Variétés
Manifestations diverses spontanées
Une lettre d'un de nos correspondants contient le
récit suivant :
… Je commence par un souvenir de mon enfance que je
n'ai jamais oublié, quoiqu'il remonte à une époque déjà bien éloignée.
En 1819 ou 1820, on parla beaucoup à Saumur d'une
apparition à un officier, en garnison dans cette ville. Cet officier, logé chez
une famille de braves gens, se coucha dans la matinée pour se reposer d'une
nuit sans sommeil. Quelques heures après, en ouvrant les yeux, il aperçoit une
ombre drapée de blanc dans sa chambre ; il crut à une plaisanterie de ses
camarades et se leva pour aller au mauvais plaisant. L'ombre recula devant lui,
se glissa vers l'alcôve et disparut. La porte, qu'il avait fermée pour ne pas
être dérangé, était encore fermée, et une jeune fille de la maison, malade
depuis quelque temps, venait de mourir à l'instant même.
Ce fait, touchant au merveilleux, rappela à un de ses
camarades, M. de R…, lieutenant de cuirassiers, un rêve extraordinaire qu'il
avait fait longtemps auparavant et qu'il fit connaître alors.
M. de R…, étant en garnison à Versailles, rêva qu'il
voyait un homme se coupant le cou et recevant le sang dans un vase. A cinq
heures du matin, il se leva, tout préoccupé de ce rêve, et se dirigea vers le
quartier de cavalerie ; il était de service. En suivant une rue encore
déserte, il aperçut un groupe de personnes examinant quelque chose avec
beaucoup d'attention ; il s'approcha et apprit qu'un homme venait de se
tuer, et, chose extraordinaire, lui dit-on, cet homme avait fait couler son
sang dans un baquet en se coupant la gorge. M. de R… reconnut chez cet homme
les traits qu'il avait vus pendant la nuit.
Je n'ai appris ces deux faits que par des on dit, et
n'ai connu ni l'un ni l'autre des deux officiers.
En voici d'autres qui me sont presque
personnels :
Ma mère était une femme d'une piété vraie et éclairée,
qui ne se manifestait le plus souvent que par une charité ardente, comme le
veut le Spiritisme, mais nullement d'un caractère superstitieux et
impressionnable. Elle m'a souvent raconté ce souvenir de sa jeunesse. Quand
elle était jeune fille, elle avait une amie très malade, auprès de qui elle
passait une partie des nuits pour lui donner ses soins. Un soir qu'elle tombait
de fatigue, le père de la jeune malade insista pour qu'elle allât se reposer,
lui promettant que si sa fille se trouvait plus mal, il la ferait avertir. Ma
mère céda et se mit au lit, après s'être bien renfermée. Vers deux heures du
matin, elle fut réveillée par le contact de deux doigts glacés sur son épaule.
Elle fut vivement impressionnée et ne put plus dormir. Alors elle reprit ses
vêtements pour rejoindre sa chère malade, et allait ouvrir sa porte, quand on
frappa à celle de la maison. C'était un domestique qui venait lui apprendre la
mort de son amie, qui venait d'expirer.
En 1851, je parcourais en un jour la galerie de
tableaux et portraits de famille du magnifique château de C… conduit par le
docteur B… qui avait été le médecin de la famille. Je m'arrêtai quelque temps
devant le portrait d'un homme de quarante et quelques années, vêtu, autant que
je puisse me souvenir, d'un habit bleu, gilet rayé rouge et noir, et pantalon
gris. M. B… s'approcha de moi et me dit : « Voilà comme j'ai vu le
comte de C… quinze jours après sa mort. » Je demandai une explication et
voici ce qui me fut répondu : « A peu près quinze jours après la mort
de M. de C…, un soir, à la brune, je sortais de la chambre de madame la
comtesse ; je devais, pour sortir, suivre un long corridor, où s'ouvrait
la porte du cabinet de M. de C… Quand je fus arrivé devant cette porte, elle
s'ouvrit et M. de C… en sortit, s'avança vers moi, et marcha à mes côtés
jusqu'à la porte de sortie.
M. B… n'a attribué ce fait qu'à une
hallucination ; mais, dans tous les cas, elle se serait prolongée bien
longtemps, car je crois qu'au bout du corridor il y avait une autre pièce à
traverser avant la sortie.
Enfin, voici un fait qui m'est tout personnel.
En 1829, je crois, j'étais chargé à Hagueneau, en
Alsace, de la direction d'un dépôt de convalescents que nous envoyait la
nombreuse garnison de Strasbourg, alors fort éprouvée par des fièvres
intermittentes. J'avais au nombre de mes malades un jeune tambour qui, toutes
les nuits, après minuit, sentait quelqu'un se glisser dans son lit, s'attacher
à lui, l'étreindre dans ses bras et lui mordre la poitrine à la hauteur du sein
gauche. Ses camarades de chambrée m'ont dit que depuis huit jours, ils étaient
réveillés par ses cris ; qu'arrivés auprès de lui ils le trouvaient agité,
épouvanté, et ne pouvaient le calmer qu'en fouillant avec leur sabre sous son
lit et aux environs, pour lui montrer qu'il n'y avait personne. Je trouvai chez
ce jeune soldat, la poitrine
un peu tuméfiée et douloureuse au sein gauche, et attribuai alors son état à
l'action de cette cause physique sur son imagination ; mais l'effet ne se
produisait que quelques instants toutes les vingt-quatre heures, et toujours au
même moment. Il se produisit encore quelquefois, puis je n'en entendis plus
parler…
Remarque. – On sait combien les faits spontanés de ce genre sont
nombreux ; le Spiritisme les remet en mémoire, parce qu'il donne la seule
explication rationnelle qu'il soit possible d'en fournir. Certes, il y en a
dans le nombre qu'on pourrait à la rigueur attribuer à ce que l'on est convenu
d'appeler hallucination, ou à une préoccupation de l'esprit ; mais il n'en
saurait être ainsi quand ils sont suivis d'une réalisation matérielle. Ils sont
d'autant plus importants, lorsque leur authenticité est reconnue, qu'ils ne
peuvent, ainsi que nous l'avons dit dans un article précédent, être mis sur le
compte de la jonglerie.