Poésie spirite
Inspiration d'un ci-devant incrédule à propos du Livre
des Esprits, par le docteur Niéger.
27 décembre 1864.
Tel cet infortuné, victime d'un naufrage,
Au milieu des débris se sauvant à la nage,
Brisé par la fatigue et perdant tout espoir,
Adressant au pays qu'il ne doit plus revoir
Un dernier souvenir, et priant pour son âme ;
Quand soudain sur la vague apparaît une flamme
D'une terre inconnue indiquant les abords,
Le pauvre naufragé redouble ses efforts,
Et bientôt, abordant la rive tutélaire,
Au Seigneur tout d'abord adresse une prière,
Et, sentant désormais en lui naître la foi,
Promet à son Sauveur d'obéir à sa loi !
Tel je sentis un jour, en lisant votre ouvrage,
Dans mon cœur désolé renaître le courage.
Longtemps préoccupé de chercher les secrets
De l'organisme humain, je voyais des effets,
Mais ne pouvais saisir une cause inconnue
Qui semblait pour jamais échapper à ma vue.
Votre livre, en m'ouvrant des horizons nouveaux,
Vint sur-le-champ donner un but à mes travaux.
J'y vis que jusqu'alors j'avais fait fausse route,
Et la foi dans mon cœur dut remplacer le doute.
L'homme, en effet, sortant des mains du Créateur,
Ne peut être ici-bas jeté pour son malheur,
Car une sainte loi, par Dieu même donnée,
De l'univers entier règle la destinée !
Son nom, c'est le progrès, et c'est pour l'accomplir
Que les hommes entre eux doivent se réunir.
Quel merveilleux tableau, que de brillantes pages,
Dans ce livre qui suit l'homme à travers les âges,
Qui montre tout d'abord les premiers des humains,
Demandant le bien-être au travail de leurs
mains !
L'instinct seul, dira-t-on, le guidait dans la
vie !
Oui ! mais l'instinct plus tard deviendra le
génie.
L'homme en lui sentira naître le feu sacré,
Et, par l'esprit du bien toujours mieux inspiré,
Du démon terrassé brisant la lourde chaîne,
A grands pas désormais marchera dans l'arène.
Là, sur un frêle esquif, de hardis matelots
De la mer en fureur vont affronter les flots.
Ils s'élancent… Soudain la vague redoutée
Devant un tel défi recule épouvantée.
Là, de l'aigle imitant le vol audacieux,
On voit l'homme essayer de monter jusqu'aux
cieux !
Plus loin, sur un rocher, son incroyable audace
Des profondeurs du ciel ose sonder l'espace ;
De l'immense univers il découvre la loi,
Et du monde bientôt devient l'unique roi !
Là ne s'arrête pas son ardeur incroyable :
Dans un tube enfermant la vapeur indomptable,
Il s'avance monté sur ce dragon de feu ;
Les plus rudes travaux ne sont pour lui qu'un
jeu ;
Imprimant en tous lieux la trace du génie,
Où dominait la mort, il fait naître la vie.
Il semblerait qu'ici va finir son essor ;
Mais l'inflexible loi demande plus encor,
Et nous verrons bientôt ce maître de la terre
A la nue enflammée arrachant le tonnerre,
En docile instrument transformant sa fureur,
En faire de la poste un humble serviteur !
Ainsi donc pas de borne à la science humaine.
A l'homme Dieu donna l'univers pour domaine ;
C'est à lui de chercher, par de constants efforts,
Du corps et de l'Esprit les merveilleux rapports.
C'est à lui, s'écartant de la route battue,
De dégager enfin la brillante inconnue
Qui depuis si longtemps se cache à son regard.
Levons donc du progrès le brillant étendard ;
Abordons sans tarder la vaste carrière
Ouverte à nos efforts… L'amour et la prière :
Voilà les mots sacrés inscrits sur nos drapeaux !
Sous cette égide, amis, poursuivons nos travaux.
S'il nous fallait un jour succomber dans la lutte,
Nous demandons, Seigneur, que du moins notre chute
Inspirant à nos fils le courage et la foi,
Ils assurent enfin le règne de ta loi.