condamné en 1633, mort aveugle en 1644. Le système de Copernic était déjà condamné par l'Église.
Lumen Par Camille Flammarion.
2e article. Voir le numéro de mars, page 93
Nous avons laissé Lumen dans Capella, occupé à considérer la terre qu'il venait de quitter. Ce monde étant situé à 170 trillions 392 milliards de lieues de la terre, et la lumière parcourant 70,000 lieues par seconde, celle-ci ne peut arriver de l'un à l'autre qu'en 71 ans 8 mois et 24 jours, soit environ 72 ans. Il en résulte que le rayon lumineux qui porte l'empreinte de l'image de la terre n'arrive aux habitants de Capella qu'au bout de 72 ans. Lumen étant mort en 1864, et portant sa vue sur Paris, le vit tel qu'il était 72 ans auparavant, c'est-à-dire en 93, année de sa naissance.
Il fut donc d'abord très surpris de le trouver tout différent de ce qu'il l'avait vu, de voir des ruelles, des couvents, des jardins, des champs à la place des avenues, des nouveaux boulevards, des gares de chemins de fer, etc. Il vit la place de la Concorde occupée par une foule immense, et fut témoin oculaire de l'avènement du 21 janvier. La théorie de la lumière lui donna la clef de cet étrange phénomène. Voici la solution de quelques-unes des difficultés qu'il soulève[1].
"Sitiens. Mais alors, si le passé peut se confondre ainsi dans le présent; si la réalité et la vision se marient de la sorte; si des personnages morts depuis longtemps peuvent encore être vus jouant sur la scène ; si les constructions nouvelles et les métamorphoses d'une ville comme Paris peuvent disparaître et laisser voir à leur place la cité d'autrefois; si enfin le présent peut s'évanouir pour la résurrection du passé, sur quelle certitude pouvons-nous désormais nous confier? Que deviennent la science et l'observation? Que deviennent les déductions et les théories? Sur quoi sont fondées nos connaissances qui nous paraissent les plus solides? Et si ces choses sont vraies, ne devons-nous pas désormais douter de tout ou croire à tout?"
"Lumen. Ces considérations et bien d'autres, mon ami, m'ont absorbé et tourmenté; mais elles n'ont pas empêché d'être la réalité que j'observais. Lorsque j'eus la certitude que nous avions présente sous les yeux l'année 1793, je songeai de suite que la science elle-même, au lieu de combattre cette réalité (car deux vérités ne peuvent être opposées l'une à l'autre), devait m'en donner l'explication. J'interrogeai donc la physique, et j'attendis sa réponse." (Suit la démonstration scientifique du phénomène.)
"Sitiens. Ainsi, le rayon lumineux est comme un courrier qui nous apporte des nouvelles de l'état du pays qui l'envoie, et qui, s'il met 72 ans à nous parvenir, nous donne l'état de ce pays au moment de son départ, c'est-à-dire près de 72 ans avant le moment où il nous arrive."
"Lumen. Vous avez deviné le mystère. Pour parler plus exactement encore, le rayon lumineux serait un courrier qui nous apporterait, non pas des nouvelles écrites, mais la photographie, ou plus rigoureusement encore l'aspect lui-même du pays d'où il est sorti. Lors donc que nous examinons au télescope la surface d'un astre, nous ne voyons pas encore cette surface telle qu'elle est au moment même où nous l'observons, mais telle qu'elle était au moment où la lumière qui nous en arrive fut émise par cette surface."
"Sitiens. De sorte que si une étoile dont la lumière met, je suppose, dix ans à nous parvenir, était subitement anéantie aujourd'hui, nous la verrions encore pendant dix ans, puisque son dernier rayon ne nous arriverait que dans dix ans."
"Lumen. C'est précisément cela. Il y a donc là une surprenante transformation du passé au présent. Pour l'astre observé, c'est le passé, déjà disparu ; pour l'observateur c'est le présent, l'actuel. Le passé de l'astre est rigoureusement et positivement le présent de l'observateur."
Lumen se voit lui-même plus tard, enfant, à l'âge de six ans, jouant et se disputant avec une troupe d'autres enfants sur la place du Panthéon.
"Sitiens. Je vous avoue qu'il me paraît impossible que l'on puisse se voir ainsi soi-même. Vous ne pouvez être deux personnes. Puisque vous aviez 72 ans quand vous êtes mort, votre état d'enfance était passé, disparu, évanoui depuis longtemps. Vous ne pouvez voir une chose qui n'est plus. On ne peut se voir en double, enfant et vieillard."
"Lumen. Vous ne réfléchissez pas assez, mon ami. Vous avez assez bien compris le fait général pour l'admettre ; mais vous n'avez pas suffisamment observé que ce dernier fait particulier rentre absolument dans le premier. Vous admettez que l'aspect de la terre emploie 72 ans à venir à moi, n'est-ce pas? que les événements ne m'arrivent qu'à cet intervalle de temps après leur actualité? En un mot, que je vois le monde tel qu'il était à cette époque. Vous admettez pareillement que voyant les rues de cette époque, je vois en même temps les enfants qui couraient dans ces rues? Eh bien! puisque je vois cette troupe d'enfants ; et que je faisais alors partie de cette troupe, pourquoi voulez-vous que je ne me voie pas aussi bien que je vois les autres?"
"Sitiens. Mais vous n'y êtes plus, dans cette troupe?"
"Lumen. Encore une fois, cette troupe elle-même n'existe plus maintenant, mais je la vois telle qu'elle existait à l'instant où est parti le rayon lumineux qui m'arrive aujourd'hui, et puisque je distingue les quinze ou dix-huit enfants qui la composaient, il n'y a pas de raison pour que l'enfant qui était moi disparaisse, parce que c'est moi qui le regarde. D'autres observateurs le verraient en compagnie de ses camarades. Pourquoi voulez-vous qu'il y ait exception quand c'est moi qui regarde? Je les vois tous, et je me vois avec eux."
Lumen passe en revue la série des principaux événements politiques arrivés depuis 1793 jusqu'en 1864, où il se voit lui-même sur son lit de mort.
"Sitiens. Est-ce que ces événements passèrent rapidement sous vos regards?"
"Lumen. Je ne saurais apprécier la mesure du temps ; mais tout ce panorama rétrospectif se succéda certainement en moins d'un jour… en quelques heures peut-être."
"Sitiens. Alors je ne comprends plus. Si 72 années terrestres ont passé sous vos yeux, elles auraient dû mettre exactement 72 ans à vous apparaître, et non quelques heures. Si l'année 1793 vous apparaissait seulement en 1864, l'année 1864, en retour, ne devrait par conséquent vous apparaître qu'en 1936."
"Lumen. Votre objection est fondée, et me prouve que vous avez bien compris la théorie du fait. Aussi vais-je vous expliquer comment il ne me fut pas nécessaire d'attendre 72 nouvelles années pour revoir ma vie, et comment, sous l'impulsion d'une force inconsciente, je l'ai effectivement revue en moins d'un jour."
"Continuant de suivre mon existence, j'arrivai aux dernières années remarquables par la transformation radicale que Paris a subie ; je vis mes derniers amis et vous-même ; ma famille et mon cercle de connaissances ; et enfin le moment arriva où je me vis couché sur mon lit de mort et où j'assistai à la dernière scène."
Nous avons laissé Lumen dans Capella, occupé à considérer la terre qu'il venait de quitter. Ce monde étant situé à 170 trillions 392 milliards de lieues de la terre, et la lumière parcourant 70,000 lieues par seconde, celle-ci ne peut arriver de l'un à l'autre qu'en 71 ans 8 mois et 24 jours, soit environ 72 ans. Il en résulte que le rayon lumineux qui porte l'empreinte de l'image de la terre n'arrive aux habitants de Capella qu'au bout de 72 ans. Lumen étant mort en 1864, et portant sa vue sur Paris, le vit tel qu'il était 72 ans auparavant, c'est-à-dire en 93, année de sa naissance.
Il fut donc d'abord très surpris de le trouver tout différent de ce qu'il l'avait vu, de voir des ruelles, des couvents, des jardins, des champs à la place des avenues, des nouveaux boulevards, des gares de chemins de fer, etc. Il vit la place de la Concorde occupée par une foule immense, et fut témoin oculaire de l'avènement du 21 janvier. La théorie de la lumière lui donna la clef de cet étrange phénomène. Voici la solution de quelques-unes des difficultés qu'il soulève[1].
"Sitiens. Mais alors, si le passé peut se confondre ainsi dans le présent; si la réalité et la vision se marient de la sorte; si des personnages morts depuis longtemps peuvent encore être vus jouant sur la scène ; si les constructions nouvelles et les métamorphoses d'une ville comme Paris peuvent disparaître et laisser voir à leur place la cité d'autrefois; si enfin le présent peut s'évanouir pour la résurrection du passé, sur quelle certitude pouvons-nous désormais nous confier? Que deviennent la science et l'observation? Que deviennent les déductions et les théories? Sur quoi sont fondées nos connaissances qui nous paraissent les plus solides? Et si ces choses sont vraies, ne devons-nous pas désormais douter de tout ou croire à tout?"
"Lumen. Ces considérations et bien d'autres, mon ami, m'ont absorbé et tourmenté; mais elles n'ont pas empêché d'être la réalité que j'observais. Lorsque j'eus la certitude que nous avions présente sous les yeux l'année 1793, je songeai de suite que la science elle-même, au lieu de combattre cette réalité (car deux vérités ne peuvent être opposées l'une à l'autre), devait m'en donner l'explication. J'interrogeai donc la physique, et j'attendis sa réponse." (Suit la démonstration scientifique du phénomène.)
"Sitiens. Ainsi, le rayon lumineux est comme un courrier qui nous apporte des nouvelles de l'état du pays qui l'envoie, et qui, s'il met 72 ans à nous parvenir, nous donne l'état de ce pays au moment de son départ, c'est-à-dire près de 72 ans avant le moment où il nous arrive."
"Lumen. Vous avez deviné le mystère. Pour parler plus exactement encore, le rayon lumineux serait un courrier qui nous apporterait, non pas des nouvelles écrites, mais la photographie, ou plus rigoureusement encore l'aspect lui-même du pays d'où il est sorti. Lors donc que nous examinons au télescope la surface d'un astre, nous ne voyons pas encore cette surface telle qu'elle est au moment même où nous l'observons, mais telle qu'elle était au moment où la lumière qui nous en arrive fut émise par cette surface."
"Sitiens. De sorte que si une étoile dont la lumière met, je suppose, dix ans à nous parvenir, était subitement anéantie aujourd'hui, nous la verrions encore pendant dix ans, puisque son dernier rayon ne nous arriverait que dans dix ans."
"Lumen. C'est précisément cela. Il y a donc là une surprenante transformation du passé au présent. Pour l'astre observé, c'est le passé, déjà disparu ; pour l'observateur c'est le présent, l'actuel. Le passé de l'astre est rigoureusement et positivement le présent de l'observateur."
Lumen se voit lui-même plus tard, enfant, à l'âge de six ans, jouant et se disputant avec une troupe d'autres enfants sur la place du Panthéon.
"Sitiens. Je vous avoue qu'il me paraît impossible que l'on puisse se voir ainsi soi-même. Vous ne pouvez être deux personnes. Puisque vous aviez 72 ans quand vous êtes mort, votre état d'enfance était passé, disparu, évanoui depuis longtemps. Vous ne pouvez voir une chose qui n'est plus. On ne peut se voir en double, enfant et vieillard."
"Lumen. Vous ne réfléchissez pas assez, mon ami. Vous avez assez bien compris le fait général pour l'admettre ; mais vous n'avez pas suffisamment observé que ce dernier fait particulier rentre absolument dans le premier. Vous admettez que l'aspect de la terre emploie 72 ans à venir à moi, n'est-ce pas? que les événements ne m'arrivent qu'à cet intervalle de temps après leur actualité? En un mot, que je vois le monde tel qu'il était à cette époque. Vous admettez pareillement que voyant les rues de cette époque, je vois en même temps les enfants qui couraient dans ces rues? Eh bien! puisque je vois cette troupe d'enfants ; et que je faisais alors partie de cette troupe, pourquoi voulez-vous que je ne me voie pas aussi bien que je vois les autres?"
"Sitiens. Mais vous n'y êtes plus, dans cette troupe?"
"Lumen. Encore une fois, cette troupe elle-même n'existe plus maintenant, mais je la vois telle qu'elle existait à l'instant où est parti le rayon lumineux qui m'arrive aujourd'hui, et puisque je distingue les quinze ou dix-huit enfants qui la composaient, il n'y a pas de raison pour que l'enfant qui était moi disparaisse, parce que c'est moi qui le regarde. D'autres observateurs le verraient en compagnie de ses camarades. Pourquoi voulez-vous qu'il y ait exception quand c'est moi qui regarde? Je les vois tous, et je me vois avec eux."
Lumen passe en revue la série des principaux événements politiques arrivés depuis 1793 jusqu'en 1864, où il se voit lui-même sur son lit de mort.
"Sitiens. Est-ce que ces événements passèrent rapidement sous vos regards?"
"Lumen. Je ne saurais apprécier la mesure du temps ; mais tout ce panorama rétrospectif se succéda certainement en moins d'un jour… en quelques heures peut-être."
"Sitiens. Alors je ne comprends plus. Si 72 années terrestres ont passé sous vos yeux, elles auraient dû mettre exactement 72 ans à vous apparaître, et non quelques heures. Si l'année 1793 vous apparaissait seulement en 1864, l'année 1864, en retour, ne devrait par conséquent vous apparaître qu'en 1936."
"Lumen. Votre objection est fondée, et me prouve que vous avez bien compris la théorie du fait. Aussi vais-je vous expliquer comment il ne me fut pas nécessaire d'attendre 72 nouvelles années pour revoir ma vie, et comment, sous l'impulsion d'une force inconsciente, je l'ai effectivement revue en moins d'un jour."
"Continuant de suivre mon existence, j'arrivai aux dernières années remarquables par la transformation radicale que Paris a subie ; je vis mes derniers amis et vous-même ; ma famille et mon cercle de connaissances ; et enfin le moment arriva où je me vis couché sur mon lit de mort et où j'assistai à la dernière scène."
"C'est vous dire que j'étais revenu sur la terre."
"Attirée par la contemplation qui l'absorbait, mon âme avait vite oublié la montagne des vieillards et Capella. Comme on le ressent parfois en rêve, elle s'envolait vers le but de ses regards. Je ne m'en aperçus pas d'abord, tant l'étrange vision captivait toutes mes facultés. Je ne puis vous dire ni par quelle loi, ni par quelle puissance les âmes peuvent se transporter aussi rapidement d'un lieu à un autre ; mais la vérité est que j'étais revenu à la terre, en moins d'un jour, et que je pénétrais dans ma chambre au moment même de mon ensevelissement."
"Puisque, dans ce voyage de retour, j'allais au devant des rayons lumineux, je raccourcissais sans cesse la distance qui me séparait de la terre, la lumière avait de moins en moins de chemin à parcourir, et resserrait ainsi la succession des événements. Au milieu du chemin m'arrivant de 36 ans seulement, ils ne me montraient plus la terre de 72 ans auparavant, mais de 36. Aux trois quarts du chemin, les aspects n'étaient plus en retard que de 18 ans. A la moitié du dernier quart, ils m'arrivaient seulement 9 ans après s'être passés, et ainsi de suite ; de sorte que la série entière de mon existence se trouva condensée en moins d'un jour par suite du retour rapide de mon âme, allant au-devant des rayons lumineux."
Lorsque Lumen arriva dans Capella, il vit un groupe de vieillards occupés à considérer la terre, et dissertant sur l'événement de 93; l'un d'eux dit à ses compagnons:
"«A genoux! mes frères; demandons l'indulgence au Dieu universel. Ce monde, cette nation, cette cité s'est souillée d'un grand crime; la tête d'un roi innocent vient de tomber.»"
"Attirée par la contemplation qui l'absorbait, mon âme avait vite oublié la montagne des vieillards et Capella. Comme on le ressent parfois en rêve, elle s'envolait vers le but de ses regards. Je ne m'en aperçus pas d'abord, tant l'étrange vision captivait toutes mes facultés. Je ne puis vous dire ni par quelle loi, ni par quelle puissance les âmes peuvent se transporter aussi rapidement d'un lieu à un autre ; mais la vérité est que j'étais revenu à la terre, en moins d'un jour, et que je pénétrais dans ma chambre au moment même de mon ensevelissement."
"Puisque, dans ce voyage de retour, j'allais au devant des rayons lumineux, je raccourcissais sans cesse la distance qui me séparait de la terre, la lumière avait de moins en moins de chemin à parcourir, et resserrait ainsi la succession des événements. Au milieu du chemin m'arrivant de 36 ans seulement, ils ne me montraient plus la terre de 72 ans auparavant, mais de 36. Aux trois quarts du chemin, les aspects n'étaient plus en retard que de 18 ans. A la moitié du dernier quart, ils m'arrivaient seulement 9 ans après s'être passés, et ainsi de suite ; de sorte que la série entière de mon existence se trouva condensée en moins d'un jour par suite du retour rapide de mon âme, allant au-devant des rayons lumineux."
Lorsque Lumen arriva dans Capella, il vit un groupe de vieillards occupés à considérer la terre, et dissertant sur l'événement de 93; l'un d'eux dit à ses compagnons:
"«A genoux! mes frères; demandons l'indulgence au Dieu universel. Ce monde, cette nation, cette cité s'est souillée d'un grand crime; la tête d'un roi innocent vient de tomber.»"
"Je m'approchai de l'ancien, dit Lumen, et lui demandai de me faire le récit de ses observations."
"Il m'apprit que, par l'intuition dont sont doués les Esprits du degré de ceux qui habitent ce monde, et par la faculté intime d'aperception qu'ils ont reçue en partage, ils possèdent une sorte de relation magnétique avec les étoiles avoisinantes. Ces étoiles sont au nombre de douze ou quinze; ce sont les plus rapprochées; hors de cette région l'aperception devient confuse. Notre soleil est l'une de ces étoiles voisines[2]. Ils connaissent donc, vaguement mais sensiblement, l'état des humanités qui habitent les planètes dépendantes de ce soleil, et leur degré relatif d'élévation intellectuelle et morale."
"De plus, lorsqu'une grande perturbation traverse l'une de ces humanités, soit dans l'ordre physique, soit dans l'ordre moral, ils en subissent une sorte de commotion intime, comme on voit une corde vibrante faire entrer en vibration une autre corde située à distance."
"Depuis un an (l'année de ce monde est égale à dix des nôtres), ils s'étaient sentis attirés par une émotion particulière vers la planète terrestre ; et les observateurs avaient suivi avec intérêt et inquiétude la marche de ce monde."
On serait dans l'erreur si l'on induisait de ce qui précède que les habitants des différentes sphères portent, du point où ils sont, un regard investigateur sur ce qui se passe dans les autres mondes, et que les événements qui s'y accomplissent passent sous leurs yeux comme dans le champ d'une lunette. Chaque monde d'ailleurs, a ses préoccupations spéciales qui captivent l'attention de ses habitants, selon leurs besoins propres, leurs mœurs toutes différentes, et leur degré d'avancement. Lorsque les Esprits incarnés dans une planète ont des motifs personnels de s'intéresser à ce qui se passe dans un autre monde, ou à quelques-uns de ceux qui l'habitent, leur âme s'y transporte, comme le fit celle de Lumen, à l'état de dégagement, et alors ils redeviennent momentanément, pour ainsi dire habitants spirituels de ce monde, ou bien ils s'y incarnent en mission. Voilà, du moins, ce qui résulte de l'enseignement des Esprits.
Cette dernière partie du récit de Lumen manque donc d'exactitude ; mais il ne faut pas perdre de vue que cette histoire n'est qu'une hypothèse destinée à rendre plus accessibles à l'intelligence, et en quelque sorte palpables par la mise en action, la démonstration d'une théorie scientifique, ainsi que nous l'avons fait observer dans notre précédent article.
Nous appelons l'attention sur le paragraphe ci-dessus où il est dit que: "Les grandes perturbations physiques et morales d'un monde produisent sur les mondes voisins une sorte de commotion intime, comme une corde vibrante fait vibrer une autre corde placée à distance." L'auteur, qui en matière de science ne parle pas à la légère, énonce là un principe qui pourrait bien un jour être converti en loi. Déjà la science admet, comme résultat d'observation, l'action réciproque matérielle des astres. Si, comme on commence à le soupçonner, cette action, augmentée par le fait de certaines circonstances, peut occasionner des perturbations et des cataclysmes, il n'y aurait rien d'impossible à ce que ces mêmes perturbations eussent leur contrecoup. Jusqu'à présent la science n'a considéré que le principe matériel; mais si l'on tient compte du principe spirituel comme élément actif de l'univers, et si l'on songe que ce principe est tout aussi général et tout aussi essentiel que le principe matériel, on conçoit qu'une grande effervescence de cet élément et les modifications qu'il subit sur un point donné puissent avoir leur réaction, par suite de la corrélation nécessaire qui existe entre la matière et l'esprit. Il y a certainement dans cette idée le germe d'un principe fécond et d'une étude sérieuse dont le Spiritisme ouvre la voie.
[1] D'après le calcul, et en raison de la distance du soleil qui est de 38 millions 230 mille lieues, de 4 kilomètres, la lumière de cet astre nous arrive en 8 minutes 13 secondes. Il en résulte qu'un phénomène qui se passerait à sa surface ne nous apparaîtrait que 8 m. 13 s. plus tard, et que si le phénomène était instantané il n'existerait déjà plus lorsque nous le verrions. La distance de la lune n'étant que de 85 mille lieues, sa lumière nous arrive à peu près en une seconde, et un quart, les perturbations qui pourraient s'y produire nous apparaîtraient, par conséquent, à peu de chose près au moment où elles ont lieu. Si Lumen se fût trouvé dans la lune, il aurait vu le Paris de 1864 et non de 93; s'il eût été dans un monde deux fois plus éloigné que Capella, il aurait vu la Régence.
[2] 170 trillions, 392 milliards de lieues! Par la distance qui sépare les étoiles voisines on peut juger de l'étendue occupée par l'ensemble de celles qui nous paraissent cependant à la vue si près les unes des autres, sans compter le nombre infiniment plus grand de celles qui ne sont perceptibles qu'à l'aide du télescope, et qui ne sont elles-mêmes qu'une infime fraction de celles qui, perdues dans les profondeurs de l'infini, échappent à tous nos moyens d'investigation. Si l'on considère que chaque étoile est un soleil, centre d'un tourbillon planétaire, on comprendra que notre propre tourbillon n'est qu'un point dans cette immensité. Qu'est donc notre globe de 3,000 lieues de diamètre parmi ces milliards de mondes? Que sont ses habitants qui ont cru longtemps leur petit monde le point central de l'univers, et se sont crus eux-mêmes les seuls êtres vivants de la création, concentrant en eux seuls les préoccupations et la sollicitude de l'Éternel, et croyant de bonne foi que le spectacle des cieux n'était fait que pour récréer leur vue? Tout ce système égoïste et mesquin, qui a fait pendant de longs siècles le fondement de la foi religieuse, s'est écroulé devant les découvertes de Galilée.
"Il m'apprit que, par l'intuition dont sont doués les Esprits du degré de ceux qui habitent ce monde, et par la faculté intime d'aperception qu'ils ont reçue en partage, ils possèdent une sorte de relation magnétique avec les étoiles avoisinantes. Ces étoiles sont au nombre de douze ou quinze; ce sont les plus rapprochées; hors de cette région l'aperception devient confuse. Notre soleil est l'une de ces étoiles voisines[2]. Ils connaissent donc, vaguement mais sensiblement, l'état des humanités qui habitent les planètes dépendantes de ce soleil, et leur degré relatif d'élévation intellectuelle et morale."
"De plus, lorsqu'une grande perturbation traverse l'une de ces humanités, soit dans l'ordre physique, soit dans l'ordre moral, ils en subissent une sorte de commotion intime, comme on voit une corde vibrante faire entrer en vibration une autre corde située à distance."
"Depuis un an (l'année de ce monde est égale à dix des nôtres), ils s'étaient sentis attirés par une émotion particulière vers la planète terrestre ; et les observateurs avaient suivi avec intérêt et inquiétude la marche de ce monde."
On serait dans l'erreur si l'on induisait de ce qui précède que les habitants des différentes sphères portent, du point où ils sont, un regard investigateur sur ce qui se passe dans les autres mondes, et que les événements qui s'y accomplissent passent sous leurs yeux comme dans le champ d'une lunette. Chaque monde d'ailleurs, a ses préoccupations spéciales qui captivent l'attention de ses habitants, selon leurs besoins propres, leurs mœurs toutes différentes, et leur degré d'avancement. Lorsque les Esprits incarnés dans une planète ont des motifs personnels de s'intéresser à ce qui se passe dans un autre monde, ou à quelques-uns de ceux qui l'habitent, leur âme s'y transporte, comme le fit celle de Lumen, à l'état de dégagement, et alors ils redeviennent momentanément, pour ainsi dire habitants spirituels de ce monde, ou bien ils s'y incarnent en mission. Voilà, du moins, ce qui résulte de l'enseignement des Esprits.
Cette dernière partie du récit de Lumen manque donc d'exactitude ; mais il ne faut pas perdre de vue que cette histoire n'est qu'une hypothèse destinée à rendre plus accessibles à l'intelligence, et en quelque sorte palpables par la mise en action, la démonstration d'une théorie scientifique, ainsi que nous l'avons fait observer dans notre précédent article.
Nous appelons l'attention sur le paragraphe ci-dessus où il est dit que: "Les grandes perturbations physiques et morales d'un monde produisent sur les mondes voisins une sorte de commotion intime, comme une corde vibrante fait vibrer une autre corde placée à distance." L'auteur, qui en matière de science ne parle pas à la légère, énonce là un principe qui pourrait bien un jour être converti en loi. Déjà la science admet, comme résultat d'observation, l'action réciproque matérielle des astres. Si, comme on commence à le soupçonner, cette action, augmentée par le fait de certaines circonstances, peut occasionner des perturbations et des cataclysmes, il n'y aurait rien d'impossible à ce que ces mêmes perturbations eussent leur contrecoup. Jusqu'à présent la science n'a considéré que le principe matériel; mais si l'on tient compte du principe spirituel comme élément actif de l'univers, et si l'on songe que ce principe est tout aussi général et tout aussi essentiel que le principe matériel, on conçoit qu'une grande effervescence de cet élément et les modifications qu'il subit sur un point donné puissent avoir leur réaction, par suite de la corrélation nécessaire qui existe entre la matière et l'esprit. Il y a certainement dans cette idée le germe d'un principe fécond et d'une étude sérieuse dont le Spiritisme ouvre la voie.
[1] D'après le calcul, et en raison de la distance du soleil qui est de 38 millions 230 mille lieues, de 4 kilomètres, la lumière de cet astre nous arrive en 8 minutes 13 secondes. Il en résulte qu'un phénomène qui se passerait à sa surface ne nous apparaîtrait que 8 m. 13 s. plus tard, et que si le phénomène était instantané il n'existerait déjà plus lorsque nous le verrions. La distance de la lune n'étant que de 85 mille lieues, sa lumière nous arrive à peu près en une seconde, et un quart, les perturbations qui pourraient s'y produire nous apparaîtraient, par conséquent, à peu de chose près au moment où elles ont lieu. Si Lumen se fût trouvé dans la lune, il aurait vu le Paris de 1864 et non de 93; s'il eût été dans un monde deux fois plus éloigné que Capella, il aurait vu la Régence.
[2] 170 trillions, 392 milliards de lieues! Par la distance qui sépare les étoiles voisines on peut juger de l'étendue occupée par l'ensemble de celles qui nous paraissent cependant à la vue si près les unes des autres, sans compter le nombre infiniment plus grand de celles qui ne sont perceptibles qu'à l'aide du télescope, et qui ne sont elles-mêmes qu'une infime fraction de celles qui, perdues dans les profondeurs de l'infini, échappent à tous nos moyens d'investigation. Si l'on considère que chaque étoile est un soleil, centre d'un tourbillon planétaire, on comprendra que notre propre tourbillon n'est qu'un point dans cette immensité. Qu'est donc notre globe de 3,000 lieues de diamètre parmi ces milliards de mondes? Que sont ses habitants qui ont cru longtemps leur petit monde le point central de l'univers, et se sont crus eux-mêmes les seuls êtres vivants de la création, concentrant en eux seuls les préoccupations et la sollicitude de l'Éternel, et croyant de bonne foi que le spectacle des cieux n'était fait que pour récréer leur vue? Tout ce système égoïste et mesquin, qui a fait pendant de longs siècles le fondement de la foi religieuse, s'est écroulé devant les découvertes de Galilée.
Dissertations spirites
La vie spirituelleLa vie spirituelle
Groupe Lampérière, 9 janvier 1867. Médium, M. Delanne
Je suis là, bienheureux de venir vous saluer, vous encourager et vous dire :
Frères, Dieu vous comble de ses bienfaits, en vous permettant en ces temps d'incrédulité, de respirer à pleins poumons l'air de la vie spirituelle qui souffle avec vigueur à travers les masses compactes.
Croyez votre ancien sociétaire, croyez votre ami intime, votre frère par le cœur, la pensée, la foi ; croyez aux vérités enseignées : elles sont aussi sûres que logiques ; croyez en moi qui, il y a quelques jours, me contentais comme vous de croire et d'espérer, tandis qu'aujourd'hui la douce fiction est pour moi une immense et profonde vérité. Je touche, je vois, je suis, je possède, donc cela est ; J'analyse mes impressions d'aujourd'hui et les compare avec celles toutes fraîches encore de la veille.
Non seulement, il m'est permis de comparer, de synthétiser, de peser mes actions, mes pensées, mes réflexions, de les juger par le critérium de mon bon sens, mais je les vois, je les sens, je suis témoin oculaire, je suis la chose réalisée ; ce ne sont plus de consolantes hypothèses, des rêves dorés, des espérances, c'est plus qu'une certitude morale : c'est le fait réel, palpable, le fait matériel que l'on touche, qui vous saisit sous sa forme tangible, et qui nous dit : cela est.
Ici tout respire le calme, la sagesse, le bonheur ; tout est harmonie, tout dit : Voilà le summum du sens intime ; plus de chimères, de fausses joies, plus de craintes puériles, plus de fausse honte, plus de doutes, plus d'angoisses, plus de parjures, rien de ce vilain cortège de fabuleuses douleurs, de grossières erreurs, comme on en voit journellement sur la terre.
Ici on est pénétré d'une quiétude ineffable ; on admire, on prie, on adore, on rend des actions de grâce au sublime auteur de tant de bienfaits, on étudie, et l'on entrevoit toutes les puissances infinies ; on voit le mouvement des lois qui régissent la nature. Chaque œuvre a un but qui conduit à l'amour, diapason de l'harmonie générale. On voit le progrès présider à toutes les transformations physiques et morales, car le progrès est infini comme Dieu qui l'a créé. Tout est compréhensible ; tout est net, précis ; plus d'abstractions : on touche du doigt et de la raison le pourquoi des choses humaines. Les légions spirituelles avancées n'ont qu'un but, celui de devenir utiles à leurs frères arriérés pour les élever vers elles.
Travaillez donc sans cesse, suivant vos forces, mes bons frères, à vous améliorer, à être utiles à vos semblables ; non-seulement vous ferez faire un pas à la doctrine qui fait votre joie, mais vous aurez puissamment contribué au progrès de votre planète ; à l'exemple du grand législateur chrétien, vous serez hommes, hommes d'amour, et vous concourrez à implanter le règne de Dieu sur la terre.
Celui qui est encore et plus que jamais votre condisciple.
Leclerc.
Remarque. Tel est, en effet, le caractère de la vie spirituelle ; mais ce serait une erreur de croire qu'il suffit d'être Esprit pour l'envisager à ce point de vue. Il en est du monde spirituel comme du monde corporel : pour apprécier les choses d'un ordre élevé, il faut un développement intellectuel et moral qui n'est le propre que des Esprits avancés ; les Esprits arriérés sont étrangers à ce qui se passe dans les hautes sphères spirituelles, comme ils l'étaient sur la terre à ce qui fait l'admiration des hommes éclairés, parce ce qu'ils ne peuvent le comprendre ; leur pensée circonscrite dans un horizon borné, ne pouvant embrasser l'infini, ils ne peuvent avoir les jouissances qui résultent de l'élargissement de la sphère d'activité spirituelle. La somme du bonheur, dans le monde des Esprits, y est donc, par la force même des choses, en raison du développement du sens moral ; d'où il résulte qu'en travaillant ici-bas à notre amélioration et à notre instruction, nous augmentons les sources de félicité pour la vie future. Pour le matérialiste, le travail n'a qu'un résultat borné à la vie présente qui peut finir d'un instant à l'autre ; le Spirite, au contraire, sait que rien de ce qu'il acquiert, même à la dernière heure, n'est en pure perte, et que tout progrès accompli lui sera profitable.
Les profondes considérations de notre ancien collègue, M. Leclerc, sur la vie spirituelle, sont donc une preuve de son avancement dans la hiérarchie des Esprits, et nous l'en félicitons.
Je suis là, bienheureux de venir vous saluer, vous encourager et vous dire :
Frères, Dieu vous comble de ses bienfaits, en vous permettant en ces temps d'incrédulité, de respirer à pleins poumons l'air de la vie spirituelle qui souffle avec vigueur à travers les masses compactes.
Croyez votre ancien sociétaire, croyez votre ami intime, votre frère par le cœur, la pensée, la foi ; croyez aux vérités enseignées : elles sont aussi sûres que logiques ; croyez en moi qui, il y a quelques jours, me contentais comme vous de croire et d'espérer, tandis qu'aujourd'hui la douce fiction est pour moi une immense et profonde vérité. Je touche, je vois, je suis, je possède, donc cela est ; J'analyse mes impressions d'aujourd'hui et les compare avec celles toutes fraîches encore de la veille.
Non seulement, il m'est permis de comparer, de synthétiser, de peser mes actions, mes pensées, mes réflexions, de les juger par le critérium de mon bon sens, mais je les vois, je les sens, je suis témoin oculaire, je suis la chose réalisée ; ce ne sont plus de consolantes hypothèses, des rêves dorés, des espérances, c'est plus qu'une certitude morale : c'est le fait réel, palpable, le fait matériel que l'on touche, qui vous saisit sous sa forme tangible, et qui nous dit : cela est.
Ici tout respire le calme, la sagesse, le bonheur ; tout est harmonie, tout dit : Voilà le summum du sens intime ; plus de chimères, de fausses joies, plus de craintes puériles, plus de fausse honte, plus de doutes, plus d'angoisses, plus de parjures, rien de ce vilain cortège de fabuleuses douleurs, de grossières erreurs, comme on en voit journellement sur la terre.
Ici on est pénétré d'une quiétude ineffable ; on admire, on prie, on adore, on rend des actions de grâce au sublime auteur de tant de bienfaits, on étudie, et l'on entrevoit toutes les puissances infinies ; on voit le mouvement des lois qui régissent la nature. Chaque œuvre a un but qui conduit à l'amour, diapason de l'harmonie générale. On voit le progrès présider à toutes les transformations physiques et morales, car le progrès est infini comme Dieu qui l'a créé. Tout est compréhensible ; tout est net, précis ; plus d'abstractions : on touche du doigt et de la raison le pourquoi des choses humaines. Les légions spirituelles avancées n'ont qu'un but, celui de devenir utiles à leurs frères arriérés pour les élever vers elles.
Travaillez donc sans cesse, suivant vos forces, mes bons frères, à vous améliorer, à être utiles à vos semblables ; non-seulement vous ferez faire un pas à la doctrine qui fait votre joie, mais vous aurez puissamment contribué au progrès de votre planète ; à l'exemple du grand législateur chrétien, vous serez hommes, hommes d'amour, et vous concourrez à implanter le règne de Dieu sur la terre.
Celui qui est encore et plus que jamais votre condisciple.
Leclerc.
Remarque. Tel est, en effet, le caractère de la vie spirituelle ; mais ce serait une erreur de croire qu'il suffit d'être Esprit pour l'envisager à ce point de vue. Il en est du monde spirituel comme du monde corporel : pour apprécier les choses d'un ordre élevé, il faut un développement intellectuel et moral qui n'est le propre que des Esprits avancés ; les Esprits arriérés sont étrangers à ce qui se passe dans les hautes sphères spirituelles, comme ils l'étaient sur la terre à ce qui fait l'admiration des hommes éclairés, parce ce qu'ils ne peuvent le comprendre ; leur pensée circonscrite dans un horizon borné, ne pouvant embrasser l'infini, ils ne peuvent avoir les jouissances qui résultent de l'élargissement de la sphère d'activité spirituelle. La somme du bonheur, dans le monde des Esprits, y est donc, par la force même des choses, en raison du développement du sens moral ; d'où il résulte qu'en travaillant ici-bas à notre amélioration et à notre instruction, nous augmentons les sources de félicité pour la vie future. Pour le matérialiste, le travail n'a qu'un résultat borné à la vie présente qui peut finir d'un instant à l'autre ; le Spirite, au contraire, sait que rien de ce qu'il acquiert, même à la dernière heure, n'est en pure perte, et que tout progrès accompli lui sera profitable.
Les profondes considérations de notre ancien collègue, M. Leclerc, sur la vie spirituelle, sont donc une preuve de son avancement dans la hiérarchie des Esprits, et nous l'en félicitons.
Épreuves terrestres des hommes en mission
Douay, 8 mars 1867. Médium Madame M…
… Il faut, mes enfants, que le sang épure la terre ; terrible lutte, plus horrible encore par la splendeur de la civilisation au milieu de laquelle elle éclate. Quoi, Seigneur ! lorsque tout se prépare pour resserrer les liens des peuples d'un bout du monde à l'autre ! lorsque dans l'aurore de la fraternité matérielle on voit les lignes de démarcation de races, de coutumes, de langage tendre à l'unité, la guerre arrive, la guerre et son cortège de ruines, d'incendies, de divisions profondes, de haines religieuses ; oui, tout cela parce que rien, dans nos progrès, n'a été suivant l'Esprit de Dieu ; parce que vos liens n'ont été serrés ni par la bonté, ni par la loyauté, mais par l'intérêt seul ; parce que ce n'est point la vraie charité qui impose silence aux haines religieuses, mais l'indifférence ; parce que les barrières n'ont point été abaissées à vos frontières par l'amour de tous, mais par les calculs mercantiles ; enfin, parce que les vues sont humaines et instinctives et non spirituelles et charitables ; parce que les gouvernants ne cherchent que leurs profits et que chacun parmi les peuples en fait autant.
Sublime désintéressement de Jésus et de ses apôtres, où es-tu ? – Vous êtes attristés, mes enfants, en pensant quelquefois à la rude mission de ces Esprits sublimes qui viennent relever le courage de l'humanité et mourir à la tâche après avoir vidé jusqu'à la lie la coupe des ingratitudes humaines. Vous gémissez de voir que le Seigneur, qui les envoya, semble les abandonner au moment où sa protection paraît le plus nécessaire ; ne vous a-t-on point parlé des épreuves que subissent les Esprits élevés au moment de franchir un degré plus haut dans l'initiative spirituelle ? Ne vous a-t-on pas dit que chaque grade de la hiérarchie céleste s'achète par le mérite, par le dévouement, comme chez vous, dans l'armée, par le sang répandu et par les services accomplis ? Eh bien ! c'est le cas où se trouvent les Messies sur cette terre de douleurs ; ils sont soutenus tant que dure leur œuvre humanitaire, tant qu'ils travaillent pour l'homme et pour Dieu, mais, lorsque eux seuls sont en jeu, lorsque leur épreuve devient individuelle, le secours visible s'éloigne, la lutte se montre âpre et rude comme l'homme doit la subir.
Voilà l'explication de cet abandon apparent qui vous afflige dans la vie des missionnaires de tous grades de votre humanité. Ne pensez pas que Dieu abandonne jamais sa créature par caprice ou impuissance ; non, mais dans l'intérêt de son avancement il la laisse à ses propres forces, à l'usage entier de son libre arbitre.
Curé d'Ars.
… Il faut, mes enfants, que le sang épure la terre ; terrible lutte, plus horrible encore par la splendeur de la civilisation au milieu de laquelle elle éclate. Quoi, Seigneur ! lorsque tout se prépare pour resserrer les liens des peuples d'un bout du monde à l'autre ! lorsque dans l'aurore de la fraternité matérielle on voit les lignes de démarcation de races, de coutumes, de langage tendre à l'unité, la guerre arrive, la guerre et son cortège de ruines, d'incendies, de divisions profondes, de haines religieuses ; oui, tout cela parce que rien, dans nos progrès, n'a été suivant l'Esprit de Dieu ; parce que vos liens n'ont été serrés ni par la bonté, ni par la loyauté, mais par l'intérêt seul ; parce que ce n'est point la vraie charité qui impose silence aux haines religieuses, mais l'indifférence ; parce que les barrières n'ont point été abaissées à vos frontières par l'amour de tous, mais par les calculs mercantiles ; enfin, parce que les vues sont humaines et instinctives et non spirituelles et charitables ; parce que les gouvernants ne cherchent que leurs profits et que chacun parmi les peuples en fait autant.
Sublime désintéressement de Jésus et de ses apôtres, où es-tu ? – Vous êtes attristés, mes enfants, en pensant quelquefois à la rude mission de ces Esprits sublimes qui viennent relever le courage de l'humanité et mourir à la tâche après avoir vidé jusqu'à la lie la coupe des ingratitudes humaines. Vous gémissez de voir que le Seigneur, qui les envoya, semble les abandonner au moment où sa protection paraît le plus nécessaire ; ne vous a-t-on point parlé des épreuves que subissent les Esprits élevés au moment de franchir un degré plus haut dans l'initiative spirituelle ? Ne vous a-t-on pas dit que chaque grade de la hiérarchie céleste s'achète par le mérite, par le dévouement, comme chez vous, dans l'armée, par le sang répandu et par les services accomplis ? Eh bien ! c'est le cas où se trouvent les Messies sur cette terre de douleurs ; ils sont soutenus tant que dure leur œuvre humanitaire, tant qu'ils travaillent pour l'homme et pour Dieu, mais, lorsque eux seuls sont en jeu, lorsque leur épreuve devient individuelle, le secours visible s'éloigne, la lutte se montre âpre et rude comme l'homme doit la subir.
Voilà l'explication de cet abandon apparent qui vous afflige dans la vie des missionnaires de tous grades de votre humanité. Ne pensez pas que Dieu abandonne jamais sa créature par caprice ou impuissance ; non, mais dans l'intérêt de son avancement il la laisse à ses propres forces, à l'usage entier de son libre arbitre.
Curé d'Ars.
Le Génie
Douai, 13 mars 1867. Médium, Madame M…
Question. Le génie est-il départi à chaque Esprit suivant son acquis, ou suivant une loi divine en rapport avec les besoins d'un peuple ou d'une humanité ?
Réponse. Le génie, chers enfants, est le rayonnement des acquis antérieurs. Ce rayonnement est l'état de l'Esprit dans le dégagement ou dans les incarnations supérieures : il y a donc deux distinctions à faire. Le génie le plus ordinaire parmi vous est simplement l'état d'un Esprit dont une ou deux facultés sont restées dévoilées et en état d'agir librement ; il a reçu un corps qui permet leur épanouissement dans sa plénitude acquise. L'autre espèce de génie est l'Esprit qui vient des mondes heureux et avancés, où l'acquis est universel sur tous les points ; où toutes les facultés de l'âme sont arrivées à un degré éminent, inconnu sur la terre. Ces sortes de génie se distinguent des premiers, par une aptitude hors ligne à tous les talents, à toutes les études. Ils conçoivent toutes choses par une intuition sûre et qui confond la science apprise des plus savants. Ils excellent en bonté, en grandeur d'âme, en vraie noblesse, en œuvres excellentes. Ils sont des flambeaux, des initiateurs, des exemples. Ce sont des hommes d'autres terres, venus pour faire resplendir la lumière d'en haut dans un monde obscur, de même qu'on envoie parmi des barbares pour les instruire, quelques savants d'une capitale civilisée ; tels furent chez vous, les hommes qui, à diverses époques ont fait avancer l'humanité, les savants qui ont reculé les bornes des connaissances, et dissipé les ténèbres de l'ignorance. Ils virent et pressentirent la destinée terrestre, si loin qu'ils fussent de l'accomplissement de cette destinée ; tous ont jeté les fondements de quelque science, ou en furent le point culminant.
Le génie n'est donc point gratuit, et n'est pas subordonné à une loi ; il sort de l'homme même et de ses antécédents. Réfléchissez que les antécédents sont tout l'homme. Le criminel l'est par ses antécédents ; l'homme de mérite, l'homme de génie sont supérieurs par la même cause. Tout n'est pas voilé dans l'incarnation au point qu'il ne transperce rien de notre être antérieur. L'intelligence et la bonté sont des lumières trop vives, des foyers trop ardents pour que la vie terrestre les réduise à l'obscurité.
Les épreuves à subir peuvent bien voiler, atténuer quelques-unes de nos facultés, les endormir, mais, si elles sont arrivées à un haut degré, l'Esprit n'en peut perdre entièrement la possession et l'exercice ; il a en lui l'assurance qui les tient toujours à sa disposition ; souvent même, il ne peut consentir à s'en priver. C'est là ce qui cause les vies si douloureuses de certains hommes avancés qui ont mieux aimé souffrir par leurs hautes facultés que de les laisser s'évanouir pour un temps.
Oui, tous nous sommes par l'espoir, et quelques-uns par le souvenir, citoyens de ces hautes sphères célestes où la pensée rayonne pure et puissante. Oui, tous nous serons des Platons, des Aristotes, des Erasmes ; notre Esprit ne verra plus pâlir ses acquis sous le poids de la vie du corps, ou s'éteindre sous le poids de la vieillesse et des infirmités.
Amis, voilà vraiment la plus sublime espérance ; que sont auprès de tout cela les dignités et les trésors qu'on mettait aux pieds de ces hommes ; les souverains mendiaient leurs œuvres, s'arrachaient leur présence. – Croyez-vous que ces vains honneurs les flattaient ? non ; le souvenir de leur glorieuse patrie était trop vif. Ils remontèrent heureux sur le rayon de leur gloire, dans ces mondes que leur Esprit regrettait sans cesse.
Terre ! terre ! région froide, obscure, agitée ; terre aveugle, ingrate et rebelle ! tu ne pouvais leur faire oublier la patrie céleste où ils avaient vécu, où ils retournaient vivre.
Adieu, amis, soyez sûrs que tout homme de bien deviendra citoyen de ces mondes heureux, de ces Jérusalems splendides, où l'Esprit vit libre dans un corps éthéré, possédant sans nuages et sans voile, tous ses acquis ; alors, vous connaîtrez tout ce que vous aspirez à connaître, vous comprendrez tout ce que vous cherchez à comprendre, même mon nom, cher médium que je ne veux pas te dire.
Un Esprit.
Question. Le génie est-il départi à chaque Esprit suivant son acquis, ou suivant une loi divine en rapport avec les besoins d'un peuple ou d'une humanité ?
Réponse. Le génie, chers enfants, est le rayonnement des acquis antérieurs. Ce rayonnement est l'état de l'Esprit dans le dégagement ou dans les incarnations supérieures : il y a donc deux distinctions à faire. Le génie le plus ordinaire parmi vous est simplement l'état d'un Esprit dont une ou deux facultés sont restées dévoilées et en état d'agir librement ; il a reçu un corps qui permet leur épanouissement dans sa plénitude acquise. L'autre espèce de génie est l'Esprit qui vient des mondes heureux et avancés, où l'acquis est universel sur tous les points ; où toutes les facultés de l'âme sont arrivées à un degré éminent, inconnu sur la terre. Ces sortes de génie se distinguent des premiers, par une aptitude hors ligne à tous les talents, à toutes les études. Ils conçoivent toutes choses par une intuition sûre et qui confond la science apprise des plus savants. Ils excellent en bonté, en grandeur d'âme, en vraie noblesse, en œuvres excellentes. Ils sont des flambeaux, des initiateurs, des exemples. Ce sont des hommes d'autres terres, venus pour faire resplendir la lumière d'en haut dans un monde obscur, de même qu'on envoie parmi des barbares pour les instruire, quelques savants d'une capitale civilisée ; tels furent chez vous, les hommes qui, à diverses époques ont fait avancer l'humanité, les savants qui ont reculé les bornes des connaissances, et dissipé les ténèbres de l'ignorance. Ils virent et pressentirent la destinée terrestre, si loin qu'ils fussent de l'accomplissement de cette destinée ; tous ont jeté les fondements de quelque science, ou en furent le point culminant.
Le génie n'est donc point gratuit, et n'est pas subordonné à une loi ; il sort de l'homme même et de ses antécédents. Réfléchissez que les antécédents sont tout l'homme. Le criminel l'est par ses antécédents ; l'homme de mérite, l'homme de génie sont supérieurs par la même cause. Tout n'est pas voilé dans l'incarnation au point qu'il ne transperce rien de notre être antérieur. L'intelligence et la bonté sont des lumières trop vives, des foyers trop ardents pour que la vie terrestre les réduise à l'obscurité.
Les épreuves à subir peuvent bien voiler, atténuer quelques-unes de nos facultés, les endormir, mais, si elles sont arrivées à un haut degré, l'Esprit n'en peut perdre entièrement la possession et l'exercice ; il a en lui l'assurance qui les tient toujours à sa disposition ; souvent même, il ne peut consentir à s'en priver. C'est là ce qui cause les vies si douloureuses de certains hommes avancés qui ont mieux aimé souffrir par leurs hautes facultés que de les laisser s'évanouir pour un temps.
Oui, tous nous sommes par l'espoir, et quelques-uns par le souvenir, citoyens de ces hautes sphères célestes où la pensée rayonne pure et puissante. Oui, tous nous serons des Platons, des Aristotes, des Erasmes ; notre Esprit ne verra plus pâlir ses acquis sous le poids de la vie du corps, ou s'éteindre sous le poids de la vieillesse et des infirmités.
Amis, voilà vraiment la plus sublime espérance ; que sont auprès de tout cela les dignités et les trésors qu'on mettait aux pieds de ces hommes ; les souverains mendiaient leurs œuvres, s'arrachaient leur présence. – Croyez-vous que ces vains honneurs les flattaient ? non ; le souvenir de leur glorieuse patrie était trop vif. Ils remontèrent heureux sur le rayon de leur gloire, dans ces mondes que leur Esprit regrettait sans cesse.
Terre ! terre ! région froide, obscure, agitée ; terre aveugle, ingrate et rebelle ! tu ne pouvais leur faire oublier la patrie céleste où ils avaient vécu, où ils retournaient vivre.
Adieu, amis, soyez sûrs que tout homme de bien deviendra citoyen de ces mondes heureux, de ces Jérusalems splendides, où l'Esprit vit libre dans un corps éthéré, possédant sans nuages et sans voile, tous ses acquis ; alors, vous connaîtrez tout ce que vous aspirez à connaître, vous comprendrez tout ce que vous cherchez à comprendre, même mon nom, cher médium que je ne veux pas te dire.
Un Esprit.