REVUE SPIRITE JOURNAL D'ETUDES PSYCHOLOGIQUES - 1867

Allan Kardec

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Août

Fernande

Nouvelle spirite

Tel est le titre d'un roman-feuilleton, par M. Jules Doinel (d'Aurillac), publié dans le Moniteur du Cantal des 23 et 30 mai, 6, 13 et 20 juin 1866. Comme on le voit, le nom du Spiritisme n'est pas dissimulé, et l'on doit d'autant plus en féliciter l'auteur, que ce courage de l'opinion est plus rare chez les écrivains de province, où les influences contraires exercent une pression plus grande qu'à Paris.

Nous regrettons qu'après avoir été publiée en feuilletons, forme sous laquelle une idée se répand plus facilement dans les masses, cette nouvelle n'ait pas été mise en volume, et que nos lecteurs soient privés du plaisir de se la procurer. Quoique ce soit une œuvre sans prétentions et circonscrite dans un très petit cadre, c'est une peinture vraie et attachante des rapports du monde spirituel et du monde corporel, qui apporte son contingent à la vulgarisation de l'idée spirite au point de vue sérieux et moral. Elle montre les purs et nobles sentiments que cette croyance peut développer dans le cœur de l'homme, la sérénité qu'elle donne dans les afflictions par la certitude d'un avenir répondant à toutes les aspirations de l'âme, et donnant pleine satisfaction à la raison. Pour peindre ces aspirations avec vérité, comme le fait l'auteur, il faut avoir la foi en ce qu'on dit ; un écrivain, pour qui un pareil sujet ne serait qu'un cadre banal, sans conviction, croirait que pour faire du Spiritisme il suffit d'accumuler le fantastique, le merveilleux et les aventures étranges, comme certains peintres croient qu'il suffit d'étaler des couleurs voyantes pour faire un tableau. Le Spiritisme vrai est simple ; il touche le cœur et ne frappe pas l'imagination à coups de marteau. C'est ce qu'a compris l'auteur.

Le sujet de Fernande est fort simple. C'est une jeune fille tendrement aimée de sa mère, enlevée à la fleur de l'âge à sa tendresse et à l'amour de son fiancé, et qui relève leur courage en se manifestant à leur vue, et en dictant à son amant, qui doit bientôt la rejoindre, le tableau du monde qui l'attend. Nous citerons quelques-unes des pensées que nous y avons remarquées.

« J'étais devenu, depuis l'apparition de Fernande, un adepte résolu de la science d'outre-tombe. Pourquoi, du reste, en aurais-je douté ? L'homme a-t-il le droit de marquer des limites à la pensée, et de dire à Dieu : Tu n'iras pas plus loin ?

Puisque nous sommes près d'elle et que nous foulons une terre qui est sainte, je vais, mon cher ami, te parler à cœur ouvert, en prenant Dieu à témoin de la sincérité de tout ce que tu vas entendre. Tu crois aux Esprits, je le sais, et plus d'une fois tu m'as demandé de préciser ta croyance sur ce point. Je ne l'ai pas fait, et il faut bien te le dire, sans les manifestations étranges que tu as eues, je ne l'eusse jamais fait. Mon ami, je crois que Dieu a donné à certaines âmes une force de sympathie tellement grande qu'elle peut se propager dans les régions inconnues de l'autre vie. C'est sur ce fondement que repose toute ma doctrine. Le charlatanisme et la jonglerie de certains adeptes me font mal, car je ne comprends pas que l'on puisse profaner une chose aussi sainte.

Oh ! Stephen Stany (le fiancé) avait bien raison de dire que le charlatanisme et la jonglerie profanent les choses les plus saintes. La croyance aux Esprits doit rendre l'âme sereine ; d'où vient donc que, dans l'obscurité, le moindre bruit m'épouvante ? J'ai vu se dessiner parfois, dans la pénombre de mon alcôve, soit le fantôme de Fernande de Mœris, soit le profil vague de ma mère. A ceux-là j'ai souri. Mais bien souvent aussi, ma vue s'est détournée avec effroi de la face grimaçante de quelques Esprits mauvais, venus là pour m'écarter du bien et me détourner de Dieu.

Stany, en me parlant, était calme. Je ne remarquai sur sa figure aucune trace d'exaltation. Mais, près de cette pierre, sa diaphanéité devenait plus visible encore. L'âme de mon ami se montrait tout entière à mes regards. Cette belle âme n'avait rien à cacher. Je comprenais que le lien qui l'enchaînait à ce corps de boue était bien faible, et que l'heure n'était pas loin où elle s'envolerait vers l'autre monde.

Elle m'avait dit : « Va chez ma mère. » – Cela me coûta, je le confesse ; quoique fiancé à Fernande, je n'étais pas très bien avec ta cousine. Tu sais combien elle était jalouse de tout ce qui lui retenait une partie de l'affection de sa fille. Te le dirai-je, elle me reçut à bras ouverts et me dit en pleurant : « Je l'ai revue ! » La glace était brisée ; nous allions nous comprendre pour la première fois. – Mon cher Stéphen, ajouta-t-elle, je crois avoir rêvé ! mais enfin je l'ai revue, et voici ce qu'elle m'a dit : « Mère, tu prieras Stéphen Stany de rester huit jours dans la chambre qui fut à moi. Pendant ces huit jours tu ne souffriras pas qu'on le dérange. Pendant cette retraite, Dieu lui révélera bien des choses. » – On me conduisit immédiatement dans la chambre de ta cousine ; et depuis ce jour-là même jusqu'à hier, jour où je t'ai revu, son âme a été sans interruption avec moi-même. Je l'ai vue et bien vue, des yeux de mon Esprit et non pas de ceux de mon corps, bien qu'ils fussent ouverts. Elle m'a parlé. Quand je dis qu'elle m'a parlé, je veux dire qu'il y a eu entre nous transmission de pensée. Je sais maintenant tout ce qu'il me fallait savoir. Je sais que ce globe n'a plus rien pour moi, et qu'une existence meilleure m'attend.

J'ai appris à estimer le monde à sa juste valeur. Retiens ces paroles, mon ami : Tout Esprit qui veut parvenir à la félicité supérieure doit garder son corps chaste, son cœur pur, son âme libre. Heureux qui sait apercevoir la forme immatérielle de Dieu à travers les ombres de ce qui passe !

N'oublions jamais, ô frères, que Dieu est Esprit, et que plus on devient Esprit, plus on se rapproche de Dieu. Il n'est pas permis à l'homme de briser violemment les liens de la matière, de la chair et du sang. Ces liens supposent des devoirs ; mais il lui est permis de s'en détacher peu à peu par l'idéalisme de ses aspirations, par la pureté de ses intentions, par le rayonnement de son âme, reflet sacré dont le devoir est le foyer, jusqu'à ce que, libre colombe, son Esprit dégagé des chaînes mortelles s'envole et plane dans les espaces agrandis. »

Le manuscrit dicté par l'Esprit de Fernande, pendant les huit jours de retraite de Stéphen, contient les passages suivants :

« Je mourus dans le trouble, je m'éveillai dans la joie. Je vis mon corps à peine refroidi s'étendre sur le lit funèbre, et je me sentis comme déchargée d'un lourd fardeau. C'est alors que je t'aperçus, mon bien-aimé, et que par la permission de Dieu, unie au libre exercice de ma volonté, je t'aperçus auprès de mon cadavre.

Pendant que les vers poursuivaient leur œuvre de corruption, je pénétrais, curieuse, les mystères du monde nouveau que j'habitais. Je pensais, je sentais, j'aimais comme sur la terre ; mais ma pensée, ma sensation, mon amour s'étaient agrandis. Je comprenais mieux les desseins de Dieu, j'aspirais sa volonté divine. Nous vivons d'une vie presque immatérielle, et nous sommes supérieurs à vous autant que les anges le sont à nous. Nous voyons Dieu, mais non pas clairement ; nous le voyons comme on voit le soleil de votre terre, à travers un nuage épais. Mais cette vue imparfaite suffit à notre âme qui n'est pas encore purifiée.

Les hommes nous apparaissent comme des fantômes errant dans une brume crépusculaire. Dieu a fait à quelques-uns d'entre nous la grâce de voir plus clairement ceux qu'ils aiment de préférence. Je te voyais ainsi, cher amour, et ma volonté t'entourait d'une sympathie amoureuse à tout moment. C'est ainsi que tes pensées venaient de moi, que tes actes t'étaient inspirés par moi, que ta vie, en un mot, n'était qu'un reflet de ma vie. De même que nous pouvons communiquer avec vous, les Esprits supérieurs peuvent se révéler à nos regards. Parfois, dans la transparence immatérielle, nous voyons passer la silhouette auguste et lumineuse de quelque Esprit. Il m'est impossible de te dépeindre le respect que cette vue nous inspire. Heureux ceux d'entre nous qui sont honorés de ces visites divines. Admire la bonté de Dieu ! les mondes se correspondent tous. Nous nous montrons à vous ; eux se montrent à nous : c'est l'échelle symbolique de Jacob.

Il en est qui, d'un seul coup d'aile, se sont élevés jusqu'à Dieu. Mais ceux-là sont rares. D'autres subissent les longues épreuves des existences successives. C'est la vertu qui donne les rangs, et le mendiant courbé vers la terre est parfois, aux regards du Dieu juste et sévère, plus grand que le roi superbe ou le conquérant invaincu. Rien ne vaut que par l'âme ; c'est le seul poids qui l'emporte dans la balance de Dieu. »

Maintenant que nous avons fait la part de l'éloge, faisons celle de la critique ; elle ne sera pas longue, car elle ne porte que sur deux ou trois pensées. Au début, dans un dialogue entre les deux amis, nous trouvons le passage suivant :

« Avons-nous des existences antérieures ? Je ne le crois pas : Dieu nous tire néant ; mais ce dont je suis sûr, c'est qu'après ce que nous nommons la mort, nous commençons, – et quand je dis nous, je parle de l'âme, – nous commençons, dis-je, une série de nouvelles existences. Le jour où nous sommes assez purs pour voir, comprendre et aimer Dieu entièrement, ce jour-là seulement nous mourons. Note bien que ce jour-là nous n'aimons plus que Dieu et rien que Dieu. Si donc Fernande était purifiée, elle ne songerait, elle ne pourrait songer à moi. De ce qu'elle s'est manifestée je conclus qu'elle vit. Où ? je le saurai bientôt ! Elle est heureuse de sa vie, je le crois, car tant que l'Esprit n'a pas été épuré complètement, il ne peut comprendre que le bonheur n'est qu'en Dieu. Il peut être heureux relativement. A mesure que nous montons, l'idée de Dieu s'agrandit en nous de plus en plus, et nous sommes, par là même, de plus en plus heureux. Mais ce bonheur n'est jamais qu'un bonheur relatif. Ainsi ma fiancée vit. Quelle est sa vie ? je l'ignore : Dieu seul peut dire aux Esprits de révéler aux hommes ces mystères. »

Après des idées comme celles que renferment les passages précités, on s'étonne de trouver une doctrine comme celle-ci, qui fait du bonheur parfait un bonheur égoïste. Le charme de la doctrine spirite, ce qui en fait une suprême consolation, c'est précisément la pensée de la perpétuité des affections, s'épurant et se resserrant à mesure que l'Esprit s'épure et s'élève ; ici, au contraire, l'Esprit, quand il est parfait, oublie ceux qu'il a aimés, pour ne penser qu'à lui ; il est mort à tout autre sentiment qu'à celui de son bonheur ; la perfection lui ôterait la possibilité, le désir même de venir consoler ceux qu'il laisse dans l'affliction. Ce serait là, il faut en convenir, une triste perfection, ou, pour mieux dire, ce serait une imperfection. Le bonheur éternel, ainsi conçu, ne serait guère plus enviable que celui de la contemplation perpétuelle, dont la réclusion claustrale nous donne l'image par la mort anticipée aux plus saintes affections de la famille. S'il en était ainsi, une mère en serait réduite à redouter au lieu de désirer la complète épuration des êtres qui lui sont le plus chers. Jamais la généralité des Esprits n'a enseigné chose semblable ; on dirait une transaction entre le Spiritisme et la croyance vulgaire. Mais cette transaction n'est pas heureuse, car, ne satisfaisant pas les aspirations intimes de l'âme, elle n'a aucune chance de prévaloir dans l'opinion.

Quand l'auteur dit qu'il ne croit pas aux existences antérieures, mais qu'il est sûr qu'après la mort, nous commençons une série de nouvelles existences, il ne s'est pas aperçu qu'il commettait une contradiction flagrante ; s'il admet, comme chose logique et nécessaire au progrès, la pluralité des existences postérieures, sur quoi se fonde-t-il pour ne pas admettre les existences antérieures ? Il ne dit pas comment il explique d'une manière conforme à la justice de Dieu, l'inégalité native, intellectuelle et morale, qui existe entre les hommes. Si cette existence est la première, et si tous sont sortis du néant, on retombe dans la doctrine absurde, inconciliable avec la souveraine justice, d'un Dieu partial, qui favorise certaines de ses créatures, en créant des âmes de toutes qualités. On pourrait également y voir une transaction avec les idées nouvelles, mais qui n'est pas plus heureuse que la précédente.

On s'étonne enfin de voir Fernande, Esprit avancé, soutenir cette proposition d'un autre temps : « Laura devint mère ; Dieu eut pitié d'elle, et appela à lui cet enfant. Il vient la revoir parfois. Il est triste, car étant mort sans baptême, il ne jouira jamais de la contemplation divine. » Ainsi voilà un Esprit que Dieu appelle à lui, et qui est à jamais malheureux et privé de la contemplation de Dieu, parce qu'il n'a pas reçu le baptême, alors qu'il n'a pas dépendu de lui de le recevoir, et que la faute en est à Dieu même qui l'a rappelé trop tôt. Ce sont ces doctrines qui ont fait tant d'incrédules, et si l'on espère les faire passer à la faveur des idées spirites qui prennent racine, on se trompe ; on acceptera des idées spirites que ce qui est rationnel et sanctionné par l'universalité de l'enseignement des Esprits. Si c'est encore là de la transaction, elle est maladroite. Nous posons en fait que sur mille centres spirites où les propositions que nous venons de critiquer seraient soumises aux Esprits, il y en a neuf cent quatre-vingt-dix où elles seront résolues en sens contraire.

C'est l'universalité de l'enseignement, sanctionné en outre par la logique, qui a fait et qui complètera la doctrine spirite. Cette doctrine puise, dans cette universalité de l'enseignement donné sur tous les points du globe, par des Esprits différents, et dans des centres complètement étrangers les uns aux autres, et qui ne subissent aucune pression commune, une force contre laquelle lutteraient en vain les opinions individuelles, soit des Esprits, soit des hommes. L'alliance que l'on prétendrait établir des idées spirites avec des idées contradictoires, ne peut être qu'éphémère et localisée. Les opinions individuelles peuvent rallier quelques individus, mais forcément circonscrites, elles ne peuvent rallier la majorité, à moins d'avoir la sanction de cette majorité. Repoussées par le plus grand nombre, elles sont sans vitalité, et s'éteignent avec leurs représentants.

Ceci est le résultat d'un calcul tout mathématique. Si, sur mille centres, il y en a 990 où l'on enseigne de la même façon, et dix d'une façon contraire, il est évident que l'opinion dominante sera celle de 990 sur 1,000, c'est-à-dire la presque unanimité. Eh bien ! nous sommes certain de faire une part trop large aux idées divergentes, en les portant à un centième. Ne formulant jamais un principe avant d'être assuré de l'assentiment général, nous sommes toujours d'accord avec l'opinion de la majorité.

Le Spiritisme est aujourd'hui en possession d'une somme de vérités tellement démontrées par l'expérience, qui satisfont en même temps si complètement la raison, qu'elles sont passées en articles de foi dans l'opinion de l'immense majorité des adeptes. Or, se mettre en hostilité ouverte avec cette majorité, froisser ses aspirations et ses convictions les plus chères, c'est se préparer un échec inévitable. Telle est la cause de l'insuccès de certaines publications.

Mais, dira-t-on, est-il donc défendu à celui qui ne partage pas les idées de la majorité de publier ses opinions ? Assurément non ; il est même utile qu'il le fasse ; mais alors il doit le faire à ses risques et périls, et ne pas compter sur l'appui moral et matériel de ceux dont il veut battre en brèche les croyances.

Pour en revenir à Fernande, les points de doctrine que nous avons combattus paraissent être des opinions personnelles à l'auteur dont il n'a pas senti le côté faible. En nous adressant son œuvre, début d'un jeune homme, il nous a dit que lorsqu'il avait écrit cette nouvelle, il n'avait qu'une connaissance superficielle de la doctrine spirite, et que nous y trouverions sans doute plusieurs choses à redire sur lesquelles il sollicitait notre avis ; que, plus éclairé aujourd'hui, il est des principes qu'il formulerait autrement. En le félicitant de sa franchise et de sa modestie, nous l'avons informé que, s'il y avait lieu de le réfuter, nous le ferions dans la Revue pour l'instruction de tous.

A part les points que nous venons de citer, il n'en est aucun que la doctrine spirite ne puisse accepter ; nous félicitons l'auteur du point de vue moral et philosophique où il s'est placé, et nous tenons son travail pour éminemment utile à la diffusion de l'idée, parce qu'il la fait envisager sous son véritable jour qui est le point de vue sérieux. (Voir dans le numéro précédent, page 213, la pièce de poésie du même auteur, intitulée : Aux Esprits protecteurs.)



Simonet

Médium guérisseur de Bordeaux

Le Figaro du 5 juillet dernier rendait compte en ces termes d'un jugement rendu par le tribunal de Bordeaux :

« Dans ces derniers temps, la fureur à Bordeaux était d'aller consulter le sorcier de Cauderan. On évalue à mille ou douze cents le nombre des visites qu'il recevait chaque jour. La police, qui fait profession de scepticisme, s'est émue d'un pareil succès, et elle a voulu opérer une descente au château de Bel-Air où le sorcier avait élu domicile. Aux alentours de la demeure du sorcier on rencontrait une foule de gens se disant atteints de toute espèce de maladies ; des grandes dames y venaient aussi en calèche pour consulter l'illuminé.

Les magistrats, dès qu'ils eurent interrogé le sorcier, ne doutèrent pas qu'ils n'eussent affaire à un pauvre fou qui était exploité par ceux mêmes qui lui donnaient l'hospitalité ; aussi, le sorcier Simonet n'a-t-il pas été compris dans la poursuite qu'on s'est contenté de diriger contre les frères Barbier, adroits compères qui recueillaient tous les profits de la crédulité gasconne.

Leur maison, qu'en vrais Gascons qu'ils sont ils décoraient du nom de château, avait été convertie en auberge ; seulement, les vins qu'ils y débitaient n'avaient rien de commun avec ce qu'on appelle en Languedoc des vins de Château ; et puis ils avaient oublié de se pourvoir d'une licence, si bien que l'administration des contributions indirectes leur faisait un procès.

Le sorcier Simonet était cité comme témoin.

– Où avez-vous appris la médecine, vous qui étiez un simple chaudronnier ?

– Et que pensez-vous de la révélation ? Qu'étaient donc les disciples du Christ ? Que faisaient-ils, ces pauvres pêcheurs qui ont converti le monde ? Dieu m'est apparu ; il m'a donné sa science, je n'ai même pas besoin des remèdes, je suis un médecin guérisseur.

– Où avez-vous appris tout cela ?

– Dans Allan Kardec… et même, Monsieur le président, je vous le dis avec tout le respect possible, vous ne paraissez pas connaître la science du Spiritisme et je vous engage très fort à l'étudier. (Hilarité à laquelle ne résistent pas les juges eux-mêmes.)

– Vous abusez de la crédulité publique. Ainsi, pour ne citer qu'un exemple, il y a un pauvre aveugle que tout Bordeaux connaît. Il a eu la faiblesse d'aller chez vous, et il vous portait les oboles qu'il recevait de la charité publique. Lui avez-vous rendu la vue ?

– Je ne guéris pas tout le monde, mais il faut croire que je fais des cures, puisque le jour où la justice est venue, il y avait plus de 1,500 personnes qui attendaient leur tour.

– C'est malheureusement vrai.

M. le procureur impérial. – Et si cela continue, nous prendrons une de ces deux mesures : ou nous vous traduirons ici pour escroquerie, et la justice appréciera si vous êtes fou, ou nous ferons prendre une mesure administrative contre vous. Il faut protéger les honnêtes gens contre leur incrédulité.

Au château de Bel-Air on ne demandait pas d'argent aux consultants ; on leur distribuait seulement un numéro d'ordre, qu'on faisait payer vingt centimes ; puis il y en avait qui trafiquaient de ces numéros, les revendant jusqu'à quinze francs. Enfin, on donnait à manger aux pauvres paysans venus quelquefois des extrémités du département. Enfin, il y avait un tronc pour les pauvres ; il n'est pas besoin de dire que les hôtes du sorcier s'appliquaient l'argent des pauvres.

Le tribunal a condamné les sieurs Barbier en deux mois et un mois de prison et 300 fr. envers les contributions indirectes.

Ad. Rocher. »

Voici la vérité sur Simonet, et de quelle manière sa faculté s'est révélée.

Les sieurs Barbier font construire à Cauderan, faubourg de Bordeaux, un vaste établissement, comme il y en a plusieurs dans le quartier, destiné à des bals, noces et repas de corps, et auquel ils ont donné le nom de Château du Bel-Air, ce qui n'est pas plus gascon que le Château-Rouge ou le Château des Fleurs de Paris. Simonet y travaillait comme menuisier et non chaudronnier. Pendant les travaux de construction, il arrivait assez souvent que des ouvriers étaient blessés ou malades ; Simonet, Spirite depuis longtemps, et connaissant un peu le magnétisme, fut porté instinctivement et sans dessein prémédité à les soigner par l'influence fluidique, et il en guérit beaucoup. Le bruit de ces guérisons se répandit, et bientôt il vit une foule de malades accourir à lui, tant il est vrai que, quoi que l'on fasse, on n'ôtera pas aux malades l'envie d'être guéris, n'importe par qui. Nous tenons de témoins oculaires que la moyenne de ceux qui se présentaient était de plus de mille par jour. La route était encombrée de voitures de toutes sortes venant de plusieurs lieues à la ronde, de charrettes à côté des équipages. Il y avait des gens qui passaient la nuit pour attendre leur tour.

Mais dans cette foule, il se trouvait des gens qui avaient besoin de boire et de manger ; les entrepreneurs de l'établissement y pourvurent, et cela devint pour eux une très bonne affaire. Quant à Simonet, qui était une source de profits indirects, il était logé et nourri, c'était bien le moins, et on ne saurait lui en faire un reproche. Comme on se bousculait à la porte, pour éviter la confusion, on prit le sage parti de donner un numéro d'ordre aux arrivants ; mais on eut l'idée moins heureuse de faire payer ce numéro dix centimes, et plus tard vingt centimes ; ce qui, vu l'affluence, faisait par jour une somme assez ronde. Quelque minime que fût cette rétribution, tous les Spirites, et Simonet lui-même qui n'y était pour rien, la virent avec peine, pressentant le mauvais effet que cela produirait. Quant au trafic des billets, il paraît certain que quelques personnes plus pressées, pour passer plus tôt, ont acheté la place de pauvres gens qui étaient avant eux, très contents de cette aubaine ; à cela il n'y a pas grand mal, mais il pouvait et devait nécessairement en résulter des abus. Ce sont ces abus qui ont motivé l'instance judiciaire, dirigée contre les sieurs Barbier, comme ayant ouvert un établissement de consommation avant de s'être pourvu d'une patente. Quant à Simonet, il n'a pas été mis en cause, mais simplement cité comme témoin.

La réprobation générale qui s'attache à l'exploitation, dans les cas analogues à celui de Simonet, est digne de remarque ; il semble qu'un sentiment instinctif porte les incrédules même à voir dans le désintéressement absolu une preuve de sincérité qui inspire une sorte de respect involontaire ; ils ne croient pas à la faculté ; ils la raillent, mais quelque chose leur dit que si elle existe, ce doit être une chose sainte qui ne peut, sans profanation, devenir un métier ; ils se bornent à dire : C'est un pauvre fou qui est de bonne foi ; mais toutes les fois que la spéculation, sous quelque forme que ce soit, s'est mêlée à une médiumnité quelconque, la critique s'est crue dispensée de tout ménagement.

Simonet guérit-il réellement ? Des personnes dignes de foi, très honorables, et qui avaient plutôt intérêt à démasquer la fraude qu'à la préconiser, nous ont cité de nombreux cas de guérisons parfaitement authentiques. Il nous semble d'ailleurs, que s'il n'avait guéri personne, il aurait déjà perdu tout crédit. Du reste, il n'a pas la prétention de guérir tout le monde ; il ne promet rien ; il dit que la guérison ne dépend pas de lui, mais de Dieu dont il n'est que l'instrument, et dont il faut implorer l'assistance ; il recommande la prière et prie lui-même. Nous regrettons beaucoup de n'avoir pu le voir pendant notre séjour à Bordeaux ; mais tous ceux qui le connaissent s'accordent à dire que c'est un homme doux, simple, modeste, sans jactance ni forfanterie, qui ne cherche point à se prévaloir d'une faculté qu'il sait pouvoir lui être retirée. Il est bienveillant pour les malades qu'il encourage par de bonnes paroles ; l'intérêt qu'il leur porte n'est point basé sur le rang qu'ils occupent ; il a autant de sollicitude pour le plus misérable que pour le plus riche ; si la guérison n'est pas instantanée, ce qui arrive le plus souvent, il y met toute la suite nécessaire.

Voilà ce qui nous a été dit. Nous ignorons quelles seront pour lui les suites de cette affaire, mais il est certain que, s'il est sincère, et s'il persévère dans les sentiments dont il paraît animé, l'assistance et la protection des bons Esprits ne lui feront pas défaut ; il verra sa faculté se développer et grandir, tandis qu'il la verrait décliner et se perdre, s'il entrait dans une mauvaise voie, si surtout il songeait à en tirer vanité.

Nota. – Au moment de mettre sous presse, nous apprenons que, par suite de la fatigue qui est résultée pour lui du long et pénible exercice de sa faculté, plus encore que pour échapper aux tracasseries dont il était l'objet, Simonet a résolu de suspendre toute réception jusqu'à nouvel ordre. Si des malades souffrent de cette abstention, un grand effet n'en a pas moins été produit.





Entrée d'incrédules dans le monde des Esprits

Le docteur Claudius

Société de Paris. Méd. M. Morin en somnambulisme spontané.

Un médecin, que nous désignerons sous le nom de docteur Claudius, connu de quelques-uns de nos collègues, et dont la vie avait été une profession de foi matérialiste, est mort il y a quelque temps d'une affection organique qu'il savait être incurable. Appelé, sans doute, par la pensée de ceux qui l'avaient connu et qui désiraient connaître sa position, il s'est manifesté spontanément par l'entremise de M. Morin, l'un des médiums de la société, en état de somnambulisme spontané. Déjà plusieurs fois ce phénomène s'est produit par ce médium et d'autres endormis du sommeil spirituel.

L'Esprit qui se manifeste ainsi s'empare de la personne du médium, se sert de ses organes comme s'il était encore vivant. Ce n'est plus alors une froide communication écrite ; c'est l'expression, la pantomime, l'inflexion de voix de l'individu que l'on a devant les yeux.

C'est dans ces conditions que s'est manifesté le docteur Claudius sans avoir été évoqué. Sa communication, que nous rapportons textuellement ci-après, est instructive à plus d'un titre, principalement en ce qu'elle dépeint les sentiments qui l'agitent ; le doute fait encore son tourment ; l'incertitude de sa situation le plonge dans une terrible perplexité, et c'est là sa punition. C'est un exemple de plus qui vient confirmer ce que l'on a vu maintes fois en pareil cas.

Après une dissertation sur un autre sujet, le médium absorbé se recueille quelques instants, puis, comme s'il se réveillait péniblement, s'exprime ainsi, se parlant à lui-même :

Ah ! encore un système !… Qu'y a-t-il de vrai et de faux dans l'existence humaine, dans la création, dans la créature, dans le créateur ?… La chose est-elle ?… La matière est-elle bien vraie ?… La science, est-ce une vérité ?… Le savoir, un acquis ?… L'âme… l'âme existe-t-elle ?

Le créateur, la divinité, n'est-ce pas un mythe ?… Mais, que dis-je ?… pourquoi ces blasphèmes multipliés ?… Pourquoi, en face de la matière, ne puis-je croire, ô mon Dieu, ne puis-je voir, sentir comprendre ?

Matière !… matière !… mais, oui, tout est matière… Tout est matière !!!… et pourtant, l'invocation à Dieu est arrivée à ma bouche !… Pourquoi donc ai-je dit : ô mon Dieu ?… Pourquoi ce mot, puisque tout est matière ?… Suis-je ?… N'est-ce pas un écho de ma pensée qui résonne et qui s'écoute ?… Ne sont-ce pas les derniers tintements de la cloche que j'agitai ?

Matière !… Oui, la matière existe, je le sens !… La matière existe ; je l'ai touchée !… mais !… tout n'est pas matière, et pourtant… pourtant, tout a été ausculté, palpé, touché, analysé, disséqué fibre à fibre, et rien !… Rien que la chair, la matière toujours, qui, dès l'instant que le grand mouvement était arrêté, s'arrêtait aussi !… Le mouvement s'arrête, l'air n'arrive plus… Mais !… si tout est matière, pourquoi ne se remet-elle plus en mouvement, puisque tout ce qui existait lorsqu'elle s'agitait, existe encore ?… Et pourtant… lui n'existe plus !…

Mais si, je suis !… tout n'est pas fini avec le corps !… En vérité… suis-je bien mort ?… pourtant ce rongeur que j'ai nourri, que j'ai soigné de mes mains, il ne m'a point pardonné !… C'est vrai ; je suis mort !… Mais cette maladie que j'ai vue naître… grandir… avait-elle une âme ?

Ah ! le doute ! toujours le doute !… en réponse à toutes mes secrètes aspirations !… Mais, si je suis, ô mon Dieu, si je suis,… ah ! faites-moi me reconnaître !… faites-moi vous pressentir !… car, si je suis, quelle longue succession de blasphèmes !… quelle longue négation de votre sagesse, de votre bonté, de votre justice !… Quelle immense responsabilité d'orgueil j'ai assumée sur ma tête, ô mon Dieu !… Mais si, j'ai encore un moi, moi qui ne voulais rien admettre en dehors du possible au toucher… J'ai douté de votre sagesse, ô mon Dieu ! il est juste que je doute !… Oui, j'ai douté ; le doute me poursuit et me punit.

Oh ! mille morts plutôt que le doute dans lequel je vis !… Je vois, je rencontre d'anciens amis… et pourtant, ils sont tous morts avant !… Méry ! mon pauvre fou !… mais ne le suis-je pas plutôt, moi ?… l'épithète de fou s'adapte-t-elle à sa personnalité ? – Voyons donc ; qu'est-ce que la folie ?…

La folie !… la folie !… décidément, la folie est universelle !!! tous les hommes sont fous à un degré plus ou moins grand… mais sa folie, à lui, n'était-elle pas de la sagesse à côté de ma folie à moi ?… A lui, les songes, les images, les aspirations au delà de… mais, c'est justice !… Connaissais-je cet inconnu qui se présente inopinément à moi ?… Non, non, le néant n'existe pas, car s'il existait, cette incarnation de négation, de crimes, d'infamie, ne me torturerait pas ainsi !… Je vois, mais je vois trop tard, tout le mal que j'ai fait !… Le voyant aujourd'hui, et le réparant peu à peu, peut-être serai-je digne un jour de voir et de faire le bien !…

Systèmes !… systèmes orgueilleux, produits des cerveaux humains, voilà où vous nous menez !… Chez l'un, c'est la divinité ; chez l'autre, la divinité matérielle et sensuelle ; chez un autre, le néant, rien !… Néant, divinité matérielle, divinité spirituelle, sont-ce des mots ?… Oh ! je demande à voir, mon Dieu !… et si j'existe, si vous existez, accordez-moi la faveur que je vous demande ; agréez ma prière, car je vous prie, ô mon Dieu, de me faire voir si j'existe, si je suis !… (Ces dernières paroles sont dites avec un accent déchirant.)

Remarque. Si M. Claudius a persévéré jusqu'à la fin dans son incrédulité, ce ne sont pas les moyens de s'éclairer qui lui ont manqué ; comme médecin, il avait nécessairement l'esprit cultivé, l'intelligence développée, un savoir au-dessus du vulgaire, et pourtant cela ne lui a pas suffi. Dans ses minutieuses investigations de la nature morte et de la nature vivante, il n'a pas entrevu Dieu, il n'a pas entrevu l'âme ! En voyant les effets, il n'a pas su remonter à la cause ! ou, pour mieux dire, il s'était fait une cause à sa manière, et son orgueil de savant l'empêchait de s'avouer à lui-même, d'avouer surtout à la face du monde qu'il pouvait s'être trompé. Circonstance digne de remarque, il est mort d'un mal organique qu'il savait, par sa science même, être incurable ; ce mal qu'il soignait était un avertissement permanent ; la douleur qu'il lui causait était une voix qui lui criait sans cesse de songer à l'avenir. Cependant rien n'a pu triompher de son obstination ; il a fermé les yeux jusqu'au dernier moment. Est-ce que cet homme eût jamais pu devenir Spirite ? assurément non ; ni faits, ni raisonnements n'eussent pu vaincre une opinion arrêtée de parti pris, et dont il était résolu de ne pas dévier. Il était de ces hommes qui ne veulent pas se rendre à l'évidence, parce que l'incrédulité est innée en eux, comme chez d'autres la croyance ; le sens par lequel ils pourront un jour s'assimiler les principes spirituels n'est pas encore éclos ; ils sont pour la spiritualité ce que sont les aveugles-nés pour la lumière : ils ne la comprennent pas.

L'intelligence ne suffit donc pas pour conduire sur le chemin de la vérité ; elle est comme un cheval qui nous mène, et qui suit la route sur laquelle on l'a lancé ; si cette route conduit à une fondrière, elle y précipite le cavalier ; mais, en même temps, elle lui donne les moyens de se relever.

M. Claudius étant mort volontairement en aveugle spirituel, il n'est pas étonnant qu'il n'ait pas vu tout de suite la lumière ; qu'il ne se reconnaisse pas dans un monde qu'il n'a pas voulu étudier ; que, mort avec l'idée du néant, il doute de sa propre existence ; incertitude poignante qui fait son tourment. Il est tombé dans le précipice où il a poussé son coursier-intelligence. Mais il peut se relever de cette chute, et déjà il semble entrevoir une lueur qui, s'il la suit, le conduira au port. C'est dans ses louables efforts qu'il faut le soutenir par la prière ; quand une fois il aura joui des bienfaits de la lumière spirituelle, il aura horreur des ténèbres du matérialisme ; et, s'il revient un jour sur la terre, ce sera avec des intuitions et des aspirations tout autres que celles qu'il avait dans sa dernière existence.


Un ouvrier de Marseille

Dans un groupe spirite de Marseille, Mad. T…, l'un des médiums, écrivit spontanément la communication suivante :

Écoutez un malheureux qui a été arraché violemment du milieu de sa famille, et qui ne sait où il est… Au milieu des ténèbres où je me trouve, j'ai pu suivre un rayon lumineux d'un Esprit, à ce que l'on me dit ; mais je ne crois pas aux Esprits. Je sais bien que c'est une fable inventée pour les têtes fêlées et crédules… Pour ma part, je n'y comprends plus rien… Je me vois double ; un corps mutilé gît à côté de moi, et cependant je suis vivant… Je vois les miens qui désolent, sans compter mes compagnons d'infortune qui ne voient pas si clair que moi ; aussi j'ai profité de la lumière qui m'a conduit ici pour venir puiser des renseignements auprès de vous.

Il me semble que ce n'est pas la première fois que je vous vois ; mes idées sont encore troubles… On me permet de revenir une autre fois quand je serai mieux habitué à ma position actuelle… C'est égal, je m'en vais à regret ; je me trouvais dans mon centre… mais je sens qu'il faut obéir ; cet Esprit me paraît bon, mais sévère. Je vais m'efforcer de gagner sa bonne grâce pour pouvoir parler plus souvent avec vous.



Un ouvrier du cours Lieutaud

Dans l'écroulement d'un pont qui avait eu lieu peu de jours auparavant, six ouvriers avaient péri ; c'est l'un d'eux qui s'est manifesté.

Après cette communication, le guide du médium lui dicta ce qui suit :

Chère sœur, ce malheureux Esprit a été conduit vers toi pour exercer ta charité. Comme nous la pratiquons envers les incarnés, la vôtre doit s'exercer envers les désincarnés.

Bien que ce malheureux soit soutenu par son ange gardien, celui-ci doit lui rester invisible, jusqu'à ce qu'il se reconnaisse bien dans sa situation. Pour cela, chère sœur, prends-le sous ta protection, qui est encore faible, j'en conviens ; mais soutenu par ta foi, cet Esprit verra bientôt reluire l'aurore d'un nouveau jour, et ce qu'il a refusé de reconnaître depuis sa catastrophe deviendra bientôt pour lui un sujet de paix et de joie. Ta tâche ne sera pas trop difficile, car il a l'essentiel pour te comprendre : la bonté du cœur.

Ecoute, chère sœur, les élans de ton cœur, et tu sortiras victorieuse de l'épreuve que ta nouvelle mission t'impose.

Soutenez-vous mutuellement, chers frères et bien-aimées sœurs, et la nouvelle Jérusalem que vous êtes sur le point d'atteindre vous sera ouverte avec chants de triomphe, car le cortège qui vous suivra vous rendra victorieux. Mais pour bien combattre les obstacles extérieurs, il faut avant tout s'être vaincu soi-même. Vous devez maintenir une discipline sévère envers votre cœur ; la moindre infraction doit être réprimée, sans chercher à atténuer la faute, sinon vous ne serez jamais vainqueurs des autres ; entre vous, il vous faut faire assaut de vertus et de vigilance.

Courage, amis ; vous n'êtes pas seuls ; vous êtes soutenus et protégés par les combattants spirituels qui espèrent en vous, et appellent sur vous la bénédiction du Très-Haut.

Votre Guide.

Ce fait, comme on le voit, a quelque analogie de situation avec le précédent ; c'est également un Esprit qui ne se reconnaît pas, qui ne comprend pas sa situation ; mais il est aisé de voir celui des deux qui sortira le premier d'incertitude. Au langage de l'un, on reconnaît le savant orgueilleux, qui a raisonné son incrédulité, qui, paraît-il, n'a pas toujours fait de son intelligence et de son savoir le meilleur usage possible ; l'autre est une nature inculte, mais bonne, à laquelle, sans doute, il n'a manqué qu'une bonne direction. L'incrédulité, chez lui, n'était pas un système, mais une suite du défaut d'enseignement convenable. Celui qui, de son vivant, eût peut-être pris l'autre en pitié, pourrait bien le voir bientôt dans une position plus heureuse que lui. Puisse Dieu les mettre en présence pour leur instruction mutuelle, et le savant pourrait bien être très heureux de recevoir les leçons de l'ignorant.




Variétés

La Ligue de l'enseignement

On lit dans le Siècle du 10 juillet 1867 :

«Une section de l'association fondée par Jean Macé vient d'être autorisée à Metz par la préfecture, sous le nom de « Cercle messin de la Ligue de l'enseignement.»

On lit à ce sujet dans la Moselle:

«Le comité directeur élu du cercle est entré en fonctions et a décidé de commencer ses travaux par la fondation d'une bibliothèque populaire sur le modèle de celles qui rendent de si grands services en Alsace.»

«Pour cette œuvre, le cercle messin réclame le concours de tous et sollicite l'adhésion de quiconque s'intéresse au développement de l'instruction et de l'éducation dans notre ville. Ces adhésions, accompagnées d'une cotisation dont le chiffre et le mode de payement sont facultatifs, et les dons de livres, seront reçus par chacun des membres du comité.»

Ainsi que nous l'avons dit, quand nous avons parlé de la Ligue de l'enseignement (Revue de mars et avril 1867, pages 79 et 110), nos sympathies sont acquises à toutes les idées progressives ; dans ce projet, nous n'avons critiqué que le mode d'exécution. Nous serons donc heureux de voir des applications pratiques de cette belle pensée.

Madame Walker, docteur en chirurgie

Les médecins et les internes de l'hôpital de la Charité ont reçu samedi, pendant la visite du matin, un de leurs confrères américains, à qui la dernière guerre d'Amérique a fait une certaine réputation.

Ce docteur en chirurgie n'était autre que madame Walker qui, durant la guerre de la sécession aux Etats-Unis, a dirigé un important service d'ambulances. Petite, d'une complexion délicate, mise avec l'élégante simplicité qui distingue les dames du monde, madame Walker a été reçue très sympathiquement et très respectueusement. Elle s'est très vivement intéressée aux deux grands services, l'un chirurgical, l'autre médical.

Sa présence à la Charité proclamait un principe nouveau qui a reçu sa consécration dans le nouveau monde : l'égalité de la femme devant la science.

Opinion nationale

(Voir la Revue de juin 1867, p. 161 ; janvier 1866, p. 1, sur l'émancipation des femmes.)

L'Iman, grand aumônier du Sultan

«Samedi (6 juillet), dit la Presse, l'iman ou grand aumônier du sultan, Hairoulah-Effendi, a rendu visite à Mgr Chigi, nonce du Pape, et à Mgr l'archevêque de Paris.»

Le voyage du sultan à Paris est plus qu'un événement politique, c'est un signe des temps, le prélude de la disparition des préjugés religieux qui ont si longtemps élevé une barrière entre les peuples et ensanglanté le monde. Le successeur de Mahomet venant, de son plein gré, visiter un pays chrétien, fraternisant avec un souverain chrétien, c'eût été de sa part, il n'y a pas encore longtemps, un acte audacieux ; aujourd'hui ce fait semble tout naturel. Ce qui est plus significatif encore, c'est la visite de l'iman, son grand aumônier, aux chefs de l'Église. L'initiative qu'il a prise en cette circonstance, car l'étiquette ne l'y obligeait pas, est une preuve du progrès des idées. Les haines religieuses sont des anomalies dans le siècle où nous sommes, et c'est d'un bon augure pour l'avenir, de voir un des princes de la religion musulmane donner l'exemple de la tolérance et abjurer des préventions séculaires.

Une des conséquences du progrès moral sera certainement un jour l'unification des croyances ; elle aura lieu quand les différents cultes reconnaîtront qu'il n'y a qu'un seul Dieu pour tous les hommes, et qu'il est absurde et indigne de lui de se jeter l'anathème parce qu'on ne l'adore pas de la même manière.




Jean Ryzak. Puissance du remords

Étude morale

On écrit de Winschoten le 2 mai 1867, au Journal de Bruxelles :

Samedi passé est arrivé en notre commune un ouvrier terrassier qui s'est présenté à là demeure du garde champêtre où il a sommé ce fonctionnaire de l'arrêter et de le livrer à la justice, devant laquelle, disait-il, il avait à faire l'aveu d'un crime commis par lui il y a plusieurs années. Amené devant le bourgmestre, cet ouvrier, qui a déclaré se nommer J. Ryzak, a fait le récit suivant :

« Il y a environ douze ans, j'étais employé aux travaux de dessèchement du lac de Harlem, lorsqu'un jour le brigadier, en me payant ma quinzaine, me remit la solde due à l'un de mes camarades, avec ordre de la passer à ce dernier. Je dépensai l'argent, et voulant m'éviter les désagréments des recherches, je résolus de tuer l'ami que je venais de voler. A cet effet, je l'ai précipité dans l'un des gouffres du lac, et le voyant revenir à la surface et faire des efforts pour nager vers le bord, je lui ai donné deux coups de couteau dans la nuque.

Aussitôt mon crime accompli, le remords a commencé à se faire sentir ; il est devenu bientôt intolérable, et il m'a été impossible de continuer le travail. J'ai commencé par fuir le théâtre de mon forfait, et ne trouvant nulle part dans le pays ni paix ni trêve, je me suis embarqué pour les Indes, où j'ai pris du service dans l'armée coloniale. Mais là aussi le spectre de ma victime m'a poursuivi nuit et jour ; mes tortures ont été incessantes et inouïes, et aussitôt mon terme de service terminé, une force irrésistible m'a poussé à revenir à Winschoten et à demander à la justice l'apaisement de ma conscience. Elle me le donnera en m'imposant telle expiation qu'elle jugera convenable ; et si elle ordonne que je meure, je préfère ce supplice à celui que me fait éprouver depuis douze ans, à toute heure du jour et de la nuit, le bourreau que je porte dans mon sein. »

Après cette déclaration, et sur l'assurance acquise par le bourgmestre que l'homme qu'il avait devant lui était sain d'esprit, ce magistrat a requis la gendarmerie, qui a arrêté Ryzak et référé immédiatement du fait à l'officier de justice.

On attend ici avec émotion les suites que pourra avoir cet étrange événement.



Instructions des Esprits sur ce sujet.

Société de Paris, 10 mai 1867 ; Méd. Mademoiselle Lateltin.

Chaque être a, comme vous le savez, la liberté du bien et du mal, ce que vous appelez le libre arbitre. L'homme a en lui sa conscience qui l'avertit quand il a bien ou mal fait, commis une mauvaise action, ou négligé de faire le bien ; sa conscience qui, comme une vigilante gardienne chargée de veiller sur lui, approuve ou désapprouve sa conduite. Souvent il arrive qu'on se montre rebelle à sa voix, qu'on repousse ses inspirations ; on veut l'étouffer par l'oubli ; mais jamais elle n'est assez complètement anéantie pour qu'à un moment donné elle ne se réveille plus forte et plus puissante, et ne fasse un contrôle sévère de vos actions.

La conscience produit deux effets différents : la satisfaction d'avoir bien agi, la paix que laisse le sentiment du devoir accompli, et le remords qui pénètre et torture quand on a fait une action que réprouvent Dieu, les hommes ou l'honneur ; c'est à proprement parler le sens moral. Le remords est comme un serpent aux mille plis qui circule autour du cœur et le ravage ; c'est le remords qui toujours fait entendre les mêmes accents et vous crie : Tu as fait une méchante action ; tu devras en être puni : ton châtiment ne cessera qu'après la réparation. Et quand, à ce supplice d'une conscience bourrelée, vient se joindre la vue constante de la victime, de la personne à laquelle on a fait du tort ; quand, sans repos ni trêve, sa présence reproche au coupable son indigne conduite, lui répète sans cesse qu'il souffrira tant qu'il n'aura pas expié et réparé le mal qu'il a fait, le supplice devient intolérable ; c'est alors que, pour mettre fin à ses tortures, son orgueil plie, et il avoue ses crimes. Le mal porte en lui sa peine par le remords qu'il laisse et par les reproches que fait la seule présence de ceux envers lesquels on a mal agi.

Croyez-moi, écoutez toujours cette voix qui vous avertit quand vous êtes près de faillir ; ne l'étouffez pas par la révolte de votre orgueil, et si vous faillissez, hâtez-vous de réparer le mal, autrement le remords serait votre punition ; plus vous tarderez, plus la réparation sera pénible et le supplice prolongé.

Un Esprit.



(Même séance ; médium Mme B…).

Vous avez aujourd'hui un exemple remarquable de la punition que subissent, même sur la terre, ceux qui se sont rendus coupables d'une mauvaise action. Ce n'est pas seulement dans le monde invisible que la vue d'une victime vient tourmenter le meurtrier pour le forcer au repentir ; là où la justice des hommes n'a pas commencé l'expiation, la justice divine fait commencer, à l'insu de tous, le plus lent et le plus terrible des supplices, le plus redoutable châtiment.

Il est certaines personnes qui disent que la punition infligée au criminel, dans le monde des Esprits, et qui consiste dans la vue continuelle de son crime, ne peut être bien efficace, et qu'en aucun cas, ce n'est pas cette punition qui détermine à elle seule le repentir. Elles disent qu'un naturel pervers, comme l'est celui d'un criminel, ne peut que s'aigrir de plus en plus par cette vue, et devenir ainsi plus mauvais. Ceux qui parlent ainsi ne se font pas une idée de ce que peut devenir un tel châtiment ; Elles ne savent pas combien est cruel ce spectacle continuel d'une action que l'on voudrait n'avoir jamais commise. Certainement nous voyons quelques criminels s'endurcir, mais souvent ce n'est que par orgueil, et pour vouloir paraître plus forts que la main qui les châtie ; c'est pour faire croire qu'ils ne se laissent pas abattre par la vue de vaines images ; mais ce faux courage n'est pas de longue durée ; bientôt nous les voyons faiblir en présence de ce supplice, qui doit beaucoup de ses effets à sa lenteur et à sa persistance. Il n'est d'orgueil qui puisse résister à cette action semblable à celle de la goutte d'eau sur le rocher ; si dure que puisse être la pierre, elle est inévitablement attaquée, désagrégée, réduite en poussière. C'est ainsi que l'orgueil qui fait roidir ces malheureux contre leur souverain maître, est tôt ou tard abattu, et que le repentir peut enfin avoir accès dans leur âme ; comme ils savent que l'origine de leurs souffrances est dans leur faute, ils demandent à réparer cette faute, afin d'apporter un adoucissement à leurs maux.

A ceux qui pourraient en douter, vous n'avez qu'à citer le fait qui vous été signalé ce soir ; là, ce n'est plus l'hypothèse seule, ce n'est plus le seul enseignement des Esprits, c'est un exemple en quelque sorte palpable qui se présente à vous ; dans cet exemple, le châtiment a suivi de près la faute, et il a été tel, qu'au bout de plusieurs années, il a forcé le coupable à demander l'expiation de son crime à la justice humaine, et il a dit lui-même que toutes les peines, la mort même, lui sembleraient moins cruelles que ce qu'il souffrait au moment où il s'est livré à la justice.

Un Esprit.



Remarque. Sans aller chercher des applications du remords chez les grands criminels, qui sont des exceptions dans la société, on en trouve dans les circonstances les plus ordinaires de la vie. C'est ce sentiment qui porte tout individu à s'éloigner de ceux envers lesquels il sent qu'il a des reproches à se faire ; en leur présence, il est mal à son aise ; si la faute n'est pas connue, il craint d'être deviné ; il lui semble qu'un regard peut pénétrer le fond de sa conscience ; il voit dans toute parole, dans tout geste, une allusion à sa personne ; c'est pourquoi, dès qu'il se sent démasqué, il se retire. L'ingrat, lui aussi, fuit son bienfaiteur, parce que sa vue est un reproche incessant dont il cherche en vain à se débarrasser, car une voix intime lui crie au fond de sa conscience qu'il est coupable.

Si le remords est déjà un supplice sur la terre, combien ce supplice ne sera-t-il pas plus grand dans le monde des Esprits, où l'on ne peut se soustraire à la vue de ceux que l'on a offensés ! Heureux ceux qui ayant réparé dès cette vie, pourront sans crainte affronter tous les regards dans le monde où rien n'est caché.

Le remords est une conséquence du développement du sens moral ; il n'existe pas là où le sens moral est encore à l'état latent ; c'est pour cela que les peuples sauvages et barbares commettent sans remords les plus méchantes actions. Celui donc qui se prétendrait inaccessible au remords, s'assimilerait à la brute. A mesure que l'homme progresse, le sens moral devient plus exquis ; il s'offusque de la plus petite déviation du droit chemin ; de là le remords qui est un premier pas vers le retour au bien.



Dissertations Spirites

Plan de campagne. – L'ère nouvelle. – Considérations sur le somnambulisme spontané

Paris, 10 février 1867. Médium M. T…, en sommeil spontané.

Nota. Dans cette séance, aucune question préalable n'avait provoqué le sujet qui a été traité. Le médium s'était d'abord occupé de santé, puis, de proche en proche, il se trouva conduit aux réflexions dont nous donnons ci-après l'analyse. Il a parlé pendant environ une heure sans interruption.

Les progrès du Spiritisme causent à ses ennemis un effroi qu'ils ne peuvent dissimuler. Dans le commencement ils ont joué avec les tables tournantes, sans songer qu'ils caressaient un enfant qui devait grandir ;… l'enfant a grandi… alors ils ont pressenti son avenir, et se sont dit qu'ils en auraient bientôt raison… Mais l'enfant avait, comme on dit, la vie dure. Il a résisté à toutes les attaques, aux anathèmes, aux persécutions, même à la raillerie. Semblable à certaines graines que le vent emporte, il a produit d'innombrables rejetons ;… pour un que l'on détruisait, il en poussait cent autres.

On a d'abord employé contre lui les armes d'un autre âge, celles qui réussissaient jadis contre les idées nouvelles, parce que ces idées n'étaient que des lueurs éparses qui avaient peine à se faire jour à travers l'ignorance, et qu'elles n'avaient pas encore pris racine dans les masses ;… aujourd'hui c'est autre chose ; tout a changé : les mœurs, les idées, le caractère, les croyances ; l'humanité ne s'émeut plus des menaces qui effrayaient les enfants ; le diable, si redouté de nos aïeux, ne fait plus peur : on en rit.

Oui, les armes antiques se sont émoussées contre la cuirasse du progrès. C'est comme si, de nos jours, une armée voulait attaquer une place forte garnie de canons, avec les flèches, les béliers et les catapultes de nos ancêtres.

Les ennemis du Spiritisme ont vu, par l'expérience, l'inutilité des armes vermoulues du passé contre l'idée régénératrice ; loin de lui nuire, leurs efforts n'ont servi qu'à l'accréditer.

Pour lutter avec avantage contre les idées du siècle, il faudrait être à la hauteur du siècle ; aux doctrines progressives, il faudrait opposer des doctrines plus progressives encore… ; mais le moins ne peut l'emporter sur le plus.

Ne pouvant donc réussir par la violence, ils ont eu recours à la ruse, l'arme de ceux qui ont conscience de leur faiblesse… de loups ils se sont faits agneaux pour s'introduire dans la bergerie, y semer le désordre, la division, la confusion. Parce qu'ils sont parvenus à jeter la perturbation dans quelques rangs, ils se sont crus trop tôt maîtres de la place. Les adeptes isolés n'en ont pas moins continué leur œuvre, et l'idée fait chaque jour son chemin sans beaucoup de bruit… Ce sont eux qui ont fait le bruit… Ne la voyez-vous pas percer partout ? dans les journaux, dans les livres, au théâtre, et même dans la chaire ? Elle travaille toutes les consciences ; elle entraîne les esprits vers de nouveaux horizons ; on la trouve à l'état d'intuition chez ceux mêmes qui n'en ont pas entendu parler. C'est là un fait que personne ne peut nier, et qui devient chaque jour plus évident ; n'est-ce pas la preuve que l'idée est irrésistible, et qu'elle est un signe du temps ?

L'anéantir est donc chose impossible, parce qu'il faudrait l'anéantir, non pas sur un point, mais sur le globe entier ; et puis, les idées ne sont-elles pas portées sur l'aile des vents, et comment les atteindre ? On saisit des ballots de marchandises à la douane ; mais des idées ! elles sont insaisissables.

Que faire alors ? Essayer de s'en emparer pour les accommoder à sa guise… Eh bien ! c'est le parti auquel on s'est décidé. On s'est dit : Le Spiritisme est le précurseur d'une révolution morale inévitable ; avant qu'elle ne soit entièrement accomplie, tâchons de la détourner à notre profit ; faisons en sorte qu'il en soit de celle-ci comme de certaines révolutions politiques ; en en dénaturant l'esprit, on pourrait lui imprimer un autre courant.

Le plan de campagne est donc changé… Vous verrez se former des réunions spirites, dont le but avoué sera la défense de la doctrine, et dont le but secret sera sa destruction ; de soi-disant médiums qui auront des communications de commande appropriées au but qu'on se propose ; des publications qui, sous le manteau du Spiritisme, s'efforceront de le démolir ; des doctrines qui lui emprunteront quelques idées, mais avec la pensée de le supplanter. Voilà la lutte, la véritable lutte qu'il aura à soutenir, et qui sera poursuivie avec acharnement, mais dont il sortira victorieux et plus fort.

Que peuvent les hommes contre la volonté de Dieu ? Est-il possible de la méconnaître en présence de ce qui se passe ? Son doigt n'est-il pas visible dans ce progrès qui brave toutes les attaques ? dans ces phénomènes qui surgissent de toutes parts comme une protestation, comme un démenti donné à toutes les négations ?… La vie des hommes, le sort de l'humanité ne sont-ils pas entre ses mains ?… les aveugles !… Ils comptent sans la nouvelle génération qui s'élève, et qui emporte chaque jour la génération qui s'en va… encore quelques années, et celle-ci aura disparu, ne laissant après elle que le souvenir de ses tentatives insensées pour arrêter l'élan de l'esprit humain qui marche, marche quand même… Ils comptent sans les événements qui vont hâter l'éclosion de la nouvelle période humanitaire… sans les appuis qui vont s'élever en faveur de la nouvelle doctrine et dont la voix puissante imposera silence à ses détracteurs par son autorité.

Oh ! combien la face du monde sera changée pour ceux qui verront le commencement du siècle prochain !… Que de ruines ils verront derrière eux, et quels splendides horizons s'ouvriront devant eux !… ce sera comme l'aurore refoulant les ombres de la nuit ;… aux bruits, aux tumultes, aux mugissements de la tempête succèderont des chants d'allégresse ; après les angoisses, les hommes renaîtront à l'espérance… Oui ! le vingtième siècle sera un siècle béni, car il verra l'ère nouvelle annoncée par le Christ.

Nota. Ici le médium s'arrête, dominé par une émotion indicible, et comme épuisé de fatigue. Après quelques minutes de repos, pendant lesquelles il semble revenir au degré du somnambulisme ordinaire, il reprend :

Qu'est-ce que je vous disais donc ? – Vous nous parliez du nouveau plan de campagne des adversaires du Spiritisme ; puis vous avez envisagé l'ère nouvelle. – J'y suis.

En attendant ils disputent le terrain pied à pied. On a à peu près renoncé aux armes d'un autre âge dont on a reconnu l'inefficacité ; on essaye maintenant de celles qui sont toutes puissantes en ce siècle d'égoïsme, d'orgueil et de cupidité : l'or, la séduction de l'amour-propre. Auprès de ceux qui sont inaccessibles à la crainte, on exploite la vanité, les besoins terrestres. Tel qui s'est roidi contre la menace, prête quelquefois une oreille complaisante à la flatterie, à l'appât du bien-être matériel… On promet du pain à celui qui n'en a pas, de l'ouvrage à l'artisan, des pratiques au marchand, de l'avancement à l'employé, des honneurs à l'ambitieux s'ils renoncent à leurs croyances ; on les frappe dans leur position, dans leurs moyens d'existence, dans leurs affections, s'ils sont indociles ; puis le mirage de l'or produit sur quelques-uns son effet ordinaire. Dans le nombre, il se trouve nécessairement quelques caractères faibles qui succombent à la tentation. Il y en a qui tombent dans le piège de bonne foi, parce que la main qui le dresse se cache… Il y en a aussi, et beaucoup, qui cèdent à la dure nécessité, mais qui n'en pensent pas moins ; leur renoncement n'est qu'apparent ; ils plient, mais pour se relever à la première occasion… D'autres, ceux qui ont à un plus haut degré le véritable courage de la foi, bravent résolument le danger ; ceux-là réussissent toujours, parce qu'ils sont soutenus par les bons Esprits… Quelques-uns, hélas !… mais ceux-là n'ont jamais été Spirites de cœur… préfèrent l'or de la terre à l'or du ciel ; ils restent, pour la forme, attachés à la doctrine, et sous ce manteau, n'en servent que mieux la cause de ses ennemis… c'est un triste échange qu'ils font là, et qu'ils payeront bien cher !

Dans les temps de cruelles épreuves que vous allez traverser, heureux ceux sur qui s'étendra la protection des bons Esprits, car jamais elle n'aura été plus nécessaire !… Priez pour les frères égarés, afin qu'ils mettent à profit les courts instants de répit qui leur sont accordés avant que la justice du Très-Haut s'appesantisse sur eux… Quand ils verront éclater l'orage, plus d'un criera grâce ! Mais il leur sera répondu : Qu'avez-vous fait de nos enseignements ? N'avez-vous pas, vous médiums, écrit cent fois votre propre condamnation ?… Vous avez eu la lumière, et vous n'en avez pas profité ; nous vous avions donné un abri, pourquoi l'avez-vous déserté ? Subissez donc le sort de ceux que vous avez préférés. Si votre cœur eût été touché de nos paroles, vous seriez restés fermes dans la voie du bien qui vous était tracée ; si vous aviez eu la foi, vous auriez résisté aux séductions tendues à votre amour-propre et à votre vanité. Avez-vous donc cru pouvoir nous en imposer, comme aux hommes, par de fausses apparences ? Sachez, si vous en avez douté, qu'il n'est pas un seul mouvement de l'âme, qui n'ait son contrecoup dans le monde des Esprits.

Croyez-vous que ce soit pour rien, que se développe la faculté voyante chez un si grand nombre de personnes ? que ce soit pour offrir un nouvel aliment à la curiosité que tant de médiums aujourd'hui s'endorment spontanément du sommeil de l'extase ? Non, détrompez-vous. Cette faculté, qui vous est annoncée depuis longtemps, est un signe caractéristique des temps qui s'accomplissent ; c'est un prélude de la transformation, car, comme il vous a été dit, ce doit être un des attributs de la nouvelle génération. Cette génération, plus épurée moralement, le sera aussi physiquement ; la médiumnité sous toutes les formes sera à peu près générale, et la communion avec les Esprits un état pour ainsi dire normal.

Dieu envoie cette faculté voyante en ces moments de crise et de transition pour donner à ses fidèles serviteurs un moyen de déjouer les trames de leurs ennemis, car les mauvaises pensées que l'on croit cachées dans l'ombre des replis de la conscience, se répercutent dans ces âmes sensitives, comme dans une glace, et se dévoilent elles-mêmes. Celui qui n'exhale que de bonnes pensées ne craint pas qu'on les connaisse. Heureux celui qui peut dire : Lisez dans mon âme comme dans un livre ouvert.

Remarque. Le somnambulisme spontané, dont nous avons déjà parlé, n'est en effet qu'une forme de la médiumnité voyante dont le développement était annoncé depuis quelque temps, de même que l'apparition de nouvelles aptitudes médianimiques. Il est remarquable que dans tous les moments de crise générale ou de persécution, les personnes douées de cette faculté sont plus nombreuses que dans les temps ordinaires ; il y en a eu beaucoup au moment de la révolution ; les Camisards des Cévènes, traqués comme des bêtes fauves, avaient de nombreux voyants qui les avertissaient de ce qui se passait au loin ; on les a, pour ce fait, et par ironie, qualifiés d'illuminés ; aujourd'hui on commence à comprendre que la vue à distance et indépendante des organes de la vision peut bien être un des attributs de la nature humaine, et le Spiritisme l'explique par la faculté expansive et les propriétés de l'âme. Les faits de ce genre se sont tellement multipliés, qu'on s'en étonne moins ; ce qui paraissait à quelques-uns autrefois miracle ou sortilège, est aujourd'hui considéré comme effet naturel. C'est une des mille voies par lesquelles pénètre le Spiritisme, de sorte que, si on l'arrête à une source, il se fait jour par d'autres issues.

Cette faculté n'est donc pas nouvelle, mais elle tend à se généraliser, sans doute pour le motif indiqué dans la communication ci-dessus, mais aussi comme moyen de prouver aux incrédules l'existence du principe spirituel. Au dire des Esprits elle deviendrait même endémique, ce qui s'expliquerait naturellement par la transformation morale de l'humanité, cette transformation devant amener dans l'organisme des modifications qui faciliteront l'expansion de l'âme.

Comme d'autres facultés médianimiques, celle-ci peut être exploitée par le charlatanisme ; il est donc bon de se tenir en garde contre la supercherie qui pourrait, par un motif quelconque, chercher à la simuler, et de s'assurer, par tous les moyens possibles, de la bonne foi de ceux qui disent la posséder. Outre le désintéressement matériel et moral, et l'honorabilité notoire de la personne, qui sont les premières garanties, il convient d'observer avec soin les conditions et les circonstances dans lesquelles le phénomène se produit, et de voir si elles n'offrent rien de suspect.

Les Espions

Société de Paris, 12 juillet 1867 ; méd. M. Morin, en sommeil spontané.

Lorsque, à la suite d'une terrible convulsion humanitaire, la société entière se mouvait lentement, accablée, écrasée, et ignorant la cause de son accablement, quelques êtres privilégiés, quelques vieux vétérans du bien, mettant en commun leur expérience de la difficulté à le reproduire, et ajoutant à cela le respect que devait provoquer leur conduite et leur position, résolurent de chercher à approfondir les causes de cette crise générale dont chacun est frappé en particulier.

L'ère nouvelle commence, et avec elle le Spiritisme (ce mot est créé ; il ne reste plus qu'à le faire comprendre et à en apprendre soi-même la signification). Le temps impassible marche toujours, et le Spiritisme, qui n'est plus seulement un mot, n'a plus à se faire comprendre : il est compris !… Mais, les quelques vétérans spirites, ces créateurs, ces missionnaires, sont toujours à la tête du mouvement… Leur petit bataillon est bien faible quant au nombre ; mais patience !… de proche en proche il gagne des adhérents, et bientôt il sera une armée : l'armée des vétérans du bien ! Car, en général, le Spiritisme, à son début, dans ses premières années, n'a presque toujours touché que les cœurs déjà usés aux frottements de la vie, les cœurs qui ont souffert et payé, ceux qui portaient en germe les principes du beau, du bien, du bon, du grand.

Descendant successivement du vieillard à l'âge mûr, de l'âge mûr à l'âge viril et de l'âge viril à l'adolescence, le Spiritisme s'est infiltré dans tous les âges, comme dans tous les cœurs, dans toutes les religions, dans toutes les sectes, partout ! L'assimilation a été lente, mais sûre !… Et aujourd'hui ne craignez point qu'il tombe ce drapeau spirite, tenu dès son début par une main ferme et sûre ; car aujourd'hui, les jeunes phalanges des bataillons spirites ne crient pas, comme leurs adversaires : « Place aux jeunes. » Non, ils ne disent pas : « Sortez, les vieux, pour laisser monter les jeunes. » Ils ne demandent qu'une place au banquet de l'intelligence, que le droit de s'asseoir à côté de leurs devanciers et d'apporter leur obole au grand tout. Aujourd'hui, la jeunesse se virilise ; elle apporte son acquis à l'âge mûr en échange de l'expérience de ce dernier, en raison de la grande loi de réciprocité et des conséquences du travail collectif pour la science, la moralité, le bien ; car, en définitive, si la science progresse, au bénéfice de qui progresse-t-elle ? Ne sont-ce pas les corps humains qui profitent de toutes les élucidations, de tous les problèmes résolus, de toutes les inventions réalisées ? et cela profite à tous, de même que si vous progressez en moralité, cela profite à tous les Esprits. Donc, aujourd'hui, les jeunes gens et les vieillards sont égaux devant le progrès et doivent combattre côte à côte pour sa réalisation.

Le bataillon est devenu une armée, armée invulnérable, mais qui a à combattre, non un, mais des milliers d'adversaires coalisés contre elle. Donc, jeunes gens, apportez avec confiance la fougue de vos convictions, et vous, vieillards, votre sagesse, votre connaissance des hommes et des choses, votre expérience sans illusion.

L'armée est en front de bataille. Vos ennemis sont nombreux, mais ils ne sont pas en face de vous, front contre front, poitrine contre poitrine ; ils sont partout à vos côtés, devant, derrière, au milieu de vous, au sein même de votre cœur, et vous n'avez pour les combattre que votre bonne volonté, vos consciences loyales et vos tendances au bien. De ces armées coalisées, l'une a nom : l'orgueil ; les autres : l'ignorance, le fanatisme, la superstition, la paresse, les vices de toute nature.

Et votre armée qui doit combattre de front, doit aussi savoir lutter en particulier, car vous ne serez pas un contre un, mais un contre dix !… La belle victoire à remporter !… Eh bien ! si vous combattez tous en masse, avec l'espérance de triompher, combattez-vous d'abord vous-mêmes, domptez vos mauvaises tendances ; hypocrites, acquérez la sincérité ; paresseux, devenez travailleurs ; orgueilleux, soyez humbles, tendez la main à la loyauté vêtue d'une blouse en lambeaux, et tous, solidairement, prenez et tenez l'engagement de faire à autrui ce que voudriez qui vous fût fait. Donc, crions, non pas : Place aux jeunes, mais place à tout ce qui est beau, bien, à tout ce qui tend à s'approcher de la Divinité.

Aujourd'hui, on commence à le prendre en considération, ce pauvre Spiritisme qu'on disait mort-né ; on voit en lui un ennemi sérieux, et pourquoi donc ?… On ne la craignait point à ses débuts, cet enfant débile ; on se riait de ses efforts impuissants ; mais aujourd'hui que l'enfant est devenu homme, on le craint, parce qu'il a la force de l'âge viril ; c'est qu'il a réuni autour de lui des hommes de tous les âges, de toutes les positions sociales, de tous les degrés d'intelligence, qui comprennent que la sagesse, la science acquise, peuvent aussi bien résider dans le cœur d'un jeune homme de vingt ans que dans le cerveau d'un homme de soixante.

Donc, aujourd'hui, ce pauvre Spiritisme est craint, redouté ; on n'ose pas venir en face, se mesurer à lui ; on prend les chemins de détours, la route des lâches !… On ne vient pas, à la lumière du jour, lui dire : Tu n'es pas ; on vient au milieu de ses partisans, dire comme eux, faire comme eux, applaudir et approuver tout ce qu'ils font lorsqu'on est avec eux, pour les combattre et les trahir quand on a tourné le dos. Oui, voilà ce qu'on fait aujourd'hui ! Au début, on lui disait en face ce qu'on pensait à l'enfant malingre, mais aujourd'hui on n'ose plus, car il a grandi, et cependant jamais il n'a montré les dents.

Si l'on me dit de vous dire ceci, bien que cela me soit toujours pénible, c'est que cela avait son utilité ; rien, pas un mot, pas un geste, pas une intonation de voix ne s'effectuent sans qu'ils n'aient leur raison d'être et qu'ils n'apportent leur contingent dans l'équilibre général. L'administration des postes de là-haut est bien plus intelligente et plus complète que celle de votre terre ; toute parole va à son but, à son adresse, sans suscription, tandis que chez vous la lettre qui n'en porte pas n'arrive jamais.

Remarque. La communication ci-dessus est, comme on le voit, une application de ce qui a été dit dans la précédente sur l'effet de la faculté voyante, et ce n'est pas la seule fois qu'il nous a été donné de constater les services que cette faculté est appelée à rendre. Ce n'est pas à dire qu'il faille ajouter une foi aveugle à tout ce qui peut être dit en pareil cas ; il y aurait autant d'imprudence à croire sans réserve le premier venu, qu'à mépriser les avertissements qui peuvent être donnés par cette voie. Le degré de confiance qu'on peut y ajouter dépend des circonstances ; cette faculté demande à être étudiée ; avant tout, il faut agir avec circonspection, et se garder d'un jugement précipité.

Quant au fond de la communication, sa coïncidence avec celle qui a été donnée cinq mois auparavant, par un autre médium, et dans un autre milieu, est un fait digne de remarque, et nous savons que des instructions analogues sont données dans différents centres. Il est donc prudent de se tenir sur la réserve avec les gens sur la sincérité desquels on n'a pas toute raison d'être édifié. Les Spirites, sans doute, n'ont que des principes hautement avouables ; ils n'ont rien à cacher ; mais ce qu'ils ont à craindre, c'est de voir leurs paroles dénaturées et leurs intentions travesties ; ce sont les pièges tendus à leur bonne foi par les gens qui plaident le faux pour savoir le vrai ; qui, sous les apparences d'un zèle trop exagéré pour être sincère, tentent d'entraîner les groupes dans une voie compromettante, soit pour leur susciter des embarras, soit pour jeter la défaveur sur la doctrine.

La responsabilité morale

Société de Paris, 9 juillet 1867. Méd. M. Nivard.

J'assiste à toutes tes causeries mentales, mais sans les diriger : tes pensées sont émises en ma présence, mais je ne les provoque pas. C'est le pressentiment des cas qui ont quelque chance de se présenter, qui fait naître en toi les pensées propres à résoudre les difficultés qu'ils pourraient te susciter. C'est là le libre arbitre ; c'est l'exercice de l'Esprit incarné, s'essayant à résoudre des problèmes qu'il se pose lui-même.

En effet, si les hommes n'avaient que les idées que les Esprits leur inspirent, ils auraient peu de responsabilité et peu de mérite ; ils n'auraient que la responsabilité d'avoir écouté de mauvais conseils, ou le mérite d'avoir suivi les bons. Or, cette responsabilité et ce mérite seraient évidemment moins grands que s'ils étaient le résultat de l'entier libre arbitre, c'est-à-dire d'actes accomplis dans la plénitude de l'exercice des facultés de l'Esprit, qui, dans ce cas, agit sans aucune sollicitation.

Il résulte de ce que je dis que très souvent les hommes ont des pensées qui leur sont essentiellement propres, et que les calculs auxquels ils se livrent, les raisonnements qu'ils tiennent, les conclusions auxquelles ils aboutissent, sont le résultat de l'exercice intellectuel au même titre que le travail manuel est le résultat de l'exercice corporel. Il ne faudrait pas conclure de là, que l'homme n'est pas assisté dans ses pensées et dans ses actes par les Esprits qui l'entourent, bien au contraire ; les Esprits, soit bienveillants, soit malveillants, sont souvent la cause provocatrice de vos actes et de vos pensées ; mais vous ignorez complètement dans quelles circonstances cette influence se produit, en sorte qu'en agissant, vous croyez le faire en vertu de votre propre mouvement : votre libre arbitre reste intact ; il n'y a de différence entre les actes que vous accomplissez sans y être poussés, et ceux que vous accomplissez sous l'influence des Esprits, que dans le degré du mérite ou de la responsabilité.

Dans l'un et l'autre cas, la responsabilité et le mérite existent, mais, je le répète, ils n'existent pas au même degré. Ce principe que j'énonce n'a pas, je crois, besoin de démonstration ; il me suffira, pour le prouver, de prendre une comparaison dans ce qui existe parmi vous.

Si un homme a commis un crime, et qu'il l'ait commis, séduit par les conseils dangereux d'un homme qui exerce sur lui beaucoup d'influence, la justice humaine saura le reconnaître en lui accordant bénéfice des circonstances atténuantes ; elle ira plus loin : elle punira l'homme dont les conseils pernicieux ont provoqué le crime, et sans y avoir autrement contribué, cet homme sera plus sévèrement puni que celui qui n'a été que l'instrument, parce que c'est sa pensée qui a conçu le crime, et son influence sur un être plus faible qui l'a fait exécuter. Eh bien ! ce que font les hommes dans ce cas, en diminuant la responsabilité du criminel et en la partageant l'infâme avec qui l'a poussé à commettre le crime, comment voudriez-vous que Dieu, qui est la justice même, n'en fît pas autant, puisque votre raison vous dit qu'il est juste d'agir ainsi ?

Pour ce qui concerne le mérite des bonnes actions, que j'ai dit être moins grand si l'homme a été sollicité à les faire, c'est la contrepartie de ce que je viens de dire au sujet de la responsabilité, et peut se démontrer en renversant la proposition.

Ainsi donc, quand il t'arrive de réfléchir et de promener tes idées d'un sujet à un autre ; quand tu discutes mentalement sur les faits que tu prévois ou qui sont déjà accomplis ; quand tu analyses, quand tu raisonnes et quand tu juges, ne crois pas que ce soient des Esprits qui te dictent tes pensées ou qui te dirigent ; ils sont là, près de toi, ils t'écoutent ; ils voient avec plaisir cet exercice intellectuel auquel tu te livres ; leur plaisir est doublé, quand ils voient que tes conclusions sont conformes à la vérité.

Il leur arrive quelquefois, évidemment, de se mêler à cet exercice, soit pour le faciliter, soit pour donner à l'Esprit quelques aliments, ou lui créer quelques difficultés, afin de rendre cette gymnastique intellectuelle plus profitable à celui qui la pratique ; mais, en général, l'homme qui cherche, quand il est livré à ses réflexions, agit presque toujours seul, sous l'œil vigilant de son Esprit protecteur, qui intervient si le cas est assez grave pour rendre son intervention nécessaire.

Ton père qui veille sur toi, et qui est heureux de te voir à peu près rétabli. (Le médium sortait d'une grave maladie.)

Louis Nivard.


Réclamation au journal La Marionnette

La Marionnette, nouveau journal de Lyon, avait publié l'article ci-après dans son numéro du 30 juin dernier :

« Nous signalons l'arrivée à Lyon du musée anthropologique et ethnologique de M. A. Neger, successeur de M. Th. Petersen.

Entre autres choses extraordinaires, on voit dans ce musée de cire :

1° une infortunée princesse de la côte de Coromandel qui, mariée à un grand chef de tribu, a eu l'infamie d'oublier ses devoirs conjugaux avec un Européen trop séduisant, et est morte à Londres d'une maladie de langueur ;

2° Des trichines vingt fois plus grosses que nature dans toutes les phases de leur existence, depuis la plus tendre enfance jusqu'à la plus extrême vieillesse ;

3° La célèbre Mexicaine Julia Pastrana morte en couches à Moscou en l'an de grâce 1860.

Ce n'est pas sans un étonnement légitime que nous avons appris cette mort prématurée, – attendu qu'en 1865 Julia Pastrana se livrait à des exercices équestres dans un cirque dont les représentations se donnaient sur le cours Napoléon.

Comment une femme morte en 1860 peut-elle crever des ronds de papier en 1865 ? Cela fait rêver !

Allan Kardec. »


Ce numéro nous ayant été communiqué, nous avons adressé au directeur la réclamation suivante :

Monsieur,

On me communique le numéro 6 de votre journal, où se trouve un article signé : Allan Kardec. Je ne pense pas avoir d'homonyme ; dans tous les cas, comme je ne réponds que de ce que j'écris, je vous prie de vouloir bien insérer la présente lettre dans votre prochain numéro, afin d'informer vos lecteurs que M. Allan Kardec, l'auteur du Livre des Esprits, est étranger à l'article qui porte son nom, et qu'il n'autorise personne à s'en servir.

Recevez, monsieur, mes salutations empressées.

Allan Kardec.


Le directeur du journal nous a immédiatement répondu ce qui suit :

Monsieur,

Notre ami Acariâtre, auteur de l'article signé par méprise de votre nom, s'est déjà plaint de la maladresse du correcteur. Voici la phrase : Cela fait rêver Allan Kardec, allusion au Spiritisme. Les embellissements de Lyon sont tous signés Acariâtre. Dans notre prochain numéro, nous rectifierons cette méprise.

Recevez, monsieur, mes salutations empressées.

E. B. Labaume.


Nota. Ce journal paraît tous les dimanches, 5, cours Lafayette, à Lyon.


Allan Kardec




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