Les Esprits instructeurs de l'enfance
Enfant affecté de mutisme
Une dame nous transmet le fait suivant :
« Une de mes filles a un petit garçon de trois
ans qui, depuis qu'il est né, lui a donné les plus vives inquiétudes ; sa
santé rétablie, à la fin du mois d'août dernier, il marchait à peine, ne disait
que papa, maman, le reste de son langage n'était qu'un mélange de sons
inarticulés. Il y a un mois environ, à la suite d'essais infructueux pour faire
prononcer à son fils les mots les plus usuels, essais souvent renouvelés sans
aucun succès, ma fille s'était couchée, fort attristée de cette espèce de
mutisme, se désolant surtout de ce qu'à son retour son mari, capitaine au long
cours, dont l'absence aura duré plus d'un an, ne trouverait pas de changement
dans la manière de parler de son fils, lorsqu'à cinq heures du matin, elle fût
réveillée par la voix de l'enfant qui articulait distinctement les lettres A,
B, C, D, qu'on n'avait jamais essayé de lui faire prononcer. Croyant rêver,
elle s'assit dans son lit, et la tête penchée sur le berceau, la figure près de
celle du petit qui dormait, elle l'entendit répéter à haute voix, à plusieurs
reprises, en les ponctuant chacune par un petit mouvement de tête, les lettres
A, B, C, puis, après un petit temps d'arrêt, et en appuyant sur la prononciation,
D.
Lorsque j'entrai dans sa chambre à six heures,
l'enfant dormait toujours, mais la mère, encore tout heureuse et tout émue
d'avoir entendu son fils dire ces lettres, ne s'était pas rendormie. Au réveil
du petit, et depuis lors, nous avons vainement essayé de lui faire dire ces
lettres (dont il n'avait jamais entendu parler quand il les a dites dans son
sommeil, du moins dans cette vie), tous nos essais ont échoué. Même encore
aujourd'hui, il dit A, B, mais il nous a été impossible d'obtenir, pour C, D,
autre chose que deux sons, l'un de la gorge, l'autre du nez qui ne rappellent
en aucune façon les deux lettres que nous voulions lui faire dire.
N'est-ce pas la preuve que cet enfant a déjà
vécu ? Je m'arrête là, ne me sentant pas assez instruite pour oser
conclure. J'ai besoin d'apprendre encore, de lire beaucoup tout ce qui a trait
au Spiritisme, non pour me convaincre : Le Spiritisme répond à tout, ou du
moins presque à tout ; mais, je vous le répète, monsieur, je ne sais pas
assez. Cela viendra ; le désir ne me manque pas. Dieu qui ne m'a pas
abandonnée depuis dix-sept ans que je suis veuve ; Dieu qui m'a aidée à
élever mes enfants et à les établir ; Dieu en qui j'ai foi, pourvoira à ce
qui me manque, car j'espère en lui, et je le prie de tout cœur pour qu'il
permette à ses bons Esprits de m'éclairer, de me guider vers le bien. Priez
aussi pour moi, monsieur, qui suis en communion de pensée avec vous, et qui
désire par-dessus tout marcher dans la bonne voie. »
Ce fait est sans contredit le résultat de
connaissances acquises antérieurement. S'il est une aptitude innée, c'est celle
qui se révèle spontanément pendant le sommeil du corps, quand aucune
circonstance n'avait pu la développer à l'état de veille. Si les idées étaient
un produit de la matière, pourquoi une idée nouvelle surgirait-elle quand la
matière est engourdie, tandis qu'elle est, non seulement nulle, mais impossible
à exprimer quand les organes sont en pleine activité ? La cause première
ne peut donc être dans la matière. C'est ainsi que le matérialisme se heurte à
chaque pas contre des problèmes dont il est impuissant à donner la solution.
Pour qu'une théorie soit vraie et complète, il faut qu'elle ne soit démentie
par aucun fait ; le Spiritisme n'en formule aucune prématurément, à moins
que ce ne soit à titre d'hypothèse, auquel cas il se garde de la donner comme
vérité absolue, mais seulement, comme sujet d'étude. C'est la raison pour
laquelle il marche à coup sûr.
Dans le cas dont il s'agit, il est donc évident que
l'Esprit n'ayant point appris pendant la veille ce qu'il dit pendant le
sommeil, il faut qu'il l'ait appris quelque part ; puisque ce n'est pas
dans cette vie, il faut que ce soit dans une autre, et, qui plus est, dans une
existence terrestre où il parlait français, puisque ce sont des lettres
françaises qu'il prononce. Comment expliqueront ce fait ceux qui nient la
pluralité des existences ou la réincarnation sur la terre ?
Mais il reste à savoir comment il se fait que l'Esprit
ne puisse dire, éveillé, ce qu'il articule dans le sommeil ? Voici
l'explication qui en a été donnée par un Esprit à la Société de Paris.
24 novembre 1864. - Médium, madame Cazemajour.
« C'est une intelligence qui pourra rester encore
voilée quelque temps par la souffrance matérielle de la réincarnation à
laquelle cet Esprit a eu beaucoup de peine à se soumettre, et qui a
momentanément annihilé ses facultés. Mais son guide l'aide avec une tendre
sollicitude à sortir de cet état par les conseils, les encouragements et les
leçons qu'il lui donne pendant le sommeil du corps, leçons qui ne sont pas
perdues et qui se retrouveront vivaces quand cette phase d'engourdissement sera
passée, et qui sera déterminée par un choc violent, une émotion extrême. Une
crise de ce genre est nécessaire pour cela ; il faut s'y attendre, mais ne
pas craindre l'idiotisme : ce n'est pas le cas. »
Il y a là un enseignement important et jusqu'à un
certain point nouveau : celui de la première éducation donnée à un Esprit
incarné par un Esprit désincarné. Certains savants dédaigneraient sans doute ce
fait comme trop puéril et sans importance ; ils n'y verraient qu'une
bizarrerie de la nature, ou l'expliqueraient par une surexcitation cérébrale
qui étend momentanément les facultés ; car c'est ainsi qu'ils expliquent
toutes les facultés médianimiques. On concevrait sans doute, dans certains cas,
l'exaltation chez une personne d'un âge mûr, qui se monte l'imagination par ce
qu'elle voit, ou ce qu'elle entend, mais on ne comprendrait pas ce qui pourrait
surexciter le cerveau d'un enfant de trois ans qui dort. Voilà donc un fait
inexplicable par cette théorie, tandis qu'il trouve sa solution naturelle et
logique par le Spiritisme. Le Spiritisme ne dédaigne aucun fait, quelque mince
qu'il soit en apparence ; il les épie, les observe et les étudie
tous ; c'est ainsi que progresse la science spirite à mesure que les faits
se présentent pour affirmer ou compléter sa théorie ; s'ils la
contredisent, il en cherche une autre explication.
Une lettre en date du 30 décembre 1864, écrite par un
ami de la famille, contient ce qui suit :
« Une crise, ont dit les Esprits, déterminée par
un choc violent, une émotion extrême, délivrera l'enfant de l'engourdissement
de ses facultés. Les Esprits ont dit vrai ; la crise a eu lieu par un choc
violent, et voici de quelle manière. L'enfant a été cause que sa grand-mère a
fait une chute terrible dans laquelle elle a manqué de se fendre la tête en
écrasant l'enfant. Depuis cette secousse, l'enfant surprend ses parents à
chaque instant en prononçant des phrases entières, comme celle-ci, par
exemple : « Prends garde, maman, de tomber. »
L'articulation des lettres pendant le sommeil de
l'enfant était bien évidemment un effet médianimique, puisqu'elle était le
résultat de l'exercice que lui faisait faire l'Esprit. Dans une séance
ultérieure de la société, où l'on ne s'occupait nullement du fait en question,
la dissertation suivante fut donnée spontanément, et vient confirmer et
développer le principe de ce genre de médiumnité.
Médianimité de l'enfance
Société de Paris, 6 janvier 1865. - Médium, M. Delanne
Lorsque, après avoir été préparé par l'ange gardien,
l'Esprit qui vient s'incarner, c'est-à-dire subir de nouvelles épreuves en vue
de son amélioration, alors commencent à s'établir les liens mystérieux qui
l'unissent au corps pour manifester son action terrestre. Là est toute une
étude, sur laquelle je ne m'étendrai pas ; je ne vous parlerai que du rôle
et de la disposition de l'Esprit pendant la période de l'enfance au berceau.
L'action de l'Esprit sur la matière, dans ce temps de
végétation corporelle, est peu sensible. Aussi les guides spirituels
s'empressent-ils de profiter de ces instants où la partie charnelle n'oblige
pas la participation intelligente de l'Esprit, afin de préparer ce dernier, de
l'encourager dans les bonnes résolutions dont son âme est imprégnée.
C'est dans ces moments de dégagement que l'Esprit,
tout en sortant du trouble où il a dû passer pour son incarnation présente,
comprend et se rappelle les engagements qu'il a contractés pour son avancement
moral. C'est alors que les Esprits protecteurs vous assistent, et vous aident à
vous reconnaître. Aussi, étudiez la figure du petit enfant qui dort ; vous
le voyez souvent « sourire aux anges », comme on dit vulgairement,
expression plus juste qu'on ne pense. Il sourit en effet aux Esprits qui
l'entourent et doivent le guider.
Voyez-le éveillé, ce cher petit ; tantôt il
regarde fixement : il semble reconnaître des êtres amis ; tantôt il
bégaye des mots, et ses gestes joyeux semblent s'adresser à des figures aimées ;
et comme Dieu n'abandonne jamais ses créatures, ces mêmes Esprits lui donnent
plus tard de bonnes et salutaires instructions, soit pendant le sommeil, soit
par inspiration à l'état de veille. De là vous pouvez voir que tous les hommes
possèdent, au moins à l'état de germe, le don de médiumnité.
L'enfance proprement dite est une longue suite
d'effets médianimiques, et si des enfants un peu plus avancés en âge, lorsque
l'Esprit a acquis plus de force, ne craignaient pas parfois les images des
premières heures, vous pourriez beaucoup mieux constater ces effets.
Continuez à étudier, et chaque jour, comme de grands
enfants, votre instruction grandira, si vous ne vous obstinez pas à fermer les
yeux sur ce qui vous entoure.
Un Esprit protecteur.