Conséquences de l'explication précédente.
Nous voici au point principal que nous nous sommes proposé.
L'explication qui précède nous paraît résoudre la question avec une
parfaite clarté. Tout est dans ces mots : La lucidité n'est pas
permanente chez cet homme. Le verre est un moyen de la provoquer par
l'action du rayonnement sur le système nerveux ; mais il faut que le
mode de rayonnement soit en rapport avec l'organisme ; de là, la variété
des objets pouvant produire cet effet selon les individus prédisposés à
les subir. Il en résulte :
1° Que pour ceux chez qui la vue psychique est spontanée ou permanente, l'emploi d'agents artificiels est inutile ;
2° que ces agents sont nécessaires lorsque la faculté a besoin d'être surexcitée ;
3° que ces agents devant être appropriés à l'organisme, ce qui a de l'action sur les uns, ne produit rien sur les autres.
Certaines particularités de notre voyant trouvent leur raison d'être dans cette explication.
La lettre placée sous le fond du verre, au lieu de le faciliter, le
troublait, parce qu'elle changeait la nature du reflet qui lui est
propre.
En commençant, avons-nous dit, il parle de choses
indifférentes tout en regardant son verre ; c'est que l'action n'est pas
instantanée, et cette conversation préliminaire, sans but apparent, a
lieu pendant le temps nécessaire à la production de l'effet.
De
même que l'état lucide ne se développe que graduellement, il ne cesse
pas brusquement ; c'est la raison pour laquelle cet homme continue à
voir encore quelques instants après avoir cessé de regarder dans son
verre, ce qui nous avait fait croire que cet objet était inutile. Mais
comme l'état lucide est en quelque sorte factice chez lui, il lui faut
de temps en temps recourir à son verre pour l'entretenir.
On
comprend, jusqu'à un certain point, le développement de la faculté par
un moyen matériel, mais comment l'image d'une personne éloignée
peut-elle se présenter dans le verre ? Le Spiritisme seul peut résoudre
ce problème par la connaissance qu'il donne de la nature de l'âme, de
ses facultés, des propriétés de son enveloppe périspritale, de son
rayonnement, de sa puissance émancipatrice et de son dégagement de
l'enveloppe corporelle. Dans l'état de dégagement, l'âme jouit des
perceptions qui lui sont propres, sans le concours des organes matériels
; la vue est un attribut de l'être spirituel ; il voit par lui-même
sans le secours des yeux, comme il entend sans le secours des oreilles ;
si les organes des sens étaient indispensables aux perceptions de
l'âme, il s'en suivrait qu'après la mort l'âme, n'ayant plus ces
organes, serait sourde et aveugle. Le dégagement complet qui a lieu
après la mort se produit partiellement pendant la vie, et c'est alors
que se manifeste le phénomène de la vue spirituelle, autrement dit de la
double vue ou seconde vue, ou vue psychique, dont le pouvoir s'étend
aussi loin que s'étend le rayonnement de l'âme.
Dans la
circonstance dont il s'agit, l'image ne se forme pas dans la substance
du verre ; c'est l'âme elle-même qui, par son rayonnement, perçoit
l'objet à l'endroit où il se trouve ; mais comme, chez cet homme, le
verre est l'agent provocateur de l'état lucide, l'image lui apparaît
tout naturellement dans la direction du verre. C'est absolument comme
celui qui a besoin d'une longue-vue pour voir au loin ce qu'il ne peut
distinguer à l'œil nu ; l'image de l'objet n'est pas dans les verres de
la lunette, mais dans la direction des verres qui lui permettent de la
voir ; ôtez-lui l'instrument, il ne voit plus rien. En poursuivant la
comparaison, nous dirons que, de même que celui qui a une bonne vue n'a
pas besoin de lunettes, celui qui jouit naturellement de la vue
psychique n'a pas besoin de moyens artificiels pour la provoquer.
Il y a quelques années, un médecin découvrit qu'en posant entre les
deux yeux, sur la racine du nez, un bouchon de carafe, une boule de
cristal ou de métal brillant, et en faisant converger les rayons visuels
vers cet objet pendant quelque temps, la personne entrait dans une
sorte d'état cataleptique, durant lequel se manifestaient quelques-unes
des facultés que l'on remarque chez certains somnambules, entre autres
l'insensibilité et la vue à distance à travers les corps opaques, et que
cet état cessait petit à petit après l'enlèvement de l'objet. C'était
évidemment un effet magnétique produit par un corps inerte. Quel rôle
physiologique joue le reflet brillant dans ce phénomène ? c'est ce que
l'on ignore ; mais il a été constaté que si cette condition est
nécessaire dans la plupart des cas, elle ne l'est pas toujours, et que
le même effet est produit sur certains individus à l'aide d'objets
ternes.
Ce phénomène, auquel on donna le nom d'hypnotisme fit
du bruit dans les corps savants ; on expérimenta ; les uns réussirent,
les autres échouèrent, comme cela devait être, les aptitudes n'étant pas
les mêmes chez tous les sujets. La chose, fût-elle exceptionnelle,
valait assurément bien la peine d'être étudiée ; mais il est regrettable
de le dire, dès qu'on s'aperçut que c'était une porte dérobée par
laquelle le magnétisme et le somnambulisme allaient pénétrer sous une
autre forme et un autre nom dans le sanctuaire de la science officielle,
il n'y fut plus question d'hypnotisme (Voir la Revue spirite de janvier
1860.)
Cependant la nature ne perd jamais ses droits ; si ses
lois sont méconnues pendant un temps, elle revient si souvent à la
charge, elle les présente sous des formes si variées, que force est tôt
ou tard d'ouvrir les yeux. Le Spiritisme en est une preuve ; on a beau
le nier, le dénigrer, le repousser, il frappe à toutes les portes de
cent manières différentes, et pénètre bon gré mal gré chez ceux-mêmes
qui ne veulent pas en entendre parler.
En rapprochant ce
phénomène de celui qui nous occupe, et surtout des explications données
ci-dessus, on remarque, dans les effets et dans les causes, une analogie
frappante ; d'où l'on peut tirer cette conclusion que les corps
vulgairement appelés miroirs magiques, ne sont autres que des agents
hypnotiques, infiniment variés dans leurs formes et dans leurs effets,
selon la nature et le degré des aptitudes.
Cela étant, il n'y
aurait rien d'impossible à ce que certaines personnes, douées
spontanément et accidentellement de cette faculté, subissent, à leur
insu, l'influence magnétique d'objets extérieurs sur lesquels elles
fixent machinalement les yeux. Pourquoi le reflet de l'eau, d'un lac,
d'un étang, d'une rivière, d'un astre même, ne produirait-il pas le même
effet qu'un verre ou une carafe sur certaines organisations
convenablement prédisposées ? Mais ceci n'est qu'une hypothèse qui a
besoin de la confirmation de l'expérience.
Ce phénomène, du
reste, n'est point une découverte moderne ; on le trouve même de nos
jours chez les peuples les plus arriérés, tant il est vrai que ce qui
est dans la nature a le privilège d'être de tous les temps et de tous
les pays ; on l'accepte d'abord comme fait : l'explication vient ensuite
avec le progrès, et à mesure que l'homme avance dans la connaissance
des lois qui régissent le monde.
Telles sont les conséquences qui nous paraissent découler logiquement des faits observés.